27 octobre 2013
RDC : "Kabila pourrait aller au-delà de 2016" selon Oscar Rashidi
Dans son discours devant le Congrès, le Joseph Kabila a déclaré vouloir respecter "l’esprit et la lettre de la Constitution" qui l'empêche de se représenter en 2016. Mais pour Oscar Rashidi, président de la Ligue contre la Corruption et la Fraude (LICOF), le Chef de l'Etat pourrait prolonger son mandat après 2016.
En conclusion des Concertations nationales qui se sont déroulées en République démocratique du Congo, le président Joseph Kabila a fait de nombreuses annonces dans un long discours face aux deux assemblées le 23 octobre dernier. Le Chef de l'Etat a promis la nomination rapide d'un gouvernement d'union nationale avec l'opposition, le rapatriement des dépouilles de Moïse Tshombe et Mobutu ou encore l'arrivée d'un conseiller spécial pour lutter contre la corruption. Mais pas un mot sur ce qu'il compte faire à la fin de son mandat en 2016. Normalement, la Constitution interdit à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat, mais l'opposition craint que le président ne fasse modifier la Constitution. Dans son discours au Palais du peuple, Joseph Kabila a pourtant réaffirmé sa volonté de respecter la règle fixée par la Constitution : "Je suis pour le respect, par tous, de l’esprit et de la lettre de la Constitution" a-t-il déclaré . Pour certains, Joseph Kabila pourrait en fait prolonger son mandat après 2016 sans modifier la Constitution. Nous avons interrogé Oscar Rashidi, président de la Ligue contre la Corruption et la Fraude (LICOF) qui réagit également sur les autres annonces du Chef de l'Etat.
- Afrikarabia : La Constitution actuelle interdit au Président Kabila se briguer un troisième mandat en 2016. Mais l'opposition craint que Joseph Kabila ne cherche à se maintenir au pouvoir après 2016. Par quel autre moyen sans modifier la Constitution ?
- Oscar Rashidi : La prolongation du mandat de Joseph Kabila est possible si un consensus se dégage dans la classe politique. Le Président Kabila pourrait alors se maintenir au pouvoir par cette voie pacifique. Dans cette hypothèse, deux éléments sont à noter : le recensement de la population ainsi que l'organisation des élections locales qui semblent tarder. Le recensement pour réussir des élections réellement libres et transparentes à tous les échelons pourrait hypothéquer la stabilité institutionnelle. Car par deux fois déjà ces mêmes élections ont été organisées par la volonté du Chef de l’Etat.. autant dire que ce préalable (le recensement) n’a pas empêché le processus électoral. En voulant organiser les élections locales (municipales, provinciales, sénatoriales) devant aboutir au choix des nouveaux gouverneurs de provinces, on sait pertinemment que ceux qui sont en place ont déjà "débordé" de leurs mandats respectifs de deux ans. Le temps restant à courir laisse entrevoir déjà une prolongation de fait car les conditions matérielles de la tenue des élections ne sont réunies. A cela s’ajoutent de sempiternels écueils : l'état piteux des routes, la grandeur du territoire national et surtout l’insuffisance des moyens financiers pour prétendre procéder convenablement au recensement. Respecter ce calendrier me paraît une réelle gageure pour que des élections se tiennent en 2016. D'où la probabilité d'aller au-delà de 2016.
- Afrikarabia : Dans son discours face au Congrès, Joseph Kabila a également annoncé la désignation d'un conseiller spécial anti-corruption. Le programme "tolérance zéro" initié par le chef de l'Etat a-il montré son efficacité ?
- Oscar Rashidi : Non, le slogan "tolérance zéro" n'était pas efficace et ne le sera jamais tant qu'il n’y aura pas de sérieux dans le comportement des acteurs publics et dans le choix des personnes devant animer ces institutions. Cela est resté au niveau du discours et classé par la suite. Aucun dossier n'a été traité efficacement et pas une seule personne n'a été arrêtée dans le cadre de l'opération dite "tolérance zéro". Par contre, cette opération a seulement enrichi les personnes chargées d’exécuter cette mission. Le cas de l'ancien ministre de la Justice Luzolo Bambi Lesa qui se plaisait d'arrêter les jeunes gens appelés "Kuluna" pour les envoyer à l'intérieur du pays soit disant en prison. Ces opérations ont coûté trop cher au Trésor de l'Etat congolais. A chaque fois, les factures des avions affrétés étaient "gonflées" au profit des autorités ayant la charge d'exécuter ces opérations. D'où la corruption, le vol et le détournement des deniers publics. Inefficace sans doute, l'opération "tolérance zéro" a dû être arrêtée. Pour beaucoup, c’étaient des discours pour amuser la galerie. Il y a d’ailleurs beaucoup d’autres exemples des promesses non tenues : "plus rien ne sera comme avant", "les portes des prisons seront ouvertes", "fini la récréation", "tolérance zéro", etc... L'application de tous ces slogans dans la réalité pose un sérieux problème au Congo du Président Kabila. Créer un poste de conseiller chargé de l'anti-corruption c'est bien, mais pour quel travail ? Or, il a déjà existé dans ce même pays d'autres structures semblables. On a entendu parler de conseiller chargé de "bonne gouvernance" et de "lutte contre la corruption", de "commission d'Ethique et lutte contre la Corruption (CELC)", de "Task force", "d’Observatoire du Code d'Ethique Professionnelle (OCEP)", etc... Une autre commission anti-corruption créée et attachée au ministère de la Justice et du Garde de seaux est restée sans bureau jusqu'à ce jour et certains de ses agents ont été révoqués sans qu'ils aient eu le temps de travailler ! Comme pour leur dire : "on ne veut pas de vous". Bref, nous espérons qu'avec l'installation du conseiller "anti-corruption", l’Etat va renforcer le programme "tolérance zéro" restée lettre morte.
- Afrikarabia : Le président Kabila souhaite que l'affairisme soit "banni de l'armée et de la police". Comment faire reculer efficacement la corruption en RDC ?
- Oscar Rashidi : Pour faire reculer la corruption, il faut sanctionner absolument les coupables. C'est l'impunité qui est à la base de la dérive actuelle.
- Afrikarabia : Joseph Kabila a annoncé la création d'un gouvernement d'union nationale avec des membres de la majorité, de l'opposition et de la société civile sans préciser si l'actuel Premier ministre, Matata Ponyo, restait en place. Que peut-on attendre d'un nouveau gouvernement ?
- Oscar Rashidi : Nous attendons plusieurs choses. Tout d'abord, la mise en application des recommandations issues des concertations nationales. Ensuite, calmer les tensions palpables au niveau de la classe politique nationale congolaise caractérisée depuis toujours par une médiocrité notoire consistant à gagner seulement le pouvoir pour le pouvoir. A l'Est du pays, un important défi sécuritaire est à relever. Les populations vivent des violations massives des droits humains et il faut améliorer un tant soi peu leur condition de vie. Deux autres défis enfin : améliorer la qualité de l'éducation nationale, de la santé publique et la consolider les efforts de reconstruction du pays. Le plus important est de former un gouvernement efficace capable de trouver des réponses à toutes ces préoccupations vitales. Le problème de la désignation ou pas d’un autre Premier Ministre n’est pas prioritaire. Monsieur Matata Ponyo pourrait bien rester poursuivre la mission lui assignée par le Chef de l’Etat.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Oscar Rashidi © DR
12:17 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (0)
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