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04 septembre 2012

RDC : Quand Mende "débrief" Kabarebe

Nouvelle passe d'armes entre Kinshasa et Kigali. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, est revenu sur les déclarations de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Dans un entretien, James Kabarebe avait nié le soutien de Kagali aux rebelles du M23 et avait violemment attaqué l'armée et le gouvernement congolais. La réponse n'a pas tardé.

Afrikarabia logo.pngDans une interview au journal Le Soir, le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe avait fermement réfuté tout soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Un récent rapport de l'ONU avait accusé Kigali de fournir des hommes et des armes au M23, qui se bat contre l'armée congolaise à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kabarebe affirmait que "chaque fois que quelque chose ne va pas au Congo, on désigne le Rwanda". Au sujet de l'armée congolaise et de son gouvernement, les attaques étaient nettement plus virulentes : "au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide". Ou encore concernant l'armée : "ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre. Dans les conditions où ils se trouvent, ils ne tueraient même pas un rat…".

Propos "arrogants"

Dans sa conférence de presse du 3 septembre, le ministre de l'information de RDC, Lambert Mende en a prfité pour "débrief" l'interview de Kabarebe : "les propos arrogants et discourtois du ministre rwandais à l’encontre du leadership congolais sont révélateurs d’un état d’esprit malsain dans les hautes sphères du pouvoir au Rwanda à l’égard de la RDC et de son peuple". Selon Lambert Mende, "le gouvernement rwandais s’agite parce qu’il digère mal son échec diplomatique dans la énième crise qu’il a suscitée chez nous". Et de s'étonner : "pourquoi de tous les neuf voisins de la RDC, seul le Rwanda souffrirait des conséquences de cette prétendue mauvaise gouvernance ?"

Contre-feu

Lambert Mende en a également profité pour immédiatement lancer un contre-feu concernant la polémique sur le retrait de plus de 300 soldats rwandais du territoire congolais. Vendredi, Kigali annonçait en grande pompe le départ de quelques centaines d'hommes de RDC, provoquant une vive controverse dans l'opinion congolaise qui croyait ces soldats partis depuis... 2009 ! L'annonce de Kigali était visiblement destinée à mettre dans l'embarras les autorités congolaises au sujet de la présence "officieuse" de troupes rwandaises chez lui. Pour Lambert Mende, l'opération de retrait menée par Kigali prouve l'existence de soldats rwandais à l'Est de la RDC (ce que Lambert Mende ne dit pas c'est si Kinshasa était courant) et donc validerait le "soutien" de Kigali aux rebelles du M23, qui se trouvent être dans la même zone. Le porte-parole du gouvernement accuse également Kigali d'avoir profité de ce retrait pour "exfiltrer" certains de ses hommes qui "soutenaient" le M23. Selon Lambert Mende, les soldats rwandais ont "préféré rentrer au Rwanda par une zone sous contrôle de la pseudo-mutinerie du M23. Pire, Kigali a refusé toute présence de la Monusco au titre de témoin international de ce mouvement de retrait"... preuve de l'ambiguïté sur la mission de ces soldats rwandais.

Double-jeu ?

L'ambiance s'est donc nettement tendue entre la RDC et Rwanda. Les alliés d'hier se sont lancés dans une course aux invectives qui ne fait (pour l'instant) que renforcer le sentiment violemment anti-rwandais qui prédomine en RDC et principalement dans la capitale, Kinshasa. Il faut dire que depuis 2009, les autorités congolaises avaient déjà toutes les peines du monde à essayer de convaincre son opinion de l'intérêt de son rapprochement avec Kigali. Car jusqu'à l'arrestation du rebelle Laurent Nkunda, le 23 janvier 2009, le Rwanda était alors soupçonné de soutenir la rébellion tutsie du CNDP (comme aujourd'hui avec le M23). Avec l'arrestation de Nkunda, Kagame et Kabila se sont rapprochés, jusqu'à mettre en place des opérations armées conjointes congolo-rwandaises à l'Est du pays. Aujourd'hui, alors qu'une nouvelle rébellion agite le Nord-Kivu, le Rwanda est de nouveau pointé du doigt. Les Congolais ont donc un peu de mal à croire leur gouvernement, lorsque, la main sur le coeur, il dénonce le plan machiavélique de Kigali pour "balkaniser" les Kivus. L'opposition croit plutôt que le pouvoir est toujours sous influence de Kigali et joue double jeu.

Haute Trahison ?

Le 4 septembre, une vingtaine de partis d'opposition demande une mise en accusation pour "haute trahison" du président Joseph Kabila. En cause : la guerre dans les Kivus. Selon les signataires du texte, Joseph Kabila est responsable du fameux accord du 23 mars, dont la rébellion du M23 revendique l'application. Pour l'opposition, "le contenu de cet accord a été délibérément caché, tant aux institutions qu'à la population congolaise". Sous-entendu : l'accord donnait trop de place aux rebelles du CNDP (devenu M23 aujourd'hui). Le texte de cette coalition d'opposition estime "totalement établie la complicité du pouvoir (Kinshasa, ndlr) avec les agresseurs (Kigali, ndlr)". En attendant, le gouvernement congolais compose un numéro d'équilibriste, qui sera de plus en plus difficile à tenir avec le temps.

Christophe RIGAUD

02 septembre 2012

RDC : Kigali contre-attaque

Accusé de soutenir la rébellion du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda passe à l'offensive. Médiatique tout d'abord, avec l'interview fleuve de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Militaire ensuite, en retirant un bataillon de RDC, qui opérait "officieusement" avec l'armée congolaise. Dans les deux cas, l'objectif est le même : embarrasser et gêner Kinshasa sur la scène internationale, voir l'humilier.

filtre DSC02394.jpgDepuis avril 2012, les rebelles du M23 mènent la vie dure aux soldats de l'armée congolaise au Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). En quelques semaines, la rébellion s'est emparée des plusieurs localités et menace aujourd'hui la ville de Goma, la capitale provinciale. L'armée congolaise, mal payée, mal préparée, mal encadrée et peu motivée, cède du terrain, presque sans combattre. Très rapidement, le Rwanda voisin est pointé du doigt. Un rapport de l'ONU soupçonne Kigali de soutenir et de fournir en hommes et en armes le M23. Le Rwanda dément, mais le rapport fait grand bruit et embarrasse Paul Kagame, le maître de Kigali.

Dans un premier temps, Kigali se défend timidement en apportant une réponse écrite aux allégations des experts de l'ONU. Le rapport serait "biaisé", les sources "peu fiables" et certaines informations "invérifiables". Les explications sont jugées peu convaincantes par l'ONU. Kigali décide donc de contourner l'obstacle... en attaquant Kinshasa. L'opération se passe en deux temps. Premier acte : interview-explication de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Deuxième acte : retrait des dernières troupes rwandaises de RDC, alors que tout le monde les croyait parties depuis 2009 et la fin de l'opération "Umoja Wetu".

Acte I L'explication

Dans une interview fleuve, menée par Colette Braeckman, James Kabarebe, ministre de la défense du Rwanda, se lance dans une explication de texte périlleuse dans laquelle il tente de prouver que Kigali n'a jamais soutenu le M23. Spécialiste ès Congo, Kabarebe connaît bien le dossier. Il était aux côtés de Laurent-Désiré Kabila en 1997 lors de la prise de Kinshasa et a même occupé le poste de ministre de la défense de la RDC jusqu'en 1998, avant de revenir au Rwanda.

Selon Kabarebe, le Rwanda a toujours joué les bons offices entre les autorités congolaises et les officiers congolais "futurs M23", à l'époque proche de Bosco Ntaganda, que Kinshasa voulait capturer. Kabarebe explique les différentes navettes entre les officiers congolais et Kigali pour trouver un terrain d'entente. Concernant le rapport des experts de l'ONU, le ministre de la défense y trouve de nombreuses incohérences. Par exemple au sujet des renforts rwandais au M23 à Runyonyi : "J’ai connu cette région autrefois. Runyonyi ne se trouve pas sur la frontière, marcher depuis la frontière rwandaise jusque Runyonyi, cela prend au moins onze heures de marche, il faut traverser la forêt car il n’y a pas de routes, il n’y a aucun lien entre Runyonyi et le Rwanda. Toute cette histoire de soutien que le Rwanda aurait apporté est une manipulation." Au sujet des soldats du M23, trouvés avec des cartes d'identités rwandaises :  "alors que nous nous trouvions à Goma pour une réunion, le chef de l’intelligence militaire congolaise vint me voir dans ma chambre et, à propos de l’histoire de ce capitaine, il me dit « nous commettons une grande erreur en fabriquant ce genre d’histoires contre le Rwanda, cela nous a déjà coûté tellement cher…Ce capitaine Saddam appartient l’armée congolaise, mais c’est Kalev qui a décidé de fabriquer une fausse carte d’identité rwandaise et d’envoyer ce témoignage truqué aux Nations unies…Comment imaginer que des décisions soient prises sur de telles bases ?". Concernant, la présence de soldats rwandais au sein du M23 : "Nous avons de grosses ambassades au Rwanda, et elles ont les moyens de faire du renseignement. Elles surveillent certainement les mouvements de troupes, de logistique, les mouvements vers la frontière. Or depuis les six dernières années au moins, il n’y a aucun mouvement vers la frontière…Comment le Rwanda pourrait il combattre en RDC sans qu’aucun mouvement ne soit visible ?". Au final, si les arguments avancés par Kabarebe sont plausibles, le contraire l'est aussi et le catalogue de preuves du groupe d'experts de l'ONU laisse peu de place aux doutes. Retenons seulement qu'avant le début des hostilités et la création du M23, Kabarebe explique que Kigali a été à la manœuvre pendant toutes les discussions préalables entre Kinshasa, Ntaganda, les officiers mutins et les futurs M23. Toutes les réunion se passaient à Kigali ou au Rwanda. On peut donc s'avancer sans se tromper, qu'au moins une partie de la solution de la guerre du Kivu se trouve... à Kigali.

Tout aussi intéressant, certaines réponses de Kabarebe traduisent bien la tonalité des rapports entre Kigali et Kinshasa : exécrables, voir désobligeants. Dans son interview, Kabarebe n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur l'armée congolaise (qu'il a bien connu) et le gouvernement de Kinshasa. "Au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide", explique Kabarebe. "Le mauvais management des troupes est au cœur du problème" poursuit-il, "comment pouvez vous envoyer des troupes en opération en leur donnant seulement une poignée de haricots secs ! Au lieu de leur envoyer de la nourriture, vous leur donnez un sac de haricots, sans eau, sans sel, sans riz, sans casserole ni bois de feu… C’est impossible". Et de conclure : "on ne peut pas dire que l’armée congolaise a échoué à battre le M23, car le M23 était soutenu par le Rwanda. Non. Ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre, dans les conditions où ils se trouvent. Ils ne tueraient même pas un rat…".

Acte II L'humiliation

Après l'interview assassine de James Kabarebe au journal belge Le Soir, le deuxième acte se déroule deux jours plus tard sur le terrain militaire. Le 31 août, le Rwanda annonce le retrait d'environ 280 de ses hommes de l'Est du Congo. Problème : tout le monde croyait les soldats rwandais partis. Les opérations conjointes entre les deux armées congolaises et rwandaises avaient pris fin en 2009 avec l'opération baptisée "Umoja Wetu". La présence de soldats rwandais sur le sol congolais, alors même que l'on accuse Kigali de soutenir une rébellion à l'Est du pays, jette un trouble à Kinshasa. Selon Thierry Vircoulon, directeur pour l'Afrique centrale de l'International Crisis Group, qui s'exprimait sur RFI : "Kigali a voulu montrer qu'elle avait eu l'autorisation par le passé d'avoir des troupes présentes au Nord-Kivu pour lutter contre les FDLR. Et ceci avait été agréé par Kinshasa, sans bien sûr en informer son opinion publique". Un bon moyen donc, pour le Rwanda d'embarrasser son voisin congolais aux yeux de la communauté internationale. Kinshasa s'est en effet souvent drapé des habits de la victime face au méchant Rwanda. Kigali a voulu ainsi se venger en révélant ses accords secrets avec Kinshasa, qui autorisaient la présence de soldats rwandais sur son sol.

Redorer l'image écornée du Rwanda et gêner Kinshasa étaient donc les deux objectifs de l'offensive médiatique de Kigali. Dans son interview, James Kabarebe désigne pour terminer les deux "responsables" de la crise actuelle au Nord-Kivu : l'Occident qui voulait arrêter Bosco Ntaganda et Kabila qui voulait le faire pour faire plaisir à la communauté internationale après sa réélection douteuse. "Tout cela a engendré un grand chaos" conclut Kabarebe. Sur ce dernier point, on ne peut pas le contredire.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

31 août 2012

RDC : La résidence privée d'Etienne Tshisekedi vandalisée

Selon l'UDPS, le principal parti d'opposition de République démocratique du Congo (RDC), la résidence privée de son président a été vandalisée par des soldats dans la nuit du 29 août 2012. L'UDPS dénonce "la fouille systématique de toute les maisons" du village d'Etienne Tshisekedi, Kabeya-Kamwanga "à la recherche d'armes et du Colonel dissident John Tshibangu".

Image 1.pngDans un communiqué, l'UDPS affirme que "des hommes en uniformes lourdement armés" ont investi le village du président du parti, Etienne Tshisekedi, Kabeya Kamwanga (Kasaï) dans la nuit du mercredi 29 août 2012. Selon l'UDPS : "ces soldats ont procédé à la fouille systématique de toutes les maisons dont la résidence privée du président au motif qu'ils étaient à la recherche d'armes ainsi que du Colonel dissident John Tshibangu".

L'UDPS note que les soldats "n'ayant rien trouvé, se sont livrés à des actes de vandalisme". Le Parti d'opposition dénonce même des "viols", des "arrestations arbitraires" et de "nombreuses disparitions".

Le Colonel John Tshibangu a fait défection des FARDC, l'armée régulière congolaise, depuis le 16 août 2012. Depuis cette date, le gouverneur de la province du Kasaï Occidental s'est lancé dans une véritable traque au colonel dissident. Soupçonné d'être proche des rebelles du M23, John Tshibangu ne cache pas son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y installer Etienne Tshisekedi.

Christophe RIGAUD

Photo : E.Tshisekedi à Bruxelles en 2011 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

30 août 2012

RDC : Hollande à Kinshasa agite l'opposition

La venue de François Hollande au 14ème Sommet de la Francophonie continue de faire polémique. Si Kinshasa se félicitent de la participation du président français, les voix de l'opposition congolaises sont plus dissonantes.. Il y a les "contre", les "pour"...et ceux qui font avec.

Capture d’écran 2012-08-30 à 22.33.33.pngAprès la fin du suspens sur la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa, voici venu le temps des commentaires, des positionnements politiques... et des controverses. Sans surprise, le porte-parole du gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) affiche une certaine satisfaction après l'annonce de la venue du président français à Kinshasa. Une décision qui "rend justice au peuple congolais", qui, "malgré la guerre qui prévaut dans le Kivu, fournit tous les efforts chaque jour et accepte des sacrifices, pour être prêt pour ce rendez-vous".

Contre

Du côté de l'opposition, plusieurs sons de cloches se font entendre. Dans la catégorie des "farouchement contre", on trouve l'UDPS, le premier parti d'opposition en RDC. Etienne Tshisekedi, le patron de l'UDPS, demandait le boycott du président français ou la délocalisation du Sommet de la Francophonie dans un autre pays, comme cela a déjà été le cas en 2010 pendant la crise de Madagascar. Les motifs invoqués par l"UDPS sont clairs : les élections de novembre 2011 ont été truquées et le régime de Kinshasa ne respecte pas les droits de l'homme. Le parti dénonce "la violente répression des opposants politiques", "les disparitions" et "les assassinats", notamment celui du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya en juin 2010. Après l'annonce de la décision de François Hollande de venir malgré tout à Kinshasa pour "réaffirmer les principes et les idéaux" de la Francophonie, quitte à "tout dire" au président Joseph Kabila, l'UDPS ne décolère pas. "Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains. Les engagements de campagne (du candidat François Hollande, ndlr) sont restés lettre-morte", tempête l'UDPS. Pour le parti d'Etienne Tshisekedi, "les autorités françaises cautionnent les élections calamiteuses de novembre 2011 dont les résultats sont rejetés par tous". Et de conclure qu'il s'agit "d'un motif de plus pour radicaliser le combat". Si on lit entre les lignes on peut donc s'attendre à des appels à la "mobilisation populaire", en clair : des manifestations, dans les rues de Kinshasa avant et pendant le Sommet, prévu du 12 au 14 octobre.

"Farouchement contre" également, l'association "Convergence pour l’émergence du Congo", menée par Jean-Louis Tshimbalanga. Ce français d'origine congolaise a saisi la justice française pour tenter d'empêcher la tenue du Sommet à Kinshasa. Selon lui, "François Hollande a été induit en erreur. Yamina Benguigui (la ministre déléguée à la Francophonie, ndlr) n'a pas fait son travail à son retour de Kinshasa. Il fallait délocaliser le Sommet au Sénégal ou à Maurice." Jean-Louis Tshimbalanga en veut aussi beaucoup à Abdou Diouf, le patron de l'Organisation International de la Francophonie (OIF) contre qui il a porté plainte. Pour le président de cette association, "organiser ce Sommet à Kinshasa viole la Charte de la Francophonie et la déclaration de Bamako. Il y a des millions de morts au Congo, des femmes violées, des élections truquées, le pays est en guerre à l'Est. Madame Benguigui aurait dû signaler à François qu'il ne devait pas se rendre là-bas". Avant de conclure : "Yamina Benguigui nous dit que la politique de la chaise vide ne sert à rien, qu'elle me prouve que la politique de la chaise pleine sert à quelques chose !"

Pour

Dans l'opposition, d'autres voix se font entendre et considère que la venue de François Hollande est une chance pour se faire entendre. Parmi elles, on trouve Martin Fayulu, président de l'Ecidé, un parti proche d'Etienne Tshisekedi. Sur le site de RFI, ce député d'opposition "se déclare satisfait de la déclaration de François Hollande" et  "espère que le président français va aider à faire avancer la démocratie : revenir sur le scrutin présidentiel à un tour, la création de la cour constitutionnelle et le départ du président de la Céni." Même réflexion de Jonas Tshiombela de la nouvelle société civile congolaise, toujours sur le site de RFI, qui se demande : "qu’est ce que cela changerait en RDC, si François Hollande ne venait pas ?"

A Paris, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko, membre du RDPC et candidat aux législatives dans le Bas-Congo, est lui aussi satisfait de la venue de François Hollande dans la capitale congolaise. Clairement opposé au régime du président Kabila, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko a toujours souhaité la tenue du Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo ainsi que la présence de François Hollande. Membre du parti socialiste, tout comme le président français, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko salue "le courage politique" de Hollande "n’en déplaise aux participants du boycott". Il espère que François Hollande saura "redonner espoir aux millions de Congolais, sans pour autant cautionner un pouvoir non accepté par la grande majorité d’entre eux". Selon Lonsi-Koko, l'absence de François Hollande à Kinshasa aurait pu avoir des conséquences néfastes et notamment "fragiliser davantage la République Démocratique du Congo, le plus grand bastion francophone, au point de l’exposer aux menaces du Rwandais Paul Kagamé et de l’Ougandais Yoweri Museveni dont les parrains anglophones jouent un rôle important dans la région des grands lacs." Seul bémol pour cet opposant congolais : "si les intentions de François Hollande sont bonnes (réaffirmer les règles démocratiques, la bonne gouvernance et le respect es droits de l'homme, ndlr), attention de ne pas suivre le même chemin que ses prédécesseurs et ne rien faire".

Attend de voir

A mi-chemin entre ces deux positions, Vital Kamerhe, l’ancien président de l’assemblée nationale, a déclaré sur le site de RFI que si "la France est souveraine dans ses décisions", "il y a une crise de légitimité du pouvoir Kabila et les droits de l’homme ne sont pas respectés". Le président de l'UNC attend donc que le président français prenne des "positions fermes" pendant le Sommet et soit "clair", sinon "il ne pourra pas se sentir à l’aise pour faire une fête culturelle à Kinshasa." Justement, pour clarifier la position française, Jean-Louis Tshimbalanga de l'association "Convergence pour l’émergence du Congo", propose un "débat télévisé" à Yamina Benguigui, la ministre déléguée à la Francophonie pour "donner la parole aux Français" sur le prochain Sommet.

Christophe RIGAUD

28 août 2012

RDC : Rumeur sur la mort de l'opposant Diomi Ndongala

Plusieurs sources à Kinshasa affirment que l'opposant congolais Diomi Ndongala serait mort en détention lundi 27 août 2012. Il y a quelques jours, Amnesty International affichait ses craintes sur le sort et l'état de santé de Diomi Ndongala, qui serait détenu par les services de renseignements congolais. Kinshasa accuse ce parlementaire de viol et affirme qu'il est en fuite.

Image 1.pngDiomi Ndangala est-il encore en vie ? Certains proches affirment, depuis ce lundi, que le président de la Démocratie Chrétienne (DC), un parti d'opposition proche d'Etienne Tshisekedi, serait mort en détention. Depuis le 27 juin 2012, l'opposant congolais a disparu. Amnesty International, inquiète sur son sort, rappelle "qu'il a quitté son domicile en voiture (une Mitsubishi blanche aux vitres teintées) pour se rendre à un événement organisé par son parti politique à la cathédrale Notre-Dame-du-Congo, à Kinshasa." Ce parlementaire reconnu de République démocratique du Congo (RDC), s'apprêtait  à signer une charte avec plusieurs partis d'opposition. Selon Amnesty, "il n'est jamais arrivé à destination et personne, même pas sa famille, ne l'a vu ni entendu depuis lors".

Les autorités congolaises donnent une autre version de la "mystérieuse" disparition de Diomi Ndongala : le parlementaire devait être arrêté par la police pour viol sur mineures et serait "en fuite". Depuis, Kinshasa a toujours nié détenir le député Ndongala dans ses prisons.

Dernièrement, Amnesty International affirme avoir des informations récentes sur l'opposant congolais. Selon l'ONG, Diomi Ndongala serait "actuellement détenu au secret par les services du renseignement, à Kinshasa. Plusieurs sources ont indiqué qu'il se trouvait d'abord au camp militaire de Tchatchi, puis à la troisième direction des services nationaux du renseignement, à Kinshasa, où il aurait été détenu jusqu'au 2 août. D'après d'autres sources, il a été vu aux alentours du 16 août à la Cité de l'OUA, complexe immobilier appartenant à la présidence". Amnesty, comme certains de ses proches, affirment que le parlementaire "serait en mauvaise santé et aurait perdu beaucoup de poids car il a manqué de nourriture et a été privé des soins nécessaires au traitement de ses pathologies chroniques".

Depuis lundi 27 août, trois mois après sa disparition, des sources proches de Ndongala le donne pour mort et demandent à la Monusco (les troupes de l'ONU en RDC), à la France et à la Belgique de faire pression sur Kinshasa pour rendre le corps du député congolais. Pour l'instant, nous ne pouvons évidemment pas confirmer cette information.

Comme dans l'affaire Chebeya, ce militant des droits de l'homme assassiné en 2010, le sort de Diomi Ndongala empoissonne le climat politique à Kinshasa. Selon l'opposition, le cas Ndongala "discrédite" Kinshasa, qui s'apprête à accueillir au mois d'octobre, le XIVème Sommet de la Francophonie. Plusieurs ONG avaient appelé François Hollande à "ne pas se rendre à Kinshasa", pour ne pas "légitimer" le régime du président congolais Joseph Kabila. Le principal parti d'opposition en RDC, l'UDPS,avait même réclamé la délocalisation du Sommet. Le président français, François Hollande, qui se rendra finalement à Kinshasa en octobre, a déclaré vouloir réaffirmer en RDC un certain nombre "de principes et d'idéaux" et rencontrera "l'opposition politique, les militants associatifs et la société civile". L'affaire Ndongala sera sans nul doute au menu.

Christophe RIGAUD

 

26 août 2012

RDC : "L'UE doit suspendre son appui budgétaire au Rwanda" selon l'EurAc

Le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc) demande à l'Union européenne (UE) et à ses états membres de geler "toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Un rapport de l'ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Capture d’écran 2012-08-25 à 14.57.41.pngL'Union européenne (UE) suivra-t-elle la décision de plusieurs Etats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas ou Suède) de suspendre son aide financière à Kigali pour son soutien à la rébellion du M23 ? C'est ce que demande, le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc).

En juin 2012, un rapport du groupe d'experts de l'ONU avaient apporté "un nombre important de preuves convergentes" de l'aide logistique, en armes et en hommes, du Rwanda aux rebelles du M23 dans l'Est de la RDC. Ce groupe armé est en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa qu'il accuse de ne pas avoir respecté les accords de paix du 23 mars 2009. Le M23 contrôle la zone frontalière de Bunagana avec l'Ouganda, la ville de Ruthsuru et menace de faire tomber la ville de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu.

L'EurAc rappelle qu'il y a peu de doute, d'après le rapport de l'ONU, sur la véracité de l'aide rwandaise au M23. Les experts ont affirmé avoir interviewé "plus de 80 déserteurs issus de la mutinerie contre les FARDC et des groupes armés congolais, y compris du M23, parmi lesquels 31 étaient des ressortissants rwandais". Le rapport  "présente des photos de caches d’armes, des documents officiels et des messages radio interceptés. Enfin, lorsque des personnes étaient nommées, le groupe d’experts a procédé à des vérifications auprès de 5 sources concordantes, considérées comme crédibles et indépendantes, au lieu des 3 sources exigées", explique l'EurAc.

Le Rwanda a toujours démenti son soutien au M23 et Kigali a même publié "une réponse officielle" au rapport des experts, dénonçant des données "biaisées" et "invérifiables", "ne tenant pas compte du point de vue rwandais". Dans son communiqué, l'EurAc conclut "qu’il est fort peu probable que le contenu de l’additif (du rapport de l'ONU, ndlr) soit erroné et/ou falsifié comme l’affirme le Rwanda. L’argument selon lequel le Rwanda n’a pas été entendu n’est pas convaincant dans la mesure où le gouvernement n’a pas répondu à l’invitation qui lui avait été faite de donner son point de vue. A la lecture de la contre-argumentation avancée par le gouvernement  rwandais, EurAc ne voit pas de raisons de douter de l’analyse présentée par l’additif."

L'EurAc rappelle enfin que "ces dernières années, le rôle actif joué par le Rwanda dans les conflits armés en RDC a été largement documenté, notamment par l’ONU. Dans le rapport mapping de l’ONU publié en 2010, le Rwanda était accusé d’être impliqué dans les violences et atrocités commises en RDC entre mars 1993 et juin 2003. Aujourd’hui nous avons, comme en 2008, les preuves du soutien du Rwanda à des groupes rebelles opérant à l’Est de la RDC". Et de conclure "qu'en dépit de ces accusations, un certain nombre de pays avait, à l’époque, continué à considérer le Rwanda comme un partenaire privilégié".

Dernièrement, Washington, fidèle allié du Rwanda, a tout de même haussé le ton en décidant de suspendre son aide militaire à Kigali. Une sanction toutefois très limitée, puisqu'elle ne touche qu'une école de formation de sous-officiers, pour la somme assez modeste de 160.000 euros. Pas de quoi effrayer Kigali. Mais rapidement, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et Suède ont emboîté le pas. EurAc appelle donc l’Union Européenne et tous ses Etats membres à faire de même et de "suspendre définitivement toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Selon le réseau réseau européen pour l'Afrique centrale, "ces mesures constitueraient une première étape en vue d’une révision de la politique de coopération avec le Rwanda. L’Union Européenne et ses Etats membres devraient également prendre en compte la situation préoccupante en matière de démocratisation, de bonne gouvernance et de respect des droits humains".

Concernant le soutien de Kigali aux rebelles du M23, le groupe d'experts de l'ONU doit rendre son rapport final en octobre 2012. En attendant, la situation militaire s'est figée sur le terrain. Le M23 parle de "trêve". La rébellion se tient toujours à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma.

Christophe RIGAUD

23 août 2012

RDC : Hollande et le piège de Kinshasa

Le XIVe Sommet de la Francophonie doit se tenir à Kinshasa en octobre prochain. Un bien mauvais endroit et un très mauvais moment pour le président François Hollande, qui hésite encore à se rendre en République démocratique du Congo (RDC). Paris a demandé des gages à Kinshasa sur le dossier des élections "frauduleuses" de 2011 et le procès Chebeya. Il semble peu probable que les autorités congolaises fassent la moindre concession. En se rendant à Kinshasa, François Hollande sera perdant sur tous les tableaux. Explications.

siège OIF francophonie.jpgA deux mois du Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé en octobre prochain, la venue de François Hollande dans la capitale congolaise fait toujours débat. Depuis les "graves irrégularités" des élections de novembre 2011, dénoncées par la mission de l'Union européenne, le nouveau président français semblait hésiter à se rendre à Kinshasa. L'opposition congolaise, soutenue par de nombreuses ONG internationales étaient vent debout pour dénoncer le régime du président Joseph Kabila. Un régime, qui "n'est pas un Etat de droit, mais policier", selon le principal parti d'opposition, l'UDPS. Pour les opposants au président Kabila, le Sommet de la Francophonie "n'a rien à faire à Kinshasa, un pays où l'on truque les élections et où on assassine les militants des droits de l'homme".

Deux dossiers "chauds"

Le 9 juillet, après une rencontre entre François Hollande et Adbou Diouf, à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l'Elysée estimait  que « les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) doivent démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit ». Deux dossiers sont particulièrement embarrassants pour le nouveau président français. Il y a tout d'abord les élections "frauduleuses" de novembre 2011, qui nécessitent une réforme complète de la CENI (la Commission électorale) et le départ de son président Daniel Ngoy Mulunda, jugé trop proche de Joseph Kabila. Le deuxième dossier concerne le procès de l'assassinat du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya, qui doit aller à son terme. Toutes les pistes convergent vers la mise en accusation de John Numbi, le chef de la police. Mais cet ancien bras droit du président Kabila chargé de la sécurité, n'est toujours pas arrêté.

"Kabila ne lâchera pas Mulunda"

Paris a donc souhaité que Kinshasa donne rapidement des gages de bonne volonté sur ces deux dossiers. Selon un spécialiste bien informé de la région, il semblerait que Kinshasa ne fera aucune concession sur ces deux sujets. Concernant la réforme de la CENI, toujours d'après ce spécialiste, "Kabila ne veut pas lâcher Mulunda", le très contesté président de la CENI et ce, "malgré les fortes pressions internationales". Un projet de loi serait pourtant à l'étude à l'Assemblée nationale pour le 15 septembre. Compte tenu de l'importance du sujet, il y a donc peu de chance que ce projet soit voté avant la tenue du Sommet, prévu le 12 octobre. Le "toilettage" de la CENI se fera donc "à minima", le projet de réforme proposé par l'opposition en juin 2012 étant déjà très timide. Du coup, le calendrier électoral reste toujours au point mort, avec un grand point d'interrogation concernant la tenue des élections provinciales, qui bloquent par conséquent, la bonne marche du Sénat. Côté financier, les bailleurs ne sont toujours pas au rendez-vous, devant le flou électoral maintenu par Kinshasa. Sur ce dossier, il y a donc peu de chance que Paris obtienne des actes forts de la part de Kinshasa. Et si concessions il y a, "elles seront cosmétiques" selon ce spécialiste.

Numbi arrêté et… relâché

Le deuxième dossier brûlant entre Paris et Kinshasa concerne le procès Chebeya qui passe actuellement en appel. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion internationale. L'enjeu principal de l'appel consiste à remonter à John Numbi, le "commanditaire" présumé du meurtre. Chef de la police congolaise à l'époque, Numbi était aussi le monsieur sécurité du président Kabila. Mis "au vert" par Kabila lui-même, les parties civiles demandent sa comparution devant le tribunal… en vain. Paris souhaitait également dans ce dossier que la justice puisse faire son travail. Mais il y a peu de chance de retrouver John Numbi dans le box des prévenus. Il y a déjà eu une tentative d'arrestation (peu médiatisée) de Numbi à la mi-juillet 2012 à Lubumbashi, au Katanga. L'ancien chef de la Police a été brièvement interpelé pendant deux jours, puis relâché après "une longue discussion avec Joseph Kabila". Comme Mulunda, il semble donc peu probable que le président congolais laisse tomber Numbi après l'épisode de la tentative d'arrestation.

Le dossier rwandais s'invite à Kinshasa

Autre mauvais timing : la reprise de la guerre à l'Est de la RDC, où une rébellion, le M23, soutenue par le Rwanda, tient tête à l'armée congolaise au Nord-Kivu. La rébellion contrôle plusieurs localités, dont Bunagana et Rutshuru. Le Sommet de la Francophonie constituera la première sortie africaine de François Hollande. Le nouveau président français va donc se rendre dans un pays virtuellement en guerre contre son voisin rwandais, ce qui pose évidemment un sérieux problème pour la France, compte tenu des relations orageuses entre Paris et Kigali, depuis le génocide de 1994. La guerre à l'Est, met François Hollande dans un embarras politique certain, d'autant que la RDC a poussé Paris à prendre des positions publiques contre le Rwanda. Pour François Hollande, le Sommet de Kinshasa se déroule donc au mauvais moment, au mauvais endroit.

Selon des observateurs de la région, François Hollande sera "perdant-perdant" en rendant à Kinshasa. Selon un spécialiste, "le président français risque de perdre sur tous les tableaux : sur les concessions qu'il n'obtiendra pas, sur le dossier rwandais et enfin (peut-être le plus important) sur ses propres principes (démocratie, bonne gouvernance, droits de l'homme… )". Faire le Sommet de la Francophonie à Kinshasa, c'est "récompenser les mauvais élèves au détriment des bons". Toujours selon ce spécialiste, "d'autres pays auraient d'ailleurs pu accueillir le Sommet de la Francophonie : le Sénégal, où les élections se sont déroulées convenablement ou encore en Tunisie, où il faut au contraire appuyer une transition politique. La solution aurait pu être de délocaliser le Sommet comme pendant la crise de Madagascar en 2010" (le Sommet s'était tenu en Suisse, ndlr).

Décision "imminente"

La diplomatie ayant horreur de la "chaise vide", le boycott du Sommet de la Francophonie semble exclu par le président français, "personne ne comprendrait" aurait-on dit à l'Elysée. Reste la délocalisation ou le discours "musclé" sur la démocratie et les droits de l'homme. La première solution serait sûrement la bonne, mais un peu tardive, la seconde risque de placer François Hollande devant ses propres contradictions : vouloir donner une "leçon à l'Afrique", comme un certain Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007.

Christophe RIGAUD

Photo : Siège de l'OIF à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

20 août 2012

RDC : Le M23 se politise

La rébellion congolaise vient de se doter d'une nouvelle structure politique. Ces nominations ressemblent à la composition d'un "gouvernement fantôme", composé de 25 membres. Le M23 ouvre un second front, plus politique et affiche désormais des ambitions "nationales", autour du "départ" du président Joseph Kabila.

Capture d’écran 2012-08-20 à 19.59.50.pngLes rebelles congolais du M23 sont dotés depuis le 17 août d'un "cabinet politique", composé d'un président, Bishop Jean-Marie Runiga, d'un chef du haut commandement militaire, le colonel Sultani Makenga et de plusieurs autres "chefs de départements". Les 25 membres de la nouvelle direction du M23 ressemblent à la  composition d'un gouvernement, avec ses différents ministères : relations extérieures, finances, budget, agriculture, justice… Les rebelles, en luttent contre l'armée régulières de Kinshasa depuis avril 2012, contrôlent désormais plusieurs localités du Nord-Kivu, dont les villes de Bunagana ou Rutshuru.  Le M23 avait déjà installé dans ces zones ses propres "administrateurs" afin "d'assurer la sécurité des populations" et "d'expédier les affaires courantes". Avec ce nouveau cabinet politique, le mouvement rebelle fait un pas supplémentaire en créant un "gouvernement parallèle" capable de suppléer les autorités congolaises.

En créant son "shadow cabinet", le M23 politise son mouvement et en profite pour élargir ses revendications. Au départ de la mutinerie, le M23 demande le respect des accords du 23 mars 2009, signés autour de l'intégration des anciens rebelles du CNDP (dont est issu le M23) dans l'armée régulière. Avec le retour de la guerre dans les Kivus, le M23 prétendait ensuite protéger la communauté tutsie des tensions ethniques. Avec le temps, et ses rapides victoires militaires devant des soldats congolais en déroute, la rébellion a décidé de porter des revendications plus larges comme "la bonne gouvernance" ou "le respect du résultats des urnes", référence aux élections contestées de novembre 2011. En fin de course, le M23 a terminé par se faire le porte-voix de l'opposition politique congolaise en demandant, comme elle, le "départ" de Joseph Kabila.

En affichant des ambitions politiques nationales au-delà de leurs simples revendications régionales (autour d'une "autonomie" des Kivus), le M23 continue d'accentuer la pression sur le régime Kinshasa, qui peine à neutraliser les rebelles sur le terrain et à faire avancer l'idée d'une "force armée neutre" pour stabiliser la région. Avec un avantage militaire certain, le M23 a figé ses troupes aux portes de la ville Goma, qu'ils comptent toujours prendre si les négociations n'avancent pas. En ouvrant un second front politique, les rebelles tentent un dernier coup de pression pour faire plier Kinshasa et les pousser à la table des négociations. Il est donc fort à parier que si le gouvernement congolais refuse encore d'ouvrir le dialogue avec les rebelles, le M23 ne reprennent les armes et poussent leur offensive jusqu'à Goma. Les rebelles en ont visiblement les moyens humains.

Dernier élément, le glissement politique du M23 tend également à faire bouger les lignes du côté de l'opposition congolaise, globalement hostile au mouvement rebelle. En créant son "gouvernement fantôme", le M23 cherche à pousser certains partis politiques d'opposition à "choisir leur camp" et ce, dès maintenant. Une initiative qui risque de déstabiliser un peu plus l'opposition qui brille par son absence. Une opposition politique en panne, qui continue de faire le jeu du président Kabila et… du M23, en lui laissant la voie libre.

Christophe RIGAUD

Composition du cabinet politique du M23 :

Président : Bishop Jean-Marie RUNIGA LUGERERO

Chef du haut commandement militaire : Colonel SULTANI MAKENGA

Secrétaire exécutif : Mr François RUCOGOZA TUYIHIMBAZE

Département des affaires politiques et administration du territoire : Mr SENDUGU MUSEVENI

Département des relations extérieures et de la coopération régionale : Me René ABANDI MUNYARUGERERO

Département des affaires sociales et humanitaires : Dr Alexis KASANZU

Département des Finances, Budget et Ressources Naturelles : Mr Justin GASHEMA

Département de l'Agriculture, Pêche et Élevage : Mr Déogratias NZABIRINDA NTAMBARA

Département de la Justice et des droits humains : Me Antoine MAHAMBA KASIWA

Département de la Réconciliation et de l'Unité Nationale : Mr Jean serge KAMBASU NGEVE

Département de Rapatriement des refugies et réinsertion des déplacés internes : Ir. Benjamin MBONIMPA

Département du Tourisme, Environnement et Conservation de la Nature : Prof Stanislas BALEKE

Département de la Jeunesse, Sport et Loisirs : Mr. Ali MUSAGARA

19 août 2012

RDC : François Muamba propose de recourir à l'AFRICOM

Le président de l'ADR (Alliance pour le développement et la République), François Muamba souhaite faire appel aux troupes de l'AFRICOM, comme "force neutre de sécurité" pour lutter contre les différentes rébellions à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Une prise de position qui intervient un an après la création de l'ADR, un parti qui cherche encore sa place sur l'échiquier politique congolais.

François Muamba 2.jpgUn peu plus d'un an après son éviction du secrétariat général du MLC, en avril 2011 et la création de son propre mouvement, l'ADR (Alliance pour le développement et la République), en juillet 2011, François Muamba entre dans le débat qui agite la RDC sur la reprise de la guerre à l'Est du pays. Alors que le Nord-Kivu est de nouveau le théâtre d'affrontements entre les rebelles du M23 et l'armée régulière, le projet d'une "force neutre" africaine fait polémique à Kinshasa.

Dans un discours face à ses militants, François Muamba, a tout d'abord fustigé "l’agresseur extérieur, ici le Rwanda, et l’imposture intérieure, nommée M23" avant d'appeler les Congolais à "se prendre en charge et à recourir à tous les moyens légitimes et nécessaires pour refuser l’ignominie, sécuriser son Territoire et en défendre la souveraineté ainsi que ses richesses naturelles, tant convoitées qu’exploitées par le biais de cette guerre".

Concernant la fameuse "force neutre" proposée au Sommet de l'Union africaine, François Muamba estime tout d'abord que "par souci d'impartialité, le Rwanda (accusée de soutenir les rebelles du M23, ndlr) ne doit pas en faire partie". L'ancien ministre du Budget propose ensuite de s'appuyer sur les Etats-unis pour sécuriser la frontière, un pays ayant "l'avantage d’être autant ami de la RDC que du Rwanda." François Muamba rappelle enfin que les Etats-unis disposent déjà en Afrique d’un "mécanisme neutre de sécurité, nommé AFRICOM, qui semble être la réponse “neutre“ parfaite, précisément adaptée à la situation d’insécurité qui prévaut dans les deux Provinces du Kivu".

Cette force intervient déjà en Afrique, notamment dans la traque contre la rébellion de la LRA (Lord résistance army) de Joseph Kony, aux frontières de l'Ouganda, de la République centrafricaine et de la République démocratique du Congo. "AFRICOM contre Koni ? Alors pourquoi pas recourir à AFRICOM contre les FDLR ou encore contre le M23 ?" s'interroge François Muamba. Si l'idée est intéressante, notons également qu'une autre "force neutre", nommée Monusco et forte de 18.000 casques bleus, stationne déjà en RDC depuis plus de 10 ans !

Sur le plan politique, si l'ADR se situe dans de camp de l'opposition, le parti de François Muamba tente de tracer une "troisième voie" entre l'UDPS d'Etienne Tshisekedi et l'UNC de Vital Kamehre. Loin du "jusqu'au boutisme" de l'UDPS, qui boycott les travaux de l'Assemblée nationale après les élections contestée de novembre 2011, l'ADR de Muamba prône notamment le "dialogue républicain" avec le président de la République. L'ADR a en effet participé aux travaux du "Groupe Consultatif National Permanent", à l'appel de Joseph Kabila au sujet de la guerre au Nord-Kivu.

La marge de manoeuvre est pourtant limitée dans le camp de l'opposition congolaise pour faire entendre sa voix. Il y a embouteillage du côté des partis d'opposition. Par manque de leadership, l'opposition apparaît toujours très divisée, avec un patron de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, plus isolé que jamais. François Muamba arrivera-t-il à sortir son épingle du jeu ? Difficile dans ce contexte de reprise de la guerre à l'Est et où Joseph Kabila apparaît encore comme le seul capitaine à bord (certes dans la tempête) du navire Congo. Pour l'instant, le président congolais reste encore fort… des faiblesses de l'opposition.

Christophe RIGAUD

RDC : Maudit pétrole !

Dans un monde où les ressources se font rares, le continent africain est plus que jamais sollicité par les compagnies pétrolières. Dans un récent rapport, International Crisis Group (ICG) met en garde la République démocratique du Congo (RDC) contre la prospection pétrolière, qui pourrait "aggraver les conflits" et "réveiller les velléités séparatistes" de certaines régions. Un rapport qui fait débat au Congo.

Capture d’écran 2012-08-19 à 22.22.27.pngLes spécialistes appellent cela « la malédiction des ressources » : plus un pays possède de richesses naturelles, plus il souffre de prédation et moins sa population profite de cette manne financière. Et côté richesses naturelles, la RDC est particulièrement bien lotie : cuivre, cobalt, or, diamant, coltan, cassitérite… Le Congo se situe dans le top 10 des principaux exportateurs mondiaux de ces matières rares. Une secteur d'activité très rénumérateur, mais qui ne bénéficie pas au plus grand  nombre. Le pillage permanent des ressources naturelles maintient la majorité des Congolais en dessous du seuil de pauvreté et interdit tout effort de développement. Le trafic de minerais alimente également les achats d'armes, finance les nombreuses milices qui sévissent à l'Est de la République démocratique du Congo et nourrit un conflit qui s'éternise depuis 17 ans. Ne manquait plus que le pétrole, dont l'exploitation est encore embryonnaire.

Début juillet 2012, International Crisis Group (ICG) a publié un rapport sur le sujet et pose une question pertinente : « l’or noir au Congo, risque d’instabilité ou opportunité de développement ? » Le rapport recense trois grandes zones concernées par des projets de prospection pétrolière : la côte Atlantique où des blocs pétroliers sont contestés par la RDC à l'Angola ; dans la « cuvette centrale et à l'Est du Congo » et dans le parc des Virunga, à cheval sur la frontière ougandaise. Des réserves qui aiguisent les appétits des nombreuses multinationales pétrolières.

Nouvelle donne régionale

« Dans le contexte d’une course à l’or noir en Afrique de l’Est et centrale, le flou autour des frontières, notamment dans la région des Grands Lacs, constitue une menace considérable pour la stabilité », explique Marc-André Lagrange, analyste principal de Crisis Group pour l’Afrique centrale. « Les réserves pétrolières situées aux frontières du Congo avec l’Ouganda et l’Angola sont déjà sources de tensions ». Une zone retient particulièrement l'attention de ces spécialistes de la région : l'Est de la République démocratique du Congo. En effet, depuis maintenant plus de 4 mois, le Nord-Kivu est en proie à une nouvelle rébellion, le M23, qui tient tête à l'armée régulière. Pour ICG, la prospection pétrolière à l’Est « pourrait aggraver le conflit dans les zones à haut risque des Kivus, et réveiller des velléités séparatistes, entretenues par l’échec de la décentralisation et le différend financier entre l’Etat central et les provinces. » Cette nouvelle donne pourrait aussi bouleverser les rapports de forces régionaux en RDC et « remettre en cause la prépondérance politique de la riche province minière du Katanga. »

Mauvaise gouvernance

International Crisis Group note ensuite que « la mauvaise gouvernance caractérise le secteur pétrolier depuis la reprise des prospections. » Le groupe de recherche dénonce le retard pris dans la réforme du secteur pétrolier en RDC, ainsi que le manque d'un cadre légal réellement transparent. « Les précédents gouvernements ont agi comme des spéculateurs », fustige ICG.

Réguler la prospection pétrolière

« Dans un contexte de pauvreté extrême, d’Etat faible, de mauvaise gouvernance et d’insécurité régionale, la ruée vers l’or noir peut avoir un effet déstabilisateur important », craint Thierry Vircoulon, le directeur du projet Afrique centrale de Crisis Group. « Pour éviter ce scénario catastrophe, le gouvernement doit, au niveau régional, favoriser le dialogue avec ses voisins, et au niveau national, réguler la prospection pétrolière pour améliorer la gouvernance et la responsabilité ». Dans ses recommandations, le think tank, préconise la « création d’un cadre de gestion des réserves transfrontalières et au lancement d’un programme de délimitation de ses frontières. »

« Partage des richesses ? »

Il n'en fallait pas moins pour faire bondir le journal Kinois, Le Potentiel. Un article dénonce « une analyse qui favorise la balkanisation » et une  « négation de la souveraineté des Etats. » Dans le contexte bouillant de la reprise de la guerre à l'Est et de l'implication du Rwanda voisin dans le soutien à la rébellion du M23, le sujet des frontières est hautement sensible, vu de Kinshasa. Le journal congolais explique qu'International Crisis Group serait arrivé à la conclusion selon laquelle  « la résolution de la crise dans l’Est passe par la gestion commune des ressources transfrontalières », entendez par là : partager ses richesses avec le Rwanda ! L'idée n'est certes pas nouvelle, d'Herman Cohen à Nicolas Sarkzy en passant par Aldo Ajello, ancien représentant de l'Union européenne, le partage des richesses de l'Est congolais a été maintes fois évoqué. A propos d'International Crisis Group, je pense que Le Potentiel se trompe de cible et cède une fois de plus, un peu trop facilement, à la "théorie du complot" contre la République démocratique du Congo. ICG ne parle pas de partage de richesses, mais de régulation de la prospection pétrolière et de la création d'un « cadre de gestion des réserves transfrontalières », ce qui est bien différent. Dans le contexte de tensions permanentes entre voisins (Rwanda, Ouganda, Burundi, Angola… ), la RDC se doit en effet d'ouvrir le dialogue avec ces pays frontaliers, au risque de créer de nouveaux conflits. Là où Le Potentiel a en partie raison, c'est que la situation de la RDC pour négocier avec ses voisins n'est actuellement pas "optimale". Kinshasa est en effet fortement fragilisée aux yeux de ses voisins, depuis les élections contestées de novembre 2011 et la reprise de la guerre à l'Est en avril 2012. En cas de négociations, le Congo risquerait donc d'y laisser quelques plumes. Il n'empêche qu'il serait dommage de ne pas tenir compte des erreurs du passé au sujet des futures ressources pétrolière, notamment au regard de la gestion calamiteuse des ressources minières.

Christophe RIGAUD

Carte : "blocs" pétroliers dans la cuvette centrale et l'Est de la République démocratique du Congo (à partir de carte ONU et ministère des hydrocarbures - Kinshasa (2010)

01 août 2012

RDC : Le général Munene et le M23

L'interview du général dissident Faustin Munene accordée à Afrikarabia, puis sur RFI, a suscité une vive polémique. Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) avait entretenu une certaine ambiguïté dans les relations entre son mouvement de résistance et la rébellion du M23 qui sévit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Faustin Munene a donc souhaité faire une mise point.

Capture d’écran 2012-08-01 à 11.30.40.pngLe 24 juillet dernier, dans nos colonnes et quelques jours plus tard sur RFI, le général Faustin Munene, en dissidence contre le régime de Kinshasa, s'était exprimé sur les rebelles du M23 en lutte contre l'armée régulière congolaise au Nord-Kivu. Sur Afrikarabia, Faustin Munene déclarait que "(le M23) intègre le camp que nous appelons celui de la résistance" et de conclure, "en ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur". Sur RFI, deux jours plus tard, au micro de Christophe Boisbouvier, l'opposant congolais, réfugié au Congo-Brazzaville, déclarait également : "que la résistance congolaise ne tient pas compte des ethnies, des tribus, des religions... Le M23 est donc un grand mouvement de résistance". Il n'en fallait pas plus pour que de nombreux Congolais réagissent vivement. Beaucoup y ont lu, entre les lignes, un soutien à peine déguisé à la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda voisin.

L'ancien chef d'état-major de l'armée congolaise a souhaité clarifier sa position. Dans un communiqué, le général Munene estime n'avoir "jamais reconnu le M23 comme étant un mouvement de résistance patriotique, ni un allié de l'Armée de résistance populaire (ARP), mais plutôt une dissidence du CNDP incorporée dans le PPRD, le parti de Joseph Kabila pour des objectifs hégémoniques en RDC". Selon Faustin Munene, "le M23 est composé essentiellement d'éléments rwandais avec quelques éléments locaux voués à cette cause, à la solde de Joseph Kabila et Paul Kagame".

Cette mise au point du général Munene permet donc d'éclaircir les relations entre l'ARP et le M23, que tout sépare sur le papier. Pourtant, les propos du patron de l'ARP sur Afrikarabia et RFI, qualifiant le M23 de "grand mouvement de résistance", cachaient mal une certaine satisfaction de voir un mouvement rebelle ébranler le régime de Kinshasa. Car, si l'ARP et le M23 n'ont pas les mêmes objectifs (notamment au sujet des Kivus), ils ont au moins un ennemi commun : le président Congolais, Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD

31 juillet 2012

RDC : Jean-Marie Vianney Kabukanyi relaxé

Le secrétaire général adjoint de l'UDPS a été relâché lundi 30 juillet après deux jours de détention par la police congolaise. Le secrétaire général adjoint de l'UDPS avait été interpellé samedi 28 juillet pour "détention illégale d'armes". Le parti d'opposition avait dénoncé une "arrestation arbitraire" et un "scénario" monté par le pouvoir en place.

Capture d’écran 2012-07-31 à 15.05.30.pngLe secrétaire général adjoint chargé des questions administratives du principal parti d'opposition congolais, l'UDPS a été libéré lundi 30 juillet dans la soirée. Jean-Marie Vianney Kabukanyi avait été arrêté "vers 23h45 à son domicile en compagnie de son jeune frère". La police congolaise l'accusait de détention illégale d'armes et l'avait d'abord emmené dans les bureaux de l'ANR (l'Agence nationale de renseignements) avant de le conduire dans les locaux de la Police d'intervention rapide (PIR).

Le parti d'Etienne Tshisekedi avait dénoncé dimanche "une arrestation arbitraire".  Après la libération ce lundi du cadre de l'UDPS, le chargé de communication, Augustin Kabuya, cité par Radio Okapi a qualifié cette arrestation de "scénario" et de montage" et de préciser : "ils nous ont laissé entendre que le secrétaire général détenait des armes de guerre chez lui et quand les policiers ont vérifié ils se sont rendus compte qu’il n’y avait rien". Selon les autorités congolaises, la suite de l'affaire "appartient à l'ANR".

L'arrestation de ce cadre de l'UDPS intervient dans un contexte un peu particulier à Kinshasa. Jean-Marie Vianney Kabukanyi, chargé des questions administratives à l'UDPS avait conduit la délégation de son parti à l'ambassade de France à Kinshasa pour demander la "délocalisation" du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa en octobre 2012. Une pétition avait été déposée pour la venue en RDC de la ministre française chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui. La ministre avait confirmé la tenue du sommet dans la capitale congolaise sans confirmer la présence du chef d’Etat français, François Hollande. L'opposition, qui conteste la réélection du président Joseph Kabila lors des élections de novembre dernier, demande à François Hollande de ne pas venir "légitimer des élections frauduleuses".

Cette interpellation intervient également 1 mois après la "disparition" d'un autre opposant congolais, Eugène Diomi Ndongala, le président de la Démocratie chrétienne (DC). Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Christophe RIGAUD

29 juillet 2012

RDC : L'UDPS dénonce l'arrestation de son secrétaire général adjoint

Le principal parti d'opposition de République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, accuse la police d'avoir enlevé Jean-Marie Vianney Kabukanyi. Le secrétaire général adjoint du parti d'Etienne Tshisekedi aurait été interpellé samedi 28 juillet 2012 à son domicile et emmené "vers une destination inconnue". Jean-Marie Vianney Kabukanyi avait conduit le 25 juillet la délégation de l'UDPS à l'ambassade de France pour demander la "délocalisation"  du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa à l'automne.

Logo UDPS 2.pngDans un communiqué, l'UDPS, le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi dénonce l'arrestation de son secrétaire général adjoint, Jean-Marie Vianney Kabukanyi samedi 18 juillet par la police congolaise. Le cadre de l'UDPS aurait été arrêté "vers 23h45 à son domicile en compagnie de son jeune frère". Le parti d'opposition affirme que Jean-Marie Vianney Kabukanyi et son frère "ont été emmenés vers une destination inconnue" et dénonce "une arrestation arbitraire".

Jean-Marie Vianney Kabukanyi, chargé des questions administratives à l'UDPS avait conduit la délégation de son parti à l'ambassade de France à Kinshasa pour demander la "délocalisation" du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa en octobre 2012. Une pétition avait été déposée pour la venue en RDC de la ministre française chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui. La ministre avait confirmé la tenue du sommet dans la capitale congolaise sans confirmer la présence du chef d’Etat français, François Hollande. L'opposition, qui conteste la réélection du président Joseph Kabila lors des élections de novembre dernier, demande à François Hollande de ne pas venir "légitimer des élections frauduleuses".

Cette interpellation intervient également 1 mois après la "disparition" d'un autre opposant congolais, Eugène Diomi Ndongala, le président de la Démocratie chrétienne (DC). Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Christophe RIGAUD

28 juillet 2012

RDC : Kinshasa prêt à négocier avec le M23 ?

Plusieurs informations indiquent que les autorités congolaises chercheraient à amorcer un processus de négociation avec les rebelles du M23. Pour l'instant Kinshasa dément toujours vouloir négocier avec les rebelles. Décryptage.

Afrikarabia logo.pngAprès plus de 3 mois de violents combats entre la rébellion du M23 et l'armée régulière de République démocratique du Congo (RDC), différents signes annoncent un certain fléchissement des autorités congolaises, jusque là fermées à toutes négociation avec les rebelles.

Premier signe : la dégradation de la situation militaire sur le terrain. Le M23 a repris toutes ses positions qu'il occupait le 9 juillet : Rutshuru, Kalengera, Kiwanja, Rumwangabo et depuis le 28 juillet, les rebelles sont à 1 km de Kibumba. Le M23, qui se trouve désormais à 30 km au Nord de Goma et ne laisse guère planer de doute sur sa volonté de progresser vers la capitale provinciale dans les prochains jours, si Kinshasa ne négocie pas.

Deuxième signe : selon l'AFP à Goma, des responsables du renseignement congolais seraientt dans la capitale du Nord-Kivu aux côtés de Julien Paluku (le gouverneur de la province) pour rencontrer James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Une rencontre qui interviendrait après le tête à tête Kagame-Kabila d'Addis-Abeba au sujet de la création d'une "force neutre" dans la région.

Troisième signe : Sur Twitter, la correspondante allemande du Tageszeitung, Simone Schlindwein, affirme que Kinshasa chercherait un facilitateur pour négocier avec le M23, mais "rien d'officiel" précise-t-elle. Et dernier signe : Jason Stearn du site Congo Siasa annonce une conférence de presse de Joseph Kabila dimanche 29 juillet au matin. Vu la rareté des apparitions publiques du président congolais, il semblerait donc que les événements s'accélèreraient à Kinshasa au sujet du Nord-Kivu. Pour l'instant, rien de tout cela n'est évidemment confirmé et les autorités congolaises affirment toujours ne pas vouloir négocier avec le M23, qualifié de groupe terroriste.

Christophe RIGAUD

24 juillet 2012

RDC : «Kabila est le seul obstacle à la paix » selon le général Munene

Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) fragilise une fois de plus le régime de Kinshasa. Pour Faustin Munene, entré en dissidence contre Joseph Kabila depuis 2010, le président congolais est le principal responsable du regain de violence au Nord-Kivu. Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) confirme également dans cette interview accordée à Afrikarabia, les alliances qui se nouent actuellement sur le terrain entre les différents groupes armés à l'Est du pays.

Munene filtre 3.jpg- Afrikarabia : Faustin Munene, depuis 3 mois le Nord-Kivu est le théâtre de violents affrontements entre la rébellion du M23 et l’armée congolaise, comment analysez-vous la situation ?

- Faustin Munene :  Pourquoi la situation s’est dégradée dans ce secteur ? C’est là qu’a lieu le pillage organisé de nos richesses, c’est là que les populations connaissent le pire de ce qu’a connu l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, tout cela cautionné par le gouvernement congolais. C’est dans cette régions que l’on risque de connaître le pire, c’est à dire la balkanisation de notre pays. Et c’est donc dans cette zone que s’organise une forte résistance contre un gouvernement illégal et illégitime. La seule personne qui est responsable de cette explosion à l’Est s’appelle Joseph Kabila. Plusieurs raisons à cela : sa mauvaise gouvernance et la mise en place d’un régime dictatorial sans justice sociale. C’est un régime où toutes les institutions sont prises en otages. Il engage la République dans des accords secrets (avec le Rwanda, ndlr), il prend ses décisions seul, personne ne sait ce qu’il fait. Le conflit à l’Est ne s’explique pas par les « forces négatives » (FDLR, Maï-Maï et maintenant M23, selon Kinshasa, ndlr). Ce terme est un concept erroné qui n’est pas acceptable juridiquement. Dans ce conflit, nous avons d’un côté, un gouvernement illégitime, avec l’armée congolaise, la police nationale, les services de renseignement et des mercenaires engagés à partir des pays des Grands lacs, et de l’autre côté vous avez le peuple qui n’a d’autre moyen que l’auto-défense et la résistance. Lorsque l’on dit « forces négatives », il s’agit donc d’une mascarade pour en faire ce que l’on veut.

- Afrikarabia : Que pensez-vous du projet d’envoi d’une « force internationale neutre » dans la région pour stabiliser la frontière entre la RDC et le Rwanda ? C’est une solution selon vous ?

- Faustin Munene : C’est une violation très grave du droit. Cette décision a été prise seule, en ignorant le peuple d’abord et la Constitution ensuite. Kinshasa est seulement en quête de légitimité internationale (après les élections contestées de novembre 2011, ndlr) et l’Union africaine a été prise en otage. Sur le plan technique, nous avons déjà une force internationale qui s’appelle la Monusco (mission des Nations unies en RDC, ndlr) forte de 18.000 hommes. Pour moi, la « force neutre » est simplement destinée à mettre notre pays sous tutelle.  Je voudrais adresser un message à l'Union africain : il faut une solution plus durable et un cadre juridique. Il faudrait aussi y inclure la résistance, nous avons des propositions à faire.

- Afrikarabia : Est-ce que votre mouvement, l’Armée de résistance populaire (ARP), est déjà engagée sur le terrain et mène des actions ?

- Faustin Munene : A l’Est, la population s’est dressée comme un seul homme contre le régime. L’auto-défense est un des principes de la résistance. L’auto-défense est d’ailleurs autorisée par l’article 63 et 64 de la Constitution. Dans notre cas, il s’agit de légitime défense. Nous nous battons contre ce génocide qui a eu lieu à cause de notre hospitalité pour avoir reçu des réfugiés rwandais (après le génocide de 1994, ndlr). Nous payons le prix fort. Et maintenant les Congolais ne veulent plus de Kabila. Joseph Kabila est le seul obstacle à la paix. La résistance est présente sur le terrain, dans toutes ces formes. Il ne faut pas oublier que le M23, c’est l’ancien CNDP, qui compose une partie des FARDC (l’armée régulière congolaise, ndlr). Le CNDP s’est rallié au PPRD, (le parti majoritaire de Joseph Kabila, ndlr). Nkunda, Ntaganda et les autres… ont été promus aux grades d'officiers supérieurs par le président Kabila lui-même. Le CNDP constitue donc pour moi une composante du gouvernement. Les gens du M23 ont compris cela et ont tourné casaque. Ils intègrent donc le camp que nous appelons celui de la résistance. En ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur.

- Afrikarabia : Est-ce que cela veut dire que l’ARP est présente sur le terrain à l’Est, à Walikale par exemple et dans d’autres endroits ?

- Faustin Munene : Oui, nous  sommes présents depuis longtemps, avant même le M23, juste après ce que l’on appelle le « hold-up électoral » de Joseph Kabila. Nous avons alors pris la décision ferme de défendre notre territoire. Dès le mois de janvier 2012, nous nous sommes positionnés auprès de nos populations pour l’auto-défense. Nous sommes présents dans 4 provinces : Province orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Nord-Katanga.

- Afrikarabia : Qui sont les alliés de l'ARP sur le terrain ?

- Faustin Munene : La résistance comme principe de légitime défense engage l'ensemble des résistants, de l'intérieur et de l'extérieur. Il n'y a pas d'alliance, tout le monde qui prend position contre ce régime fait partie de cette résistance. Tous les moyens sont bons pour que Kabila parte. Nous ne faisons aucune discrimination.

- Afrikarabia : Cela veut dire que vous pouvez vous allier au Nord-Kivu au groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki par exemple ?

- Faustin Munene : Tout ceux que vous citez font partis de ce que nous appelons les forces de résistances. Je le répète, le terme de « forces négatives » est très méprisant et cache la vérité des choses. L'ARP, sur le terrain, est représentée par tous ces groupes d'auto-défense. Le terme Maï-Maï est très mal utilisé. Pour moi, les Maï-Maï sont tout simplement des résistants qui refusent la terreur, les pillages et tout ce que l'on connaît de mal. Maï-Maï, c'est un état d'esprit, nous n'avons pas de tribu qui s'appelle Maï-Maï.

- Afrikarabia : Quels sont les alliés politiques de l'ARP ?

- Faustin Munene : Nous faisons partis de la grande famille de l'opposition. Nos alliés sont tout ceux combattent le régime de Joseph Kabila. Tous les partis politiques d'opposition sont nos alliés naturels.

- Afrikarabia : Pouvez-vous nous dire où vous êtes actuellement et dans quelles conditions vous vivez ?

- Faustin Munene : J'ai échappé à maintes reprises à des tentatives d'assassinat. J'ai donc traversé chez nos voisins (au Congo-Brazzaville, ndlr). On m'a condamné par contumace en RDC, on a même arrêté des gens qui ont travaillé avec moi il y a plus de 10 ans. Beaucoup de mes collaborateurs ont perdu la vie. Je devais être liquidé avant le chef de l'Etat (Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001). J'ai donc trouvé protection auprès du gouvernement du Congo-Brazzaville.
Mais vous savez, j'ai participé au coeur du pouvoir, pendant la guerre contre régime de Mobutu, j'étais aux côtés du président assassiné, Laurent-Désiré Kabila et je connais tellement bien Joseph Kabila... peut-être mieux que tout le monde. Le président Sassou (président du Congo-Brazzaville, ndlr), en  grand sage, n'a pas accepté la demande d'extradition de la RDC.

- Afrikarabia : Cela veut dire que vous êtes libre de vos mouvements au Congo-Brazzaville ?

- Faustin Munene : Ici je suis protégé car l'ennemi est partout. L'ennemi me cherche à la loupe. Tous les services de Joseph Kabila cherchent à m'assassiner, je suis donc protégé ici.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Faustin Munene © DR

23 juillet 2012

RDC : "Force neutre", la fausse bonne idée

Il y a une semaine, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) ont signé un accord de principe pour mettre en place une force internationale "neutre" le long de leur frontière pour combattre les attaques rebelles du M23 et des FDLR. L'arrivée d'une nouvelle armée dans la région risquerait de figer le conflit, là où les Nations unies ont déjà échoué depuis 10 ans avec la Monusco… une initiative, qui a tout de la "fausse bonne idée".

IMG_3552.jpgLa Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL) veut mettre sur pied une force internationale le long de la frontière entre le Rwanda et la RDC pour lutter contre les rebelles du M23 et des FDLR. Depuis le mois de mai, la République démocratique du Congo (RDC) est en effet confrontée à une nouvelle rébellion, le M23, dans l'Est du pays où sévissent déjà de nombreux autres groupes armés, comme les FDLR. Le Rwanda est accusé par un rapport de l'ONU de soutenir et de financer la rébellion, ce que dément formellement Kigali.

L'idée d'une "force neutre" afin de contrôler la frontière entre le Congo et le Rwanda, est née à Addis-Abeba, en marge d'un sommet de l'Union africaine (UA), il y a maintenant une semaine. Les contours de cette force militaire sont encore mal définis. Quel Pays ? pour quelle mission et quel commandement ? Des réponses plus précises seront peut-être apportées le 8 août prochain lors d'une prochaine rencontre. Pour être synthétique, il n' y a qu'un seul point positif à cette initiative :  forcer un semblant de "dialogue" entre Kinshasa et Kigali dans un cadre multilatérale… et africain. La tension est en effet montée d'un cran entre les deux voisins depuis les révélations du rapport de l'ONU sur l'implication du Rwanda dans l'aide aux rebelles duM 23. Une rencontre au sommet entre présidents et ministres concernés est donc plutôt la bienvenue dans ce contexte. Mais les avantages s'arrêtent là.

Pour le reste, il n'y a que des inconvénients. Tout d'abord, la "force neutre" affaiblirait considérablement la mission de l'ONU sur le terrain (la Monusco compte déjà 17.000 casques bleus). Depuis plus de 10 ans, la Monusco fait déjà office de force internationale "neutre" en RDC… sans succès. Pourquoi en rajouter une, là où la plus importante mission de l'ONU au monde a déjà échoué ? Pourquoi créer une Monusco bis ?

Ensuite, la "force neutre" apparaîtrait comme une armée de plus dans un conflit déjà "sur-militarisé", alors que sur place, l'armée congolaise et la Monusco peinent à stabiliser la zone. De nouveaux militaires dans la région risqueraient au contraire de maintenir l'Etat de guerre quasi permanent qui règne à l'Est de la RDC depuis plus de 15 ans. C'est d'ailleurs ce que cherchent peut-être les deux principaux intéressés, la RDC et le Rwanda. En conservant la zone sous tension militaire, le Rwanda peut continuer à contrôler les richesses minières des Kivus et faire la pluie et le beau temps sur la région. Quant à Kinshasa, la guerre à l'Est, lui permet de brandir l'étendard de la "patrie en danger" et de "l'unité nationale" afin de légitimer son pouvoir, écorné par les fraudes des dernières élections.

En guise de conclusion, c'est un sondage du site internet de Radio Okapi qui résume le mieux ce qu'il faut penser de l'envoi d'une "force internationale neutre" à la frontière entre le Rwanda et la RDC. Pour 51% des internautes, cette force internationale "ne pourra être efficace que si les Etats s’engagent sincèrement à ne pas soutenir les groupes armés" et 43% répond de manière plus pragmatique, "qu'elle ne verra jamais le jour" ! Pendant ce temps, les rebelles du M23 maintiennent la pression militaire autour des villes de Rutshuru et Goma et occupent toujours la ville frontière de Bunagana… sous le regard impuissant des casques bleus.

Christophe RIGAUD

Photo : Casque bleu à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

20 juillet 2012

RDC : Risque de nettoyage ethnique à Walikale ?

En marge des combats qui opposent les rebelles du M23 et l'armée régulière à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), des groupes d'auto-défense congolais se livrent à une "chasse aux rwandophones" à Walikale. Cette situation inquiétante, pourrait servir de prétexte à une intervention de l'armée rwandaise en territoire congolais.

carte RDC Afrikarabia Walikale.jpgLa situation sécuritaire se complexifie au Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Un premier front est apparu il y a trois mois, entre la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, et l'armée congolaise (FARDC) à Bunagana et sur l'axe entre les villes de Rutshuru et Goma. Les rebelles contrôlent plusieurs localités et menacent désormais Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Au coeur du conflit : la place et la sécurité de la communauté rwandophone dans les Kivus. Le M23 se veut le porte-étendard de la communauté tutsie de la région, en proie aux attaques des FDLR, un groupe armé composé de hutus rwandais.

Depuis quelques jours, un nouveau front occupe l'armée congolaise, 150 km plus à l'Ouest, dans la ville de Walikale. Mardi 17 juillet, un groupe d'auto-défense Maï-Maï, baptisé Raia Mutomboki a pris le contrôle de la ville. Venus du Sud-Kivu, ce mouvement fait actuellement route vers le Nord, pour se battre contre le M23 dans son fief de Bunagana. Dans cette "logique", les Raia Mutomboki se sont livrés à une véritable "chasse aux rwandaphones", tutsis et hutus confondus, dans les rues de Walikale. La BBC et Radio Okapi, qui ont pu joindre des témoins sur place, racontent des scènes de paniques et confirment les exactions des miliciens Maï-Maï. La BBC, explique que l'ONG Médecins Sans Frontières n'est plus capable de venir en aide à la population et envisage de quitter Walikale si la situation se dégradait. Selon Radio Okapi, 48 "hutus rwandais", victimes de Raia Mutomboki, ont été évacués par les casques bleus de la Monusco, vers la ville de Goma dès mercredi. Les témoins décrivent "avoir vu de leurs yeux les miliciens égorger des gens".

L'entrée de ce groupe Maï-Maï dans le conflit inquiète les observateurs internationaux. "La chasse aux rwandophones" dans la région risque de donner le signal de départ à un "nettoyage ethnique" en règle de tout se qui ressemble de près ou de loin à un "rwandais", sachant que depuis des dizaines d'années, les Kivus ont toujours été une zone d'échanges intenses entre le Rwanda et le Congo. Certains spécialistes de la région craignent que ces massacres donnent également "une vraie excuse au Rwandais pour entrer en RDC" et venir défendre les rwandaphones des Kivus.

Christophe RIGAUD

17 juillet 2012

Pourquoi la stabilisation de la RDC est un échec ?

Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) signe un nouveau constat d'échec des multiples programmes de "stabilisation" menés par le gouvernement congolais et la communauté internationale. Dans un rapport détaillé, l'ONG Oxfam analyse les raisons de ces "tentatives infructueuses" pour ramener la paix en RDC. Pour 80% des Congolais interrogés par Oxfam, "leur sécurité n'est pas assurée". Le rapport avance également des solutions.

Casque bleu.jpgDepuis trois mois, une nouvelle rébellion, le M23, affronte les forces gouvernementales dans le Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles tiennent la ville frontière de Bunagana et se trouvent désormais à une trentaine de kilomètres de la capitale provinciale, Goma, qui craint de tomber aux mains du M23.

Pourtant, depuis 10 ans, la RDC est censée être en paix. La deuxième guerre du Congo s'est achevée en 2002 avec quelques millions de morts au compteur (personne ne dispose d'ailleurs de chiffres fiables) et des accords de paix. Depuis cette date, la paix se fait toujours attendre en RDC et principalement à l'Est du pays, dans les Kivu. En 2008, puis en 2012, des rébellions ont agité la région alors que des groupes armés terrorisent quotidiennement les populations civiles. La dernière rébellion en date est partie d'une mutinerie d'éléments de l'armée, issus de l'ancienne rébellion du CNDP.

Dans le rapport d'Oxfam (téléchargeable ici), l'ONG dresse un bilan peu flatteur des deux programmes de "stabilisation" censés ramener la paix, la sécurité, le rétablissement de l'autorité de l'Etat et le retour des réfugiés. Il s'agit des programmes STAREC (stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés) et ISSSS (stratégie internationale de soutien à la sécurité et la stabilisation). L'ONG a mené plusieurs enquêtes en 2011, sur le terrain, dans les zones de conflit (Ituri, Province orientale, Nord-Kivu… ), mais aussi à Kinshasa. Selon Oxfam, "ces programmes ont eu des résultats très limités" et n'ont pas "amélioré de manière significative la sécurité de la population ou rétabli les capacités de l'État à en assurer la sécurité et à fournir d'autres services". Pour 80% des personnes interrogées par l'ONG, "leur sécurité n'est pas assurée".

A l'Est du pays, là où la situation est la plus délicate, les programmes STAREC et ISSSS ne sont "pas parvenus à des améliorations tangibles avec les groupes armés" et "n'ont pas résolu les problèmes de cohésion et de rémunération au sein de l'armée, ni les abus de celle-ci, dont le comportement varie énormément d'une zone à l'autre". L'autorité de l'Etat, quasi absente dans cette partie du territoire, n'a pas été restaurée, selon l'étude d'Oxfam. "La rémunération appropriée des forces de sécurité de l'État reste largement problématique (…) Selon les dernières informations datant du milieu de 2011, 55 % des policiers déployés le long des axes routiers identifiés comme prioritaires par l'ISSSS dans le Nord-Kivu et le Sud Kivu n'étaient pas salariés de l'État", explique l'ONG.

Quelles sont les raisons de ces échecs ? Le rapport pointe "le manque de soutien solide du Gouvernement national de la RDC, qu'il soit financier ou politique" :  "les fonds alloués au fonctionnement de STAREC en 2011 représentaient moins d'un quart du montant consacré à l'entretien de la résidence officielle du Premier ministre" (20 millions de dollars, ndlr). Oxfam dénonce également "un soutien international insuffisant" et "l'absence de position internationale forte". La Monusco (la mission de l'ONU en RDC) n'est pas en reste : "la Monusco n'a pas avancé de vision stratégique avec un plan de stabilisation plus large qui
renforcerait la cohérence de ses autres activités en soulignant en quoi elles contribuent à la stabilité".

Selon Oxfam, un "nouveau souffle est nécessaire". L'ONG note un certain "désenchantement" (le terme est diplomatique) des donateurs de la RDC, "tout à fait compréhensible". Mais "baisser les bras au Congo condamnerait des millions de Congolais à une violence et une pauvreté persistantes. Cela laisserait également libre cours à une instabilité dangereuse", explique pourtant Oxfam.

Quelques solutions sont avancées par ce rapport. Elles sont connues, mais il est toujours bon de les rappeler :
- un soutien plus fort de la part du Gouvernement de la RDC,
- un soutien international plus fort et plus coordonné,
- une plus grande implication de la population locale et de la société civile.
D'autres recommandations sont promulguées, plus techniques. Retenons tout de même la nécessité "d'organiser des réunions des comités de pilotage et de suivi du programme STAREC, décrire en quoi la mission des Nations Unies et les activités de la communauté internationale hors ISSSS contribuent à un plan de stabilisation plus large", mais aussi la réalisation des lois de décentralisation (l'autonomie des provinces, qui se trouve être l'une des revendications du M23). Concernant la communauté internationale, Oxfam demande notamment d'accroître et d'adapter les financements, mais aussi de renforcer le contrôle sur l'utilisation des fonds.

Pour l'heure, toutes ces recommandations s'apparentent à des voeux pieux. Depuis les élections de 2006, voir même depuis 2001, un bon nombre de ces avis sont restés lettres mortes… problème de "gouvernance" selon une expression pudique. Le rapport d'Oxfam donne une partie de la réponse à l'échec de la communauté internationale en RDC. Son rapport s'intitule : "Pour moi mais sans moi, c'est contre moi"… c'est exactement ce que pense une majorité de Congolais, gouvernement compris.

Christophe RIGAUD

Photo : Casque bleu de la Monusco à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

13 juillet 2012

RDC : Le M23 s’explique…

Depuis plus de trois mois, la rébellion du M23 tient tête à l’armée congolaise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles progressent actuellement vers la ville de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu. Dans une interview accordée à Afrikarabia, le représentant du M23 en Europe, Jean-Paul Epenge analyse les raisons du conflit et les objectifs de la rébellion. Il revient également sur le rapport de l’ONU accusant le Rwanda de soutenir la rébellion et la possible prise de Goma.

JP Epenge 2.jpgLe Nord-Kivu renoue avec ses anciens démons. Depuis le mois de mai 2012, les rebelles du M23 affrontent l’armée régulière congolaise (FARDC) dans cette province de l’Est de la République démocratique du Congo. Une douzaine de localités tombent rapidement aux mains de la rébellion, qui menace maintenant de prendre Goma, la capitale provinciale. Le M23 est constitué d’anciens combattants de la rébellion tutsie congolaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), intégrés dans les FARDC dans le cadre d'un accord de paix avec Kinshasa signé le 23 mars 2009. Le M23 réclame la pleine application de ces accords et a commencé à prendre le maquis en avril. Mais le conflit est plus complexe. L’étincelle qui a mis le feu au poudre a été allumée par Kinshasa, qui a décidé sous la pression de la communauté internationale, d’arrêter Bosco Ntaganda, un ex-CNDP, intégré dans l’armée régulière et nommé général depuis les accords de paix 2009. Parallèlement, le Rwanda est accusé par les Nations unies et Human Rights Watch de soutenir la rébellion dans le Kivu, ce qui sème le trouble entre les deux états voisins, jusque là alliés pour traquer les « forces négatives » dans l’Est du pays.

- Afrikarabia : Le M23 a-t-il été créé pour protéger Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) et que Kinshasa souhaite arrêter ?

- Jean-Paul Epenge : Je vais être très direct, Bosco Ntaganda n’a rien à voir avec le M23. Le sort personnel de Bosco Ntaganda ne nous concerne pas. Bosco n’est pas avec nous, le M23. C’est Kinshasa qui utilise ce prétexte pour nous attaquer. Je vais être clair. Je n’ai jamais entendu dire le président Kabila : « je vais arrêter Ntaganda ». Et de toute façon, ce sont des choses qui ne se disent pas. Si on veut arrêter quelqu’un, on fait comme avec Thomas Lubanga, Germain Katanga ou Mathieu Ngudjolo (détenus actuellement à la CPI, ndlr)… on les arrête sans prévenir personne. Si le gouvernement avait réglé le problème de Bosco Ntaganda « normalement », comme il avait réglé les cas de Bemba ou de Lubanga, il n’y aurait pas eu toutes ces histoires. Une chose me paraît étrange : Bosco Ntaganda se trouvait à Goma, au Nord-Kivu. Si Kabila voulait arrêter Ntaganda, pourquoi attaquer Sultani Makenga (le chef du M23, ndlr) qui se trouvait dans le Sud-Kivu ? Makenga n’a rien à voir avec l’affaire Ntaganda. En fait, la création du M23, c’est un sursaut tout simplement. Nous nous sommes dit, pourquoi le gouvernement nous attaque, alors que nous avions signé un accord avec eux en mars 2009 ? Ce sont les autorités congolaises qui ont rompu l’accord. Nous avons donc décidé de réoccuper militairement nos anciennes positions, celles que nous occupions du temps du CNDP, avant l’accord. Notre but est donc simplement de renégocier avec Kinshasa.
Le M23 n’est pas une nouvelle rébellion ou un nouveau mouvement, notre objectif est tout simplement de pousser le gouvernement à appliquer cet accord du 23 mars 2009. On ne demande pas le départ de Kabila, ni un nouvel accord. Nous n’avons pas de nouvelles exigences,  nous demandons juste le respect des textes.

- Afrikarabia : Justement, que trouve-t-on dans cet accord de 2009 (1), quels sont les points qui n’ont pas été respectés ?

- Jean-Paul Epenge : Nous demandons d’abord l’éradication des FDLR et des « forces négatives » (des rebelles hutus rwandais, mais aussi des milices d’auto-défense congolaises qui sèment la terreur dans l’Est du Congo, ndlr). Chaque jour, il y a des morts, on assassine, le Kivu a été décrété « capitale du viol »… Donnez-nous les moyens de combattre les FDLR. Nous avons fait 4 mémorandums au président Kabila pour avoir plus de moyens. Nous savons où sont les FDLR. Nous n’avons jamais eu les moyens financiers, humains et matériels de pouvoir lutter contre les « forces négatives » à l’Est de la RDC. Et pendant 3 longues années, malgré ce manque de moyen, nous sommes restés fidèles aux autorités congolaises… jusqu’à cette histoire de Bosco.

- Afrikarabia : Le M23 n’est donc pas là pour protéger Bosco Ntaganda ?

- Jean-Paul Epenge : Cela n’a jamais été le but de notre mouvement. Mettons nous un instant à la place de Kinshasa. Le gouvernement n’a pas respecté les accords. Il lui faut donc trouver un prétexte. Le prétexte est le suivant : ces gens (les ex-CNDP, ndlr) sont recherchés par la Cour pénale internationale et leur chef s’appelle Bosco Ntaganda. Cette histoire a été inventée pour cacher le non respect des accords de 2009 entre le CNDP et le gouvernement congolais. Autre chose : Kinshasa n’a aucun argument pour expliquer l’échec des accords.

- Afrikarabia : Quels sont les autres points de l’accord que vous revendiquez ?

- Jean-Paul Epenge : Il y avait premièrement, l’éradication des « forces négatives ». Deuxièmement, le retour des réfugiés. Il y a au moins 200.000 réfugiés congolais dans les pays frontaliers, en Tanzanie, en Angola, au Rwanda, au Burundi… Et il n’y a que la « bonne gouvernance » du pays qui pourrait faire revenir nos frères au pays. Troisièmement, la reconnaissance des grades des militaires intégrés dans l’armée congolaise (FARDC). Si certains grades ont été reconnus, tous n’ont pas touché la solde en conséquence. Nos militaires doivent être correctement payés. Quatrièmement, nous demandons l’application de la loi de décentralisation, prévue dans la constitution. La décentralisation prévoit une certaine autonomie aux provinces, avec une compensation financière du pouvoir central. Cela n’a jamais été fait. Kinshasa n’a en fait pas l’air très concerné par tous ces problèmes, ils sont tranquilles dans leurs salons feutrés…

- Afrikarabia : Un récent rapport de l’ONU accuse le Rwanda de soutenir votre rébellion, en hommes, en armes et en logistique. De nombreuses preuves qui jettent le trouble sur le rôle que joue le Rwanda dans ce conflit. Vous niez toujours toute implication des autorités rwandaises ?

- Jean-Paul Epenge : Comment expliquer que ce rapport soit sorti, comme par hasard, quelques jours seulement avant le renouvellement du mandat de la Monusco (la mission des Nations unies en RDC, ndlr) ?

- Afrikarabia : Ce serait un prétexte pour que la Monusco reste en République démocratique du Congo ?

- Jean-Paul Epenge : Entre autre, oui.

- Afrikarabia : Revenons au rapport de l’ONU…

- Jean-Paul Epenge : Il y a beaucoup d’incohérences dans ce rapport. Il y a notamment une note des renseignements congolais de janvier 2012 sur l’aide de l’armée rwandaise à Ntaganda… en janvier 2012 ! Alors que « l’affaire » Ntaganda n’a commencé qu’en avril… étonnant ! Car il faut rappeler que jusqu’en avril 2012, Bosco était encore l’allié et le partenaire de Kinshasa depuis les accords de 2009 !

- Afrikarabia : Vous dites toujours que le Rwanda ne vous soutient pas ?

- Jean-Paul Epenge : Non, le Rwanda ne nous soutient pas. La semaine dernière, nous en avons apporté une preuve. Quand Kinshasa a voulu nous contrer et nous prendre en tenaille pour créer deux fronts : un à Bunagana et l’autre à Rutshuru, notre puissance de feu les a repoussé et ils ont pu voir qu’il n’y avait pas de Rwandais. L’armée congolaise s’est retrouvée en Ouganda, en débandade générale, sans avoir croisé de Rwandais. Kinshasa n’a donc plus d’argument : il n’y a pas de soldats rwandais chez nous. Mais pour Kinshasa, chaque tutsi et chaque rwandophone est Rwandais, alors…

- Afrikarabia : Est-ce que vous ne craignez pas que la création de votre mouvement, la reprise de la guerre à l’Est et le rapport de l’ONU sur l’aide du Rwanda, ne ravivent pas le fort sentiment anti-tutsi en RDC ?

- Jean-Paul Epenge : C’est le but de Kinshasa et c’est ce qu’il fait. En 1998, j’étais à Kinshasa, aux commandes avec Laurent-Désiré Kabila. J’ai vu dans ma propre famille un oncle qui avait, selon les Congolais, une morphologie nilotique (tutsi, ndlr) se faire assassiné. Il n’était même pas du Kivu. Je pense tout simplement que si nous avions des bons dirigeants, rassembleurs, on pourrait tous vivre dans une même république unie. Mais lorsque l’on voit les derniers communiqués de Kinshasa sur les Rwandais qu’il faut « dégager »… je pense que tout cela peut très mal finir.

- Afrikarabia : Militairement, vos soldats occupent la ville frontière de Bunagana. Vous avez fait tomber la ville de Rutshuru, avant de la remettre entre les mains de la police congolaise. Vous êtes désormais à quelques dizaines de kilomètres de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. La prise de la ville de Goma constitue-t-elle un objectif pour le M23 ?

- Jean-Paul Epenge : Nous avons même la force d’aller jusqu’à Kinshasa ! Cela peut vous paraître étonnant. Mais je peux vous tenir ce discours parce que je sais qu’en face (l’armée congolaise, ndlr)… il n’y a rien, il y a zéro ! Kabila a formé une brigade, une unité d’élite, avec des instructeurs belges, américains, à Lokando, Kindu… Au front, le M23 les a « dégommé », ils se sont retrouvés en Ouganda, réfugiés et désarmés. La porte est donc « ouverte » pour nous. On peut aller jusqu’à Goma, Kisangani, Kinshasa… mais là n’est pas notre but. Le président Kabila doit comprendre qu’il faut signer et appliquer les accords de 2009. Alors, on épargnera beaucoup de vies humaines.

- Afrikarabia : Beaucoup de Congolais craignent une « balkanisation » du Congo et pensent que vous souhaitez faire sécession et créer un Kivu « indépendant » ?

- Jean-Paul Epenge : C’est un mythe. Ce genre de discours démontre l’impuissance de Kinshasa. Quand les médias à Kinshasa parlent de « dépecer » le Congo, de « balkaniser » le Congo… On n’a pas besoin de « balkaniser » le Congo. Ce n’est pas le but, il n’y a pas d’agenda caché, je vous le jure, il n’y en a pas. Notre but c’est l’autonomie, comme la constitution le prévoit.

- Afrikarabia : L’épreuve de force entre le M23 et Kinshasa peut-elle durer encore longtemps ?

- Jean-Paul Epenge : Nous, nous pouvons tenir. Nous sommes préparés à toutes les éventualités. Nous avons voulu la paix en 2006, puis en 2009. Notre chef Laurent Nkunda (le patron du CNDP, ndlr) a été arrêté, mais il nous a demandé de faire confiance aux accords de paix de 2009. Les accords n’ont pas été respectés. Alors cette fois, on ne doit pas nous berner une nouvelle fois.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

(1) Le document des accords de paix du 23 mars 2009 sont à télécharcher ici.

Photo : Jean-Paul Epenge en région parisienne, juillet 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

11 juillet 2012

RDC : Objectif Goma ?

Les rebelles du M23 se sont retirés progressivement des principales villes qu'ils occupaient, comme Rutshuru, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), pour les remettre aux mains de la police. La ville de Goma, plus au Sud,  risque d'être la prochaine cible du M23. L'armée congolaise et l'ONU viennent de dépêcher des renforts pour protéger la capitale provinciale du Nord-Kivu où la panique gagne la population.

carte RDC Afrikarabia MODELE.jpgLa prise de la ville de Goma par les rebelles du M23... voilà le scénario catastrophe que souhaitent éviter les autorités congolaises et les Nations unies. Sur le terrain militaire, les mutins du M23 ont quitté la ville de Rushuru après la prise d'une douzaine de localités aux troupes gouvernementales. La ville est désormais sous contrôle d'unités de la police congolaise, constituées d'anciens membres du CNDP, dont se revendique le M23. Le mouvement rebelle restera toutefois présent dans la ville stratégique de Bunagana, à la frontière de l'Ouganda. Militairement, le M23 n'avait d'ailleurs pas d'autres choix que de se retirer des villes occupées. Avec seulement quelques centaines d'hommes (on parle de 300 à 500 hommes), la rébellion n'avait pas les moyens humains de "tenir" autant de positions.

Après Rutshuru, quel sera le prochain objectif des rebelles du M23 ? Pour de nombreux observateurs, la ville de Goma se trouve désormais en ligne de mire de la rébellion. Le M23 affirme pourtant ne pas vouloir conquérir de territoires. Le mouvement souhaite obliger le gouvernement congolais à négocier afin de respecter l'application des accords de paix de 2009 entre le CNDP et les autorités congolaises. L'accord prévoyait l'intégration politique et militaire des ex-rebelles dans l'armée et les institutions du pays.

Pour faire plier Kinshasa, le M23 a choisi la manière forte : occuper militairement les anciennes positions de l'ex-CNDP, dont ils se réclament, afin de forcer le gouvernement à s'asseoir à la table des négociations. Pour l'instant, le régime de Joseph Kabila reste droit dans ses bottes : pas question de négocier avec des rebelles.

La ville de Goma, comme en 2008 avec la rébellion de Laurent Nkunda, constitue donc un enjeu majeur dans le rapport de force entre le M23 et gouvernement. La prise de la ville par les rebelles serait très mal vécue par les autorités congolaises et les Congolais eux-mêmes. Le président Joseph Kabila y joue également sa crédibilité, fortement écornée depuis les élections contestées de novembre 2011. Mais  devant l'absence de réponse du gouvernement à leur revendication, le M23 est tenté de continuer son avancée militaire vers le sud et la capitale du Nord-Kivu pour accentuer la pression. Les troupes du colonel Makenga se trouverait maintenant à une petite cinquantaine de kilomètres de Goma.

Côté gouvernemental, l'armée congolaise, consciente de l'enjeu de la bataille de Goma, vient de rappeler un bataillon, stationné dans le Nord du pays et formé, selon le journal Le Monde, par des instructeurs américains. Les casques bleus de la Monusco vont également envoyés des troupes supplémentaires dans le secteur. Pour l'ONU, la prise de Goma constituerait un sérieux revers pour sa mission en RDC, il y a plus de 18.000 casques bleus dans le pays (un record pour une opération de maintien de la paix).

Goma se retrouve maintenant sous pression et la panique commence à gagner la population De jeunes Congolais sont descendus dans les rues ce lundi pour demander des armes et ont appeler à combattre le M23. Des rumeurs d'exactions contre la communauté tutsie de la ville ont été relevés et dénoncés par le M23. Le mouvement rebelle parle de "chasse à l'homme" dans les rues de Goma et de "blessés". Il faut dire que les Rwandais de Goma sont accusés de soutenir les mutins. Un rapport des Nations unies a récemment dénoncé l'aide du Rwanda voisin à la rébellion, en homme et en armes. Le M23 a toujours fortement démenti tout soutien rwandais dans ses opérations et appelle même la presse internationale et les ONG à venir vérifier sur le terrain ces "allégations infondées".

Pendant ce temps, l'organigrame du mouvement rebelle s'est doté d'une coordination politique, confiée à Bishop Jean-Marie Runiga. Le colonel Sultani Makenga, qui dirige les opérations du M23 depuis sa création, devient président du Haut Commandement militaire et tiendra une conférence de presse ce mercredi à Bunagana.

Christophe RIGAUD

RDC : Les aveux de la CENI

Entre auto-satisfaction et constat d'échec, le rapport de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) présenté au parlement a suscité l'ire des députés congolais. La CENI reconnait une dérive des coûts, une dette de 75 millions de dollars et la conduite du processus électoral "dans l'urgence". Pas un mot sur les fraudes et les violences. Les députés ont exigé la révision de la loi électorale, la suspension des prochains scrutins et un audit des comptes de la CENI.

Logo CENI.pngLe feuilleton électoral n'est pas prêt de s'achever en République démocratique du Congo (RDC). Après la présentation du rapport annuel de la Commission électorale (CENI) devant les députés, le parlement a adopté une série de recommandations, dont la révision de la loi électorale, l'audit des comptes et le gel du calendrier jusqu'à l'adoption d'une nouvelle loi. Déjà prévues cet hiver, les élections provinciales avaient été décalées en janvier 2013. Autant dire que la suspension du calendrier proposée par les député reporte ces scrutins... aux calendes grecques.

A l'origine de cette levée de bouclier des députés, le rapport de la CENI, présenté à l'Assemblée par son président, Daniel Ngoy Mulunda. Si le document élude consciencieusement les fraudes massives et les violences pendant les élections chaotiques et contestées de novembre 2011, le rapport dresse un bilan assez sévère de la gestion financière du processus électoral. Sur les 447 millions de dollars prévus pour les élections, 258 millions ont été décaissés, 335 ou 334 millions (il y a deux chiffres différents dans le rapport !) ont été dépensés, laissant 75 millions de dette aux différents fournisseurs et prestataires du scrutin. Autant dire que les caisses de la CENI sont aujourd'hui vides. La Commission demande donc que le coût des prochaines élections provinciales soit pris en charge à 100%.

Toujours côté finance, le rapport note le manque de 50,2 millions de dollars (censés provenir du gouvernement), pour expliquer l'absence de sensibilisation (éducation civique), ainsi que de dispositifs pour le contentieux et la sécurisation du scrutin. Remarque étonnante au regard du manque de transparence des élections, comme l'ont noté les observateurs internationaux (Centre carter et Union européenne). La "dérive" des coûts est expliquée par la CENI du fait de l'augmentation du nombre de centres de vote (passant de 12.000 à 15.000).

Concernant la fraude, que l'opposition estime "massive", la CENI avoue tout de même "la falsification de procès verbaux au niveau des postes de dépouillement et le changement des chiffres au poste de compilation". Rien sur les nombreuses violences pré et post-électorales. Toutefois, la CENI reconnait "la conduite du processus dans l’urgence" ainsi que la "modification de la constitution et de la loi électorale sans consensus de la classe politique et sans consultation de la société civile". Satisfaction tout de même : l'organisation des élections "dans les délais constitutionnels" pour éviter "le chaos du vide juridique". Une question tout de même : faut-il à tout prix respecter le calendrier électoral à défaut d'être prêt ?

En conclusion de son rapport, la CENI réaffirme son engagement à organiser les prochaines élections provinciales et locales, mais demande une prise en charge à 100% des coûts des scrutins (169 millions de dollars pour les provinciales, 226,5 millions pour les locales).

Face à ce rapport, les députés sont montés aux créneaux. Il faut dire que l'image de la CENI a été sérieusement écornée tout au long du processus électoral. Accusée de partialité par l'opposition (son président est un proche de Kabila) la CENI a accumulé toutes les erreurs dans le déroulement du scrutin : organisation chaotique, fichier électoral biaisé, absence de la société civile dans ses instances, procès verbaux perdus, accusations de fraudes… Aux yeux de tous, la CENI se trouve dans l'obligation d'évoluer pour gagner en crédibilité et en partialité.

Devant la présentation des chiffres du rapport de la CENI, les députés ont estimé qu'un audit de la Commission était nécessaire, les prochaines élections provinciales n'étant visiblement  pas financées. L'Assemblée nationale demande une révision générale de la loi électorale (nombres de sièges, recensement crédible de la population… ) et un gel du calendrier électoral jusqu'à l'adoption d'une nouvelle loi.

Après les élections contestées de novembre 2011, les recommandations des députés sont les bienvenues dans ce contexte de crise politique et résonnent désormais comme un préalable indispensable à l'organisation de tout nouveau scrutin en RDC. La CENI possède déjà le triste record des élections les plus coûteuses de la planète… un nouveau report des provinciales, risque d'en faire le cycle électoral le plus long de l'histoire. Le temps presse.

Christophe RIGAUD

08 juillet 2012

RDC : Rutshuru aux mains du M23

A l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), la ville de Rutshuru est occupée depuis dimanche 8 juillet 2012 par les rebelles du M23. L'armée congolaise (FARDC) avait quitté la ville dans la matinée, sans combattre.

carte RDC Afrikarabia Rutshuru.jpgAprès la chute de Bunagana, vendredi, les rebelles du M23 occupent désormais la ville de Rutshuru. La route menant à Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, est coupée. Le M23 a également pris les villes de Ntamugenga et de Rubare. Les casques bleus de la Monusco, présents sur place, se sont retirés sur Kiwanja, située à quelques kilomètres au Nord de Rutshuru. Hier, le M23 précisait pourtant qu'ils n'avaient aucunement l'intention de prendre Rutshuru et Goma.

A Kinshasa, le président Kabila, convoquait une réunion interinstitutionnelle sur la situation sécuritaire au Nord-Kivu. Objectif affiché : "envisager urgemment des mécanismes efficaces et nécessaires en vue de mettre définitivement fin à la situation préoccupante qui prévaut dans cette partie orientale du pays".

Christophe RIGAUD

07 juillet 2012

RDC : Le M23 progresse vers Rutshuru

Jusqu'où iront les rebelles du M23 ? Les événements s'accélèrent à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) : la ville de Bunagana est tombée aux mains des rebelles vendredi et plus de 600 militaires congolais ont fui les combats en Ouganda. Le M23 encercle actuellement Rutshuru, dernier verrou avant Goma la capitale régionale du Nord-Kivu. Un scénario déjà vécu en 2008 avec la rébellion de Laurent Nkunda.

Capture d’écran 2012-07-08 à 11.05.12.pngDepuis vendredi 6 juillet 2012, la ville de Bunagana, à la frontière avec l'Ouganda se trouve aux mains des rebelles du M23. Après de violents combats, la population et plus de 600 soldats de l'armée congolaise (FARDC) se sont réfugiés en Ouganda. La rébellion indique avoir  récupéré un important stock de matériels et d'armes laissé par les forces gouvernementales.

Après la prise de Bunagana, le M23 occupe maintenant Rangira et Rwanguba et se dirige vers la ville de Rutshuru, le chef lieu du territoire. La ville serait déjà encerclée par la rébellion du colonel Mukenga, à une soixantaine de kilomètres seulement de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Les événements de ces dernières heures à l' Est de la République démocratique du Congo, ne sont pas sans rappeler ceux de 2008. «On a le sentiment désagréable que l’histoire se répète, avec des ex-CNDP (dont est issue le M23, ndlr) qui parviennent à prendre le contrôle de plusieurs axes stratégiques comme ils l’avaient fait en 2008», souligne Paule Rigaud, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique. «Il y a cinq ans, une situation similaire avait donné lieu à des atrocités, dont le massacre de Kiwanja au cours duquel au moins 150 civils avaient été tué par le CNDP.»

Amnesty international s'inquiète «de la montée en puissance du M23, qui s’apprêterait selon certaines informations à prendre des villes importantes, en particulier dans le territoire de Masisi, ancien fief du CNDP.» Lors le la rébellion menée par Laurent Nkunda fin 2008, le CNDP avait fini par contrôler la plupart des territoires du Masisi et de Rutshuru et menaçait de faire tomber Goma. Finalement, les accords de paix, signés en 2009 entre le gouvernement congolais et les rebelles du CNDP, ont stoppé l'avancée rebelle et ont permis l'intégration des ex-miliciens dans l'armée régulière congolaise (FARDC). Mais l'intégration politique du mouvement n'a jamais eu lieu et le CNDP est toujours resté en marge des institutions congolaises.

Le respect des accords du 23 mars 2009 constitue la principale revendication avancée par le M23. Mais les autorités de Kinshasa considèrent qu'il s'agit là d'un prétexte, la vraie raison de la mutinerie étant la possible arrestation de Bosco Ntaganda, ancien numéro 2 du CNDP, recherché par la Cour pénale internationale (CPI).

Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group, la mutinerie du M23 constitue «une redite de 2008.» «Le but du M23 est de forcer Kinshasa à négocier. Comme en 2008 les rebelles dominent la situation sur le terrain, même si sur le plan diplomatique Kinshasa garde l'avantage» explique ce spécialiste de la région.

Installés aux portes de la ville de Rutshuru, les rebelles du M23 ont réitéré leur appel à la négociation avec Kinshasa et continuent d'affirmer que leur intention «n'est pas de conquérir des espaces», mais d'exiger «le respect des engagements pris par le gouvernement  à travers l'accord du 23 mars 2009». Sans réponse positive des autorités congolaises, il est fort à penser que les prises de Rutshuru et Goma constituent les deux prochains objectifs du M23 pour faire plier Kinshasa.

DERNIERES NOUVELLES :  Depuis ce dimanche 3 heures du matin, le M23 se trouve désormais aux abords de Rutshuru-centre. L'armée congolaise (FARDC) a battu en retraite vers Kiwanja.

Christophe RIGAUD

04 juillet 2012

RDC : Le rapport qui "accable" le Rwanda

Les experts de l'ONU viennent de rendre public leur rapport sur les violations de l'embargo sur les armes. Le document accuse ouvertement Kigali d'appuyer la rébellion du M23 qui se bat contre l'armée congolaise dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'annexe de 43 pages du rapport, que nous nous sommes procurés, sonne comme un véritable réquisitoire contre l'ingérence du Rwanda en RDC. Changera-t-elle la donne au Nord-Kivu ? Pas dans l'immédiat.

Capture d’écran 2012-07-03 à 21.29.43.pngLe doute n'est plus permis. L'implication rwandaise auprès des rebelles du M23 en RDC était encore, il y a encore quelques mois, un secret de polichinelle. Aujourd'hui les preuves sont couchées noir sur blanc et signées des Nations unies. Le rapport de l'ONU révèle les relations ambiguës entre le Rwanda et la République démocratique du Congo autour de la mutinerie lancée il y a deux mois par le général rebelle Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Au coeur des révélations du groupe d'experts : le soutien matériel, financier et humain aux rebelles du M23 qui affrontent l'armée régulière congolaise (FARDC) au Nord-Kivu depuis mai 2012.

"Assistance directe au M23"

Le rapport, dont vous pouvez consulter l'annexe en français (à télécharger ici), détaille par le menu de nombreuses preuves du soutien du Rwanda au M23. Les experts ont collecté un ensemble impressionnant des documents officiels, d'interceptions de communications radio, des rapports internes de l'armée congolaise, de photos, de cartes, mais également de plus de 80 témoignages directs de déserteurs du M23. Les experts de l'ONU dénoncent :
"- l'assistance directe à la création du M23 en facilitant le transport des armes et des troupes à travers le territoire rwandais,
- le recrutement de jeunes rwandais,
- la fourniture d‟armes et de munitions au M23,
- les interventions directes des Forces rwandaises de défense (FRD) sur le territoire congolais afin de renforcer le M23,
- l'appui à plusieurs autres groupes armés".

Makenga à Gisenyi ?

Capture d’écran 2012-07-04 à 23.35.35.pngLe rapport retrace chronologiquement l'assistance rwandaise au M23 : "le 4 mai, Makenga (le chef rebelle du M23) a traversé la frontière de Goma pour Gisenyi, au Rwanda, et a attendu que ses soldats à Goma et à Bukavu le rejoignent (…) Le commandant de la Division de l'ouest des FDR (armée rwandaise), le général Emmanuel Ruvusha, a accueilli Makenga lors de son arrivée à Gisenyi. Les mêmes sources ont indiqué que durant les jours qui ont suivi, Ruvusha a tenu une série de réunions de coordination à Gisenyi et à Ruhengeri, avec des officiers du FDR et avec Makenga (…) Toujours le 4 mai, les colonels Kazarama, Munyakazi, et Masozera, et près de 30 soldats fidèles à Makenga ont quitté Goma et ont traversé la frontière vers le Rwanda à travers les champs proches de la frontière Kanyamuyagha".

Les experts de l'ONU détaillent également les différents points de transit et de recrutement des rebelles du M23. Et c'est au Rwanda qu'ils en trouvent les traces, à Kinigi, situé à 5 petits kilomètres de la frontière congolaise. "Certaines recrues déclarent avoir reçu un repas à l'Hôtel Bishokoro, qui appartient au général Bosco Ntaganda et son frère à Kinigi. Ensuite, les soldats des FRD (armée rwandaise) escortent des groupes importants de nouvelles recrues à la frontière et les envoient en RDC", note le rapport.

Kabarebe et Nkunda à la manoeuvre

Capture d’écran 2012-07-04 à 23.35.19.pngRévélations plus embarrassantes pour Kigali, 5 officiers de l'armée rwandaise dont le ministre de la Défense James Kabarebe, le chef d'état-major Charles Kayonga, l'ancien chef des renseignements militaires Jacques Nziza, et Célestin Sendoko (l'assistant personnel de Kabarebe) sont accusés d'être les principaux responsables de l'appui rwandais aux rebelles de l'Est congolais. Le 23 mai 2012, Sendoko, le bras droit de Kabarebe, a "organisé une réunion, avec la participation d‟officiers du FRD (armée rwandaise) et 32 chefs de communauté, principalement des cadres CNDP, à Gisenyi à la résidence du membre du CNDP Gafishi Ngoboka. Senkoko s'est présenté comme un représentant de Kabarebe et a relayé le message que le gouvernement rwandais soutient le M23, dont la nouvelle guerre a pour objectif d'obtenir la sécession des deux Kivus. Après avoir montré le territoire qui devait être libéré sur une carte, il a donné l'instruction aux hommes politiques de convaincre tous les officiers rwandophones dans l'armée et opérant dans les Kivus de rejoindre le M23". Le rapport de l'ONU note que pendant que les combats font rages au Nord-Kivu, "Ntaganda et Makenga ont régulièrement traversé la frontière avec le Rwanda pour participer à des réunions avec chacun des hauts officiers FRD (armée rwandaise) à Kinigi afin de coordonner les opérations et le ravitaillement". Autre découverte pour le moins étonnante des experts de l'ONU, la présence le Laurent Nkunda : "l'ancien président du CNDP, le général Laurent Nkunda, officiellement en résidence surveillée par le gouvernement rwandais depuis janvier 2009, vient souvent de Kigali pour participer à ces réunions".

Les points faibles du rapport

Si les preuves sont accablantes et irréfutables, trois petites zones d'ombres viennent tempérer le rapport de l'ONU : la fragilité des témoignages, tous anonymes (et on comprend pourquoi) ; le manque de traçabilité du trafic d'armes et de preuves des flux financiers pour soutenir le M23. Toutefois, les documents avancés dans ce rapport sont assez nombreux et solides pour démontrer l'ingérence au plus haut niveau de l'Etat du Rwanda en République démocratique du Congo.

Les accusations de l'ONU changeront-elles la donne ?

Sur le plan diplomatique, Kinshasa compte déposer une requête devant le Conseil de sécurité de l'ONU, mais elle a peu de chance d'aboutir, selon un diplomate, interrogé par RFI. Sur le terrain, au Nord-Kivu, le rapport des experts ne changera vraisemblablement rien dans l'immédiat. Les positions des belligérants sont figées, soldats et rebelles sont retranchés dans une guerre de position qui peut durer des mois. Quant à Kinshasa, elle se retrouve dans une position inédite, qu'elle n'avait pas anticipé : son allié rwandais (depuis 2009) est désormais un "Etat ennemi". Le scénario de la rébellion du M23 constitue donc une "surprise" pour Kinshasa. Et Joseph Kabila n'a ni les moyens militaires, ni l'envie d'en découdre avec Kigali. C'est d'ailleurs l'un des principaux reproches qui collent à la peau du chef de l'Etat congolais : sa "proximité" avec le Rwanda. Pour comprendre  le "réveil tardif" des autorités congolaises aux ingérences rwandaises à l'Est, il faut lire le communiqué de presse de la Voix des sans voix (VSV), une ONG congolaise des droits de l'homme : "la VSV ne s’explique pas que ce soit la Monusco et Human Rights Watch qui soient les premières à dénoncer l’appui du Rwanda aux mutins alors que notre pays, la RDC, dispose de nombreux services de sécurité civils et militaires auxquels un budget conséquent est toujours alloué chaque année. Elle pense que le manque, par la RDC, de maîtrise du contrôle des questions de sécurité à ses frontière repose avec acuité la problématique de l’échec depuis plusieurs années de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire congolais en général et à l’Est de la RDC en particulier"… oui pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Christophe RIGAUD

Photos extraites du rapport de l'ONU © DR

01 juillet 2012

RDC : Quand Julien Paluku joue les intermédiaires avec les FDLR

Kigali accuse le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, de coopérer avec les rebelles FDLR, en vue de reprendre des "attaques terroristes" contre le Rwanda. Dans une lettre que nous publions, Julien Paluku demandait le 19 juin l'aide de la Monusco, pour deux responsables FDLR. Pour Kinshasa, ces accusations sont "un non-sens" et visent à "détourner l'opinion" suite au rapport de l'ONU sur l'implication du Rwanda dans une mutinerie à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

lettre paluku.pngLa contre-attaque du Rwanda n'a pas tardé. Accusé de soutenir la rébellion du M23 au Nord-Kivu, en guerre contre Kinshasa, Kigali accuse à son tour la RDC de vouloir relancer sa coopération entre son armée et les rebelles hutus FDLR. Pour preuve, cette lettre datée du 19 juin 2012 (voir ci-contre), du gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, au chef de bureau de la Monusco à Goma. Le gouverneur "recommande" une liste de plusieurs personnes pour embarquer à bord d'un avion des Nations unies à destination de Mutongo en territoire de Walikale. Sur cette liste, deux responsables FDLR, une milice hutue, qui menace Kigali : Faustin Murego, coordinateur des FDLR à Liège en Belgique et Joseph Nzabonimpa un ex-FAR. Si la demande a été refusée par la Monusco, cette lettre prouve pour Kigali, la connivence entre les autorités congolaises et les FDLR.

Selon Kigali, Julien Paluku aurait été chargé par le président Joseph Kabila, via son conseiller sécurité Pierre Lumbi, "d'identifier des personnalités ayant des contacts avec les FDLR". Toujours selon le Rwanda, les deux membres des FDLR, qui voyagent avec des passeports belges, auraient remis plus de 100.000 dollars à un responsable militaire du groupe à Mudacumura.

Cette lettre tombe à point nommé pour Kigali, très embarrassée par les accusations des experts de l'ONU qui viennent de démontrer l'implication du Rwanda dans les mutineries qui agitent l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Pour Kinshasa, il s'agit d'une pure diversion. Selon Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, ces accusations sont un "non-sens",  l'armée congolaise menant une "lutte sans merci contre les FDLR" (avec jusqu'à peu, l'aide du Rwanda !). Quant à Julien Paluku, il affirme que "le gouvernement rwandais est aux abois face toute la pression internationale qui pèse sur lui".

Après deux mois d'affrontements à l'Est de la RDC, les deux voisins s'accusent désormais mutuellement de soutenir leur propre rébellion : le Rwanda soutenant le M23, le Congo, les FDLR. Une guerre entre Kinshasa et Kigali qui ne dit pas son nom, par rebelles interposés.

Christophe RIGAUD