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20 avril 2012

RDC : Kivu, retour en zone grise

Les élections contestées de novembre 2011 ont masqué la dégradation de la situation sécuritaire à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). La tension dans les Kivu a redoublé d'intensité avec les défections de l'armée régulière d'ex-rebelles du CNDP de Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Le régime de Kinshasa se retrouve une nouvelle fois face à une situation qui lui échappe dans un territoire qu'il ne contrôle plus vraiment.

carte RDC Afrikarabia Nord Kivu.jpgZone grise : territoire géographique dont l'Etat a perdu le contrôle. Depuis plus de 15 ans, le Nord et le Sud Kivu répondent à ce concept décrit par Gaïdz Minassian dans un récent essai (1). Des guerres sans fin se sont succédées dans ces deux provinces de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). A l'origine des conflits : des tensions ethniques et foncières conjuguées aux soubressauts du génocide rwandais de 1994. Les milices des mouvements impliqués dans le génocide des tutsi traversent la frontière et s'installent dans les Kivu. Deux guerres plus tard et le régime Mobutu renversé, la situation sécuritaire s'améliore peu à l'Est. Un dizaine de milices, congolaises, rwandaises ou ougandaises continuent de semer la terreur au sein de la population civile. Le bilan de ces conflits à répétition est très controversé, mais on parle de 2 à 4 millions de morts. Actuellement, 1,7 millions de réfugiés errent dans l'Est de la RDC en attendant un hypothétique retour dans leurs villages. En toile de fond de ces 15 années de guerre, on trouve toujours cette constante : l'absence de l'Etat et l'incapacité de l'armée congolaise à rétablir la sécurité dans les Kivu.

En 2008, un mouvement politico-militaire, le CNDP de Laurent Nkunda, défendant les intérêts des Tutsi dans la région, lance une opération armée au Nord-Kivu et menace de prendre la ville Goma. Le régime de Joseph Kabila vacille pendant quelques jours. Pour ne pas avoir à partager le pouvoir avec ses opposants, Kabila cherche la victoire militaire, sans y parvenir. Finalement, la paix signée en 2009 ne sera qu'un compromis politique puisqu'elle prévoit l'intégration des rebelles dans l'armée régulière et la mue du CNDP en parti politique en vue de participer à la vie politique congolaise. Mais l'intégration des troupes du CNDP dans l'armée s'opère difficilement et les membres du CNDP sont toujours bloqués aux portes du gouvernement. Depuis Kinshasa, Kabila voit le contrôle des Kivu toujours lui échapper et veut donc à tout prix se débarrasser de Nkunda. Le président Congolais passe alors un accord avec son voisin rwandais. La RDC autorise l'armée de Paul Kagame à venir traquer les rebelles FDLR sur son territoire et en contre-partie le Rwanda "arrête" Laurent Nkunda. Joseph Kabila soutient le "putsch" de Bosco Ntaganda au sein du CNDP. Laurent Nkunda est effectivement interpellé par le Rwanda et Ntaganda est propulsé général dans l'armée régulière congolaise (FARDC). Désormais, le nouvel homme fort des Kivu ne s'appelle plus Laurent Nkunda, mais Bosco Ntaganda. Au cours de l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée, certains prétendent que c'est l’armée congolaise qui est intégrée au CNDP et non l'inverse… c'est tout dire.

A cette période (après l'arrestation de Nkunda en 2009), le tour de passe-passe réalisé par Joseph Kabila donne l'impression de porter ses fruits. La situation sécuritaire s'améliore (légèrement) dans l'Est de la RDC et les ex-CNDP de Ntaganda (maintenant intégrés dans l'armée régulière) se font discrets. Pourtant, la rébellion tutsi contrôle toujours la région et ses nombreuses zones minières. En 2011, Joseph Kabila croit même pouvoir se servir de l'ex-rébellion pour "sécuriser" et "pousser" sa réélection à la présidence en novembre. Et ça marche. Même si quelques éléments du CNDP grincent des dents à devoir "servir" Kabila, l'ennemi d'hier, il semble que contre monnaie sonnante et trébuchante, les ex-rebelles soutiennent la candidature du "raïs" dans l'Est (Kabila y réalisera d'ailleurs "d'excellents" score).

Enter 2009 et 2012, la carte Ntaganda s'avère payante pour le leader congolais. Kabila peut afficher une (toute) relative stabilité à l'Est et se targuer de ses bonnes relations avec son voisin rwandais. Un accord avec son encombrant voisin, qui cache mal la faiblesse politique et militaire de l'Etat congolais dirigé par Kabila. Mais le mariage de raison entre Kabila et Kagame passe par Ntaganda et Bosco va alors se révéler un allié très embarrassant.

Début 2012, la Cour pénale internationale (CPI) prononce la culpabilité du chef de guerre congolais Thomas Lubanga.  Cet ancien "collègue" de Bosco Ntaganda est accusé de crimes de guerre et d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans. Dans la foulée de la condamnation de Lubanga, la CPI demande l'arrestation immédiate de Ntaganda, accusé du même chef d'inculpation. Jusque là, Joseph Kabila avait toujours refusé de livrer Ntaganda à la CPI. Pour le chef de l'Etat congolais, Ntaganda a toujours garanti "la paix dans les Kivu" et son arrestation risquerait de relancer la guerre à l'Est. Mais après sa réélection douteuse, Joseph Kabila est impatient de donner des gages de bonnes volonté à la communauté internationale. L'arrestation de Ntaganda est donc devenu "chose possible" pour Joseph Kabila, même si le président congolais ne le livrera pas à la CPI, mais souhaite le juger au Congo (il faut dire que Ntaganda connaît de nombreux secrets sur les accords en la RDC le Rwanda).

Après ce retournement de situation de Joseph Kabila, Bosco Ntaganda décide de montrer ses muscles en demandant à ses soldats (environ 3.000 hommes) de quitter l'armée régulière et en menaçant de reprendre la rébellion. Au risque d'embraser de nouveau les Kivu. Pour Joseph Kabila, c'est "retour à la case départ", comme en 2008. L'Est rebascule en "zone grise" et le problème ne s'appelle plus Nkunda, mais Ntaganda.

Dans une analyse très complète sur la situation à l'Est, le chercheur Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group (ICG) relève les effets pervers des accords de 2009 et note que "l'intégration du CNDP dans l'armée a ouvert la voie à une prise de contrôle silencieuse d’une grande partie des Kivus, aussi bien militaire (commandement parallèle, refus d’être déployé en dehors des Kivus) qu’économique (prédation sur les populations, contrebande de matières premières et accaparement de terres)". Thierry Vircoulon remarque également que la disparition de l'éminence grise de Kabila, Katumba Mwanke, a profondément ébranlé le régime de Kinshasa, en créant "un vide du pouvoir". Pour ce chercheur, "au-delà du cas personnel de Ntaganda", c'est "la représentation politique du CNDP et des Tutsi congolais qui est en jeu". On notera l'absence de membres du CNDP dans les différents gouvernements, depuis l'accord de 2009, mais aussi lors des élections législatives de novembre 2011. Thierry Vircoulon souligne l'annulation des élections législatives dans le Masisi (le fief du CNDP) pour cause de fraude. Une annulation qui remet en cause le fragile équilibre des communautés au Nord-Kivu. Pour le chercheur d'ICG, "seules de nouvelles élections peuvent permettre de trancher la question du contrôle politique dans cette province."

La situation est donc extrêmement préoccupante dans l'Est de la RDC et le risque de voir ressurgir les vieux démons de la guerre sont bien réelles. Comme souvent, l'avenir de la région passe par Kigali. Pour le moment, rien ne filtre sur l'attitude que le président rwandais adoptera avec son voisin congolais. Ntaganda est une pièce importante pour Kagame sur l'échiquier congolais. Arrêter Ntaganda ferait ressurgir les anciens du "CNDP-Historique", fidèles à Laurent Nkunda… et pourquoi pas Laurent Nkunda lui-même Et cela, ni Kinshasa, ni Kigali ne le souhaite.

Christophe RIGAUD

(1) "Zone grise : quand les états perdent le contrôle" de Gaïdz Minassian. Ed. Autrement 2011.

(2) L'article de Thierry Vircoulon est accessible ICI.

19 avril 2012

RDC : Matata Ponyo, un techno à la primature

Joseph Kabila joue la normalisation avec la nomination d'Augustin Matata Ponyo comme nouveau Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC). 5 mois après des élections contestées, l'arrivée de Matata Ponyo à la primature vise avant tout à rassurer les bailleurs de la RDC. Ce technocrate de 47 ans constitue le nouvel atout économique de Joseph Kabila et disposera d'une importante marge de manoeuvre à la tête de son gouvernement.

Capture d’écran 2012-04-19 à 18.06.45.pngLe "survivant" Augustin Matata Ponyo revient de loin. Le 12 février 2012, Matata Ponyo était ministre des finances de RDCet se trouvait à bord de l'avion Katanga Express qui s'est brisé dans un ravin sur la piste de l'aéroport de Bukavu. L'accident fait 6 morts, dont l'éminence grise de Joseph Kabila, Augutin Katumba Mwanke. Depuis ce jour, son nom était de plus en plus souvent cité au Palais pour la primature. Car, au-delà de sa nouvel aura de "survivant", Matata Ponyo possède plusieurs atouts pour la président Kabila.

Après un cycle électorale calamiteux, entaché de nombreuses irrégularités, Joseph Kabila se devait de rassurer la communauté internationale et principalement les multiples bailleurs de la RDC. Le pays vit en effet depuis plus de 15 ans sous perfusion de l'aide internationale. Augustin Matata Ponyo a l'avantage de connaître parfaitement les grands équilibres macroéconomiques, ainsi que les principales institutions internationales. Formé en économie monétaire et internationale à l'Université de Kinshasa, où il a été professeur assistant, il a ensuite suivi une carrière au sein de la Banque Centrale du Congo (BCC) et a été plusieurs fois conseiller économique du ministère des finances.

Arrivé au poste de Ministre de finances en 2010, Matata Ponyo stabilise l'économie nationale et obtient une réduction de la dette de la RDC de 12,3 milliards de dollars. Un tour de force dont les Congolais ne verront pas vraiment les effets : les prix augmentent, les salaires stagnent et 80% de la population vit toujours avec moins de 2 dollars par jour.

Sur le plan politique, le choix d'Augustin Matata Ponyo à la primature constitue un compromis intéressant pour le président Kabila. Entre les "purs et durs" du PPRD (le parti présidentiel) et "l'ouverture" à l'opposition (dont Kabila ne voulait pas), le choix d'un "techno" s'imposait. Avec Matata Ponyo, Kabila joue l'apaisement avec la communauté internationale et pourra toujours "débaucher" quelques personnalités issues de l'opposition dans le nouveau gouvernement pour afficher une "ouverture" de façade. Dernier élément concernant le nouveau premier ministre congolais : Matata Ponyo sera sûrement le premier à ce poste à disposer d'une marge de manoeuvre aussi importante à la tête du gouvernement congolais (depuis Gizenga et Muzito)… encore faudra-il qu'il en fasse quelque chose ?

Christophe RIGAUD

16 avril 2012

RDC : L'urgence d'une réforme militaire

Un rapport mené par 13 ONG internationales et congolaises demandent de toute urgence "un nouvel accord sur la réforme du secteur militaire" en République démocratique du Congo 'RDC). Alors qu'à l'Est du pays, les bruits de bottes se font de nouveau entendre sous la menace des soldats de Bosco Ntaganda, l'absence d'une réforme du secteur de la sécurité "mettrait en péril non seulement l'impact des millions de dollars d’aide internationale accordée à la RDC, mais aussi la stabilité du pays".

Capture d’écran 2012-04-15 à 21.35.45.pngDans un rapport intitulé, "Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité", 13 organisations internationales, mais aussi congolaises, s'inquiètent de l'absence d'une armée et d'une police congolaises efficaces, qui "n'assurent plus la sécurité" et qui "s'en prend activement à la population". Selon Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ), "de nombreux problèmes liés au conflit en RDC, qui demeuraient apparemment insolubles, peuvent être imputés à des dysfonctionnements l’armée, de la police et des tribunaux. Le gouvernement congolais n’a toujours pas entrepris d’action concrète pour réformer ces institutions cruciales".

Le rapport dénonce également la passivité de la communauté internationale. Pour Emmanuel Kabengele, "la communauté internationale a continué de soutenir le gouvernement en investissant des montants et des efforts importants, sans pour autant obtenir de résultats. Il est grand temps que les donateurs exigent du gouvernement congolais qu’il lance une véritable réforme de l’armée". Les auteurs du rapports estiment que "la principale raison de l’échec de la réforme de l’armée en RDC est le manque de volonté politique de certains membres du gouvernement congolais – notamment ceux qui profitent de la corruption endémique".

Le rapport souligne enfin "le rôle essentiel que la communauté internationale doit jouer". "En cinq ans, les pays donateurs ont à eux seuls investi plus de 14 milliards de dollars US en RDC. Pourtant, seul un pour cent de cette somme, soit 140 millions de dollars US, a été consacré à la réforme du secteur de la sécurité. L’aide internationale représente désormais près de la moitié du budget annuel de l’Etat congolais. Les donateurs peuvent donc avoir une influence considérable sur le pays. Or, malgré cet investissement colossal, la RDC a régressé : le pays occupe actuellement la dernière place du classement de l’ONU en termes de développement humain". Aux premiers rangs des donateurs internationaux en RDC, on trouve les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni, la France et la Belgique, mais aussi la Chine, l’Afrique du Sud ou l’Angola.

"Le nouveau gouvernement doit saisir l'opportunité de recentrer son action sur la mise en œuvre d’une réforme de la sécurité effective et durable", note Pascal Kambale de l’Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA). "Il est temps pour la communauté internationale et le gouvernement congolais d’œuvrer à une réforme de la police et de l’armée qui permette au Congo de protéger ses propres civils".

 Le rapport propose un certain nombre de recommandations, comme :
- "exclure des postes à responsabilités les individus qui entravent cette réforme, et au besoin les traduire en justice",
- "instaurer un organe de coordination efficace dédié à la réforme de l’armée",
- "lancer un forum de haut niveau sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en RDC",
- "élargir l’actuel Groupe de contact pour les Grands Lacs afin qu’il intègre d’autres partenaires clés, tels que l’Angola, l’Afrique du Sud et la Chine",
- "élaborer des critères permettant de mesurer les progrès réalisés en matière de RSS, par exemple s’agissant du respect des droits humains par l’armée".
Et enfin le plus important : "faire du respect de ces critères l’une des conditions à l’octroi d’un soutien financier", ce qui n'a jamais été le cas en RDC.

RDC : "Ntaganda doit être arrêté"

L'ONG américaine Human Rights Watch (HWR) demande au président Joseph Kabila "d'ordonner immédiatement l'arrestation du général Bosco Ntaganda et de le transférer sans tarder à La Haye pour qu'il soit jugé". Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Allié au régime de Kinshasa, Ntaganda est désormais persona non grata pour le président Kabila, qui souhaite son arrestation, mais son jugement en RDC et non par la CPI.

Capture d’écran 2012-04-15 à 22.24.23.pngDans une déclaration publique prononcée dans l'Est de la RDC le 11 avril 2012, le président Kabila a indiqué qu'il envisageait de faire arrêter Ntaganda. La visite éclair de Joseph Kabila dans cette région survenait dans le contexte d'un retour de l'insécurité dans le Nord Kivu et le Sud Kivu, après que des soldats fidèles à Ntaganda eurent tenté de se mutiner. La déclaration du président a paru signaler un revirement important dans l'attitude du gouvernement congolais vis-à-vis du général Ntaganda, qu'il considérait auparavant comme indispensable à la poursuite du processus de paix dans le pays.

« Le président Kabila a mis clairement l'arrestation de Ntaganda à l'ordre du jour, ce qui constitue un pas très important vers la justice au Congo », selon Anneke Van Woudenberg, chercheuse de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les propos du président Kabila devraient être suivis rapidement d'une arrestation menée en bonne et due forme, d'une manière qui garantisse le transfert immédiat de Ntaganda à La Haye et qui soit sans danger pour les civils. »

La CPI a émis un mandat d'arrêt sous scellés contre Bosco Ntaganda en 2006, l'accusant de crimes de guerre pour avoir recruté des enfants soldats et les avoir fait participer à des combats en 2002-2003 dans le district de l'Ituri, dans le nord-est de la RDC. A l'époque, il était le chef des opérations militaires de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice armée congolaise. Les scellés du mandat d'arrêt ont été levés en avril 2008.

En dépit de ce mandat d'arrêt de la CPI, Bosco Ntaganda a été intégré dans l'armée gouvernementale congolaise et promu général en 2009. Il a pu se déplacer librement dans l'est du Congo sous les yeux de responsables du gouvernement congolais, de Casques bleus des Nations Unies et de diplomates étrangers. Le gouvernement congolais a affirmé que Ntaganda était un partenaire important pour la paix et que l'arrêter ne ferait que compromettre le processus de pacification. Les organisations de la société civile congolaises ont à plusieurs reprises dénoncé sa promotion et réclamé son arrestation.

Au cours de la dernière décennie, Human Rights Watch a fréquemment documenté le rôle qu'a continué à jouer Bosco Ntaganda dans d'atroces violations des droits humains, dont des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture, ainsi que le recrutement d'enfants soldats. La politique du gouvernement consistant à récompenser des commandants impliqués dans des violations, comme Ntaganda, en les nommant à des postes hiérarchiques dans l'armée, démontre un mépris cruel pour les victimes de leurs atrocités, a affirmé Human Rights Watch.

« Ntaganda s'est promené effrontément dans les restaurants et sur les terrains de tennis de Goma, arborant son impunité comme une médaille tout en se livrant à d'impitoyables violations des droits humains », a ajouté Anneke Van Woudenberg. « Les Nations Unies et d'autres devraient prêter leur concours à son arrestation en bonne et due forme, qui n'a que trop tardé, et ainsi apporter un peu de soulagement à ses nombreuses victimes. »

En mars, la CPI a déclaré Thomas Lubanga, le co-accusé de Ntaganda, coupable de crime de guerre pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats, dans un jugement qui constituait son premier verdict. A la suite de ce verdict, le procureur de la CPI a annoncé qu'il allait ajouter les chefs d'accusation de viol et de meurtre dans le dossier à charge ouvert à l'encontre de Ntaganda, en rapport avec ses activités en Ituri.

Le verdict de la CPI à l'encontre de Lubanga a mis en lumière l'impunité dont continuait à bénéficier Ntaganda et a accru les pressions en faveur de son arrestation, a souligné Human Rights Watch. Craignant l'imminence d'une action contre lui, Bosco Ntaganda a encouragé ses troupes à quitter les rangs de l'armée congolaise. Mais sa manœuvre s'est retournée contre lui car quelques centaines d'hommes seulement se sont ralliés à lui, dont beaucoup ont par la suite de nouveau rejoint l'armée régulière ou ont été arrêtés quelques jours plus tard.

Dans son discours de Goma, Joseph Kabila a dénoncé ces défections et l'indiscipline dans l'armée et a déclaré: « Cela nous donne des raisons d'arrêter n'importe quel officier, à commencer par Bosco Ntaganda. »

Joseph Kabila a également évoqué la possibilité que Ntaganda soit jugé en RD Congo, plutôt que transféré devant la CPI après son arrestation.

« Nous n'avons pas besoin d'arrêter Bosco pour le livrer à la CPI », a-t-il dit. « Nous pouvons l'arrêter nous-mêmes, et nous avons plus d'une centaine de raisons pour le faire, et le juger ici, et si ce n'est pas possible, ailleurs, par exemple à Kinshasa [la capitale], ou encore ailleurs. Nous ne manquons pas de raisons. »

Cependant, le gouvernement congolais a lui-même saisi la CPI de la situation dans le pays, en 2004. En tant qu'État partie au traité ayant constitué la CPI, la RD Congo est légalement tenue de coopérer avec la Cour et de suivre ses procédures, y compris d'exécuter le mandat d'arrêt lancé contre Ntaganda.

Si le gouvernement congolais souhaitait juger Ntaganda en RD Congo, il devrait déposer un recours devant les juges de la CPI, contestant l'admissibilité du dossier et démontrant que le système de justice congolais est réellement désireux et capable de poursuivre Ntaganda pour les mêmes crimes, dans le cadre d'une procédure équitable et crédible. Il reviendrait finalement aux juges de la CPI de décider si un procès national organisé en RD Congo pourrait s'imposer comme une meilleure solution que ses propres procédures.

Le système judiciaire en RD Congo a fait la preuve de ses faiblesses lorsqu'il s'est agi de faire rendre des comptes aux responsables de violences généralisées, a rappelé Human Rights Watch. Très peu d'officiers de haut rang ou de chefs de groupes armés ont été amenés à répondre de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, malgré le grand nombre de crimes graves commis au cours des récents conflits armés en RD Congo. Les tribunaux militaires souffrent d'un manque de moyens, sont souvent handicapés par des ingérences politiques et beaucoup de leurs procédures sont loin de respecter les critères internationaux en matière de procès équitable. Certaines des personnes qui ont été condamnées ont réussi à s'évader de prison.

« Ntaganda a à répondre de beaucoup de crimes mais ce n'est pas le moment pour la RD Congo de revenir sur ses obligations juridiques vis-à-vis de la CPI », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Sans d'importants investissements et des réformes, le système judiciaire de la RD Congo sera incapable de statuer de manière équitable sur les crimes internationaux dont Ntaganda est accusé. Quand il sera arrêté, il devrait être transféré dans les plus brefs délais à La Haye, afin que ses victimes puissent être enfin entendues par la justice. »

13 avril 2012

RDC : Aubin Minaku prend le perchoir

Sans surprise, Aubin Minaku, cadre du PPRD, a été élu nouveau président de l'Assemblée nationale en République démocratique du Congo (RDC). Il s'agit du premier changement institutionnel en RDC depuis les élections contestées de novembre 2011. L'opposition a boycotté le vote.

Image 9.pngAubin Minaku était seul en lice pour représenter la Majorité présidentielle au perchoir de l'Assemblée nationale congolaise, il a donc été logiquement élu au perchoir. Responsable du PPRD, le parti du président Joseph Kabila, Aubin Minaku devra jongler avec les 340 députés de la Majorité présidentielle et la soixantaine de partis qui la compose. Il devra également faire face à quelques 120 députés de l'opposition, une première en RDC où l'opposition se limitait à la portion congrue. A 46 ans, ce député du Bandundu et juriste de formation est présenté comme un fin tacticien et un bon connaisseur de l'arène politique congolaise. Aubin Minaku avait piloté la campagne électorale de Joseph Kabila au sein de la Majorité présidentielle : un atout essentielle pour "tenir" une majorité très "éclatée".

Pour l'élection du bureau de l'Assemblée nationale, l'opposition a dénoncé "des tricheries" et accuse la majorité de s'être "ingérée dans les affaires de l'opposition" en imposant ses propres candidats d'opposition (très différents de ceux proposés par les partis). L'UDPS et le MLC avaient en effet désigné d'autres candidats que ceux proposé et élu au poste de 2e vice-président et de rapporteur adjoint (des postes réservés à l'opposition). Pour protester contre cette "sélection" des opposants par la majorité, les députés du MLC et de l'UDPS ont quitté la salle au moment du vote.

Après l'élection du président de l'Assemblée nationale, le président Kabila devrait prochainement nommer son prochain Premier ministre. Côté PPRD, Evariste Boshab tient toujours la corde, mais le président Kabila pourrait être tenté par une ouverture (timide) vers l'opposition où Léon Kengo et François Muamba (ex-MLC) essayent de se positionner.

Christophe RIGAUD

RDC : 33 députés sont exclus de l'UPDS

Le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, avait promis de radier les députés de son parti qui siégeraient à l'Assemblée nationale... c'est chose faite depuis le 10 avril. Etienne Tshisekedi, qui ne reconnaît pas les résultats des dernières élections présidentielle et législatives, avait opté pour le boycott de l'Assemblée au risque d'isoler son parti de la scène politique congolaise. 33 députés de l'UDPS ont décidé de siéger et se retrouvent désormais sans étiquette politique.

Image 8.pngEtienne Tshisekedi a donc mis ses menaces à exécution : 33 députés du parti d'opposition ont été "auto-exclus" par les instances de l'UDPS. Les 33 fautifs n'avaient pas respecté la règle de boycott imposée par Etienne Tshisekedi. Candidat malheureux à l'élection présidentielle de République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2011, le patron de l'UDPS conteste la réélection de Joseph Kabila et les résultats des élections législatives. De nombreuses organisations internationales avaient pointé les irrégularités et les soupçons de fraudes massives, sans effets sur les résultats définitifs des élections.

Alors que les autres partis d'opposition ont tous décidé de siéger à l'Assemblée, Etienne Tshisekedi est resté campé sur sa position : le boycott de toutes les institutions issues des élections "frauduleuses". Cette décision passe mal auprès de nombreux cadres de l'UDPS qui craignent d'être marginalisés et inaudibles dans l'espace politique congolais. Selon eux, la stratégie du boycott (maintes fois utilisée par Tshisekedi) "n'a jamais payé par le passé". Divisée, l'UDPS risque l'éclatement, comme après chacune de ses défaites électorales. Lassés par l'irrédentisme d'Etienne Tshisekedi, certains cadres ont déjà rejoint d'autres formations politiques, comme l'UNC de Vital Kamerhe. Des départs pour l'instant marginaux.

Préférant parler "d'auto-exclusion constatée" plutôt que de radiation, l'UDPS a communiqué la liste des 33 radiés, le 10 avril dernier. Voici les personnalités concernées par ces exclusions : cliquez ici.

Christophe RIGAUD

10 avril 2012

RDC : Pourquoi Kabila ne lâchera pas Ntaganda

Recherché par la Cour pénale internationale (CPI) et menacé d'être interpellé par Kinshasa, le général Bosco Ntaganda a démontré sur le terrain que ses hommes pouvaient relancer le conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une entretien accordé à Afrikarabia, le représentant du CNDP en France, le Colonel Jean-Paul Epenge, affirme que Kinshasa n'a "ni intérêt, ni les moyens d'arrêter Bosco Ntaganda". Selon lui, le voisin Rwandais veille à garder son influence à l'Est et le rapport de force militaire reste favorable aux troupes fidèles à Ntaganda. Jusqu'à quand ?

29112004-021.jpgDepuis la condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), les rumeurs autour d'une possible arrestation de Bosco Ntaganda vont bon train à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Comme Lubanga, Ntaganda est accusé par la CPI d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans en Ituri et d'avoir participé au conflit à l'Est de la RDC. Mais contrairement à Thomas Lubanga, Bosco Ntaganda a rejoint une autre rébellion en 2000, le CNDP de Laurent Nkunda. Il devient alors le chef d'Etat-major du mouvement et participe à la guerre que lance Laurent Nkunda contre le régime de Joseph Kabila dans les Kivu. Mais en 2009, une renversement d'alliance surprise s'opère au sein du CNDP : Ntaganda rallie Joseph Kabila et Nkunda est arrêté par son ancien allié rwandais. Les ex-CNDP de Ntaganda conclu un accord de paix avec Kinshasa et s'intègre dans les rangs de l'armée régulière (FARDC). Un fragile équilibre entre Kabila et Ntaganda permet un retour au calme relatif dans les Kivu et les ex-CNDP soutiennent même le candidat Kabila aux dernières élections de novembre 2011 dans leur zone d'influence. Ce statu-quo arrange tout le monde : Kabila, qui a étouffer le conflit à l'Est, Ntaganda qui a évincé Laurent Nkunda et le Rwanda qui conserve la haute main sur l'Est du Congo-Kinshasa.

L'embarrassant général Ntaganda

Depuis son ralliement à Kinshasa, Ntaganda s'est vu nommer général et coordonne même les opérations militaires contre les rebelles FDLR avec les casques bleus de l'ONU. Kinshasa estime que l'intégration de l'ancien rebelle au sein de l'armée régulière constitue un gage de stabilité dans l'Est du pays, secoué depuis plus de 15 ans par une guerre sans fin. La condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale a réactivé la machine judiciaire et remis Bosco Ntaganda sur le devant de la scène médiatique. Un coup de projecteur qui embarrasse Kinshasa, accusée de protéger Ntaganda.

Car l'affaire Ntaganda tombe au plus mal pour le président Kabila. Le président de la République démocratique du Congo cherche depuis plusieurs mois à retrouver sa légitimité auprès de la communauté internationale. Le pays a traversé une période électorale trouble, entachée de nombreuses irrégularités et de soupçons de fraudes massives. Kabila aimerait bien donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale et à ses bailleurs. Pendant ce temps, le procureur de la CPI pousse le régime de Kinshasa à arrêter Ntaganda. La rumeur enfle à l'Est et des soldats fidèles à Ntaganda désertent l'armée régulière pour rejoindre le maquis et en profitent pour effectuer une démonstration de force dans les rues de Goma. La population prend peur et craint le retour de la guerre dans la région.

"Que veut la communauté internationale ? Que l'Est s'embrase ?"

Afin de savoir si Kinshasa prendra le risque d'arrêter Ntaganda, nous avons interrogé le Colonel Jean-Paul Epenge, le représentant du CNDP en France. Pour ce légaliste pro-Nkunda, qui n'a donc jamais soutenu la scission provoquée par Bosco Ntaganda, Joseph Kabila n'a pour l'instant aucun intérêt à lâcher le responsable du CNDP et rallumer la guerre à l'Est. Jean-Paul Epenge "ne pense pas et ne souhaite pas" que Kinshasa arrête Bosco Ntganda. Pour ce responsable du CNDP, les défections des soldats de Ntaganda sont  l'expression "d'un fort mécontentement" vis à vis du pouvoir central. Les officiers de l'ex-CNDP avaient en effet adressés un mémo au président Kabila le 23 septembre 2010 en dénonçant le manque de moyens mis à leur disposition pour traquer les rebelles FDLR, les détournements de salaires et le tribalisme qui régnait au sein des FARDC (l'armée régulière congolaise). Selon Jean-Paul Epenge, "nous n’avons rien obtenu, ne fusse qu’un simple regard  de la part de Kinshasa" et de préciser : "tant que ces revendications  fondées ne seront pas prises en compte, il y aura toujours quelques sursauts d’orgueil et des défections".

Concernant la possible arrestation de Bosco Ntaganda, Jean-Paul Epenge, rappelle l'accord passé entre Kabila et Ntaganda : la paix contre l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée. Pour Jean-Paul Epenge :  "il est temps que les fils du Congo soient jugés chez eux. Par exemple, les nouvelles autorités  libyennes ont refusé de livrer Seïf al-Islam Kadhaffi  à la CPI, bien que ce dernier soit leur pire ennemi. Bosco Ntaganda est un général des FARDC, coordonateur adjoint des opérations Amani-Leo qu’il assure avec brio, malgré le manque des moyens." Et de conclure : "il est abject  que d’une part  cette fameuse communauté internationale  travaille en symbiose avec le général Bosco Ntaganda pour une paix définitive dans les Kivu et d’une autre, ils brandissent un mandat d’arrêt contre lui. C’est hypocrite et dangereux. Que veut la communauté internationale ? Que l’Est de la RDC s’embrase encore? Non, les Congolais doivent faire très attention à toutes ces manipulations. Le président Kabila veut la paix, les Congolais aussi, y compris le général  Bosco Ntaganda".

"Le Rwanda ne l'acceptera pas"

Joseph Kabila n'a donc aucun intérêt à livrer Ntaganda à la CPI, au risque de rallumer la poudrière des Kivu. Bosco constitue une pièce maîtresse dans le fragile équilibre qui lie Kinshasa et son turbulent voisin rwandais. D'ailleurs, selon Jean-Paul Epenge, les FARDC rencontreraient de réelles difficultés si elles devaient procéder à l'arrestation de Bosco Ntaganda dans son fief de l'Est. Pour ce colonel du CNDP : "le rapport de force est en notre faveur". Avant de rajouter : "de toute façon, le Rwanda ne l'acceptera pas".

Pour l'instant, Kinshasa et Ntaganda se regardent en chien de faïence : chacun attendant un geste de l'autre. Sur le terrain, le gouvernement congolais se veut rassurant sur le retour à la normale dans les contingents de l'armée régulière et promet d'envoyer des renforts… au cas où. Selon nos informations, les défections des soldats ex-CNDP continueraient au sein des FARDC. Le gouvernement aurait donné jusqu'au 12 avril pour que la situation se régularise à l'Est.

Christophe RIGAUD

Photo : JP Epenge © DR www.afrikarabia.com

03 avril 2012

RDC : Les heures comptées de la CENI

5 mois après des élections entachées de nombreuses irrégularités, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) se retrouve sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l'ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de personnes pour défendre l'organisation chaotique des élections de novembre 2011. Le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda sera sans doute le premier fusible à sauter.

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Partis politiques, ONG, société civile, bailleurs de fonds, Union européenne, église catholique tirent à boulet rouge sur la CENI. La Commission électorale semble aujourd'hui cristalliser tous les malaises de la société congolaise. Il faut dire que l'institution électorale a longtemps été présentée par Kinshasa comme le symbole de l'évolution démocratique du pays.

Mais très rapidement les doutes sont apparus. A commencer par la nomination d'un proche du président Kabila, Daniel Ngoy Mulunda, à la tête de la Commission électorale. Les choses se sont gâtées avec la composition du bureaux : l'opposition est sous-représentée et la société civile complètement absente. L'indépendance de la CENI est immédiatement remis en question par l'opposition et de nombreuses ONG.

Concernant le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l'étendu des dégâts : "les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées". La mission de l'UE note les multiples dysfonctionnements du scrutin : "l'absence d'audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d'électeur de 3,2 millions d'électeurs, de multiples incidents de fraude et de bourrages d'urnes lors du vote le 28 novembre, ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence". L'Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent "la restructuration de la CENI en y incluant la société civile" et souhaite un audit complet du fichier électoral.

Du côté de l'opposition, l'ensemble des partis exigent la démission pure et simple de la Commission dans la perspective des prochaines élections locales et provinciales dont la date n'est toujours pas fixée. Devant le tollé provoqué par les "ratés des élections", les autorités congolaises paraissent décidées à faire un geste. Selon Charles Mwando, le médiateur nommé par le président Kabila pour "dégeler" la crise politique avec l'opposition et trouver une coalition gouvernementale, "la restructuration de la CENI, à défaut de sa recomposition, constituerait la seule alternative", d'après les différents partis consultés, "pour sauver le processus électoral en cours".

Pour donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale, Kinshasa n'a pas d'autre choix que de trouver un terrain d'entente avec l'opposition sur la composition d'une CENI deuxième version, un peu plus indépendante... ou moins dépendante. Le président Joseph Kabila sait que sa crédibilité et son retour sur la scène internationale se jouera sur la bonne tenue des prochains scrutins. Pour l'instant, l'incertitude plane sur les dates des élections provinciales et sénatoriales (prévues pourtant en mars et en juillet 2012)... et les bailleurs de fonds commencent à hausser (timidement) le ton. Le président contesté de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, pourrait faire les frais du fiasco électoral de novembre. Résultat : à Kinshasa aujourd'hui, plus personne n'ose défendre publiquement le bilan de Ngoy Mulunda.

Christophe RIGAUD

26 mars 2012

RDC : Visite contestée de Didier Reynders à Kinshasa

Le patron de la diplomatie belge, Didier Reynders, effectue une visite très polémique de 48 heures en République démocratique du Congo (RDC). Didier Reynders sera en effet le premier responsable politique occidental à se rendre à Kinshasa depuis les élections très contestées de novembre 2011. L'UDPS, le principale parti d'opposition, dénonce une visite qui viendrait normaliser  la réélection "illégitime", à leurs yeux, du président Joseph Kabila.

carte RDC Afrikarabia vierge.jpgLa visite de Didier Reynders à Kinshasa suscite l'émotion de l'opposition congolaise. Si le patron de la diplomatie belge vient en RDC  "pour mieux s'informer de la situation politique" et rencontrer majorité et opposition, de nombreuses voix s'élèvent pour regretter un tel déplacement.

Cette visite intervient trois mois après un cycle d'élections (présidentielle et législatives) marqué par de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraudes massives. La réélection de Joseph Kabila est toujours fortement contestée par l'opposition et notamment par Etienne Tshisekedi, le leader de l'UDPS, qui se considère comme le "vrai président" élu. Dans ce contexte de crise politique aiguë, le ministre belge des affaires étrangères (ainsi que tous ses collègues occidentaux) avait "boudé" l'investiture de Joseph Kabila en raison des irrégularités, des violences et de la répression qui avaient entaché le scrutin.

En acceptant l'invitation de son homologue congolais, Didier Reynders souhaite renouer un dialogue "ouvert et constructif" entre Bruxelles et Kinshasa… et s'attire les foudres de l'opposition qui voit dans cette visite la légitimation du second mandat de Joseph Kabila. L'UDPS dénonce le fait que le gouvernement belge et son chef de la diplomatie "ont été les seuls au monde à accorder du crédit aux résultats des élections tels que publiés par la CENI (la Commission électorale congolaise)". L'UDPS rappelle les nombreux rapports du Centre Carter, de l'Union européenne ou de l'Eglise catholique congolaise qui fustigeaient le "manque de crédibilité du scrutin".

Didier Reynders devrait rencontrer dans membres de la majorité et de l'opposition dont le président du Sénat, le premier ministrable Léon Kengo. Il rencontrera également des ONG congolaises des droits de l'homme, le patron des casques bleus en RDC et devrait enfin s'entretenir avec le président Kabila mercredi. Le chef de l'Etat congolais, affaibli par un scrutin contesté et en quête de légitimité internationale, voit d'un très bon oeil ce rapprochement avec Bruxelles. La République démocratique du Congo reste en effet le partenaire le plus important de la coopération belge.

Christophe RIGAUD

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21 mars 2012

RDC : Un professeur sanctionné après une émission de RFI

Alphonse Maindo devrait se souvenir de son intervention sur RFI, le 23 février 2012. Ce professeur en Sciences politiques de l'université de Kisangani participait à l'émission "7 milliards de voisins" d'Emmanuelle Bastide. Le thème : "universités en RDC : pourquoi tant de faillite ?". Visiblement les propos d'Alphonse Maindo ont fortement déplu au ministère de l'Enseignement supérieur. Conséquence : le professeur s'est vu limoger de la cellule d'appui et d'accompagnement de la réforme de l'enseignement supérieur à laquelle il était associé. Alphonse Maindo dénonce une "sanction politique".

Alphonse Maindo.jpgLe 23 février dernier, Alphonse Maindo témoignait sur RFI dans l'émission d'Emmanuelle Bastide, "7 milliards de voisins" sur les problèmes que traversent l'université en République démocratique du Congo (RDC). Dans cette émission, ce professeur de l'université de Kisangani faisait un constat amer de l'état de l'enseignement supérieur en RDC : problèmes d'infrastructures, qualité de l'enseignement, insuffisance des profs dont la moyenne d'âge est de 65 ans, universités sans personnels, surpeuplement des classes…

Quelques jours après la diffusion de l'émission, Alphonse Maindo apprend "par des amis", "de source informelle" qu'il est "limogé de la cellule d'appui et d'accompagnement de la réforme de l'enseignement supérieur et universitaire" à laquelle il participait. On lui reproche "de ne pas avoir défendu le bilan positif du gouvernement dans le secteur de l’enseignement supérieur et d'avoir ainsi trahi (son) pays et (son) université". Contacté par Afrikarabia, Alphonse Maindo ne regrette pas du tout sa participation à l'émission. "Si je devais la refaire, ce serait sans hésiter. Il faut sensibiliser l’opinion sur les maux de l’université pour que chacun prenne conscience et se mobilise pour y remédier" nous a-t-il précisé.

Ce professeur en Sciences politiques renommé estime que cette sanction "a tout l'air d'être politique, mais je ne me laisserai pas intimider". Pour l'instant, Alphonse Maindo a envoyé un courrier de mise au point à son ministre de tutelle… sans réponse. A noter que Léonard Machako Mamba, Ministre de l'Enseignement Supérieur de la République Démocratique du Congo participait également à l'émission de RFI...

Christophe RIGAUD

Vous pouvez réécouter l'émission "7 milliards de voisins" ICI.

NB : Alphonse Maindo s'était exprimé sur les élections en RDC sur notre site en janvier 2012. Vous pouvez relire son interview ICI.

Photo : Alphonse Maindo à Paris en 2011. © www.afrikarabia.com

20 mars 2012

RDC : Un rapport de l'ONU détaille les violences électorales de 2011

Une longue enquête du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies révèle les nombreuses violences pendant les élections présidentielles et législatives de 2011 en République démocratique du Congo (RDC). Les forces de sécurités congolaises sont accusées "de meurtres, de disparitions et de détention arbitraires". L'ONU demande "que les auteurs soient traduits en justice".

Image 4.pngLe rapport des Nations Unies publié ce mardi dénonce les violations graves des droits de l'homme pendant les élections de 2011 en RDC. Le document recense "le meurtre d'au moins 33 personnes par les forces de sécurité à Kinshasa, entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011. Les enquêtes ont montré qu'au moins 83 personnes ont été blessées, la plupart par balle, et au moins 16 personnes sont toujours portées disparues. Plus de 265 personnes ont été arrêtées et la majorité d'entre elles aurait été maintenue en détention arbitraire dans différents centres de détention à Kinshasa. Il y avait aussi des témoignages concordants et corroborés de torture lors de détentions".

Le processus électoral s'est déroulé dans une atmosphère particulièrement tendu en RDC. La réélection de Joseph Kabila est fortement contestée par l'opposition qui dénonce de nombreuses irrégularités pendant le scrutin et soupçonne le pouvoir en place de fraudes massives. Les manifestations ont toutes été violemment réprimées par les forces de sécurité congolaises.

L'ONU explique dans son enquête que "la Garde républicaine, la Police nationale congolaise, en particulier des agents de la Légion nationale d'intervention et des agents du Groupe mobile d'intervention, ou l'Agence nationale de renseignements (ANR)", sont  toutes "impliquées" dans les violences.

Le rapport estime que les violations "furent perpétrées sur des personnes à cause de leur appartenance réelle ou présumée au parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi, principal adversaire à l'élection présidentielle du Président Joseph Kabila candidat à sa réélection, ou à une des provinces dans lesquelles il bénéficie d'un soutien important". La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a « reçu plusieurs comptes rendus décrivant la Garde républicaine tirant à balles réelles sur les foules, et d'individus détenus arbitrairement soumis à la torture ». Selon l'ONU, « les autorités doivent s'assurer que des enquêtes soient menées sur ces violations graves des droits de l'homme, que les auteurs soient traduits en justice, et que ceux qui sont encore détenus illégalement soient libérés sans délai ».

Une enquête judiciaire ouverte en décembre

Le représentant de la MONUSCO (la mission des casques bleus au Congo), Roger Meece « attend avec impatience le résultat de l'enquête judiciaire et (la MONUSCO) se tient prête à continuer à aider et soutenir les autorités judiciaires de la RDC pour identifier et traduire les coupables en justice». « Les poursuites et les procès récents entrepris avec l'appui de la MONUSCO à travers le pays, ont conduit à l'arrestation d'un nombre significatif d'auteurs de violations des droits de l'homme », a précisé Roger Meece.

Sur Radio Okapi, le ministre congolais de la Justice et Droits humains, Luzolo Bambi Lesa a qualifié le rapport de l'ONU de « gratuit, incohérent et exagéré ». Une enquête judiciaire a été ouverte en décembre. Aucune condamnation n'a encore été prononcée.

Christophe RIGAUD

18 mars 2012

RDC : La crise alimentaire s'est aggravée en 2011

L'édition 2011 de l'indice de la faim dans le monde mesure l'évolution de l'insécurité alimentaire dans plus de 80 pays. Dans cette nouvelle édition, la République démocratique du Congo (RDC) est le seul pays à passer de "situation alarmante" à "extrêmement alarmante" en 2011. Les conflits successifs et l'instabilité politique ont provoqué une augmentation de 63% de son indice de la faim.

filtre DSC02372.jpgDans la sixième édition du Global Hunger index (indice mondial de la faim), publié par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), 26 pays continuent de présenter une "situation grave" et 9 pays ont connu une aggravation de la faim. Dans cette petite trentaine de pays en grave insécurité alimentaire, la République démocratique du Congo (RDC) fait office de mauvais élève. La RDC est en effet le seul pays a nettement reculer dans ce classement. Le Congo passe donc de "situation alarmante" à "extrêmement alarmante".

Capture d’écran 2012-03-18 à 18.45.42.pngL'IFPRI affirme que la République Démocratique du Congo compte "la plus grande proportion de personnes sous-alimentées (environ 70 % de la population) et l’un des taux de mortalité infantile le plus élevé au monde". En cause : les déplacements massifs de populations et le marasme économique liés aux guerres des années 1998–2003. Le rapport note que pour sortir de sa
situation précaire en matière de sécurité alimentaire, "la RDC aura besoin de programmes de développement solides incluant des volets de sécurité alimentaire, en nutrition et santé".

Pourtant, la RDC possède le premier potentiel agricole d'Afrique, avec ses 80 millions d'hectares de terres cultivables. De quoi subvenir largement aux besoins alimentaires des Congolais. Problème : seuls 10% sont utilisés. Il y a plusieurs raisons à cela. A commencer par la "mégestion" de l'Etat. La rente minière, autrement plus lucrative, a toujours été privilégiée par les gouvernements congolais, de Mobutu à Kabila. En 2010, la RDC n'a investit que 0,64% de son budget dans l'agriculture. Une goutte d'eau lorsque l'on sait que le budget national ne dépasse pas les 5 ou 6 milliards de dollars. Conséquences : aucun investissement, manque d'entretien et d'engrais… le rendement chute.

Les nombreux conflits armés à répétition sont aussi à l'origine de la baisse de la production agricole. L'insécurité provoque le pillage systématique des cultures et des lieux de vente, comme les marchés. Autres entraves à la commercialisation des produits agricoles : le manque d'infrastructures routières qui freine également l'acheminement des produits et les nombreux "barrages", où les producteurs sont "taxés" par les divers services de sécurité ou les groupes rebelles. Et la situation se dégrade :  le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 11 millions en 1990 à 44 millions en 2006. Les ONG présentes en RDC mettent essentiellement en cause la mauvaise gouvernance de l'Etat congolais.

Christophe RIGAUD

Photo : Matadi © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

14 mars 2012

RDC : Après Lubanga... Ntaganda ?

Après la condamnation du rebelle congolais Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), Human Rights Watch (HRW) souhaite "l'arrestation immédiate" de Bosco Ntganda. Recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, Bosco Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l'armée congolaise (FARDC) et vit en toute impunité à Goma. Les jours sont-ils comptés pour le chef du CNDP ? Rien n'est moins sûr.

Capture d’écran 2012-03-14 à 22.36.24.pngLe rebelle congolais,Thomas Lubanga, a été reconnu coupable, ce matin, de crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI). Il a été accusé d'avoir "enrôlé des enfants âgés de moins de 15 ans et de les avoir fait prendre part de façon active aux hostilités".  Il s'agit du premier jugement de la CPI depuis sa création en 2002. La durée exacte de sa peine sera annoncée ultérieurement. Thomas Lubanga risque jusqu'à 30 ans de prison.

Pour l'ONG Human Rignts Watch (HWR), « le verdict contre Lubanga est une victoire pour les enfants forcés à combattre dans les guerres brutales du Congo », selon Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer en faveur de la justice internationale. « Les commandants militaires au Congo et ailleurs devraient tenir compte de ce message fort lancé par la CPI : l’utilisation d’enfants comme arme de guerre est un crime grave qui peut les conduire sur le banc des accusés. » a-t-elle précisé.

Après ce verdict, HWR souligne la nécessité "de procéder immédiatement à l’arrestation du co-accusé dans l’affaire Lubanga : Bosco Ntaganda, qui est actuellement général dans l’armée congolaise à Goma, à l’Est du Congo, et continue d’échapper à la justice".

HRW précise que "l'ex-chef des opérations militaires de l’UPC, Bosco Ntaganda, est également recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, les mêmes chefs d’accusation que ceux retenus contre Lubanga. Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l'armée congolaise et vit sans se cacher à Goma, dans l’est du Congo, où il est régulièrement aperçu dans les meilleurs restaurants ou sur les courts de tennis. Ntaganda occupe à l’heure actuelle la fonction de commandant adjoint des opérations militaires dans l'est du Congo, et les troupes placées sous son commandement continuent à perpétrer de graves exactions, comme rapporté par Human Rights Watch".

Pour Géraldine Mattioli-Zeltner, «Lubanga ayant été reconnu coupable, le fait que Ntaganda soit toujours en liberté est une trahison d’autant plus honteuse vis-à-vis des victimes ». Selon Human Rights Watch, Kinshasa doit  «immédiatement arrêter Ntaganda et le remettre à la CPI.»

Mais depuis le renversement de Laurent Nkunda en 2009 et le rapprochement entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, Bosco Ntaganda constitue une carte maîtresse entre les mains des autorités de Kinshasa. Pour le président congolais Kabila, "la paix et la sécurité du Nord-Kivu passent avant toute chose"... quitte à protéger un criminel de guerre. Elevé au rang de général au sein de l'armée régulière, l'ex-rebelle est officiellement assigné à des fonctions non opérationnelles. En réalité Ntaganda est un des responsables de la campagne Kimya II, engagée en 2009 par les forces armées congolaises (FARDC) contre les rebelles hutus (FDLR) encore présents au Kivu.

Pendant la période électorale, fin 2011, Joseph Kabila a visiblement eu recours aux soldats du CNDP de Ntaganda pour "asseoir" un vote favorable dans les régions contrôlées par l'ancien rebelle. Certains observateurs notent que la réélection contestée de Joseph Kabila est en partie dû aux scores très importants (et douteux) réalisés par le président sortant dans les Kivu.

Il y a deux ans, Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais précisait au sujet de la capture de Ntaganda que "les chicaneries autour des poursuites à engager sans délai sont de nature à infliger à ce pays fragile un remède pire que le mal". Ntaganda avait sauvé sa tête une fois de plus... jusquà quand ? Avec ce premier jugement de la CPI, l'étau se resserre un peu plus autour du chef du CNDP.

Christophe RIGAUD

Photo : (c) ICC

RDC : Lubanga "coupable" pour la CPI

La Cour pénal internationale (CPI) a rendu le premier jugement de son histoire en reconnaissant la culpabilité du rebelle congolais Thomas Lubanga ce matin à La Haye. La CPI a déclaré Thomas Lubanga coupable de crime d'enrolement d'enfants de moins de 15 ans pendant la guerre en Ituri entre 2002 et 2003 dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC). La peine sera déterminée ultérieurement. Thomas Lubanga risque jusqu'à 30 ans de prison.

Image 4.pngAprès 204 jours d'audience, la Cour pénal internationale a rendu son premier verdict. Thomas Lubanga est reconnu coupable "d’avoir commis, en tant que coauteur, des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (les FPLC) et à les faire participer activement à des hostilités en Ituri, un district de la province Orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003".  La peine de Thomas Lubanga sera déterminée ultérieurement. Il risque jusqu'à 30 ans de prison.

Diffusé en direct sur internet, le verdict est un soulagement pour les victimes congolaises ainsi que pour les nombreuses ONG qui opèrent dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rumeurs persistantes d'un acquittement de Thomas Lubanga faisaient craindre le pire dans la province de Bunia où réside la majeure partie des victimes. La CPI jouait également sa crédibilité et son avenir dans ce premier verdict. Pour Dismas Kitenge, Président du Groupe Lotus et Vice-Président de la FIDH, “Le procès Lubanga et ce verdict ont un potentiel dissuasif important sur la commission de crimes internationaux dans le pays, et en particulier sur l’utilisation des enfant soldats. Ce verdict contribuera à consolider la légitimité de la Cour, indispensable à l’exercice d’un réel pouvoir préventif”.

Jusqu’à présent, 14 affaires sont en cours devant la CPI, dont quatre en phase de procès. Sept enquêtes ont été ouvertes dans le contexte des situations en Uganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Darfour (Soudan), Kenya, Libye et en Côte d’Ivoire. Le procès d'un autre congolais, Jean-pierre Bemba doit reprendre prochainement.

L'intégralité du jugement de Thomas Lubanga est à lire ICI.

Christophe RIGAUD

12 mars 2012

RDC : Haro médiatique sur Joseph Kony

Depuis une semaine la toile s'enflamme pour traquer et arrêter Joseph Kony, un chef rebelle ougandais de la LRA, recherché par la Cour pénale internationale. Un clip d'une ONG a mobilisé près de 70 millions d'internautes et la page Facebook de la campagne compte déjà 2,5 millions de fans. Unique par son succès, la vidéo "Kony 2012" constitue une première du genre pour un chef de guerre africain encore inconnu du grand public il y a quelques jours. Pourtant, cette "vidéo virale" humanitaire est très controversée et suscite scepticisme et railleries.

Capture d’écran 2012-03-11 à 23.15.59.pngLRA. Depuis 2007, ces 3 lettres sèment la terreur au Nord et à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Considérée comme l'une des milices les plus violentes du monde, l'Armée de résistance du seigneur (LRA), qui organise une rébellion contre le pouvoir ougandais, est accusée de perpétrer des massacres, des viols de masse, des pillages auprès des populations civiles congolaises. La LRA est aussi tristement connu pour être composée à 80% d'enfants soldats. A sa tête depuis 1988, Joseph Kony est recherché depuis 2005 par la Cour pénale internationale. De nombreuses opérations militaires, ougandaises, congolaises et américaines ont été montées pour sa capture… sans succès. La jungle est immense et les troupes de Kony passent allègrement d'une frontière à l'autre, entre Congo (RDC) et Centrafrique.

Depuis une semaine, une vidéo de l'association Invisible Children fait le buzz sur internet. Ce clip de 30 minutes vise à mobiliser la communauté internationale afin d'arrêterJoseph Kony. En quelques jours, la vidéo a été vue par plus de 70 millions d'internautes. La page Facebook de la campagne est prise d'assaut et compte plus de 2,5 millions de fans. Sur Twitter, "Kony 2012" a été le sujet le plus partagé sur le réseau social. Des célébrités comme Oprah Winfrey, Puff Diddy, Justin Bieber ou Rihanna ont relayé le message à leurs millions de "followers" … le succès est immédiat… et c'est une première pour une vidéo humanitaire.

Mais très vite, les critiques fusent. Il faut dire que le clip (30 minutes tout de même) ressemble plutôt à une mauvaise bande annonce de film américain (voix off, musiques et effets spéciaux à gogo). Le propos est ensuite tellement manichéen qu'il s'apparente aux pires films de propagande de la période soviétique. Enfin, l'objectif de la campagne (capturer Joseph Kony) cadre mal avec la mobilisation proposée par l'ONG et un appel au don. En effet, Kony est déjà recherché depuis plusieurs années par les armées d'un moins quatre pays : l'Ouganda, la RDC, la Centrafrique et les Etats-Unis. On voit mal comment la mobilisation de millions d'internautes pourraient accélérer sa capture et surtout, à quoi servirait l'argent récolté ? L'échec de son arrestation n'est pas dû à un manque de moyens financiers, mais bien plus prosaïque : la zone dans laquelle se déplace les troupes de Kony est grande comme 2 fois la France et couverte d'une forêt tropicale très dense. Le chef rebelle joue donc à cache-cache avec les différentes armées à sa poursuite.

La controverse ne s'arrêta pas là. Un étudiant canadien (relevé par le site du Nouvel Observateur) affirme qu'Invisible Children "est en faveur d’une intervention militaire directe, et leur argent soutient l’armée du gouvernement ougandais et divers autres forces militaires." Une photo des fondateurs de l'ONG, posant les armes à la main avec des militaires de la SPLA (milice soudanaise soutenue par l'Ouganda) a fini par jeté le trouble sur les bonnes intentions d'Invisible Children. Pour couronner le tout, l'ONG a été plutôt mal noté par Charity Navigator, censé évaluer la transparence financière d'Invisible Children, l'association ayant refusé l'accès à ses comptes.

Invisible Children donne peu d'explications convaincantes sur son site internet. La photo ? "une erreur de jeunesse". Le financement ? "aucun don n'est versé à des gouvernements". Comment cette campagne aiderait-elle l'arrestation de Joseph Kony ? "en déployant des conseillers américains sur place (??), en fournissant des renseignements (??) et d'autres aides (lesquelles ??) pour localiser Joseph Kony".

Si arrêté Joseph Kony est une nécessité pour la sécurité de milliers de civils vivant dans la région, la campagne d'Invisible Children "sonne faux". Car si la cause est bonne, les moyens sont douteux. D'ailleurs de nombreux internautes ont immédiatement détourner la campagne en se demandant comment cette vidéo de 30 minutes pouvait changer quelque chose dans l'arrestation de Joseph Kony.

Capture d’écran 2012-03-11 à 23.12.37.pngCapture d’écran 2012-03-11 à 23.12.03.png

 

 

 

Un seul point positif tout de même : la puissance d'internet peut accélérer la mobilisation de l'opinion (on le savait déjà avec les révoltes arabes) et maintenant, tout le monde connaît Joseph Kony… ou presque.

Christophe RIGAUD

06 mars 2012

RDC : L'UE augmentera son aide humanitaire

Devant la situation humanitaire "critique" de la République démocratique du Congo (RDC), l'Union européenne (UE) a décidé d'augmenter son aide humanitaire dans le pays. Kristalina Georgieva a annoncé lors de sa visite à Kinshasa qu'un montant de 59 millions d'euros serait débloqué pour le "deuxième plus grand pays d'Afrique".

Capture d’écran 2012-03-06 à 21.04.48.pngEn déplacement en RDC, Kristalina Georgieva, membre de la Commission européenne et responsable de la coopération internationale a annoncé une augmentation de l'aide en faveur des centaines de milliers de personnes en situation critique dans ce pays. Pour la commissaire européenne, «des millions de personnes, en RDC, traversent l'une des crises les plus longues au monde. Le déplacement de populations à grande échelle constitue un problème non résolu depuis près de 20 ans. Le pays est aux prises avec d'énormes difficultés. C'est la raison pour laquelle nous augmentons notre aide en faveur de la RDC de dix pour cent par rapport à l'année dernière.»

Cette année, la Commission européenne fournira une aide humanitaire d'un montant de 59 millions d'euros à la RD Congo. La Commission européenne soutient aussi les perspectives de développement de la République démocratique du Congo - le 10e Fonds européen de développement a alloué à ce pays un montant d'environ 584 millions d'euros entre 2008 et 2013.

Depuis plus de 15 ans, le pays est en proie à une crise humanitaire majeure. La RDC compte 1,7 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays et 426 000 réfugiés congolais dans les pays voisins. Selon l'UE, "les chiffres permettent de mieux comprendre l'impact considérable du conflit : chaque citoyen a, en moyenne, été contraint de quitter son territoire d'origine à trois reprises durant sa vie". Pour Kristalina Georgieva, «les besoins humanitaires sont énormes. Nous devons empêcher que le pays tout entier sombre dans une crise oubliée frappant 66 millions de personnes».

La commissaire Georgieva rencontrera à Kinshasa les organisations humanitaires partenaires et la mission des Nations unies pour la stabilisation. Dans les prochains jours, elle se rendra à Goma, où elle découvrira des projets financés par la Commission européenne.

Christophe RIGAUD

RDC : Qui succédera à Muzito ?

Sur la sortie, le Premier ministre de République démocratique du Congo (RDC), Adolphe Muzito devrait prochainement passer la main. Après des élections "chaotiques" et très contestées, le nom du futur Premier ministre est particulièrement attendu à Kinshasa. Ouverture à l'opposition ou non, le prochain Premier ministre donnera le ton de la seconde mandature Kabila. Evariste Boshab part favori, mais une surprise est toujours possible.

Capture d’écran 2012-03-05 à 23.27.32.png"Fantomatique", "transparent", les qualificatifs peu flatteurs sont nombreux pour décrire l'actuel Premier ministre congolais, Adolphe Muzito, qui a annoncé sa démission à la suite d'une série d'élections (présidentielle et législatives) en novembre 2011. Le passage d'Adolphe Muzito à la primature aura essentiellement été marqué par un immobilisme politique hors pair. Il faut dire que très rapidement après sa nomination en 2008, Muzito est soupçonné de n'être qu'un "bouc émissaire". On parle rapidement de "gouvernement parallèle" dirigé par le conseiller spécial de Joseph Kabila, Augustin Katumba Mwanke, décédé brutalement il y a quelques semaines.

Au bilan du gouvernement Muzito : peu de réalisation et beaucoup d'échecs. Côté positif : la bonne tenue du cadre macro-économique du pays, avec notamment l'atteinte du fameux "point d'achèvement de l'initiative PPTE" et l'effacement de la dette extérieure de la RD Congo. Côté négatif : son recalage constitutionnel sur le passage de 11 à 26 provinces qui ne verra jamais le jour ; l'échec de la décentralisation ; son train de vie dispendieux en période de crise et surtout l'incapacité de son gouvernement à améliorer (un minimum) la vie quotidienne des Congolais dans ses besoins prioritaires (eau, électricité, accès à la santé ou à l'éducation...).

Pour remplacer Adolphe Muzito et entamer sa mandature sous un nouveau jour, Joseph Kabila n'a que deux options : "muscler" son gouvernement avec un Premier ministre issu du PPRD, le parti présidentiel ou faire un geste d'ouverture et confier la primature à un membre de l'opposition.

Boshab en tête

Avec un Premier ministre PPRD, Kabila resterait cohérent avec les résultats "officiels" de la présidentielle et des législatives donnés par la CENI. Pour la président Congolais, le choix est simple : il a gagné la présidentielle et le PPRD est le premier parti à l'Assemblée. Le Premier ministre doit donc être issu du parti présidentiel. Cette fois-ci, Joseph Kabila ne semble plus se résoudre à devenir l'otage de ses alliés, comme ce fut le cas avec le Palu d'Antoine Gizenga et … d'Adolphe Muzito.

Au PPRD, l'avantage est donné à Evariste Boshab, le patron du parti qui sort renforcer des législatives avec 141 députés. L'ex-président de l'Assemblée nationale a l'oreille du président Kabila et le vent en poupe. Mais deux événements malheureux pourraient remettre en cause son accession à la primature : l'accident causé par son fils dans les rues de Kinshasa (5 morts !) et l'accusation de détournement des primes du personnel de l'Assemblée nationale. Sur cette dernière affaire, l'entourage de Boshab crie au complot et déclare que ces accusations sont l’œuvre d’«un syndicaliste instrumentalisé » par ses détracteurs politiques. La guerre pour la primature est donc sans merci.

Dans le camp présidentiel, deux autres personnalités pourraient disputer la primature à Evariste Boshab. Pierre Lumbi, qui est aujourd'hui, le très puissant ministre d’Etat en charge des Infrastructures et de la Reconstruction du gouvernement Gizenga  est aussi le très influent conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la sécurité. Il a notamment mis en place les fameux contrats de partenariat entre la Chine et la RDC. Et avec ses 27 sièges aux législatives de novembre, Pierre Lumbi a réussi à rendre son parti, le Mouvement social pour le renouveau (MSR), incontournable à la Majorité présidentielle… et au Président Kabila.

Un autre nom court les couloirs du palais présidentiel. Il s'agit de l'actuel ministre des finances, Matata Ponyo. Rescapé du crash de Bukavu, le 12 février dernier, qui coûté la vie à Katumba Mwanke, le plus influent conseiller de Joseph Kabila, Matata Ponyo fait office de miraculé. Ce technocrate "bon teint", moins politique et moins controversé que les deux autres prétendants, pourrait constituer une bonne alternative pour Joseph Kabila. Une chose est sûre : le nouveau Premier ministre aura les coudées franches à la tête du nouveau gouvernement avec la disparition de Katumba Mwanke.

"Ouverture" à l'opposition ou gesticulation ?

L'autre choix de Joseph Kabila pourrait être de "faire un geste" vers l'opposition. La réélection du président Kabila est jusqu’à présent contestée par l’opposition qui estime qu’Etienne Tshisekedi est le président légitime de la République démocratique du Congo. Les missions d'observation internationale ont également émis de nombreux doutes sur la crédibilité des résultats de l'élection présidentielle, puis des législatives. La communauté internationale presse donc (timidement) le président Kabila de résoudre la crise politique qui couve à Kinshasa et de tendre la main à l'opposition. Trois noms s'offrent à Joseph Kabila : Etienne Tshisekedi, Léon Kengo et Vital Kamerhe. L'irréductible Etienne Tshisekedi a peu de chance d'accepter : il ne reconnaît pas l'élection de Kabila. Vital Kamerhe, ex -allié du président Kabila, a tout intérêt à ne pas se "salir" au pouvoir et à attendre la prochaine présidentielle de 2017, où ses chances seront plus importantes. Reste Léon Kengo qui serait le plus "Kabila-compatible" des "opposants" (Kengo à déjà été deux fois Premier ministre !). Seul hic dans cette (peu probable) "ouverture" : Joseph Kabila est persuadé d'avoir gagné les élections et n'a donc aucune envie de partager le pouvoir.

Les rumeurs proposant la primature à l'opposition ressemblent donc davantage à un "enfumage" du camp présidentiel qu'à un véritable désir d'apaiser les tensions politiques en formant un gouvernement de coalition. Kinshasa semble juste vouloir envoyer un signal à destination de ses partenaires occidentaux : "on a tout essayer"… mais le Premier ministre sera issu de la majorité.

Christophe RIGAUD

02 mars 2012

RDC : L'ambassadeur de l'UE accrédité par Kinshasa

Le président de la République démocratique du Congo (RDC) a reçu ce vendredi les lettres de créances de 4 ambassadeurs nouvellement accrédités par Kinshasa. L'Union européenne sera désormais représentée par Jean-Michel Dumond. Le délicat financement des prochaines élections locales sera sans doute au coeur des prochains dossiers traités par l'Union européenne.

Image 2.pngCe vendredi, au Palais de la Nation de Kinshasa, Joseph Kabila a reçu, comme de coutume, les lettres de créances de 4 ambassadeurs représentants l'Iran, la Côte d'Ivoire, la Zambie et l'Union européenne (UE).

Jean-Michel Dumond sera le nouvel ambassadeur de l'UE en RDC. A 59 ans, ce diplômé de l’Institut d’études politiques détient une maîtrise en droit public. Il était auparavant ambassadeur au Nigéria.

Après des élections présidentielle et législatives très contestées et la réélection "embarrassante" de Joseph Kabila, les missions internationales présentes pendant le scrutin (dont celle de l'UE) ont toutes dénoncé les nombreuses irrégularités de ces élections aussi que les soupçons de fraudes massives. Une situation délicate pour la communauté internationale qui hésite entre la condamnation du processus électoral et la reconnaissance forcée de la réélection du président Kabila. Depuis, quelques semaines la communauté internationale s'oriente vers un statu quo, doublé d'une normalisation avec Kinshasa, en espérant que les prochains scrutins soient réalisés dans de meilleures conditions.

Dossier le plus épineux à venir : le financement de la suite du processus électoral par l'Union européenne(provinciales et sénatoriales). Une polémique, vite éteinte par Kinshasa, avait été lancée par le Ministre de la Communication congolais, Lambert Mende, sur l'incertitude de la tenue des élections provinciales. Kinshasa affirmait que "faute de moyens", la RDC ne pourrait pas organiser le scrutin "sans l'aide (rapide) de ses partenaires". La RDC se targuait également d'avoir financé quasiment "seule" les élections chaotiques de novembre... ce qui provoqua le tollé des différentes organisations internationales partenaires du processus électoral. L'Union européenne a précisé qu'elle avait déjà financé le processus de novembre à hauteur de 35 millions d'euros. La question est donc de savoir si l'Union va remettre la main à la poche pour les nouvelles élections à venir, alors que les dernières ont été, selon la majorité des observateurs, un "fiasco" en matière d'organisation, avec un manque total de crédibilité des résultats. Pour l'heure, aucune date n'a été avancée par Kinshasa pour l'organisation des prochaines élections provinciales, prévues en mars et des sénatoriales, prévues en juillet 2012... l'incertitude plane.

Christophe RIGAUD

29 février 2012

Procès Lubanga : "Un moment décisif pour la justice internationale" selon HRW

Le 14 mars prochain, la Cour pénale internationale (CPI) doit rendre son premier verdict dans l’affaire du chef rebelle congolais Thomas Lubanga. Une décision très attendue par de nombreuses ONG, à l'image d'Human Rights Watch (HWR) qui considère ce verdict comme "un moment crucial pour la justice internationale". Un procès qui a permis d'attirer "une attention considérable sur le problème des enfants soldats".

Capture d’écran 2012-02-29 à 21.09.57.pngA moins de deux semaines du verdict de la CPI sur l'affaire Thomas Lubanga, Human Rights Watch (HWR) estime dans un communiqué, que "les leaders de pays et de groupes rebelles devraient prendre bonne note que les crimes commis aujourd’hui peuvent les amener demain sur le banc des accusés", note Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice de plaidoyer pour la justice internationale.

HRW rappelle le parcours de Thomas Lubanga, "un dirigeant de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), un groupe armé rebelle disant agir au nom de la population appartenant à l’ethnie Hema en Ituri, en République démocratique du Congo (RDC)". Cette rébellion a été impliquée dans de nombreuses atteintes aux droits de l'homme, "notamment des massacres perpétrés contre d’autres groupes ethniques, des exécutions sommaires, des actes de torture, des viols, l’utilisation d’enfants soldats et des pillages". Thomas Lubanga a été mis en accusation devant la CPI pour "les crimes de guerre de recrutement, enrôlement et utilisation active d’enfants âgés de moins de 15 ans dans des hostilités en 2002 et 2003". Transféré en mars 2006 à la CPI, le procès de Lubanga a commencé en janvier 2009.

HWR pointe ensuite "les leçons à tirer" par la CPI du procès Lubanga et notamment à propos du "statut du coaccusé de Lubanga dans cette affaire, Bosco Ntaganda". Cet autre rebelle congolais est recherché par la Cour, mais toujours protégé par Kinshasa où il exerce de prestigieuses fonctions dans l'armée congolaise.

Pour Human Rights Watch, "le procès Lubanga a ouvert de nouveaux horizons en tant que premier procès à la CPI et a attiré une attention considérable sur le problème des enfants soldats, non seulement en RDC mais aussi de par le monde", remarque Géraldine Mattioli-Zeltner. "Il est crucial pour la Cour de tirer les leçons du procès afin d’améliorer la façon dont elle rend la justice. Les victimes d’atrocités ne méritent rien de moins".

Christophe RIGAUD

Le site de Human Rights Watch propose un dossier complet sur l'affaire Lubanga accessible ici.

RDC : Thomas Lubanga fixé sur son sort le 14 mars

La Cour pénale internationale de La Haye (CPI) rendra son verdict sur l'affaire Thomas Lubanga le 14 mars 2012 dans la matinée. Thomas Lubanga est accusé de crimes de guerre et d'enrôlement d'enfants soldats en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

Image 2.pngDébuté en 2009, 3 ans après son arrestation, le procès de Thomas Lubanga doit prendre fin le 14 mars prochain, après 204 jours d'audience. Thomas Lubanga est accusé "d’avoir commis, en tant que coauteur, des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (les FPLC) et à les faire participer activement à des hostilités en Ituri, un district de la province Orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003". Il avait été remis et transféré à la Cour le 17 mars 2006.

La CPI note que "conformément au Statut de Rome, pour condamner l'accusé, la Chambre doit être convaincue de sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. En cas de verdict de culpabilité, la Chambre fixera, par la suite, la peine à appliquer."

Jusqu’à présent, 14 affaires sont en cours devant la CPI, dont quatre en phase de procès. Sept enquêtes ont été ouvertes dans le contexte des situations en Uganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Darfour (Soudan), Kenya, Libye et en Côte d’Ivoire. Le procès d'un autre congolais, Jean-pierre Bemba doit reprendre prochainement.

Christophe RIGAUD

RDC : Inquiétudes autour du boycott de l'Assemblée par l'UDPS

Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, principal parti d'opposition, prône toujours le boycott de l'Assemblée nationale par ses députés. L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) se déclare "très préoccupée" par une telle attitude et demande à l'opposition de "prendre part aux travaux de l'Assemblée nationale". Si la direction de 'UDPS paraît inflexible sur la stratégie du boycott, la société civile est plus partagée.

AN RDC.jpgBoycotter l'Assemblée ou pas ? Tel est le dilemme de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. Deux thèses s'affrontent au sein de l'exécutif du parti : ne pas siéger dans une Assemblée dont on conteste l'élection ou au contraire, siéger pour faire entendre sa voix. Pour le conseiller politique d'Etienne Tshisekedi, Valentin Mubake, le choix est pourtant clair : "il est inconcevable qu’un membre du parti accepte de siéger dans une institution issue des législatives dont les résultats ont été déclarés nuls par sa propre formation politique". Valentin Mubake va même plus loin en promettant l'exclusion du parti aux contrevenants. Ce qui sera fait pour Timothée Kombo, doyen de l'Assemblée et "élu", à ce titre, président du bureau provisoire... les autres députés de l'UDPS sont maintenant prévenus.

"Le boycott n'a jamais payé"

Mais au sein du parti de Tshisekedi, des voix s'élèvent pour dénoncer un boycott "inutile" qui priverait l'opposition d'une tribune publique à l'Assemblée, comme le pense José Nzau Vola, qui prône le "dialogue interne". Certains observateurs proche de l'opposition prédisent même la "mort" à moyen terme de l'UDPS ou, au moins, sont implosion. Il est vrai qu'à chaque fois que l'UDPS a décidé de boycotter sa participation aux institutions ou aux élections (dans les années 1990 puis en 2006), le parti s'est morcelé et s'est considérablement affaibli. Des dissidences sont nées et l'UDPS a ensuite raté tous ses grands rendez-vous électoraux. Certains membres du parti affirment avoir "tirés" les leçons du passé et souhaitent bien participer aux débats de l'Assemblée nationale... "au moins pour être entendus". Et de conclure : "de toute façon, le boycott n'a jamais payé".

Aujourd'hui, l’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) apporte sa contribution au débat  en se disant "très préoccupée  par la non participation de certains partis politiques de l’opposition aux institutions politiques qui sont entrain d’être mises en place". Car, si l’ASADHO reconnait "que les élections de novembre 2011 n’ont  été ni apaisées, ni transparentes ni démocratiques" et qu'elles ont été organisées "dans un climat généralisé de fraude, de corruption et de méfiance totale,", l'ONG pense que "la construction progressive de la démocratie appelle tous les partis politiques de l’opposition qui ont des députés nationaux  à prendre part active aux institutions politiques, particulièrement aux  travaux de l’Assemblée Nationale".

"Avoir le contrôle sur les institutions"

Pour cette association, la tribune de l'Assemblée nationale "reste un excellent endroit où les partis politiques de l’opposition peuvent  soumettre aux débats  publics  toutes les questions qui concernent la marche de la nation et la situation des droits de l’Homme". L'ONG se justifie en expliquant qu'en dehors de cette "tribune" institutionnelle : "les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile ont des difficultés pour organiser des manifestations pacifiques, les médias publics sont confisqués par la majorité politique au pouvoir, les médias proches de l’opposition sont illégalement suspendus ou privés du signal, les membres de l’opposition sont souvent arrêtés et détenus arbitrairement..."

Pour l'ASADHO, "la participation de tous les députés nationaux de l’opposition à l’Assemblée Nationale leur permettra également de prendre part au contrôle des autres institutions telles que le Gouvernement  national et la Commission Electorale Nationale Indépendante"...  une série d'arguments que l'ONG congolaise souhaite vivement voir prendre en compte par la direction de l'UDPS. Aux dernières nouvelles, les partisans du boycott auraient mis "un peu d'eau dans leur vin", notamment au sujet de l'exclusion de Timothée Kombo, dont le dossier pourrait être "réétudié"... peut-être un premier pas.

Christophe RIGAUD

27 février 2012

RDC : Législatives sans "crédibilité" pour le Centre Carter

Sans surprise, le Centre Carter a renouvelé ses critiques envers le processus électoral de novembre dernier en République démocratique du Congo (RDC). Comme pour la présidentielle, l'ONG américaine estime que les résultats des élections législatives "manquent de crédibilité" et "sèment le doute" pour "la majorité" les Congolais. Le Centre Carter demande un réexamen approfondi des résultats, ce que n'a pas encore fait la Commission électorale congolaise(CENI).

Capture d’écran 2012-02-26 à 18.48.45.pngDans un rapport publié la semaine dernière, le Centre Carter, présent avant , pendant et après le scrutin de novembre 2011, égrène une longue liste d'irrégularités, de dysfonctionnements, d'anomalies et de lourds soupçons de fraudes, lors des élections présidentielle et législatives en RDC. Une liste impressionnante qui conduit le Centre Carter à estimer que les résultats publiés par la Commission électorale (CENI) "manquent de crédibilité".

L'ONG américaine, spécialiste des situations "post-conflit" et hors de tout soupçon de partialité, dénonce "la perte de plus de 3.500 plis, lors des opérations de compilation des résultats". Le Centre Carter explique que "la CENI a suspendu la compilation des législatives le 21 décembre" afin de "résoudre les problèmes, mais a commencé à publier des résultats partiels dans plusieurs circonscriptions le 28 décembre". L'ONG observe que "la demande d`annulation des résultats de 7 circonscriptions est la preuve de graves problèmes (non divulgués) au cours des opérations de vote et /ou de compilation".

Le rapport du Centre Carter regrette ensuite l'absence des résultats "par bureaux de vote" et s'étonne des résultats "peu crédibles" de quatre circonscriptions du Katanga, qui ont voté massivement pour le président sortant Joseph Kabila. Dans ces circonscriptions, la CENI a enregistré des résultats "entre 99 et 100% pour le président Kabila".

Les observateurs électoraux du Centre Carter estiment également qu'environ 3,2 millions de votants (sur les 18 millions inscrits), "ont été enregistrés sur des listes de dérogation (des électeurs votant dans un bureau de vote autre que celui où ils sont inscrits)". Un nombre "important" qui "reflète les nombreux problèmes de la gestion de la CENI du fichier électoral". Pour le Centre Carter, "le vote par dérogation permet d`accroître l`accès des électeurs aux urnes", mais "ouvre également la voie à de multiples abus dont le vote des électeurs non enregistrés sur le fichier électoral ou encore le vote multiple".

A Walikale, au Nord-Kivu, le Centre Carter révèle "d'autres anomalies" en comparant l'élection présidentielle et les législatives, qui avaient lieu le même jour.
Dans cette circonscription, "28.810 électeurs de plus pour l'élection présidentielle ont été enregistrés par rapport aux élections législatives tandis 4,926 voix supplémentaires ont été enregistrés à Malemba Nkula au Katanga. L'écart dans le taux de bulletins nuls est également intéressant de noter, dans le cas de Tshangu circonscription de Kinshasa, où le taux à atteint presque 10 pour cent dans le scrutin législatif, alors que le scrutin présidentiel a enregistré 3,6 pour cent de bulletins nuls".

Les résultats des élections (présidentielle et législatives) ont été fortement contestées par l'opposition. Etienne Tshisekedi, candidat de l'UDPS à la présidentielle et arrivé second derrière Joseph Kabila, s'est autoproclamé "président élu" et a annoncé le boycott de l'Assemblée nationale par les députés de son parti. Plus de 500 recours sont actuellement examinés devant la Cour Suprême de Justice (CSJ) de Kinshasa qui doit se prononcer en avril. Mais l'opposition accuse la Cour d'être partiale (plus de la moitié des juges a été changée à la dernière minute par le président Kabila). Le Centre Carter remarque que la CSJ n'a toujours pas publié l'arrêt confirmant la victoire de Joseph Kabila. Concernant les législatives, le Centre Carter "recommande un examen approfondi et une évaluation de l'ensemble du processus électoral (par la Commission électorale) et notamment des examens transparents des résultats par bureau de vote". "Un tel examen est essentiel pour préparer les élections futures", estime l'ONG américaine. La CENI n'a toujours pas accédé à cette demande, mais promet de le faire avant les prochaines élections : provinciales le 25 mars et sénatoriales le 4 juillet. Pour de nombreux spécialiste électoraux, toute vérification des désormais impossible : de nombreux bulletins de vote ont disparu et les procès-verbaux des bureaux de vote sont souvent incomplets. Un groupe d'experts américains avait déjà tenté le mois dernier de "crédibiliser" le scrutin en apportant une "aide technique" à la CENI… sans succès.

Christophe RIGAUD

Le rapport complet du Centre Carter est consultable en cliquant ici.

21 février 2012

RDC : 3 diplomates congolais reconnaissent la "fraude électorale"

Signe du climat pesant qui règne dans la diplomatie congolaise : trois employés de haut rang de l'ambassade de République démocratique du Congo (RDC) à Londres ont dénoncé ouvertement "le climat de terreur" qui règne au sein du gouvernement congolais et les "bourrages d'urnes" lors des dernières élections de novembre dernier. Craignant pour leur sécurité, ils ont dû démissionner de leurs postes et demander l'asile politique à la Grande-Bretagne.

Image 2.pngC'est le site internet du Guardian qui révèle l'information. Trois diplomates (premier secrétaire de l'ambassadeur, deuxième secrétaire et secrétaire) de l'ambassade de RDC à Londres ont démissionné de leurs postes et demandé l'asile politique.

Dans une déclaration, citée par le Guardian, les diplomates congolais dénonce le "climat de terreur" que fait régner le gouvernement congolais. Ils accusent ce même gouvernement "d'enlèvements, d'arrestations et des assassinats".Les trois diplomates ont également affirmé dans leur déclaration qu'il y avait eu "fraude électorale importante et le bourrages des urnes" lors des dernières élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Les trois employés de l'ambassade ont démissionné au début de ce mois de leurs fonctions : "nous avons été accusés par le gouvernement congolais d'avoir pris part à la manifestation de Londres contre le gouvernement en décembre dernier, ce qui n'est pas vrai", affirment-ils. Les diplomates craignant pour leur sécurité ont demandé l'asile à la Grande-Bretagne.

Ces déclarations interviennent dans un climat politique particulièrement tendu à Kinshasa après la réélection contestée de Joseph Kabila. L'opposition affirme que le vote avait été truqué. Les missions d'observations électorales du Centre Carter et de l'Union européenne avaient déclaré que les résultats «manquaient de crédibilité»et Human Rights Watch avait signalé "qu'au moins 24 personnes avaient été tuées par la police" après le vote contesté.

Christophe RIGAUD

20 février 2012

RDC : Le rapport de l'UDPS sur les élections de novembre

Image 2.pngDeux mois après des élections présidentielle et législatives contestées en République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, le principal parti d'opposition a relevé dans un rapport toutes les irrégularités, les dysfonctionnements et les anomalies du scrutin. Si le rapport Shabani rejoint la majorité des observations faites par les différentes missions internationales présentes avant, pendant et après le vote, il apporte également des éléments troublants sur une fraude qu'il qualifie "d'organisée et planifiée". Afrikarabia vous présente l'intégralité des 55 pages du rapport de Jacquemain Shabani, le secrétaire général de l'UDPS. A consulter en cliquant ici.

Christophe RIGAUD

17 février 2012

RDC : L'opposition rate son rendez-vous avec la rue

La marche des chrétiens organisée en République démocratique du Congo (RCD) par l'Eglise catholique et soutenue par l'opposition n'a pas réussi à mobiliser la population. L'opposition misait beaucoup sur cette marche pour contester la réélection de Joseph Kabila, mais les manifestants ont été dispersés par un impressionnant dispositif policier. L'échec de cette manifestation renforce la légitimité du pouvoir en place. Signe des temps : les Etats-unis, très critiques sur le mauvais déroulement du processus électoral, viennent de reconnaître la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle.

logo afkrb.pngRendez-vous manqué entre l'opposition et les Congolais. L'opposition espérait créer une vague de contestation populaire dans les rues de Kinshasa pour dénoncer "le hold-up électoral" que constitue à leurs yeux la réélection de Joseph Kabila. Le16 février est une date de commémoration importante pour les catholiques congolais puisqu'ils rendent chaque année hommage "aux martyrs de la démocratie congolaise, tombés sous les balles des soldats de Mobutu". Cette année la coloration de cette manifestation était clairement "anti-Kabila" et dénonçait le manque de transparence des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Kinshasa avait interdit la manifestation, mais la marche a tout de même eu lieu dans différents points de la capitale. Très rapidement, la police, mais aussi les militants pro-Kabila sont intervenus à coup de gaz lacrymogènes et de machettes, selon les agences de presse présentes sur place. Les heurts ont été particulièrement violents et les ONG locales ont dénombrées 6 arrestations (4 prêtres et 2 religieuses).

Malgré ces affrontements sporadiques, Kinshasa est restée globalement calme ce jeudi. La foule attendue par l'opposition n'est pas venue et a été vite dissuadée par l'important dispositif policier déployé dans la capitale congolaise. L'opposition n'a donc pas réussi son pari "de faire parler la rue" le 16 février comme elle l'espérait.

Un échec qui s'explique par les hésitations de l'opposition sur la stratégie à suivre face à des élections qu'elle conteste. L'opposition est toujours divisée et le leadership naturel qu'Etienne Tshisekedi a su créer lors de la présidentielle s'essouffle un peu, faute de positions claires du "Sphinx de Limete" (qui se tait plus qu'il ne parle). L'UDPS hésite en effet sur la marche à suivre pour "déligitimer" le président Kabila. Tshisekedi prône la politique de la chaise vide à l'Assemblée nationale (boycott des députés UDPS) alors qu'une majeur partie des nouveaux élus à la chambre souhaitent y siéger. Les députés UDPS pensent qu'ils seront "plus utiles et audibles" à l'intérieur de l'Assemblée qu'à l'extérieur. Quant aux autres "ténors" de l'opposition (Kengo, Kamerhe), ils ont complètement disparus de la circulation. La population se demande à juste titre quelle opposition elle soutiendrait, si elle descendait dans la rue : Tshisekedi ? l'armée ? le général Munene ? On l'absence de réponse... elle semble s'abstenir.

L'opposition a donc raté une bonne occasion de se compter dans les rues ce 16 février. Une occasion manquée, qui pourra peut-être se représenter.. mais pas de sitôt. Pendant ce temps le pouvoir en place se normalise. Les Etats-unis, pourtant très critiques sur le manque de crédibilité du scrutin, viennent par la voix de leur ambassadeur à Kinshasa, de reconnaître "la victoire du président Joseph Kabila" à l'élection présidentielle "pour les cinq années à venir". Une reconnaissance qui pèsera lourd dans le camp occidental.

Christophe RIGAUD