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16 février 2012

RDC : Un nouveau responsable de l'UDPS arrêté à Kinshasa

Une semaine après la brève interpellation du numéro 2 de l'UDPS, Jacquemain Shabani, c'est au tour du secrétaire général adjoint du parti d'Etienne Tshisekedi, Raymond Kahungu d'être arrêté ce mercredi à Kinshasa.

Capture d’écran 2012-02-15 à 21.23.40.pngLa répression s'accroît sur l'opposition congolaise depuis la réélection contestée de Joseph Kabila. Après Jacquemain Shabani, brièvement interpellé et empêché depuis, de quitter la République démocratique du Congo, l'UDPS dénonce aujourd'hui l'arrestation du secrétaire général adjoint du parti d'opposition, Raymond Kahungu. Ce responsable a été interpellé dans l'après-midi à l'une des nombreuses barrières dressées devant la résidence d'Etienne Tshisekedi dans le quartier de Limete à Kinshasa. Selon l'UDPS, Raymond Kahungu a été emmené par la police congolaise vers "une destination inconnue". Contacté mercredi soir par Afrikarabia, Raphaël Kapambu, chargé de la communication de l'UDPS affirme ne pas avoir de nouvelle de Raymond Kahungu depuis la fin de la journée.

Cette arrestation intervient dans un contexte particulièrement tendu entre majorité et opposition en République démocratique du Congo (RDC). Jeudi 16 février, l'Eglise catholique a en effet appelé à une grande manifestation pour contester la réélection de Joseph Kabila. La manifestation a d'ailleurs été interdite par les autorités congolaises.

Christophe RIGAUD

15 février 2012

RDC : La marche interdite "aura bien lieu" selon l'UDPS

Journée sous haute tension ce jeudi 16 février à Kinshasa et dans toutes les grandes villes de République démocratique du Congo (RDC). L'Eglise catholique a appelé à une grande marche pacifique pour dénoncer le manque de transparence des dernières élections présidentielle et législatives. Les autorités congolaises ont interdit la manifestation, mais l'opposition et l'Eglise maintiennent la marche, qui "aura bien lieu", selon l'UDPS.

L'opposition met beaucoup d'espoir dans la marche organisée par l'Eglise catholique congolaise. Car, si cette manifestation est organisée en mémoire des martyrs du 16 février 1992, le message de l'Eglise catholique est clair : " réclamer la légitimité et la légalité du pouvoir". Mi-décembre, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait sévèrement critiqué les résultats de la présidentielle du 28 novembre, jugés "conformes ni à la vérité ni à la justice". L’Eglise catholique a également demandé l’annulation des scrutins (présidentielle et législatives) et la démission de la Commission électorale (CENI) qu'elle juge partiale. Pour l'opposition, et particulièrement l'UDPS, cette marche constitue donc une occasion unique d'organiser une démonstration de force dans la rue.

Les autorités congolaises ont décidé ce mercredi d'interdire "la marche des chrétiens", qui risquait de se transformer en manifestation anti-Kabila. Le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, a indiqué que le Conseil de l'apostolat des laïcs catholiques du Congo (CALCC), organisateur de la marche, n'avait pas respecté la procédure légale. En Belgique, le député Georges Dallemagne a dénoncé "un nouveau déni de justice".

Contacté par Afrikarabia, l'UDPS, maintient sa participation à la manifestation, "qui aura bien lieu".

Christophe RIGAUD

14 février 2012

RDC : L'affaire Shabani vire au règlement de compte politique

La brève arrestation de Jacquemain Shabani, numéro deux du principal parti d'opposition en République démocratique du Congo (RDC) prend une tournure politique. Les autorités congolaises reprochent au secrétaire général de l'UDPS de "porter atteinte à la sûreté de l'Etat" en détenant des documents "compromettants". L'opposition dénonce une manipulation politique et accuse les renseignements congolais de mauvais traitements.

logo afkrb.pngL'affaire Shabani prend de l'envergure. Ce qui aurait pu être une banale affaire de passeport tourne à l'affaire d'Etat. Depuis sa courte interpellation à l'aéroport de Kinshasa, en partance pour l'Allemagne, Jacquemain Shabani essuie les foudres du régime de Kinshasa et a toujours l'interdiction de quitter le territoire congolais. Dans la soirée du 7 février, le numéro deux de l'UDPS, le principal parti d'opposition au président congolais, est empêché d'embarquer à l'aéroport de Ndjili. Motif : détention "d'un autre passeport que le sien". Jacquemain Shabani est alors remis entre les mains de l'ANR, le service de renseignement intérieur congolais. Selon Kinshasa, l'ANR découvre toute une série de documents "compromettants" dans les affaires du secrétaire général de l'UDPS : des photos censées illustrées la répression policière après les élections contestées de novembre, mais aussi des tracts destinés aux militaires afin de leur faire rallier l'opposition. Ce document constitue vraisemblablement la pièce la plus "grave" pour le pouvoir en place. Ce tract circule en effet depuis plusieurs jours dans les différentes casernes de la capitale.

Les autorités congolaises ont donc décidé de porter plainte pour "atteinte à la sûreté intérieur de l'Etat" et de demander à Shabani de venir s'expliquer devant la justice congolaise "avant d'aller à l'extérieur". En clair, Kinshasa ne laissera pas sortir du territoire Jacquemain Shabani sans "explication" sur ses activités d'opposant.

De son côté, l'UDPS réfute toutes ces accusations et accuse à son tour l'ANR d'avoir "torturé" son secrétaire général et souhaite porter plainte. A l'Agence de renseignement, on reconnaît une "bagarre" entre Shabani et ses agents, mais on réfute tout acte de "torture".

L'affaire Shabani est symptomatique de l'ambiance "à couteaux tirés"qui règne à Kinshasa actuellement. Après des élections présidentielle et législatives très contestées par l'opposition, la majorité peine à sortir d'une crise politique post-électorale profonde. L'affaire Shabani et la "mise en résidence surveillée" du candidat de l'UDPS à la présidentielle, Etienne Tshisekedi, qui ne peut plus sortir librement de son QG de Limete, ressemblent à des règlements de comptes politiques et des opérations d'intimidation de l'opposition. Dans un récent communiqué, l'UDPS dénonce "la stratégie de la dictature" dans laquelle s'est enfermé le président Kabila. Une tentation autoritaire dont le régime de Kinshasa est coutumier.

Christophe RIGAUD

13 février 2012

RDC : Les "étranges" résultats des législatives

Deux semaines après la publication des résultats provisoires des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), International Crisis Group (ICG) dresse une carte des irrégularités du scrutin et dénonce un "processus caractérisé par de multiples violations du code électoral". L'ONG relève de nombreuses "anomalies" dans ces résultats.

Centre compilation Katanga 2011 bis.jpgDepuis la publication des résultats des législatives le 2 février, les recours se multiplient devant la Cour suprême de justice de Kinshasa. 340 sièges sont contestés dans 168 des 169 provinces. Dans un rapport, International Crisis Group (ICG)  revient sur les "enseignements" des élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG dénonce les "multiples violations du code électoral, la perte de plusieurs millions de voix et les opérations de comptage opaques pour rendre toute vérification impossible... ".

Plusieurs missions d'observations internationales ont déjà pointé les nombreuses irrégularités du processus électoral et les soupçons de fraudes massives qui ont pesé sur le dépouillement. Pour le Centre Carter, l'Union européenne ou l'Eglise catholique, les élections congolaises ont souffert d'un manque cruel de transparence et de crédibilité. Mais l'attention s'est particulièrement focalisée sur l'élection présidentielle, délaissant par la même occasion les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Les missions internationales ont en effet quitté la RDC, juste après l'annonce de la réélection de Joseph Kabila par la Commission électorale (CENI). Le groupe d'experts internationaux (NDI et IFES) dépêché sur les lieux pour superviser et crédibiliser les résultats de la CENI sur les législatives a très vite jeté l'éponge faute de pouvoir contrôler quoi que ce soit.

International Crisis Group revient donc sur les législatives, un scrutin un peu délaissé par les observateurs internationaux, dans un rapport et note de nombreuses "anomalies" dans les résultats publiés par la CENI. Une carte des irrégularités est par ailleurs consultable sur son site internet.

ICG relève notamment des écarts de voix importants dans certaines circonscriptions entre le nombre de votants pour la présidentielle et les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Des écarts de voix qui ont principalement bénéficié aux candidats PPRD ou proche de la Majorité présidentielle :
- c'est le cas de Jaynet Kabila, la soeur du président, dans la circonscription de Kalemie au Katanga, élue avec 34 958 voix. Le jour du vote, 3254 de plus ont été comptabilisées  sur les législatives par rapport à la présidentielle. Plus de 3000 personnes se sont donc déplacées uniquement pour voter élire son député sans voter pour la présidentielle. Un chiffre "étonnant" pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group.
- même cas dans la circonscription de Pweto (fief de feu Katumba Mwanke) avec un différentiel de 6579 voix entre la présidentielle et les législatives,
- ou au Kasaï-Oriental, la circonscription de Lambert Mende, avec un différentiel de 4411 voix.

Autres phénomène surprenant pour l'International Crisis Group : la cartographie des irrégularités, le jour du scrutin. Selon la carte publiée sur son site, la majorité des incidents et des dysfonctionnements se sont produits dans les régions connues pour être plutôt favorables à l'opposition : Kasaï, Bas-Congo, Equateur ou Kinshasa...

Capture d’écran 2012-02-13 à 20.59.39.pngLes autres résultats inattendus concernent les "poussées" très importantes du PPRD (le parti du président Joseph Kabila) et de ses alliés dans les provinces de l'Ouest du pays réputées pourtant hostiles au pouvoir en place. L'étrange progression du PPRD est particulièrement sensible dans la province de l'Equateur, où le parti présidentiel passerait de 3 à 11 députés ou au Bandundu, où il passerait de 4 à 10 députés entre 2006 et 2011. Là encore, l'International Crisis Group s'interroge.

Afin de "tirer tous les enseignements" de ce scrutin, pour le moins chaotique, Crisis Group se pose plusieurs questions  :

- afin de comprendre pourquoi la cartographie des bureaux de vote et le fichier électoral qui ont coûté plusieurs millions de dollars étaient à ce point lacunaires et inexacts et comment plusieurs millions de voix ont-elles pu être perdues et pourquoi la CENI a accepté l’expertise du NDI et d’IFES avant de se rétracter ?

- afin de comprendre selon quelle procédure et avec quelles garanties d’indépendance des magistrats supplémentaires de la Cour suprême de justice ont été nommés en pleine campagne électorale ?

- afin de comprendre pourquoi les experts électoraux du PNUD n’ont pas alerté sur les problèmes de préparation des scrutins et la nécessité de décaler le vote d’une semaine ou deux, dans quelle mesure ils ont participé à la commission de consolidation des résultats, dans quelle mesure la MONUSCO s’est assurée de l’intégrité des caisses de bulletins qu’elle transportait, dans quelle mesure la mission de bons offices de la MONUSCO a été menée à bien et pourquoi des groupes armés annoncés comme défaits en 2011 font-ils de nouveau parler d’eux en 2012 ?

- afin de savoir pourquoi les missions d’observation de la SADC, de l’UA, de la CEEAC, de la CIRGL, la COMESA se sont contentées d’une observation de court, voire de très court terme ?

- afin de comprendre quel raisonnement a conduits les bailleurs à investir plus de 100 millions de dollars dans un processus électoral biaisé dès le départ, pourquoi la contribution de l’Union européenne a été prélevée sur le budget consacré aux infrastructures indispensables à la RDC, dans quelle mesure l’UE va payer sa dernière contribution pour des élections qualifiées de non crédibles par sa mission d’observation et dans quelle mesure les bailleurs sont prêts à financer le scrutin provincial dans un contexte de domination du parti au pouvoir et avec une CENI décrédibilisée ?

- afin de comprendre si l'UDPS va mener la politique de la chaise vide ou s’il est capable d’utiliser le forum parlementaire et d’être le moteur d’une alliance de l’opposition ?

En posant cette série de questions, l'International Crisis Group vient tout simplement de lister les différents dysfonctionnements qui ont conduit la République démocratique du Congo dans un fiasco électoral. Il serait grand temps que les responsables congolais prennent la mesure de leurs erreurs et que la communauté internationale trouve le courage de faire respecter les engagements pris par les autorités congolaises pour rendre transparent leur processus électoral. Dans quelques mois, des élections provinciales doivent être organisées et 7 circonscriptions doivent à nouveau voter après annulation pour les législatives. Ces scrutins se doivent d'être enfin digne, la RDC n'est plus en mesure d'accepter un nouveau simulacre d'élection.

Christophe RIGAUD

Photo : Centre de compilation des élections au Katanga (déc 2011)

12 février 2012

RDC : Kabila perd son plus proche conseiller

Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président Joseph Kabila et homme fort du régime de Kinshasa, a trouvé la mort ce dimanche à Bukavu dans l'accident de son avion privé. Le ministre des Finances, Augustin Matata Ponyo, le gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Cishamboet et l’ambassadeur itinérant du président, Antoine Ghonda, ont été grièvement blessés au cours de l'accident. La disparition d'Augustin Katumba Mwanke, personnage-clé du "système Kabila", risque de fragiliser l'organisation de la gouvernance autour du président congolais dans un contexte de crise politique aiguë.

Afrikarabia logo.png"Conseiller de l'ombre", "personnage le plus influent de RDC", "l'homme qui murmurait à l'oreille du président"… tout a été dit, ou presque, sur la personnalité d'Augustin Katumba Mwanke. A 48 ans, cet ingénieur de formation était le principal conseiller de Joseph Kabila, "son éminence grise". Les notes de l'administration américaine, publiées par Wikileaks, présentaient Katumba Mwanke comme l'homme-clé du "système Kabila". Selon Wikileaks, ce "conseiller était parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président !". Pour l’administration américaine, Katumba Mwanke était devenu "l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle".

Co-fondateur du parti présidentiel, le PPRD, Augustin Katumba Mwanke, était présenté comme le dernier rempart de la garde rapprochée de Joseph Kabila. A la fois mentor et "Mazarin", Katumba Mwanke était accusé de "se servir de Joseph Kabila" comme d'une "marionnette". Le manque de "leadership" et de "charisme" du président Kabila avaient fini de faire du conseiller Katumba Mwanke, le "président bis" de la République démocratique du Congo.

La disparition brutale d'Augustin Katumba Mwanke intervient dans un contexte de tensions post-électorales très délicat. Après les élections très contestées (présidentielle puis des législatives) de novembre, la crise politique couve en RDC. L'opposition ne reconnaît pas la réélection de Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi s'est autoproclamé "président élu". L'opposition a également rejeté en bloc tous les résultats publiés par la Commission électorale (CENI), dénonçant les multiples irrégularités du scrutin. Malgré les contestations, notamment de la communauté internationale, la CENI, a récemment annoncé la composition de la nouvelle Assemblée nationale congolaise. La Majorité présidentielle (MP) reste majoritaire, mais le parti présidentiel (PPRD) perd des sièges et devra composer avec de multiples petits partis et des "indépendants". Pour pouvoir gouverner "en toute tranquillité", Joseph Kabila devra dans ces conditions nouer de nombreuses alliances, trouver un nouveau Premier ministre et composer un gouvernement de "rassemblement". Une tâche à laquelle s'était attelé Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président et "stratège" politique hors pair. Avec la disparition de Katumba Mwanke, Joseph Kabila perd le principal artisan de sa "nouvelle majorité gouvernementale".  "L'homme qui murmurait à l'oreille de Joseph Kabila" n'est plus… une place se libère auprès du président congolais… elle ne devrait pourtant pas rester vacante très longtemps.

Un rapport des Nations-unies de 2002 avait signalé la participation d'Augustin Katumba Mwanke à un réseau d'intérêts "politique, militaire et commercial" lié au commerce illicite de minerais. Ce rapport notait "le transfert d'au moins 5 milliards de dollars du secteur minier" vers des entreprises privées du conseiller du président Kabila. L'ONU avait recommandé "une interdiction de déplacement" hors du pays et un "gel" de ses avoirs. A l'époque, Joseph Kabila avait suspendu son conseiller de ses fonctions et l'avait nommé "ambassadeur itinérant" auprès de la Présidence.

Christophe RIGAUD

10 février 2012

RDC : La Banque mondiale sanctionne Kinshasa

Après la réélection contestée de Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC), les premières sanctions tombent sur les autorités congolaises... et elles sont financières. La Banque mondiale, qui estime que les "contrôles démocratiques sont insuffisants "en RDC a décidé de ne plus contribuer au budget général du pays.

Image 2.pngRobert Zoellick, le président de la Banque mondiale s'est montré très sceptique sur les "contrôles démocratiques", ainsi que sur le manque de "contre-pouvoirs" en RDC dans une conférence diffusé sur internet. Il a donc décidé de stopper la contribution de la Banque mondiale au budget général du Congo, tout en précisant que les programmes sur la nutrition, l'éducation, le Sida ou le paludisme continueraient à être soutenus.

Robert Zoellick a qualifié la RDC de "zone grise", à l'image de l'Afghanistan ou de Haïti. Cette décision intervient après des élections présidentielle et législatives particulièrement chaotiques et entachées de nombreuses irrégularités. L'Union européenne et les Etats-unis avaient notamment relevé le manque de transparence et de crédibilité du scrutin. La Banque mondiale est le premier organisme international a infliger ainsi une sanction financière à la République démocratique du Congo. D'autres vont-ils suivre ?

Christophe RIGAUD

RDC : L'opposition dans l'attente du 16 février

En République démocratique du Congo (RDC), l'opposition jette ses derniers espoirs dans la mobilisation des chrétiens prévue le 16 février 2012 dans tout le pays. Après la réélection contestée de Joseph Kabila, l'opposition n'a jamais réussi  à faire descendre massivement les Congolais dans la rue. L'opposition compte donc sur la "grande marche pacifique" de l'église catholique pour "faire éclater la vérité des urnes". Un test ultime pour l'opposition.

Image 4.pngLa manifestation des chrétiens pour commémorer les martyrs du 16 février 1992, "tombés sous les balles des militaires de Mobutu", constitue sans doute le dernier rendez-vous pour l'opposition avec la rue congolaise ; les différents appels à la mobilisation d'Etienne Tshisekedi étant tous restés lettre morte. Le leader de l'UDPS conteste depuis plusieurs semaines la réélection de Joseph Kabila dont le scrutin est entaché de multiples irrégularités et de soupçons de fraudes. Etienne Tshisekedi s'est alors autoproclamé "président élu" de République démocratique du Congo, dans l'indifférence générale et notamment celle de la communauté internationale qui avait pourtant constaté le manque de transparence et de crédibilité du scrutin. Tshisekedi a ensuite plusieurs fois appelé l'armée et l'administration à lui faire allégeance.. sans succès. Le dispositif sécuritaire mis en place par Joseph Kabila a été particulièrement efficace pour réprimer les timides tentatives de rassemblements populaires.

L'opposition semble donc tout miser sur "la grande marche" des chrétiens pour prouver sa capacité à mobiliser la population. Si cette manifestation est organisée en mémoire des martyrs du 16 février 1992, le message de l'Eglise catholique est clair : " réclamer la légitimité et la légalité du pouvoir". Mi-décembre, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait sévèrement critiqué les résultats de la présidentielle du 28 novembre, jugés "conformes ni à la vérité ni à la justice". L’Eglise catholique a également demandé l’annulation des scrutins (présidentielle et législatives) et la démission de la Commission électorale (CENI) qu'elle juge partiale.

Ce rassemblement, qui se déroulera sous haute surveillance policière, constituera donc un test ultime sur la capacité de mobilisation de l'opposition. L'Eglise catholique est très puissante en RDC et ses consignes sont en générale très suivies. Un autre élément pourrait stimuler la mobilisation populaire : la tension sociale. La mise en place récente de la TVA a fortement augmenté les prix... et la colère gronde sur les marchés congolais.

En cas d'échec, l'opposition aura vraisemblablement perdu tout espoir de pouvoir peser sur le cours des événements. Le statu quo politique risque de l'emporter : Etienne Tshisekedi apparaît plus isolé que jamais et les autres opposants sont quasi aphones... sans aucune stratégie pour contrer Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa (c) Ch. Rigaud

08 février 2012

RDC : Jacquemain Shabani (UDPS) arrêté à Kinshasa

Le Secrétaire Général de l’UDPS, Jacquemain Shabani, a été arrêté ce mardi vers 23h00 par la police congolaise à l’aéroport international de Kinshasa. Ce responsable du principal parti d'opposition en République démocratique du Congo (RDC) devait se rendre à Berlin pour participer à une conférence sur la situation politique du pays. Selon l'UDPS, Jacquemain Shabani a d'abord été emmené vers une destination inconnue avant d'être relâché vers 3h45 du matin.

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Cette arrestation intervient dans un climat de grave crise politique en RDC à la suite d'élections présidentielle et législatives très contestées. Le candidat de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, battu officiellement par Joseph Kabila, s'est autoproclamé "président élu" et ne reconnait pas la réélection du président sortant. De graves irrégularités et des soupçons de fraudes massives ont été constatés par la communauté internationale pendant le scrutin.

Christophe RIGAUD

Plus d'informations dans la journée sur www.afrikarabia.com

07 février 2012

RDC : Les nouveaux hommes forts de Kabila

Après la publication des résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), les grandes manoeuvres politiques commencent autour des nominations à la tête du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Plusieurs personnalités voient leur leadership renforcé après les élections du 28 novembre. Evariste Boshab, Aubin Minaku, Pierre Lumbi, Jean-Claude Masangu ou Gabriel Kyungu pourraient se voir confier des rôles de premier plan.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.03.23-tiltshift.jpgLa Commission électorale congolaise (CENI) a publié récemment les résultats provisoires de la nouvelle Assemblée nationale. La coalition construite autour de la majorité présidentielle de Joseph Kabila, remporte une majorité de sièges : environ 341 contre seulement 119 pour les différents partis d'opposition. Mais la grande leçon du scrutin (outre les nombreuses irrégularités, que l'on a vite oublié !) repose sur l'éclatement de l'Assemblée nationale en une multitude de petits partis (au moins 94 !). Tous les grands partis ont vu leurs nombres de sièges se réduire, majorité comme opposition. Résultat : le président Kabila se trouve dans l'obligation de gouverner avec une coalition PPRD, PPPD, MSR, PALU, ARC, AFDC…

Au lendemain des résultats des législatives, le temps des nominations a donc commencé… avec ses grandes manoeuvres en coulisse. Joseph Kabila doit prochainement nommer un nouveau Premier ministre et un nouveau Président de l'Assemblée nationale doit également être désigné par la chambre. Reste ensuite la répartition des postes ministériels et des bureaux à l'Assemblée et au Sénat pour faire plaisir aux différents alliés de la Majorité présidentielle... et ils sont nombreux.

Vers un Etat PPRD ?

Pour le poste de Premier ministre, le Président Kabila semble être réduit à un double choix : nommer un homme issu d'un parti de la coalition, comme l'est l'actuel Premier ministre Adolphe Muzito, membre du Palu ou nommer un homme du PPRD, le parti présidentiel, qui est arrivé en tête avec 62 petits sièges. L'option de désigner un membre d'un parti "allié" serait dans la logique et le choix pourrait alors se porter sur Pierre Lumbi du MSR qui a réalisé un très bon score (27 sièges), coiffant un Palu sur le déclin (19 sièges). Mais à Kinshasa, le candidat qui a le vent en poupe s'appelle Evariste Boshab, le patron du PPRD. Si le parti présidentiel a perdu plus de 49 sièges entre 2006 et 2011, Joseph Kabila ne semble pas se résoudre à devenir l'otage de ses alliés, comme ce fut le cas avec le Palu d'Antoine Gizenga et d'Adolphe Muzito. Joseph Kabila pourrait donc s'affirmer en nommant un Premier ministre issu de son propre parti.

Le PPRD est aussi donner gagnant à la tête de l'Assemblée nationale. Le nom d'Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle, est le plus souvent cité. Responsable de la plate-forme politique soutenant Joseph Kabila, Aubin Minaku était à la manoeuvre pour organiser les préparatifs des législatives et est également monter au créneau pour défendre les résultats de la présidentiel et des législatives, très contestés par de nombreuses irrégularités. "Je les mets au défi de prouver que la tricherie était planifiée", avait affirmé Aubin Minaku.

"Katanga connection"

Si la primature venait à lui échapper, Pierre Lumbi devrait se retrouver à un poste clé du prochain dispositif gouvernemental du président Kabila. Le très puissant ministre d’Etat en charge des Infrastructures et de la Reconstruction du gouvernement Gizenga  est aujourd'hui le très influent conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la sécurité. Il a notamment mis en place les fameux contrats de partenariat entre la Chine et la RDC. Avec ses 27 sièges aux législatives de novembre, Pierre Lumbi a réussi à rendre son parti, le Mouvement social pour le renouveau (MSR), incontournable à la Majorité présidentielle… et au Président Kabila.

Trois autres hommes forts se sont également distingués lors des dernières élections. Ils viennent tous les trois du Katanga, la province qui a "élu" Joseph Kabila avec des scores records (et douteux)… certains atteignant les 100% ! Il s'agit du conseiller de l'ombre du Président congolais, Augustin Katumba Mwanke, de Gabriel Kyungu, le patron de l'UNAFEC de Lumbumbashi et de Jean-Claude Masangu, le gouverneur de la Banque centrale du Congo.

Augustin Katumba Mwanke, a été "triomphalement" réélu au Katanga, dans sa vile natale de Pweto.  L'homme le plus influent de la RDC, selon les notes de Wikileaks, qui décrivent Katumba Mwanke comme "un conseiller de l’ombre qui est parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président !". Selon l’administration américaine, Katumba Mwanke est devenu “l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle “. Dans le nouveau mandat de Joseph Kabila, Katumba Mwanke, devrait peut-être trouver un poste plus exposé.

Toujours à la tête de l'Assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu a encore démontré la puissance de son parti, l'UNAFEC (avec ses dérives ethnistes !). A la présidence, on estime que les "très bons scores" de Joseph Kabila au Katanga sont, entre autre, "l'oeuvre" de Gabriel Kyungu. Vieux routier de la politique congolaise, ancien membre du célèbre groupe des 13 à l'origine de l'UDPS, le patron de l'Assemblée provinciale, pourrait jouer un rôle important à Kinshasa.

Le dernier homme en vu sur l'échiquier politique congolais, est le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu. Cet économiste renommé est à la tête de la Banque centrale depuis maintenant 15 ans. Artisan de la victoire de Joseph Kabila au Katanga (encore), Jean-Claude Masangu pourrait lui aussi aspirer à d'autres fonctions plus prestigieuses.

Christophe RIGAUD

Photo : Portrait de Joseph Kabila à Kinshasa (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

30 janvier 2012

RDC-Législatives : Majorité et opposition condamnées aux alliances

Après plusieurs semaines d'atermoiements, la Commission électorale (CENI) a publié les résultats partiels des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC). Si la majorité présidentielle de Joseph Kabila arrive en tête, les grands partis sont en perte de vitesse au profit d'une centaine de petites formations hétéroclites. Côté majorité, Joseph Kabila devra donc conclure des alliances et s'appuyer sur les nouveaux gagnants du scrutin : les "indépendants" du PPPD et le MSR de Pierre Lumbi et ses 25 sièges. Côté opposition, l'UDPS devra elle aussi trouver des alliés pour avoir voix au chapitre.

Capture d’écran 2012-01-30 à 08.44.15.pngLes contours de la nouvelle assemblée nationale congolaise commencent à se dessiner plus nettement. Après les résultats, presque complets, publiés par la CENI, 432 sièges sont désormais attribués, sur les 500 de l'assemblée. Après un rapide calcul, Joseph Kabila devrait pouvoir compter sur un peu plus de 245 députés, alors que l'opposition cumulerait péniblement 80 sièges. Pour le chercheur Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group (ICG), "le fond de la structure politique de l'assemblée nationale congolaise, n'a pas vraiment changé et la hiérarchie des partis est respectée. Mais on peut noter un "aplatissement" de l'assemblée avec une prolifération de toutes petites formations au dépend des grands partis traditionnels. Une prolifération de petits partis qui va à l'encontre de ce que cherchait Joseph Kabila et le PPRD. Le pouvoir souhaitait un système bi-partisan avec un grand bloc de la majorité et un grand bloc d'opposition. On est dans la tendance inverse, c'est à dire une fragmentation politique".

Derrière le PPRD d'Evariste Boshab (58 sièges), la majorité présidentielle de Joseph Kabila devra trouver une nouvelle coalition. Notamment avec le PPPD de Ngoma Binda et ses 27 sièges, le MSR de Pierre Lumbi (25 sièges), le Palu d'Antoine Gizenga (16 sièges), l'ARC d'Olivier Kamitatu (14 sièges), l'AFDC de Modeste Bahati (12 sièges) et plusieurs dizaines "d'indépendants". Pour l'opposition, le premier parti devient l'UDPS d'Etienne Tshisekedi (34 sièges) qui coiffe le MLC de Jean-Pierre Bemba (20 sièges), l'UNC de Vital Kamerhe (16 sièges) et l'UFC de Léon Kengo (3 sièges).

Thierry Vircoulon note trois faits marquants pour la majorité de Joseph Kabila :
- "la dégringolade du Palu d'Antoine Gizenga", qui chute avec seulement 16 sièges,
- "la bonne performance du MSR de Pierre Lumbi",
- "l'arrivée d'un petit nouveau, le PPPD, une sorte de "faux nez" du PPRD, qui permettait à certains candidats de ne pas se présenter avec l'étiquette du PPRD".
Cette recomposition de la majorité présidentielle aura bien sûr des conséquences sur la composition du futur gouvernement et la nomination du prochain Premier ministre. Selon Thierry Vircoulon, "Joseph Kabila devra choisir entre prendre quelqu'un au sein du PPRD (premier parti de l'assemblée), soit rester dans sa logique précédente et choisir son Premier ministre dans un parti allié. Si tel est le cas, je pense que le MSR de Pierre Lumbi est assez bien placé, ainsi que le PPPD". Dans le camp de l'opposition, il faudra aussi composer avec ses alliés pour exister. Pour Thierry Vircoulon, "s'il n'y a pas d'alliance sérieuse entre l'UDPS et le MLC, l'opposition sera réduite à sa portion congrue à l'assemblée nationale".

Mais attention, il existe encore plusieurs inconnues sur l'issue du scrutin législatif :
- tous les résultats ne sont pas encore publiés, comme à Kinshasa, dans le Rutshuru et à Mbujyi Mayi,
- il y a ensuite 7 circonscriptions où l'on doit revoter suite à des violences,
- des centaines de recours ont enfin été déposés à la Cour suprême de justice de Kinshasa, à cause des nombreuses irrégularités qui ont émaillé le scrutin et aux soupçons de fraudes.

Après une élection présidentielle contestée et l'auto-proclamation d'Etienne Tshisekedi comme président élu, la crise politique congolaise ne s'apaisera pas avec des législatives qui ne donneront visiblement aucune place à l'opposition. La communauté internationale semble se satisfaire de ce statu quo politique.

Christophe RIGAUD

Consultez les résultats provisoires de la CENI, cliquez ICI.

26 janvier 2012

RDC : Les errements du procès Bemba

Le procès de l'ancien vice-président de République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba suscite toujours des controverses. L'enquête de la Cour pénale internationale (CPI) piétine et le procureur peine à rassembler les preuves. Les défenseurs du sénateur congolais dénoncent un montage judiciaire destinée à écarter leur client du jeu politique. Le procès tourne en rond et le dossier paraît mal ficelé. Très critiquée en Afrique, la CPI engage sa crédibilité dans l'affaire Bemba.

Image 2.pngAprès de nombreux reports, le procès de Jean-Pierre Bemba devrait reprendre le 26 janvier 2012. Jean-Pierre Bemba est poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis par ses troupes du MLC en Centrafrique en 2002 et 2003. Jean-Pierre Bemba avait alors accepté d'envoyer des soldats pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, menacé par les miliciens de François Bozizé. La CPI accuse Bemba d'avoir commandé ses troupes à distance et même de s'être rendu sur place, ce qui nie l'accusé. Pour Jean-Pierre Bemba, ses soldats étaient "prêtés" au président Patassé et donc sous commandement centrafricain.

Suspendu depuis le 10 décembre dernier, le procès a été reporté plusieurs fois en raison des difficultés rencontrés par le procureur de la CPI, à faire venir les témoins à la barre. Une trentaine de témoins ont pourtant été auditionnés par le procureur, mais la CPI n'a toujours pas bouclé la présentation des preuves. Le procureur Moreno Ocampo veut encore entendre 4 témoins importants. Des témoins-clés de l'affaire, puisqu'il s'agit d'anciens alliés de Jean-Pierre Bemba qui pourraient sans doute éclairer la Cour sur les contacts qui pouvait avoir le leader du MLC avec ses troupes en Centrafrique. Seul problème : ces témoins refuseraient de se rendre à la barre et la CPI ne dispose pas de moyens suffisants pour les y contraindre. Une épreuve de plus pour le procureur de la CPI qui essuie depuis plusieurs mois un flot de critiques.

Un procès politique ?

Depuis l'arrestation de Jean-Pierre Bemba, en mai 2008, la CPI peine à convaincre dans ce dossier. Car s'il apparaît évident que les soldats du MLC ont bien commis des atrocités (viols, pillages, meurtres) en Centrafrique, la responsabilité de Jean-Pierre Bemba semble moins claire. Pour les soutiens du patron du MLC, il s'agit ni plus ni moins d'un procès politique : Jean-Pierre Bemba ayant été écarté de la scène politique congolaise pour laissé le champ libre au président Joseph Kabila en 2011.

La défense de Jean-Pierre Bemba soulève plusieurs interrogations :
- pourquoi avoir attendu de 2003 à 2008 pour arrêter Jean-Pierre Bemba ? Candidat à l'élection présidentielle de 2006, Jean-Pierre Bemba a pu se présenter sans être inquiété. Et ses avocats de poser cette autre question : "Jean-Pierre Bemba aurait-il été arrêté s'il avait été élu président de la République ?
- il y a ensuite l'absence sur le banc des accusés du principal intéressé : Ange-Félix Patassé (décédé depuis), le président centrafricain. Patassé était sur place avec les hommes de Bemba et l'armée centrafricaine. Les avocats de Bemba estiment que leur client n'a aucune responsabilité dans les meurtres, les viols et les pillages commis par les soldats du MLC en Centrafrique. Jean-Pierre Bemba déclare être resté dans son fief congolais de Gbadolite ou en Afrique du Sud en train de négocier les accords de paix de Sun City.

Pour bon nombre d'observateurs, les charges contre Bemba "ne tiennent pas debout" et les nombreux reports du procès en sont la preuve. Selon la journaliste Colette Braeckman, spécialiste de la région, "l'affaire n'est pas claire et risque de jeter le discrédit sur la CPI qui n'est pas très objective avec Jean-Pierre Bemba". Pour le procureur Moreno Ocampo, le défi est de taille : éviter l'enlisement et l'impasse. Le procès Bemba constitue un test décisif pour la future crédibilité  de la Cour pénale internationale, souvent accusée d'être partiale et de faire le jeu des puissants.

Christophe RIGAUD

Photo : Jean-Pierre Bemba en 2006 à Kinshasa (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

25 janvier 2012

RDC : 85% des malades du Sida privés de traitement

Dans un communiqué, Médecins Sans Frontières (MSF) s’alarme de la situation des personnes vivant avec le VIH/SIDA en République démocratique du Congo (RDC) et déplore le manque de priorités données par les autorités congolaises. MSF dénonce aussi le désengagement des bailleurs de fonds, alors que le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme fêtera ses 10 ans d’existence ce 28 janvier.

-1.jpgLes conditions d’accès aux soins des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC sont catastrophiques. Au Centre Hospitalier de Kabinda (CHK) à Kinshasa, MSF voit arriver un nombre bien trop élevé de malades avec des complications graves, dues à l’absence de traitement, et dont la condition trop avancée entraîne des souffrances inacceptables.

 « J’ai travaillé dans de nombreux pays d’Afrique centrale et australe auprès de patients séropositifs, mais ce que je vois ici en RDC n’existe plus ailleurs depuis plusieurs années », affirme Anja De Weggheleire, coordinatrice médicale de MSF en RDC. « La situation de la RDC me rappelle l’époque à laquelle aucun traitement ARV n’était encore disponible. Nos médecins sont confrontés quotidiennement à de graves complications qui seraient facilement évitables avec une mise sous ARV précoce des patients ».

 On estime actuellement à plus d’un million le nombre de séropositifs en RDC et à 350 000 le nombre de personnes qui devraient bénéficier d’un traitement antirétroviral. Or seuls 44 000 patients sont effectivement sous traitement. Cela représente un taux de couverture en antirétroviraux (ARV) de moins de 15%, soit l’un des plus bas au monde (tout comme la Somalie et le Soudan pour le continent africain). La situation est critique également en terme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant

(PTME) : seul 1% des femmes enceintes estimées séropositives a accès aux traitements PTME. Or sans traitement, environ un tiers des enfants exposés naît avec le VIH.

En dépit de ces indicateurs catastrophiques, la RDC ne bénéficie pas du degré de priorité qui devrait être le sien auprès des bailleurs de fonds. Pire encore, certains se retirent ou diminuent sensiblement leurs subventions, comme le Fonds Mondial. En effet, alors que ce dernier est le principal pourvoyeur d’ARV en RDC, les Etats qui le financent n’ont pas tenu leurs promesses, obligeant l’institution à revoir ses ambitions à la baisse.

 Or le désengagement des bailleurs met directement en danger la vie de milliers de personnes en RDC. Anja De Weggheleire tire la sonnette d’alarme : « si rien n’est fait, il est fort probable que les 15 000 personnes inscrites actuellement sur une liste d’attente et identifiées comme personnes ayant besoin d’ARV de manière urgente seront mortes d’ici trois ans. Et ce chiffre, aussi effrayant soit-il, ne représente que le haut de l’iceberg quand on sait que la plupart des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC ne connaissent pas leur statut sérologique. Beaucoup mourront dans le silence et dans l’oubli.»

 Il est crucial que les autorités congolaises respectent l’engagement qu’elles ont pris pour assurer gratuitement les services de prévention et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Il est tout aussi urgent que les bailleurs de fonds mobilisent d’urgence des moyens nécessaires afin d’assurer que les patients en attente d’ARV ne soient pas condamnés.

 MSF est présente depuis plus de 30 ans en RDC et y mène des programmes contre le VIH/SIDA depuis 1996.

 MSF a notamment été la première organisation à mettre des patients gratuitement sous ARV en RDC, en octobre 2003. Par ses programmes d’appui aux soins de santé et à travers son projet SIDA à Kinshasa, MSF prend plus de 5 000 patients en charge dans 6 provinces, soit plus de 10% du nombre de personnes mises sous ARV en RDC. A Kinshasa, MSF prend en charge 20% du nombre total de patients actuellement sous ARV dans la capitale congolaise.

MSF lance ce jour une campagne de communication et de plaidoyer qui s’étalera sur toute l’année 2012 afin d’alerter l’opinion publique sur la situation gravissime des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC et d’inciter les acteurs à se mobiliser pour étendre la couverture ARV.

23 janvier 2012

RDC : l'ARP de Munene attend son heure

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) s'enfonce dans une crise politique et institutionnelle profonde, après la réélection contestée de Joseph Kabila, le mouvement de résistance du général Faustin Munene s'active. Afrikarabia a rencontré le porte-parole de l'Armée de Résistance Populaire (ARP), Jean Kalama Ilunga, qui confirme qui les militaires qui ont rejoint le mouvement "attendent le moment fatidique pour agir". Jean Kalama nie toute présence du général Munene à Paris et les rumeurs autour de son état de santé.

Jean Kalama.jpg- Afrikarabia : La réélection de Joseph Kabila, fin 2011, a été très controversée. Les observateurs étrangers ont tous relevé de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraude massive. Comment se positionne l'ARP après ce scrutin ?

- Jean Kalama Ilunga :  Dès novembre 2010 nous avions rejeté la tenue de ces élections. Nous pensions déjà à l'époque qu'il y avait des éléments de tricheries qui allaient être mis en place. Il n' y avait pas de recensement depuis 1984, on ne savait donc pas qui pourrait voter et sur quelle base se déroulerait le scrutin ? Autre élément : comment organiser dans une dictature des élections libres et transparentes ? Toutes les institutions sont au service d'un seul homme (Joseph Kabila, ndlr) : la justice, l'économie, la Banque centrale, les médias, le parlement, le sénat… Nous avons donc, en amont du scrutin, rejeté l'organisation des élections et les résultats qui en découleront. Pour nous, Joseph Kabila n'a pas de légitimité à la tête de l'Etat. Nos revendications sont donc les mêmes, avant qu'après les élections : Joseph Kabila doit partir ! Et aujourd'hui, il n' y a que la résistance qui puisse faire changer les choses.

- Afrikarabia : La Cour suprême de justice a tout de même validé l'élection présidentielle et la Communauté internationale, pourtant très critique sur les nombreuses irrégularités du scrutin, a laissé faire ?

- Jean Kalama Ilunga : Cette Cour suprême n'a aucune légitimité. Ce sont des juges complètement "caporalisés". D'ailleurs, ces juges ont été changés juste avant les élections par Joseph Kabila lui-même. Quand nous prendrons le pouvoir, ces gens qui se disent de la Cour suprême seront arrêtés pour "faux et usage de faux". Ils ont "tricotés" les donnés pour valider de faux résultats.

- Afrikarabia : Que propose l'ARP pour sortir de cette crise politique et de ce blocage institutionnel ?

- Jean Kalama Ilunga : Nous ne sommes pas étonnés que le pays en soit arrivé là. Nous le disons depuis très longtemps. Nous sommes arrivés au bout du système. Ceux qui sont au pouvoir sont des tricheurs, ils utilisent l'argent public pour corrompre, alors que les policiers, les militaires, les fonctionnaires ne sont pas payés et que les Congolais manquent de tout. Nous, nous sommes prêt à protéger les population, avec les mêmes moyens. Ce que nous proposons, ce n'est pas la "troisième voix", c'est la résistance. Nous sommes déjà organisés politiquement, nous avons prévu un gouvernement intérimaire. Nous voulons mettre en place des institutions fortes, pas des hommes forts.

- Afrikarabia : Peut-il y avoir un changement de régime pacifique ? Car pour l'instant Joseph Kabila est encore au pouvoir ?

- Jean Kalama Ilunga : C'est Joseph Kabila qui apporte la guerre. C'est lui qui se maintien au pouvoir en prenant l'armée en otage, avec l'aide de mercenaires. Et l'ARP veut créer un rapport de force avec le pouvoir en place. Nous travaillons pour que ce rapport de force puisse basculer.

- Afrikarabia : Pour créer un rapport de force, celui veut dire qu'en face des troupes de Joseph Kabila, il faut qu'il y ait des soldats, des hommes en armes ?

- Jean Kalama Ilunga : Bien sûr… ce n'est pas exclu. Il y a de nombreux militaires de l'armée congolaise (FARDC, ndlr) qui sont d'accord avec nous. Sinon, pourquoi Joseph Kabila a embauché tous ces mercenaires ? Pourquoi a-t-il a désarmé le camp Kokolo à Kinshasa ?

- Afrikarabia : Qui compose l'ARP ? Ce sont tous d'anciens militaires ?

- Jean Kalama Ilunga : Non. Il y a d'anciens militaires, bien sûr, qui ont rejoint l'ARP. Mais, je ne peux pas vous cacher qu'il y a aussi des militaires qui sont encore dans l'armée aujourd'hui et qui sont avec nous. Ces militaires attendent le moment fatidique pour agir.

- Afrikarabia : Qu'est-ce qui pourrait déclencher ce type d'action miltaire ?

- Jean Kalama Ilunga : Je ne peux pas le vous dire… (rires). Ce moment arrivera, mais je ne peux pas vous dire où, quand, comment et l'heure.. C'est confidentiel et nous sommes en train d'y travailler.

- Afrikarabia : Si la première partie de votre action est militaire, la seconde partie est politique ?

- Jean Kalama Ilunga : Oui, tout doit se terminer par la politique. Même si aujourd'hui on travaille sur la partie militaire, la politique est très importante puisque c'est la politique qui doit encadrer le militaire. C'est la politique qui devra créer la nouvelle armée du Congo.

- Afrikarabia : Quand on pense à une action militaire qui serait l'élément "déclencheur" d'un changement de régime, on pense à l'attaque de la résidence du président Kabila en février 2011, qui a tourné court. Certain ont attribué l'attaque à l'ARP du général Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : Il y a des choses que je ne peux pas dire… Quand on parle de forces de la résistance, on parle de tous les Congolais. Après ces actions, l'état d'esprit des Congolais a changé, les gens se sont réveillés. A l'extérieur avec les actions de la diaspora et maintenant à l'intérieur. Aujourd'hui, la résistance est à l'intérieur du Congo.

- Afrikarabia : La différence entre votre mouvement et d'autres mouvement d'opposition, c'est le poids militaire que peut représenter le général Faustin Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : Tout à fait, mais quand je parle, moi, je parle politique.

- Afrikarabia : Quelles sont justement vos liens avec les partis politiques d'opposition comme l'UDPS ?

- Jean Kalama Ilunga : L'opposition a fait son choix en acceptant de participer à ces élections. Nous, nous avons rejeté la tenue même des élections. Pour nous, ces élections n'ont pas existé. Nous avions donc deux projets très différents.

- Afrikarabia : Il n'y a donc pas de discussion avec Etienne Tshisekedi ?

- Jean Kalama Ilunga : Non non, nous ne sommes pas sur cette logique là ! Il faut dépasser le problème d'individu. Nous devons avoir des institutions fortes et non des hommes forts. On sait qu'avec des hommes forts, cela se termine toujours de la même façon : de la politique tribale.. ma tribu d'abord !

- Afrikarabia : Quelles sont les qualités du général Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : C'est d'abord quelqu'un qui a été Chef d'Etat major général. Sous Laurent-Désiré Kabila, il a été vice-ministre chargé de la sécurité. Il avait donc la confiance total du Mzee Laurent-Désiré. Il a créé la police, qui n'existait pas sous Mobutu et il a installé une certaine sécurité que la population a reconnu. Il y avait de la discipline et ça, c'est l'oeuvre de Munene. Il est très écouté par les jeunes policiers, les militaires, les officiers. Nous leur demandons d'ailleurs de ne pas se signaler, mais nous savons qu'ils sont avec nous.

- Afrikarabia : Certains sites internet ont annoncé la présence du général Munene à Paris et d'autres médias comme Jeune Afrique disaient le général "mal en point" ?

- Jean Kalama Ilunga : Faustin Munene n'est pas à Paris et il n'est pas malade.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Jean Kalama Ilunga à Paris en janvier 2012 © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

22 janvier 2012

RDC : Tshisekedi au Palais de la Nation ce lundi

Etienne Tshisekedi, autoproclamé "président élu" de la République démocratique du Congo a annoncé vendredi qu'il va formera son propre gouvernement. Il se rendra lundi 23 janvier 2012 au Palais de la Nation à Kinhsasa.

Afrikarabia logo.png"A partir de ce vendredi 20 janvier 2012, je prend mes fonctions actives en qualité de président de la République démocratique du Congo. A partir de la semaine prochaine, nous allons former le gouvernement qui va prendre en mains le destiné du pays", a déclaré vendredi le leader de l'UDPS.

Lors de l'élection présidentielle de novembre 2011, Etienne Tshisekedi a obtenu 32,33 % de suffrages exprimés. Il s'est classé en deuxième position derrière le président sortant Joseph Kabila qui a recueilli, 48,95 % selon la Commission électorale. Etienne Tshisekedi a rejeté la réélection de Joseph Kabila en dénonçant une fraude massive et revendique sa victoire à la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC).

Christophe RIGAUD

21 janvier 2012

RDC : Quitte ou double pour Tshisekedi

Où va Etienne Tshisekedi ? Après une longue période de silence, l'opposant congolais s'est exprimé vendredi. Le leader de l'opposition a annoncé vouloir former son propre gouvernement et a décidé "d'annuler les élections législatives". Etienne Tshisekedi a rejeté la réélection de Joseph Kabila en dénonçant une fraude massive et revendique la victoire à la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Une situation très inconfortable pour le patron de l'UDPS, qui peine à trouver une stratégie efficace.

tshi tshi.pngLa bataille pour la présidentielle est-elle terminée pour l'opposant congolais Etienne Tshisekedi ?  Battu "officiellement" par Joseph Kabila, mais sûr de sa "victoire", Etienne Tshisekedi s'est autoproclamé "président élu" de la République démocratique du Congo (RDC). L'opposition estime que la réélection de Joseph Kabila est très contestable et entachée de multiples irrégularités. Mais la Commission électorale et la Cour suprême de justice congolaise (toutes deux proches du pouvoir) ont validé le scrutin et la communauté internationale, pourtant très critique, à laisser faire.

Etienne Tshisekedi se trouve donc dans une situation délicate. Depuis son autoproclamation, Tshisekedi est plus isolé que jamais : la rue congolaise n'a pas suivi (pas de printemps congolais) et la communauté internationale semble se satisfaire de la réélection (certes contestable) de Joseph Kabila. Après une longue période de réflexion, de consultation… et de silence, le leader de l'UDPS a donné une conférence de presse ce vendredi. Une conférence devant très peu de journalistes, puisque le quartier de Limete où réside Tshisekedi est bouclé depuis plusieurs semaines par la police congolaise. Le moins que l'on puisse dire, c'est que pro et anti-Tshisekedi n'ont pas été déçus pour le programme du "Sphinx de LImete".

Fidèle à son caractère, "intraitable", "irréductible" et "jusqu'au boutiste", nous avons assisté à du Tshisekedi "pur jus"… toujours entre le génial et le pathétique. Dans son discours, Tshisekedi persiste et signe. Le leader de l'opposition s'estime toujours le "président élu" de la dernière présidentielle et compte se rendre prochainement au Palais de la Nation afin de former son propre gouvernement. Le "président" Tshisekedi a également décidé "d'annuler les élections législatives", dont on attend toujours les résultats. Le patron de l'UDPS a annoncé  l'organisation d'un nouveau recensement de la population (dès le mois de février) et la tenue de nouvelles élections législatives et locales rapidement. Quant à une future participation à une quelconque table ronde avec le président Kabila ? Il n'en est pas question.

Une fois son programme annoncé… que peut-il se passer ? Rien sans doute. Quelques jours après les résultats de la présidentielle, Etienne Tshisekedi avait déjà appelé l'armée et la machine étatique de lui faire allégeance… dans l'indifférence générale. Il avait ensuite appelé la rue à le soutenir… sans plus de résultat. Autant dire qu'avec ses annonces de vendredi, Tshisekedi semble abattre ses dernières cartes.

Dans son propre camp, on hésite entre deux sentiments. La tendance "optimiste" estime qu'il faut aller au bout et qu'il se passera bien "quelque chose". Une autre tendance considère que "c'est mort"… et pense déjà à 2016, date des prochaines élections.

Christophe RIGAUD

Photo : E. Tshisekedi à Bruxelles en 2011 (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

19 janvier 2012

RDC : L'opposition manifeste à Paris le 21 janvier

Dans un climat de crise post-électorale en République démocratique du Congo (RDC), l'opposition congolaise se re-mobilise à Paris.  Une manifestation aura lieu samedi 21 janvier pour dénoncer le "hold-up" électoral" du président Kabila et soutenir l'opposant Etienne Tshisekedi.

manifIMG_1014.jpgAprès la réélection contestée de Joseph Kabila, la crise politique continue d'agiter  la diaspora congolaise, réputée plutôt proche de l'opposition. Cette manifestation entend dénoncer les résultats de la présidentielle et soutenir le candidat d'opposition, arrivé en seconde position, Etienne Tshisekedi. Le leader de l'UDPS, qui a rejeté la réélection de Joseph Kabila, s'est "autoproclamé" "président" quelques jours après la prestation de serment du président sortant. Depuis, la RDC s'est enfoncée dans une crise politique profonde et attend les résultats des élections législatives, entachées des mêmes irrégularités que la présidentielle.

ManifIMG_0984.jpgDans ce contexte de fortes tensions, la diaspora s'est toujours fortement mobilisée. Dès février 2011, les premières manifestations "Kabila dégage" (en référence à la révolution tunisienne) sont organisées sur Paris, avant d'être reprises à Bruxelles, Londres ou Washington. Le phénomène "combattants" est né. Plusieurs groupes organisent alors des actions spectaculaires et souvent violents. Profondément "anti-Kabila" et "anti-rwandais", ces groupes ont ensuite empêché plusieurs artistes congolais de se produire en concert à Paris, comme la star Werrasson ou Papa Wemba. Les "combattants" reprochent à ces chanteurs de "rouler" pour Kabila et de faire de la propagande pour le candidat-président (à l'époque en campagne pour sa réélection). Gare du nord, les "combattants" ont ensuite perturbé l'arrivée en Thalys d'Olive Lembe Kabila, la femme du chef de l'Etat. En juin 2010, toujours gare du nord, les "combattants" ont agressé violemment le général Didier Etumba, à l'époque chef d'Etat-major de l'armée congolaise, en visite à Paris pour assister au concert "la nuit africaine". Derniers faits d'armes : l'incendie de l'ambassade de RDC à Paris en septembre 2011 et l'occupation de la même ambassade en décembre dernier. Puis le 31 décembre, les "combattants" s'en prennent au président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. L'homme politique de 76 ans restera 5 jours à l'hôpital à Paris.

Samedi 21 janvier 2012, la diaspora congolaise manifestera de nouveau à Paris. Organisée par le RCK (Résistants Combattants Kongolais), cette marche débutera à 13h30, métro Sèvres-Lecourbe à destination du parvis des Droits de l'Homme au Trocadéro. Cette marche s'intitule : "”LES PREMIERS PAS DE NOS ENFANTS POUR LE CONGO”. Objectif annoncé par les organisateurs :
- "honorer"  Patrice Lumumba  dont le combat est "d'actualité,
- soutenir le "Président élu", Etienne Tshisekedi  et dénoncer le "hold-up" électoral de Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD

Photos : Paris 2011 (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

18 janvier 2012

RDC : Kabila s'offre l'Assemblée nationale

Dans un parfum de fraude et avec la plus grande confusion, la Commission électorale de République démocratique du Congo (RDC) s'apprête à annoncer les résultats des élections législatives. Sans surprise, la majorité présidentielle devrait disposer d'une nette avance à l'Assemblée. Le scrutin est très contesté par l'opposition et les nombreuses missions électorales présentent dénoncent des "tricheries inacceptables". La Communauté internationale s'est contentée "d'observer".

Capture d’écran 2012-01-18 à 22.16.19.pngUne crise post-électorale en chasse une autre. Après une présidentielle chaotique, voici les législatives, qui s'annoncent avec leurs lots de contestions et de "tricheries". Il faut dire que les deux élections ayant eu lieu le même jour (le 28 novembre 2011), on retrouve la même organisation anarchique et les mêmes fraudes : bourrages d'urnes, bureaux de vote fantômes, procès-verbaux perdus, "tripatouillages" de listes, bulletins de vote égarés…

La communauté internationale, témoin du fiasco électorale congolais, a publié de nombreux rapports pour dénoncer les "irrégularités du scrutin". Le Centre Carter, l'Union européenne ou l'Eglise catholique congolaise ont tous reconnu le manque de crédibilité des élections. Mais à part l'Eglise catholique, personne n'a osé franchir le rubicon en demandant l'annulation du scrutin. Un groupe d'experts américains a fini par être imposé à la Commission électorale (CENI) pour fournir "une aide technique" sur les résultats des législatives. L'objectif était de "sauver les meubles" en espérant que les élections à la députation aient été moins "irrégulières" que l'élection présidentielle. Manque de chance… la situation est pire, selon les observateurs étrangers. En quelques jours, les experts américains ont plié bagages et quitté Kinshasa… sans un mot d'explication.

Car, si Joseph Kabila a tout fait pour assurer sa réélection (notamment en faisant passer le scrutin de deux à un seul tour), il fait désormais tout pour garder le parlement et s'assurer un gouvernement issu de sa majorité. Selon les résultats partiels publiés par la CENI (que l'opposition accuse d'être pro-Kabila), la majorité présidentielle s'offre une belle avance. Le blogueur Jason Stearns, dans son excellent Congo Siasa, a rapidement comptabilisé le rapport des forces en présence : la majorité présidentielle pourrait compter sur 114 sièges (PPRD et alliés), alors que l'opposition (UDPS, UNC, UFC) n'aurait que 46 sièges (ces résultats sont partiels… il y a 500 sièges à pourvoir).

A Afrikarabia, comme beaucoup d'observateurs, nous pensions que les législatives auraient pu rééquilibrer le rapport de force "majorité-opposition"… donner un poids supplémentaire à l'opposition au parlement… jusqu'à peut-être la création d'un gouvernement de coalition… Erreur, nous nous sommes trompés. Joseph Kabila s'est assuré "le grand chlem" : présidence+parlement dans des conditions contestables, sous le regard indifférent de la communauté internationale.

Christophe RIGAUD

Photo : site internet "Kabila 2011"

16 janvier 2012

RDC : Faut-il annuler les législatives ?

Les critiques fusent autour des résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC). Après l'Eglise catholique, c'est au tour de la mission nationale d'observation électorale de dénoncer les nombreuses irrégularités du scrutin et de demander son annulation. Comme lors de l'élection présidentielle, la mission relève plusieurs cas de "fraudes et de tricheries".

IMG_7421.JPGAprès une élection présidentielle contestée, les législatives en République démocratique du Congo (RDC) subissent un impressionnant flot de critiques. Jeudi, l'Eglise catholique avait déjà qualifié la compilation des résultats des législatives "d'inacceptable". Aujourd'hui, c'est au tour de la mission nationale d'observation électorale de dénoncer les irrégularités du scrutin. Et la liste est impressionnante : documents "incomplets ou raturés", bulletins de vote "perdus", transports de résultats laissés sans supervision, écarts de données entre les différents d'un document à l'autre, plusieurs cas bourrages d'urnes…

Sur le site de la BBC, Léonie Kandolo, responsable de la mission qui regroupe quatre ONG, explique qu'au "regard des irrégularités constatées, l'éloignement des observateurs et des témoins des opérations de compilation des résultats des élections législatives procède d'une volonté délibérée de fraude et de tricherie". Elle explique également que la mission "a du renoncer à publier les résultats de façon indépendante", "ce qui la pousse à remettre en cause l'ensemble du processus".

Comme pour la présidentielle, fortement contestée par l'opposition, le scrutin législatif s'est déroulé de manière chaotique, voir anarchique. Les deux élections ayant lieu le même jour, les observateurs estiment que ces scrutins sont entachés des mêmes soupçons de fraude massive. Joseph Kabila a pourtant été donné gagnant par la Commission électorale (CENI). L'opposant Etienne Tshisekedi qui est arrivé en seconde position dans une élection à un seul tour, s'est autoproclamé "président élu" après avoir rejeté les résultats et dénoncé de nombreuses irrégularités, constatées par plusieurs missions d'observation, comme le Centre Carter, l'Union européenne ou l'Eglise catholique congolaise.

Les premiers chiffres provisoires donne une nette avance à la majorité présidentielle du président Kabila, ce que conteste l'opposition… Une situation qui risque de plonger la RDC dans une crise politique et institutionnelle profonde. La mission, qui a déployé plus de 2.700 observateurs uniquement pour l'observation de la compilation des résultats, recommande "un dialogue politique pour résoudre la crise de légitimité des résultats des scrutins présidentiel et législatif".

La CENI a retardé l'annonce des résultats de deux semaines. Des résultats attendus le 26 janvier 2012.

Christophe RIGAUD

Photo © Droits Réservés - Centre de compilation au Katanga (déc 2011)

14 janvier 2012

RDC : Les experts américains jettent l'éponge ?

La mission d'experts internationaux chargée d'apporter une aide technique à la Commission électorale (CENI) de République démocratique du Congo (RDC) a-t-elle quitté le pays ? C'est ce qu'affirme le site Congo Forum depuis ce matin. Ces experts électoraux auraient arrêté leur mission "faute d'avoir accès aux données". Pour l'instant, cette information n'est pas confirmée par Kinshasa.

Capture d’écran 2012-01-14 à 20.36.53.pngDans un très court article, le site internet Congo Forum affirme "de source généralement bien informée" que "les experts US en affaires électorales des organisations NDI et IFES ont arrêté leur mission et quitté la République Démocratique du Congo". Pour Congo Forum, les experts "n'ont pas eu accès aux données, qui en sont plus disponibles" et ont donc décidé "qu'ils n’avaient plus de raisons de rester". Ils auraient quitté la RDC le 13 janvier 2012. Cette information n'a pas été confirmée par les autorités congolaises.

Depuis le 5 janvier, un petit groupe d'experts électoraux internationaux de deux ONG américaines(NDI et IFES) sont en RDC pour tenter d'apporter une aide technique à la CENI. Une "aide" qui intervenait après les nombreuses critiques sur le manque de transparence et de crédibilité du processus de compilation des résultats dans de nombreuses circonscriptions du pays. L'opposition congolaise accuse en effet le président Joseph Kabila de fraudes massives.

Prévue le vendredi 13 janvier, l'annonce des résultats des élections législatives congolaises a été reportée de 7 jours pour l'ensemble des 165 circonscriptions des provinces congolaises et de 14 jours pour la ville de Kinshasa.

MISE A JOUR : Lundi 16 janvier, on nous confirme que les experts de NDI ont en effet quitté Kinshasa. Par contre, ceux de IFES continuent leur travail auprès de la CENI.

Christophe RIGAUD

12 janvier 2012

RDC : L'église catholique conteste les élections

Un mois après la réélection contestée de Joseph Kabila, l'église catholique entre dans le débat post-électoral en fustigeant l'action de la Commission électorale congolaise (CENI). L'église catholique, qui avait déployé 30.000 observateurs pendant le scrutin, demande à la CENI de  "de corriger impérativement les graves erreurs" ou de "démissionner".

filtre DSC02299.jpgLes irrégularités et les soupçons de fraudes massives des élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RDC) continuent de faire débat. Après les rapports des missions d'observation électorales du Centre Carter ou de l'Union européenne (tous très critiques sur la crédibilité du scrutin), c'est au tour de l'église catholique de donner son avis sur le déroulement des élections. Et le constat est sévère.

Dans son rapport, la Conférence épiscopale nationale (CENCO) estime que la Commission électorale (CENI), "doit avoir le courage de se remettre en question et de corriger impérativement les graves erreurs qui ont entamé la confiance de la population en cette institution… sinon de démissionner". Un message on ne peut plus clair. La CENCO note que "le processus électoral s'est déroulé dans un climat chaotique" avec de nombreuses "défaillances" et "des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées", ainsi qu'un "climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes". L'église catholique note également que "la compilation des résultats des élections législatives est inacceptable"… "une honte pour notre pays".

Le rapport de l'église catholique congolaise sur ces élections controversées était très attendu, pour deux raisons. Tout d'abord, par le poids de l'église catholique qui représente entre 60 et 70% de la population congolaise… une influence très forte. Deuxième raison : le nombre important de ces observateurs le jour du scrutin. L'église catholique avait en effet dépêché plus de 30.000 observateurs dans les 64.000 bureaux de vote de RDC. Il s'agit de la mission la plus importante et la plus présente sur le terrain… ce qui lui donne une certaine valeur.

Réputé proche de l'opposition, le cardinal Laurent Monsengwo avait déjà fustigé le bilan de la CENI en déclarant  que "les résultats de l’élection présidentielle en RDC ne sont conformes ni à la vérité ni à la justice". Le rapport de la Conférence épiscopale nationale ne vient confirmer cette déclaration.

Le candidat malheureux et opposant au président Kabila,  Etienne Thsisekedi, qui s'est autoproclamé "président élu de la RDC", compte sur une mobilisation populaire pour faire plier Joseph Kabila. L'église catholique vient, par ce rapport, de lui apporter un soutien implicite. Pas sûr que seulement soit suffisant à faire descendre les Congolais dans la rue.

Pendant ce temps, la CENI a annoncé un rapport de l'annonce des résultats des législatives, prévu le 13 janvier. Les résultats seront donnés "aux comptes gouttes", dans une semaine "environ".

Christophe RIGAUD

Pour lire l'intégralité du rapport de la CENCO, cliquez ici.

Photo (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

08 janvier 2012

RDC : Les rébellions se réactivent à l'Est

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) entre dans une période d'incertitude après des élections contestées, de nombreux groupes rebelles multiplient les attaques. Depuis début janvier, au moins 56 personnes sont mortes lors d'affrontements entre miliciens FDLR ou Maï-Maï et militaires de l'armée congolaise (FARDC) au Sud et au Nord-Kivu. Revue d'effectif des principales rébellions.

soldat.jpgDepuis plus de 15 ans, l'Est de la RDC est victime d'une dizaine de groupes rebelles qui terrorisent les populations civiles et affrontent l'armée régulière. Ces groupes armés étaient restés relativement calmes pendant le long processus électoral congolais de la fin 2011. Mais sitôt, les élections terminées (on attend tout de même les résultats des législatives le 13 janvier), les attaques reprennent.

Les FDLR... encore et toujours

Depuis le début de l'année, au moins 45 personnes ont été tuées au cours de deux attaques de rebelles FDLR, une milice hutue rwandaise. Des attaques d'une violence extrême. A Ngolombe, au Sud-Kivu, le chef du village a été décapité, une femme enceinte éventrée et une partie de la population a été emmenée de force dans la forêt par les assaillants. Les autorités sont toujours sans nouvelles de ces civils. Les rebelles FDLR sont, à l'origine, des miliciens accusés d'avoir participé au au génocide de 1994 au Rwanda. Ils se sont réfugiés depuis en RDC, où ils violent, pillent et assassinent les populations civiles. L'armée régulière congolaise (FARDC), sous-payée et indisciplinée reste impuissante et toutes les négociations avec ces rebelles et Kinshasa ont pour l'instant échoué.

Les groupes Maï-Maï se multiplient

Quelques jours plus tard, ce sont des rebelles Maï-Maï, constitués d'anciens membres de l'armée congolaise, qui ont affronté l'armée régulière à la limite du Nord et du Sud -Kivu. Ces combats ont été l'occasion de découvrir une "nouvelle" milice Maï-Maï : les Maï-Maï "Guides", qui nouent le plus souvent des alliances avec les FDLR. Bilan : 10 morts et un déplacement massif des civils du village de Buniakangendo.

D'autres Maï-Maï, les Raïa Mutomboki se sont affrontés avec les Forces armées congolaises à Vitshumbi, dans le parc national des Virunga au Nord-Kivu. Bilan : 1 morts et 4 miliciens capturés.

Gédéon terrorise le Nord-Katanga

Le Katanga, au Sud-Est de la République démocratique du Congo (RDC), n'est pas en reste avec le retour des milices de Kyunga Mutanga, alias Gédéon. Ce seigneur de guerre a été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s'est évadé en septembre dernier de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l'enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga. "La région est en train de sombrer dans la violence, la psychose et la peur. Il y en a beaucoup qui se cachent en brousse", indique Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga. Résultat : plus de 12.000 habitants ont fui les combats et vivent "dans le plus grand dénuement à Mitwaba", toujours selon Monseigneur Muteba. Depuis l'évasion de Gédéon, le Haut-Katanga vit aux rythmes des affrontements entre l'armée congolaise et le groupe de Gédéon, allié à des Maï-Maï de la région.

Le CNDP toujours derrière Kabila ?

Un ancien groupe rebelle est également sous haute-surveillance : le CNDP. En 2008, ces rebelles tutsis avaient fait vaciller le pouvoir central de Kinshasa. Depuis l'arrestation de Laurent Nkunda par le Rwanda, en janvier 2009, les rebelles tutsis du CNDP ont fait allégeance à Joseph Kabila. Derrière leur nouveau chef, Bosco Ntaganda, les soldats du CNDP se tiennent pour l'instant à l'écart des principaux affrontements à l'Est du pays. Le CNDP contrôle toujours certains territoires du Nord-Kivu et administre des villages en toute impunité. Après l'annonce de la réélection très contestée de Joseph Kabila, le CNDP s'est retrouvé très divisé entre "pro-Kabila" et "pro-Tshisekedi" (l'opposant arrivé en seconde position à la présidentielle). Au cas où les choses tourneraient mal, le président Kabila a préféré prendre les devants, en rassurant les rebelles tutsis avec quelques nominations de dernières minutes au sein des FARDC et des soldes en conséquence. Dans le contexte actuel, où l'opposition conteste sa réélection, Joseph Kabila n'a pas intérêt à laisser le mécontentement s'installer au sein du CNDP. Pourra-t-il tenir le CNDP encore longtemps ? C'est un des paramètres clés de la sécurité dans les Kivu.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa 2006 © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

03 janvier 2012

2012 : Où va la RDC ?

En Afrique, les lendemains d'élections sont particulièrement redoutés. La République démocratique du Congo (RDC) n'échappe pas à la règle. L'année 2011 a été marquée par des élections entachées de nombreuses irrégularités, de suspicions de fraudes massives et de violences. L'opposant Etienne Tshisekedi conteste la réélection de Joseph Kabila et s'est auto-proclamé "président élu", plongeant le pays dans une crise politique profonde. L'incertitude plane donc sur l'année 2012. Nous avons demandé à Alphonse Maindo (1), professeur en sciences politiques à l'université de Kisangani, de nous éclairer sur l'année à venir.

Capture d’écran 2012-01-02 à 22.30.39.png- Afrikarabia :  Après des élections de novembre 2011 sous pression, les nombreux observateurs internationaux présents mettent en doute la crédibilité du scrutin et dénoncent le chaos logistique et les forts soupçons de fraude. Comment se présente l'année 2012 ?

- Alphonse Maindo : Cette année sera très difficile. Le président sort affaibli de ce scrutin. On est là aux antipodes de ce que devrait représenter une élection. Dans la conception moderne des élections : il s'agit d'une processus de légitimation des dirigeants politiques. Là, c'est tout le contraire : la personne élue est plus faible après le vote, qu'avant. Gouverner ne va donc pas être facile. Et Joseph Kabila ne pourra pas continuer de gouverner à coup de répression et à coup de matraque… on ne peut plus gouverner comme cela.

- Afrikarabia : Comment Joseph Kabila peut-il se sortir de cette situation ?

- Alphonse Maindo : Si le président Kabila veut acquérir une certaine légitimité et une certaine autorité, il sera obligé de composer avec l'opposition. Il n'a pas d'autre choix. Mais attention, il ne faudra pas faire dans demi-mesure. Il ne suffira pas de débaucher quelques membres de l'opposition comme sous Mobutu. Cela ne donnera pas de résultats. Pour moi, il faudrait que le prochain premier ministre soit issu de l'UDPS pour donner plus de poids et de légitimité au futur gouvernement pour les 5 années à venir.

- Afrikarabia : Comment l'UDPS peut-elle composer avec la majorité présidentielle et comment Tshisekedi pourrait devenir le Premier ministre d'un président dont il conteste l'élection ?

- Alphonse Maindo : Je pense en effet que cela sera très difficile. Mais je crois qu'Etienne Tshisekedi est assez intelligent et patriote pour pouvoir accepter de faire quelques concessions, obtenir la paix sociale et ne pas faire retomber la RDC dans le chaos et l'anarchie. Mais attention, cela dépendra aussi de la volonté de la Majorité présidentielle. Il ne faut pas oublier que dans le camp présidentiel, il y a des personnes radicales, qui ne veulent pas entendre parler de négociations ou de gouvernement d'union nationale. Ils prétendent tous avoir gagner les élections et ne veulent rien négocier.  Mais on n'a pas d'autre choix. Il faut bien voir qu'à l'heure actuelle on ne peut plus savoir qui a vraiment gagné ces élections. Des bulletins de vote et des procès-verbaux ont été perdus, détruits ou falsifiés… le recomptage des voix est aujourd'hui impossible.

- Afrikarabia : Que peut faire l'opposition dans la situation actuelle ?

- Alphonse Maindo : Si l'UDPS veut jouer un rôle important sur la scène politique congolaise, elle doit changer de stratégie. Pour l'instant la stratégie d'Etienne Tshisekedi n'a pas donné de résultats. L'opposition ne doit plus faire dans le discours, mais doit montrer sa capacité à mobiliser la rue. Si Tshisekedi se contente juste de s'auto-proclamer président et de constituer son gouvernement, on sait ce que cela à donner sous Mobutu. Ce qu'il doit faire, avec ses amis, c'est mobiliser la rue congolaise pour rendre le pays difficile à gouverner… la politique c'est un rapport de force ! Il faut donc obliger Kabila à négocier pour faire une gestion partagée et consensuelle du pouvoir jusqu'en 2016. Il me paraît est impossible d'organiser de nouvelles élections crédibles et acceptées par tous d'ici cette date. Il faut donc trouver une solution intermédiaire. Il faut également que l'opposition s'appuie sur la diaspora. La diaspora doit faire pression. Au niveau des capitales occidentales, cette diaspora peut mobiliser et faire bouger les gouvernements occidentaux. 

- Afrikarabia : L'année 2012 verra la tenue d'autres élections, notamment provinciales. Comment voyez-vous ce long électorale qui prendra fin en 2013 ?

- Alphonse Maindo : Si la CENI (la Commission électorale -ndlr-) ne change pas de méthode de travail et ne prend pas le courage de se remettre en cause pour mieux gérer le processus électoral, ces élections locales, provinciales et sénatoriales, risquent d'exacerber les tensions. On sait que la République démocratique du Congo est encore très fragile. Beaucoup d'armes circulent dans ce pays et il y a encore de nombreux groupes armés incontrôlés. Il y a de forts risques pour que l'on replonge dans le chaos et la guerre. Il faut à tout prix que nos dirigeants et nos élites politiques prennent conscience de ce risque. Il faut qu'il y ait un vrai sursaut national, sinon nous irons de crise en crise.

- Afrikarabia :  D'autres risques menacent la RDC en 2012 ?

- Alphonse Maindo : Après la crise politique, la crise sociale et économique menace. Jusqu'à présent, si on regarde les indicateurs macro-économiques, le taux d'inflation reste "gérable", la monnaie ne s'est pas encore beaucoup dépréciée par rapport au dollar (1$ pour environ 900 francs congolais). Mais on est face à une situation très difficile pour le Congo. Ses principaux partenaires : les pays occidentaux, le FMI, la Banque mondiale, l'Union européenne, commencent à exprimer des doutes par rapport à la crédibilité de ces élections et à prendre leur distance. On peut craindre que le futur gouvernement congolais soit privé de moyens financiers. Il ne faut pas oublier que la RDC dépend pour moitié de ses ressources, des aides internationales. Si ces aides sont coupées, le nouveau gouvernement de Joseph Kabila va avoir beaucoup de mal à fonctionner dans les prochains mois.

- Afrikarabia : Et les Congolais dans tout ça ?

- Alphonse Maindo :  Les Congolais sont les plus grands perdants de ces élections. Ils se sont déplacés en masse pour voter et visiblement leurs voix n'ont pas été entendues. Certains s'interrogent même de savoir si cela vaut encore la peine d'aller aux urnes. La démocratie en a pris un sérieux coup avec ces élections... même si je sais que le Congo n'est toujours pas démocratique. L'échec de ces élections va laisser des traces chez les Congolais.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

(1) Alphonse Maindo est l'auteur de "Des conflits locaux à la guerre régionale en Afrique centrale", Paris, L'Harmattan, 2007.

Photo : Alphonse Maindo à Paris en octobre 2011 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

01 janvier 2012

AFRIKARABIA vous souhaite une bonne année 2012

Nous profitons de cette occasion pour vous souhaiter une excellente année et vous remercier de votre fidélité. 2011 a été une année riche en événements en République démocratique du Congo (RDC) et l'intérêt pour les élections de novembre ont fortement accru notre audience. Le site afrikarabia.com, présent également sur la plateforme du magazine Courrier International a enregistré un peu plus de 2 millions de pages vues pendant l'année 2011. Une fréquentation qui nous encourage à faire plus et mieux pour vous informer. Encore merci d'être aussi nombreux à nous lire chaque jour. Espérant que cette nouvelle année puisse voir s'améliorer le quotidien des Congolais… ils le méritent tous.

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RDC : RFI punie par Kinshasa

Les mauvaises habitudes ont la vie dure en République démocratique du Congo (RDC). Les autorités congolaises ont décidé de couper le signal de Radio France Internationale (RFI) en RDC jusqu'au mardi 3 janvier 2012. En cause, le traitement des dernières élections très contestées et un article présentant les "deux discours de nouvel an" des "deux leaders" congolais. Pour le pouvoir en place à Kinshasa, il y a visiblement un leader de trop dans l'article. Rappelons qu'en 2009, RFI avait déjà été forcée de couper ses émetteurs pendant 9 mois, accusée de "démoraliser les forces armées congolaises".

Capture d’écran 2012-01-01 à 23.00.38.pngUn mois seulement après des élections contestées, le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) décide de couper le signal de RFI sur l'ensemble du territoire. Les autorités souhaitent ainsi "protester contre une couverture jugée partiale de la situation post-électorale en RDC par RFI". Pour le ministre congolais de l'information, "il y a comme une volonté délibérée de créer une situation confuse qui peut nous entraîner dans des affrontements entre Congolais, et ça nous n’apprécions pas". En lisant entre les lignes… et en allant sur le site de la radio mondiale, un article est peut-être à l'origine du coup de sang de Kinshasa. L'article s'intitule "deux discours de nouvel an, deux leaders". Le journaliste relate la présentation des voeux du président officiellement élu, Joseph Kabila, puis ceux de l'opposant Etienne Tshisekedi, auto-proclamé "président élu" devant l'ampleur des irrégularités du scrutin. Et de conclure l'article ainsi : "deux discours, deux leaders : le bras de fer politique est loin d’être réglé en RDC". Pour Kinshasa, il y a apparemment un leader de trop dans le papier de notre confrère… et on devine lequel. Résultat : plus de son sur les fréquences de RFI au Congo.

Les autorités congolaises sont coutumières du fait dans ce pays. En juillet 2009, la diffusion de "la radio mondiale" avait déjà été interrompue. Les autorités congolaises accusaient RFI de développer une campagne systématique de "démoralisation des forces armées de la RDC (FARDC)". Il a fallu attendre 9 mois… et l'expulsion de la correspondante de la radio, Ghislaine Dupont, avant la reprise des émissions. Espérons que cette fois-ci le signal sera bien rétabli mardi prochain… la RDC et les Congolais ont tous besoin des informations de RFI dans cette période très incertaine.

Christophe RIGAUD

RDC : Kengo victime des "combattants" à Paris

Il ne fait pas bon transiter par la gare du nord pour les hauts dignitaires de la République démocratique du Congo (RDC). Dernière victime en date, le président du sénat, Léon Kengo wa Dondo, agressé samedi 31 décembre à sa sortie du train en provenance de Bruxelles. Les agresseurs portent un nom : "les patriotes-résistants-combattants", opposés au président Joseph Kabila. Depuis bientôt deux ans, ces Congolais mènent la vie dure aux personnalités proches du régime. Parmi leurs derniers faits d'armes : l'agression du général Didier Etumba gare du nord, l'interdiction des concerts de Werrasson et Papa Wemba ou encore l'incendie et l'occupation de l'ambassade de RDC à Paris.

Capture d’écran 2012-01-01 à 22.55.56.pngLa nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre sur la toile. Des sites congolais très engagés dans l'opposition, comme Réveil-FM, Afrique rédaction ou Congomikili, ont tout de suite relayé l'information : le président du sénat, Léon Kengo, deuxième personnage de l'Etat, a été agressé samedi 31 décembre à la gare du nord de Paris. En provenance de Bruxelles, le candidat à la présidentielle de novembre (4,45% des voix) a été pris à partie par un groupe de "patriotes-résistants-combattants"  alors qu’il tentait de monter dans sa voiture. L'agression a été particulièrement violent puisque, selon les autorités congolaises, le président du sénat "aurait eu des dents arrachées et a été piétiné et roulé à terre". Léon Kengo, 76 ans, a été conduit à l'hôpital Lariboisière.

Léon Kengo n'est pas la première victime des "combattants" congolais, très actifs à Paris, mais aussi Londres ou Bruxelles. Ces groupes, profondément anti-Kabila, ont été à l'origine de plusieurs manifestations "Kabila dégage" dans la capitale française. Ils ont ensuite empêché plusieurs artistes congolais de se produire en concert à Paris, comme la star Werrasson ou Papa Wemba. Les "combattants" reprochent à ces chanteurs de "rouler" pour Kabila et de faire de la propagande pour le candidat-président (à l'époque en campagne pour sa réélection). Gare du nord, les "combattants" ont ensuite perturbé l'arrivée en Thalys d'Olive Lembe Kabila, la femme du chef de l'Etat. En juin 2010, toujours gare du nord, les "combattants" ont agressé violemment le général Didier Etumba, à l'époque chef d'Etat-major de l'armée congolaise, en visite à Paris pour assister au concert "la nuit africaine". Derniers faits d'armes : l'incendie de l'ambassade de RDC à Paris en septembre 2011 et l'occupation de la même ambassade en décembre dernier.

La dernière cible, Léon Kengo, n'est pas le fruit du hasard. Après la réélection contestée de Joseph Kabila, la crise politique couve à Kinshasa. L'opposant Etienne Tshisekedi (en général très soutenu par les "combattants" de la diaspora) s'est auto-proclamé président du pays, s'estimant victime d'une fraude massive lors du vote. Léon Kengo, candidat à la présidentielle, s'affichait pourtant dans le camp de l'opposition (avec également Vital Kamerhe). Mais pour les "combattants", cet "opposant de la 25ième heure" ralliera Joseph Kabila au dernier moment. De nombreuses rumeurs donnent en effet le nom de Léon Kengo comme prochain Premier ministre de Joseph Kabila. Une manière pour le président réélu de faire "un geste" à moindre frais envers  l'opposition.

Les autorités congolaises ont bien sûr vivement réagi à l'agression de Léon Kengo. Kinshasa accuse même les partisans d'Etienne Tshisekedi d'être les auteurs de cette "attaque inacceptable". Le ministre des Affaires étrangères de RDC, Alexis Tambwe Mwamba a convoqué l'ambassadeur de France ce dimanche à Kinshasa. Paris affirme ne pas avoir été informée de la visite (privée) de Léon Kengo en France.

Christophe RIGAUD

Photo : manifestation à Paris, février 2011 (c) Ch. Rigaud www.afrikararabia.com