22 août 2013
RDC : Les combats reprennent au Nord de Goma
Après un mois de trêve, les affrontements ont repris depuis le mercredi 21 août entre l'armée congolaise et le M23. Les combats se poursuivent aujourd'hui autour de Kibati, Mutaho et Kanyarucinya à 7 km au Nord de Goma. Jeudi après-midi 5 obus sont tombés sur Goma créant un mouvement de panique dans la ville.
Les hostilités ont repris autour de Goma, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) entre l'armée régulière (FARDC) et les rebelles du M23. Comme toujours les deux parties se rejettent la responsabilité du déclenchement des combats. Le M23 affirme que ce sont les FARDC qui ont attaqué leurs positions mercredi 21 août à 19h45 dans le secteur de Kibati et Kanyarucinya à environ 7 km de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Sur son compte Twitter, Bertrand Bisimwa a dénoncé le retour des hostilités "qui semblent vouloir compromettre le processus de paix" de Kampala. Le M23 a également annoncé le bombardement du relais téléphonique Vodacom de Kibumba ainsi que l'approche de troupes gouvernementales sur l'axe de Rwindi-Mabenga et Tongo.
L'armée congolaise a déclaré sur Radio Kivu 1 que le M23 portait la responsabilité des affrontements de ce mercredi. Le Commandant FARDC Mamadou a affirmé, toujours sur la même antenne, que la situation était "sous contrôle" de l'armée régulière. Après une courte accalmie dans la nuit de mercredi à jeudi, les combats ont repris jeudi matin dans les mêmes secteurs, ainsi qu'autour de Mutaho.
La reprise de la guerre autour de Goma intervient après un mois de trêve entre FARDC et M23. Le 14 juillet dernier, l'armée congolaise avait en effet lancé une vaste offensive contre la rébellion avant de stopper son avancée sans avoir réellement fait reculer le M23.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
MISE A JOUR Jeudi 22 août à 17h45
Dans l'après-midi, plusieurs bombes sont tombées sur Goma et ses alentours. Une première bombe a touché à Munigi dans les quartiers Nord de la ville. Puis trois autres obus sont ensuite tombés sur Goma-ville, selon plusieurs témoins. Le quartier du cimetière et de l'aéroport a été touché par une première bombe, puis une seconde près de l'hôtel Cap Kivu en bordure de lac et une troisième aux abords de l'université dans le quartier de Kinyumba. Des témoins rapportent des scènes de panique. Les magasins et les banques ont fermé leurs portes et le trafic routier était très perturbé.
11:05 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
20 août 2013
RDC : Assassinat d'un défenseur des droits de l'Homme au Katanga
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme dénonce le récent assassinat de Godefroid Mutombo, membre de l'ONG Libertas, en République démocratique du Congo (RDC). L'Observatoire demande "une enquête impartiale" et la garantie de l'intégrité physique des autres membres de Libertas au Katanga.
Godefroid Mutombo, membre de l'ONG congolaise des droits de l'Homme Libertas a été assassiné le 7 août dernier dans le village de Kawakolo près de Pweto au Katanga. Selon l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (1), Godefroid Mutombo a été "sauvagement assassiné par des membres de groupes rebelles qui sèment la terreur" dans le Nord du Katanga depuis 2011. L'Observatoire rappelle que cette ONG avait dénoncé "plusieurs violations des droits de l’Homme perpétrées" dans la région, "qui auraient conduit à la condamnation d'un certain nombre de milices et militaires".
Dans un communiqué l'Observatoire appelle les autorités congolaises "à diligenter une enquête prompte, exhaustive, impartiale et transparente afin d'identifier tous les responsables et de les sanctionner conformément à la loi". L'ONG demande également aux autorités de "garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des autres membres de l'organisation non-gouvernementale Libertas et de tous défenseurs des droits de l'Homme congolais".
L'ONU s'était alarmée en mai dernier de la dégradation des conditions de sécurité dans ce que l'on appelle désormais le "triangle de la mort" au Nord du Katanga, entre les villes de Pweto, Mitwaba et Manono. Selon la porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Elisabeth Byrs, la détérioration de la situation humanitaire et les attaques continues menées par les combattants Maï-Maï avaient contraint plus de 200.000 personnes à fuir leurs foyers depuis avril dernier. Au banc des accusés, on trouve le groupe Maï-Maï du commandant "Gédéon" qui sévit dans la région depuis plus de 10 ans et le nouveau mouvement "indépendantiste" Bakata-Katanga.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme constitue un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
21:46 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
14 août 2013
RDC : Mini-remaniement au M23
5 mois après son arrivée à la présidence du M23, Bertrand Bisimwa a procédé à de nouvelles nominations au sein de l'organigramme politique de la rébellion. Le nouveau président cherche à consolider sa gouvernance en nommant des proches. Portrait et décryptage du nouveau "gouvernement" du M23.
Depuis mars 2013, Bertrand Bisimwa a pris la tête de l'aile politique de la rébellion du M23. Bisimwa a remplacé Jean-Marie Runiga, un proche de Bosco Ntaganda, qui avait été arrêté au Rwanda après de violents affrontements avec l'autre faction rebelle dirigée par Sultani Makenga. Dans cette guerre fratricide, le camp Makenga a remporté la bataille : Ntaganda s'est livré à la Cour pénale internationale (CPI) et Runiga a été arrêté dans sa fuite par Kigali. Dans ce contexte, il aura fallu 5 mois au nouveau président pour procéder à la réorganisation de la branche politique du M23.
Des proches aux postes clés
Le 6 août 2013, Bertrand Bisimwa a recomposé les différents départements du "gouvernement" de la rébellion (la liste des nominations est consultable ici). Le nombre des départements est passé de 12 sous la présidence de Jean-Marie Runiga à 17 avec Bertrand Bisimwa. Plusieurs éléments sont à noter dans ce mini-remaniement. Bertrand Bisimwa a tout d'abord souhaité affirmer sa présidence en nommant des proches aux postes clés. René Abandi, "l'ami de Bisimwa", a été nommé aux relations extérieures. Une fonction stratégique, lorsque l'on sait que René Abandi représente désormais le M23 aux négociations en cours avec le gouvernement congolais à Kampala. Idem pour Désiré Rwigema à l'Intérieur et Sendugu Museveni aux Affaires politiques. Ces deux cadres du M23 sont très proches de Bisimwa.
"Congolité"
Autre signe de l'affirmation de la présidence de Bertrand Bisimwa, la création d'un département du Budget en parallèle de celui des Finances. L'argent étant le nerf de la guerre, le nouveau président a préféré adjoindre à Bahati Musanga (réputé proche de Makenga), un département du Budget avec un nouveau venu : Fior Muyinda. Ce transfuge de l'UNC de Vital Kamerhe aura désormais un oeil sur les cordons de la bourse en liaison direct avec Bertrand Bisimwa. Autre atout de Fior Muyinda : il est originaire du Bandundu et assure la "congolité" du mouvement rebelle. Le département de la Justice et des droits humains est également détenu par un nouvel arrivant : Moise Chokwe Chembo, un magistrat katangais, ancien du RCD.
Des Chefs de départements... de Goma
Une femme fait son entrée dans le "gouvernement" du M23 : Eugénie Mubake. Avec Elias Karokoli (Mobilisation des masses) et Joël Malembe (Planification économique), Eugénie Mubake a la particularité d'être originaire de Goma. Une ville dont la rébellion s'est emparée pendant 10 jours en novembre 2012. Un signe sans doute envers la population de la capitale provincilae du Nord-Kivu. Deux nouveaux départements font leur entrée dans l'organigramme politique du M23 : celui de la Sécurité et celui du Développement communautaire, chargé notamment de suivre la demande de "zone sinistrée" faite aux pourparlers de Kampala. Enfin, Stanislas Baleke passe lui de l'Environnement et du Tourisme à l'Education nationale.
Makenga reste le patron
Ces ajustements traduisent la volonté du nouveau président, Bertrand Bisimwa, d'installer ses hommes dans l'organigramme du mouvement et de consolider sa gouvernance après l'épisode de la guerre des clans. Ce remaniement suffira-t-il à transformer le M23 en parti politique "traditionnel" ? Jusque là, la rébellion a toujours eu du mal à transformer ses victoires militaires en victoire politiques. Ses contacts avec l'opposition politique congolaise sont toujours au point mort et les derniers affrontements entre l'armée congolaise (FARDC) et le M23 ont plutôt galvanisé la population contre la rébellion, accusée d'être "le jouet" du Rwanda voisin et de vouloir "balkaniser" l'Est du pays. Mais pour l'heure, le pouvoir au sein du M23 n'est pas dans les mains des "politiques", mais entre les mains des militaires. Le vrai patron du M23 est toujours Sultani Makenga, le commandant des troupes rebelles sur le terrain.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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10 août 2013
RDC : Des concertations... et un nouveau gouvernement
Les "concertations nationales" voulues par Joseph Kabila doivent s'ouvrir la semaine prochaine à Kinshasa. Objectifs du président congolais : apaiser le climat politique après les élections contestées de 2011 et mettre un terme au conflit à l'Est du pays. Un nouveau gouvernement devrait voir le jour à l'issu des concertations… ce qui pourrait séduire certains membres de l'opposition.
Le mouvement s'accélère à Kinshasa. Annoncées début 2013 par Joseph Kabila, les concertations nationales débuteront la semaine prochaine en République démocratique du Congo, selon le président du Sénat, Léon Kengo sur Radio Okapi. Ces concertations doivent réunir l'ensemble des institutions publiques, des partis politiques, des autorités coutumières et de la société civile… pour "dialoguer", "débattre" afin "de consolider la cohésion nationale et renforcer l'autorité de l'Etat". Il faut dire que depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en novembre 2011, le retour de la guerre à l'Est de la RDC et les multiples pressions internationales, le climat politique devenait difficilement tenable pour le fragile régime de Joseph Kabila.
Ouverture politique
L'ouverture des concertations donne le coup d'envoi à une opération de séduction et de reconquête de Joseph Kabila. Objectif affiché : ouvrir sa majorité à de nouveaux "partenaires" politiques en vue de consolider sa présidence et pourquoi pas… de se représenter aux élections de 2016. L'opposition congolaise a bien flairé la manoeuvre politique et a refusé en bloc toute participation aux concertations. MLC, UDPS et UNC ont tous décliné l'offre de Joseph Kabila. Certains de ces partis, comme l'UNC, ont tout de même conditionné leur présence. Vital Kamerhe souhaite que la majorité s'engage à ne pas modifier la constitution qui limite le nombre des mandats du président de la République. Un sujet hautement sensible lorsque l'on sait que les rumeurs vont bon train sur la volonté de Joseph Kabila de se représenter pour un troisième mandat. Certains partis veulent également revenir sur la "légitimité" de Joseph Kabila et sa réélection "douteuse", alors que d'autres exigent une médiation africaine ou onusienne.
Un pas vers l'opposition
Sur tous ces différents entre majorité et opposition, un certain flou règne encore. Léon Kengo affirme sur Radio Okapi que "toutes les conditions soulevées, nous les avons rencontrées pour que ces concertations se déroulent dans un climat apaisé". En clair : des efforts ont été faits côté gouvernemental. Le président du Sénat s'est également rendu à Brazzaville pour s'assurer de la coopération de Denis Sassou Nguesso pour "accompagner" le processus. Un bon point pour les organisateurs des concertations puisque le président du Congo-Brazzaville semble faire l'unanimité dans l'opposition pour jouer les bons offices. Quant aux autres points de friction, ils sont toujours en discussion entre le présidium des concertations et l'opposition politique. La plus ou moins grande participation de l'opposition constitue bien entendu la condition sine qua non à la réussite des concertations nationales. Une absence des principaux opposants serait un échec pour Joseph Kabila et transformerait son "dialogue national" en congrès de la majorité présidentielle… du plus mauvais effet aux yeux de la communauté internationale.
Un nouveau gouvernement pour une "nouvelle majorité"
Signe des difficultés pour réunir l'opposition autour de la table, Léon Kengo a dû sortir prématurément un des atouts phares de Joseph Kabila : le remaniement gouvernemental. Un nouveau gouvernement sera donc issu des concertations, avec une équipe "représentative" composée de la "nouvelle majorité" avec "l'actuelle majorité, l'opposition et la société civile". A bon entendeur… la course est donc ouverte pour le poste de Premier ministre et des portefeuilles toujours très convoités. Ce remaniement constitue clairement un appel du pied à tous les leaders de l'opposition qui serait intéressés par la fonction… et on peut supposer qu'ils seront très nombreux.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Palais du peuple Kinshasa © www.afrikarabia.com
23:19 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
05 août 2013
RDC : L'appel des 52 pour un TPI au Congo
52 personnalités féminines viennent de signer un appel demandant la création d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo. Ce Tribunal est présenté comme "une solution incontournable pour la paix et la justice dans la région des Grands Lacs". Parmi les signataires on retrouve Françoise Héritier, Rama Yade, Roselyne Bachelot, Ingrid Betancourt ou Gisèle Halimi.
52 marraines ont signé une déclaration "sur les viols comme arme de guerre et l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo". Selon Maître Hamuly Réty, l'un des Congolais à l'initiative de cet appel, "la création du Tribunal pénal international pour la RDC est l'un des facteurs crédibles de paix dans la région". Cette initiative est soutenue par le Réseau des Ong des droits de l'Homme en RDC (RENADHOC) ainsi que par le docteur Denis Mukwege. Nous publions ici le texte intégral de cet appel :
"- A M. François HOLLANDE, président de la République française
- A M. Barack OBAMA, président des États-Unis d'Amérique
- Au Conseil de sécurité des Nation unies (présidence en exercice)
- A M. BAN-KI-MOON, secrétaire général des Nations unies
- A M. VAN RUMPOY, président de l'Union européenne
- A Mme Nkosazana DLAMINI-ZUMA, présidente de la commission de l'Union africaine
- A M. ABDOU DIOUF, secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie
- A Mme ROBINSON, envoyée spéciale des Nations unie dans la région des Grands lacs
Mesdames, Messieurs,
D'indescriptibles horreurs, répertoriées dans le rapport dit « mapping » des Nations unies, se déroulent sans désemparer, à l'est de la République Démocratique du Congo depuis 1994.
Marraines de cet appel, nous ne pouvons penser aux maux que souffrent les femmes à l'est de ce pays sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur, en nous représentant nos semblables, unies à nous par le triple lien d'humanité, des droits et de la francophonie, être traitées plus durement que ne le sont les bêtes de somme ;
Nous ne pouvons nous persuader qu'on puisse sans se gêner, faire usage de ressources stratégiques de la République Démocratique du Congo, si l'on faisait réflexion qu'elles ont été arrosées du sang et de la dignité de nos semblables, traitées comme si elles étaient quelque « chose » qui ressemble à des humains ;
Craignons avec raison que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes, n'accusent les Français, les Européens et les Américains de ce siécle, d'avoir été complices de barbarie, ce qui contraste avec les valeurs universelles sur lesquelles nous avons voulu fonder notre humanité.
Notre conscience nous dicte par conséquent
De supplier toute conscience humaine, qui réprouve le traitement que subissent ces femmes du Congo, leurs familles et leur peuple, de signer cet appel en cliquant sur ce lien, pour que, de ces victimes, soient restaurés les droits à la vie, à la dignité et à la justice, et que, de leurs bourreaux, soit mis fin à l'impunité et les sanctionner de la manière la plus exemplaire mais aussi, de la manière aussi juste qu'équitable.
Au moment où le Conseil de sécurité ferme les portes du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et celui d'exYougoslavie (TPIY), qui ont considéré dans la jurisprudence Akayezu, ce type de viol, arme de guerre comme constitutif de crime contre l'humanité ou de génocide,
nous demandons:
1) au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu'au secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de mettre en place, sans atermoiement, un Tribunal pénal international pour la ROC, chargé de poursuivre tous les crimes répertoriés dans le « rapport mapping » des Nations unies, en succession du TPIR à Arusha en République unies de Tanzanie.
2) à M. le président Obama, d'honorer son « prix Nobel » en adoptant dans la région, une politique qui prend en compte la dignité et l'humanité de ces femmes,
3) à M. le secrétaire général Abdou Diouf, d'actionner les valeurs de la francophonie que nous avons en partage pour que dans toutes les instances, les francophones défendent en bloc ces victimes en soutenant le présent appel,
4) à Mme la présidente Zuma, de puiser dans la sagesse et l'humanisme africains, la force nécessaire pour condamner et faire condamner l'humiliation et la douleur infligée à ces femmes de l'est du Congo et d'appuyer fortement cette exigence de justice au Conseil de sécurité.
5) à M. le président Van Rumpoy, de recentrer la diplomatie européenne sur les valeurs qui fondent l'Europe - convaincre les États membres de s'abstenir de tout soutien sous quelque forme que ce soit, visant à couvrir ou garantir l'impunité aux bourreaux - et d'inviter les États membres à soutenir le présent appel.
6) à Mme Robinson et M. Ban Ki-moon, d'inscrire parmi les pistes prioritaires de recherche de solution de paix durable dans la région, la succession du TPIR / Arusha par le TPI pour la ROC.
7) aux dirigeantes et dirigeants du monde, quels que soient leur pays et l'institution qu'ils servent, d'arrêter tout encouragement et supprimer tous les avantages, privilèges et immunités consentis aux bourreaux.
8) à M. le président Hollande ainsi qu'aux chefs des États membres du Conseil de sécurité des Nations unies, d'instruire leurs ambassadeurs siégeant au Conseil de sécurité, de porter à l'ordre du jour et de rappeler, semaine après semaine, la question de l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la ROC en succession du TPIR/Arusha.
Ne pas le faire, serait une discrimination à l'égard de la femme congolaise, un déni de justice internationale ainsi qu'un encouragement à commettre le «gynocide » ou « fémicide». Car en effet, après publication du «rapport mapping» et la multitude de rapports sur la situation de ces femmes, nul n'est plus fondé à prétendre n'avoir rien vu, rien su, ni rien entendu".
Parmi les signataires : François Héritier, professeure d'Anthropologie émérite au Collège de France, Mireille Delmas-Marty, professeure émérite de Droit au Collège de France, Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de Droit à l'université Paris Diderot, Gisèle Halimi, avocate, Rama Yade, ancienne ministre, Roselyne Bachelot, ancienne ministre, Ingrid Betancourt, femme politique, François Gaspard, femme politique, Geneviève Fraisse, philosophe, Susan Georges, présidente d'honneur d'Attac… la liste complète des signataires est à consulter ici.
14:10 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (11)
03 août 2013
RDC : La zone de sécurité fait polémique
A peine mise en place, la nouvelle zone de sécurité de l'ONU ne fait pas l'unanimité dans le Nord-Kivu. La population s'étonne que la zone ne couvre pas les régions sous contrôle des groupes armés, alors que certains accusent la Monusco de vouloir "désarmer le peuple face aux rebelles du M23".
Une journée après la fin de l'ultimatum qui prévoit l'instauration d'une zone de sécurité autour de Goma et le désarmement de "toute personne possédant une arme à feu", le bilan est contrasté. Si le gouvernement congolais estime que cette mesure "va dans le sens de mettre fin au calvaire que subissent les populations", les mécontents font aussi entendre leur voix… et ils sont nombreux.
La Monusco "tape à côté"
A Goma, la population a bruyamment manifesté sa colère contre la zone de sécurité qui "n'englobe même pas les régions sous contrôle des rebelles du M23". "Un comble" selon un Congolais contacté. Un convoi de la Monusco a été "caillassé" vendredi matin à Goma en signe de protestation. Car si l'idée paraît bonne sur le papier pour la plupart des habitants du Nord-Kivu, son efficacité paraît "très incertaine". Les Congolais ont en effet l'impression que la Monusco "tape à côté". Alors q'une vingtaine de groupes armés sévissent dans le Nord et le Sud-Kivu, la zone de sécurité se contente de "sanctuariser" Goma, sa proche banlieue et la ville de Sake, sans s'occuper des régions où sont actifs les rébellions et notamment celle du M23.
Le M23 attend Kampala
Les rebelles du mouvement du 23 mars, dont aucune position n'est concernée par la zone de sécurité, donne dans l'ironie. René Abandi, un responsable du M23, souligne sur le site de "l'agence d'information" que "cette zone est occupée essentiellement par les soldats de l'armée régulière (FARDC) et leurs miliciens alliés des FDLR". Le M23 joue profil bas et déclare rester sur ses positions militaires défensives en attendant des avancées du côté des pourparlers de paix de Kampala, toujours au point mort depuis l'offensive de l'armée gouvernementale du 14 juillet dernier.
"Etendre la zone au-delà de Kibati"
Pour la population du Nord-Kivu, ballotée depuis deux décennies par des guerres à répétition, l'ultimatum de l'ONU et sa zone de sécurité ne va pas assez loin, ni assez vite. L'organisation non-gouvernementale congolaise, Lutte pour le changement (LUCHA), exige que la Monusco étende immédiatement sa zone de sécurité "au-delà de la ligne de Kibati" (région encore tenue par le M23). LUCHA demande également aux casques bleus et à la Brigade de "progresser le plus rapidement possible, sans quoi l'impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité".
La Monusco "désarme le peuple"
Si certains veulent que la Monusco aille plus vite, d'autres trouvent que la création d'une zone de sécurité et le désarmement qui va avec, est une vraie "duperie". Selon Jérôme Kengawe Ziambi, un criminologue, "tout citoyen congolais, habitant cette contrée, a le droit inaliénable de protéger sa vie et celle des siens" et donc d'être armé. En faisant la chasse aux armes à feu dans la zone de sécurité, ce Congolais craint ainsi que l'on désarme "le peuple congolais" qui se défend contre "les agressions étrangères" et le M23.
Attention à "l'escalade de la violence"
Du côté des ONG, on reste aussi très sceptique sur l'efficacité de la zone de sécurité. Oxfam demande aux Nations unies de procéder "avec la plus grande prudence" dans l'opération de désarmement. L'ONG craint une escalade de la violence avec l'entrée en action de la Brigade et demande que les populations civiles soient protégée par l'ONU. "Une priorité absolue" pour Oxfam. Bertrand Perrochet, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) en RDC avait dénoncé il y a quelques semaines (avant la création de la zone de sécurité) la confusion des genres entretenue par les Nations unies entre militaires et humanitaires. Avec un mandat "offensif", les casques bleus ne seront plus "neutres" dans le conflit et imposent ainsi aux ONG de ne plus l'être. Un changement radical dans l'histoire de l'ONU, qui inquiète ce médecin qui affirme "ne pas être un soldat en blouse blanche".
La Monusco "ne fait pas la guerre"
Devant un tel concert d'incompréhension, la Monusco s'est voulue rassurante et pédagogique. "Nous ne faisons pas la guerre aux groupes armés, nous voulons les désarmer et ramener la paix" a martelé la Monusco. L'opération de désarmement sera "progressive" et "le périmètre de la zone de sécurité pourra être étendu". A la question de savoir pourquoi, la Brigade ne s'attaque pas directement aux groupes armés, la Monusco a répondu en conférence de presse qu'elle ne pouvait pas "s'occuper de tous les groupes armés en même temps" et qu'elle commençait donc par sécuriser Goma. Au risque, selon certains analystes, de "sanctuariser" Goma, devenue une forteresse imprenable, au détriment du reste du Nord et du Sud Kivu, en prise direct avec les multiples groupes armés… et leurs exactions.
Offensif ?
Dernière inconnue : le niveau d'engagement de la nouvelle Brigade d'intervention de l'ONU sur le terrain. A la question de savoir si la Monusco utilisera la force pour désarmer dans la zone de sécurité, Félix Basse, le porte-parole de la Monusco a répondu sans hésiter "oui". Mais plus tard, il déclarera que la Brigade n'était pas "offensive" et qu'elle était seulement là "pour protéger les civils"… une mission qu'effectue avec plus ou moins de réussite la Monsuco depuis 13 ans ! Un flou qui n'a pas vraiment rassuré à Goma.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Casque bleu en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
00:38 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
30 juillet 2013
RDC : Première mission pour la Brigade de l'ONU
L'ONU vient de lancer la première opération de sa Brigade d'intervention "offensive" (FIB), très attendue par Kinshasa. Les casques bleus se joindront à l'armée congolaise (FARDC) pour établir une "zone de sécurité" au Nord de Goma et de Sake et protéger ainsi les civils des groupes armés. Un ultimatum de 48 heures a également été lancé à "toute personne possédant une arme à feu" pour désarmer et se démobiliser.
La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo ( MONUSCO) a décidé de frapper les esprits. Souvent accusée d'inefficacité sur le terrain militaire et de lenteur dans la mise en place de sa Brigade d'intervention, l'ONU vient d'accélérer le pas lors d'une conférence de presse ce mardi. Annoncée sous forme de teasing sur Twitter ("annonce importante de la Monusco à 16h30"), la conférence de presse donne le coup d'envoi de la première mission de la fameuse Brigade d'intervention de l'ONU (FIB), censée "neutraliser les groupes armés" grâce à un mandat plus "offensif". La participation de la FIB n'est mentionnée qu'en fin de communiqué, mais il s'agit bien là de l'information principale de l'annonce onusienne.
Désarmer les rebelles
L'entrée en scène de la Brigade est habilement présentée par la Monusco. L'ONU annonce tout d'abord la création d'une "zone de sécurité" autour de Goma (on croyait que les casques bleus étaient déjà censés sécuriser la zone !). Cette zone devrait débuter à l'Ouest de la capitale provinciale du Nord-Kivu au niveau de la ville de Sake pour englober tout le Nord de Goma et se terminer à la frontière rwandaise (voir carte ci-dessous). En gros, toute la zone qu'occupe actuellement la rébellion du M23 et que souhaite reprendre l'armée régulière. Deuxième annonce : "toute personne qui ne fait pas partie des forces de sécurité nationales et possède une arme à feu à Goma et dans les localités situées au nord de la ville" sera considérée "comme une menace imminente pour les civils". A compter du 1er août à 16h00, ces personnes seront donc désarmées par la Monusco, "y compris par la force".
La Brigade arrive... enfin
Enfin troisième information : l'opération sera constituée pour la première fois des éléments de la Brigade d'intervention, conjointement avec la Brigade de la Monusco du Nord-Kivu (BNK). La nouvelle est de taille tant cette Brigade est attendue par les autorités congolaises. Après la prise de Goma par les rebelles du M23, fin 2012, Kinshasa avait procédé à un fort lobbying diplomatique pour recevoir une aide militaire à l'Est du pays. La réponse de l'ONU s'était concrétisée dans l'envoi de cette Brigade de 3.000 hommes, munie d'un mandat "offensif" et d'une mission claire : "neutraliser les groupes armés". Rappelons que de nombreux analystes de la région doutent de son efficacité sur un terrain aussi difficile que les collines du Nord-Kivu.
Quid des autres groupes armés ?
La mise en place de la "zone de sécurité" à partir du 1er août sonne donc comme l'heure de vérité pour l'ONU en RDC. L'efficacité des 17.000 hommes de la Monusco présents en RDC, a souvent été très critiquée. Et pour Kinshasa, l'arrivée de ces 3.000 "super casques bleus" constitue un peu la solution de la dernière chance pour battre militairement les rebelles du M23. Si une vingtaine de groupes armés sévissent au Nord-Kivu, la cible numéro de l'ONU semble se concentrer sur le seul M23. Mais les autres groupes armés (Maï-Maï ou FDLR... ) pourront sous aucun doute migrer en dehors de la zone (la Brigade ira-t-elle les traquer ?). L'accélération de la mise en place de la Brigade, qui ne devait être opérationnelle que début septembre a sans doute été accélérée par la reprise des combats le 14 juillet dernier entre M23 et FARDC. L'armée régulière comptera sur la présence de la "zone de sécurité" et de la Brigade pour continuer son offensive sur les rebelles, qui, pour le moment sont dans la retenue. Seule question : pour combien de temps ?
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:49 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (23)
26 juillet 2013
RDC : Bavure des FARDC à Rumangabo ?
L'armée congolaise (FARDC) a bombardé mercredi 24 juillet un quartier de Rumangabo, près d'une base rebelle du M23. La rébellion et plusieurs témoins font état de 4 morts et 10 blessés et accusent l'armée d'avoir "raté sa cible". Les FARDC reconnaissent avoir attaqué le camp militaire, mais sans faire de victime civile.
Que s'est-il passé à Rumangabo mercredi dernier ? Dans ce village situé à 45 km au Nord de Goma, les hélicoptères de l'armée régulière congolaise (FARDC) ont lancé une offensive aérienne sur un camp militaire de la rébellion du M23. Les appareils des FARDC, des MI-24, ont bombardé Rumangabo "en haute altitude" dans un raid éclair, selon des témoins. Le bilan est lourd d'après l'agence Reuters, relayé par le Washington Post : 4 morts dont 3 enfants, une dizaine de blessés (un homme a perdu une jambe) et plusieurs maisons détruites. L'information est d'abord donnée par le président de la rébellion, Bertrand Bisimwa. Le M23 affirme que ce sont des civils qui ont été touchés dans un quartier d'habitation qui se trouve en amont de leur centre de formation militaire. Un bombardement "raté" et "irresponsable" puisque "tiré de beaucoup trop loin", estime un autre membre du M23.
Des corps atrocement mutilés
Très rapidement, un habitant contacté par l'Agence France Presse, confirme la thèse de la "cible manquée" par l'hélicoptère des FARDC. "Le camp n'a pas été touché, les avions ont bombardé ici", dit-il en désignant des habitations détruites. Le responsable du Parc des Virunga apporte lui aussi son témoignage à l'agence Reuters, car il est aux première loges des combats. "Les hélicoptères ont tiré sur Rumangabo et il semble qu'il y a un certain nombre de victimes" raconte Emmanuel De Merode. Le directeur du Parc explique qu'une dizaine de blessés ont été admis dans son infirmerie. Pour preuve de la violence des dégâts causés par l'attaque des FARDC, le M23 diffuse plusieurs clichés des victimes, que nous avons pu consulter. La plupart des photos sont impubliables et montrent des corps atrocement mutilés, éventrés ou démembrés. Nous ne sommes bien sûr pas en mesure d'authentifier le lieu et la date des prises de vues.
"Pas de victime civile"
Jeudi 25 juillet, l'armée congolaise sort de son silence et dément avoir tué des civils à Rumangabo. Les FARDC reconnaissent le bombardement du camp militaire de la rébellion mais récuse toute victime civile : "notre cible était les éléments du M23 dans le camp de Rumangabo, le bombardement n'a pas tué de civil", affirme l'armée sans plus d'explications. Difficile en effet pour les autorités congolaises de vérifier sur le terrain les conséquences d'un bombardement dans un territoire sous contrôle rebelle. Le M23 ironise sur l'embarras de l'armée régulière : "depuis cette bavure, les attaques des FARDC ont cessé depuis 2 jours… comme par miracle !". Un peu plus tard le porte-parole de l'armée congolaise intervient pour affirmer que "les cibles ont bien été atteintes à Rumangabo" et accuse désormais le M23 "d'avoir tiré sur des civils qui fuyaient". Une version tardive un peu alambiquée.
"Cible ratée"
Dans la guerre de l'information que se livrent les autorités congolaises et le M23, il est souvent difficile d'y voir clair: les deux camps se rejettant la plupart du temps la responsabilité des combats. Dans la "bavure" de Rumangabo, on pourrait voir un contre-feu allumé par le M23 pour "faire oublier" les accusations de Human Rights Watch qui dénonce les "exécutions sommaires" de la rébellion (1). Mais les témoignages d'habitants et du directeur du Parc des Virunga semblent plutôt accréditer la thèse de la "cible ratée" et donc d'une erreur d'appréciation de l'armée congolaise.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) voir notre article sur Afrikarabia
Photos diffusées par le M23 © DR
22:07 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (10)
22 juillet 2013
RDC : HRW accuse le M23 "d'exécutions sommaires"
"Les rebelles du M23 ont exécuté sommairement au moins 44 personnes". C'est ce qu'affirme Human Rights Watch (HRW) qui a recueilli une centaine de témoignages au Nord-Kivu. L'ONG apporte également de nouvelles preuves du soutien du Rwanda au M23, mais dénonce aussi les exactions commises par les FDLR et l'armée congolaise.
Alors que les affrontements ont repris le 14 juillet à l'Est de la République démocratique du Congo, entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise, Human Rights Watch dénonce les exécutions sommaires commises par la rébellion. Selon l'ONG, le M23 a exécuté "au moins 44 personnes et violé au moins 61 femmes et filles depuis mars 2013". HRW a également recueilli plusieurs témoignages d'habitants du Nord-Kivu et de rebelles déserteurs attestant que le M23 reçoit toujours de l'aide en provenance du Rwanda. "Parmi ces activités figurent des mouvements réguliers du Rwanda vers la RD Congo d'hommes en uniforme de l'armée rwandaise et l’approvisionnement du M23 en munitions, en vivres et en autres fournitures provenant du Rwanda", note l'ONG dans son communiqué.
Recrutements au Rwanda
Parmi les hommes recrutés au Rwanda par le M23, figurent des militaires rwandais démobilisés, mais aussi d'anciens combattants des FDLR, ainsi que des civils rwandais. "Un jeune Rwandais âgé de 15 ans", explique Human Rights Watch, "raconte que lui et trois autres jeunes hommes et garçons avaient reçu la promesse d'emplois en tant que gardiens de vaches en RD Congo, mais qu'une fois arrivés dans ce pays, ils avaient été forcés de rejoindre le M23. Ils ont suivi en RD Congo une formation militaire dispensée par des officiers rwandais et on les a avertis qu'ils seraient abattus s'ils tentaient de s'enfuir. D'autres déserteurs du M23 ont également affirmé que des officiers rwandais formaient les nouvelles recrues de ce groupe". (voir les témoignages recueillis par HRW)
Les FDLR au banc des accusés
Mais le M23 n'est pas le seul pointé du doigt. En plus des exactions commises par le M23, Human Rights Watch dénonce plusieurs meurtres et viols commis par les miliciens hutus congolais des FDLR. Certains officiers de l'armée congolaise auraient apporté un soutien à des factions des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, allié à ces milices congolaises, et dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda.
L'armée régulière également coupable
L'armée régulière congolaise (FARDC) n'est pas en reste. Selon l'HRW, "certains officiers et responsables gouvernementaux ont fourni un appui aux FDLR ou à des groupes qui leur sont alliés". l'ONG dénonce aussi la manière dégradante dont ont été traités les cadavres de combattants M23 par l'armée congolaise. "Le droit international interdit de commettre des atteintes à la dignité de la personne, y compris contre des morts", rappelle Human Rights Watch. L'ONG appelle les autorités militaires congolaises "à sanctionner de manière appropriée les officiers et les soldats responsables du mauvais traitement de cadavres". On peut noter que l'ONG oublie les nombreuses exactions commises par les FARDC : vols, viols, pillages… notamment à Minova.
Accusations partiales ?
Dans ces nombreux rapports, HRW a souvent été accusé par le M23 et le Rwanda de "partialité". L'ONG pointe souvent la rébellion comme l'unique source d'exactions en RDC, alors qu'une vingtaine d'autres groupes armés pullulent au Nord et Sud-Kivu. Les groupes d'auto-défense Maï-Maï sont peu cités dans les rapports d'Human Rights Watch. Et pour la population congolaise, l'armée nationale est considérée comme la seconde source de violence en RDC. Le M23 a souvent remis en cause les méthodes de l'ONG pour recueillir ses témoignages. Le journal Libération sous-entendait qu'Human Rights Watch paierait ses témoignages contre le M23. Si l'ONG dénonce dans son communiqué "44 exécutions sommaires", la rébellion affirme qu'elle attend toujours les preuves des "massacres de masse" dont on l'accuse. Il n'empêche que l'apparition du M23 en mars 2012 a bien ravivé la vingtaine de groupes rebelles… et les exactions qui vont avec. Le mouvement du 23 mars constitue bien le principal facteur de déstabilisation dans les Kivus, ce qui n'est évidemment pas le cas des groupes Maï-Maï, composés chacun d'une centaine d'hommes, tout au plus. Dans ce présent communiqué, on voit bien que l'ONG met l'accent sur les exactions du M23, mais corrige le tir en accusant (à juste titre) les autres groupes armés. Un ajustement bienvenu.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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21 juillet 2013
RDC : Les Kivus au bord de l'embrasement
L'armée congolaise a lancé une importante offensive contre les rebelles du M23 autour de la ville de Goma à l'Est de la République démocratique du Congo. Après une semaine de combats, le conflit peut-il se généraliser ?
La trêve entre M23 et gouvernement congolais aura été de courte durée. Après plusieurs mois d'atermoiements aux négociations de paix de Kampala, les armes ont de nouveau parlé dans les Kivus. Les hostilités ont repris dimanche 14 juillet à l'initiative de l'armée régulière congolaise (FARDC). Objectif : déloger les rebelles de Mutaho, une colline à une dizaine de kilomètres au Nord de Goma. Ce point stratégique situé sur les hauteurs permet à la rébellion de garder un oeil sur la ville et de l'attaquer, comme ce fut le cas en novembre 2012. Pendant une dizaine de jours, le M23 s'était alors emparé de la ville, sans résistance, devant une armée congolaise fantôme, avant de la libérer après avoir obtenu des négociations avec Kinshasa. Mais depuis plusieurs mois les pourparlers de paix de Kampala piétinent. Et la reprise des combats la semaine dernière n'est que le résultat de ce rendez-vous manqué.
Les affrontements entre l'armée congolaise et le M13 tombent à un moment clé du conflit. Le gouvernement de Kinshasa ne sait plus comment sortir des négociations de paix de Kampala, où il est bien décidé à ne faire aucun compris avec la rébellion. Et le M23 s'inquiète de l'arrivée prochaine de la fameuse Brigade d'intervention de l'ONU (FIB), un corps de 3.000 hommes, censé neutraliser les groupes armés dans les Kivus, par la force. Dans ce contexte de tensions, on pourrait donc penser que les deux belligérants ont intérêt à faire parler les armes.
C'est vrai pour le gouvernement congolais. Kinshasa veut faire oublier l'humiliation de la prise de Goma de novembre 2012 et ne veut pas céder devant la rébellion. La guerre contre le M23 est populaire en RDC et Joseph Kabila a la volonté de regagner un peu de légitimité après sa réélection contestée en 2011. Les FARDC se sont renforcés pendant les longs mois du "dialogue de sourds" de Kampala et l'Etat major a concentré ses meilleurs éléments (et également décidé de les payer en temps et en heure !). Le déclenchement des hostilités par Kinshasa avait donc pour but de s'attaquer frontalement au M23 avec de nouvelles troupes et un nouveau matériel plus performant. Mais l'autre objectif de Kinshasa était de précipiter l'ONU et sa Brigade dans le conflit le plus rapidement possible. Car les autorités congolaises comptent beaucoup sur la Brigade pour les sortir du cycle infernal : rébellion/accords de paix/nouvelle rébellion/nouveaux accord de paix… Pour le moment, si militairement les "succès" des FARDC sont limités, l'armée congolaise a réussi mettre la pression sur la rébellion en tentant une stratégie d'encerclement autour des ses positions. L'ONU, elle aussi, se retrouve sous pression, avec le double inconvénient d'être désormais critiquée par le M23 (car soutenant les FARDC) et par l'armée congolaise qui l'accuse de l'empêcher d'affronter les rebelles.
Côté M23, la situation est différente. Coincés par Kampala, dont l'issu demeure plus qu'incertaine, les rebelles redoutent l'arrivée de la Brigade d'intervention de l'ONU. Ce contingent de 3.000 hommes peut fortement déstabiliser le M23, qui ne compte qu'au maximum 2.500 soldats, certains analystes parlant même de seulement 1.500. Attaquer Goma une nouvelle fois aurait pu être une stratégie intéressante pour les rebelles. Jusqu'à fin mai, début juin, la ville était "reprenable" et une nouvelle chute de Goma aurait considérablement changé la donne à Kampala. Mais le M23 n'a pas bougé. Son parrain Rwandais, longuement sermonné par la communauté internationale pour son assistance aux rebelles congolais, se tient désormais en retrait. Kigali siège maintenant au Conseil de sécurité et tous les regards sont fixés sur le Rwanda et la situation au Nord-Kivu. Impossible pour le président Kagame d'apparaître comme le fauteur de trouble. La seule stratégie possible pour le M23 est donc l'attente et la conservation de ses positions autour de Goma en espérant que la Brigade "offensive" de l'ONU soit aussi inefficace que sa cousine la Monusco.
Le conflit peut-il se généraliser ? Ou même se régionaliser comme certains le craignent ? Pour les rebelles du M23, cette hypothèse serait sans doute la seule solution militaire possible pour de nouveau s'imposer sur l'échiquier congolais. Pour cela, il suffirait de plusieurs incidents sérieux avec les pays voisins de la RDC : le Rwanda, l'Ouganda ou le Burundi. Le Rwanda est d'ailleurs rapidement monté au créneau la semaine dernière dénonçant la chute de 2 obus congolais en territoire rwandais. Alors seulement, ces pays pourraient entrer dans le conflit ou prêter main forte de manière plus visible au M23. Le pari serait risqué. Le risque d'embrasement est donc pour l'instant peu probable.
L'évolution de la situation sécuritaire dans les Kivus se trouve en fait entre les mains de la communauté internationale et de l'ONU tout particulièrement. Si les FARDC se sont montrés plus offensifs ces derniers jours qu'en novembre dernier, il paraît difficile de penser que l'armée congolaise viennent seule à bout du M23. Pour cela, il faudra l'intervention et le soutien actif de la Monusco et de la Brigade d'intervention. Pour l'instant, la Monusco n'est pas intervenu et la Brigade n'est pas prête. Les FARDC sont donc peut-être allés un peu vite en besogne puisque la Brigade ne sera finalement pas complètement opérationnelle avant… début septembre. Un laps de temps ou tout est encore possible.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
22:28 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
RDC : Le cas Ndongala préoccupe le PS français
Dans un communiqué, le Parti socialiste français (PS) dénonce "les actes de harcèlement et les mesures de détention arbitraires" subit par l'opposant congolais Eugène Diomi Ndongala. Emprisonné depuis avril dernier, Diomi Ndongala vient d'être transféré au camp militaire Kokolo dans un état de santé jugé critique par ses proches. Retour sur l'affaire Ndongala.
Le très mauvais feuilleton judiciaire dont est victime le dirigeant de la Démocratie chrétienne (DC), Eugène Diomi Ndongala, commence à inquiéter Paris. Le Parti socialiste français vient en effet de publier un communiqué sans équivoque sur le cas de cet opposant congolais "harcelé" par le régime du président Joseph Kabila, selon les propres termes du communiqué.
Après les élections contestées de novembre 2011, Diomi Ndongala, allié de l'opposant Etienne Tshisekedi, a fortement contesté la réélection du président Kabila. Depuis, les "mésaventures" s'enchaînent pour Ndongala. Alors que le patron de la DC prépare une coalition de partis d'opposition pour contrer Joseph Kabila, Ndongala se voit accuser de viol sur mineures dans un scénario "préfabriqué dont le pouvoir de Kinshasa est coutumier" selon ses proches. Il "disparaît" alors quelques jours plus tard à Kinshasa. La Démocratie chrétienne dénonce "un enlèvement des services de sécurité congolais" (ANR), tandis que les autorités affirment qu'il est "en fuite" pour "échapper à la justice". Ndongala réapparaît comme par miracle, le 22 juin 2012, la veille du Sommet de la Francophonie et de la venue du président français François Hollande.
Mais les déboires d'Eugène Diomi Ndongala ne s'arrêtent pas là. Le député d'opposition se retrouve maintenant accusé de "complot contre l'Etat" et de "tentative d'assassinat du président Kabila". Là encore, les accusations sont "grotesques" selon la DC En juin, son mandat de député est invalidé et le prive de son immunité. Ndongala se retrouve passible de la peine de mort. Enfin le 8 avril 2013, le voici interpellé et conduit à la prison centrale de Makala. Depuis, sa femme Patrizia, lance des appels répétés pour sa libération ou au moins sa mise en résidence surveillée, car son mari serait extrêmement malade. La santé de Diomi Ndongala s'est en effet fortement dégradée depuis son arrivée à Makala où les soins sont réduits au strict minimum.
Dernier épisode en date, Ndongala aurait été transféré le 18 juillet dernier au camp militaire Kokolo, de sinistre réputation. La Démocratie chrétienne dénonce "la militarisation de la prise en charge médicale de son président et condamne la stratégie du régime kabila de vouloir à tout pris éliminer Diomi Ndongala à travers son refus de lui administrer des soins".
Le Parti socialiste (PS) français, par la voix de Jean-Christophe Cambadélis, vient d'apporter son soutien à Diomi Ndongala. Le PS déclare "suivre avec attention les nouvelles vicissitudes judiciaires imposées à l’opposant congolais, soumis à une justice clairement partiale et reste vigilant sur le sort de cet opposant". Le parti socialiste déclare "attendre plutôt du pouvoir congolais que soit organisé enfin un dialogue politique inclusif et sincère afin de remédier aux carences patentes de la démocratie en République démocratique du Congo". On peut difficilement penser que le président français, François Hollande, n'a pas été tenu informé de cette prise de position de son propre parti.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Diomi Ndongala © DR
16:07 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
14 juillet 2013
RDC : Des combats au Nord de Goma ce dimanche
Les affrontements ont repris dimanche 14 juillet 2013 entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise (FARDC) à seulement 10 km de Goma. Les combats ont débuté en début d'après-midi aux environs de Mutaho. Le M23 affirme avoir été attaqué par l'armée régulière vers 14h, mais aussi par les FDLR et les Maï-Maï Nyatura. Selon des sources locales, l'aviation gouvernementale serait entrée en action. Les FARDC déclarent avoir répondu a une attaque du M23. L'armée gouvernementale s'était déjà lancée dans une offensive de la base rebelle de Mutaho en mai dernier.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
MISE A JOUR à 16h45
16:44 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
RDC : Joseph Kabila condamné à l'ouverture politique
Fragilisé par une réélection contestée, une majorité affaiblie et la reprise de la guerre au Nord-Kivu, le président Joseph Kabila se cherche de nouveaux alliés. Pour élargir sa majorité, Joseph Kabila vient de lancer des "concertations nationales". Avec en ligne de mire : une modification de la Constitution pour sa candidature pour la présidentielle de 2016.
Opération réélection. C'est désormais un secret de polichinelle : le président congolais Joseph Kabila prépare sa prochaine candidature à la présidentielle de 2016. Le hic : la Constitution ne lui permet pas de se présenter à un troisième mandat. Seul moyen de contourner l'obstacle : modifier la Constitution. L'opposition et les organisations des droits de l'homme sont vent debout contre toute révision de l'article 220, limitant à deux mandats les présidents congolais.
Manque de légitimité
A J - 3 ans, Joseph Kabila a encore un peu de temps pour faire passer cette modification "en douceur". Mais les difficultés sont nombreuses. Joseph Kabila devra d'abord tenter de faire oublier les élections calamiteuses de novembre 2011 dont les résultats sont entachés d'irrégularités et de soupçons de fraude massive. Un parfum l'illégitimité plane depuis sur le président Kabila. La communauté internationale a boudé sa cérémonie d'investiture et les bailleurs font grise mine. Pour remonter la pente, Joseph Kabila a fait le ménage au sein de la Commission électorale (CENI) en remplaçant le très contesté Daniel Ngoy Mulunda (un proche) par le plus présentable Apollinaire Malu-Malu. L'opposition, qui ne s'estime "pas dupe", accuse le nouveau président de le CENI de préparer des élections "sur mesure" pour Joseph Kabila.
Recherche alliés désespérément
Pour faire voter une modification de la Constitution et pouvoir se représenter aux élections de 2016, Joseph Kabila devra compter sur sa majorité dans les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat). Mais depuis sa réélection de 2011, Joseph Kabila a perdu une grande partie de sa garde rapprochée et de ses fidèles : Vital Kamerhe est passé dans l'opposition en 2010, son plus proche conseiller, Katumba Mwanke, est décédé dans un accident d'avion en 2012, John Numbi a été placé est "au vert" au Katanga après l'affaire Chebeya, Daniel Ngoy Mulunda a été éjecté de la CENI après les tripatouillages électoraux de 2011 et le Palu d'Antoine Gizenga n'est plus un allié de poids. Reste Evariste Boshab et Aubin Minaku, mais certains les considèrent comme "non-fiables", avec des ambitions personnelles qui pourraient faire de l'ombre au président sortant.
Une chance : la guerre à l'Est
Devant ce champ de ruine, le président Kabila se trouve dans l'obligation de trouver de nouveaux partenaires. Cela tombe bien, l'opposition est plus divisée que jamais et certains hommes politiques n'hésitent pas à franchir le rubicon comme l'ex-MLC François Muamba, nommé récemment "coordonnateur du mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba" par Joseph Kabila lui-même. Car le président congolais a de la chance. Depuis mars 2012, les rebelles (ex-CNDP) du M23 ont repris les armes au Nord-Kivu et se sont emparés de la ville de Goma pendant une dizaine de jours. Le pays est "agressé" et Joseph Kabila se mue en victime. Il demande l'aide de la communauté internationale, bien obligée de voler au secours du président congolais.
Concertations nationales : le piège ?
C'est dans ce contexte de retour à la guerre que Joseph Kabila lance l'idée d'un "dialogue national" devant l'urgence de la situation l'Est. L'idée est de créer un semblant d'unité nationale autour de sa personne et de retrouver ainsi un soupçon de légitimité. L'opération peut se révéler rapidement gagnante et Joseph Kabila convoque des "concertations nationales" (dont la date n'est pas encore fixée). Grâce à ce nouveau dialogue inter-congolais, le président espère réunir autour de la table l'ensemble de l'échiquier politique congolais. Joseph Kabila pourrait ainsi trouver un consensus minimal autour de sa personne et justifier sa candidature "d'union nationale" pour un nouveau mandat alors que le pays est "en pleine guerre". L'opposition crie à la "supercherie", au "piège" et pense que ces concertations seront uniquement l'occasion des quelques "débauchages" dans ses rangs… pour faire mieux passer la révision de la Constitution. L'opposition rejette pour le moment toute participation aux concertations, même si on commence à voir quelques fissures, puisque certains conditionnent désormais leur présence.
Kabila maître du temps
Pour modifier la constitution, le président Joseph Kabila a bien compris qu'il devait ouvrir sa majorité à de nouveaux alliés, et continuer à diviser l'opposition. En activant des concertations nationales "ouvertes" à l'opposition, à la société civile et à la diaspora, le président congolais espère ainsi donner des gages de bonne volonté à la communauté internationale. Le temps joue en sa faveur. Aucune issue rapide ne se profile dans le conflit au Nord-Kivu : les pourparlers de paix de Kampala sont au point mort et l'arrivée de la Brigade d'intervention de l'ONU, plus offensive que les actuels casques bleus de la MONUSCO, risque plus de figer la situation militaire, que de stopper la guerre. Mais attention, pour que l'opération séduction de Joseph Kabila réussisse, il faudra un minimum de représentants de l'opposition autour de la table des concertations nationales… et pour le moment c'est plutôt mal parti.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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08 juillet 2013
RDC : La diaspora intégrera les concertations nationales
La diaspora grande oubliée du dialogue nationale ? Nous posions cette question sur ce site il y a quelques jours. La publication du règlement intérieur des futures concertations répond aujourd'hui à cette question : 18 délégués issus de la diaspora feront finalement partie du dialogue souhaité par le président Joseph Kabila. Des concertations qui sont pourtant loin de faire l'unanimité dans l'opposition.
Le projet de règlement intérieur des prochaines concertations nationales (consultable ici) prévoit 18 sièges pour la diaspora. A Paris, le représentant de la Diaspora congolaise favorable au dialogue (DCFD) se dit satisfait de cette intégration, "qui plus est reconnue comme composante à part entière", souligne Gaspard-Hubert Lonsi Koko, son porte-parole. Dans ces colonnes, nous avions relayé son appel pour la participation de la diaspora au dialogue national (lire Afrikarabia). Le règlement intérieur associera la diaspora à la société civile, au même titre que "les confessions religieuses, les défenseurs des droits de l'homme ou la magistrature (article 5-5)". Gaspard-Hubert Lonsi Koko estime que 8 délégués pourraient représenter l'Europe.
Mais pour le moment, ils sont bien peu nombreux dans les rangs de l'opposition à vouloir s'asseoir à la même table que la Majorité présidentielle. "Un piège" pour la plupart des opposants. L'UNC de Vital Kamerhe a estimé que "la question de la légitimité des dirigeants actuels de la RDC devrait faire partie de ces discussions". L'UDPS et ses alliés dénoncent "la démarche biaisée" de Joseph Kabila et demandent la médiation de personnalités neutres, comme l'envoyé spécial de l'ONU. "Le président Kabila est juge et partie" accuse Jean-Claude Vuamba sur le site de Radio Okapi. "La convocation du dialogue devrait être précédée par la mise en place d’un comité préparatoire, incluant toutes les parties prenantes afin d’en définir le format, l’ordre du jour, les mécanismes de suivi et d’exécution des décisions" estime Vuamba qui déclare ne pas vouloir participer aux concertations si le schéma actuel est maintenu.
En France, la diaspora est plutôt hostile au dialogue souhaité par le Chef de l'Etat, dont le plus grand nombre conteste la réélection de Joseph Kabila et donc sa légitimité. Sur le site Afrikarabia, les réactions des Congolais sont nombreuses à vouloir refuser leur participation à "une mascarade présidentielle". Certains se demandent comment peut-on s'asseoir à la table d'un régime "sans aucune légitimité qui emprisonne les vrais opposants comme Eugène Diomi Ndongala, Jacques Chalupa ou le Pasteur Kutino". D'autres appellent "au soulèvement populaire contre le régime", plutôt que d'aller discuter avec Joseph Kabila. Gaspard-Hubert Lonsi Koko prend les choses avec philosophie. Il ne s'estime "pas dupe" de la volonté du chef de l'Etat d'utiliser l'opposition dans ces concertations pour renforcer sa légitimité, mais le porte-parole du DCFD pense que pour peser, "il vaut mieux être dedans que dehors". Pour l'instant, aucune date n'a été fixée pour le démarrage des concertations nationales.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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07 juillet 2013
Centrafrique : "Il y a risque de somalisation" selon Thierry Vircoulon
La situation est toujours alarmante en Centrafrique, 4 mois après le renversement de François Bozizé par les rebelles de la Séléka. Le pays se retrouve plongé dans une crise sécuritaire, politique et humanitaire. International Crisis Group (ICG) vient de publier un rapport qui demande aux partenaires internationaux de s'engager davantage pour financer la transition. Pour Thierry Vircoulon, responsable pour l'Afrique centrale d'ICG, "l'existence de la Centrafrique en temps qu'Etat en remis en cause", si rien n'est fait.
- Afrikarabia : Près de 60 000 personnes ont fui la République centrafricaine depuis décembre 2012 et le pays compte actuellement 200 000 déplacés internes. Comment expliquer que la situation sécuritaire et humanitaire ne se soit pas améliorée depuis l'arrivée de la Séléka au pouvoir ?
- Thierry Vircoulon : La situation en Centrafrique ne s'est pas améliorée parce qu'en arrivant au pouvoir, la Séléka n'avait aucun plan. La Séléka reste une coalition extrêmement fragile. La Séléka n'est ni un parti politique, ni une structure de gouvernement. La grande différence entre le coup d'Etat de Bozizé et celui de la Séléka, c'est que Bozizé venait de l'Etat, toute sa carrière venait de là, alors que la Séléka n'est composée que de groupes armés, venant du Nord-Est du pays.
- Afrikarabia : Dans votre rapport (1) vous mettez la priorité sur l'amélioration de la sécurité dans le pays. Comment peut-on faire ?
- Thierry Vircoulon : La Séléka a fait rentrer plusieurs milliers de combattants dans Bangui et elle n'est pas en mesure de les contrôler. Essentiellement parce qu'elle n'a pas d'argent pour payer les soldes de ses soldats. La principale priorité est donc de faire en sorte que ces combattants sortent de Bangui. Deuxièmement, il faudrait lancer un processus de "désarmement, démobilisation et réinsertion" (DDR), suivi d'une "réforme des services de sécurité" (RSS). On voit bien qu'une stabilité à long terme de la Centrafrique dépend d'une réforme de l'armée. Il y a bien eu quelques initiatives, mais elles montrent surtout combien la Séléka a du mal à contrôler ses propres hommes. Les ex-rebelles ont créé une sorte de police de la Séléka. Cette police était censée notamment récupérer les voitures volées par les miliciens, mais elle se heurte au manque d'unité de commandement au sein de la coalition et elle a beaucoup de mal à s'imposer.
- Afrikarabia : La problématique budgétaire est également importante. Les caisses de l'Etat centrafricain sont vides, que préconisez-vous dans votre rapport ?
- Thierry Vircoulon : La situation budgétaire est assez critique, avec des fonctionnaires qui ne sont pas payés. Il faut donc une aide budgétaire d'urgence. Cette aide devrait être octroyée par le consortium de bailleurs : le FMI, l'Union européenne, la Banque mondiale et éventuellement la CEMAC. Mais ces 4 institutions devraient se mettre ensemble autour d'une table et se concerter plutôt que de prendre des initiatives séparées. La CEMAC avait validé une aide, mais elle a été refusée par le FMI. Il doit y avoir concertation.
- Afrikarabia : Certaines personnalités, comme l'archevêque de Bangui, demandent la mise sous tutelle de la Centrafrique. Est-ce une bonne idée ?
- Thierry Vircoulon : Cette prise de position est surtout l'expression de l'extrême désespoir dans lequel se trouvent les Centrafricains qui n'ont plus aucune confiance dans leurs propres capacités à surmonter la crise. Le pays se délite depuis fort longtemps et l'existence même de la Centrafrique comme Etat est en cause. Je ne suis pas d'accord pour qu'il y ait une mise sous tutelle, mais je suis pour une prise en charge internationale forte. Avec, d'une part, un appui sécuritaire important, d'autre part une aide financière à la relance de l'administration centrafricaine et enfin une aide humanitaire pour parer au plus pressé.
- Afrikarabia : Il y urgence selon vous ?
- Thierry Vircoulon : Oui, tout cela met trop de temps à se mettre en place. On a vu les incidents de sécurité se répéter à Bangui entre la population et les miliciens de la Séléka.
- Afrikarabia : Vous prévenez également dans votre rapport que l'échec de la transition ferait de la République centrafricaine une sorte de "ventre mou" de l'Afrique centrale et laisserait le champ libre aux différents groupes armés.
- Thierry Vircoulon : Oui, l'existence de la Centrafrique en temps qu'Etat en remis en cause : il n'y a plus de services de sécurité, il n'y a plus d'administration fonctionnelle… tous les attributs de l'Etat sont en train de disparaître. La Centrafrique risque de n'être plus qu'un territoire et plus un Etat. Et un territoire sera vite occupé par les groupes armés présents sur le terrain. Il y a un risque réel de scénario à la somalienne. Il n'est pas impossible que l'on voit arriver des éléments islamistes radicaux qui profitent de l'absence d'autorités en Centrafrique pour s'y implanter. On pense notamment à Boko Haram.
- Afrikarabia : Peut-on également craindre un retour par la force de François Bozizé que l'on dit réfugié au Sud-Soudan ?
- Thierry Vircoulon : François Bozizé semble effectivement avoir disparu et se cache. Cela est peut-être lié au mandat d'arrêt émis par Bangui. Mais pour relancer une offensive, il lui faudrait, comme en 2003, un parrain. Peut-être est-il en train d'essayer d'en trouver un. Une chose est sûre, ce ne sera plus Tchad.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) Le rapport complet d'International Crisis Group sur la Centrafrique est téléchargeable ici
Photo : Thierry Vircoulon © Ch. Rigaud
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05 juillet 2013
La Centrafrique en débat à Toulouse du 18 au 20 juillet
4 mois après la chute de François Bozizé, la situation sécuritaire est toujours critique en Centrafrique. Le nouvel homme fort de Bangui, Michel Djotodia, peine à s'imposer et le risque d'une crise humanitaire guette. A Toulouse, la Centrafrique sera au coeur des débats pendant 3 jours : rencontres, projections, débats, concerts... pour mieux comprendre ce pays, oublié des médias.
Du 18 au 20 juillet 2013, Toulouse se penchera au chevet de la Centrafrique au cours de 3 journées de réflexion sur la situation de ce petit pays d'Afrique centrale. Organisée par l’Association PASSES TRAD DANSE, "La Centrafrique au coeur des débats" permettra de réunir une centaine de participants et de faire le point 4 mois après le renversement du régime de François Bozizé. Ces rencontres rassembleront des spécialistes du monde politique, économique et culturel ou des représentants des collectivités territoriales et de la société civile.
Au cours de ces 3 jours, plusieurs aspects de la situation centrafricaine seront abordés : la sécurité nationale et les groupes rebelles, l'aide au développement, la culture, le "sentiment d'unité nationale", la lutte contre la corruption... Ces débats seront rythmés par des projections, des lectures et des concerts. Ces journées se tiendront du 18 au 20 juillet 2013 à l’Espace des diversités et de la laïcité, 38 rue D'Aubuisson à Toulouse. Pour toutes les infos pratiques et le programme complet, cliquez ici.
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04 juillet 2013
RDC : L'ARP dément la dissolution de son exécutif
L'Armée de résistance populaire (ARP) du général dissident Faustin Munene dément formellement la dissolution des membres de l'éxecutif de son mouvement, annoncée par plusieurs sites internet. "De fausses informations", selon l'ARP, publiées "dans le seul but de nuire à la réputation du parti et de son commandant en chef".
L"ARP de Faustin Munene est-elle en crise ? C'est ce que croient savoir deux sites internet qui ont relayé une information annonçant la dissolution du secrétariat général et de tous les membres du comité exécutif par le général Faustin Munene, patron de l'ARP. Le site CongoTribune affirmait tenir son information du directeur de cabinet de Munene, Maitre Michel Kanama. Selon ce proche du général dissident, "cette décision intervient, après de fortes tractations dans le mouvement, suite aux manquements graves constatés dans le comportement de certains membres de l’Exécutif et le manque de transparence dans la gestion des dossiers sensibles qui menaçaient l’unité".
Mais quelques jours plus tard, le 30 juin 2013 , le secrétaire général de l'ARP, Fanfan Longa Foamba publie un démenti formel et se dit "surpris par cette fausse information qui n'engage que son auteur". Selon le secrétaire général de l'ARP, cette annonce avait "pour seul but de nuire à la réputation du mouvement ainsi qu'à son commandant en chef". Fanfan Longa Foamba affirme que le comité exécutif de l'ARP "garde le contrôle du mouvement".
Entré en dissidence en 2010 et accusé de vouloir renverser Joseph Kabila, le général Faustin Munene a été condamné par contumace, avant de se réfugier à Brazzaville. Munene dénonce les pressions incessantes de Kinshasa sur les autorités du Congo-Brazzaville afin de l'extrader et estime que le régime de Joseph Kabila cherche régulièrement à déstabiliser son mouvement politico-militaire.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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RDC : La diaspora oubliée du dialogue national
Joseph Kabila a annoncé la prochaine tenue de "consultations nationales" dans un contexte de crise politique après les élections contestées de 2011 et la reprise de la guerre à l'Est du pays. A Paris, la Diaspora congolaise favorable au dialogue (DCFD) regrette l'absence de la diaspora à cette initiative.
Annoncé en janvier 2013, le dialogue national voulu par Joseph Kabila devrait finalement voir le jour. Le président congolais a signer dernièrement une ordonnance convoquant des "consultations nationales" sous la direction de deux de ses proches : Aubin Minaku, le président de l'Assemblée nationale et Léon Kengo, le président du Sénat. Objectif de ces consultations : "rétablir la cohésion nationale, consolider l'unité du pays et mettre fin aux cycles de violence à l'Est du pays afin de permettre la reconstruction du pays". Un programme ambitieux qui butte sur l'affaiblissement du chef de l'Etat congolais depuis la présidentielle contestée de novembre 2011 et le retour de la guerre au Nord-Kivu. Les "consultations nationales" devraient se dérouler sur 15 à 20 jours à une date encore "indéterminée" par l'ordonnance présidentielle.
Si l'opposition politique, UNC et MLC en tête, ont rejeté en bloc leur participation au dialogue national, certains partis (ils sont peu nombreux) approuvent la démarche du président Kabila. C'est le cas à Paris de la Diaspora congolaise favorable au dialogue (DCFD). Gaspard-Hubert Lonsi Koko, son porte-parole, approuve l'initiative présidentielle. Il souhaite en effet la tenue d'"un véritable dialogue républicain, sans exclusive, entre les Congolais". Selon lui, il y a urgence à consolider "la cohésion nationale, la concorde sociale, les institutions étatiques (…) face aux diverses tentatives de déstabilisation de la partie orientale de la République démocratique du Congo". Si Gaspard-Hubert Lonsi Koko ne cautionne pas la politique de Joseph Kabila (il a toujours revendiqué sa place dans l'opposition), le porte-parole de la DCFD rejette la politique de la chaise vide.
Mais il y a un autre bémol de taille : l'absence de la diaspora congolaise à ces concertations. Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, "tous les Congolais sont égaux devant la loi" et il ne comprend pas que la diaspora soit écartée du processus. "La diaspora constitue quasiment 1 province entière de la RDC. Nous participons économiquement et socialement à la vie du pays", explique-t-il. Dans un communiqué publié à Paris, la DCFD espère donc "que ce facteur sera pris en compte avant l’articulation concrète desdites concertations – la reconstruction de la souveraineté de l’État devant être l’œuvre de tous les Congolais, indépendamment de leur lieu de résidence". La diaspora mène depuis de nombreuses années un long combat pour la reconnaissance de ses droits en RDC. Lors du processus électoral de 2011, les Congolais de la diaspora congolaise n'avait pas pu participer au scrutin depuis leurs pays de résidence.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Plus d'infos sur www.afrikarabia.com
09:21 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
03 juillet 2013
RDC : "L'affaire Chebeya" indésirable au Cameroun
Le documentaire "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" et son réalisateur, Thierry Michel, ne sont pas les bienvenus au Cameroun. Le cinéaste a été informé par le directeur du festival "Ecrans noirs" qu'il serait immédiatement refoulée dès son arrivée au Cameroun et que son film a été retiré de la programmation. Thierry Michel accuse Kinshasa d'être à la manoeuvre.
Le documentaire sur l'affaire Chebeya n'en finit pas de déranger les autorités de République démocratique du Congo (RDC). Son réalisateur, Thierry Michel, affirme que son film, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", a été retiré du festival de Yaoundé "Ecrans noirs" sur "demande expresse" du gouvernement congolais. Le cinéaste a également été averti par le directeur du festival qu'il serait refoulé dès son arrivée au Cameroun malgré un visa en bonne et due forme délivré par l'ambassade camerounaise à Bruxelles.
Ce film sur l'assassinat en 2010 d'un militant des droits de l'homme à Kinshasa alors qu'il avait rendez-vous avec le chef de la police congolaise, avait déjà valu plusieurs "tracasseries" à son auteur. Le film avait été interdit de diffusion en République démocratique du Congo et Thierry Michel avait été refoulé à l'aéroport de Kinshasa en juillet 2012. Mis en cause dans le documentaire, le chef de la police congolaise, John Numbi, avait également attaqué le film en justice en Belgique, avant d'être débouté.
Il faut dire que le documentaire de Thierry Michel pointe avec force les "errements" (pour ne pas dire plus) de la justice congolaise dans l'affaire Chebeya. Dans le film, un des policiers met directement en cause l'ancien chef de la police, John Numbi, considéré par les parties civiles comme le commanditaire du meurtre. Toutes les pistes convergent vers ce proche du président Joseph Kabila, pourtant, la justice congolaise a toujours refusé de le mettre en cause. L'épisode camerounais n'est qu'un énième soubresaut des autorités de Kinshasa pour tenter d'"enterrer" le procès Chebeya, dont les principaux accusés (sauf John Numbi) sont rejugés de manière chaotique depuis le 19 juin 2012.
L'interdiction camerounaise pose également plusieurs questions : celle de l'indépendance des autorités de Yaoundé face à des pressions extérieures et surtout le "silence radio" (pour l'instant) des partenaires du festival "Ecrans noirs" : l'Institut Français qui dépend du Ministère de la culture français et Ministère des Affaires étrangères, France 24, RFI ou Canal+… dont on aurait pu attendre un geste.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
MISE A JOUR : Mercredi dans l'après-midi, Thierry Michel a annoncé la levée de l'interdiction du film qui sera bien projeté jeudi 4 juillet dans le cadre du festival "Ecrans noirs". Le cinéaste indique également qu'il "n'est plus convié à venir présenter le documentaire".
Pour en savoir plus sur l'excellent film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" : www.chebeya-lefilm.com
10:36 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (0)
Rwanda : Dieulefit inaugure une stèle en souvenir du génocide des Tutsi
Samedi 29 juin 2013, la maire socialiste de cette petite commune de la Drôme a inauguré une stèle « à la mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 » et une plaque en souvenir de Jean Carbonare (1926-2009), qui habitait dans la commune. C’est la seconde stèle posée en France après celle de Cluny (Saône-et-Loire), en avril 2011. D’autres monuments sont prévus dans diverses villes de France.
La scène s’est produite le 28 janvier 1993 devant des millions de téléspectateurs. Invité de Bruno Mazure dans le « 20 heures » de France 2, Jean Carbonare, Dieulefitois depuis 1970, tire la sonnette d’alarme. Il rentre d’une mission internationale d’enquête menée au Rwanda par d’importantes ONG, dont la Fédération internationale des associations de défense des Droits de l’Homme (FIDH) et Human Rights Watch (HRW). Ses membres ont constaté des massacres et violations des droits de l’Homme massifs. Ces exactions sont commises en totale impunité par les Forces armées rwandaises (FAR), les milices du régime et des organisations présidentielles secrètes dont un « escadron de la mort » qui liquide nuitamment les « ennemis ». Les cibles : des Hutu démocrates et surtout l’ensemble de la population tutsi, stigmatisée comme « complice » (Ibyitso) de la rébellion du Front Patriotique Rwandais. Ce mouvement armé réclame à la fois le partage du pouvoir et le retour des quelque 500 000 Tutsi chassés du Rwanda à la suite d’une succession de pogroms.
Comme les Juifs en France sous l’Occupation, les Tutsi sont supposés identifiables à leur morphologie différente, à commencer par leur « nez tutsi » (sic), et plus encore par la mention « ethnique » de leur carte d’identité. Le Rwanda est alors le seul pays avec l’Afrique du Sud, où la carte d’identité mentionne la « race » de son porteur : ici, Hutu, Tutsi, Pygmée (« Twa », 1% de la population) et même… « naturalisé », ce qui signifie sans race !
Les enquêteurs des Droits de l’Homme ont notamment découvert qu’au Rwanda des militaires français aux barrages routiers se vantent de reconnaître les Tutsi au premier coup d’œil et les font descendre des autobus pour les livrer aux Forces armées rwandaises (FAR). Certains disparaissent. Femmes et jeunes filles sont généralement violées. Par ailleurs, des rebelles capturés ont été « interrogés » devant des officiers français, une situation inattendue pour qui connaît les méthodes d’interrogatoire des FAR : les prisonniers sont généralement battus à mort.
Les experts de la FIDH et de HRW ont été révulsés par leurs découvertes. Ils discutent pour savoir s’il faut appliquer le terme de « génocide » aux pogroms anti-tutsi qui n’ont encore fait « que » 2000 à 3000 morts entre 1990 et décembre 1992. L’ambassadeur de France à Kigali Georges Martres minimise et parle de « rumeurs ». Face au journaliste Bruno Mazure, Jean Carbonare prend son courage à deux mains. Il adjure le gouvernement français de peser de tout son poids pour obliger le régime Habyarimana à mettre fin aux atrocités. Les larmes aux yeux, il parle du risque de « génocide ». A l’Elysée, on ricane. C’était quinze mois avant le génocide des Tutsi.
A Dieulefit aussi, Jean Carbonare a longtemps prêché dans le désert. Après 1994, dévasté par le souvenir de cette occasion manquée d’épargner un million de vies, il a mis toutes ses compétences au service du nouveau chef de l’Etat rwandais, Pasteur Bizimungu. Lorsque ses problèmes cardiaques l’ont empêché de continuer à résider à Kigali (1 600 mètres d’altitude), il est revenu à Dieulefit avec son épouse Marguerite parler et reparler de sa passion du Rwanda. Il était toujours à contre-courant. Il s’est installé à Dieulefit, ce pays de toutes les résistances. Après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, la population de Dieulefit, protestante, a été victime des « dragonnades » ces blancs-seings donnés aux cavaliers militaires (« Dragons ») pour violer, tuer, terroriser les habitants afin qu’ils abjurent leur « erreur ». Mais comme Jean Carbonare plus tard, Dieulefit est resté intimement protestant, rebelle aux manipulations. Issue d’une ancienne famille protestante de Dieulefit, Marguerite Soubeyran (1894-1980) y créa en 1929 avec Catherine Krafft (1899-1982) l’École nouvelle de Beauvallon à Dieulefit. Elles y accueillirent et cachèrent des centaines d’enfants juifs jusqu’en 1944. Marguerite Soubeyran et Catherine Krafft furent désignées « Justes parmi les nations » en 1969.
Dans ce pays « où personne n’est étranger », les villageois ont protégé plus de 1 500 Juifs et autres persécutés durant l’Occupation (Lire Anne Vallaeys, Dieulefit ou le miracle du silence, Ed. Fayard, Paris, 2008). Pas une seule lettre de dénonciation, pas une trahison. Le terreau était donc propice pour comprendre l’indignation et la révolte de Jean Carbonare devant l’épouvante : l’implication de l’Etat français dans un génocide contemporain.
Deux ans avant son décès, Jean Carbonare a fait se rencontrer son médecin, le Dr Anne-Marie Truc, et un ami rwandais, le Dr Ezéchias Rwabuhihi. « Il m’a parlé du Rwanda, de ce que les Tutsi avaient subi, raconte Anne Marie Truc. Tout ce sur quoi je fondais ma vie, mes valeurs, tout ça se fissurait. J’ai éprouvé un terrible besoin de comprendre, j’ai lu quantité de livres sur le Rwanda. Je me suis demandé ce que je pouvais faire ».
De cette rencontre est née une association : Intore za Dieulefit ( l’homme accompli). Un premier voyage est organisé au Rwanda, sur les collines de Bisesero. Ce n’est pas un choix de hasard. En avril 1994, 50 000 Tutsi se sont regroupés sur ces collines au sud-Ouest du Rwanda pour résister collectivement aux tueurs. Mitraillés, harcelés, machettés, ils ne sont plus qu’environ 2 000 lorsqu’un petit détachement français de l’opération « militaro-humanitaire » Turquoise les découvre le 27 juin 1994. Le colonel rend compte à sa hiérarchie et promet que des renforts vont venir d’ici deux jours. Bizarrement, son compte-rendu se perd (lire « Complices de l’inavouable » de Patrick de Saint-Exupéry, Ed. Les Arènes). Lorsque les rescapés sont « redécouverts » par un autre détachement français et des journalistes le 30 juin, les tueurs ont mis à profit ce délai pour liquider la moitié des Tutsi encore vivants.
Bisesero est donc pour les rescapés un site particulièrement lourd de souffrances et de ressentiment. « Lorsque nous sommes arrivés en février 2009, nous faisions profil bas. Aux survivants et habitants réunis j’ai dit “Nous avons appris ce que vous avez vécu ici et ensuite comment les soldats français vous ont laissé encore 3 jours sans défense face aux miliciens. Nous avons été tellement malheureux que nous avons voulu venir de France pour vous demander pardon et vous offrir notre amitié et notre soutien. Nous comprendrions que vous refusiez. Acceptez-vous notre amitié ?” », raconte Anne-Marie Truc. Ezéchias Rwabuhihi est présent ainsi que le maire Bernard Kayumba,lui-même rescapé de Bisesero, et qui a été témoin de l’arrivée des soldats Français. Ils expliquent la démarche des visiteurs. « Il y a eu un grand silence, puis des applaudissements », raconte encore Anne-Marie. Nous nous étions renseignés sur ce que nous pourrions faire et l’association avait acheté une douzaine de vaches qui attendaient dans le champ voisin. Ces vaches seront données à des veufs et veuves du génocide pour leur procurer une petite aisance financière. La vache est le cadeau par excellence au Rwanda. Elle ne remplace pas les morts, mais sa présence à la maison constitue une consolation appréciable. Les membres de « Intore za Dieulefit » sont dorénavant reçus comme des frères et sœurs à Bisesero.
Depuis le premier voyage en 2008, l’association n’a cessé de recruter dans la petite commune de la Drôme. Ses membres sont revenus au Rwanda, toujours plus nombreux et plus motivés. A ce jour, ils ont distribué près de 250 vaches et financé la construction d’une école primaire. Ils sont soutenus depuis le début par l’association des Amis de Beauvallon, et l’école de Beauvallon qui permet que des séminaires de réflexion et d’information se tiennent dans ses murs. Tolérance, citoyenneté, esprit de résistance, compassion, ne sont pas des slogans à Dieulefit, mais une pratique quotidienne de voisinage. Bien loin des intrigues et des petits calculs politiques de Paris où on a cyniquement affirmé que l’action de la France au Rwanda avait été « admirable ».
A Dieulefit, Anne-Marie Truc et ses amis ont réussi à faire venir des conférenciers, à organiser des séminaires, à projeter des films sur le Rwanda. Dans ce pays protestant, on n’a pas hésité à s’interroger sur le rôle des églises pendant le génocide des Tutsi et le massacre politique des Hutu démocrates. Beaucoup de Dieulefitois suivent de près l’application du « pacte d’amitié » signé par la mairie de Dieulefit et le district de Karongi, dont dépend Bisesero. Au point que la maire socialiste de Dieulefit, Christine Priotto, a décidé de se rendre, elle aussi, au Rwanda et à Bisesero lors de l’inauguration de la nouvelle école primaire en novembre 2011.
Tous les Français meurtris par le génocide de 1994 et l’implication d’une poignée de personnages peu recommandables, installés aussi bien à l’Elysée que dans les hautes sphères de l’armée française, n’espèrent pas à brève échéance une « déclaration de repentance » de l’Etat. Il a fallu un demi-siècle pour qu’un président de la République reconnaisse la responsabilité de la France dans les rafles et la déportation de presque 100 000 Juifs sur le territoire français pendant l’Occupation. Les Tutsi du Rwanda, à 8 000 kilomètres, pèsent encore moins que les Juifs de France…
Par contre, l’érection de lieux de mémoire en France est considérée comme un impératif qui ne saurait plus attendre. Aussi la décision de la maire de Dieulefit Christine Priotto d’inaugurer une stèle a-t-elle attiré samedi 29 juin dans ce village reculé de la Drôme une cinquantaine de Rwandais venus d’un peu partout de France et de Suisse. La stèle est érigée place Marguerite Soubeyran et Catherine Krafft, en centre-ville, à côté de la Poste. Elle comporte deux plaques, l’une « à la mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 », la seconde en souvenir de Jean Carbonare ainsi libellée : « Jean, Ibuka se souvient de toi, Jean Carbonare, 1926-2009) ».
La cérémonie était placée sous l’égide de la municipalité de Deulefit, de l’association Intore za Dieulefit, de Marcel Kabanda, président de l’association Ibuka-France (« Souviens-toi »).
Invités d’honneur, Jacques Kabale, ambassadeur du Rwanda à Paris, Ezéchias Rwabuhihi, député rwandais et ancien ministre, Bernard Kayumba, maire du district de Karongi (dont dépend Bisesero), Alain David, représentant le président de la LICRA. Autour de leur présidente Anne-Marie Truc, les membres de l’association Intore Za Dieulefit et une centaine d’habitants de la commune parmi lesquels une petite fille de Catherine Krafft.
Entourée de ses enfants et petits enfants, Marguerite, veuve de Jean Carbonare a levé le voile de la stèle en compagnie de Christine Priotto. Une soirée de témoignages de rescapés a suivi, marquant la fin de la XIXe commémoration du génocide en France.
Les participants espèrent se retrouver autour d’autres stèles jusqu’aujourd’hui en projet. À présent, la perspective de la XXe commémoration mobilise les esprits et les énergies.
Jean-François DUPAQUIER
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30 juin 2013
RDC : Les révélations du nouveau rapport de l'ONU
Le prochain rapport intermédiaire du groupe d'experts de l'ONU sur la situation en République démocratique du Congo a été divulgué ce week-end par Inner City Press. Dans ce rapport plus contrasté que le précédent, l'ONU révèle que le soutien du Rwanda au M23 est désormais "limité" et que l'armée régulière (FARDC) "collabore" avec le groupe armé des FDLR.
Le tout nouveau rapport préliminaire du groupe d'experts de l'ONU sur la République démocratique du Congo daté du 20 juin 2013 a fuité ce dimanche et été mis en ligne en exclusivité par Inner City Press (rapport accessible en anglais ici). Le rapport final 2012 avait suscité une vive polémique l'an passé en accusant le Rwanda et l'Ouganda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre le gouvernement congolais à l'Est de la RDC. Selon ce précédent rapport, "les leaders du M23 avaient reçu des ordres militaires directs du chef de l’armée rwandaise et Kigali avait fourni armes lourdes, conseils militaires et politiques aux rebelles"… une petite bombe diplomatique qui avait plongé Kigali dans l'embarras.
Rwanda : "soutien continu mais limité au M23"
Le nouveau rapport 2013 du groupe d'expert était donc très attendu, tant par Kigali, que par Kinshasa et l'ensemble de la communauté internationale. Ce dimanche, le rapport préliminaire était opportunément disponible sur internet. Il est plus nuancé et contrasté que le précédent, notamment sur l'implication des pays voisins dans l'aide à la rébellion du M23. Le groupe d'experts note qu'il ne dispose à ce jour "d'aucune indication de soutien de l'Ouganda aux rebelles" et a "recueilli des preuves d'un soutien continu - mais limité - au M23 en provenance du Rwanda". Le rapport explique ensuite, qu'après les combats au sein du M23 entre pro-Makenga et pro-Ntaganda en mars 2013, la fuite de Bosco Ntaganda et de 788 de ses hommes a considérablement affaibli la rébellion "incapable de contrôler l'ensemble de son territoire". Les experts estiment que le M23 de Sultani Makenga est actuellement composé de (seulement) 1.500 soldats répartis sur une superficie de 700 km2. La rébellion continuerait donc à recruter au Rwanda, selon l'ONU, et enrôlerait des soldats rwandais démobilisés.
Le Rwanda lâche Ntaganda et se rapproche de Makenga
Autre élément important révélé par le rapport préliminaire du groupe d'expert : le Rwanda (vraisemblablement sous pression internationale) aurait fait sérieusement le ménage dans ses relations avec la rébellion du M23. Les experts expliquent que les autorités rwandaises ont arrêté un colonel rwandais, Jomba Gakumba, "en raison de ses liens étroits avec Bosco Ntaganda". Le 10 Mars 2013, les autorités rwandaises ont également arrêté Gafishi Semikore et Theo Bitwayiki, alors "qu'ils tentaient d'aider Bosco Ntaganda au Rwanda en lui fournissant des munitions". Le Rwanda s'est donc visiblement très vite détourné de Ntaganda, devenu infréquentable, pour venir en aide à son rival Sultani Makenga. "Deux membres et un collaborateur du M23 ont confirmé que des groupes de soldats rwandais démobilisés s'étaient infiltrés en RDC au cours des deux semaines de combats pour aider Makenga", selon le rapport. Autre information intéressante de l'ONU : les centres de commandement de la rébellion se seraient déplacés : le siège administratif du M23 se situerait à Rumangabo et le quartier général militaire serait à Chanzu.
Collaboration FARDC-FDLR
Concernant les FDLR, ce groupe armé hutu rwandais en lutte contre Kigali et que combat le M23,le rapport de l'ONU indique "qu'ils ont continué de s'affaiblir au cours du premier semestre 2013". Les FDLR serait actuellement au nombre de 1.500 miliciens, dont la majorité est déployée au Nord-Kivu et le reste dans le Sud-Kivu. Le groupe d'experts note que la diminution de la capacité de nuisance des FDLR serait principalement due à un taux de désertion élevé, à de divisions internes et à une hiérarchie très affaiblie. Enfin, autre information, et non des moindres : la "collaboration entre certaines unités des FARDC et les FDLR dans des zones proches des territoires contrôlés par le M23". Le groupe d'experts a notamment interrogé 10 soldats des FARDC à Tongo, au Nord-Kivu, qui ont déclaré que "les FARDC et les FDLR se réunissaient régulièrement et échangeaient des informations opérationnelles". Ces mêmes sources ont déclaré que les soldats des FARDC fournissaient des munitions aux FDLR. Devant une telle collusion entre l'armée régulière et ce groupe armé, l'ONU a envoyé une lettre le 12 Juin 2013 au gouvernement congolais "pour demander des éclaircissements sur ce soutien et attend une réponse".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:25 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
27 juin 2013
Centrafrique : 9 ONG inquiètes de la gravité de la crise humanitaire
3 mois après le coup d'Etat des rebelles de la Séléka en Centrafrique, un groupe d'ONG s'alarment de l'instabilité politique et de la crise humanitaire qui frappe la population. Ces ONG demandent aux gouvernements internationaux de financer les 60 millions d'euros d'aide humanitaire manquants.
Oubliée des médias internationaux depuis le renversement de François Bozizé, la Centrafrique s'enfonce dans un chaos inquiétant. 9 ONG (1) se sont regroupées pour lancer un appel à l'aide commun. Selon ces organisations, il y a urgence à venir en aide à la Centrafrique à l'approche de la saison des pluies : "plus de 60 000 enfants et familles souffrent d’une grave pénurie alimentaire et plus de 200 000 enfants et familles ont été forcés de fuir leur domicile au cours des six derniers mois".
Le groupe d'ONG dresse un portrait particulièrement sévère de la Centrafrique du nouveau président Michel Djotodia, visiblement débordé par l'ampleur de la tâche et handicapé par son manque de leadership. Selon le communiqué, "la plupart des centres de santé du pays sont fermés depuis plus de 6 mois, près d’un million d’enfants n’iraient plus à l’école et la population est privée des services les plus élémentaires". "L’insécurité prévaut dans l’ensemble du pays", expliquent les humanitaires, "les enfants, et en particulier les filles, sont exposés à un grand nombre d’abus, notamment des violences sexuelles et des mariages précoces". Des milliers d’enfants font partie des groupes et forces armés. Sur place, la présence internationale est réduire à son strict minimum : "il n’existe aucune présence régulière de l’ONU en dehors de Bangui". Seul une quarantaine d'agents des Nations unies sont encore présents dans la capitale centrafricaine.
Selon l'Archevêque de Bangui, qui signe également ce communiqué, "la crise humanitaire actuelle est la pire qu’ait connue le pays". Dieudonné Nzapalainga demande que "la communauté internationale apporte des fonds pour accroître rapidement l’aide et ainsi sauver des vies". Les 9 ONG souhaitent que "les gouvernements internationaux interviennent sur-le-champ pour financer les 60 millions d’euros d’aide humanitaire manquants". Pour l'Archevêque de Bangui, il y a urgence, "ce pays est frontalier de six des nations les plus fragiles d’Afrique : il y a un risque fort de déstabilisation sur toute l’Afrique centrale".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) Les 9 ONG signataires sont les suivantes : Action contre la Faim (ACF), Cordaid, International Medical Corps, International Rescue Committee, Mercy Corps, Merlin, Save the Children, Secours Catholique - Caritas France, War Child, , l'Archevêque de Bangui Mgr. Dieudonné Nzapalainga.
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26 juin 2013
Rwanda : Premier procès d’un "génocidaire" à Paris prévu en février-mars 2014
Arrêté en octobre 2008 à Mayotte pour trafic de faux papiers, l’ex capitaine Pascal Simbikangwa sera jugé du 4 février au 28 mars 2014 par la cour d’assises.
Depuis le génocide des Tutsi en 1994, la France est, de tous les pays occidentaux, celui qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés rwandais suspects d’actes de torture, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Pourtant aucun procès n’y a encore été organisé à la différence d’une dizaine de pays occidentaux, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, etc.. Alain Gauthier, président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda[i] (CPCR) estime à plus d’une centaine le nombre de « génocidaires » résidant légalement dans notre pays. Aussi le premier procès audiencé à la veille de la XXe commémoration du génocide des tutsi du Rwanda fera date.
Pascal Simbikangwa a été une douteuse célébrité dans son pays avant sa fuite en 1994. On l’appelait « Le tortionnaire » à cause du plaisir sadique qu’il trouvait à animer, depuis son fauteuil roulant (séquelle d’un accident de la circulation), des séances de tortures dont peu de Rwandais sont sortis vivants. La salle de torture du « fichier central » était située à moins de 30 mètres du bureau du président Juvénal Habyarimana, dans le centre de Kigali, et sans doute le chef de l’Etat pouvait-il deviner, aux cris des supliciés, que le travail était bien fait…
Le capitaine Pascal Simbikangwa avait le pouvoir de déclarer « suspect » n’importe quel Rwandais accusé du seul «crime» d’avoir critiqué son patron, le général Habyarimana ou pire encore, d’avoir la mention ethnique «Tutsi» sur sa carte d’identité et de s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Les tortures infligées par Simbikangwa au journaliste Boniface Ntawuyirushintege ont fait l’objet de caricatures acerbes dans la presse démocratique de l’époque, avant d’être confirmées par le Père blanc Guy Theunis, à l’époque un ami et correspondant à Kigali de Robert Ménard, le fondateur de Reporters sans Frontières…
Les témoins des exaction de Pascal Simbikangwa sont légion. L’ancien directeur de l’Office rwandais d’informations (ORINFOR) Christophe Mfizi a écrit dans son rapport « Le réseau zéro, fossoyeur de la démocratie et de la république au Rwanda (1975-1994) », comment le capitaine Pascal Simbikangwa l’avait menaçé. Le juriste belge Filip Reyntjens dans une note déposée comme preuve dans l’affaire Rutaganda (au TPIR) le présente comme un membre des « escadrons de la mort » . Il était connu en particulier pour exécuter les ordres de son beau-frère, le colonel Elie Sagatwa membre éminent de l'Akazu, la « maisonnée présidentielle ».
Le 27 mars 1992, l’ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen le désigna, dans un télex adressé à son ministre de tutelle Willy Claes, comme étant membre d’un « état-major secret chargé de l’extermination des Tutsis du Rwanda afin de résoudre définitivement, à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d’écraser l’opposition hutue intérieure» (Commission d'enquête parlementaire concernant les évènements du Rwand-Sénat de Belgique). Le « Rapport de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993)» évoque le capitaine Simbikangwa comme un tortionnaire. L’ONG américaine Human Right Watch rapporte dans son bilan de l’année 1993 au Rwanda que Monique Mujawamariya, une militante rwandaise des droits de l’homme « a été menacée de mort par le Capt. Pascal Simbikangwa connu pour avoir torturé plusieurs personnes détenues par les services secrets ». Les auteurs de l’excellent ouvrage « Les médias du génocide » nous racontent l’épisode de la création du journal « L’indomptable Ikinani».
Le 23 mars 1994, Joseph Kavaruganda, président de la cour de cassation, alertait le président Habyarimana sur les menaces de mort du capitaine Pascal Simbikangwa à son encontre. Joseph Kavaruganda sera assassiné 18 jours plus tard, le 7 avril 1994, par des membres de la garde présidentielle. Simbikangwa a été très actif dans le génocide contre les Tutsi et dans le massacre des Hutu démocrates, distribuant des armes et encouragent les tueurs.
« Le tortionnaire » s’est livré dans deux livres « L’homme et sa croix » (1989) et « La guerre d’octobre » (1991). Il écrit notamment : « Un pistolet 9mm dont j’allais bientôt maîtriser les secrets, une mitraillette Uzi qui commençait à me devenir un compagnon de choix, débarquer ou embarquer dans une voiture roulant à grande vitesse avec possibilité de me recueillir et me défendre aisément, et ma volonté farouche des VIP, tout cela me faisait revivre les temps héroïques de mes ancêtres.» […] « Je suis né guerrier et je devrais le rester tant que je vivrais, car cette lutte, ce combat sans merci que la survie (sic), je la mène avec détermination et dans un idéal de toujours chercher à mieux faire. Je suis donc guerrier et je ne le suis d’ailleurs que trop car dans l’acceptation de ma vie où je dois faire preuve de mon sang froid, de courage exceptionnel aux yeux de l’environnement qui ne cesse de s’en étonner malgré ce terrible 28 juillet 1986 [jour de son accident qui l’a laissé à demi-paralysé]»
Dans son acte d’accusation publié le 3 mars 2008, le procureur général du Rwanda l’accuse de « génocide, complicité de génocide, complot de génocide, assassinat et extermination », pour des actes qu’il aurait commis à Kigali et à Gisenyi à partir d’avril 1994.
« L'inarrrêtable » capitaine Pascal Simbikangwa a été arrêté le 28 octobre 2008 à Mayotte sous une fausse identité : Safari Sedinawara. Condamné pour....trafic de faux papiers, il fallait le renvoyer devant la cour d’assises pour génocide, crime contre l'humanité, torture, viol, meurtre, avant qu’il achève la peine qui sanctionnait son simple délit. Ce premier procès d’un génocidaire réfugié en France est le résultat de la création en 2011 d’un pôle « génocides et crimes contre l'humanité » au Tribunal de grande instance (TGI) de Paris.
« Patrie des droits de l'Homme, la France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité » promettaient Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice et Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Christiane Taubira, qui est depuis longtemps sensibilisée au génocide de 1994 et à ses conséquences, a poursuivi cette action. La promesse sera bientôt tenue concernant le « Tortionnaire », mais la file d’attente sera longue à résorber pour les autres « clients » rwandais du pôle génocide.
Jean-François DUPAQUIER
[i] Le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) a été créé en novembre 2001. Voir son site :
www.collectifpartiescivilesrwanda.fr
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Rwanda : Une plainte contre Paul Barril pour complicité de génocide
La Fédération internationale des associations de défense des droits de l’Homme (FIDH), et d’autres associations ont déposé déposé plainte auprès du Tribunal de grande instance de Paris contre l’ancien “gendarme de l’Elysée” Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda.
La FIDH, la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie ont déposé lundi 24 juin 2013 une plainte contre Paul Barril du chef de complicité de génocide. L’ancien chef adjoint de la « cellule des gendarmes de l’Elysée » de triste mémoire est notamment convaincu d’avoir contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec Jean Kambanda, Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais (GIR). Le Conseil de sécurité des Nations Unies, par la résolution n°918 du 17 mai 1994, avait notamment adopté un embargo sur les armes interdisant la vente et la livraison « d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions ». Paul Barril ne pouvait ignorer qu’il violait ainsi l’embargo sur les armes décrété par l’ONU, et surtout qu’il favorisait les crimes de guerre et crimes contre l’humanité - imprescriptibles - du “gouvernement génocidaire”. Sous l’autorité de Jean Kambanda, environ un million de Tutsi et Hutu démocrates rwandais ont été exterminés en cent jours.
Chassé de l’Elysée à la demande de François Mitterrand pour divers “dérapages”, le capitaine de gendarmerie honoraire Paul Barril s’était reconverti dans le domaine de la sécurité “haut de gamme”. Il a soutenu durant près de deux années l’armée de Saddam Hussein dans la guerre Irak/Iran, période où il a appris à se servir de missiles anti-aériens d’origine soviétique. Paul Barril a ensuite conseillé différents chefs d’Etats africains, et plus particulièrement Juvénal Habyarimana au Rwanda. Il avait été appuyé auprès du président rwandais par Fabien Singaye, un maître-espion rwandais basé à Berne (Confédératon helvétique), gendre et fondé de pouvoir de Félicien Kabuga, le “financier du génocide”, toujours en fuite.
Paul Barril renverra l’ascenseur à Singaye en le faisant embaucher par le juge “antiterroriste” Jean-Louis Bruguière comme interprète assermenté dans le dossier de l’attentat du 6 avril 1994.
Barril avait fondé plusieurs sociétés, dont SECRETS ainsi que le groupe GPB – Groupe Privé Barril. C’est dans ce cadre que Paul Barril a conclu, le 28 mai 1994, le contrat d’assistance qui porte sa signature ainsi que celle du Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais de l’époque. La FIDH, la LDH et Survie dénoncent la conclusion et l’exécution partielle par Paul Barril de ce contrat de fourniture d’armes et de munitions, et de formation et d'encadrement, alors même que le Rwanda était en plein génocide et que la communauté internationale dénonçait ouvertement les crimes massifs commises dans le pays.
« Paul Barril, qui entretenait des relations privilégiées et de longue date avec les autorités rwandaises, était un fin connaisseur du contexte géopolitique rwandais de l’époque. Il ne pouvait dès lors ignorer les conséquences d’un tel accord permettant d’alimenter les crimes perpétrés au Rwanda durant cette période », précisent les auteurs de la plainte dans un communiqué. Ils ajoutent que « l’Instruction devrait permettre de savoir si Paul Barril est seul en cause ou si d’autres responsables français ou d’une autre nationalité doivent être mis en cause ».
Bien d’autres questions sont posées sur le rôle de Paul Barril et de son équipe de mercenaires français embauchés par le “gouvernement génocidaire” et présents au Rwanda durant le génocide. Plusieurs d’entre-eux semblent s’être trouvés sur les collines de Bisesero à la mi-mai 1994 pour conseiller l’extermination des Tutsi qui s’y étaient rassemblés au nombre d’environ 50 000 et qui menaient une défense désespérée. Un des mercenaires de l’équipe, peut-être révolté par le “travail” qui lui était assigné, a été tué par un milicien interahamwe le 20 ou 21 juin 1994. Le milicien a été convoqué par le Premier ministre Jean Kambanda, peut-être moins pour le sermonner que pour lui imposer le silence sur cet “accident professionnel”. Les sites français de mercenaires qui prétendent “rendre hommage aux nôtres tués au combat” se sont bien gardés de citer son nom et les circonstances de son décès.
Dans son livre “Guerres secrètes à l’Elysée”, Paul Barril affirme avoir été présent au Rwanda le 7 avril, juste après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (attentat qui a servi de détonateur au génocide organisé de longue date). Interrogé par le juge Marc Trévidic (qui a succédé au juge Bruguière) sur ce point, il a prétendu avoir menti et présenta un passeport qui attestait de sa présence à Washington de la fin mars à la mi-avril 1994. Mais son alibi a fait long feu. L’enquête de police a démontré qu’il possédait au moins deux passeports à la date du 6 avril 1994, ce qu’il s’était bien gardé de dire au juge.
La plainte de la FIDH, de la LDH et de l’ONG Survie devrait permettre d’ouvrir plus grande encore la boîte de Pandore du déroulé de l’attentat et du génocide des Tutsi du Rwanda.
Jean-François DUPAQUIER
Voir aussi l’excellent article du journaliste Mehdi BA sur Jeune Afrique
16:21 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)
23 juin 2013
RDC : Lubumbashi sous pression Maï-Maï
Depuis 3 mois, la ville de Lubumbashi vit sous la menace d’une milice indépendantiste, les Bakata Katanga. Après avoir brièvement envahi la riche ville minière en mars dernier, ce groupe armé Maï-Maï multiplie les attaques. Dans la nuit de samedi à dimanche, les Bakata Katanga se sont lancés à l’assaut de la prison de la ville. Sans succès. Mais la fièvre indépendantiste gagne la ville.
Nouvelle attaque Maï-Maï à Lubumbashi dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 juin 2013. La cible du groupe sécessionniste Bakata Katanga était cette fois-ci la prison de la Kasapa. Selon Radio Okapi, "les miliciens se dirigeaient vers la porte d’entrée de la prison lorsqu’ils ont été interpelés par les gardiens (...) Après vingt minutes d’affrontements, les assaillants ont été repoussés sans réussir à pénétrer dans la prison". En septembre 2011, ce même groupe armé avait déjà attaqué la prison de Lubumbashi avec plus de réussite : leur chef, Kyungu Mutanga Gédéon, en avait profiter pour s'évader. Depuis, il sème la terreur au Nord de la province.
Attaques en série
Depuis quelques mois les attaques Maï-Maï se multiplient au Katanga. Le 23 mars dernier, ce sont environ 300 hommes du groupe indépendantiste qui ont envahi brièvement Lubumbashi. Le groupe a fondu sur le centre ville en quelques minutes sans rencontrer de réelle résistance des forces de sécurité congolaises. C'est la Monusco, la Mission des Nations unies au Congo qui a négocié leur rédition. 200 Maï-Maï été ensuite été transférés à Kinshasa. Bilan officiel : 23 morts. Le 1er juin, l'ONU révèle que 16 personnes ont été brûlées vives par des éléments Maï-Maï Bakata Katanga lors de l'attaque du village de Lwela, au centre du Katanga. Peu de temps après, le dimanche 16 juin, des affrontements ont opposé l'armée congolaise (FARDC) et les Bakata Katanga à Shindaika, à 20 km de Lubumbashi. 7 personnes auraient été tuées.
Fièvre sécessionniste
Quel sens donner aux attaques répétées des Bakata Katanga ? Tout d'abord, la province a toujours été secoué par des velléités sécessionnistes. Le Katanga, est la plus riche province de la République démocratique du Congo et depuis l'indépendance en 1960, beaucoup sont nombreux à penser que le Katanga aurait tout avantage à acquérir son indépendance plutôt que de contribuer "à fonds perdus" aux maigres finances du pays. Le projet de décentralisation voulu par le président Kabila a également contribué à faire renaître le sentiment indépendantiste de la province. Avec ce projet, le Katanga serait découpé en quatre régions : deux provinces riches au Sud et deux autres plus pauvres au Nord. Certains hommes politiques katangais, surtout issus du Nord comme le président de l'Assemblée povinciale, Gabriel Kyungu, voient d'un très mauvais oeil ce "saucissonnage" entre le Sud "utile" et le Nord "inutile". La manne financière du cuivre resterait au Sud. Plusieurs ONG soupçonne donc des politiciens locaux de "manipuler" les Bakata Katanga à des fins politiques pour faire pression sur Kinshasa.
L'indépendance, mais pas la guerre
A Lubumbasi, le cas des Bataka Katanga inquiète les Congolais. Et le sentiment est unnanime : l'indépedance oui, mais la guerre pour obtenir l'indépendance, non ! Le sentiment indépendantiste et pourtant resté très fort dans la province. Pour bon nombre de Congolais, "Kinshasa est loin" et le Katanga est toujours sollicité pour ces ressources financières, "sans rien en retour". L'état central "n'apporte rien" m'explique un Congolais de Lubumbashi : "pas de routes, pas de trains, pas d'électricité, pas de sécurité". Mais pour autant, aucun ne souhaite le retour de la guerre pour obtenir cette indépendance tant désirée, d'où une certaine méfiance dans la mouvance Bakata Katanga. Certain croit à la méthode douce : "l'ONU avait promis en 1960 que le Katanga pourrait avoir accès à son autonomie 50 ans après l'indépendance du Congo" me confie un autre Congolais. "Le moment est venu, nous sommes en 2013 et nous avons déjà perdu 3 ans".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Lubumbashi 22 juin 2013 (c) Ch. Rigaud
22:05 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)