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02 mars 2010

Rwanda : Agathe Habyarimana arrêtée en France

Quelques jours seulement après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana mort dans un attentat considéré comme le déclencheur du génocide de 1994, a été arrêtée ce matin à Courcouronnes (Essonne).

logo afkrb.pngMadame Habyarimana faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international pour "génocide" émis au Rwanda. Cette arrestation intervient quelques jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda où le président français a dit vouloir "tourner une page" et "réconcilier des nations" par le biais d'"une coopération économique, politique, culturelle" entre les deux pays.

Le Conseil d'Etat avait refusé à Agathe Habyarimana de se pourvoir en cassation contre le rejet de sa demande d'admission au statut de réfugié en France en octocre 2009.

Exfiltrée du Rwanda le 9 avril 1994 par les militaires français, elle a vécu ensuite au Zaïre et en France, sans véritable titre de séjour. En 1998, le Gabon lui a délivré, sous une fausse identité, un passeport diplomatique.

27 février 2010

Nicolas Sarkozy au Rwanda espère reprendre pied en Afrique centrale

La visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda vient mettre un terme à une brouille diplomatique qui empoisonnait les relations entre Paris et Kigali depuis le génocide de 1994. Le président français a reconnu des "erreurs" mais sans excuse. Des efforts qui s’inscrivent dans le cadre de la stratégie de la France pour assurer sa présence dans la région des Grands Lacs. Le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier était à Kigali dans les pas de Nicolas Sarkozy... décryptage.

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« Ce qu'il s'est passé au Rwanda dans les années 1990 est une défaite pour l'humanité tout entière. Je l’ai constaté encore au Mémorial où tout est raconté de façon pudique et digne. Ce qu'il s'est passé ici a laissé une trace indélébile. (...) Ce qu'il s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable", a déclaré Nicolas Sarkozy, jeudi 25 février, lors d'une conférence de presse commune avec le président du Rwanda, Paul Kagamé, à Kigali.
« Nous savons que pour le président Paul Kagame cette rencontre est un geste fort et qu’au Rwanda, ça pose question. Pour nous, venir ici est un geste fort qui fait débat aussi dans notre pays. Mais le devoir des chefs d’Etat, c’est de voir plus loin, pour organiser l’avenir », a poursuivi Nicolas Sarkozy devant quelque soixante-dix journalistes et techniciens des médias, dont une bonne moitié de Rwandais.`

Auparavant, Nicolas Sarkozy s’était rendu au Mémorial du génocide à Kigali, à la fois un cimetière où sont déposés les restes de 240 000 victimes du génocide, et un musée  qui retrace l’histoire du Rwanda. Ce lieu très didactique expose la dérive du Rwanda sous mandat belge avec la mise en place de cartes d’identité ethniques dans les années 1930, qui allait aboutir à faire des deux communautés des entités politiques dressées à la méfiance et à l’incompréhension. Le rôle de la France de François Mitterrand et de son soutien militaire aveugle au régime de l’ancien président Juvénal Habyarimana, est souligné. Lorsque le guide du musée a évoqué "la responsabilité des Français", Nicolas Sarkozy est resté muet. Il s’est contenté de signer sur le livre d’or une formule compassionnelle plutôt convenue : « Au nom du peuple français, je m'incline devant les victimes du génocide des Tutsis en 1994 ».

Les Rwandais et leurs autorités attendent toujours un geste de repentance de la France officielle, à l’image des excuses présentées par la Belgique, par l’ONU et les Etats-Unis pour leur manque de réaction durant la tragédie de 1994 où quelque 800 000 Tutsi allaient être exterminés en cent jours. A une question posée par un journaliste sur ce geste, Nicolas Sarkozy a répondu « on en a parlé très franchement avec le président Kagame » qui « essaye d’amener toute la société rwandaise vers l’avenir, vers la réconciliation », mais que tout s’effectue « étape par étape, car chaque pays a son histoire ». Il n’a pas davantage commenté sa répugnance bien connue à toute « repentance historique ».

Le président américain Bill Clinton avait pour sa part déclaré en 1998 : "Nous n'avons pas agi assez vite après le début des massacres. Nous n'aurions pas du permettre que les camps de réfugiés deviennent des sanctuaires pour les tueurs. Nous n'avons pas immédiatement appelé ces crimes par leur nom correct : un génocide".


« Je ne suis pas ici pour faire un exercice de vocabulaire, mais pour réconcilier des nations, pour tourner une page », a ajouté le chef de l’Etat français. Il a annoncé que le Centre culturel français de Kigali, fermé depuis la rupture des relations diplomatiques en novembre 2006 rouvrirait ses portes au premier semestre de cette année, que l’école française Saint-Exupéry rouvrirait pour la rentrée scolaire 2010 et que l’antenne de RFI « reprendra ses émissions cette année après trois années d’interruption ». Il a ajouté : « C’est symbolique mais ça ne se limite pas à ça »

Interrogé sur l’enquête de l’ancien juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière qui avait émis en novembre 2006 neuf mandats d’arrêt internationaux contre de hauts dignitaires du régime rwandais soupçonnés d’avoir joué un rôle dans l’attentat  contre l’avions du président Habyarimana le 6 avril 1994 (attentat qui devait servir de prétexte au déclenchement du génocide), Nicolas Sarkozy s’est borné à répondre que « comme l’a bien compris le président Kagame, en France la justice est indépendante. Même si j’ai mon avis sur la question, je respecte l’indépendance des juges et je n’en dirai pas plus » (Selon certaines indiscrétions, il aurait déclaré en aparté au président rwandais qu’il était en désaccord avec cette instruction).

Le président français a cependant ajouté qu’il voulait que les responsables du génocide soient retrouvés et punis où qu’ils se trouvent dans le monde. Concernant les suspects résidant en France, « c’est à la justice de dire leur responsabilité ». Il a ajouté que les autorités françaises venaient de refuser l’asile politique à « une des personnes concernées » (il s’agit vraisemblablement d’ Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président, donc le conseil d’Etat a confirmé récemment le refus d’asile politique, et qui est soupçonnée d’avoir joué un rôle important dans le génocide et aussi dans l’attentat qui a coûté la vie à son mari).

Enfin le président français a souhaité que, sur le génocide, les historiens fassent leur travail car lui même « n’est pas historien ».

Selon Colette Braeckman, l’une des meilleurs spécialistes du Rwanda, « Les blessures du génocide n’ont pas été cicatrisées par cette visite éclair, mais tel n’était pas le but de l’opération. Ce qui a prévalu, c’est le réalisme de la raison d’Etat, le fait que les deux pays aient décidé au plus haut niveau, que le temps de la guérilla, judiciaire, diplomatique, médiatique, était révolu et qu’il fallait désormais céder le pas à la justice, à l’aide au développement, aux échanges culturels…Même si elle n’est pas suffisante, cette étape est nécessaire à la guérison des esprits, car le négationnisme, dont la France fut souvent la chambre d’écho, ne cessait d’aviver les rancoeurs et les souffrances des uns, les espoirs de revanche des autres. Une page est tournée, un peu vite certes, mais elle représente un désaveu pour le clan des menteurs et un gage de paix pour toute la région des Grands Lacs… »

Une importante question était pendante entre les deux chefs d’Etat depuis que le Rwanda a été rattaché à sa demande au Commonwealth. Paul Kagame était invité à Nice pour le sommet entre l’Afrique et la France. Dans un geste de bonne volonté, le président rwandais venait d’annoncer à Nicolas Sarkozy qu’il  viendrait à Nice en juin prochain. « Ca n’efface pas toutes les douleurs, les erreurs, les difficultés, mais nous permet d’envisager l’avenir », a commenté le président français.

Interrogé enfin sur le développement, de l’anglais au Rwanda, Nicolas Sarkozy a expliqué que c’était bien normal pour un  pays au carrefour des mondes anglophone et francophone. Il a ironisé sur ceux qui voudraient que Paris s’oppose à Londres  en Afrique alors que les deux pays coopèrent quotidiennement dans l’Union européenne (une allusion transparente au « complexe de Fachoda » qui hantait François Mitterrand et avait conduit à l’intervention militaire française au Rwanda). Il a ajouté : « Regardez l’Afrique aujourd’hui : il n’y a plus de pré carré français et c’est très bien ainsi ».

Mais pratiquement rien n’a transpiré des propos échangés au cours du long déjeuner qui a précédé la conférence de presse en compagnie de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, et de son amie et homologue rwandaise Louise Mushikiwabo. On sait que Kigali est profondément agacé de l’impunité dont bénéficient en France les responsables des FDLR qui ont mis en coupe réglée le Nord Kivu, et que de son côté Paris compte sur Kigali pour reprendre pied dans cette partie du Congo aux immenses richesses minières.  Nicolas Sarkozy a seulement indiqué qu’il se félicitait des bonnes relations qui prévalent aujourd’hui entre le président Kabila à Kinshasa et le président Paul Kagame au Rwanda, « puisqu’ils se sont encore téléphoné la veille ».

A l’évidence, la diplomatie française s’affaire pour contribuer à améliorer les relations entre la République démocratique du Congo et la République du Rwanda, et entend en tirer des dividendes politiques, économiques et culturels.

A Kigali,

Jean-François DUPAQUIER

25 février 2010

Sarkozy à Kigali, inquiétudes à Kinshasa

En RDC, la réconciliation annoncée entre la France et le Rwanda soulève de nombreuses interrogations. Les congolais se souviennent de la "nouvelle approche de paix" lancée par le président français en janvier 2009. Nicolas Sarokzy avait suggéré le "partage en commun de l’espace et des richesses minières" entre les deux voisins... une "balkanisation" qui redoute de nombreux congolais.

logo afkrb.pngSera-t-il question de la République démocratique du Congo (RDC) au cours de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Paul Kagame, le président du Rwanda ? Sans aucun doute. Le "plan Sarkozy", dénoncé en RDC, prévoyait un partage des richesses minières, dont regorge l'immense congo avec le "petit" Rwanda. Nicolas Sarkozy souhaitait ni plus ni moins mettre en place un "marché commun" pour favoriser les échanges économiques. Il n'en fallait pas plus pour les congolais d'y voir une "OPA" rawandaise sur le riche Kivu.

En visite officielle à Kinshasa, Nicolas Sarkozy s’était défendu de disposer d’un "plan". Selon lui, ses propos ont été "mal interprétés", et il avait réaffirmé son attachement à "l’intangibilité des frontières" de la République démocratique du Congo (RDC). "La première vérité, c’est que la souveraineté du Congo est inaliénable et la France sera toujours à vos côtés pour le respect de cette souveraineté", avait déclaré le président français à Kinshasa.

Pour rassurer tout le monde, l’ambassadeur de France en RDC, avait martelé que la "coopération régionale est un facteur de paix" et que "la balkanisation de la RDC n’a jamais été à l’ordre du jour en France". Quel discours tiendra Nicolas Sarkozy à Paul Kagame ?

Christophe Rigaud

06 janvier 2010

Attentat Habyarimana : Le rapport Mutzinzi désigne les responsables

Une imposante enquête rwandaise lève le voile sur l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, qui donna le coup d'envoi au génocide de 1994. Durant 2 longues années, pas moins de 577 sont entendus par la commission de 7 personnes, présidée par Jean Mutzinzi, ancien président de la Cour suprême du Rwanda. Ce rapport sonne comme un démenti cinglant à l'enquête du juge Bruguière, qui avait conclu à la responsabilité du FPR. L'enquête de Jean Mutzinzi accuse en effet les extrémistes hutus d'être à l'origine de l'attentat et les Forces armées rwandaises (FAR) d'avoir abattu le Falcon présidentielle, le 6 avril 1994.

Image 1.pngDans ce rapport extrêmement détaillé, publié en exclusivité par Benoît Collombat sur le site internet de France Inter, la commission Mutzinzi révèle que "l’assassinat du président Habyarimana était programmé de longue date, dans le cadre d’un véritable « coup d’Etat » devant accompagner le génocide des tutsis, par les extrémistes hutus." Le rapport note également que "les tirs qui ont abattu l’avion sont venus du domaine militaire de Kanombe, où se trouve un camp de la garde présidentielle, contrôlée par les unités spécialisés des Forces armées rwandaises (FAR). C’est ce qu’expliquent d’anciens membres des FAR, des techniciens et des employés de l’aéroport ainsi que des militaires de la MINUAR (Mission des nations unies pour l’assistance au Rwanda) et de la coopération technique militaire belge. Une version validée par une équipe d’experts en balistique britanniques dans un rapport daté du 27 février 2009."

Plus intéressant encore, la commission Mutzinzi démontre que le génocide était bel et bien planifié : "le matin même du 6 avril 94, les fréquences de communication des FAR sont brusquement modifiées et la garde présidentielle est mise en alerte. Juste après l’attentat, comme si elles étaient déjà prêtes à entrer en action, les unités des FAR se sont immédiatement déployées au sein de l’aéroport (confisquant les registres de vols, coupant l’électricité et le téléphone), ainsi que dans les points stratégiques de Kigali, donnant ainsi le signal aux premiers massacres. Sans aucune explication, l’accès au lieu de l’attentat est tout de suite interdit à la MINUAR par la Garde présidentielle."

Vous pouvez consulter l'intégralité de ce rapport en exclusivité sur le site de France Inter en cliquant ICI.

23 décembre 2009

RDC : La MONUC reconduite jusqu'au 31 mai 2010

C'est fait ! Le Conseil de sécurité des Nations unies vient de reconduire le mandat de sa mission en République démocratique du Congo (MONUC) pour cinq mois. Objectifs pour cette fin de mandat : "mieux protéger les populations civiles".

Logo MONUC.gifLe mandat de la MONUC prendra fin le 31 mai 2010, mais l'ONU espère le prolonger de 12 mois supplémentaires à partir de cette date. Les effectifs de la mission des casques bleus reste à son niveau actuel : 21.000 militaires et policiers. Il s'agit toujours de la plus importante force de paix de l'ONU actuellement déployée.

19 décembre 2009

RDC : 84 000 réfugiés ont fui Dongo

Le Haut Commissariat au Réfugiés de République démocratique du Congo (RDC) vient de publier ses premiers chiffres officiels concernant les réfugiés de Dongo. Ils sont à ce jour de 84 000 au Congo Brazzaville et de 7 500 en Centrafrique.

carte RDC Afrikarabia Dongo 2.jpgLes réfugiés congolais de Dongo sont installés dans plusieurs villages du Congo Brazzavile, le long de la rivière Ubangi. Pour le HCR en République démocratique du Congo, "le plan de réponse humanitaire à cette situation est bien en marche avec quelques difficultés logistiques". Pourtant radiookapi.net note que sur le terrain, "certains réfugiés se plaignent de n’avoir pas reçu d’assistance depuis un mois et demi".

L'ONU communique également, que d’autres Congolais en provenance de Libenge, seraient en Centrafrique depuis le 15 décembre. La ville de Libenge est à 180 kilomètres au nord-ouest de Gemena, dans le district du Sud Ubangi. Ces réfugiés seraient au nombre de 7 500. La situation sécuritaire sur le terrain est encore confuse, alors que la MONUC et le gouvernement congolais affirment contrôler la zone.

Christophe Rigaud

RDC : Querelles chez les FDLR ?

Depuis l'arrestation du responsable politique des FDLR en novembre dernier, le mouvement de rébellion hutu semble plus que jamais divisé. Faut-il y voir un affaiblissement des rebelles rwandais à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) ? Pas certain.

Logo FDLR.jpgLe 17 novembre dernier, le responsable politique des Forces démocratiques de libération du Rwanda, Ignace Murwanashyaka, et son adjoint, Straton Musoni sont arrêtés en Allemagne. La justice les soupçonne d'avoir coordonné des exactions commises entre janvier 2008 et juillet 2009 par leur mouvement sur le terrain, dans l'Est de la République démocratique du Congo.

Cette arrestation semble avoir accentué les clivages et les divisions internes au sein des FDLR, dont la composition a toujours été très hétérogène. On estime sur place, le nombre des combattants hutu entre 4.000 et 6.000... avec deux principales composantes : les FDLR-Foca (Forces Combattantes Abacunguzi), les plus nombreux et les FDLR-Rud (Ralliement pour l'Unité et la Démocratie).

Selon une enquête de la BBC, les FDLR-Rud sont nés "d'une dissidence de certains combattants qui contestent Murwanashyaka". Alors qu'au sein des FDLR-Foca, "des clivages claniques sont apparus autour de deux généraux qui les commandent". Selon l'ONU, l'arrestation d'Ignace Murwanashyaka "pourrait affaiblir le leadership des FDLR en RDC et créer une incertitude politique au sein du mouvement en plus de querelles internes". L'armée congolaise espère que cette "isolement relatif" des FDLR va inciter les modérés du mouvement à se rendre... mais pour l'heure, aucun désistement n'est à signaler.

Pour continuer d'affaiblir les FDLR, le gouvernement congolais souhaite que des mandats internationaux soient lancés contre des responsables des rebelles hutus rwandais installés en Europe et aux Etats-Unis et notamment en France, où le secrétaire exécutif du mouvement, Callixte Mbarushimana, se dit prêt à coopérer avec la justice.

17 décembre 2009

RDC : 47 morts au sud de Dongo

L'armée congolaise (FARDC) affirme avoir tué 47 insurgés au sud de Dongo, après la reprise de la ville par l'armée dimanche. Selon la MONUC, actuellement sur place, la résistance a été "assez importante". 150 000 personnes auraient quitté la zone.

carte RDC Afrikarabia Dongo 2.jpgLes FARDC ont communiqué leur bilan, après la reprise de la ville de Dongo. L'armée régulière aurait tué 47 insurgés et eu 32 blessés dans ses propres rangs. Ce bilan n'a pas été confirmé par d'autres sources. Depuis fin octobre, de violents combats opposent un groupe de l'ethnie Lobala, mené par un féticheur, à celle des Bomboma. Le conflit s'est peu à peu propagé en directection de Gemena et Libenge. Une centaine de personnes ont été tuées au cours de l'attaque et plus de 150.000 ont fui les villages, au fur et à mesure de l'avancée des insurgés (appelés aussi "patriotes-résistants"). Depuis maintenant plus d'un mois, l'armée et la police congolaise, aidées par les casques bleus de la MONUC peinent à rétablir l'ordre.

Christophe Rigaud

RDC : La MONUC prend position à Gemena et Bozene

Les Casques bleus viennent d'installer une base opérationnelle temporaire à Gemena et Bozene. La situation semble donc sous contrôle dans cette province de l'Equateur, au nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC). Les violences ethniques en Equateur ont provoqué la fuite de 120 000 civils en majorité vers l’intérieur du pays et au Congo-Brazzaville voisin.

carte RDC Afrikarabia Gemena.jpgLe commandant des opérations militaires de la MONUC s’est rendu à Dongo, ville d'où sont parties les violences fin octobre. La situation est stabilisée, selon la MONUC et les casques bleus encouragent les populations à revenir.

14 décembre 2009

RDC : Dongo sous contrôle

L'ONU, par la voix de sa Mission en République démocratique du Congo (RDC), affirme que l'armée régulière congolaise (FARDC) a repris dimanche le contrôle de la ville de Dongo. Depuis fin octobre, cette localité du Nord-Ouest du pays, est victime de violences qui ont provoqué le départ de 115 000 réfugiés.

Dongo devait déjà être sous contrôle depuis plusieurs jours, selon le gouvernement congolais, mais visiblement cela n'est encore carte RDC Afrikarabia Dongo 2.jpgpas le cas. De nombreuses troupes de la police et de l'armée congolaise étaient sur place pour reprendre la main sur la rébellion, qui défie le pouvoir en place en RDC. Ce conflit sème le trouble dans la province de l'Equateur depuis la fin octobre de cette année.

RDC : Internet et la guerre à Dongo

Depuis fin octobre, il est difficile de savoir précisément ce qui se passe dans la province de l'Equateur (Nord-Ouest de la République démocratique du Congo). Une rébellion de "patriotes-résistants" affirme tenir tête à l'armée régulière de Kinshasa, mais cette guerre est sans image... ni sources fiables. Alors le combat médiatique se passe sur internet, à coup de guerre de communiqués. Un site s'enflamme pour les insurgés, celui de l'Apareco d'Honoré Ngbanda, mais aussi des radios comme Radio Lobiko ou Radio TV Bendele. Un seul problème : leurs informations sont invérifiables.

Image 1.pngDepuis la fin octobre 2009, un conflit, présenté comme "interethnique", secoue la province de l'Equateur en République démocratique du Congo (RDC). Les violences opposaient Enyele et Mozanya, le mouvement fait tâche d'huile et semble vouloir défier le pouvoir central à Kinshasa. Rapidement, un mouvement de "patriotes-résistants" envoie communiqués sur communiqués et revendique des victoires militaires sur le terrain. Relayée par le site d'Honoré Ngbanda, ancien chef du renseignement du maréchal Mobutu, la rébellion affirme avoir fait tomber la ville de Libenge, puis avoir capturé 25 000 tonnes d'armes à l'armée régulière ou tenir la ville de Bozene d'où s'exprime le chef des "patriotes-résistants", un certain Ambroise Lobala Mokobe.
Le site de l'Apareco prétend également que des soldats rwandais s'en prennent à la population de Gemena, que les tutsi du CNDP se préparent à proclamer la "République des Volcans", prémices à la balkanisation de la RDC. Toujours sur la toile, Radio TV Bendele appelle à envoyer de l'argent "en faveur des victimes" de Dongo, avec numéros de comptes à la BCI ou à la banque Halifax.

En face, le gouvernement congolais fait ce qu'il peut pour démentir toutes ces rumeurs, mais l'affluence de réfugiés à la frontière du Congo-Brazzaville ne rassure aucun observateur sur la situation sur place. 115 000 civils ont fui les combats du Nord-Ouest de la RDC et 77 000 d'entre eux se sont réfugiés au Congo-Brazzaville voisin.

Pour autant, de nombreux spécialistes de la région se pose la question : "rébellion ou manipulation ?". Difficile de faire la part des choses, mais un élément est certain : les "patriotes-résistants" cherchent à récupérer les violences de l'Equateur... espérant pouvoir en tirer un profit politique, le moment venu. Pour l'heure, la rébellion semble avoir un combat d'avance sur internet... faute d'informations précises et fiables des autorités congolaises.

NB : Selon les dernières informations en provenance de Dongo, la MONUC annonce que les FARDC ont repris la ville ce dimanche et en contrôleraient tous les accès. Mise à jour : lundi 14 décembre à 11h30.

Christophe Rigaud

RDC : Le MLC inquiet de la situation à Gemena

Perquisitions à la résidence de Jeannot Bemba... incidents avec les gardes de la résidence du sénateur Jean-Pierre Bemba, les derniers événements à Gemena (Nord-Ouest de la République démocratique du Congo) inquiètent le Mouvement de la libération du Congo (MLC). Le parti d'opposition congolais dénonce ces tentatives d'intimidations, alors que l'armée et la police congolaise "contrôlent" la zone.

Afrikarabia logo.pngSur le site de radiookapi.net, le témoignage de Jacques Ndjoli, sénateur du MLC, décrit plusieurs violations du droit de propriété : « depuis 24 heures, on voudrait relever la garde qui veille dans la résidence du sénateur Jean- Pierre Bemba et mettre des militaires venus pour les opérations de Dongo. Et cette situation nous inquiète parce qu’il s’agit d’un glissement que nous estimons dangereux. Ces opérations n’obéissent ni aux règles de droit, encore moins aux accords qui ont été pris après les élections »

Depuis le 4 décembre dernier, le général John Numbi, affirmait que des éléments de police étaient en partance pour Dongo, pour rétablir l’ordre dans la région. et non pas pour traquer. Le général Numbi n’avait pas toutefois précisé le nombre de ces éléments. Le même jour, le nouveau gouverneur de l’Equateur, annonçait le démarrage des opérations de de police.

D'après la MONUC, la police et les FARDC mènent déjà des opération armées dans le secteur de Dongo, avec l'appui logistique des casques bleus. Et toujours selon la MONUC, l'opération avait même déjà débuté à Gemena. Depuis le 9 décembre, la police patrouille effectivement dans la ville de Gemena et tiennent de nombreux barrages aux sorties de la ville. Une ville "sous contrôle" de Kinshasa donc, qui n'hésite pas à perquisitionner les résidences des Bemba père et fils, c’est ce que dénonce le MLC.

Christophe Rigaud

05 décembre 2009

RDC : Les insurgés de Dongo contrôleraient Libenge

Difficile d'avoir des informations fiables en provenance du Nord-Ouest de la République démocratique du Congo (RDC). Mais selon les insurgés de Dongo, des "patriotes-résistants" auraient pris le contrôle de la ville de Libenge, à la frontière de de la République Centrafricaine depuis le 4 décembre. Ces violences interethniques avaient débuté à Dongo à la fin du mois d'octobre 2009 et opposaient Enyele et Mozanya. Depuis, le mouvement fait tâche d'huile et semble vouloir défier le pouvoir central à Kinshasa.

Carte Libenge.pngIronie du sort, la ville de Libenge se trouve à une centaine de kilomètres de Gemena, où le président congolais, Joseph Kabila s'était rendu fin novembre pour inspecter les préparatifs de la contre-offensive conjointe de la police, de l’armée et des casques bleus de la MONUC. Joseph Kabila avait sommé ses troupes de «pacifier» Dongo. Depuis, la ville semble sous contrôle de Kinshasa, mais le mouvement insurrectionel prend de l'ampleur. La nouvelle de la chute de Libenge serait un signal d'alarme important pour le président Kabila. Une source militaire citée par congoindependant.com note "qu'il règne une atmosphère de désengagement pour ne pas parler de débandade au sein de l’armée". Motif : impayés, les militaires n’ont pas le cœur à aller faire le coup de feu. "Si la chute de Libenge était confirmée par des images, souligne-t-elle, le compte à rebours a commencé pour Joseph Kabila. Nombreux sont des soldats qui n’attendent qu’un signal. La lassitude est générale…".

Toutes ces informations sont évidemment à prendre avec la plus grande prudence. Les communiqués en provenance de Dongo sont en effet relayés par le site internet d'Honoré Nganda, ex-monsieur sécurité de Mobutu, alias "terminator" et spécialiste en manipulation sur internet.

27 novembre 2009

La RDC veut faire arrêter les leaders des FDLR

Certains pays, comme la France, la Belgique, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, abritent des hauts responsables des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Le ministre de la Communication et Médias de la République démocratique du Congo ( RDC), Lambert Mende, a appelé ces pays à interpeller les leaders des FDLR en lançant des mandats internationaux.

Drapeau RDC.gifA propos du rapport du groupe d’experts indépendants de l’ONU publié début novembre, Lambert Mende a demandé à l'Europe et aux Etats-Unis d’emboîter le pas à l’Allemagne, qui a procédé dernièrement à l’arrestation de deux hauts cadres des FDLR.

Ce rapport signale le recours par les FDLR à un réseau de financement et de soutien international dans plusieurs pays qui leur a permis de recevoir d’importantes cargaisons d’armes et de munitions en 2009. Le document stigmatise également des bases de recrutement et d’appui financier et matériel dans les pays voisins à la RDC. Le porte-parole du gouvernement congolais a également indiqué que "les infractions conduiront le gouvernement à entrer en contact avec tous les pays concernés pour une synergie destinée à éradiquer définitivement ces réseaux terroristes qui ensanglantent la RDC, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU". D'importants cadres des FDLR se trouvent actuellement en France, en Belgique, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

RDC : Les FDLR réfutent le rapport de l'ONU

Dans un rapport accablant, des experts de l'ONU dénonçaient un réseau d'aide international aux rebelles hutus rwandais des FDLR. Depuis l'Europe et les Etats-Unis, les Forces démocratiques de libération du Rwanda recevraient financement et soutien. Et sur place, le trafic de minerais permettrait d'acheter les armes. Dans un communiqué, envoyé depuis Paris, les FDLR rejettent catégoriquement l'ensemble des accusations du rapport d'experts de l'ONU... sans en apporter la moindre preuve.

Logo FDLR.jpgLes Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) nient tout en bloc : le réseau international de financement et de soutien, l'exploitation des minerais de la RDC... l'organisation rebelle estime le rapport "injuste". Les FDLR disent n'exploiter aucun minerais dans l'Est de la RDC et vivre "uniquement des cotisations de ses membres". Quand aux armes utilisées par les combattants rebelles, "sont celles qui ont été récupérées sur les ennemis défaits ou morts lors des différentes batailles", contre les armées congolaise et rwandaise, assure l'organisation à Paris. Les FDLR regrettent enfin un rapport qui tend "à criminaliser tous les Rwandais qui ne sont pas d'accord avec le régime" de Kigali.

Qui viendra pourtant à bout des Forces démocratiques de libération du Rwanda ? Il y a quinze ans, des dizaines de militaires et de responsables administratifs hutus rwandais fuyaient leur pays à la fin du génocide, un massacre majoritairement de Tutsis auquel, souvent, ils avaient pris part.
Accueillis à l’époque par les autorités du Zaïre (future RDC), ces hommes armés et leurs familles se sont réfugiés dans des camps à l’Est du Congo. Depuis, le scénario est immuable : tueries, viols, pillages pour plus de pouvoir et de terrains riches en ressources naturelles au Kivu. L’an dernier, les Forces armées de la République démocratique du Congo (l'armée régulière) ont lancé une opération militaire pour tenter de les en déloger appuyées par l'ONU. Une mission qui s’est révélée des plus difficiles. Dans un rapport rendu public, l’ONU estimait que la neutralisation des FDLR était en échec, car les rebelles hutus disposaient d’un réseau international de soutien.

Christophe Rigaud

26 novembre 2009

RDC : Les armes et l'argent des FDLR

Les rebelles hutu rwandais des FDLR, basés dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) viennent de subir deux revers. Tout d'abord sur le terrain militaire, où ils doivent contenir les assauts répétés de l'armée régulière congolaise (FARDC), puis sur le terrain politique, avec l'arrestation ce mois-ci de leur chef en Allemagne. Affaiblis et traqués, les FDLR restent pourtant une importante menace pour la stabilité de la région des Grands Lacs. Et pour cause... un puissant réseau international finance les rebelles hutus et les armes proviennent de l'armée congolaise, selon des rapports d'experts mandatés par les Nations-Unies.

Image 1.pngDans ce rapport confidentiel, les experts pointent l'étendue du réseau à l'étranger de la rébellion hutu rwandaise des FDLR. Certains de ces rebelles, estimés entre 4.000 et 6.000 en RDC, ont participé au génocide de 1994 au Rwanda. Avec le temps, ces "génocidaires" réfugiés dans l'ex-Zaïre, ont été rejoints par de nouvelles recrues dans l'est de la RDC.

Le rapport note que les FDLR se sont dotés à l'étranger d'une structure politique non impliquée dans le génocide, de réseaux de soutien et de financement dans une vingtaine de pays, en Europe et aux Etats-Unis. D'importants virements d'argent et des communications téléphoniques ont été tracé par les experts... prouvant ainsi différentes livraisons d'armes pour le compte des FDLR.

Alors que le chef "politique" des FDLR, Ignace Murwanashyaka, et son adjoint, Straton Musoni, ont été arrêtés le 17 novembre en Allemagne, où ils devraient répondre d'accusations de "crimes contre l'humanité" ; de hauts responsables des FDLR basés en France (comme Callixte Mbarushimana) le secrétaire exécutif du mouvement, n'ont toujours pas été inquiétés.

Ce rapport démontre aussi l'échec de l'opération militaire "Kimia II", contre les rebelles hutu. Les FDLR continuaient d'extraire d'importantes quantités d'or vers l'Ouganda, la Tanzanie et le Burundi, alors que l'armée congolaise et les casques bleus de la MONUC cherchait à les neutraliser. Des millions de dollars, qui servaient à soudoyer l'armée régulière congolaise pour acheter des armes. Et pour l'heure, la capacité de nuisance des rebelles hutu rwandais n'a pas vraiment été entamé.

Christophe Rigaud


06 octobre 2009

Rwanda : Le "boucher de Butare" sous les verrous

Idelphonse Nizeyimana, l'un des principaux oraganisateurs présumés du génocide de 1994 au Rwanda, vient d'être arrêté à Kampala, la capitale ougandaise. Après 15 ans passés dans les forêts de République démocratique du Congo (RDC), Nizeyimana a été interpellé par des agents d'Interpol avec un faux passeport.

Logo TPIR.jpgIdelphonse Nizeyimana est détenu dans la capitale ougandaise et doit maintenant être transféré au TPIR à Arusha, en Tanzanie. Il était recherché pour génocide, complicité de génocide, ainsi qu'incitation directe et publique à commettre un génocide. Une prime de cinq millions de dollars avait d'ailleurs été mise sur sa tête par les États-Unis.

D'après le TPIR, Nizeyimana et d'autres suspects étaient à l'origine des listes d'intellectuels et de responsables tutsis pour des exécutants du génocide. Il aurait également établi des barrages routiers où des Tutsis furent massacrés, et il aurait fourni des armes ainsi que des moyens de transport aux miliciens. L'homme est accusé d'être l'un des principaux protagonistes et exécutants des massacres dans la préfecture de Butare, dans le sud du Rwanda, où on le surnommait « le boucher de Butare ».

On se souvient qu'en août dernier, l'ex-maire de Kivuma, Grégoire Ndahimana avait lui aussi été arrêté après 15 années de fuite. Onze autres suspects importants sont toujours activement recherchés.

Christophe Rigaud

17 septembre 2009

Attentat Habyarimana : Le témoignage vidéo de Richard Mugenzi

Le 31 mai 2009, le journaliste Jean-François Dupaquier recueille à Kigali le témoignage de Richard Mugenzi, témoin clé dans l'affaire de l'assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, qui avait déclenché le génocide des Tutsi en 1994. Richard Mugenzi remet en cause la version du juge Bruguière selon laquelle les rebelles tutsi de Paul Kagame étaient accusés d'avoir abattu l'avion présidentiel. Voici en exclusivité pour AFRIKARABIA les premiers extraits vidéos de ce témoignage et l'interview de son auteur, Jean-François Dupaquier.

Richard Mugenzi, ex-opérateur radio de l'armée rwandaise est l'un des principaux témoins de l'enquête du juge Jean-Louis Bruguière sur l'attentat contre l'avion du président rwandais en 1994. Pour le juge français, Richard Mugenzi avait "personnellement intercepté" et "retranscrit" des messages des rebelles tutsis du Front patriotique rwandais (FPR). Un des messages félicitait "l'escadron renforcé" auteur de l'attentat du 6 avril 1994, contre l'avion du président Habyarimana. Les rebelles tutsi se retrouvaient donc accusés d'avoir abattu l'avion présidentiel et donc d'avoir "déclenché" le génocide. Selon la nouvelle version de Richard Mugenzi, les messages interceptés lui étaient dictés par ses supérieurs, des extrémistes hutus. Des révélations qui fragilisent la thèse du juge Bruguière.

 

Question : Jean-François Dupaquier, dans quelles conditions avez-vous recueilli le témoignage de Richard Mugenzi ?

Jean-François Dupaquier : Retrouver Richard Mugenzi n’a pas été facile, et je remercie le juge Bruguière de m’y avoir involontairement aidé. Voici dans quel contexte : depuis plusieurs années je travaille à la rédaction d'un livre sur les origines du génocide de 1994 qui a vu l'extermination d'environ un million de Tutsis et de nombreux Hutus démocrates. Aussi bien comme journaliste-écrivain que comme témoin expert et consultant auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR, tribunal chargé depuis 1994 d’identifier et de juger les principaux « génocidaires »), j'ai un accès relativement aisé aux audiences publiques du tribunal à Arusha (Tanzanie). Le procès le plus remarquable est celui où ont comparu ensemble le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme l'architecte du génocide, et de plusieurs officiers supérieurs rwandais dont son bras droit, le colonel Anatole Nsengiyumva.

J’ai été impressionné par la longue déposition en 2002 d'un homme dont l'identité était l'objet d'une protection extraordinaire, au point que son audition a été en partie "caviardée". Sous le pseudonyme de ZF et caché derrière un rideau, il a fourni un témoignage accablant sur l'organisation du génocide dans Gisenyi, ville frontalière du Zaïre, qui était le foyer des extrémistes hutus de l’époque. Malgré ce « caviardage », il apparaissait que ZF était un opérateur recruté dès octobre 1990 par les forces armées rwandaises pour intercepter les messages radio des rebelles du Front patriotique rwandais.

Il m’a paru indispensable de le rencontrer dans le cadre de mes recherches, mais malgré mes efforts, je ne parvenais pas à l’identifier. Au TPIR, son nom figurait parmi les secrets les mieux gardés de l’équipe de « Protection des témoins ». Personne ne voulait risquer sa place pour m’informer de son nom et de son adresse.

En novembre 2006, lorsque le juge Jean-Louis Bruguière a diffusé le texte de son ordonnance (que chacun peut trouver sur internet) accusant neuf hauts gradés de l'armée rwandaise d'avoir été les principaux organisateurs de l'attentat du 6 avril 1994, il a cité le nom du principal témoin à charge : Richard Mugenzi, opérateur radio à Gisenyi (page 30). Sans entrer dans les détails, j'ai réussi à localiser Richard Mugenzi le 29 mai 2009. Nous avons convenu d'une interview le 31 mai. C'est au cours de cette interview qu’il m'a révélée que Jean-Louis Bruguière s'était fourvoyé en utilisant son témoignage pour accuser le Front patriotique rwandais de l'attentat.

Question : En quoi le témoignage de Richard Mugenzi est important ?

Jean-François Dupaquier : Richard Mugenzi est mentionné dans les pages 29, 30, 31, 51 et 52 de l’ordonnance Bruguière. C’est dire si le juge « antiterroriste » lui attachait de l’importance.

Le 7 avril 1994 vers huit heures 45 le matin, Richard Mugenzi est supposé avoir intercepté un message radio du Front patriotique rwandais revendiquant l'attentat commis 12 heures plus tôt à Kigali. Ce message est diffusé « en clair », contrairement aux habitudes de « codage » du Front patriotique rwandais et, faut-il le dire, de toutes les armées en guerre. Il disait à peu près ceci : « L'invincible (surnom que ses courtisant avaient donné au président Juvénal Habyarimana) est mort dans son avion, les gorilles (Hutus) ont perdu, les bergeronnettes (Tutsi) ont gagné, la victoire est proche, félicitations à l'Escadron renforcé, la guerre reprend. Etc. »

Richard Mugenzi aurait ensuite transcrit trois autres messages, toujours diffusés en clair, au milieu de nombreux messages codés, et qui "confirmaient" que le Front patriotique rwandais était bien l'auteur de l'attentat, puisqu'il le revendiquait et même s’en glorifiait.

Question : Pourquoi Richard Mugenzi a-t-il menti au juge Bruguière lorsque celui-ci l’a interrogé à Arusha ?

Jean-François Dupaquier : Sur le moment, j'ai été tellement surpris de la révélation que j'ai oublié de poser cette question évidente. J’ai rappelé Richard Mugenzi plus tard. Il m'a alors expliqué que lorsqu'il avait témoigné au TPIR en 2002 contre Bagosora et Nsengiyumva, personne ne lui avait posé de questions sur ces fameux télégrammes. On sait que pour le Parquet du TPIR, le scénario de l'attentat du 6 avril 1994 est un sujet tabou, le juge Bruguière a suffisamment glosé là-dessus dans son ordonnance – à juste titre. Et dans le cadre du contre-interrogatoire du témoin qui les accablait sur leur rôle dans le génocide à Gisenyi, pas plus Bagosora que Nsengiyumva n’a levé ce lièvre, on comprend à présent pourquoi.

Jean-Louis Bruguière affirme avoir interrogé Richard Mugenzi le 5 juin 2001 (page 52). Il n'aurait en fait jamais interrogé ce témoin qu’il décrit pourtant comme capital. Richard Mugenzi dit n’avoir été prévenu qu’une demi-heure auparavant de son audition par l'équipe du juge à Arusha. Il dit s’être retrouvé face à un policier français qui se serait contenté de lui faire reconnaitre son écriture sur la transcription des soi-disant messages du FPR, sans même se donner la peine de lui demander s'il s'agissait de transcriptions authentiques. Je vous livre la version de Richard Mugenzi. Il serait intéressant de lire ce PV d’audition dans le dossier Bruguière, malheureusement couvert par le secret de l'instruction.

Question : Quelle conclusion tirez-vous de cette déclaration de Richard Mugenzi ?

Jean-François Dupaquier : La révélation de l’ancien espion radio éclairait d’un seul coup cet épisode : on se trouvait en face d’une manipulation délibérée. Exactement 12 heures après l'attentat, le colonel Nsengiyumva, adjoint direct et complice du colonel Bagosora (comme l'a montré le jugement du Tribunal pénal international intervenu en février dernier les condamnant tous deux à la réclusion à perpétuité), a cherché à faire croire que l'attentat avait été commis par le FPR en inventant un faux bordereau.

Christophe Rigaud