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20 décembre 2010

Rwandais accusés d’avoir abattu Habyarimana : les stupéfiantes révélations de leurs avocats

Dans le cadre de l’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Rwandais Juvénal Habyarimana, Les juges français Nathalie Poux et Marc Trévidic se sont rendus à Bujumbura du 5 au 15 décembre 2010. A cette occasion, ils ont entendu six des « suspects », James Kabarebe, Sam Kanyamera, Charles Kayonga, Jackson Nziza, Frank Nziza et Jacob Tumwine, visés par des mandats d’arrêt internationaux délivrés par le juge Bruguière en 2006. Vu l’état de la procédure, ils ont notifié aux intéressés la lecture de leurs droits dans le cadre de leur mise en examen. Au terme de ces auditions et après avoir entendu leurs explications, tous les mandats d'arrêt  ont été levés et aucun mandat de dépôt n’a été délivré. Présents pour les assister, Maîtres Lev Forster et Bernard Maingain répondent ici en exclusivité aux questions d’AFRIKARABIA.


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Photo : les avocats Lev Forster et Bernard Maingain

AFRIKARABIA : - Maîtres Lev Forster et Bernard Maingain, vous êtes les avocats de plusieurs hauts gradés rwandais visés par ce qu’on appelle « l’enquête Bruguière » sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. Le juge français avait délivré des mandats d'arrêt internationaux concernant neuf Rwandais. C hacun sait que celui de Rose Kabuye a été levé voici deux ans. Or on parle aujourd’hui de la levée de six mandats d'arrêt internationaux. Total, sept. Il en manque donc encore deux ?

Bernard MAINGAIN : - Effectivement, sur les neuf mandats d'arrêt internationaux, celui de Rose Kabuye, a été levé voici deux ans. Nos autres clients, avec Me Jean-Marie Mbarushimana, sont MM. James Kabarebe, Sam Kanyamera, Charles Kayonga, Jackson Nziza, Frank Nziza et Jacob Tumwine. Tous ces hauts gradés rwandais sont à présent libres de leurs mouvements. Après avoir été entendus par les deux juges d’instruction Nathalie Poux et Marc Trévidic qui ont repris le « dossier Bruguière », ils ont fourni les explications nécessaires et se retrouvent simplement « mis en examen », avec accès au dossier.

AFRIKARABIA : - Et les deux autres ?

Lev FORSTER : - Il s’agit du supposé « capitaine Eric Hakizimana » - également orthographié « Hakizamana » dans l’ordonnance, et du général Kayumba Nyamwasa. Le second a fui le Rwanda et semble résider en Afrique du Sud. Il n’a pu être entendu par les juges d’instruction, sa situation reste donc inchangée.

Bernard MAINGAIN : - Le problème d'Éric Hakizimana semble particulièrement intéressant car il est considéré dans l’ordonnance du juge Bruguière comme l'un des hommes qui ont abattu l'avion le 6 avril 1994. Nos clients ont recherché cet homme partout au Rwanda et ailleurs, mais ils n'en n'ont trouvé aucune trace. Selon nos clients, il n'existe tout simplement pas ! Nous avons signalé au juge Trévidic cette étrange  « disparition ». C'est alors que notre confrère Me Meillac, avocat de la veuve du président Habyarimana - qui s'est constituée partie civile dans ce dossier -, a annoncé qu'Éric Hakizimana serait mort depuis longtemps. Nous sommes étonnés que cette information capitale soit communiquée tardivement au magistrat instructeur et comme par hasard, au moment où nous attirons l’attention du juge sur Hakizimana. Me Meilhac dit qu'il est mort ? Nous rétorquons : aucune trace de cela ... Qu’il amène donc  les preuves de son existence et de son décès. Nous enquêterons alors sur les éléments que notre confrère voudra bien apporter.

AFRIKARABIA : - Comment est-il possible qu'une des parties civiles n'ait pas communiqué en temps utile au juge d’instruction cette information en sa possession ?

Lev FORSTER : - Cette apparente négligence s'inscrit dans la réalité de ce dossier d'instruction que nous avons pu consulter à partir du moment où Rose Kabuye, chef du protocole du président de la République du Rwanda, a été interpellée et entendue par le juge. Nous sommes allés de surprise en surprise. Il est alors apparu que l'instruction du juge Bruguière ne l'avait pas été "à charge et à décharge" comme il se devrait, mais uniquement à charge.

AFRIKARABIA : - Pour quelle raison ?

Bernard MAINGAIN : - Nous soupçonnions une lourde implication du politique dans ce dossier. Les récentes révélations de Wikileaks l’ont confirmé. Nous savons aujourd'hui que le juge Bruguière a négocié ou discuté la délivrance des mandats d'arrêt internationaux avec les autorités politiques françaises. Il s'agit d'une sérieuse violation des règles de l'instruction. Nous savons également que le juge Bruguière a discuté avec des diplomates américains du contenu de ce dossier. Tout ceci constitue un ensemble de très graves anomalies.

AFRIKARABIA : - Y a-t-il eu à votre connaissance d’autres interférences dans le dossier ?

Lev FORSTER : - Ce qui caractérise ce dossier, c'est que des personnes ayant une réelle compétence ont laissé l'instruction dériver. On sait aujourd'hui le rôle du capitaine Paul Barril dans l'ouverture de l'instruction judiciaire. Il est patent que le capitaine Barril a ensuite participé à ce qu'on appelle une "opération d'enfumage". Il semble avoir joué un rôle de premier plan dans la récupération et la disparition de pièces à conviction. Il a joué un rôle en introduisant dans l'équipe du juge Bruguière au moins une personne avec qui il entretenait des liens professionnels ou qui lui servait d'intermédiaire avec le président Habyarimana.

AFRIKARABIA : -  Vous voulez parler de l’espion Fabien Singaye ?

Bernard MAINGAIN : - Effectivement, cet homme était un espion professionnel au service du président Habyarimana et de sa maisonnée. À ce titre, Il était en relations d'affaires avec le capitaine Barril. Il se présente actuellement comme conseiller spécial du Président Bozizé. Comment un tel personnage au gros carnet d’adresses - il travaille aujourd’hui pour AREVA - a-t-il pu se retrouver comme interprète assermenté et comme expert au service du juge Jean-Louis Bruguière ? C'est un problème qu’il faudra élucider pour comprendre les dérives de l'instruction judiciaire. Il faudra également expliquer l'extraordinaire mansuétude dont a bénéficié le capitaine Barril à l'issue de ses auditions confuses et contradictoires. Mais il n’est pas la seule personne interrogée par le juge Bruguière à avoir fourni des explications manifestement insuffisantes.

AFRIKARABIA : -  Vous pensez à quelles personnes ?

Lev FORSTER : -Nous pensons en particulier au général Jean-Pierre Huchon et au colonel Grégoire de Saint-Quentin. Le général Huchon s'est bien gardé d'expliquer par le détail sa rencontre avec une délégation rwandaise de haut niveau, conduite par le chef d’Etat-major adjoint des FAR en mai 1994, en plein génocide. Quant au colonel Grégoire de Saint-Quentin, qui s'est trouvé très rapidement sur les lieux de l'attentat, ses déclarations sont manifestement insuffisantes et donnent l’impression qu'il est loin de dire tout ce qu'il sait.

AFRIKARABIA : -  Que pouvez-vous nous relater sur  le déroulement des auditions menées par les juges français au Burundi ?


Bernard MAINGAIN : - Nous devons d'abord dire qu'il s'agissait de la part des juges d'un geste d'apaisement et de respect qui honorera le fonctionnement de la justice française car il permet de progresser réellement dans la voie de la vérité, et malheureusement nous ne croyons pas que le juge Bruguière aurait pris ce genre de décision.

Lev FORSTER : - Permettez-moi d’ajouter que depuis que la Défense a accès au dossier, nous avons pu comprendre comment il a dérivé, et nous devons dire que notre intervention a bouleversé le cours de l'instruction. Quant au choix du Burundi,  il s’est trouvé être un  pays acceptable par les magistrats instructeurs comme par nos clients. Ces derniers bénéficient de la présomption d'innocence, est-il nécessaire de le rappeler ?

AFRIKARABIA : - Il y a donc eu une négociation avec les juges pour choisir d'entendre vos clients au Burundi ?

Bernard MAINGAIN : - Les magistrats ont compris que c'était la solution la plus pertinente pour entendre nos clients en évitant l'épée de Damoclès d'un risque d'arrestation. Les auditions ont eu lieu dans une maison isolée de la capitale du Burundi, très bien gardée. Selon les règles du droit, les magistrats instructeurs ont entendu nos clients en présence du procureur général du Burundi ou de son adjoint. Une équipe des deux traducteurs a été désignée par l'ambassade de France. Il s'agit de traducteurs qui ont déjà travaillé dans des conférences de l'Union africaine. La qualité de leur travail, leur honnêteté, ont été constatées par toutes les personnes présentes.

AFRIKARABIA : - Les auditions ont duré longtemps ?

Bernard MAINGAIN : - Les juges français sont arrivés à Bujumbura le 5 décembre et ont commencé leur travail le 6 en fin de matinée. Les auditions se sont poursuivies sans désemparer jusqu'au 14 décembre à 20 heures. Chaque audition a pris au moins une journée et la plus longue, une journée et demie. Les juges avaient des questions très précises et très détaillées. Nos clients y ont répondu également de façon très documentée.

AFRIKARABIA : - Lequel de vos clients a été le plus longuement interrogé ?

Bernard MAINGAIN : - Il s'agit de l'actuel ministre de la Défense du Rwanda, James Kabarebe.

AFRIKARABIA : -  Qu'a-t-il dit ?

Lev FORSTER : - Nous n'avons pas le droit de révéler des déclarations qui sont couvertes par le secret de l'instruction. Mais nos clients nous ont autorisés à rendre publique une série de faits qui, eux, ne sont pas couverts par ce secret de l'instruction.

AFRIKARABIA : - Quels clients ?

Bernard MAINGAIN : - D'abord M. Jackson Nziza. Il a été très surpris d'être visé par un mandat d'arrêt du juge Bruguière. Dans la période 1992-1994 il n'était qu'un "junior officer" qui n'avait aucun lien avec le "Chairman" Paul Kagame, ni avec l'état-major de l'Armée patriotique rwandaise (APR), basée à Mulindi. Il était déployé à l’époque du côté des montagnes des Virunga ainsi que dans la commune de Rushaka. Il était dans l'impossibilité absolue d'avoir le moindre rôle dans une action menée à Kigali le 6 avril 1994, comme le prétendent des accusateurs qui, il est vrai, se sont rétractés depuis lors. 

AFRIKARABIA : - Pourquoi donc s’est-il retrouvé incriminé par le juge Bruguière ?

Bernard MAINGAIN : - Monsieur Nziza a eu après la victoire de l'Armée patriotique un rôle très important dans le dispositif militaire comme J2 puis J5 dans "l'Intelligence service" de l'armée rwandaise. Nous pensons que les juges français ont parfaitement compris les éléments de sa biographie et les raisons pour lesquelles, en tant que le patron du Renseignement militaire de l'armée, il a suscité la haine de certains, qui ont tout fait pour l'impliquer dans la procédure Bruguière.

AFRIKARABIA : - Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?


Bernard MAINGAIN : - Après la victoire du Front patriotique en juillet 1994, le nouveau gouvernement rwandais a eu beaucoup de difficultés à reprendre le contrôle de certaines ambassades. Ce fut le cas tout particulièrement de l'ambassade du Rwanda à Nairobi dont le bâtiment était contrôlé par les génocidaires bénéficiant du soutien du président de la république kenyane M. Arap Moï. Missionné pour prendre possession du bâtiment, Jackson Nziza est parvenu habilement à y pénétrer et à le rendre à son gouvernement légitime. Par la suite, il a réussi à introduire un journaliste de CNN dans une tractation de ventes d'armes entre des négociants égyptiens et des représentants des ex-FAR, l'armée du génocide réfugiée au Zaïre. Les révélations du journaliste ont fait échouer l'opération. Ces deux brillantes opérations ont valu à M. Jackson Nziza une promotion  à la tête des services de renseignement de l’Armée patriotique. Mais depuis cette date, du côté des anciens génocidaires, notamment des FDLR qui ont succédé aux ex-FAR, on voue une haine mortelle à M. Nziza. C'est dans ces conditions qu'il a été dénoncé au juge Bruguière.

Lev FORSTER : - La mise en cause de  Jackson Nziza dans l’attentat est un non-sens absolu, mais bien la preuve par A + B de la manipulation de l’instruction. Au fil des années, cette instruction est devenue un fourre-tout où un groupe de gens mal intentionnés tentait de jeter ceux qu’ils détestaient.

AFRIKARABIA : - Avez-vous des informations sur la situation réelle de son quasi-homonyme, Frank Nziza, au sein de l'Armée patriotique rwandaise ?


Bernard MAINGAIN : - Frank Nziza, le supposé second tireur, n’a jamais appartenu au prétendu network commando. Il fut occupé dans un peloton de la garde de Paul Kagame, dans le groupe en charge de la sécurité extérieure. Il n’était pas à Kigali au moment de l’attentat et il a fourni la liste de nombreux témoins pouvant attester de sa présence réelle. Il est venu à Kigali après la guerre et n’a jamais participé à des combats. C’est encore un non-sens absolu.

AFRIKARABIA : - Ce sont des informations fournies par James Kabarebe aux juges ?

Bernard MAINGAIN : Ne nous demandez pas de parler de cela.

Lev FORSTER : - Par contre, nous sommes autorisés à vous révéler que deux des supposés « témoins importants » du juge Bruguière, Evariste Musoni et Innocent Marara  qui auraient également fourni des informations  de première main sur l’attentat n’ont rejoint les rangs de l’Armée patriotique qu’en mai 1994. Le temps de leur instruction au métier des armes, ils n’ont pratiquement contribué à aucune action. Prétendre avoir participé à la protection de Paul Kagame à l’Etat-major de Mulindi en 1993 et 1994 est tout simplement ridicule.

AFRIKARABIA : - Vos clients apportent des preuves de quelle nature ?

Bernard MAINGAIN : - Il existait un dispositif précis de protection de Paul Kagame en 1994. C’était une procédure très particulière. Il y avait d’abord une unité de protection qui se tenait à une certaine distance de l’état-major et ne pouvait s’en approcher. Il y avait ensuite un groupe d’hommes triés sur le volet pour une protection à faible distance. Et enfin un groupe de cinq personnes assurant la protection rapprochée, dont les identités sont connues. Parmi ces cinq hommes, le « Chairman » en avait choisi un seul chargé de porter des messages. Le « roman » de MM. Evariste Musoni et Innocent Marara ne correspond à rien de réel.

AFRIKARABIA : - James Kabarebe est aussi un témoin intéressant des événements des 6 au 8 avril 1994…


Lev FORSTER : - Effectivement. Il détient le récit complet des événements qui ont eu lieu du côté de l’Armée patriotique à partir de la chute de l’avion : comment l’information a été connue, ce que chacun a dit et fait, les instructions aux divers bataillons jusqu’aux jours qui ont suivi…

Bernard MAINGAIN : - … et ce « film des événements » n’a rien à voir avec la fable qui a été servie au juge Bruguière et relayée par certains sur des troupes de l’APR qui auraient fait mouvement avant même l’attentat. Nous rappelons que pour la mise en oeuvre de accords de paix d’Arusha, un bataillon du Front patriotique était stationné dans l'immeuble du Parlement à Kigali, qu'on appelle le CND. L’attentat les a pris de court et ils ont été aussitôt la cible des tirs des FAR. L’attentat a également surpris l’état-major du FPR qui a voulu voler au secours du bataillon de Kigali en mauvaise posture. Les troupes du FPR ne se sont pas mises en mouvement aussitôt, comme le prétendent de faux témoins. Il y eut réunion de l’Etat major et rencontre avec le représentant de la Minuar. Des messages précis ont été transmis en vue de demander l’arrêt des massacres et des hostilités. Ces messages n’ont pas été suivis d’effet.   Les troupes  se sont mises en marche sur instruction du chairman, très exactement le 8 avril à 20 heures, de nuit, et elles ont réussi une percée jusqu’au bataillon du CND, la jonction n’étant réalisée que le 11 avril dans la journée. C’est alors seulement que le bataillon de Charles Kayonga au CND a été sauvé de l’anéantissement.

AFRIKARABIA : - Ce n’est pas la thèse d’un attentat soigneusement préparé par le FPR contre l’avion, attentat qui aurait été précédé de mouvements de troupes ?

Bernard MAINGAIN : - Encore une fable qui s’effondre : les seules initiatives militaires consécutives à la chute de l’avion, ce sont celles des unités des FAR qui se répandent dans Kigali pour commencer les tueries de Tutsi et de Hutu démocrates Le batailon du CND subit des tirs d’artillerie dès le 6 au soir. Le même soir, Charles Kayonga est informé des premiers massacres par les visiteurs du C.N.D. qui rentraient en ville ce jour-là.

Lev FORSTER : - Seules des personnes qui ne se sont jamais rendues au Rwanda pouvaient croire un autre récit. Aujourd’hui encore, la façade de l’immeuble du CND porte les traces des obus qui l’ont frappé. C’est une des premières choses qu’on voit en arrivant au Rwanda, car le CND se trouve entre l’aéroport et le centre-ville. La chronologie des événements au CND est dorénavant connue et documentée. Le 6 avril au soir, le bataillon s’est terré dans son cantonnement. Mais le  mercredi 7 avril 1994, les services de renseignement de l’APR lui ont fait savoir qu’entre 14 et 16 heures,  les FAR et la garde présidentielle faisaient mouvement et engageaient un dispositif de prise en tenailles très dangereux pour la survie du bataillon des 600 soldats de l’APR. Il a donc été demandé au bataillon de sortir de son cantonnement pour prendre des dispositions avancées empêchant la réussite du siège.  Il y a aussi une émission de la RTLM  qui a alerté le service de Renseignement.

AFRIKARABIA : - De quelle façon ?

Bernard MAINGAIN : - La Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM) a annoncé que des Tutsi s’étaient réfugiés en masse dans le stade Amahoro et qu’il fallait aller « s’en occuper ». Le journaliste de la RTLM a précisé que les éléments de la MINUAR (les Casques bleus) présents sur place ne seraient pas en mesure de les protéger. En principe ce stade était sous la protection de la MINUAR, les Casques bleus encore présents au Rwanda, mais au FPR, tout le monde a compris que cette protection serait illusoire. Il a donc été décidé que le bataillon du CND inclurait le stade Amahoro dans son déploiement, car il n’était distant que d’un kilomètre environ. Encore une fois, tous ces événements sont prouvés, parfaitement documentés. Dommage pour la théorie de ceux qui prétendent que Paul Kagame s’était cyniquement désintéressé du sort des Tutsi.

AFRIKARABIA : - Pourquoi  vos clients apportent-ils ces preuves seulement aujourd’hui, alors que « l’enquête Bruguière » a commencé en 1998 et que les « fables » dont vous parlez ont commencé à « fuiter » peu après ?

Lev FORSTER : - Depuis le début de l’enquête menée en France, les autorités rwandaises ont dit et répété que les thèses du juge Bruguière, qui faisaient l’objet de « fuites » continues, n’avaient rien à voir avec la réalité. Elles ont dit et répété que c’était un montage grossier, et réclamé que le juge vienne au Rwanda constater l’ineptie de la chronologie des évènements et des témoignages qu’il avançait. Ce n’est pas la faute des autorités rwandaises ni de nos clients si le juge Bruguière s’est obstinément refusé à venir au Rwanda pour vérifier si ce que certains lui disaient était vrai.

AFRIKARABIA : - Ca paraît extravagant de la part d’un juge ?

Lev FORSTER : - Les stratégies de désinformation ont joué un rôle considérable dans ce dossier. Si considérable qu’on les voit aujourd’hui encore à l’oeuvre. Nous sommes stupéfaits lorsque nous lisons certains commentaires sur ce qui s’est passé à Bujumbura ces derniers jours. On met en relief ici ou là que nos clients « ont été mis en examen » comme si les investigations des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux les accablaient. On oublie de préciser que ces mises en examen montrent le recul des incriminations, entraînant au contraire la levée des mandats d’arrêt internationaux. On oublie d’expliquer que l’accusation est à présent décapitée ! La situation est à l’inverse de ce qu’avancent certains journaux.

AFRIKARABIA : - Vous pensez au journal Le Monde qui parle de « curieux détour par Bujumbura »  et qui ajoute concernant vos clients « qu'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable leur culpabilité. » ?


Bernard MAINGAIN : - Nous ne souhaitons pas citer les titres de journaux qui nous ont surpris. Lev et moi ne l’avons jamais fait de toute notre carrière ; au contraire nous avons pris la défense de journalistes persécutés. Nous respectons la liberté de la presse, chacun peut écrire ce qu’il veut, en son âme et conscience. Nous constatons simplement que la façon dont l’évolution judiciaire de l’instruction est relayée ne correspond souvent pas à la réalité, aujourd’hui comme hier. Nous voudrions que le public comprenne que la mise en examen de nos clients démontre plutôt que le dossier se dégonfle les concernant. Qu’il s’agit d’une évolution normale compte-tenu des accusations sans fondement, des manipulations dont ils ont été l’objet. Ils n’auraient pu être valablement entendus sans mise en examen. La levée des mandats n’était pas automatique. C’est pourtant ce que les juges ont décidé. Et suite logique, il n’y eut ni mandat de dépôt ni contrôle judiciaire. Une immense victoire pour la défense.

Lev FORSTER : - Faut-il rappeler le b.a.-ba du droit ? La mise en examen a remplacé l’inculpation pour préserver la présomption d’innocence et respecter les droits de la personne en cause. Vu l’état de la procédure, les juges ont lu à nos clients leurs droits dans le cadre de leur mise en examen. Au terme de ces auditions et après avoir entendu leurs explications, tous les mandats d’arrêts  ont été levés et aucun mandat de dépôt n’a été délivré.

AFRIKARABIA : - Pouvons-nous revenir sur cette phrase lue dans un journal du soir « qu'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable leur culpabilité. » ?

Lev FORSTER : -  Il n’y a rien de tout cela. Les explications fournies par nos clients ont donné un tout autre éclairage à ce dossier et des éléments de fait précis ont été portés à la connaissance des juges en vue de démontrer que la première partie de la procédure était plus le produit d’une manipulation qu’une instruction à charge et à décharge. Malgré ce qui a été écrit ici ou là, chacun comprend que la mainlevée des mandats constitue une étape très significative de la procédure et un moment important pour les relations entre la France et le Rwanda. Insinuer que la mise en examen de nos clients les accable serait de la mauvaise foi. Bien au contraire, la Défense se réjouit de cette issue. Si la culpabilité de nos clients était si évidente, le juge n’aurait pas levé les mandats d’arrêt et il aurait au contraire délivré des mandats de dépôt.

AFRIKARABIA : - Il n’y a pas que des journalistes à participer aux manipulations autour de la procédure Bruguière, mais aussi des écrivains, comme Pierre Péan…

Lev FORSTER : - Nous ne voulons pas non plus entrer en polémique avec le groupe des vrais-faux experts qui circule en Europe. Mais il nous semble que le livre de Pierre Péan « Noires fureurs, blancs menteurs » porte bien son nom. Que reste-t-il aujourd’hui des thèses avancées par Monsieur Péan ? Et de tous ceux qui ont avancé le pseudo récit du « lieutenant » Abdul Ruzibiza, le premier des faux témoins du juge Bruguière… ?

AFRIKARABIA : - Précisément, Abdul Ruzibiza a porté des accusations précises et publié un livre qui semble avoir été écrit ou réécrit par deux universitaires français aujourd’hui bien discrets… ?

Bernard MAINGAIN : - Avant son décès, Abdul Ruzibiza a présenté trois versions successives de ses accusations. Dans le livre qu’il signe, il se présente comme un des acteurs de l’attentat. Ensuite, il ne tarde pas à affirmer qu’il a tout inventé. Dans sa troisième version, il dit qu’il n’était pas sur les lieux de l’attentat. Ce qui n’aurait pas été difficile à vérifier par le juge Bruguière : travaillant comme infirmier, Ruzibiza se trouvait bien loin de Kigali, loin du front. Le dossier pouvait être très vite démonté si le juge avait contrôlé les informations sur le terrain.  Récemment, Ruzibiza disait aussi en substance : « J’ai reçu la confession de M. A. et j’ai assumé son témoignage en le mettant à la première personne ». Il dit aussi qu’il a pris sur lui ce témoignage, car les « Services » français lui ont dit que c’était plus crédible comme ça. Il dit aussi que l’autre témoin M. Ruzigana n’était pas concerné. Lorsqu’ils sont rentrés en France, Ruzigana et Ruzibiza  ont commencé par nouer des contacts avec les FDLR, la rébellion des ex-génocidaires qui sévit aujourd’hui encore au Nord-Kivu. C’est un fait avéré, reconnu.

Lev FORSTER : - Voici ce qui reste du témoignage du supposé « homme-clef » de l’accusation et de ses acolytes. Est-il besoin d’ajouter que ces gens-là ont perdu tout crédit ?

Bernard MAINGAIN : - En ce qui concerne un autre témoin clef de l’accusation, Richard Mugenzi, supposé avoir capté des messages « en clair »  où le FPR revendiquait l’attentat, il est à présent avéré qu’il s’agissait d’une manipulation du colonel Nsengiyumva, quelques heures seulement après l’attentat. Ce n’est pas à vous que nous allons l’apprendre, puisque c’est la matière de votre dernier livre(1).

Lev FORSTER : - On voit bien que le dossier Bruguière se vide de tout contenu.

AFRIKARABIA : - Vous avez évoqué au début de cette interview les pressions politiques sur le dossier. Pourquoi n’avoir pas réclamé l’annulation de toute la procédure ? Les interventions politiques auprès du juge Bruguière sont aujourd’hui documentées !

Lev FORSTER : - Nous avons en effet la preuve des interférences politiques dans un dossier où les politiques n’ont cessé d’alléguer « l’indépendance sacrée de la Justice et des juges ». Le juge Jean-Louis Bruguière était lui-même un militant au sein d’un parti politique qui l’a investi comme candidat à une élection législative. Le juge Bruguière aurait même parlé de son dossier au président de la République d’alors.

Bernard MAINGAIN : - Wikileaks a démontré que le juge Bruguière a violé le secret de l’instruction, ce qui est d’une gravité extrême.  Il existe une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet, et notamment un arrêt célèbre. En Belgique, dans l’affaire du rapprochement entre la BNP et le groupe Fortis, il a été prouvé que des membres du cabinet du Premier ministre belge ont communiqué avec des magistrats. Le Premier ministre Yves Leterme a été contraint de proposer la démission de son gouvernement. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre les magistrats en cause.

AFRIKARABIA : - Pourrait-on imaginer une telle issue en France ?

Bernard MAINGAIN : - Pour notre part, nous avons préféré aller au fond du dossier pour en extraire la vérité : une gigantesque manipulation montée contre nos clients, avec des opérations de désinformation énormes.

Lev FORSTER : - Nous pensons qu’il s’agit d’un des pires scandales judiciaires intervenus en France au XXe siècle.  Cette manipulation a pris en otage l’opinion publique française. Elle a tenté d’opposer deux peuples, le peuple français et le peuple rwandais. Il faudra que les auteurs de cette manipulation en rendent compte un jour. Heureusement aujourd’hui, le dossier est instruit par des magistrats vraiment indépendants, soucieux d’aboutir à la seule vérité.

AFRIKARABIA : - Vous espérez un non-lieu en faveur de vos clients ?

Bernard MAINGAIN : - Nous pensons que le juge Trévidic a bien saisi la véritable nature du dossier et nous espérons qu’effectivement, lorsque les expertises balistiques lui seront remises dans quelques semaines, il aura tous les éléments en main pour conclure à l’innocence de nos clients.  Il y a de très bons experts en balistiques venus d’Ecosse. Nous avons également communiqué au juge de nombreux témoignages recueillis par la « Commission Mutzinzi » qui a fait un très gros travail sur l’attentat.

AFRIKARABIA : - Si vos clients sont reconnus innocents, ça ne suffira pas à la manifestation de la vérité. Il faudra bien trouver qui a réellement commis l’attentat du 6 avril 1994, lequel a servi de déclencheur au génocide des Tutsi ?


Lev FORSTER : - Chaque chose en son temps. Le travail de la Défense est de démontrer l’innocence de nos clients.  Mais lorsque cette innocence aura été reconnue, nous sommes certains que les juges exploreront les autres pistes.

Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER


Lire également sur Afrikarabia : "RWANDA : l’enquête du juge Bruguière explose en plein vol"

(1) Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais. Editions Karthala, Paris, septembre 2010. 29 euros.

11:08 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)

19 décembre 2010

RWANDA : l’enquête du juge Bruguière explose en plein vol

Après douze ans d’instruction sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais Habyarimana, les nouveaux juges « antiterroristes » français Nathalie Poux et Marc Trévidic ont levé les mandats d’arrêt internationaux qui avaient été lancés en 2006 contre des suspects rwandais par le juge Jean-Louis Bruguière. L’accusation marque le pas et pourrait aboutir à un non-lieu. Un coup de théâtre en perspective !

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Photo : L'épave du Falcon 50 de Juvénal Habyarimana en décembre 1995. Au premier plan, le président rwandais Pasteur Bizimungu.

Le mercredi 6 avril 1994 vers 20 h 30, le Falcon-Dassault du président rwandais Juvénal Habyarimana est touché par deux missiles alors qu’il s’apprête à atterrir à Kigali. L’avion explose et ses débris tombent sur la résidence présidentielle, située à proximité de l’aéroport. Tous les occupants sont tués, à commencer par le président du Rwanda, son collègue du Burundi Cyprien Ntaryamira et les trois membres français de l’équipage. Un épais mystère entoure l’attentat. Et depuis lors, deux thèses s’affrontent.

Un attentat des extrémistes hutu ?

Pour les uns, l’attentat a été commis à l’instigation des extrémistes hutu, qui ne veulent pas du partage du pouvoir et de la paix avec la rébellion majoritairement tutsi de Paul Kagame, paix à laquelle vient de se résigner le président du Rwanda. A l’appui de cette thèse, le fait que le génocide des Tutsi et le massacre des Hutu démocrates commence quelques minutes après l'attentat, menés par la Garde présidentielle et le Bataillon de reconnaissance, bras armés des durs du régime. Soigneusement planifiée depuis des mois, l’extermination des Tutsi est menée avec méthode partout dans le pays. Elle fera environ un million de morts en cent jours.

Un attentat de la rébellion majoritairement tutsi ?

Thèse inverse : l’attentat aurait été commis par un commando de rebelles du Front patriotique, qui se serait introduit derrière les barrières des Forces armées rwandaises pour « aligner » l’avion. Selon les tenants de cette thèse, Paul Kagame aurait pris cyniquement le risque de voir les Tutsi du Rwanda exterminés, pour s’emparer plus facilement du pays. Et l’Armée patriotique aurait commencé à faire mouvement vers la capitale avant l’attentat.

La désignation du juge Bruguière

Peu après l’attentat, le mercenaire français et ancien « gendarme de l’Elysée » Paul Barril tente de déposer plainte en France au nom d’Agathe Habyarimana, la veuve du président assassiné, qui est sa cliente. Mais le Parquet refuse d’y donner suite. Il réitère en 1998 alors qu’une mission d’information parlementaire s’apprête à analyser le rôle de la France au Rwanda. Cette fois, l’avocate de Paul Barril a déposé une plainte au nom de la famille du co-pilote français. Le célèbre juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière est désigné pour instruire la plainte concernant les victimes françaises de l’attentat. Et il acceptera ensuite que la famille du président Habyarimana, qui réside en France, se porte partie civile.

La « méthode Bruguière »

Convaincu que sa vie serait en danger s’il enquêtait au Rwanda, le juge refusera toujours de s’y rendre et négligera même d’ordonner une expertise balistique. Par contre, il entend longuement les chefs extrémistes hutu emprisonnés à Arusha dans l’attente de leur jugement par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) institué par l’ONU au lendemain du génocide. Ceux-ci pointent du doigt le mouvement rebelle. Le juge français accorde aussi une grande importance au témoignage d’anciens militaires de l’Armée patriotique qui s’accusent d’avoir participé à l’attentat. Très vite, la conviction du juge est faite : l’attentat ne peut avoir été commis que par le FPR de Paul Kagame. L’instruction se poursuivra dans cette seule direction, négligeant toute autre piste.

Une instruction chaotique

Des anomalies ont caractérisé l’instruction. Fabien Singaye, un ancien espion au service de la famille Habyarimana, par ailleurs gendre de Félicien Kabuga (recherché par le TPIR comme le supposé « financier du génocide » et toujours en fuite) est recruté par Bruguière comme interprète puis comme expert. Les « repentis » qui s’auto-accusent de l’attentat ne sont même pas mis en examen après leur audition. Plus tard ils reviennent spectaculairement sur leurs aveux. Le « juge antiterroriste » consulte des hommes politiques et des diplomates étrangers sur l’évolution de son dossier. L’instruction, menée uniquement à charge, « fuite » auprès de journalistes amis, etc.

Les mandats d’arrêt internationaux


Finalement, en novembre 2006, le juge Jean-Louis Bruguière émet neuf mandats d’arrêt internationaux contre de hauts dignitaires de l’armée rwandaise et tente d’obtenir du procureur du Tribunal pénal international, Carla Del Ponte, des poursuites contre le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame (qui bénéficie en France de l’immunité). Il semble que le juge ait obtenu un « feu vert » de l’Elysée et du Premier ministre Dominique de Villepin, adeptes de la thèse du « double génocide » au Rwanda. Bruguière provoque la colère du gouvernement rwandais qui rompt ses relations diplomatiques avec la France.

Bruguière, militant politique

Selon  un  télégramme confidentiel de l’ambassadeur américain à Paris Craig Stapleton, - révélé récemment par Wikileaks -, le juge Bruguière lui avait confié « qu’il avait l’accord du président Chirac » et il n’avait «  pas caché son désir personnel de voir le gouvernement Kagame isolé ». Dans ces conditions, « l’enquête Bruguière » est-elle encore une instruction judiciaire menée par un magistrat indépendant ou une opération politique complaisamment relayée judiciairement ? La question se pose avec acuité lorsqu’en 2007 le juge apporte un soutien public au candidat Nicolas Sarkozy et se présente lui-même aux élections législatives dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne. Les électeurs n’apprécient pas plus son arrogance que sa voiture blindée et ses gardes du corps dans cette circonscription réputée facile. Battu, Jean-Louis Bruguière ne peut décemment considérer sa mise en disponibilité comme une simple parenthèse, mais bien comme un point final à sa vie de juge d’instruction.

Le dossier repris par Marc Trévidic

Jusqu’alors, Jean-Louis Bruguière pouvait s’appuyer sur un magistrat adjoint, le juge Marc Trévidic. Ce dernier reprend la plupart des dossiers. Celui du Rwanda lui paraît simple : les 9 hauts gradés rwandais visés par les mandats d’arrêt ne se présentent pas à son cabinet. Le magistrat s’apprête donc à clore l’instruction et à renvoyer les suspects devant une cour d’assises qui, en leur absence, les condamnera automatiquement au maximum de la peine. C’est ce qu’il explique aux parties civiles et à leurs avocats au mois d’octobre 2008. Une telle issue empêchera définitivement les suspects de s’expliquer judiciairement, sauf à venir se constituer prisonniers en France, ce que personne n’envisage, à plus forte raison alors que les relations diplomatique sont rompues entre le Rwanda et la France.

Coup d’éclat : l’arrestation de Rose Kabuye

En novembre 2008, Rose Kabuye, l’élégante et charismatique chef du protocole du président du Rwanda, est arrêtée en Allemagne, en vertu d’un des mandats d’arrêt lancés par Bruguière, alors qu’elle prépare une visite de Paul Kagame. Si le régime rwandais organise de grandes manifestations de protestation, il ne s’oppose pas au transfert de Rose Kabuye vers la France. Et la confrontation avec Marc Trévidic se passe plutôt bien, d’autant que le juge des Libertés s'oppose à sa mise en détention provisoire. Bientôt, le juge lève le mandat d’arrêt la concernant et l’autorise même à des allers-et-retour entre Paris et Kigali, entre deux interrogatoires.

L’accès au dossier pour les accusés

Jusqu’alors, les Rwandais visés par l'ordonnance Bruguière n’ont pas eu accès au dossier d’instruction. La mise en examen de Rose Kabuye permet à ses deux avocats, le Français Lev Forster et le Belge Bernard Maingain, de s’y plonger. Ils ne tardent pas à en relever les errements. Il semble que les deux juges chargés du dossier, Marc Trévidic et Nathalie Poux, soient à leur tour surpris et leur intime conviction ébranlée par un certain nombre d’anomalies, en particulier l’absence d’expertise balistique. En septembre 2010, Marc Trévidic se rend au Rwanda avec des experts en balistique sur les lieux de l’attentat. Il a l’occasion d’interroger longuement Richard Mugenzi, l’espion-radio des FAR qui aurait « intercepté » le message de revendication de l’attentat par le FPR. L’homme révèle qu’il s’agit d’un montage grossier, que les enquêteurs du juge Bruguière, supposés expérimentés, se sont laissés abuser par une manipulation. En juin 2010, un nouvel interrogatoire d’Abdul Ruzibiza à Stockholm - peu avant sa mort - laisse transparaître que l’accusateur numéro 1 du FPR est un mythomane impénitent.

L’interrogatoire des autres suspects

Si Rose Kabuye a obtenu une simple « mise en examen » qui a levé son mandat d’arrêt, ce n’est pas le cas des autres suspects. Ils doivent préalablement être entendus par les juges français. Mais où ? Les juges refusent de les écouter au Rwanda. A l’étranger, ils seraient immédiatement arrêtés. Finalement, une solution est négociée entre les magistrats français, les avocats Bernard Maingain et Jean-Marie Mbarushimana, et le gouvernement du Burundi. Celui-ci s’engage à ne pas mettre les mandats d’arrêt à exécution, et à trouver un local sécurisé pour les interrogatoires. L’ambassade  de France se charge de trouver des interprètes de qualité.

D’où sont partis les missiles ?

Sur les huit suspects « recherchés », deux manquent à l’appel : Éric Hakizimana, l’un des tireurs présumés, et le général Kayumba Nyamwasa. Le premier est introuvable. Le second, en délicatesse avec le gouvernement rwandais, a fui en Afrique du Sud. Les autres sont longuement interrogés par Marc Trévidic et Nathalie Poux, en particulier le général James Kabarebe, actuel ministre de la Défense du Rwanda. A l’issue de ces auditions, les juges prononcent leur mise en examen, qui permet de lever les six mandats d’arrêt internationaux. C’en est apparemment fini de la crispation judiciaire. On n’attend plus que les expertises balistiques. Si elles  concluaient que les tirs de missiles ne sont pas partis de la vallée de Masaka mais du camp Kanombe, fief de la Garde présidentielle du président Habyarimana, on s’acheminerait sans doute vers un non-lieu général. Et les investigations prendraient la direction opposée.

Jean-François DUPAQUIER

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06 octobre 2010

Jean-François Dupaquier : « Que les Tutsi du Rwanda aient été les cibles d’un complot organisé, c’est une évidence »

Jean-François Dupaquier, écrivain, ancien rédacteur en chef au Quotidien de Paris puis à l’Événement du Jeudi, est depuis 1972 un observateur avisé du Rwanda et du Burundi. Son dernier ouvrage « L’Agenda du génocide » apporte un éclairage nouveau sur la tragédie de 1994. Il a interrogé un témoin de premier plan, Richard Mugenzi, qui avait été recruté dès le mois d’octobre 1990 comme espion par les Forces armées rwandaises (FAR), et quis’est retrouvé au cœur de la machine politico-militaire préparant le génocide. Jean-François Dupaquier en a tiré un livre très instructif de 330 pages, publié aux éditions Karthala.


QUESTION : - Qui est Richard Mugenzi ?

Jean-François DUPAQUIER : - Au départ, j’avais remarqué l’extraordinaire déposition d’un « témoin protégé » en novembre 2002 au procès emblématique du colonel Bagosora, considéré comme « l’architecte du génocide », et de ses complices présumés. Cet homme, sous le pseudonyme « ZF »,  a mobilisé cinq journées d’audiences du Tribunal pénal international d’Arusha, en Tanzanie, où il livrait certains éléments de l’agenda du génocide des Tutsi. Il m’aura fallu sept ans pour le retrouver et le convaincre de raconter toute son histoire. Recruté comme espion radio en 1990 par ceux qui prépareront bientôt la destruction des Tutsi du Rwanda, Richard Mugenzi les côtoie jour après jour. Ce qui lui permet de raconter certains épisodes des préparatifs de l’extermination, et notamment une réunion décisive, qui se tient sous ses yeux en novembre 1992.

QUESTION : - Vous écrivez que le massacre des Tutsi aurait eu sa « conférence de Wannsee », comme la Shoah, à pratiquement 50 ans d’intervalle : 20 janvier 1942, 20 novembre 1992 ?

Jean-François DUPAQUIER : - Le témoignage de Richard Mugenzi, croisé avec d’autres, permet de localiser et de dater la réunion où les conjurés - conduits par le colonel Bagosora - lancent le compte à rebours de l’extermination des Tutsi du Rwanda : le 20 ou 21 novembre 1992. Cette réunion au sommet se tient dans un petit centre militaire secret appelé Butotori, situé près de la ville de Gisenyi qui est la commune de prédilection des extrémistes hutu. Dans mon livre, Richard Mugenzi relate certains épisodes de la réunion.

QUESTION : - Vous voulez dire que le génocide rwandais avait ses Heydrich, Eichmann, et autres criminels de premier plan ?

Jean-François DUPAQUIER : - Effectivement, le génocide, « crime des crimes », aligne ses criminels de premier plan pour appliquer des règles de propagande et d’organisation secrète intangibles - et malheureusement très efficaces. Comme l’extermination des Arméniens de Turquie et plus encore  la destruction des Juifs d’Europe, le génocide des Tutsi rwandais se décide au plus haut niveau par le biais d’organisations para étatiques préparant les assassinats massifs. Comme pour les Juifs dont l’extermination à l’échelle européenne est planifiée à la conférence de Wannsee près de Berlin en 1942, la destruction des Tutsi du Rwanda met en scène des « architectes de la solution finale » : le colonel Théoneste Bagosora, les idéologues Jean-Bosco Barayagwiza et Léon Mugesera. Ils sont en quelque sorte des « nazis tropicaux » dont le discours-programme est avéré, comme était largement connu le programme d’Hitler par Mein Kampf avant la Seconde guerre mondiale.

QUESTION : - Quel programme ?

Jean-François DUPAQUIER : - Léon Mugesera était  sans doute parmi ces fanatiques le plus impulsif, en tout cas le plus acharné à démontrer son zèle. Dès le 22 novembre 1992, au lendemain du « Wannsee rwandais », il multiplie les discours incendiaires dans des communes voisines de Gisenyi. Son discours est simple. En résumé, selon lui les Tutsi ne sont pas des Rwandais, mais des « étrangers » qui nuisent au Rwanda. Et il faut exterminer ces êtres nuisibles.
A l’époque, ce discours a été enregistré. On en trouve de bonnes traductions y compris sur internet. L’intérêt du témoignage de Richard Mugenzi est de montrer l’articulation entre le « Wannsee rwandais » et le discours prononcé notamment à Kabaya le lendemain ou surlendemain, ce discours du 22 novembre 1992 étant parfaitement documenté.


QUESTION : - Vous relevez dans le témoignage de Richard Mugenzi  sur le génocide à Gisenyi des analogies avec les crimes des Einsatzgruppen, ces escadrons de la mort qui ont procédé au massacre de population juive derrière le front de l’Est ?

Jean-François DUPAQUIER : - Il est peut-être anachronique de faire ces comparaisons, mais le génocide des Tutsis du Rwanda ressemble beaucoup à la « Shoah par balles » confiée par Hitler à ses Einsatzgruppen dans les territoires conquis à l’Est par la Wehrmacht. On se focalise sur Auschwitz et ses usines de mort en oubliant trop souvent qu’un quart des Juifs assassinés selon les directives d’Hitler l’ont été avec la participation de la population et au vu de tous, en Europe de l’Est. On déshabille les gens, on les conduit nus en cortège aux fosses communes, au milieu des ricanements, on redistribue les biens pillés aux délateurs, etc. Comme au Rwanda en 1994. Si la propagande distille le venin de la haine au sein de la populace, l’extermination n’est en rien le fruit d’une « colère populaire spontanée ». Elle est au contraire parfaitement organisée.

QUESTION : - Pourtant, certains qualifient encore le génocide au Rwanda de guerre interethnique. Il y a eu des morts chez les  Hutu comme chez les Tutsi ?

Jean-François DUPAQUIER : -  L’expression « guerre interethnique » a été employée très tôt par des personnes peu informées, mal intentionnées, voire carrément négationnistes. Le thème d’une « sauvagerie africaine innée » flatte les plus bas instincts d’Européens supposés « plus cultivés ». Pourtant, de véritables guerres d’extermination inter-ethniques se déroulaient dans les années 1990 à nos portes, dans l’ex-Yougoslavie.

Au Rwanda en 1994, les seuls civils qui exterminent sont des Hutu, encadrés par des miliciens et des militaires. Et les Tutsis sont les cibles. C’est comme si on qualifiait l’extermination des Juifs par Hitler de « guerre inter-ethnique » entre Juifs et Aryens !

QUESTION : - Au Rwanda, comme en Europe il y a 70 ans, l’extermination était précédée de rafles, exactions diverses, humiliations… Mais, dans votre ouvrage, vous montrez qu’elle visait plus particulièrement les femmes tutsi.

Jean-François DUPAQUIER : -  Vous avez raison de relever ce point : l’extermination des femmes et jeunes filles tutsi a largement dépassé en cruauté, en perversité, tout ce qui a été constaté lors de la « Shoah par balles ». Souvent, les pires atrocités précédaient leur mise à mort. C’est aussi le résultat d’une propagande haineuse visant particulièrement les femmes tutsi.

QUESTION : - Certains contestent avec une grande véhémence, notamment sur internet, votre analyse que le génocide des Tutsi du Rwanda avait été programmé ?

Jean-François DUPAQUIER : -  A travers le livre et l’expertise auxquels j’ai participé sous la direction de  l’historien Jean-Pierre Chrétien sur « Les Médias du génocide », il a été démontré que le projet génocidaire était manifeste dans le contenu des médias extrémistes. Il a même été orchestré durant le génocide par la Radio des Mille Collines (RTLM), surnommée à juste titre « Radio-machettes », fondée et dirigée par Ferdinand Nahimana avec le concours d’autres idéologues et politiciens extrémistes. J'observe que notre démonstration a focalisé l’exaspération des négationnistes et de leurs relais.

QUESTION : - Vous êtes l’objet d’attaques virulentes, ad hominem. Pourquoi ne répondez-vous pas ?

Jean-François DUPAQUIER : -  Ces négationnistes sont pour la plupart des énergumènes qui n’ont jamais mis les pieds au Rwanda, qui ne connaissent rien et ne veulent rien connaître du génocide, qui se contentent de ressasser des propos provocateurs et insignifiants, espérant consolider leurs mensonges par des injures. Pourquoi perdre du temps à polémiquer avec ces individus ? Il me paraît plus utile de continuer à enquêter sur la préparation, l’agenda et le déroulement du génocide de 1994, de montrer qu’il existe des témoignages convergents, des dates précises, des relations de réunions et d’autres indices montrant que certains individus, dans le cadre d'un plan directeur, avaient décidé d'éliminer les Tutsi du Rwanda bien avant 1994 et que les tueries ont bel et bien suivi une logique organisée. Que les Tutsi du Rwanda aient été les cibles d’un complot organisé, c’est une évidence, mais il est utile de continuer à le documenter.

QUESTION : - Vous ne craignez pas la répétition des attaques personnelles  après votre nouveau livre sur ce thème ?

Jean-François DUPAQUIER : -  Dans « Les assassins de la mémoire », l’ouvrage de référence sur le négationnisme – qu’on appelait alors « révisionnisme » - le grand intellectuel Pierre Vidal-Naquet, qui avait lui-même été la cible de basses attaques, écrivait : « On ne discute pas avec les révisionnistes ». En ajoutant : « Il m'importe peu que les « révisionnistes » soient de la variété néo-nazie, ou la variété d'ultra-gauche ; qu'ils appartiennent sur le plan psychologique à la variété perfide, à la variété perverse, à la variété paranoïaque, ou tout simplement à la variété imbécile, je n'ai rien à leur répondre et je ne leur répondrai pas. La cohérence intellectuelle est à ce prix ». Pierre Vidal-Naquet ajoutait que les attaques de certains de ces énergumènes « touchent au cocasse ». Quoi dire de plus juste ?

Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi,
ex-espion rwandais. Ed. Karthala, Paris, 2010, 29 euros.

Propos recueillis par
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Voici un extrait de l'interview que Richard Mugenzi a accordé à Jean-François Dupaquier


Rwanda, interview de Richard Mugenzi
envoyé par ChristopheRigaud. - L'actualité du moment en vidéo.

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03 octobre 2010

Rwanda : Un ex-espion révèle les secrets de l'agenda du génocide

Dans le nouveau livre de l'écrivain et journaliste Jean-François Dupaquier, l'ancien espion rwandais Richard Mugenzi raconte "de l'intérieur" les modalités d'organisation du génocide des tutsis en 1994. Un génocide préparé de longue date (dès 1992), prémédité et qui relève de tout, sauf de l'improvisation. La longue interview de l'ancien opérateur radio des FAR, Richard Mugenzi, apporte un éclairage nouveau sur le génocide en nous dévoilant la guerre du renseignement, de la désinformation, des trucages et des mensonges qui entourent le génocide rwandais. Richard Mugenzi révèle également dans cet ouvrage comment le message de revendication de l'attentat contre Juvénal Habyarimana par le FPR était un faux, dicté par sa hiérarchie. Un livre passionnant sur un témoin-clé du génocide.

Capture d’écran 2010-10-03 à 15.05.03.pngLe nouveau livre de Jean-François Dupaquier, « L’agenda du génocide » risque de bousculer nombre d’idées reçues et d’affirmations péremptoires car il apporte une série de révélations sur les deux sujets de discorde. Le journaliste a conduit une longue interview de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, qui se trouvait au cœur du « dispositif génocidaire ». Installé dès 1990 dans le centre militaire secret de Butotori, à l’extrême nord-ouest du Rwanda, Richard Mugenzi est chargé d’écouter les communications radio des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), mais surtout de distiller un flot de fausses interceptions radio pour discréditer la rébellion et pour radicaliser les Forces armées rwandaises (FAR) qui peinent à contenir la poussée rebelle.

Richard Mugenzi a été formé par des militaires français de « l’Opération Noroît » expédiés au Rwanda par François Mitterrand pour consolider le régime de son ami Habyarimana. Le rôle de ces Forces spéciales françaises reste jusqu’aujourd’hui plutôt obscur, mais les révélations – fragmentaires – de Richard Mugenzi ne feront pas plaisir à certains gradés français. Le pire est constitué par les quatre faux télégrammes du 7 avril 1994 où le FPR « revendique » l’attentat contre Habyarimana. Richard Mugenzi révèle qu’il s’agissait de faux grossiers. A l’issue de ses explications, le lecteur s’interroge sur la naïveté de l’équipe du juge Jean-Louis Bruguière, qui avait fait de ces télégrammes truqués l’alpha et l’oméga d’une instruction à charge contre le FPR.

Mais « L’Agenda du génocide » est un livre qui pose bien d’autres questions. En le refermant, on mesure avec inquiétude à quel point les opinions publiques, aussi bien en France qu’au Rwanda, ont été désinformées sur l’enjeu de la guerre civile rwandaise. Et sur ses conséquences calamiteuses : le régime de François Mitterrand est plus que jamais accusé d’avoir soufflé sur les braises de l’un des trois génocides du XXe siècle, ce n’est pas rien…

Jean-François Dupaquier, « L’Agenda du génocide" Ed. Karthala, Paris, 29 euros.

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23 septembre 2010

Rwanda : Adbul Ruzibiza est mort

D'après nos informations, Abdul Ruzibiza, ancien lieutenant rwandais de l'APR et témoin clé de l'attentat contre le président Juvénal Habyarimana est décédé en Norvège.

Afrikarabia logo.pngAbdul Ruzibiza avait déclaré faire partie du commando qui avait abattu l'avion présidentiel le 6 avril 1994 mettant en cause Paul Kagame. Il s'était brutalement rétracté en 2008 affirmant que son témoignage était une invention. Ironie du sort, Ruzibiza venait de d'être réinterrogé par le juge Trévidic dans le cadre d'une nouvelle enquête sur l'attentat sans révéler qui se cachait derrière son faux témoignage (1). Ce décès intervient dans un contexte très particulier. L'enquête de Marc Trévidic semble en effet mettre à mal la thèse du juge Bruguière qui imputait la responsabilité de l'attentat au FPR de Paul Kagame... le témoignage d'Abul Ruzibiza était donc très attendu sur la question.

(1) L'hebdomadaire Marianne affirme au contraire, documents à l'appui, qu'Abdul Ruzibiza avait confirmé l'intégralité de ses premières révélations sur l'implication du FPR dans l'attentat de Juvénal Habyarimana au juge Trévidic. A la question du juge : "Pourquoi êtes vous revenu au cours de diverses entrevues sur le contenu de vos auditions en France ?». Abdul Ruzibiza aurait répondu selon le document de Marianne : « La réponse générale est liée à ma sécurité personnelle et à celle de certains témoins».

 

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03 août 2010

Afrique : Mobilisation contre la famine

On croyait le spectre de la famine disparu des terres africaines. Mais les dernières informations en provenance du Sahel inquiètent les ONG qui craignent une crise alimentaire sans précédent au Tchad, au Mali et surtout au Niger. La mobilisation s'organise autour des Nations-Unies et des principales ONG internationales, à l'image de MSF et de l'agence photo VII qui diffusent des webdocumentaires contre la malnutrition. Au Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), le photographe Franco Pagetti y dénonce l'insécurité alimentaire des enfants.

Afrikarabia logo.pngL'ONU vient de lancer dernièrement un appel à la mobilisation générale contre la famine qui guette le Sahel. Selon les Nations-Unies, il manque 229 millions de dollars pour éviter un grave crise alimentaire qui touche le Sahel et en première ligne le Niger. 300 000 enfants de moins de 5 ans sont menacés de malnutrition et 7 millions de personnes sont victimes d'insécurité alimentaire dans ce pays. D'autres pays sont menacés, comme le Sénégal qui se croyait jusque là préservé des crises alimentaires.

Alors que la famine menace le Sahel, Médecins sans frontières et l’agence photo VII viennent de lancer la campagne Starved for attention. Sept webdocumentaires tentent de sensibliser l'opinion sur la malnutrition à travers la planète, en Afrique, en Amérique et en Asie à la rencontre des populations victimes de l'insécurité alimentaire.

Au Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), le photographe Franco Pagetti dénonce cette "malnutrition qui ne devrait pas exister". Les violents combats dans cette région éloignent les populations des terres fertiles et les privent ainsi de nourriture... un vrai scandale pour Franco Pagetti, alors que les terres du Nord-Kivu regorgent de ressources naturelles.

Christophe Rigaud

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22 juin 2010

RDC : Le fleuve Congo à l’honneur à Paris

Le musée du quai Branly présente tout l’été, à travers 170 oeuvres majeures et 80 documents, une importante exposition consacrée aux traditions artistiques d’Afrique centrale. Le voyage propose une plongée dans la culture des peuplades bantoues du Gabon de la République populaire du Congo et de la République démocratique du Congo (RDC). Une bonne occasion de découvrir des œuvres inattendues et propres à l’Afrique centrale.

1c724824a7.jpgVéritable voyage initiatique menant le visiteur des forêts du Nord aux savanes du Sud, l’exposition démontre les liens existant entre les oeuvres produites dans les régions bordant le majestueux fleuve Congo, par diverses populations de langues bantoues. Derrière la variété des masques et sculptures fang, hemba, kwélé ou kota, l’exposition met en lumière les oeuvres majeures de l’Afrique Centrale, dans leur conception, leurs structures et les liens artistiques qui les rapprochent.

Les trois thèmes explorés par l’exposition sont complémentaires :

* les masques et statues ayant le « visage en forme de coeur », et qui assurent l’unité et l’identité des groupes respectifs ;

* l’importance de l’ancêtre fondateur et des membres éminents de son lignage ;

* la représentation de la femme dans les royaumes de la savane, équilibrant l’autorité des hommes, liée au mystère de la régénération de la terre, de l’agriculture, de la vie humaine.

L’Afrique centrale est habitée par de nombreux groupes humains ayant chacun son identité propre. Malgré leurs différences, leurs oppositions même, ceux-ci s’exprimaient dans des langues communes, usaient d’institutions semblables, engageaient leur vision du monde dans des rituels initiatiques et thérapeutiques, des danses et des incantations adressées aux esprits de la nature et à leurs ancêtres. Les liens culturels qui relient ses populations couvrant la grande forêt et les savanes subéquatoriales affleurent également dans leurs productions matérielles. Les oeuvres majeures présentées ici en témoignent.

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15 juin 2010

RDC : Le Maroc, destination des réfugiés congolais

Le HCR tire la sonnette d'alarme à Rabat, au Maroc. Selon l'organisme onusien d'aide aux réfugiés, la plupart des réfugiés actuellement au Maroc sont originaires de Côte d'Ivoire, mais aussi de République démocratique du Congo (RDC) et d'Irak. Le HCR estime à 27% le nombre de réfugiés originaire de RDC.

DS050616115916.jpgLe HCR observe que ces réfugiés se concentrent dans les grands centres urbains, comme Rabat et Casablanca. En 2009, le HCR comptait environ 800 réfugiés inscrits sur leurs liste, en majorité originaire d'Afrique noire. Mais les ONG sur place notent que bon nombre de réfugiés, originaires d'Afrique subsaharienne y vivent sans être reconnus par le HCR. Ces dernières années, les réfugiés ont considérablement augmenté au Maroc : troubles en Côte d'Ivoire, conflit en Irak, mais surtout les guerres à répétition et sans fin en République démocratique du Congo. Kivu, Ituri, Equateur... la situation désastreuse en RDC depuis plus de 10 ans a jeté sur les routes des centaines de milliers de réfugiés. D'abord vers les pays voisins, puis vers le nord de l'Afrique, dernière étape avant "l'Eldorado européen".

Au Maroc, on s'organise. Selon le responsable du HCR, Johannes Van Der Klaauw, "la pression des réfugiés est une nouvelle donne à laquelle la société marocaine est en train de s'adapter. Le développement d'un cadre institutionnel et législatif relatif à la protection et l'assistance des réfugiés est une question prioritaire pour le HCR".

Photo (c) Christophe Rigaud www.afrikarabia.com

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11 juin 2010

RDC : 30 juin 2010... jour de deuil ?

La nouvelle est encore incertaine, mais l'enterrement du président de l'ONG congolaise la Voix des sans-voix (VSV), Floribert Chebeya, pourrait avoir lieu le 30 juin prochain, le jour des commémorations du 50ème anniversaire de l'indépendance !

logo afkrb.pngD'après le Réseau national des Organisations des Droits de l'Homme du Congo (Renadhoc), l'enterrement serait programmé le 30 juin au cimetière de la Gombe, en plein centre de Kinshasa, qui fêtera à quelques centaines de mètre de là l'indépendance de la RDC sur la boulevard du 30 juin.Hasard du calendrier ou volonté de marquer les esprits, tous les regards seront tournés ce jour-là vers les festivités du cinquantenaire, en présence de nombreux invités étrangers.

Suite au tollé d’indignation provoquée par la mort mystérieuse de ce défenseur des droits humains très respecté, les autorités congolaises ont semblé prendre la mesure de l'affaire : la police a rapidement procédé à l'interpellation et à l'arrestation de certains officiers de la police et le général Numbi, mis en cause dans le meutre de Chebeya a été placé en résidence surveillée. L'enquête n'a pas encore avancé concernant les commanditaires de l'assassinat... une autopsie doit être réalisé prochainement par des légistes néerlandais.

Christophe Rigaud

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09 juin 2010

Affaire Chebeya : Le régime Kabila dans la tourmente

L'assassinat de Floribert Chebeya tombe au plus mal pour Joseph Kabila. A quelques semaines des festivités du cinquantenaire de l'indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), le meurtre du célébre militant des droits l'homme a soulevé une vague d'indignation sans précédent. Plusieurs officiers ont été arrêtés et le chef de la police, un proche du chef de l'Etat, a été placé en résidence surveillée. Si le meurtrier n'a toujours pas été identifié, tous les yeux se tournent vers Joseph Kabila dont le pouvoir est mis en cause dans l'assassinat du président de la Voix des sans voix.

cinquantenaire_logo_1.jpgLes célébrations du cinquantenaire risquent d'avoir un goût amer. L'opposition a annoncé qu'elle boycottait les festivités, le Roi des belges, invité de marque du 30 juin, hésite a annuler son voyage à Kinshasa. et la communauté internationale, Union Européenne et Etats-Unis en tête prennent l'enquête policière en main.

Sale temps pour le président Kabila ! Le chef de l'Etat espèrait profiter du cinquantième anniversaire de l'indépendance de la RDC pour asseoir son image internationale et rassurer les différents bailleurs de fonds, à moins d'un an des élections présidentielles prévues en 2011. Mais un grain de sable est venu perturber les festivités : l'assassinat du plus célèbre militant des droits de l'homme du pays, Floribert Chebeya.

Le tollé soulevé par le meurtre de Chebeya est unanime : les organisations de défense des droits de l’homme, Amnesty International, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme et l’Organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) ont exprimé leurs ‘’vives indignation et consternation’’, suite à la mort de Floribert Chebeya. Dans un communiqué : la Raddho, l’Ondh et Amnesty International condamnent ‘’fermement cette mort qui n’est que la conséquence de la situation d’insécurité totale des défenseurs de droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) qui font l’objet d’intimidations, de harcèlement, d’arrestation’’.

Les trois organisations exigent des autorités congolaises qu’elles prennent ‘’toutes les dispositions pour retrouver le chauffeur et l’ouverture d’une enquête indépendante, afin que toute la lumière sur les circonstances de cette mort soit faite et les auteurs soient punis’’.

Floribert Chebeya Bahizire qui s’est rendu à la police pour répondre à une convocation a été retrouvé le lendemain matin sans vie, allongé dans le siège arrière de sa voiture stationnée à la sortie de Kinshasa. Son chauffeur est également porté disparu et les organisations craignent qu’il lui soit arrivé le même sort.

Christophe Rigaud

14:03 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (9)

06 juin 2010

RDC : Le MLC ne fêtera pas l'indépendance

Le meurtre du plus célèbre des militants des droits de l'homme de République démocratique du Congo (RDC) continue de semer le trouble à quelques semaines des célébrations du cinquantième anniversaire de l'indépendance. Alors que le Roi des Belges hésite désormais à se rendre à Kinshasa pour participer aux festivités, le principal parti d'opposition, le MLC, a décidé de boycotter les célébrations du 30 juin.

Logo MLC.jpgLe Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, a annoncé ne pas vouloir participer aux manifestations commémoratives des 50 ans de l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC). Son secrétaire général, François Mwamba, souhaite protester contre l’assassinat du président de l’ONG de défense des droits de l’Homme, La Voix des sans voix (VSV), Floribert Chebeya. Pour le MLC, l’assassinat de Floribert Chebeya "vient allonger la liste des assassinats en RDC". François Mwamba dénonce ensuite l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des personnes dans le pays

Le célèbre défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya ainsi que son chauffeur Fidele Bazana ont été assassinés dans la nuit de mardi à mercredi à Kinshasa.

17:06 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (5)

Assassinat Chebaya : John Numbi mis en cause

L'étau se resserre autour des commanditaires du meutre du militant des droits de l'homme, Floribert Chebaya. La pression internationale pousse les autorités de Kinshasa à faire vite... et une fois n'est pas coutume, l'enquête progresse rapidement. Le chef de la police de la République démocratique du Congo (RDC) a été suspendu et plusieurs officiers de police ont été arrêtés. John Numbi, réputé très proche du président Kabila, a été suspendu à titre conservatoire afin que l'enquête se déroule sereinement... une première en RDC.

Afrikarabia logo.pngL'officier arrêté, le colonel Daniel Mukalay, chef des services spéciaux de la police, serait passé aux aveux. Selon les diverses agences de presse, il aurait déclaré n'être qu'un simple un exécutant et aurait mis en cause le chef de la police, le général John Numbi. Selon le ministère de l'Intérieur congolais, John Numbi a été placé en résidence surveillée.

L'indignation avait été grande à l'annonce de l'assassinat du président de l'ONG la Voix des sans-voix (VSV), Floribert Chebeya. Le monde entier s'était ému de la fin tragique de ce militant des droits de l'homme de 47 ans, retrouvé mort à l'arrière de sa voiture sur une route de Kinshasa.

L'ONU, les Etats-Unis, l'Union Européenne et 55 ONG internationales ont immédiatement fait pression sur Kinshasa pour que l'enquête se déroule dans les meilleurs délais et soit irréprochable. L'appel a visiblement été entendu par les autorités congolaises... à quelques jours du cinquantième anniversaire de l'indépendance de la RDC. L'assassinat du plus célèbre militant des droits de l'homme congolais pourrait même compromettre la visite d'Albert II de Belgique aux festivités du 30 juin à Kinshasa... un meutre qui tombe bien mal pour Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

12:10 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (7)

03 juin 2010

RDC : La Voix des Sans Voix assassinée !

Mauvais jour pour la démocratie. La nouvelle tragique de l’assassinat de Floribert Chebeya a soulevé une vague d’indignation unanime à Kinshasa. Ce défenseur des droits de l’homme, reconnu et respecté, a été retrouvé mort dans sa voiture sur une route à la sortie de Kinshasa en allant vers la province du Bas-Congo. Qui a donc voulu faire taire la Voix des sans voix ?

Image 1.pngD’après les premiers éléments, son corps a été retrouvé sur le siège arrière de sa voiture et ne portait pas de traces apparentes de violence. Son ONG (la Voix des Sans Voix) avait auparavant publié un communiqué, s’inquiétant de la disparition de son président et de son chauffeur qui n’avaient plus donné de nouvelles après s’être rendus à l’Inspection générale de la police nationale congolaise pour y rencontrer John Numbi.

Les condamnations sont unanimes : la directrice adjointe du programme Afrique d'Amnistie, Véronique Aubert, a indiqué que le groupe était «stupéfait et consterné par la mort suspecte d'un défenseur des droits humains aussi reconnu et respecté». Elle a ajouté que M. Chebeya avait déjà été harcelé par les autorités dans le passé et qu'«il semble avoir payé le prix ultime pour son important travail».

Amnistie internationale affirme avoir noté de plus en plus de cas de harcèlement de militants pour les droits humains en République démocratique du Congo dans la dernière année… une bien mauvaise nouvelle pour la démocratie en RDC.

Christophe Rigaud

15:31 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (15)

31 mai 2010

Joseph Kabila boude le sommet Afrique-France

La République démocratique du Congo brillera par son absence au XXVe sommet Afrique-France de Nice. Le président Kabila sera une nouvelle fois absent d'un grand rendez-vous international. On sait que le président congolais n'apprécie guère ce genre d'événement... mais cette absence fera d'autant plus remarquée la présence du président rwandais Paul Kagame avec qui, Nicolas Sarkozy souhaite poursuivre son rapprochement diplomatique.

afrique.jpg38 dirigeants africains participeront à partir de lundi au XXVe sommet Afrique-France, qui se veut celui de la normalisation des relations entre le continent et l'ancienne puissance coloniale. Cette édition sera fortemment oritentée vers l'économie. Si les chefs d'Etat gardent la main sur les grandes questions abordées à huis clos (place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale, renforcement de la paix et sécurité, climat et développement), pour la première fois, la rencontre est ouverte à des acteurs non étatiques. Cinq ateliers rassembleront les représentants de 150 entreprises africaines et 80 françaises.

Joseph Kabila sera toutefois représenté durant ce sommet par son ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba. L'absence du président Kabila met la France en difficulté pour ce sommet. Paris aurait souhaité pouvoir réunir autour d’une même table les dirigeants des pays des Grands Lacs (Burundi, Ouganda, RDC et Rwanda) et renforcer ainsi son influence dans la région... une occasion ratée pour Nicolas Sarkozy.

Christophe Rigaud

11:33 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (60) | Tags : rdc, rd congo, kabila, sarkozy, nice

26 mai 2010

Eugène Rwamucyo arrêté pendant les obsèques de Jean-Bosco Barayagwiza

La scène se déroule à l'intérieur du cimetière municipal de Sannois dans le Val d'Oise. Une trentaine de personnes sont venus assistés aux obsèques de Jean-Bosco Barayagwiza, décédé en prison où il purgeait une peine de 32 ans pour son rôle dans le génocide rwandais. Le convoi funéraire arrive à 15h15 de Roissy où le cercueil était arrivé par avion de Cotonou au Bénin. Une dizaine de voitures se garent sur le petit parking du cimetière. Les plaques minéralogiques indiquent la provenance des invités : région parisienne, Belgique et surtout Pays-Bas. En pleine cérémonie, deux policiers en tenus font irruption dans le cimetière, accompagnés par la police municipale de Sannois. Eugène Rwamucyo n'oppose aucune résistance, mais la tension est palpable parmi l'assistance rwandaise. Le médecin de Maubeuge a tout juste le temps de demander à ses proches de contacter son avocat avant de disparaître dans le véhicule de police... direction le commissariat, avant d'être présenté au parquet général de Versailles. Il est 15h30, l'opération n'aura duré que quelques minutes.

Eugène Rwamucyo est suspecté d'avoir participé au génocide rwandais en 1994. Le médecin de Butare a été condamné au Rwanda à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace en 2007 et était recherché par Interpol. Une information judiciaire a été ouverte en 2008 pour génocide, crimes contre l'humanité et complicités après une plainte du CPCR (Collectif des parties civiles pour le Rwanda).

Il est notamment accusé par Kigali d'avoir participé à des réunions de responsables génocidaires à Butare, en 1994, dont l'une sous l'égide du Premier ministre de l'époque, Jean Kambanda, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Eugène Rwamucyo a toujours nié avoir participé à l'organisation de ces massacres qui ont fait 800.000 morts même s'il reconnaît avoir participé à des réunions avec des génocidaires. "Je n'ai pas participé de près ou de loin au génocide. Il n'y a rien contre moi. Je ne vois pas pourquoi la justice va m'arrêter", avait-il indiqué, en octobre 2009.

Le parquet général de Versailles devra se prononcer sur sa détention ou sur une remise en liberté sous contrôle judiciaire. Cette interpellation intervient à quelques jours du sommet France-Afrique qui se tiendra à Nice à partir du 31 mai, alors que la France tente de réchauffer ses relations avec Kigali.

22:15 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (8)

06 mai 2010

RDC : Nkunda peut-il être libéré le 11 mai ?

L'ex-rebelle congolais Laurent Nkunda, détenu depuis plus d'un an au Rwanda, doit être fixé sur son sort le 11 mai prochain. Le Tribunal militaire de Kigali doit en effet examiner une demande de remise en liberté de l'ex-chef tutsi. Au coeur d'une bataille juridique complexe, l'avenir de Laurent Nkunda est suspendu aux difficiles relations entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Seul fait nouveau : l'ancien chef d'Etat-major rwandais, James Kabarebe est maintenant ministre de la défense de son pays. Il a lui-même arrêté l'ex-général Nkunda après un brusque renversement d'alliance en janvier 2009.

Afrikarabia logo.pngPour la défense de Laurent Nkunda l'ancien chef d'état-major des armées rwandaises, le général James Kabarebe, est responsable de l'arrestation et de la mise en détention illégales de l'ancien leader du CNDP congolais. Le 26 mars, la Cour suprême du Rwanda, s'était pourtant déclarée incompétente et avait renvoyé l'affaire devant la justice militaire. La RDC voisine, nouveau partenaire de Kigali, demande son extradition, mais le Rwanda n'a pas réellement intérêt à laisser partir son ancien allié, détenteur de nombreuses informations sur le soutien du Rwanda aux rebelles tutsis du CNDP. Le Rwanda avait également obtenu, en échange de l'arrestation de Laurent Nkunda, la chasse des rebelles hutus des FDLR pour la République démocratrique du Congo. Laurent Nkunda peut-il être libéré le 11 mai ? Certainement pas, les deux protagonistes n'ont pas intérêt à voir sortir l'ex-rebelle congolais... Nkunda en prison arrange tout le monde, Kigali comme Kinshasa. Reste à trouver un tour de passe-passe juridique pour maintenir Nkunda au frais et résoudre l'imbroglio judiciaire qui entoure la légalité de sa détention.

Christophe Rigaud

29 avril 2010

Centrafrique : Les élections reportées pour la dixième fois

Cela pourrait ressembler à un gag, mais les élections législatives et présidentielle centrafricaines, initialement prévue en avril, ont été reportées une nouvelle fois, la dixième ! Prévu d'abord le 25 avril, le scrutin a été reculé une première fois au 16 mai. L'opposition jugeait le délai trop court pour assurer l'équité et le bon déroulement des élections. Mais cette fois-ci, aucune date n'est fixée...

Drapeau Centeafrique.jpgSeul gagnant de ces multiples contre-temps, le président sortant François Bozizé, qui pourrait ainsi rester au pouvoir après l'expiration de son mandat, le 11 juin. L'opposition craint de multiples fraudes et s'est regroupée au sein d'une coalition baptisée Forces pour le changement et a réclamé de profondes réformes avant la tenue des élections qu'elle souhaiterait en janvier 2011. La République centrafricaine est toujours en proie à plusieurs rébellions impliquant le Soudan, le Tchad et la République démocratique du Congo (RDC).

14 mars 2010

RDC : Le passeport de la discorde

La grogne monte devant les ambassades de République démocratique du Congo (RDC). Motif de la colère : l'obtention des nouveaux passeports biométriques. Le précieux sésame demande beaucoup de patience aux ressortissants congolais, rendant problématique le renouvellement des titres de séjours en France et compromettant le retour de certains congolais de l'étranger. La fronde a atteint son paroxysme, le 5 mars dernier, où une manifestation étaient organisée devant l'ambassade de RDC à Paris. Depuis, l'ambassadeur fait de son mieux pour expliquer... que tout va bien.

Image 7.pngLa tension reste vive entre l'ambassade de République Démocratique du Congo à Paris et certains ressortissants congolais de France. Les difficultés de délivrance du nouveau passeport biométrique font l'objets de fortes protestations. Au coeur de la colère des congolais de l'étranger, le cas dramatique d’un compatriote mort en Côte d’Ivoire, alors qu’il devait regagner Paris de toute urgence pour être hospitalisé. Nsingni Branly avait quitté la Côte d’Ivoire muni de son ancien passeport, mais au moment d'effectuer les formalités en vue de son retour à Paris, il n’a pas pu obtenir au nouveau passeport biométrique dans le délai voulu.... Bilan : Nsingni Branly est décédé à Abidjan.

Pour les manifestants qui demandaient des explications devant leur ambassade à Paris, le "passeport biométrique est une pièce mortelle pour les Congolais et nous ne pouvons pas être otages du gouvernement congolais". Ils souhaitaient protester contre le retard pris dans la délivrance du passeport biométrique aux résidents de France et accusait l'ambassadeur de RDC à Paris, Myra Ndjoku, de ne rien faire pour résoudre le problème.
Les manifestants demandaient simplement à être reçus par l'ambassadeur afin de proposer que le passeport biométrique et l'ancien passeport semi-biométrique soient utilisables le temps d'absorber le retard pris par les services consulaires. Mais l'ambassadeur n'a pas reçu les manifestants et dans une récente circulaire, le ministère congolais des Affaires étrangères a annoncé la fin immédiate de la validité des passeports congolais non biométriques encore en circulation... de quoi semer une belle pagaille pour tous les ressortissants congolais.

Christophe Rigaud

13 mars 2010

RDC : Inga 3 pourrait ne jamais voir le jour

Le projet de centrale hydro-électrique Inga 3 risque d'être annulé. Le plus grand complexe mondial de production d'électricité en République démocratique du Congo (RDC) est menacé par les atermoiements du gouvernement congolais.

DSC02385.JPGSelon le directeur général de Westcor, une des entreprises concernées par ce projet entre cinq pays africains, "la première phase (qui pourrait générer 5 gigawatts, sur un total de 100 gigawatts de puissance destinés aux marchés du sud de l'Europe et du Moyen-Orient) pourrait être annulée" signale le site lesafriques.com. "Si nous sommes aux prises avec un projet de 5000 MW, comment allons nous faire pour obtenir un projet de 100 000 MW ?", poursuit Pat Naidoo, directeur général de Westcor, qui a appris que son entreprise sera fermée. Voir www.lesafriques.com

Photo : Inga en 2005 (c) afrikarabia.com

08 mars 2010

RDC : Le procès Bemba reporté en juillet

Nouveau report de procès pour l'ex vice-président de République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba. L'ouverture du procès est remise au 5 juillet, a annoncé la Cour Pénale Internationale de La Haye (CPI). Les avocats de la défense ont contesté la recevabilité des poursuites pour crimes de guerre engagées contre le dirigeant congolais.

DSC03834 copie.jpgLe procès devait s'ouvrir le 27 avril, mais la CPI a finalement indiqué lundi qu'à cette date, une audience se tiendrait pour discuter de la contestation par la défense de la recevabilité des poursuites. Bemba, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2006 en République démocratique du Congo, est accusé par la CPI d'être pénalement responsable d'une campagne de meurtres, de viols et de tortures menée en 2002-2003 en République Centrafricaine par les hommes de son Mouvement de libération du Congo (MLC). Jean-Pierre Bemba devra répondre de deux chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et de trois chefs d'accusation de crimes de guerre. Arrêté en mai 2008 en Belgique, il a été transféré deux mois plus tard à la CPI.

Photo : Jean-Pierre Bemba en 2006 à Kinshasa (c) afrikarabia.com

23:28 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : bemba, cpi, rdc, rd congo, mlc

06 mars 2010

RDC : Les élections de 2011 seront-elles reportées ?

Revision du fichier électorale à refaire, absence de financement, grèves à répétition au sein de Commission électorale indépendante (CEI) et manque de volonté politique auront-ils raisons des prochaines élections présidentielles et législatives prévues en 2011 en République démocratique du Congo (RDC) ? L'incertitude qui plane sur la tenue des prochains scrutins fait dire à certains observateurs que les prochaines élections pourraient être retardées d'au moins une année.

logo_cei.pngUne série de déconvenues hypothèques sérieusement la tenue en 2011 des prochaines élections présidentielles et législatives en République démocratique du Congo (RDC). La dernière mauvaise nouvelle en date provient de la Commission électorale indépendante (CEI). Les opérations de révision du fichier électoral, prévu en 2009, sont toujours au point mort ; mais bien pire, à Kinshasa, tout est à refaire ! La capitale était la seule province à avoir recensé ses électeurs... mais une fois la révision terminée, les critères d'attribution ont été modifiés. Les anciennes cartes d'électeurs n'étant maintenant plus valables, il faudra donc tout reprendre à zéro et convoquer l'intégralité des électeurs. La CEI annonce maintenant le début des nouvelles opérations de révision du fichier électoral pour le 19 mai 2010 ! Le coup d’envoi devrait être donné ensuite dans les provinces du Katanga, de Maniema, du Bas Congo et du Kasaï Occidental... mais on peut douter de l'achèvement de cette révision avant 2011.

Outre un planning serré, la CEI doit affronter un deuxième problème : le manque cruel de moyens financiers. Le personnel réclame plus de 10 mois d'arriéré de salaire pour continuer son travail... un non-paiement qui bloque pour l'instant la fameuse révision du fichier électoral. Pour la tenue même des scrutins (élections présidentielles et législativse), les fonds manquent aussi cruellement. L'organisation des élections de 2006 avait coûté près de 300 millions d'euros, dont une bonne partie venait de l'Union européenne (UE). Pour 2011, le président Kabila avait annoncé prendre en charge l'intégralité de ce coût, mais depuis... plus de nouvelle et pas de chiffrage. Le manque de financement de la CEI laisse à penser que l'Etat congolais n'a pas vraiment les moyens de ses ambitions... inquiétant donc, à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle ! La Commission européenne n'a pour l'instant donné aucune information sur un éventuel financement des élections en République démocratique du Congo (RDC).

Enfin, une dernière source d'inquiétude : le départ des soldats de la MONUC. Les casques bleus, outre la sécurité du scrutin en 2006, avaient assurés le déploiement et le transport des kits électoraux aux 4 coins de ce pays-continent... une aide logistique qui s'était avèrée indispensable à la bonne tenue des élections.

Entre un timing très serré et une absence totale de financement... les prochaines élections en RDC pourraient être tout bonnement reportées (1 an, 2 ans ?). Le doute gagne désormais tous des esprits,  surtout que le pouvoir en place pourrait avoir intérêt à prendre son temps pour l’organisation des prochains scrutins.

Christophe Rigaud

02 mars 2010

Rwanda : Agathe Habyarimana arrêtée en France

Quelques jours seulement après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana mort dans un attentat considéré comme le déclencheur du génocide de 1994, a été arrêtée ce matin à Courcouronnes (Essonne).

logo afkrb.pngMadame Habyarimana faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international pour "génocide" émis au Rwanda. Cette arrestation intervient quelques jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda où le président français a dit vouloir "tourner une page" et "réconcilier des nations" par le biais d'"une coopération économique, politique, culturelle" entre les deux pays.

Le Conseil d'Etat avait refusé à Agathe Habyarimana de se pourvoir en cassation contre le rejet de sa demande d'admission au statut de réfugié en France en octocre 2009.

Exfiltrée du Rwanda le 9 avril 1994 par les militaires français, elle a vécu ensuite au Zaïre et en France, sans véritable titre de séjour. En 1998, le Gabon lui a délivré, sous une fausse identité, un passeport diplomatique.

28 février 2010

RDC : Kongotimes ressuscite André-Philippe Futa !

Si c'est une blague, elle est de bien mauvais goût. Un article du site Kongotimes donne la parole à André-Philippe Futa, présenté comme ancien ministre de l'économie de République démocratique du Congo (RDC). André-Philippe Futa est interrogé sur la composition du nouveau gouvernement d'Adolphe Muzito, il y a quelques semaines. Seul problème : André-Philippe Futa est décédé d'une crise cardiaque le 1er octobre 2009, il y a plus de 5 mois !

Andre Philippe Futa.pngL'interview est sans conteste un canulard qui permet à Kongotimes de critiquer la composition du nouveau gouvernement voulu par Joseph Kabila... mais l'exercices est pour le moins "limite", ne serait-ce qu'en pensant à la famille de l'ancien ministre de l'Economie. Voici d'ailleurs un extrait de cette "interview" :

Quelle lecture faites-vous du remaniement du Gouvernement opéré par le président Kabila?

Je pense que le Raïs, comme vous l’appelez affectueusement, a raté le coche. Car, politiquement parlant, lorsque plus de sept mois s’écoule entre l’annonce d’un remaniement et son effectivité, on doit, logiquement, opérer un remaniement de fond en comble, si on ne change pas de Premier ministre, pour ne pas dire tout le Gouvernement. Or, non seulement que pour un remaniement, ce ne fut qu’un simple réaménagement technique, mais en plus, cela s’est limité à quelques ministres considérés parfois comme des menus fretins. Pour moi cela a été un non événement.

Car, l’événement aurait été le remplacement de tous les chefs des partis politiques, qu’ils se consacrent à la préparation de prochaines échéances électorales. De la sorte, ce sont des gens rompus en la matière qui devraient les remplacer au Gouvernement, au lieu de prendre ceux qui doivent encore, pendant trois mois environ, apprendre à maîtriser les dossiers d’Etat. Le cas, par exemple, de Gilbert Tshiongo Tshibinkubula wa Ntumba prouve qu’il était possible de remercier les chefs des partis pour les remplacer par des «vertébrés».

Vous en parlez si bien comme si vous n’aviez pas été chef de parti politique et ministre vous-même?

Vous avez raison, mais de là où je suis, la lecture n’est plus la même. Sur terre, on a besoin de la richesse pour jouir de la vie. Ce qui n’est pas le cas ici où on a une autre vision et où l’on regrette certaines erreurs commises sur terre. Donc, il ne faut pas attendre de moi aujourd’hui que je débite un discours politicien qui ne va d’ailleurs pas me servir. En un mot, ce n’est plus le même Philippe Futa et c’est pourquoi je ne suis plus du monde pour en garder les habitudes. Une fois dans l’au-delà, on a un regard porté sur ce qu’on aurait pu éviter pour réaliser un bon parcours sur terre. Je peux me permettre de vous rappeler que j’ai pleinement vécu sur terre et ce ne sont pas des richesses qui me manquaient. Mais, actuellement, c’est à peu près le regard d’un sage qui se voit dans l’obligation d’aider les autres, qui ne connaissent pas ce qui survient après la mort, à vivre honnêtement sur terre et à ne pas nuire inutilement aux autres qui ont aussi droit à la vie sur terre.

Lire la suite sur Kongotimes.

Photo : AP Futa en 2005 (c) afrikarabia.com

27 février 2010

Nicolas Sarkozy au Rwanda espère reprendre pied en Afrique centrale

La visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda vient mettre un terme à une brouille diplomatique qui empoisonnait les relations entre Paris et Kigali depuis le génocide de 1994. Le président français a reconnu des "erreurs" mais sans excuse. Des efforts qui s’inscrivent dans le cadre de la stratégie de la France pour assurer sa présence dans la région des Grands Lacs. Le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier était à Kigali dans les pas de Nicolas Sarkozy... décryptage.

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« Ce qu'il s'est passé au Rwanda dans les années 1990 est une défaite pour l'humanité tout entière. Je l’ai constaté encore au Mémorial où tout est raconté de façon pudique et digne. Ce qu'il s'est passé ici a laissé une trace indélébile. (...) Ce qu'il s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable", a déclaré Nicolas Sarkozy, jeudi 25 février, lors d'une conférence de presse commune avec le président du Rwanda, Paul Kagamé, à Kigali.
« Nous savons que pour le président Paul Kagame cette rencontre est un geste fort et qu’au Rwanda, ça pose question. Pour nous, venir ici est un geste fort qui fait débat aussi dans notre pays. Mais le devoir des chefs d’Etat, c’est de voir plus loin, pour organiser l’avenir », a poursuivi Nicolas Sarkozy devant quelque soixante-dix journalistes et techniciens des médias, dont une bonne moitié de Rwandais.`

Auparavant, Nicolas Sarkozy s’était rendu au Mémorial du génocide à Kigali, à la fois un cimetière où sont déposés les restes de 240 000 victimes du génocide, et un musée  qui retrace l’histoire du Rwanda. Ce lieu très didactique expose la dérive du Rwanda sous mandat belge avec la mise en place de cartes d’identité ethniques dans les années 1930, qui allait aboutir à faire des deux communautés des entités politiques dressées à la méfiance et à l’incompréhension. Le rôle de la France de François Mitterrand et de son soutien militaire aveugle au régime de l’ancien président Juvénal Habyarimana, est souligné. Lorsque le guide du musée a évoqué "la responsabilité des Français", Nicolas Sarkozy est resté muet. Il s’est contenté de signer sur le livre d’or une formule compassionnelle plutôt convenue : « Au nom du peuple français, je m'incline devant les victimes du génocide des Tutsis en 1994 ».

Les Rwandais et leurs autorités attendent toujours un geste de repentance de la France officielle, à l’image des excuses présentées par la Belgique, par l’ONU et les Etats-Unis pour leur manque de réaction durant la tragédie de 1994 où quelque 800 000 Tutsi allaient être exterminés en cent jours. A une question posée par un journaliste sur ce geste, Nicolas Sarkozy a répondu « on en a parlé très franchement avec le président Kagame » qui « essaye d’amener toute la société rwandaise vers l’avenir, vers la réconciliation », mais que tout s’effectue « étape par étape, car chaque pays a son histoire ». Il n’a pas davantage commenté sa répugnance bien connue à toute « repentance historique ».

Le président américain Bill Clinton avait pour sa part déclaré en 1998 : "Nous n'avons pas agi assez vite après le début des massacres. Nous n'aurions pas du permettre que les camps de réfugiés deviennent des sanctuaires pour les tueurs. Nous n'avons pas immédiatement appelé ces crimes par leur nom correct : un génocide".


« Je ne suis pas ici pour faire un exercice de vocabulaire, mais pour réconcilier des nations, pour tourner une page », a ajouté le chef de l’Etat français. Il a annoncé que le Centre culturel français de Kigali, fermé depuis la rupture des relations diplomatiques en novembre 2006 rouvrirait ses portes au premier semestre de cette année, que l’école française Saint-Exupéry rouvrirait pour la rentrée scolaire 2010 et que l’antenne de RFI « reprendra ses émissions cette année après trois années d’interruption ». Il a ajouté : « C’est symbolique mais ça ne se limite pas à ça »

Interrogé sur l’enquête de l’ancien juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière qui avait émis en novembre 2006 neuf mandats d’arrêt internationaux contre de hauts dignitaires du régime rwandais soupçonnés d’avoir joué un rôle dans l’attentat  contre l’avions du président Habyarimana le 6 avril 1994 (attentat qui devait servir de prétexte au déclenchement du génocide), Nicolas Sarkozy s’est borné à répondre que « comme l’a bien compris le président Kagame, en France la justice est indépendante. Même si j’ai mon avis sur la question, je respecte l’indépendance des juges et je n’en dirai pas plus » (Selon certaines indiscrétions, il aurait déclaré en aparté au président rwandais qu’il était en désaccord avec cette instruction).

Le président français a cependant ajouté qu’il voulait que les responsables du génocide soient retrouvés et punis où qu’ils se trouvent dans le monde. Concernant les suspects résidant en France, « c’est à la justice de dire leur responsabilité ». Il a ajouté que les autorités françaises venaient de refuser l’asile politique à « une des personnes concernées » (il s’agit vraisemblablement d’ Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président, donc le conseil d’Etat a confirmé récemment le refus d’asile politique, et qui est soupçonnée d’avoir joué un rôle important dans le génocide et aussi dans l’attentat qui a coûté la vie à son mari).

Enfin le président français a souhaité que, sur le génocide, les historiens fassent leur travail car lui même « n’est pas historien ».

Selon Colette Braeckman, l’une des meilleurs spécialistes du Rwanda, « Les blessures du génocide n’ont pas été cicatrisées par cette visite éclair, mais tel n’était pas le but de l’opération. Ce qui a prévalu, c’est le réalisme de la raison d’Etat, le fait que les deux pays aient décidé au plus haut niveau, que le temps de la guérilla, judiciaire, diplomatique, médiatique, était révolu et qu’il fallait désormais céder le pas à la justice, à l’aide au développement, aux échanges culturels…Même si elle n’est pas suffisante, cette étape est nécessaire à la guérison des esprits, car le négationnisme, dont la France fut souvent la chambre d’écho, ne cessait d’aviver les rancoeurs et les souffrances des uns, les espoirs de revanche des autres. Une page est tournée, un peu vite certes, mais elle représente un désaveu pour le clan des menteurs et un gage de paix pour toute la région des Grands Lacs… »

Une importante question était pendante entre les deux chefs d’Etat depuis que le Rwanda a été rattaché à sa demande au Commonwealth. Paul Kagame était invité à Nice pour le sommet entre l’Afrique et la France. Dans un geste de bonne volonté, le président rwandais venait d’annoncer à Nicolas Sarkozy qu’il  viendrait à Nice en juin prochain. « Ca n’efface pas toutes les douleurs, les erreurs, les difficultés, mais nous permet d’envisager l’avenir », a commenté le président français.

Interrogé enfin sur le développement, de l’anglais au Rwanda, Nicolas Sarkozy a expliqué que c’était bien normal pour un  pays au carrefour des mondes anglophone et francophone. Il a ironisé sur ceux qui voudraient que Paris s’oppose à Londres  en Afrique alors que les deux pays coopèrent quotidiennement dans l’Union européenne (une allusion transparente au « complexe de Fachoda » qui hantait François Mitterrand et avait conduit à l’intervention militaire française au Rwanda). Il a ajouté : « Regardez l’Afrique aujourd’hui : il n’y a plus de pré carré français et c’est très bien ainsi ».

Mais pratiquement rien n’a transpiré des propos échangés au cours du long déjeuner qui a précédé la conférence de presse en compagnie de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, et de son amie et homologue rwandaise Louise Mushikiwabo. On sait que Kigali est profondément agacé de l’impunité dont bénéficient en France les responsables des FDLR qui ont mis en coupe réglée le Nord Kivu, et que de son côté Paris compte sur Kigali pour reprendre pied dans cette partie du Congo aux immenses richesses minières.  Nicolas Sarkozy a seulement indiqué qu’il se félicitait des bonnes relations qui prévalent aujourd’hui entre le président Kabila à Kinshasa et le président Paul Kagame au Rwanda, « puisqu’ils se sont encore téléphoné la veille ».

A l’évidence, la diplomatie française s’affaire pour contribuer à améliorer les relations entre la République démocratique du Congo et la République du Rwanda, et entend en tirer des dividendes politiques, économiques et culturels.

A Kigali,

Jean-François DUPAQUIER

23 février 2010

RDC : Le CNDP, grand absent du remaniement

Le CNDP devra encore patienter un peu pour être intégré au pouvoir en République démocratique du Congo (RDC). L'ancienne rébellion ne compte aucun de ses membres dans le nouveau gouvernement Muzito II. Une absence que regrette le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), que dirigeait le dissident Laurent Nkunda.

images.jpgLe secrétaire général du CNDP, Kambatshu Ngeve, a expliqué que son parti n’a pas été consulté par le Premier ministre Adolphe Muzito, qui avait pourtant la charge de le contacter. "C’est une violation délibérée de l’accord de paix de Goma par le gouvernement de la RDC. Le gouvernement congolais est champion dans les violations des accords , c’est pour cela qu’ il y a des problèmes à l’Est de la RDC"  a-t-il déclaré à la presse.

Après des concertations à Goma, le 23 mars 2009, les membres du CNDP avaient fait le déplacement de Kinshasa sous la conduite de Désiré Kamanzi, président actuel du mouvement. Les pourparlers entre le CNDP et le gouvernement avaient porté principalement sur l’intégration de leurs hommes dans l’armée régulière, la reconnaissance de leurs grades, le changement du mouvement armé en parti politique ainsi que la participation de son mouvement au pouvoir

Pourtant, selon le gouvernement congolais, le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), "verra son intégration politique se matérialiser au cours du processus déjà enclenché", selon Lambert Mende. Pour le porte-parole du gouvernement, celui-ci "respectera ses engagements pris lors de ses accords signés avec les ex-groupes armés, dont le CNDP". Des propos appaisants qui ne parviennent pas à masquer la colère du mouvement rebelle.

Christophe Rigaud