05 novembre 2013
RDC : Un nouveau scénario s'écrit au Kivu
Les rebelles du M23 ont annoncé mardi 5 novembre la fin de leur mouvement après la victoire militaire de l’armée congolaise. Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group (ICG), analyse les nouveaux changements intervenus dans la région au terme de 18 mois de conflit.
Le M23, c'est fini. La rébellion a annoncé ce mardi matin "mettre un terme" à son mouvement, après avoir été chassée par l'armée congolaise de ses dernières positions militaires. Les rebelles du M23 occupaient depuis plus d'un an, 700 km2 de territoire au Nord-Kivu et s'étaient emparés brièvement de la ville de Goma fin 2012. Thierry Vircoulon, responsable du programme Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG) décrypte pour nous le dénouement de cette crise.
- Afrikarabia : Quelles sont les raisons de la défaite du M23 ?
- Thierry Vircoulon : La débâcle du M23 est le résultat de plusieurs facteurs. Le premier, se sont les sanctions économiques contre le Rwanda (accusé de soutenir la rébellion, ndrl). Il y a ensuite les pressions diplomatiques et l'isolement de Kigali. Troisième facteur : la formation d'un binôme tactique efficace entre la Brigade d'intervention de l'ONU et l'armée congolaise. Enfin, la défaite du M23 signe également l'échec politique de cette rébellion. Le M23, qui s'est présenté comme un mouvement politico-militaire, a été profondément rejeté par la population congolaise du Nord-Kivu. Cela sanctionne tous ces mouvements armés qui n'ont pas d'assises populaires.
- Afrikarabia : Les relations diplomatiques ont également évolué pendant ce conflit ?
- Thierry Vircoulon : Il y a eu ce que l'on pourrait appeler un "alignement des planètes" francophones et anglophones sur le dossier rwandais. En clair, il y avait le couple France-Belgique d'un côté et le couple Grande-Bretagne-Etats unis de l'autre. On sait que depuis le génocide de 1994, les points de vue étaient "différents" sur la région. Aujourd'hui, tout le monde se retrouve pour dire que cette politique de contrôle indirect et d'interférence de Kigali au Congo, ne peut plus durer.
- Afrikarabia : Sur le plan militaire, cette nouvelle combinaison entre les casques bleus de la Monusco et l'armée congolaise est une première ?
- Thierry Vircoulon : C'est en effet une nouvelle forme de "peacekeeping". Ce travail en "quasi symbiose" entre la Monsuco et les FARDC a clairement permis de renverser le rapport de force sur le terrain. Il y a eu un réel travail de planification militaire. L'étau s'est d'abord resserré autour du M23, dans les environs de Goma, fin juillet et ensuite, à partir du mois d'août, l'offensive a été portée en territoire rebelle vers le Nord. Cela témoigne d'une coordination tactique très étroite entre l'ONU et l'armée congolaise.
- Afrikarabia : L'armée congolaise a-t-elle changé ?
- Thierry Vircoulon : Les FARDC connaissent une forme de "renaissance". On se rappelle de l'état de l'armée, l'année dernière au moment de la prise de Goma par les rebelles : débâcle, pillages, viols, corruption... Pendant les offensives de ces derniers jours, au contraire, le comportement des militaires a été, de ce que nous savons, tout à fait professionnel. C'est une rupture.
- Afrikarabia : Pourquoi une telle transformation de l'armée congolaise ?
- Thierry Vircoulon : C'est d'abord le fruit d'une volonté au plus haut niveau de l'Etat de gagner militairement. Ensuite, il y a eu un changement de commandement. Le général Gabriel Amisi, qui commandait les forces armées dans l'Est du pays, a été suspendu et "éloigné" à Kinshasa. La corruption semble avoir également été stoppée dans ces unités, qui soudainement se sont trouvées approvisionnées, nourries et payées. Malgré toutes ces années de "sur-place" dans la réforme de l'armée, ce n'était donc pas si difficile que cela ! A partir du moment où le chef de l'Etat veut remettre de l'ordre dans certaines unités de l'armée, c'est possible ! La question est maintenant de savoir si ce modèle peut s'étendre au sein des autres unités de l'armée congolaise.
- Afrikarabia : Un nouveau scénario est donc en train de s'écrire dans la région ?
- Thierry Vircoulon : Il y a une nouvelle donne sur le plan de la politique régionale : la mise en place de l'accord d'Addis-Abeba. Cet accord implique la "non-interférence" des pays voisins au Congo. Une ligne rouge a été clairement fixée pour le Rwanda et l'Ouganda. Pour le moment, Kigali a décidé de lâcher le M23. Mais à moyen terme, on peut se demander si cette position va durer. Il y a ensuite une nouvelle donne militaire, avec la présence de la Brigade d'intervention de l'ONU. La question maintenant est de savoir : après le M23, vers quel autre groupe armé va se tourner cette Brigade ? Les FDLR vraisemblablement. Ce binôme tactique Monusco-FARDC sera-t-il aussi efficace contre les autres groupes armés, que contre le M23 ? Le M23 avait une configuration militaire très conventionnelle. Les autres groupes armés (FDLR, ADF-Nalu, LRA... ) agissent sur un mode de guérilla difficile à combattre.
- Afrikarabia : Comment faire pour transformer cette victoire militaire en victoire politique et installer une paix durable ?
- Thierry Vircoulon : La solution politique, c'est l'accord d'Addis-Abeba de février 2013 : non-ingérence des voisins, envoie d'une force internationale pour neutraliser les groupes armés et nécessité de faire des réformes pour le gouvernement congolais. Cet agenda est en train d'être mis en oeuvre. Première mise en oeuvre : défaite du M23. Deuxième mise en oeuvre : la tenue de concertations nationales à Kinshasa. Et troisièmement : le fait que Kigali cesse de soutenir des mouvements armés de l'autre côté de la frontière. Le règlement politique du problème, ce n'était pas un accord de plus entre un groupe armé et le gouvernement congolais à Kampala, mais la mise en oeuvre de cet accord d'Addis-Abeba.
- Afrikarabia : C'est une victoire politique pour le président Joseph Kabila ?
- Thierry Vircoulon : Tout à fait. La crise du M23 avait été un choc politique pour le régime congolais. La prise de Goma par les rebelles avait été une humiliation totale, doublée d'un fort mécontentement des populations du Nord-Kivu. Pour redorer son blason, Kinshasa n'avait pas d'autre choix que d'en finir militairement avec le M23. Opposition et majorité étaient unanimes pour une solution militaire contre ce mouvement armé qui était considéré comme un appendice de Kigali. Avec la débâcle des rebelles, les masques sont tombés : les politiques du M23 se sont enfuis à Kampala, tandis que les militaires se sont enfuis au Rwanda. C'est ce que l'on peut appeler la "division du travail".
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Thierry Vircoulon à Paris - novembre 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
23:24 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
En voilà qui comprend très bien ce qui se passe en rdc félicitation Thierry
Écrit par : Salumu Bruno | 06 novembre 2013
C'est une analyse intéressante où nous trouvons approximativement tous les ingrédients de la situation désastreuse de l'est de la RDC avec plus de 6.OOO.OOO des morts victimes innocentes de la barbarie rwando-ougandaise visant les intérêts hégémoniques pour le contrôle et des richesses et de l'espace de cette partie de notre pays.
En effet , le Rwanda reste avant tout confronté à un problème récurrent de la densité de la population l'une des plus importantes en Afrique sub-saharienne au point oü l'Agriculture se pratique dans des petites parcelles alors que l’élevage ne trouve pas assez d'espace ,alors qu'il constitue sinon la principale source de revenus des rwandais ,si bien que Kagame et les siens avaient pensé qu'il était facile de d'entrevoir la balkanisation de la RDC au moyen des conflits armés qui finiraient par lasser la population et les autorités à cause essentiellement d'absence de leadership au sommet de l'Etat.
Si la Communauté internationale a longtemps fait preuve de commisération à l'endroit du Rwanda c'est à cause de l’état de grâce dont il a bénéficié à cause de ses erreurs lors du génocide rwandais.
L'autre aspect délaissé dans l'analyse c'est la part des multinationales qui ont une grosse part de responsabilité dans l'exploitation illicite et éhontée des matières premières du Kivu qui tirent les ficelles de cette guerre à raison du coût des minerais stratégiques dont l'affairisme a atteint même les sphères politico-militaro-économiques de la RDC en fait le poumon du dispositif du survie même de l'Etat.
Le Rwanda a même infiltré l'appareil sécuritaire et politique du pays avec des CONGORAIS qui ont profité des accords de Lusaka pour parvenir à leurs fin.
Ainsi,le retour de la paix définitive est une entreprise de longue haleine qui nécessitera un travail en profondeur et sans complaisance dans tous les compartiments de l'ETAT
Écrit par : Théophile | 06 novembre 2013
Vives notres armées,nos politiciens opposants,ainsique la population congolaise sont ceux là qui ont doptaients l,option militaire. car au gouvernement save l,origine de cette geurre dans leurs plan politique.
Écrit par : Olivier djuma | 06 novembre 2013
Vives notres armées,nos politiciens opposants,ainsique la population congolaise sont ceux là qui ont doptaients l,option militaire. car au gouvernement save l,origine de cette geurre dans leurs plan politique.
Écrit par : Olivier djuma | 06 novembre 2013
Merci Thierry,pour ton interview.
Felicitation,Theophile pour ton analyse. God bless our country DRC
Écrit par : Theo lukela | 06 novembre 2013
article sur la DRC
Écrit par : Nailla Shabani | 06 novembre 2013
merci pour l'ITW maintenant que le M23 appartient au passé focalisons nous aux autres groupes armés instalé a l'est
par @nsambinews
Écrit par : john kaninda | 06 novembre 2013
Voila vraiment un vrai analyste qui maitrise bien la situation dans les grands lacs africains.
Écrit par : Sokoro | 06 novembre 2013
coup de chapeau....une très bonne analyse qui éclaire très bien la situation......cette analyse mérite une très large diffusion.....congrat
Écrit par : Aime KIKURU | 07 novembre 2013
Nous avons gagne militairement mais les infiltres sont partout ala presidence. Les rwandophes pillulent tous les postes strategiques a la presidence.
Écrit par : frank | 07 novembre 2013
Monsieur Thierry Vircoulon,
Toute votre analyse tire sa légitimité ou sa légalité du contenu (la teneur) de l'accord cadre qui aurait été signé à Adis abeba. Un analyste aussi sérieux, en tout cas que vous voudriez nous voir vous prendre comme tel, ne peut qu'avoir lu cet accord avant d'en parler...
Je vous demande de publier sur le site de AFRIARABIA, la copie certifiée conforme à l'original de cet accord pour que nous nous rendions compte par nous-même, d'une part de ce que vous nous dites, et d'autre part afin que nous puissions suivre étape par étape ces processus d'instauration de la paix.
Pour votre info, cette copie peut-être retirée, certes contre paiement d'une modique somme, auprès du Parlement ou Sénat congolais ou encore auprès du secrétariat de l'ONU. Surtout ne nous balancez pas le "fameux" document publié sur le net par Radio Okapi...c'est un faux, un simple TRAC.
Autrement, TAISEZ-VOUS...car vous allez vous retrouver accusé devant une cour de justice pour NÉGATIONNISME par MENSONGE du GENOCIDE des populations congolaises suite à l'agression de la RDC par le Rwanda.
Écrit par : Noko Ngele Mariyus | 07 novembre 2013
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