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03 juin 2013

RDC : Une agence d'information contre la "désinformation"

La presse est-elle partiale dans le conflit qui oppose les rebelles du M23 au gouvernement congolais dans l'Est de la RDC ? Oui, selon Michel Sitbon qui vient de créer à Paris l'"Agence d'information" (AI), une agence de presse destinée à lutter contre  "les fausses informations" qui circulent sur la guerre du Kivu.

Photo Michel Sibon 2.jpgDans le conflit des Kivus, "la presse ne remplie pas ses fonctions". C'est le sentiment de Michel Sitbon, éditeur et auteur, notamment, de "Rwanda, 6 avril 1994, un attentat français ?". "Les problèmes de cette région sont souvent complexes et parfois mal expliqués", explique-t-il. Avec le journaliste spécialisé Luigi Elongui, Michel Sitbon a donc décidé de créer une agence de presse pour lutter contre ce qu'il considère comme de la désinformation.

Au point de départ de cette initiative : la création par les Nations-unies d'une Brigade d'intervention spéciale, avec un mandat offensif, pour lutter contre les groupes armés en RDC. Une résolution "historique", selon Michel Sitbon, dont les médias internationaux n'ont visiblement pas mesuré les conséquences. "La résolution 2098 créée un précédent unique dans l'histoire : l'ONU instaure désormais une sorte de gouvernement mondial en pouvant intervenir militairement n'importe où dans le monde", dénonce-t-il. Autre anomalie pour Michel Sitbon : "seul le M23 est nommément cité dans la résolution, alors qu'il y a une quarantaine de groupes armés à l'Est du Congo".

Le M23 est-il maltraité par les média occidentaux ? C'est en creux la seconde question que semble poser Michel Sitbon. Il y répond également par l'affirmative. Selon lui, on assiste à la "technique de l'accusation en miroir". "A chaque accusation de viols attribuée à l'armée régulière congolaise (FARDC)", explique-t-il, "on accuse immédiatement le M23 des mêmes crimes... en en rajoutant même un peu plus !". Autre exemple : le bombardement du camp de réfugiés de Mugunga, le 21 mai dernier. Rapidement, une journaliste allemande, Simone Schlindswein du Tageszeitung, relaie les propos d'un casque bleu qui lui explique que le tirs viennent des positions du M23. L'information fait le tour du monde. Pour Michel Sitbon, il s'agit de désinformation pure : "le M23 n'avait d'abord aucune raison de bombarder ce camp et en plus, les positions des rebelles se trouvaient à 50 km du camp... hors de portée des canons du M23". "Le pire", dénonce Michel Sitbon, "c'est que cette information a été reprise et validée par la Monusco". Ecoutez ses explications :

La mission de l'"Agence d'information" (AI), le nom de cette nouvelle structure sera de vérifier les informations en provenance de l'Est de la RDC en faisant du fact checking. Mais aussi en produisant des dépêches à destination des journalistes spécialisés. Autre fonction de l'Agence : reprendre les nombreux rapports internationaux (ONG, ONU... ) sur la région et y dénoncer "les informations mensongères". L'Agence sera basée à Paris, avec un correspondant dans la région des Grands Lacs à la mi-juillet (date de l'entrée en fonction opérationnelle de la Brigade) et un autre à New-York auprès des Nations-unies.

On l'aura compris, l'"Agence d'information" affiche clairement ses positions : contre l'intervention de la Brigade de l'ONU, contre la désignation du seul M23 et du Rwanda comme responsables de la guerre aux Kivus. Luigi Elongui assume pleinement l'engagement de l'Agence. "On n'y échappera pas, mais nous ferons un travail sérieux et professionnel", conclut-il. Nous suivrons avec attention les premiers pas de cette agence, espérant que cette structure ne tombe pas dans la dénonciation systématique et partisane, qui domine allègrement sur internet dans le conflit dans les Kivus et ne rajoute pas de la désinformation à la désinformation... ce serait un comble.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

MISE AU POINT : Après la publication de cet article nous avons reçu plusieurs précisions concernant le bombardement du camp de Mugunga. Tout d'abord venant de la journaliste Mélanie Gouby qui travaille depuis longtemps à Goma pour Reuters, AFP, AP ou Le Figaro. Mélanie Gouby note que les positions du M23 ne se trouvaient pas à 50 km du camp comme l'affirme Michel Sitbon, mais "à moins de 15 km" et donc "parfaitement atteignables avec le genre d'armes que possèdent les rebelles". Et de préciser : "Ndosho et Mugunga se trouvent juste derrière les positions des FARDC. Bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé". La journaliste affirme ensuite avoir vérifié l'information auprès du M23. Avant de conclure que "l'information ne se vérifie pas de Paris, mais sur place". Un autre internaute travaillant dans les camps de déplacés de Goma, nous a également fait part de ses doutes sur la version de Michel Sitbon. Selon lui, "les positions du M23 se trouvent à Kibati et Buvira", soit à 10 km des camps. Ce témoin confirme que "le M23 a répondu aux tirs des FARDC qui tiraient de derriere les camps vers la ligne de front". Dont acte.

Michel Sitbon nous a également adressé ce commentaire. Voici son texte : "Je découvre ces commentaires et dois d'abord m'excuser auprès des correspondantes sur place, Mélanie Gouby qui aura pris la peine de s'adresser à moi par l'entremise de ce site, et Simone Schlindwein, à qui j'avais pu faire allusion sans la nommer, puisqu'elle était, ainsi que c'est confirmé là, avec Mélanie Gouby donc, à la source de cette information diffusée mondialement suivant laquelle le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».

Rappelons que cette information s'est inscrite dans une séquence de temps où l'information précédente était qu’après six mois de trêve, les forces génocidaires (FDLR) et l'armée congolaise (FARDC) se confrontaient au M23, dans une bataille qui aura duré trois jours. Le fait que le M23, principale cible désignée de l’opération onusienne qui s’engage, soit attaqué, pour commencer, par un adversaire aussi clairement identifié comme criminel que les FDLR aurait mérité d’être relevé.

L’appui massif de l’armée « loyaliste » congolaise, dont ces FDLR bénéficient, pose également problème. On sait aussi que nombre de ces génocidaires se sont incorporés depuis longtemps dans les FARDC qui se trouvaient là, naturellement pourrait-on dire, en soutien des FDLR, leur parti. Or, ces FARDC bénéficient aussi du soutien de l’ONU, et la nouvelle brigade d’intervention entend bien agir en appui des FARDC, l’armée officielle de l’Etat congolais.

C’est au milieu de cette bataille, alors que ces divers sujets de préoccupation étaient escamotés, qu’on apprendra que le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».

Cette information ne pouvait que surprendre tant ce n’est certainement pas l’objet du M23 que de bombarder des camps de réfugiés, une population, pour l’essentiel rwandophone, dont il se sent plutôt solidaire. Remercions Mélanie Gouby de reconnaître elle-même ici que « bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé ».

Simone Schlindwein aussi confirme dans un tweet que si ces tirs provenaient du M23 cela serait « accidentellement » qu'ils auraient atteint les camps de réfugiés faisant un mort et seize blessés. Elle précise que le caractère accidentel de tels tirs est confirmé par l'ONU.

Entretemps était diffusée l'information suivant laquelle ces tirs ne pouvaient être attribués au M23, son artillerie se trouvant à 50km de là, et n'aurait d'aucune façon pu atteindre Goma ou le camp de réfugiés de Mugunga. Mélanie Gouby objecte ici que rien n’interdit que de tels tirs soient partis des lignes avancées du M23 à « moins de quinze kilomètres » de Goma.

On sait toutefois que l'hypothèse a été avancée que de tels tirs  aient pu être effectués à partir d'hélicoptères des FARDC. En effet, tout le monde convient que cela ne correspondait pas à ce qu'on sait de l'action du M23, et que donc, même s'il en était à l'origine cela ne pourrait avoir été intentionnel. Les officiers de la Monusco qui imputent ces tirs au M23 confirment d'ailleurs que celui-ci ne visait pas les civils « délibérément ».

Sans être dans un salon, mais à distance en effet, on pourrait s'accorder sur le caractère crédible de cette assertion apparemment non partisane, puisqu’elle dédouane le M23 de toute intention criminelle. La question se pose néanmoins de savoir si la Monusco ne préfère pas attribuer ces tirs à une erreur du M23 – un tir intentionnel étant manifestement invraisemblable – plutôt qu'aux FARDC auxquelles elle est associée.

Nous n'avions évoqué cette question lors de la de présentation de notre agence d'information qu’en tant qu’exemple de comment l'information mondiale peut être biaisée dès lors qu'il est question du M23. Ainsi, nous aurons bien reçu le message que le M23 « bombardait les camps de réfugiés », répercuté par toutes les agences de presse et l'ensemble des médias qui l'auront repris. Or, tout le monde convient qu'au pire il se serait agi d'un « tir mal calculé », selon la formule de Mélanie Gouby.

A l'heure où l'ONU mobilise pour la première fois de son histoire une force militaire offensive dirigée explicitement contre ce M23, il serait bon que les informations le concernant gagnent en précision, et qu'on en finisse avec la propagande qui coule à robinet ouvert depuis des mois. On aimerait que les correspondants sur place, par exemple, ne diffusent pas des informations de façon systématiquement orientée, tendant à diaboliser le M23 au-delà de toute mesure.

Quant au rectificatif aussitôt publié par Christophe Rigaud d’Afrikarabia, il est à craindre qu’il ajoute à la confusion. D’une part, quoiqu’il en soit des faits, on ne peut que s’accorder à dénoncer l’affirmation reprise par l’ensemble des média, suivant laquelle le M23 « bombardait » aussi bien la ville de Goma qu’un camp de réfugiés, puisque toutes les sources de cette information admettent elles-mêmes que loin de l’action agressive que constitue un « bombardement », il se serait agi, selon elles, d’erreurs de tir.

Aussi superficielle qu’ait pu être notre intervention, elle était donc, en tout état de cause, largement fondée à critiquer un effet de diabolisation du M23, alors même que celui-ci était aux prises avec les forces génocidaires, un fait autrement plus signifiant qu’une « erreur de tir ».

De telles distorsions de l’information sont particulièrement pernicieuses au moment où se constitue une brigade offensive de l’ONU chargée d’intervenir sur le terrain a priori pour désarmer des « forces négatives ». Encore faudrait-il que celles-ci soient correctement identifiées.

Quant à l’affirmation de Mélanie Gouby selon laquelle le M23 aurait reconnu avoir commis ces tirs, on aimerait bien en connaître la source, car il se trouve qu’au contraire celui-ci l’a constamment démenti.

Cette polémique aura eu au moins la vertu de nous inciter à en savoir plus, et, de ce que l’on peut savoir des faits, il semblerait que nous ne nous soyons en fait pas tant égarés.

Selon nos sources sur le terrain, les troupes du M23 qui se sont battues à Mutaho et à Kibati contre les FARDC ne disposaient pas du genre de roquettes qui sont tombées à proximité du camp de Mugunga, qui se trouve à une douzaine de kilomètres du théâtre des affrontements. Ces armes se trouvaient dans le camp militaire du M23 de Rumangabo, situé, lui, à 50 kilomètres de Mugunga.

Les soldats du M23 qui ont été attaqués le 20 mai à Mutaho par les FDLR, puis par les FARDC, n'avaient aucune raison de se promener avec des armes de ce calibre en période de trêve de facto.

Par contre, les hélicoptères M25 des FARDC, qui ont essayé de contourner les positions du M23, se sont pour cela trouvés en face de Mugunga et auraient pu atteindre le camp.

Quant à Mélanie Gouby, si nous acceptons volontiers sa recommandation de prudence, qu’elle nous permette de lui en suggérer autant. Unique correspondante de la presse parisienne sur place, elle n’est pas pour rien dans le flux d’informations déversées depuis des mois au sujet du M23. Ce travail sera parvenu à provoquer rien de moins que l’engagement d’un certain nombre de personnalités, en tête desquelles Jacques Chirac et Valérie Trierwieler, dans une pétition dont les énoncés à l’emporte-pièce n’honoraient certes pas ses signataires.

C’est d’ailleurs ce qui aura suscité notre engagement personnel dans ce dossier : que d’aussi éminentes figures puissent ainsi s’égarer à dire n’importe quoi nous aura semblé particulièrement alarmant.

On peut même relever que c’est dans le mouvement de cette pétition, qui se plaignait de l’inefficacité des forces onusiennes, qu’aura été prise la résolution 2098, décidant de la création d’une brigade offensive pour la première fois dans l’histoire de cette organisation internationale.

C’est précisément pour éviter qu’un tel engagement se fasse en dépit du bon sens que nous aurons constitué l’Agence d’information, du fait du déficit d’informations sérieuses sur ce conflit, tel que même les habitants de la région sont souvent aussi désorientés que peuvent l’être les personnalités pétitionnaires ou le Conseil de sécurité lui-même".

Photo : Michel Sitbon et Luigi Elongui à Paris le 31 mai 2013 © Ch. Rigaud

02 juin 2013

RDC : Une ONG demande l'arrestation d'un policier à Likasi

L'Association africaine de défense des droits de l'homme (ASADHO) appelle l'auditeur de la garnison de Likasi à arrêter un commandant de police du commissariat de Kikula (Katanga). L'ONG accuse ce policier de viol sur une étudiante en droit détenue dans son commissariat.

Afrikarabia logo V2.pngDans un communiqué, l'ASADHO affirme qu'une étudiante en droit de l'université de Lubumbashi, arrêtée et détenue dans un cachot du commissariat de Kikula, du 16 au 23 mai 2013, aurait été violée à plusieures reprises par le commandant Alain Basele.

L'ONG rapporte qu'après avoir porté plainte contre le commandant du commissariat, l'auditeur de la garnison a refusé d'ouvrir une instruction. L'ASADHO dénonce également l'attitude du maire de Likasi, qui se serait opposé à l'arrestation du commandant Basele "au motif que la victime aurait déposé sa plainte sous l’instigation d'une organisation de défense des droits de l’homme, alors qu’elle n’avait pas la volonté de le faire". L'ONG congolaise rappelle que de nombreux auteurs de violences sexuelles jouissent de "l'impunité des autorités politiques, judiciaires ou de la Police Nationale Congolaise". L'ASADHO souhaite que le commandant Basele soit rapidement entendu par l'auditeur de la garnison de Likasi et demande au maire de la ville de s'bstenir de toute "obstruction aux actions de la justice".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

MISE AU POINT : A la suite de cet article, le maire de Likasi nous a communiqué un démenti formel de toute "obstruction aux actions de la justice" et précise que le dossier du capitaine Basele est bien en cours d'instruction par le 1er Substitut de l'Auditeur, le Major Oscar Matonge. Le maire de Likasi précise également que "la porte de son bureau reste ouverte à toute personne cherchant à obtenir les informations exactes sur une situation prévalant au sein de la ville". L'intégralité du droit de réponse du miare de Likasi est accessible ici.

31 mai 2013

RDC : Le militaire peut-il tout résoudre dans les Kivus ?

D'ici la mi-juillet,une nouvelle Brigade spéciale d'intervention de l'ONU de 3.000 hommes aura pour mission de mettre fin à la guerre en RDC. Son mandat "offensif" réussira-t-il à "neutraliser et désarmer" les groupes armés ? Les militaires pourront-il ramener la paix dans les Kivus sans une approche politique du conflit ? Beaucoup en doute.

Image 1.pngL'ONU a décidé de frapper un grand coup à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Souvent accusées d'impuissance dans un conflit qui dure depuis plus de 15 ans, les Nations-unies ont décidé d'employer la manière forte et "d'imposer la paix" selon les propres termes de Ban Ki-moon, en visite à Goma, le 23 mai dernier. Les rebelles du M23 avait prévu un "comité d'accueil" sur mesure, en réactivant les hostilités avec l'armée régulière quelques jours auparavant. Bons princes, les rebelles ont accepté de cesser les combats durant la visite du secrétaire général de l'ONU, histoire de bien montrer à la communauté internationale qu'ils dominaient la situation militaire.

3.000 casques bleus "offensifs"

Le voyage de Ban Ki-moon à Goma laisse pourtant plus de questions que de réponses. Après 14 ans d'impuissance face aux multiples crises qui ont secoué la RDC et l'échec de la prise de Goma par les rebelles du M23 en novembre dernier, la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) cherche toujours la solution au conflit des Kivus. Avec l'arrivée de la Brigade d'intervention, prévue à la mi-juillet et composée de 3.000 casques bleus munis d'un mandat "offensif", Ban Ki-moon croit avoir trouvé une des clés du problème. L'objectif affiché est de palier à l'inefficacité de l'armée régulière (FARDC), qui n'est plus que l'ombre d'elle-même sur le terrain militaire. Avec ce nouveau mandat, le premier de ce type dans l'histoire de l'ONU, Ban Ki-moon espère donner un coup d'arrêt aux groupes rebelles : essentiellement le M23... et les FDLR. Mais il faut savoir que l'Est de la RDC est victime d'une vingtaine de groupes armés et qu'il sera difficile, sur un territoire aussi grand, de courir après tout le monde en même temps.

Doutes sur le caractère "guerrier" de la Brigade

La liste des difficultés que devra rencontrer la future Brigade ne s'arrête pas là. Outre le risque de dommages collatéraux sur les populations civiles, qui écornerait sévèrement l'image des casques bleus, la Brigade sera perçue désormais comme "partie prenante" du conflit par le M23, les FDLR et les groupes Maï-Maï. Autre problème : Quel niveau de risque feront prendre les pays contributeurs à leurs soldats ? On sait qu'en Tanzanie et même en Afrique du Sud, deux pays qui participent à la Brigade, la question continue de faire débat, ce qui expliquerait d'ailleurs la lenteur de sa mise en place. Pour Kris Berwouts, un analyste indépendant, spécialiste de l'Afrique centrale : "le M23 a joué remarquablement avec les opinions publiques tanzaniennes et sud-africaines" et il se demande "quelles seront les réactions à Dar Es Salaam et Prétoria quand les premiers corps des soldats reviendront des Kivus". Sur le site de Voice of America, le responsable d'International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique centrale, Thierry Vircoulon, ne croit pas au caractère "offensif" et "guerrier" de la Brigade. Pour preuve, le spécialiste d'ICG, note l'appel du président tanzanien au Rwanda, l'encourageant à négocier avec les FDLR. Une prise de position qui sème le doute, pour Thierry Vircoulon, sur la "détermination" de la Brigade à faire la guerre dans les Kivus. Kris Berwouts, pense d'ailleurs que "la stratégie du M23 sera dans un premier temps de faire rapidement des victimes dans les rangs de la Brigade", afin de décourager et démoraliser les opinions publiques des pays contributeurs.

Pas de militaire sans politique

La solution militaire sera-t-elle suffisante pour ramener la paix dans les Kivus ? Certainement pas. "L'action militaire peut créer un peu d'espace, un peu de souffle, pour laisser place à l'action politique, mais rien n'indique que l'on va dans cette direction", explique Kris Berwouts. Et de regretter que "l'action militaire ne soit pas soutenue par une démarche politique plus convaincante". En effet, si des avancées sur la bonne gouvernance, la restructuration de l'armée, l'indépendance des institutions, la volonté d'un dialogue national, sont fortement "recommandées" par l'ONU... rien n'est encore effectif. Le militaire sans solution politique risque donc de déboucher sur une impasse. Ce qui fait dire à Kris Berwouts que "l'espace ne restera pas vide très longtemps dans les Kivus. Si la Brigade réussie à affaiblir un groupe armé sur le terrain, un autre occupera rapidement l'espace laissé libre par le premier".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

30 mai 2013

RDC : Le film "Radio Congo" en quête de financements participatifs

Un projet de film documentaire sur l'arrivée d'un moteur à huile de palme dans une radio de brousse en République démocratique du Congo (RDC) est en cours de préparation. Porté par le réalisateur Philippe Ayme, "Radio Congo" recherche actuellement des soutiens, via un site de financement participatif.

Image 1.pngLa radio comme "vecteur de démocratie et de lien social", c'est ce que souhaite montrer le réalisateur Philippe Ayme dans son film documentaire "Radio Congo". En République démocratique du Congo, pays tourmenté par quinze années d'une guerre sans fin, la radio joue un rôle déterminant dans l'information des populations rurales, souvent enclavées.

Passionné par l'Afrique, Philippe Ayme souhaite suivre le quotidien de Radio Nsemo, une des nombreuses radios de brousse, installée à Idiofa dans la province du Bandundu. Philippe constate alors que, comme de très nombreuses radios, "cette station fonctionne grâce à un groupe électrogène". Problème : "avec le conflit au Nord-Kivu et la flambée du prix du pétrole, le prix du carburant ne cesse d’augmenter. Les responsables de la radio sont donc contraints de réduire le temps de fonctionnement du générateur", explique le réalisateur.

Mais depuis quelques années, une solution alternative existe. Dans une autre province congolaise, une radio a réussi à fonctionner grâce... à l'huile de palme. Moins coûteuse et directement récoltée à proximité du village, l'huile de palme permet de faire tourner le générateur électrique qui alimente la radio et l'émetteur. "Ce sont les habitants qui fournissent à tour de rôle l'huile nécessaire", note Philippe Ayme, "ce qui permet à la radio d'émettre 10 heures par jour, contre seulement 2 lorsque la station était alimentée en fioul". C'est cette expérience originale que souhaite filmer le réalisateur à Idiofa, avec l'arrivée d'un nouveau moteur à huile de palme pour Radio Nsemo.

Pour réaliser son film documentaire, "Radio Congo", Philippe Ayme a besoin d'un coup de pouce. Car si le projet est original, il est souvent difficile de trouver les diffuseurs pour ce type de film. Les chaînes de télévision sont en effet de plus en plus frileuses à s'engager sur des sujets à l'international dans un pays peu connu du grand public. Le réalisateur Philippe Ayme a donc eu l'idée de présenter son projet sur un site de financement participatif : kisskissbankbank.com. Le site permet aux particuliers de soutenir le film en échange d'avantages divers : projection, DVD, affiche du film... Philippe Ayme recherche 3.500 euros pour boucler son budget de repérage prévu cet été. Le projet "Radio Congo" est  soutenu par l'association Atelier Atlas Production et la société de production Adalios. Une structure de production congolaise, Matombi, semble égaleemnt  intéressée par le projet. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à vous rendre sur le site du projet  "Radio Congo". Nous, on le trouve passionnant.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

28 mai 2013

La RDC épinglée par Amnesty international

Dans son rapport 2013 sur la situation des droits de l'homme dans le monde, Amnesty international n'est pas tendre avec le régime de Kinshasa. Selon l'ONG,  "les groupes armés comme les forces de sécurité gouvernementales ont menacé, harcelé et arrêté arbitrairement des défenseurs des droits humains, des journalistes et des membres de l’opposition politique".

Image 1.pngLes rapports se suivent... et se ressemblent. Le nouveau rapport 2013 d'Amnesty international (1) sur la République démocratique du Congo observe que le retour du conflit entre les rebelles du M23 et le gouvernement à l'Est du pays a considérablement aggravé la situation des droits de l'homme dans le pays. "Exactions perpétrées par des groupes armés, violences faites aux femmes, enfants soldats, personnes déplacées, torture, procès inéquitables, arrestations et détentions arbitraires, liberté d’expression"... la liste dressée par Amnesty est impressionnante.

Rebelles et armée régulière accusés

Après la réélection contestée de Joseph Kabila en novembre 2011, la RDC a renoué avec ses anciens démons. En avril 2012, un nouveau mouvement rebelle, issu de l'ancienne rébellion du CNDP, a vu le jour, ramenant la guerre dans les Kivus. Le M23 a réussi à s'emparer de la  ville Goma pendant 11 jours, sans rencontrer de résistance de la part de l'armée régulière (FARDC), démotivée et sous-payée. Dans son rapport 2013, Amnesty note que "le redéploiement des soldats des FARDC pour combattre le M23 dans l’Est du pays a créé un vide en matière de sécurité dans d’autres régions". Car outre le M23, des dizaines d'autres groupes armés se sont "réveillés" et terrorisent les populations civiles : FDLR, Raï Mutomboki, FNL, APCLS, LRA, ADF/NALU, et de nombreux groupes d'autodéfense Maï-Maï... Amnesty note que ce sont les femmes et les jeunes filles qui paient "le terrible prix de l’intensification des hostilités". "Un grand nombre de femmes ont été victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles imputables aussi bien à des membres des FARDC qu’à des groupes armés" révèle l'ONG. Idem sur les enfants soldats. Amnesty explique que les enfants sont recrutés aussi bien par les groupes armés... que par l'armée régulière.

Le cas Ndongala

En dehors des zones de conflits, circonscrites essentiellement à l'Est du pays, Amnesty dresse un portrait peu flatteur de la situation des droits de l'homme en RDC. "La pratique de la torture, et plus généralement des mauvais traitements, est endémique dans tout le pays", relève l'ONG. La justice congolaise n'est pas épargnée par le rapport : "le manque d’indépendance des tribunaux, les violations des droits des accusés, l’absence d’aide juridique et la corruption figurent au nombre des obstacles à l’équité des procès". Amnesty note également que "les arrestations et détentions arbitraires demeurent généralisées dans tout le pays". Les opposants politiques sont les premières victimes de ces arrestations. Le rapport revient sur la "disparition" de l'opposant Eugène Diomi Ndongala le 27 juin 2012, alors qu’"il était en chemin pour aller signer une charte de coalition avec d’autres partis politiques". Amnesty rappelle qu'"il a été remis en liberté 100 jours plus tard, après avoir été détenu au secret par l’Agence nationale de renseignements (ANR), à Kinshasa. Il n’a pas été autorisé durant sa détention à recevoir la visite de ses proches ni à consulter un avocat ou un médecin, malgré les problèmes de santé chroniques dont il souffrait".

Liberté d'expression minimale

La liberté d’expression a également été sévèrement restreinte, "en particulier pendant la période qui a suivi les élections et alors que le M23 gagnait du terrain dans l’Est du pays", dénonce Amnesty. "Des stations de radio, des chaînes de télévision et des journaux ont été suspendus arbitrairement par les autorités. Des locaux d’organes de presse ont été la cible d’incendies volontaires, entre autres dégradations. On ignorait l’identité des auteurs de ces attaques".

Le gouvernement congolais affirme pourtant faire des efforts pour améliorer les droits de l'homme en RDC. Un ministère de la Justice et des Droits humains a d'ailleurs été récemment créé. Amnesty note qu'en février 2012, ce même ministère avait "demandé aux autorités judiciaires civiles et militaires d’ouvrir des enquêtes sur les allégations de violences électorales... mais les investigations ne semblaient guère avoir progressé au cours de l’année".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

(1) Le rapport complet d'Amnesty est à lire ici.

22 mai 2013

RDC : Vital Kamerhe se repositionne

Dans l'attente du "dialogue national" inter-congolais promis par le président Joseph Kabila, Vital Kamerhe vient de lancer le "Front commun de l'opposition" (FCO), avec plusieurs autres partis d'opposition. Avec cette nouvelle structure, Vital Kamerhe tente de s'imposer comme le personnage incontournable de l'opposition, mais sans le MLC et l'UDPS "historique" d'Etienne Tshisekedi.

Kamerhe.pngDepuis mardi, le "Front commun de l'opposition" (FCO), se propose d'unifier l'opposition politique congolaise, en vue du futur (et hypothétique ?) "dialogue national", annoncé en décembre dernier par le président Joseph Kabila. Prévu "début 2013", le dialogue inter-congolais peine à se mettre en place. Beaucoup n'y voit qu'une simple "distraction" du pouvoir en place pour "enfumer" le débat et "débaucher" quelques membres de  l'opposition en signe "d'ouverture". L'opposant Etienne Tshisekedi, patron de l'UDPS, premier parti d'opposition, et le MLC, deuxième groupe d'opposition parlementaire, ne semblent pas encore disposés à participer au "dialogue" proposé par Joseph Kabila. En cause : les élections contestées de novembre 2011, dont Etienne Tshisekedi ne reconnaît pas les résultats.

Du côté de Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle, la donne est différente. Le retour de la guerre à l'Est avec le M23, les accords d'Addis-Abeba, sont autant de sujets qui nécessitent un large débat politique "transparent" afin de "favoriser la réconciliation et la démocratisation". Autour de Vital Kamrehe, président de l'UNC, on retrouve le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, Gilbert Kiakuama et les "Forces acquises au changement" (FAC) du député Jean-Claude Vuemba. Le groupe d'opposition parlementaire de l'UDPS à l'Assemblée nationale fait également partie de l'aventure. Exclus par Etienne Tshisekedi, qui avait souhaité le boycott des institutions, ce groupe ne fait "officiellement" plus partie de l'UDPS. Le MLC de l'ancien vice-président Jean-Pierre Bemba (actuellement devant la Cour pénale internationale de La Haye), est également absent du "Front commun de l'opposition" (FCO).

Avec une UDPS enfermée par le mutisme d'Etienne Tshiskedi et un MLC sans leader depuis l'incarcération de Jean-Pierre Bemba, l'opposition est inexistante et atone en RDC. Un désert politique dont Vital Kamerhe a toujours pensé profiter. Ce fut le cas en novembre 2011, avec une convenable troisième place à la présidentielle (7,74%), même si les résultats sont contestables et entachés de fraudes massives. En 2010 Vital Kamerhe avait opéré une mue politique à grande vitesse, passant en quelques mois de la majorité présidentielle (où il était très proche de Joseph Kabila) à l'opposition. Une mue plutôt réussie.

Mais depuis les élections, le leader de l'UNC peine à trouver son positionnement. Il faut dire que la création d'une nouvelle rébellion à l'Est et le retour de la guerre a changé le scénario. Le président Joseph Kabila, affaibli par sa réélection contestée, a pu endossé le costume de la "victime agressée" et reprendre ainsi la main sur les dossiers de politique intérieur. En sonnant l'heure de la "réconciliation nationale" et de l'unité, Joseph Kabila a retrouvé une certaine "légitimité" internationale et a également  poussé l'opposition à sortir de son mutisme. Comme on pouvait s'y attendre, Etienne Tshisekedi a refusé en bloc tout dialogue avec Joseph Kabila, ce qui obligeait Vital Kamerhe a prendre le contre-pied du leader de l'UDPS. Un positionnement délicat pour Kamerhe, qui le place désormais avec les opposants prêts à composer avec le président congolais.

Mais Vital Kamerhe joue également une autre carte. La reprise des hostilités à l'Est de la RDC, l'arrivée de la Brigade spéciale de l'ONU, le replace au centre d'un dossier qu'il connaît bien : la guerre aux Kivus. En 2001, en pleine seconde guerre du Congo, Vital Kamerhe est commissaire général du gouvernement chargé du suivi du processus de paix dans la région des Grands lacs. S'en suit le célèbre "Dialogue inter-congolais", que souhaite actuellement remettre au goût du jour Joseph Kabila. Sur le dossier de l'Est, Kamerhe estime avoir son mot à dire et son expertise à apporter. L'ancien président de l'Assemblée nationale dresse un "constat amer" de l'accord-cadre d'Addis-Abeda et constate qu'il n'y a pas "d'avancées significatives". Les 11 pays signataires s'étaient engagés à soutenir le retour à la paix en RDC et à ne pas aider les groupes armés. Force est de constater que les combats ont repris depuis ce lundi autour de Goma, sans que la communauté internationale, ni les pays de la région, ne bougent.

Dans cette situation de bloquage, Vital Kamerhe sait que toutes les bonnes volontés seront consultées le moment venu. L'homme est né à Bukavu au Sud-Kivu, et connaît parfaitement les acteurs du conflit. Ce qui fait une force dans le dossier du conflit aux Kivus constitue une faiblesse lorsque l'on veut s'adresser à l'ensemble des Congolais, toujours très "méfiants" à propos des Kivutiens, pour ne pas dire plus. La logique des alliances politiques est donc indispensable pour Vital Kamerhe, s'il veut atteindre le sommet de l'Etat, ce qui semble être le cas. Le "Front commun d'opposition" (FCO) constitue donc sa nouvelle plateforme pour élargir sa base électorale : quelques UDPS (même en délicatesse avec leur patron), Léon Kengo, bien implanté en Equateur, un libéral (la doctrine affichée de Kamerhe), avec Gilbert Kiakuama et Jean-Claude Vuemba, du Bas-Congo et dynamique cheville ouvrière de l'opposition.

Vital Kamerhe continue donc sa logique d'exposition maximum pour exister sur l'échiquier politique et gagner ses galons d'opposant au président Kabila. Le futur "dialogue national", s'il s'ouvre, constitue une énorme caisse de raisonnance. Reste donc à attendre le fameux "dialogue inter-congolais" nouvelle version, qui devrait se tenir "très prochainement", "dans les prochains jours", si l'on en croit le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. A moins que la situation à l'Est n'en décide autrement.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Vital Kamerhe lors du lancement du FCO en mai 2013 © DR

20 mai 2013

RDC : Combats près de Goma, un test pour l'ONU

Depuis lundi matin, la rébellion du M23 affrontent l'armée régulière (FARDC) à seulement 12 km de la ville de Goma. La Monusco affirme que les rebelles sont à l'initiative de l'offensive alors que le M23 déclare avoir voulu déloger une autre milice, les FDLR, de la zone de Mutaho. Le retour des combats à l'Est pourrait précipiter l'intervention la Brigade d'intervention de l'ONU, sur place depuis plusieurs semaines.

carte RDC Afrikarabia GomaV2.jpgLundi 20 mai, très tôt dans la matinée, de violents affrontements ont opposé les rebelles du M23 aux forces gouvernementales (FARDC). Les combats se sont déroulés autour de la zone de Mutaho, à une dizaine de kilomètres au Nord de la ville de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Comme à chaque reprise des combats, il est extrêmement difficile de déterminer qui a tirer le premier ? La Monusco, la mission de l'ONU sur place, affirme que ce sont les rebelles qui ont attaqué les FARDC. Même son de cloche à Kinshasa, où le porte-parole de l'armée a déclaré que le M23 menaçait d'attaquer Goma depuis plus d'une semaine. La rébellion explique, au contraire, que se sont les FDLR, un groupe rebelle rwandais, accusé de servir de milice supplétive à l'armée régulière, qui auraient mené une offensive aux environs de Mutaho (non loin de Kibati).

La bataille de Goma va-t-elle reprendre ? En novembre 2012, les rebelles du M23 avait déjà occupé la ville pendant une dizaine de jours, sans presque combattre. Après plusieurs jours de pressions internationales, le M23 avait accepté de quitter Goma en échange de négociations avec le gouvernement congolais à Kampala. Des négociations au point mort depuis plusieurs mois.

Depuis novembre 2012, un nouvel acteur est venu changer la donne dans la région : la Brigade d'intervention spéciale de l'ONU. Devant l'échec de la Monusco, qui n'a pu empêcher la prise de Goma par les rebelles, l'ONU a souhaité "muscler" sa force, avec 3.000 nouveaux soldats et un mandat plus "offensif". Cela sera-t-il suffisant pour lutter contre le M23, les FDLR et les dizaines de groupes armés Maï-Maï sur un gigantesque territoire composé de montagnes et de forêts ? Beaucoup en doute.

La reprise des combats autour de Goma ce lundi, sonne donc l'heure de vérité pour la fameuse Brigade, même si celle-ci n'est encore totalement prête. Une partie des troupes est désormais présente sur zone depuis plusieurs semaines. Le M23 accuse d'ailleurs le gouvernement d'avoir sciemment déclenché les hostilités pour précipiter l'intervention de la Brigade de l'ONU. Côté gouvernemental, qui attend beaucoup (peut-être même un peu trop) de cette Brigade,  on explique que c'est le M23 qui souhaite "tester" la réaction de l'ONU en lançant l'offensive ce lundi. Toujours est-il qu'il sera difficile pour la Brigade de rester les bras croisés, si les combats venaient à se prolonger. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, est d'ailleurs attendu dans la région mercredi 22 mai… la grande nervosité qui règne autour de Goma n'est donc pas un hasard.

En fin d'après-midi, ce lundi, la situation semblait s'être calmée sur le terrain, après l'intervention d'hélicoptères des FARDC sur zone, d'après des témoins. L'armée congolaise a également affirmé contrôler la localité de Mutaho.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

INFORMATIONS MISES A JOUR le 20 mai à 22h00 (Paris).

16 mai 2013

RDC : La Monusco impuissante à Pinga ?

La ville de Pinga, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) s'est vidée de la moitié de sa population à la suite de violents combats entre deux groupes armés fin avril. La passivité des casques bleus sud-africains à Pinga fait douter de l'efficacité de la future Brigade d'intervention spéciale de l'ONU qui se déploie actuellement au Nord-Kivu.

Logo Afkrb.pngQue s'est-il passé à Pinga fin avril 2013 ? De violents affrontements ont opposé deux groupes rebelles congolais pour le contrôle de cette localité de 60.000 habitant, dans la province du Nord-Kivu. Le 29 avril, les Maï-Maï Cheka se sont emparés de Pinga en y chassant les rebelles de l'Alliance pour un Congo libre et souverain (APCLS). Au coeur du conflit : des problèmes fonciers, le pillage des ressources naturelles, mais aussi la lutte, par milices interposées, entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais. En effet, les Maï-Maï Cheka, ont noué une alliance de circonstance avec le M23, alors que l'APCLS fait office de milice supplétive de l'armée régulière congolaise (FARDC).

"La moitié de la population a fui"

Les combats ont été d'une rare violence et la population civile a été la première victime des affrontements. Médecins sans frontière (MSF), seule ONG présente sur place, a indiqué que "la moitié de la population de Pinga avait fui leurs habitations". 11 membres du personnel congolais de MSF ont également été portés disparus à la suite des combats, avant d'être retrouvés sains et saufs quelques jours plus tard. Depuis les combats de la fin avril, la situation reste "tendue et imprévisible" à Pinga, selon MSF, qui continue de mener son travail dans des conditions extrêmement difficiles.

Que fait la Monusco ?

Ces affrontements auraient-ils pu être évités ? Ironie du sort : une base de la Monusco, la mission des Nations unies pour le Congo, se trouve justement à Pinga. Depuis le début des combats entre milices, les civils s'y sont regroupés aux alentours pour se mettre à l'abri, mais la Monusco n'est pas intervenue sur la terrain. Un expert de la région nous confiait "qu'aucune patrouille n'avait eu lieu", "ni pas de survol à basse altitude pour dissuader les groupes armés", comme c'est quelquefois le cas.

Seconde ironie de la situation à Pinga : les soldats de la Monusco présents sur place viennent... d'Afrique du Sud. Les mêmes soldats sud-africains sont attendus avec impatience au Nord-Kivu dans le cadre de la Brigade d'intervention spéciale de l'ONU, censée éradiquer les groupes armés à l'Est de la République démocratique du Congo. Cette Brigade de 3.069 soldats devraient venir "muscler" les 17.000 casques bleus, déjà présents en RDC, avec un mandat plus "offensif". Pour ce spécialiste de la région, "la situation à Pinga présage de ce qui pourrait se passer avec la Brigade d’intervention qui est en train d’être déployée".

Inaction de la Brigade d'intervention ?

La passivité de la Monusco à Pinga augure mal de l'efficacité de la future Brigade. Toujours selon cet expert, la Monusco se retranche derrière l'inaction de l'armée régulière (FARDC) pour justifier sa non-intervention. "La Monusco, explique-t-il, affirme ne pas pouvoir intervenir sans les FARDC, alors que son mandat (la résolution 2098) le lui permet parfaitement". Une attitude qui fait craindre une "lecture à minima" de leur mandat, avec une efficacité forcement réduite. Ce que craint cet expert, c'est "l'inaction totale de la future Brigade d'intervention au nom de la non mise en danger du personnel des Nations unies". Un risque que n'a visiblement pas fait courir l'Afrique du sud à ses soldat de Pinga fin avril. "Tout au plus, souligne ce spécialiste, cette Brigade ne servira qu'à contenir le M23 et les FDLR, sans réellement lutter contre les nombreux autres groupes armés."

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

03 mai 2013

RDC : Le Katanga en débat sur Africa N°1

"Le Grand Débat", l'émission de Francis Laloupo, s'est penché jeudi 2 mai sur la dégradation de la situation sécuritaire au Katanga. Le 23 mars dernier, un groupe de 250 miliciens a investi la ville de Lubumbashi, sans rencontrer aucune résistance des forces de sécurité congolaises. Que réclament ces rebelles ? Comment expliquer l'absence de l'Etat dans cette riche province minière ? Réponses dans cette émission avec : Marc-André Lagrange d'International Crisis Group, Zobel Behalal du CCFD-Terre solidaire et Christophe Rigaud d'Afrikarabia.com.

lubumbashi.JPGComment Lubumbashi, la "capitale du cuivre" et deuxième ville de République démocratique du Congo, peut-elle se retrouver à la merci d'un groupe armé ? Pourquoi le "coffre-fort" de cette riche province est-il aussi mal gardé par l'Etat central ? Ce sont les questions légitimes que l'on peut se poser après l'attaque de Lubumbashi le 23 mars dernier. Pendant quelques heures, un groupe de 250 miliciens, les Maï-Maï "Bakata Katanga", a investi la ville, sans résistance de la police et de l'armée congolaise. Objectif affiché des rebelles : l'indépendance du Katanga !

Car en arrière plan de cette attaque "indépendantiste", il y a la politique de décentralisation très controversée du président Joseph Kabila. Le futur redécoupage du Katanga prévu par la Constitution devrait créer 2 provinces (agricoles) au Nord et 2 provinces (minières) au Sud. La province serait alors morcelée entre un Katanga "utile" (au Sud) et un Katanga "inutile" et non-viable (au Nord)... ce qui n'est visiblement pas du goût de tout le monde. On soupçonne donc plusieurs personnalités politiques katangaises de manipuler le fameux groupe indépendantiste Maï-Maï pour faire pression sur Kinshasa.

Qui sont ces rebelles ? Pourquoi l'Etat est-il aussi absent dans cette province ? "Le Grand Débat" d'Africa N°1 a consacré son émission du jeudi 2 mai à la situation au Katanga. Autour de Francis Laloupo : Marc-André Lagrange, analyste à International Crisis Group depuis NaIrobi, Zobel Behalal, chargé de plaidoyer au CCFD-Terre solidaire et Christophe Rigaud, Journaliste, spécialiste de la RD Congo et de l’Afrique centrale et responsable du site afrikarabia.com. L'émission est à réécouter ici :
http://www.africa1.com/spip.php?article32076

Photo : Lubumbashi - Ch. Rigaud © www.afrikarabia.com

29 avril 2013

RDC : La brigade d'intervention sera-t-elle efficace ?

3.000 casques bleus doivent arriver prochainement dans l'Est de la République démocratique du Congo pour "neutraliser les groupes armés". Une brigade d'intervention spéciale de l'ONU dont Kinshasa attend beaucoup et dont les experts doutent de sa réelle efficacité.

Bemba soldats filtre DSC03976.jpgLa mise en place de la brigade spéciale d'intervention dans l'Est de la République démocratique du Congo serait "imminente", selon l'ONU. Sur les 3.000 hommes attendus dans les Kivus, environ 800 seraient déjà sur place et son commandant, le tanzanien James Mwakibolwa se trouve dans la ville de Goma depuis le 23 avril dernier. L'ONU annonce l'arrivée des autres contingents, venant du Malawi et de Tanzanie, "d'ici le mois de juillet". Tout est donc prêt pour accueillir une brigade de casques bleus dotée d'un mandat "offensif" et devant "neutraliser les groupes armés opérant dans l'Est de la RDC".

Impatience à Kinshasa

Sur l'efficacité de la brigade d'intervention de l'ONU, les Congolais en attendent beaucoup. Peut-être même, un peu trop. Présenté, en toute modestie par Kinshasa, comme une "victoire diplomatique", le déploiement de ces "super casques bleus" doit tout simplement "mettre un terme à la guerre dans l'Est du pays", selon le porte-parole du gouvernement. Après avoir échoué militairement face aux rebelles du M23, Kinshasa n'a pas réussi à imposer une sortie de crise aux négociations de paix de Kampala. Faute de mieux, les autorités congolaises ont donc remis leur destin entre les mains des Nations unies. Le président Joseph Kabila, affaibli par une réélection contestée et un conflit qui lui échappe, attend donc avec une certaine impatience la mise en place de la brigade. Selon son ministre des Affaires étrangères, "le seul avenir du M23 c'est de cesser d'exister comme mouvement politico-militaire, sinon, la brigade d'intervention s'occupera de mettre fin à son existence".

Solution "à court terme"

Dans l'opposition, si on accueille avec soulagement l'arrivée de la brigade spéciale, sur son efficacité, il y a par contre quelques bémols. "C'est une solution, certes, mais à court terme", estime Juvénal Munubo Mubi, député de l'UNC. Si la brigade de l'ONU doit "inspirer la peur aux groupes armés", "la solution à long terme passe par une réforme profonde du secteur de la sécurité, c'est à dire la reconstruction de l'armée nationale", affirme ce député du mouvement de Vital Kamerhe. Et la tâche est titanesque. Mal payées, complètement désorganisées, transformées en armée fantôme, les FARDC ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Quant au chantier de la réforme de l'armée congolaise, il est toujours au point mort. On comprend donc les espoirs… et les doutes de Juvénal Munubo Mubi.

Un mandat "trop large"

Du côté des experts internationaux, le scepticisme est plus affirmé. Pour Thierry Vircoulon, le directeur pour l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), le mandat de cette brigade est "beaucoup trop large". "Le mandat de l'ONU prévoit que cette brigade s'occupe de tous les groupes armés", explique le chercheur, "ce qui ne sera pas possible vu leur grand nombre". "De plus, dans les résolutions de l'ONU, on fait des différents groupes armés, un seul groupe homogène, ce qui n'est pas le cas", note Thierry Vircoulon. Selon lui, l'ONU va devoir "séquencer ses actions". Et de poser cette question : "quelle sera la première cible de la brigade ?". Le chercheur croit savoir que la brigade spéciale pourrait d'abord cibler les rebelles rwandais des FDLR, avant de s'en prendre au M23, "peut-être pour contenter le Rwanda", souligne-t-il. Mais on peut bien évidemment penser que le gouvernement congolais exercera de fortes pressions pour que la brigade s'attaque en premier au M23. Quant aux groupes Maï-Maï, on peut supposer qu'ils seront moins ciblés par la brigade spéciale.

Dommages collatéraux : les civils

Thierry Vircoulon doute également de l'efficacité sur le terrain d'une telle brigade d'intervention. "Autant cette brigade de 3.000 homme pourrait montrer son efficacité face à une autre armée constituée", souligne-t-il, "autant on imagine mal cette brigade efficace en situation de guérilla face à des groupes peu structurés, comme les Maï-Maï". Dans les résolutions de l'ONU, Thierry Vircoulon fait remarquer "qu'on fait des différents groupes armés, un seul groupe homogène, ce qui n'est malheureusement pas le cas sur le terrain". Autre risque pointé par le chercheur : le scénario trop connu de la "vrai-fausse réintégration des rebelles dans l'armée régulière". "En mettant la pression sur les groupes armés, certains risquent fort d'être tentés de  déposer les armes en demandant à être réintégrés dans l'armée, ce qui relance les éternelles questions : à quels grades ? etc…". Et de redouter que l'on entre dans un scénario que la République démocratique du Congo a déjà connu avec l'intégration ratée des rebelles du CNDP en 2009. Dernier risque soulevé par le responsable d'International Crisis Group : "les dommages collatéraux sur les populations civiles". Un ancien expert militaire, connaisseur de la situation en RDC, confirme le risque pour les Kivus de passer d'une guerre "froide" de "basse intensité" à une guerre plus "chaude" et donc plus meurtrière que le conflit actuel. "Les civils seraient les première victimes de la reprise des combats, qui seraient plus violents", conclut selon cet expert.

Vers une guerre régionale ?

Le M23 a bien jaugé la situation et présente l'arrivée de la brigade d'intervention comme "une déclaration de guerre de l'ONU". Sur le site du M23, congodrcnews.com, on parle de "choix du sang" des nations unies pour condamner l'envoi de la brigade dans les Kivus. Les rebelles se sont alors lancés dans une vaste opération de lobbying à destination de la Tanzanie et de la l'Afrique du Sud, grands pourvoyeurs de troupes de la fameuse brigade. "Les militaires de l’armée de la République Sud-Africaine vont-ils ainsi se faire tuer, et tuer, dans les forêts et les collines volcaniques du Kivu ?" demande le M23. A la Tanzanie, les rebelles demandent de "se retirer de la résolution de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC)". Objectif : faire culpabiliser ses "frères africains". Et le M23 de prévenir : "nous sommes convaincus que la confrontation militaire risque de provoquer une guerre régionale" et d'entraîner "dans une guerre inutile, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie". Voilà pour l'opération de "déstabilisation diplomatique". Sur le terrain militaire, le M23 affirme ne pas craindre la brigade de l'ONU. Les rebelles connaissent parfaitement la région et si la brigade peut  empêcher le M23 de reprendre Goma, elle aura bien du mal à les "anéantir", comme le pense Kinshasa.

Dernier élément. Si l'attention se focalise sur les seuls M23, une vingtaine d'autres groupes armés sévissent à l'Est de la RDC. Ils fonctionnent par petits groupes très mobiles et il sera très difficile d'en venir à bout avec les seuls 3.000 hommes de la brigade. La solution est donc politique et se trouve en partie à Kinshasa, qui doit changer de mode de gouvernance pour enfin asseoir son autorité, et à Kigali, qui est accusé de soutenir les rebelles du M23 et qui est encore en mesure de siffler la fin du match dans les Kivus.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Groupe armé en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

26 avril 2013

RDC : La "jungle minière" de Walikale

"Le pillage des ressources minières bat son plein" dans le territoire de Walikale, dénonce le BEDEWA. Selon cette ONG congolaise, les trafics de minerais alimentent non seulement la guerre à l'Est du Congo, mais "pourrissent" également l'Etat central. BEDEWA demande aux autorités congolaises de "cesser de distribuer les concessions minières avec complaisance".

Image 1.pngLa "malédiction des matières premières" continue de frapper à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Riche en minerais divers (or, coltan, cassitérite, lithium), le territoire de Walikale est en train de devenir une véritable "jungle minière" selon une ONG congolaise. Le Bureau d’Etudes, d’observation et de coordination pour le Développement du territoire de Walikale (BEDEWA) tire la sonnette d'alarme sur l'exploitation illicite et sans limite des ressources minières de la région. D'après Prince Kihangi Kyamwami, secrétaire général de l'ONG, "les corrupteurs, les corrompus et les fraudeurs tirent d’énormes bénéfices, sans aucune contrepartie pour les communautés locales affectées". Il dénonce également "des taxes légales et illégales perçues" dont la destination des recettes "reste inconnue".

Corruption

Au rang des accusés, BEDEWA place les autorités de Kinshasa qui attribuent "abusivement les titres miniers". L'ONG explique qu'aujourd'hui, "les trois quarts du territoire sont actuellement couverts de titres miniers". Conséquence : la possible "délocalisation des populations pour le besoin de l’exploitation". Les recettes de ces trafics alimentent surtout les nombreux groupes armés qui pullulent dans la région : FDLR, Maï-Maï, mais aussi officiers de l 'armée régulière (FARDC). En 2011, un député britannique avait estimé le manque à gagner du commerce illégal de minerais pour l'Etat congolais à... 4,2 milliards d'euros ! C'est donc un vaste système de corruption qui s'est mis en place progressivement dans les zones minières... au profit des militaires, groupes armés, mais aussi des multinationales, des hommes politiques et des pays frontaliers comme le Rwanda ou l'Ouganda.

Certification

BEDEWA dénonce également le "trafic de certification" entre les différents sites d'exploitation en RDC. Prince Kihangi Kyamwami explique que "les minerais sont extraits dans les sites non encore validés du territoire de Walikale pour être présentés sur le marché comme ayant l’origine des sites validés des territoires voisins". Un tour de passe-passe qui explique, toujours selon l'ONG, le manque d'empressement des autorités à valider certains sites. Et de préciser que tout cela profite aux sites qui sont déjà validés, sauf bien sûr... à Walikale.

Frustrations

Dans le territoire de Walikale, les frustrations s'accumulent. Prince Kihangi Kyamwami note "qu'il pourrait arriver un temps où, si les choses ne changent pas, les communautés locales de Walikale exigeront la fin de l’exploitation minière et empêcheront à tout détenteur d’un quelconque titre minier d’entreprendre des activités quelles qu’elles soient". En d'autres termes : le BEDEWA prévient que des conflits pourraient éclater entre les populations locales, "spoliées" par l'exploitation illicite des minerais, et les différents acteurs du trafic. L'ONG préconise plusieurs recommandations aux autorités congolaises pour "assainir" le commerce des minerais à Walikale. BEDEWA demande de "cesser de distribuer les concessions minières avec complaisance", "de suspendre les activités irrégulières d’exploitation du diamant et de l’or sur la rivière Osso", "d'interdire la présence de militaires sur les sites miniers" et de "soutenir les instruments de traçabilité et de transparence des minerais".

En 2010, la loi américaine Dodd Franck avait déjà permis d'améliorer la transparence de la chaîne d'approvisionnement des minerais dans le monde. BEDEWA estime qu'en assainissant l'exploitation minière à Walikale, cela permettrait aux différents sites de la région d'être "qualifiés et validés". Une certification qui autoriserait enfin les populations locales à profiter des richesses de leur sous-sol. Une question reste pourtant sans réponse : les autorités congolaises en ont-elles les moyens et surtout... la volonté ? Pour l'instant l'état de délabrement de l'armée régulière et de la police ne permet pas au gouvernement congolais de garantir son autorité sur l'intégralité du territoire. La zone de Walikale n'échappe pas à la règle. La région est en instabilité permanente et en proie aux groupes armés depuis bientôt... 20 ans.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : groupe armé à l'Est de la RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

21 avril 2013

Katanga (RDC) : Quand l'Etat perd le contrôle

L’attaque de Lubumbashi par les rebelles sécessionnistes Bakata Katanga en mars dernier, souligne l’incapacité de l’Etat congolais à assurer son autorité dans certaines provinces. Selon Marc-André Lagrange, d’International Crisis Group (ICG), cet incident pointe non seulement la faillite de l’Etat, mais aussi les différentes réformes manquées par le président Kabila depuis 2006, et notamment celle de la décentralisation.

filtre Katanga DSC02227.jpgLa guerre du Nord-Kivu qui oppose depuis le mois d'avril 2012, les rebelles du M23 au gouvernement congolais a éclipsé de nombreuses autres zones d'instabilités en République démocratique du Congo. Parmi elles, la riche province minière du Katanga. Le 23 mars dernier, la capitale provinciale, Lubumbashi, est investie par 400 rebelles Maï-Maï "Bakata Katanga", un groupe armé revendiquant l'indépendance du Katanga. Les autorités congolaises paraissent rapidement débordées par les événements et laissent entrer sans résistance les rebelles dans Lubumbashi. Après plusieurs heures de panique, les Nations unies réussissent finalement à négocier la reddition du groupe, qui est rapidement transféré vers Kinshasa. Bilan des affrontements : 35 morts et 53 blessés.  Un général et un chef de la police ont été suspendus pour "manquement graves dans l'exercice de ses fonctions". Fin de l'épisode.

"Un déficit abyssal de sécurité"

Dans une analyse publiée par l'International Crisis Group (ICG), Marc-André Lagrange, revient sur les événements de Lubumbashi, qui sont révélateurs "de l’effondrement de la capacité du régime congolais à gouverner". Pour ce spécialiste de la région, l'autorité de l'Etat congolais "se réduit comme peau de chagrin". De nombreux groupes armés défient désormais Kinshasa dans différentes provinces. Au Nord-Kivu, ce sont les rebelles du M23 qui font la loi. Ils ont même occupé la ville de Goma pendant plusieurs jours, fin 2012. En Province orientale, ce sont les Maï-Maï Morgan qui sévissent, alors qu'au Sud-Kivu, le Front de résistance patriotique en Ituri (FRPI) et les Maï-Maï Yakutumba ont repris du service. D'autres groupes, comme les Raïa Mutomboki au Nord et Sud Kivu et les Maï-Maï de Gédéon au Katanga, règnent désormais en maître dans certains territoires. Le chercheur pointe évidemment le "déficit abyssal de sécurité" de la RDC, mais pour Marc-André Lagrange, "s’il n’est pas surprenant que le gouvernement néglige la sécurité de ses populations, il est plus surprenant qu’il ne sécurise pas le poumon économique du pays". La province du Katanga est effectivement la plus riche du pays, notamment grâce au cuivre dont regorge son sous-sol.

Les "gagnants" et les "perdants" de la décentralisation

Pour justifier les revendications sécessionnistes des Maï-Maï Bakata Katanga, Marc-André Lagrange, avance une autre explication que la simple "tradition" indépendantiste de la province . Il s'agit d'une "réforme clé" du mandat du président Joseph Kabila, qu'il n'a jamais fait aboutir : la décentralisation. La réforme prévoit la division du pays en 24 provinces (contre 11 actuellement) et un partage des revenus fiscaux entre l’Etat (60%) et les provinces (40%). Le Katanga est choisi comme "province test", début 2013, pour lancer la réforme de la décentralisation. Le Katanga serait alors découpé en quatre "sous-provinces". Selon le chercheur d'ICG, il y aurait les "perdants" de la réforme (le Nord de la province) et les "gagnants" (le Sud où est concentrée l'activité minière). Pour Marc-André Lagrange, "l’attaque de Lubumbashi par des Maï-Maï favorables à l’indépendance du Katanga n’est certainement pas une coïncidence". Selon lui,  "ces combattants ne sont souvent que le bras armé des politiciens locaux pour faire pression sur le gouvernement central".

Après les Kivus, Kabila lâché par les Katangais

L'autre victime collatérale de l'attaque de Lubumbashi, s'appelle Joseph Kabila. International Crisis Group rappelle "qu'après avoir perdu ses soutiens dans les Kivus en 2011 suite à l’intégration du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) dans l’armée", le président congolais "s’est aliéné une partie de l’élite politique" katangaise en annonçant la décentralisation dans la province. ICG explique que "le clan des Katangais", proche du président Kabila "s'entredéchire" désormais. Après la mort de son principal conseiller et mentor, le katangais Katumba Mwanke, en février 2012, Joseph Kabila serait désormais lâché par "les fédéralistes", comme Jean-Claude Mayembo, le président de la Solidarité congolaise pour la démocratie (SCODE) ou Gabriel Kyungu wa Kumwanza, le turbulent président de l’Union nationale des fédéralistes du Congo (UNAFEC). Toujours selon ICG, même Daniel Ngoy Mulunda, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui, "d’après certains, aurait joué un rôle clé dans la victoire de Kabila, aurait publiquement accusé" Joseph Kabila "d’ingratitude devant l’assemblée provinciale du Katanga".

"Un pouvoir dépendant de soutiens extérieurs"

Que reste-t-il au président Joseph Kabila pour asseoir son autorité en RDC ? Visiblement plus grand chose à en croire l'analyste Marc-André Lagrange. L'Etat central n'existe plus et les provinces, de plus en plus "indépendantes", gèrent les problèmes sécuritaires avec des partenaires extérieurs. Dans l'affaire des Maï-Maï Bakata Katanga de Lubumbashi, c'est en effet le gouverneur du Katanga et la mission des Nations unies au Congo (Monusco) qui ont obtenu leur reddition. "Une fois de plus, les Nations unies et le pouvoir local ont dû se substituer à un gouvernement absent", souligne Marc-André Lagrange. Dans l'autre dossier "chaud" congolais, celui du Nord-Kivu et des rebelles du M23, là encore, le président Kabila s'en remet à "des acteurs extérieurs" pour gérer la crise. Les autorités congolaises attendent en effet leur salut de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et de l'arrivée de la brigade spéciale d'intervention de l'ONU, pour lutter contre les groupes rebelles. Après "sept ans de régime kabiliste", ICG note que "les capacités de gouvernance institutionnelle sont toujours très faibles" et que le pouvoir est "complètement dépendant de soutiens extérieurs" et d'un système de gouvernance par substitution".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Lubumbashi - Katanga © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

14 avril 2013

RDC : "Complots" à répétition contre Joseph Kabila

Depuis février dernier, trois complots  visant à tuer le président congolais Joseph Kabila auraient été déjoués à Kinshasa et en Afrique du Sud. Mais pour l’opposition congolaise, ces « complots »  seraient fabriqués de toute pièce par les autorités congolaises, afin de « discréditer l’opposition politique ». Vrais complots ou fausses menaces ? 

DSCN2667.JPGLes complots contre Joseph Kabila se multiplient en République démocratique du Congo. C’est en tout cas le message que souhaite faire passer Kinshasa depuis quelques mois en divulguant différents projets de complot contre le chef de l’Etat. Pourtant, La dernière tentative « d’attentat » déjouée par la police congolaise jette le trouble sur la réalité de ces complots à répétition. Selon l’opposition, ces projets d’élimination de Joseph Kabila seraient « fabriqués » et « instrumentalisés » par Kinshasa dans le but « d’anéantir l’opposition politique » et de « traquer les opposants ». Il faut dire que la dernière arrestation de « comploteurs », jeudi 11 avril, a de quoi étonner.

Treize personnes suspectées de vouloir éliminer  Joseph Kabila et son Premier ministre Matata Ponyo ont été arrêtées et présentées au ministre de l’Intérieur. Le groupe, qui se nommerait « Imperium » comptait, selon la police, attaquer le convoi présidentiel. Les preuves exposées par la police devant la presse sont assez minces : une machette, des bouteilles vides et de boissons gazeuses, quelques téléphones portables et « dans une cachette », un plan d’attaque du convoi et un autre… de la ville de Kinshasa.

La police révèle également que parmi les suspects se trouvait le journaliste Verdict Mituntwa, attaché de presse de l’opposant Diomi Ndongala. Selon les dires du journaliste, le groupe « Imperium » serait organisé et financé par l’ex-député, déjà incarcéré par la police, il y a quelques jours pour une affaire de mœurs. Ce qui fait dire à ses proches, que cette histoire de complot ne servirait qu’à « masquer » son interpellation « douteuse » du 8 avril dernier. Les membres du parti de Ndongala dénoncent en effet un « acharnement judiciaire » et une arrestation « sans mandat » visant à éliminer un opposant politique proche d’Etienne Tshisekedi. La théorie du complot avancée par les autorités congolaises ressemble donc, pour ces opposants au régime Kabila, à un règlement de compte politique.

Pourtant deux autres complots anti-Kabila ont récemment été brandis par Kinshasa. Début février 2012, c’est en Afrique du Sud, qu’était arrêtés vingt Congolais pour « tentative de coup d’Etat ». Les « putschistes »  ont été interpelés alors qu’ils maniaient des armes « sous couvert d’une formation de gardes spécialisés dans la lutte contre le braconnage », précisait la presse sud-africaine. Le Congolais à la tête du groupe n’est pas un inconnu : il se nomme Etienne Kabila et prétend être l’un des fils de Laurent Désiré Kabila, le père de l’actuel président, Joseph Kabila. Là encore, certains opposants  soupçonnent Kinshasa d’avoir « monté » cette affaire avec la complicité de l’Afrique du Sud, dont le soutien au régime du président Kabila est très appuyé. L’Afrique du Sud devrait en effet fournir le gros des troupes de la brigade d’intervention rapide dans l’Est de la RDC pour venir en aide à l’armée congolaise, en proie aux rebelles du M23.

Le 22 mars dernier, un nouveau complot déjoué est annoncé par les autorités congolaises. Deux personnes sont arrêtées dans la capitale et des armes sont saisies dans un hôtel. Le  ministre de l’intérieur affirme que l’un des prévenus (un belge originaire du Congo) avait tenu plusieurs réunions en Europe afin de « renverser les institutions de la République en procédant à l'élimination physique du chef de l'Etat". Les deux suspects ont été déférés devant la justice pour « espionnage, complot contre la vie du chef de l'Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et détention d'armes de guerre ».

Autant de complots en aussi peu de temps posent un certain nombre de questions. Joseph Kabila est-il en danger ? Sont-elles crédibles ? Et surtout : pourquoi médiatiser autant des opérations qui se règlent, le plus souvent, en tout discrétion, hors du champ des caméras et des micros ? Car ce qui trouble le plus, c’est la mise en scène orchestrée par Kinshasa, pour rendre public ces affaires.

Dans un pays en proie aux guerres à répétition depuis plus de 20 ans et aux assassinats politiques en tout genre… les complots contre le chef de l’Etat sont plus que plausibles. Le Congo grouille d’une centaine de groupes armés et les armes circulent très facilement. Il n’est donc pas étonnant que qu’un certain nombre « d’aventuriers » croient possible de pouvoir renverser le président Joseph Kabila, avec, tout au plus, une vingtaine d’hommes. Mais depuis quelques mois, la multiplication des « complots » anti-Kabila rappelle à certains le « bon temps » du maréchal-dictateur Mobutu, toujours sous la menace d’un coup d’Etat. Le plus souvent, ces « complots » étaient pré-fabriqués par les services de renseignements. Avec deux objectifs : maintenir une pression sécuritaire maximale sur ses opposants politiques, mais surtout indiquer à ses proches qu’il serait « mal venu » de tenter un coup d’Etat de palais. Car pour les spécialistes du dossier congolais, le plus grand risque pour Joseph Kabila, n’est pas que les rebelles du M23 « marchent » jusqu’à Kinshasa, ce qui paraît peu probable vu la distance et les circonstances internationales, mais c’est qu’un putsch renverse « de l’intérieur » le régime congolais. A la question : vrais complots ou fausses menaces ? Nous serions donc tentés de répondre : faux complots… mais vrais menaces. Les personnes capables de renverser le président Kabila ne se nomment pas Diomi Ndongala, ni Etienne Kabila, mais sont certainement présentes dans l’entourage proche du président congolais… Les vrai-faux complots déjoués par Kinshasa sont donc un message qui leur est directement adressé.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

Photo : les « preuves du complot » du groupe « Imperium » présentées à la presse le 11 avril 2012 (c) DR

09 avril 2013

RDC : Diomi Ndongala de nouveau "enlevé" ?

Arrêté ou enlevé ? Les proches de l'opposant politique congolais affirment que Diomi Ndongala aurait été "enlevé" dans la soirée du 8 avril par une vingtaine de policiers sans mandat d'arrêt. Diomi Ndongala aurait été auditionné par le parquet de la République. C'est la deuxième fois que ce député proche d'Etienne Tshisekedi est arrêté en moins d'un an. En juin 2012, il avait déjà été détenu "au secret" pendant 4 mois avant d'être libéré à la veille du Sommet de la Francophonie de Kinshasa.

Capture d’écran 2013-04-09 à 09.39.52.pngSelon le site de la Démocratie Chrétienne (DC), le parti politique dirigé par Diomi Ndongala, l'opposant congolais aurait été "enlevé" pour la seconde fois par les services de renseignements. Les proches du député affirment que Diomi Ndongala aurait été arrêté le 8 avril au Centre Cana de Kinshasa à 22h19. Une vingtaine de policiers l'aurait amené "vers une destination inconnue", avec un agent de sécurité de la salle, sans mandat d'arrêt. Plus tard dans la nuit, l'agent de sécurité a été libéré et a affirmé que "Diomi Ndongala avait été blessé au bras" pendant son interpellation et serait détenu par les "services spéciaux". Toujours selon les proches du député, "ni son avocat, ni la Monusco (la mission de l'ONU au Congo) n'ont pu le rencontrer". Les membres de la Démocratie Chrétienne "craignent pour son intégrité physique" et accusent "le colonel Kanyama", d'être le principal responsable de cette seconde arrestation.

Ce n'est pas la première mésaventure de Diomi Ndongala avec les services de renseignements de Kinshasa. En juin 2012, il avait déjà été "enlevé", puis relâché 4 mois plus tard, à la veille de l'ouverture du Sommet de la Francophonie de Kinshasa, en octobre. Accusé de viol sur mineures, l'opposant politique avait toujours nié les faits et dénonçait une "traque politique".

Après sa "disparition" en juin 2012, ses proches affirmaient qu'il était détenu au secret, alors que les autorités congolaises l'accusaient d'être en fuite pour se soustraire à la justice. 6 mois après son premier "enlèvement", il y a donc maintenant une seconde affaire Ndongala après son arrestation d'hier. Ce mardi, dans la journée, on apprennait que Diomi Ndongala avait été auditionné par le parquet de la République concernant l'affaire de viol sur mineures.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

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05 avril 2013

RDC : Scepticisme autour de la Brigade d'intervention de l'ONU

Entre espoirs et craintes, la nouvelle force de combat des Nations unies qui doit se déployer avant le 30 avril, reçoit un accueil partagé à Kinshasa. Si les autorités congolaises attendent avec impatience l'arrivée des 3000 hommes de la brigade spéciale à l'Est du pays, certains observateurs doutent de son efficacité.

ONU filtre1.jpgC'est une première pour les Nations unies. 3000 hommes d'une Brigade d'intervention spéciale pourront bientôt mener des "opérations offensives ciblées" pour mettre fin aux groupes armés à l'Est de la République démocratique du Congo. C'est donc la première fois que des casques bleus pourront "passer à l'attaque", seuls ou en appui de l'armée régulière, pour lutter contre les différentes rébellions qui sévissent dans les Kivus. La brigade sera composée de 3 bataillons d'infanterie, d'un bataillon d'artillerie, d'une "force spéciale" et d'une compagnie de reconnaissance. Elle sera placée sous l'autorité directe du commandant de la Monusco, la mission de l'ONU en RDC.

L'ONU muscle sa mission

Jusqu’à maintenant, la principale mission de la Monusco se cantonnait à la protection des civils. Les Casques bleus n’avaient pas le droit d’ouvrir le feu, à moins d’être attaqués. Cette brigade d'un nouveau genre pourra donc utiliser la force pour "neutraliser les groupes armés". Après une décennie d'échecs à répétition en RDC, l'ONU n'avait pas d'autres choix que de "muscler" sa mission. Dernier "ratage" en date pour la Monusco : son incapacité à protéger la ville de Goma, attaquée par les rebelles du M23 en novembre dernier.

Un grand "ouf" pour Kinshasa

L'arrivée de la brigade d'intervention spéciale a donc été "vivement saluée" par le gouvernement congolais. "Il s'agit ni plus ni moins d'une grande victoire pour notre pays. (...) Nous verrons la fin de ce cycle de violences et de conflit. (...) La roue est en train de tourner, c'est irréversible",  s'enthousiasme Raymond Tshibanda, le ministre des Affaires étrangères de RDC. La joie gouvernementale n'est pas feinte. Il faut dire que depuis avril 2012 et la création de la rébellion du M23, la RDC peine à trouver la solution dans le conflit du Nord-Kivu. Avec une armée en débandade, sous-payée, sous-armée et complètement démotivée, Kinshasa s'est vu infliger de cuisantes défaites militaires par le M23. Les rebelles se sont même emparés de Goma, la capitale provinciale, pendant une dizaine de jours. Pour Kinshasa, l'annonce de la création d'une brigade d'intervention sonne donc comme un "ouf" de soulagement.

"La guerre a trop duré"

La société civile, qui représente la population, se réjouit aussi de l'arrivée de ces "supers casques bleus". "Cette guerre a trop duré et devient de plus en plus insupportable", explique Omar Kavota sur Radio Okapi. "Des milliers de déplacés doivent rentrer dans leurs milieux  d’origine et la population doit être libérée de l’administration criminelle des groupes armés", explique-t-il sur la site de la radio onusienne. Même l'opposant Vital Kamerhe (UNC) se félicite de l’envoi de cette brigade, avant de se plaindre "du retard de la réaction musclée" des Nations unies face à la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Mais une question est pourtant sur toutes les lèvres au Congo : la brigade d'intervention sera-t-elle efficace ? et suffira-t-elle à ramener la paix dans les Kivus ? A cette question, les réponses sont moins enthousiastes.

Militarisation des Kivus

Sur le site de Voice of America, Fidel Bafilemba d'Enough Project à Goma, est plus prudent. "Nous attendons de voir cette force, qu’elle arrive et qu’elle puisse rencontrer les attentes de la population", explique-t-il. Le chercheur redoute en fait "une militarisation accrue de l’Est du Congo". Selon lui, l'arrivée d'une brigade "offensive" de l'ONU risque d'avoir "des impacts négatifs sur la vie des gens". En fait, résume  Fidel Bafilemba, "nous sommes en train de nous poser des questions si elle saura s’y prendre". Selon certains observateurs du dossier congolais, l'arrivée de 3000 nouveaux soldats dans la région ne régleront pas "d'un coup de baguette magique" deux décennies de guerres à répétition. Des experts militaires soulignent que, certes 3000 hommes supplémentaires, pourront "protéger" Goma et ses environs des attaques du M23, mais ne pourront "éradiquer" l'ensemble des groupes armés de la région. Un vingtaine de rébellion, plus ou moins organisées, se partagent l'Est de la RDC sur une immense superficie difficilement accessible. La brigade de l'ONU risque simplement de jouer "l'effet plumeau" : disperser les groupes armés vers d'autres territoires, plus reculés et moins exposés aux attaques de l'ONU et de l'armée régulière.

L'Afrique du Sud "échaudée"

D'autres incertitudes planent sur le calendrier et la composition de la cette force. La date (très optimiste) du 30 avril a en effet été avancée par l'ONU pour l'arrivée de la brigade dans la région. Il semble peu probable que les 3000 hommes soient opérationnels aussi rapidement. Car au coeur du dispositif onusien, il y a l'Afrique du Sud, qui, avec la Tanzanie et le Malawi doivent composer l'architecture de la future brigade. Après avoir longtemps traîner des pieds pour accepter de se placer sous commandement onusien, l'Afrique du Sud fait face à une forte polémique sur sa dernière intervention en Centrafrique. L'armée sud africaine a en effet enregistré sa plus lourde perte militaire depuis 1994, avec 13 de ses soldats tués à Bangui pour sauver le président François Bozizé. L'opinion publique sud africaine a été profondément choqué par cette opération de sauvetage d'un régime contestable et les soldats sud africains, de retour de Centrafrique, sont tous traumatisés par cette guerre, dans laquelle ils ont dû tuer "des enfants soldats". La participation de l'Afrique du sud dans cette brigade, n'est donc plus une "évidence" pour Prétoria.

"Rajouter de la guerre à la guerre"

Dernier point : la position des rebelles du M23. On pouvait s'en douter, la rébellion "désapprouve le déploiement de la brigade d’intervention". Pour le M23, les Nations unis viennent de "lever l'option de la guerre" dans la région. Les rebelles ont en effet beau jeu de dénoncer le choix de l'ONU, alors que des négociations de paix étaient en cours à Kampala entre le gouvernement congolais et le M23. Kinshasa a d'ailleurs rapidement fait comprendre aux rebelles, qu'avec l'arrivée de cette brigade au Nord-Kivu, les pourparlers n'iraient pas plus loin. Dans ce contexte, on peut en effet douter de l'efficacité de cette brigade "offensive" dans l'Est de la RDC. Un responsable d'ONG nous confiait que l'arrivée de 3000 soldats sur la zone, allait avant tout "rajouter de la guerre à la guerre", "jeter de nouveau sur les routes des milliers de réfugiés", sans résoudre le problème des Kivus, qui lui, est politique.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Casque bleu à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

26 mars 2013

RDC : Quand Thierry Michel répond à Moïse Katumbi

Dans une interview publiée dans "Jeune Afrique", Moïse Katumbi avait fortement critiqué le film de Thierry Michel dont il est "héros" : "L'irrésistible ascension de Moïse Katumbi", qui sortira prochainement sur les écrans. Le charismatique gouverneur du Katanga avait dénoncé les "contre-vérités", les possibles "manipulations" du film et des "informations qui n'auraient pas été vérifiées". Le cinéaste a souhaité répondre point par point aux attaques de Moïse Katumbi dans une lettre qu'Afrikarabia a décidé de publier.

Capture d’écran 2013-03-26 à 23.10.05.pngCher Moïse Katumbi

J'ai été très heureux de cette rencontre à Bruxelles dans une atmosphère constructive qui nous a permis d'éclaircir certains malentendus à propos du film que j'ai réalisé sur une partie de votre parcours, et intitulé, dans sa version longue : "L'irrésistible ascension de Moise Katumbi".

Nous avons par ailleurs, avec mes partenaires, pris connaissance de votre interview exclusive dans le magazine "Jeune Afrique" du 17 mars. Comme cet article parle en partie de mon film, et que vous évoquez dans mon chef des possibles "manipulations", "contrevérités" et d'"informations qui n'auraient pas été vérifiées", nous tenons à fournir les réponses à vos déclarations, car j'ai pour vous le plus grand respect et souhaite clarifier ces critiques contenues dans votre interview.

Tout d'abord, je n'ai pas été manipulé par qui que ce soit. En effet, je pense avoir suffisamment d'expérience professionnelle, après 40 années de métier, pour ne pas être instrumentalisé à mon insu. J'ai simplement réalisé à la fois un travail journalistique et une oeuvre cinématographique. Ce que Jeune Afrique a d'ailleurs relevé dans sa critique du film :

"Le documentaire, que Jeune Afrique a pu visionner, est effectivement nuancé. Les images de Katumbi, dont certaines étaient déjà présentes dans Katanga Business, montrent un homme jeune, dynamique et bien décidé à redresser la province. Mais Thierry Michel pointe aussi les conflits d'intérêts du fondateur de Mining Company Katanga (la société appartient désormais à sa famille) et interroge des responsables d'ONG et des journalistes qui ne ménagent pas leurs critiques. Surtout, le film souligne la personnalité complexe de l'un des hommes les plus populaires du pays (il dirige le Tout-Puissant Mazembe, meilleur club de football au sud du Sahara)." (extrait de Jeune Afrique)

Pour qu'un film soit crédible, il est indispensable qu'un regard critique puisse être posé, et il est donc normal que plusieurs intervenants dans le film (un activiste des droits de l'homme, un opposant, un dirigeant syndical et plusieurs journalistes) posent ce regard parfois critique sur votre gestion de la Province du Katanga. C'est une des règles de la démocratie mais aussi une règle journalistique dans le cas d'un portrait d'un homme politique, afin d'éviter l'apologie et la complaisance. Et si tel n'avait pas été le cas, on m’aurait reproché un manque d’objectivité, voire me soupçonné de m’être fait manipuler comme réalisateur et à vous-même de m’avoir acheté ou corrompus. Cela dit, il est également évident que le cinéaste/journaliste ne peut assumer les opinions parfois contradictoires exprimées par les intervenants dans un film documentaire. Il est important de le rappeler.

Mais reprenons plus précisément chacun des aspects que vous semblez reprocher à ce film. Quand on fait un portrait d’un personnage public, comme ce fut le cas lors de la réalisation du film « Mobutu, roi du Zaïre », on remonte nécessairement le temps. J’ai donc commencé ce film par les premiers tournages effectués avant que vous ne soyez intronisé gouverneur du Katanga. J'ai également eu recours à certaines séquences du film Katanga Business comme archives, mais aussi à d’autres archives comme votre élection en 2006 ou la victoire du Tout Puissant Mazembe en demi finale de la coupe du monde en 2010. Le film est
chronologique et historique et remonte le temps de vos réalisations en début de mandat à aujourd’hui.

A propos de l'existence, je cite "de liens avec des sociétés avec lesquelles je n'ai jamais travaillé", le film cite en effet votre partenariat avec l'ex-ministre et bâtonnier Jean Claude Muyambo Kyassa comme associé; nous avons la copie du document notarié inscrit au registre du greffe du commerce du tribunal de grande instance de Lubumbashi sous le N° 20443 et relatif à la société Twatotela Mining SPRL, dans laquelle vous étiez le principal détenteur de parts sociales avec Jean Claude Muyambo.

En ce concerne "l'enquête judiciaire ouverte par le Parquet général" dont vous seriez l'objet, celle-ci a bien eu lieu ce qui, bien évidemment, ne présage en rien de la culpabilité de qui que ce soit. Vous-même vous êtes étonné, lors de notre récente rencontre, d'avoir eu la visite d'enquêteurs venus à votre résidence dans le cadre de cette enquête.

Mais ce qui est plus inquiétant, c'est le communiqué de Jeunes Katangais qui se prétendent vos supporters, et qui se termine par des intimidations, des menaces qui me concernent en premier chef mais aussi ceux "qui travaillent sur le film" et ceux qui "s'obstinent à le diffuser". Ce communiqué est multidiffusé sur la toile internet par de très nombreux sites et emails. Comme je vous l'ai déjà demandé, je souhaite savoir qui se cache derrière ce groupe "La voix des Jeunes Katangais" ? Vos supporters, vos amis ou vos ennemis qui cherchent à vous nuire en vous faisant porter la responsabilité de ces menaces ? C'est la question essentielle et votre réponse permettra à tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce film ou participeront à sa diffusion de prendre les mesures de protection adéquates.

Extrait du communiqué de "La voix des jeunes katangais"

UNE CABALE GROTESQUE CONTRE LE GOUVERNEUR
DU KATANGA, MOÏSE KATUMBI CHAPWE

"Ce jour, d’après les informations en notre possession, le laboratoire du mal de l’entourage de Joseph KABILA, évidemment avec son accord, a décidé de monter au créneau avec une autre stratégie pour déstabiliser le Gouverneur Moïse KATUMBI"
"L’opinion tant nationale qu’internationale se souviendra du film du réalisateur belge Thierry Michel sur le Gouverneur et les mines du Katanga. D’après les informations à notre possession, un budget conséquent vient d’être débloqué par le pouvoir de KABILA pour réaliser un autre film (métrage) en vue de salir Moïse KATUMBI."
"Nous mettons sérieusement en garde tous les gens qui travaillent sur le film pour déstabiliser Moïse KATUMBI et nous restons vigilants s’ils s’obstinent à le diffuser. A bon entendeur, salut !"
La voix des Jeunes Katangais.

Fait à Lubumbashi, le 30 janvier 2013.

- KYUNGU MULABA
- KABONGO ILUNGA
- SENDWE JEAN
- MUKALAY JOSEPH
- BANZE NGOY

Par ailleurs, comme vous le souhaitiez, nous sommes d’accord d’intégrer au dvd qui sortira dans quelques semaines, les témoignages récents diffusés sur internet et les télévisions katangaises des personnes ayant revu leur position. Nous restons convaincus que, au delà de votre parcours, ce film montre bien la complexité de tout engagement politique, et qu'il renforcera la confiance dans l'évolution démocratique de votre pays.

Très cordialement

Thierry

Liège ce 26/03/2013

Le film de Thierry Michel, "L'irrésistible ascension de Moise Katumbi", sortira sur les écrans à partir du 15 avril avec une avant première au Bozar à Bruxelles suivi de nombreuses projections dans plusieurs villes belges. Le film sortira également au cinéma Vendôme de Bruxelles à partir du 24 avril 2013.

24 mars 2013

Centrafrique : Bozizé réfugié en RDC

Les rebelles de la coalition Séléka, qui étaient entrés dans Bangui samedi soir, se sont emparés du palais présidentiel ce dimanche matin. François Bozizé reste introuvable. Selon plusieurs sources, il se serait enfui en République démocratique du Congo (RDC).

carte RDC Afrikarabia Centrafrique Bangui Zongo.jpgLes rebelles de la Séléka contrôlent depuis dimanche matin Bangui, la capitale centrafricaine. De nombreux tirs et détonations étaient entendus dans la matinée autour du palais présidentiel, que la Séléka a fini par investir. La rébellion a affirmé que le président François Bozizé ne s'y trouvait pas. Selon certains de ses proches, le président centrafricain aurait traversé le fleuve Oubangui pour trouver refuge en République démocratique du Congo, au niveau de Zongo.

Kinshasa a demandé dimanche l'aide du Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) pour transporter 25 membres de la famille de François Bozizé, de Zongo (à la frontière centrafricaine) à Gemena, dans la province de l'Equateur en RDC. Concernant le président centrafricain lui-même, le porte-parole de la République démocratique du Congo, Lambert Mende, a nié sa présence sur le sol congolais. Selon d'autres sources, Bozizé serait parti sur Mbandaka avec son hélicoptère.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

23 mars 2013

RDC : "Une catastrophe humanitaire s'annonce à Walikale"

La situation sécuritaire du territoire de Walikale, dans l'Est de la République démocratique du Congo, se dégrade. Une ONG congolaise s'inquiète de la possible reprise des combats entre les rebelles FDLR, alliés aux groupes Maï-Maï Nyatura et l'armée régulière.

carte RDC Afrikarabia Walikale2.jpgAlors la tension internationale se focalise autour de la rébellion du M23, le territoire de Walikale, à l'Ouest de Goma, connait depuis plusieurs semaines un regain de tension. Le 15 et 16 mars dernier, l’arrestation d’un commandant du groupe armé Raïa Mutomboki par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont débouché sur des affrontements entre les deux groupes dans les localités de Nyamilingi et Lowa situées à près de 18 km au sud de Walikale centre, a rapporté l'OCHA, l'Office des Nations unis pour les affaires humanitaires. La dégradation de  situation sécuritaire a provoqué le déplacement d’une partie de la population vers la brousse et sur l’axe sud de Walikale-Itebero.

Les FDLR tentés de "récupérer leurs fiefs"

Mais dans le territoire de Walikale, une ONG congolaise, le Bureau d'études, d'observation et de coordination pour le développement du territoire de Walikale (Bedewa), attire l'attention sur les risques d'affrontements entre les rebelles Hutus rwandais des FDLR, alliés aux Maï-Maï Nyatura, et l'armée régulière congolaise (FARDC). Selon cette ONG, les FDLR, "délogés de certaines localités, seraient tentés de mener des opérations militaires d'occupation en coalition avec les Nyatura à partir du territoire de Masisi, dans l'objectif de reconquérir ce qu'ils appellent leurs fiefs… une terre arable où il fait bon vivre".

"Enrôlement des jeunes"

Le Bedewa affirme également que les groupes armés locaux "auraient lancé des messages au recrutement et à l'enrôlement des jeunes pour gonfler leurs rangs et faire face à ces opérations militaires d’occupation". "Une nouvelle catastrophe s'annonce en territoire de Walikale" s'inquiète l'organisation congolaise. Le Bedewa demande à la Monusco, les troupes de l'ONU au Congo, "prendre des mesures concrètes et sérieuses de prévention et de sécurisation des populations civiles sans défense".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

22 mars 2013

De l’air frais du Québec au Forum mondial des femmes francophones

Le Forum mondial des femmes francophones organisé par  Yamina Benguigui, ministre déléguée à la Francophonie, aurait ronronné mercredi 20 mars au musée du Quai Branly à Paris sans un peu d’air frais venu du Québec...

Capture d’écran 2013-03-22 à 08.34.10.pngYamina Benguigui et son équipe avaient vu grand. La “représentante personnelle du président de la République” invitait quelque 400 femmes issues des 77 pays francophones au premier “Forum mondial des femmes francophones” mercredi 20 mars 2013 à Paris. Une réunion, selon elle “dans l’urgence”, “née du constat de la régression du droit des femmes dans le monde et notamment dans l’espace francophone”. En réalité, Yamina Benguigui continue à “ramer” pour définir sa mission  après l’échec du Sommet de la Francophonie à Kinshasa et alors que se profile le Sommet suivant à Dakar.

Faute de moyens financiers réels, la Francophonie se réduit comme peau de chagrin à un “Plan Com”. La bouée de sauvetage s’appelle “défense des femmes dans le monde” au détriment de la défense de l’influence du français dans le monde. Un exercice politiquement acrobatique puisqu’il amène Yamina Benguigui. à souligner que la situation des femmes est particulièrement mauvaise dans l’espace francophone. Ce qui est vrai, mais incline à observer que depuis des dizaines d’années, le gouvernement français n’a pas fait son travail dans sa sphère d’influence en matière de droits de l’Homme - au sens le plus large - et notamment de “politique du genre”. Notamment au Rwanda jusqu’en 1994 et en RDC par la suite.

Yamina Benguigui semble consciente de ce écueil. Elle a enfourché depuis quelques mois un cheval de cheval de bataille original : dénoncer les viols et actes de barbarie commis en RDC selon elle par le M23 “soutenu par Kigali”. Une tribune dans Le Monde, signée notamment par la Première dame Valérie Trierweiler, a donné le signal de ce “programme du genre” vu de Paris (voir la genèse de cette affaire dans Afrikarabia).

Depuis, la ministre déléguée à la Francophonie a légèrement corrigé le tir. Pour conserver un minimum de crédibilité, le Rwanda n’est plus voué aux gémonies. Mais les thèmes égrenés au premier Forum mondial des femmes francophones restent les mêmes. « Nous vivons aussi un moment où les femmes sont niées, abîmées et détruites dans leur intégrité. Elles subissent au quotidien des exactions, des violences de toutes sortes. Elles n’ont aucune protection juridique et sanitaire et sont le plus souvent exclues des systèmes scolaires », a regretté Yamina Benguigui avant d'appeler à lutter au quotidien pour faire reconnaître les droits les plus élémentaires des femmes : « Car c’est bien dans l’espace francophone, c’est bien en langue française que cette tragédie se déroule ». Yamina Benguigui propose donc de créer « un réseau actif dans l’espace francophone » et veut en saisir l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le président François Hollande.

Denis Mukwege, gynécologue obstétricien à l’hôpital de Panzi en RDC, était l’invité vedette de la réunion du 20 mars. Ce médecin au courage extraordinaire (voir Afrikarabia) mais à la perspicacité politique sujette à caution a répété que « Le corps de la femme devient le champ de bataille. C’est détruire la vie à son origine ». Un  message qui semble de plus en plus instrumentalisé par Yamina Benguigui pour incarner sa ligne politique confuse. Si la ministre française s’intéressait vraiment à la mission de ce nobélisable, elle lui transférerait son propre budget de gardes du corps, tant la vie du docteur Denis Mukweg est menacée en RDC.

Dans ce nouveau sommet de confusion compassionnelle sinon de tartufferie, la délégation de femmes chefs d’entreprises invitées à l’initiative du Québec a fait souffler un peu d’air frais et de sincérité. Les Offices jeunesse internationaux du Québec ont permis à 40 jeunes femmes d’y porter leurs voix. Toutes ont été choisies pour leur investissement professionnel positifs, démontrant que la Femme n’est pas seulement une victime emblématique. La promotion de femmes chefs d’entreprises est leur crédo.  Leur porte-parole (photo) a fini par obtenir un micro pour donner un point de vue décapant : “Je m'appelle Lydie Hakizimana et je suis de nationalité rwandaise. Je suis la présidente de la Chambre des jeunes entrepreneurs et cheffes d'entreprises depuis sept ans dans le domaine de l'édition et publication de livres scolaires. Pendant une semaine, nous avons travaillé sur un livre blanc avec des constats et recommandations sur l'axe entreprenariat.

Premièrement, l'argent c'est le nerf de  la guerre- faciliter l'accès au crédit et au capital financier pour les femmes entrepreneures en créant des fonds de garantie gouvernementaux.

Deuxièmement, l'éducation est très importante - mais tout se joue des le plus jeune âge - s'assurer que chaque jeune fille avant l'age adulte ait rencontre un/une entrepreneure pour un partage d'expérience.

Troisièmement, le savoir c'est le pouvoir : créer des formations spéciales femmes entrepreneures qui permettraient l'affirmation de soi et l'apprentissage de la prise de parole.

Quatrièmement, on a tous besoin de modèles et d'être inspirées - identifiées et promouvoir les femmes entrepreneures en créant un annuaire papier électronique.

Cinquièmement, le réseau est primordial- l'union fait la force. Créer des lieux où  les femmes entrepreneures profiteront de la mutualisation des expertises.

En conclusion, Les gouvernements sont censés créer un environnement favorable à un développement dont la pierre de lance est le secteur privé, les petites et moyennes entreprises, l'entrepreunariat féminin...

La pauvreté engendre la guerre et la guerre promeut la pauvreté. Faisons la guerre chers frères, chères soeurs... pas entre nous; contre la pauvreté car, c'est elle notre seule vraie ennemie.”

Au milieu des sifflets et quolibets d’autres femmes francophones, Lydie Hakizimana a indiqué que son entreprise fait aujourd’hui travailler 150 personnes et elle a rendu hommage à son gouvernement qui conduit l’une des politiques du genre les plus audacieuses dans le monde. Bien loin de l’image que Yamina Benguigui véhicule du Rwanda...

Jean-François DUPAQUIER

Photo : Lydie Hakizimana © JF. Dupaquier

19 mars 2013

RDC : Le combat d'une congolaise contre l'impunité

Mercredi 20 mars 2013 se tiendra à Paris le premier "forum mondial des femmes francophones". Parmi les 400 femmes invitées, Candide Okeke témoignera du "génocide" qui se déroule en silence à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Pour cette militante politique, "la véritable arme de destruction massive, c'est l'impunité" et elle demande à la France de "s'opposer clairement aux atrocités qui se déroulent au Congo".

portrait Candide Okeke filtre.jpgC'est une première qui se déroulera à Paris, ce mercredi, au Quai Branly. La ministre française de la Francophonie,Yamina Benguigui réunira 400 femmes de 77 pays, toutes francophones, "pour défendre leurs droits" à travers le monde. Une attention toute particulière sera portée sur la situation des femmes dans les conflits armés : Mali, Centrafrique… mais aussi République démocratique du Congo, où les femmes sont souvent les premières victimes de la guerre. Fin février, la ministre de la Francophonie avait fortement dénoncé la "catastrophe humanitaire au féminin" dont sont victimes les congolaises. "Un génocide dans un silence assourdissant" avait déclaré Yamina Benguigui, après son déplacement à Goma, au Nord-Kivu, en octobre dernier.

"RDC, capitale du viol"

Invitée du forum, Candide Okeke entendant porter haut et fort la voix des femmes congolaises. Militante politique, Candide est porte-parole de l'Apareco, un mouvement d'opposition au président Joseph Kabila, présidé par Honoré Ngbanda, l'ancien responsable de la sécurité de Mobutu. Selon elle, la situation les femmes congolaises est "particulièrement grave". "Le viol a été instauré comme une véritable arme de guerre… une arme de destruction massive", explique-t-elle. La RDC, se sont en effet des guerres à répétition depuis 20 ans et un crise humanitaire particulièrement féroce : 1,7 million de réfugiés à l'Est du pays… et les femmes toujours en première ligne.

Rwanda, coupable ?

Candide Okeke a un message politique à faire passer. Les responsables de ces guerres sans fin, elle les nomme clairement : les pays voisins, mais  surtout le Rwanda, le principal fauteur de trouble, selon elle. "Le Rwanda a des visées sur la partie Est du Congo, très riche en minerais", explique-t-elle. "Mais autant le Rwanda, après le génocide de 1994, a eu droit à la justice avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), autant pour la RDC, cela se passe en toute impunité". Les responsables ? "Ntaganda, Nkunda, Mutebusi, mais surtout Paul Kagme", le président du Rwanda. Pour Candide Okeke, "la véritable arme de destruction massive, c'est l'impunité". "Il faut que ces personnes soient neutralisées", tonne-t-elle. "On espère que Bosco Ntaganda (actuellement réfugié à l'ambassade américaine de Kigali et recherché par la Cour pénale internationale) soit rapidement envoyé à la CPI". Si le Rwanda n'est, heureusement, pas responsable de tous les malheurs de la RDC, il est vrai que plusieurs rapports de l'ONU ont dernièrement accusé Kigali de soutenir les rebelles du M23 qui sévissent au Nord-Kivu. Le Rwanda a toujours nié ces allégations.

"8 millions de francophones en moins"

Au premier "forum mondial des femmes francophones" de Paris, Candide Okeke souhaite pouvoir rappeler à la France "que la Francophonie a besoin de tous les francophones pour exister". "Si aujourd'hui on compte 8 millions de morts en RDC" explique-t-elle, "ce sont 8 millions de francophones en moins !". Candide Okeke demande enfin que la France de François Hollande "s'oppose clairement à ce que se passe en République démocratique du Congo". Le président français doit s'exprimer mercredi soir, en clôture du forum, depuis le palais de l'Elysée.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Ecoutez l'interview de Candide Okeke :


1er Forum des femmes francophones : le combat d... par ChristopheRigaud

18 mars 2013

RDC : Ntaganda réfugié à l'ambassade US de Kigali

Logo Afkrb.pngComme un coup de tonnerre, la nouvelle a été annoncée lundi 13 mars à 16h15 sur le compte Twitter d'Afrikarabia (@afrikarabia). Un membre du M23 avait alors indiqué à notre site que "Bosco Ntaganda était au Rwanda" et se trouvait dans les locaux de l'ambassade des Etats-unis à Kigali, "en attente de son transfert pour la Cour pénale internationale (CPI"). L'information a mis plus de deux heures à être confirmée. D'abord sur Twitter, via le compte de la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, qui a révélé que Bosco Ntaganda "s'était présenté à l'ambassade américaine de Kigali, tôt dans la matinée". Après avoir démenti un temps les faits, le Département d'Etat a fini par confirmer à son tour en fin de journée la présence du rebelle congolais "à la représentation américaine dans la capitale rwandaise". Les Etats-unis ont également affirmé que Bosco Ntaganda "avait demandé son transfert à la CPI à la Haye", où il était recherché pour crimes de guerre.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

RDC-Rwanda : "Bosco Ntaganda serait à l'ambassade US de Kigali" selon le M23

Logo Afkrb.pngUn membre du M23 vient d'indiquer à Afrikarabia que "Bosco Ntaganda est arrêté au Rwanda" et se trouverait dans les locaux de l'ambassade des Etats unis à Kigali, "en attente de son transfert pour la Cour pénale internationale (CPI"). L'information obtenue par Afrikarabia est à prendre au conditionnel avec toutes les précautions d'usage. L'ambassade américaine au Rwanda a démenti détenir Bosco Ntaganda et la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, n'a ni infirmé, ni confirmé l'information.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

RDC : Le conflit au M23 pourrait relancer la guerre

La faction de Sultani Makenga a remporté une victoire militaire sur celle de Jean-Marie Runiga et Bosco Ntaganda. Mais les conséquences pourraient être lourdes sur la situation sécuritaire au Nord-Kivu. Certains prévoient la reprise des combats autour de Goma.

Runiga arrêté au Rwanda 16032013.pngC'est un week-end qui fera date dans le conflit du Nord-Kivu. Après plusieurs jours de combats féroces entre les deux factions rivales du M23, les troupes fidèles à Sultani Makenga ont fini par déloger les hommes de Jean-Marie Runiga et Baudouin Ngaruye. Les localités de Rugari et Kibumba sont désormais tombés sous le contrôle des pro-Makenga. Une victoire décisive dans la guerre des clans qui opposait depuis la fin février pro-Makenga et pro-Runiga, allié au turbulent Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Au cours des combats du week-end, Runiga, Ngaruye et Innocent Zimurinda, blessé, se sont enfuis au Rwanda voisin avec 200 de leurs hommes, laissant 400 autres de leurs soldats rejoindre le camp Makenga.

Runiga "réfugié", Ntaganda court toujours

Contacté par Afrikarabia, Stanislas Baleke, un responsable du M23, nous a indiqué que l'attaque de Kibumba avait obligé à Bosco Ntaganda à s'enfuir vers le parc des Virunga avec seulement "une trentaine d'hommes". A Kibumba, les troupes fidèles à Makenga ont pris possession de la maison où s'étaient réfugiés Runiga et Ntaganda avant leur fuite et le véhicule de Bosco Ntaganda a également été retrouvé. Dimanche, dans la journée, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, affirmait savoir que Ntaganda avait traversé la frontière et serait passé au Rwanda, sans plus de preuve. Recherché par la CPI, Ntaganda serait un personnage bien encombrant pour Kigali. Le Rwanda a en effet signé en février dernier, à Addis Abeba, un accord-cadre dans lequel il s'est engagé à ne pas soutenir les "criminels recherchés par la justice internationale". Kigali a fermement démenti la présence de Bosco Ntaganda sur son territoire. Concernant le cas de Jean-Marie Runiga, son statut n'est pas encore très clair au Rwanda. "Cantonné ?", "arrêté ?". Le Rwanda semble hésiter sur le sort de son hôte. Selon un membre du M23, Runiga aurait été interpelé pour "franchissement illégal de la frontière", mais aurait ensuite demandé l'asile au Rwanda, avant de préciser vouloir se rendre en Ouganda.

Nouveau "bras de fer" avec Kinshasa ?

Première conséquence de la bataille entre factions du M23 : l'arrêt des négociations de Kampala entre les rebelles et le gouvernement congolais. Kinshasa a rappelé sa délégation, suivi par celle du M23 pour "consultation". Officiellement donc, on ne discute plus, ce qui augure mal de l'avenir des pourparlers. Deuxième conséquence : le renforcement de Sultani Makenga au sein de la rébellion. Si le commandant militaire du M23 a toujours contrôlé "le gros" des effectifs rebelles, il règne désormais sans partage sur le mouvement : Runiga, le politique, qu'il n'appréciait guère, est hors-jeu et Ntaganda, "le rival", "le traître", est en fuite dans la jungle des Virunga. Dans ces circonstances, le M23 pourrait être tenté de remettre la pression sur Kinshasa. L'envoi prochaine d'une force d'intervention rapide de l'ONU sur le terrain et le blocage des négociations avec le gouvernement congolais pourrait pousser les rebelles à "un nouveau bras de fer sur le terrain". Un responsable du M23 nous confiait qu'il était même "inévitable". Avec toujours dans le viseur de la rébellion : la ville de Goma, que le M23 avait fait tombé en quelques heures, fin novembre 2012.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Jean-Marie Runiga "interpelé au Rwanda" © DR

16 mars 2013

RDC : Runiga arrêté, Ntaganda en fuite

Les événements se sont accélérés dans le conflit qui oppose les deux factions rivales du M23. Son ancien président, Jean-Marie Runiga, a été arrêté au Rwanda. Bosco Ntaganda serait toujours en fuite dans le parc des Virunga avec une trentaine d'hommes. Le M23 se dit "déterminé à arrêter Bosco Ntaganda".

Afrikarabia logo V2.pngDans la guerre intestine qui fait rage entre les courants de la rébellion M23, les partisans de Sultani Makenga ont pris l'ascendant sur le général Bosco Ntaganda. Les pro-Makenga contrôlent désormais de la localité de Kibumba (à 30 km de Goma), obligeant les proches de Ntaganda à fuir vers le Rwanda voisin.

Selon les informations dont Afrikarabia disposent ce samedi, l'ancien responsable politique du M23 destitué par Sultani Makenga, Jean-Marie Runiga, a été arrêté au Rwanda. D'après Stanislas Baleke, un haut responsable du M23 arrivé en début d'après-midi à Kibumba, Jean-Marie Runiga aurait été blessé dans les combats avant de s'enfuir au Rwanda et d'être ensuite arrêté. Les troupes fidèles à Makenga ont pris possession de la maison où s'étaient réfugiés Runiga et Ntaganda avant leur fuite. Le véhicule de Bosco Ntaganda aurait également été retrouvé. Baudouin Ngaruye, un proche de Ntaganda et Runiga a été "désarmé" à  la frontière rwandaise. Il aurait affirmé n'avoir "aucun lien avec Ntangada", recherché par la Cour pénal internationale (CPI). Le Lieutenant-colonel Muhire a également été arrêté à Gisenyi, au Rwanda.

Concernant, Bosco Ntaganda, peu d'informations fiables sont actuellement disponibles. L'attaque de Kibumba par les troupes de Makenga, l'a obligé à fuir dans le parc des Virunga, avec 200 de ses hommes. Mais l'aile Makenga affirme que Ntaganda ne disposerait plus "que d'une trentaine de militaires". Certaines sources donnait le colonel Innocent Zimurinda pour mort, mais selon nos informations en provenance de Kibumba, il serait au Rwanda.

Depuis Kibumba, sous contrôle de Sultani Makenga, Stanislas Baleke a déclaré à Afrikarabia être "déterminé à arrêter Bosco Ntaganda". "On l'arrêtera, c'est sûr" affirme-t-il, "mais il faut que la communauté internationale et la Monusco nous facilent les choses sur le terrain".

En fin d'après-midi, ce samedi, la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louis Mushikiwabo, a confirmé la présence de Jean-Marie Runiga au Rwanda. L'ancien président du M23 aurait demandé à se rendre en Ouganda. Le site d'information Great Lakes Voices indiquait que des rumeurs donnaient Bosco Ntaganda "détenu par la Police militaire du camp Kanombe". Une information que n'a pas pu confirmer Great Lakes Voices, ainsi que nos sources sur place qui assurent que Ntaganda aurait trouvé refuge dans les Virungas.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

INFORMATIONS MISES A JOUR : Samedi 16 mars 2013 à 17h00 (Paris)

14 mars 2013

Accords avec le M23 : C'est mal parti !

Alors qu'un projet d'accord entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais a été révélé par la presse, sa signature, prévue le 15 mars, paraît peu probable. La faction proche de Sultani Makenga affirme ne pas vouloir signer un tel document.

Image 1.pngDepuis quelques jours, les grandes lignes d'un projet d'accord entre les rebelles du M23 et le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) ont été divulguées par deux agences de presse internationales. Le texte prévoyait l'amnistie de certains membres du M23 qui ne font pas l’objet des poursuites judiciaires ou l’accélération du retour des réfugiés vivant dans les pays voisins. Le document stipulait également que le M23 devait déposer les armes "avant le déploiement de la brigade d’intervention de la Monusco" et que les deux parties devaient libérer "tous les prisonniers de guerre". Ce projet d'accord, authentifié par la délégation gouvernementale, devait être signé vendredi 15 mars à Kampala pour clôturer le cycle de pourparlers entre les rebelles et Kinshasa. Seul souci, une des deux factions rebelles du M23, rejette le texte.

Deux délégations M23

Depuis fin février 2013, la donne a changé au sein de la rébellion. Le commandant militaire du M23, Sultani Makenga, a destitué le président politique du mouvement, Jean-Marie Runiga, et les deux factions se sont livrées à des combats acharnés dans les territoires qu'ils contrôlent au Nord-Kivu. Le M23 est désormais scindé en deux factions rivales : les pro-Makenga et les pro-Runiga alliés à Bosco Ntaganda. La scission du M23 pose aujourd'hui plusieurs difficultés pour entrevoir une sortie de crise, notamment à Kampala, où deux délégations rebelles "représentent" désormais la rébellion. La signature d'un accord devient donc des plus incertaines.

Le M23 "n'est pas prêt"

Selon Stanislas Baleke, responsable du M23 et proche de Sultani Makenga, son mouvement "ne reconnaît aucun projet d'accord avec le gouvernement auquel il n'a pas participé". Interrogé par Afrikarabia sur la possibilité d'un accord, Stanislas Baleke affirme que "le M23 n'est pas prêt à signer un tel texte". Concernant le courant représenté par Jean-Marie Runiga et Bosco Ntaganda, Stanislas Baleke affirme qu'il n'y a "qu'un seul M23 et un groupe d'indisciplinés" (le camp Ntaganda, ndlr). Il est donc très probable qu'aucun document ne soit signé vendredi à Kampala.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia