12 novembre 2012
RDC : Une coordination pour soutenir John Tshibangu
A Bruxelles, le Front du peuple congolais pour le changement et la démocratie (FPCD) propose de trouver des "appuis financiers et diplomatiques" à la rébellion du colonel John Tshibangu. Ce haut gradé de l'armée congolaise a fait défection le 16 août dernier au Kasaï-Oriental avec plusieurs de ses hommes. Si le gouvernement congolais a lancé une importante traque dans la région pour arrêter Tshibangu, aucune information officielle n'a filtré sur l'état de cette rébellion. Afrikarabia a interrogé André Kadanda Kana, le responsable du FPCD.
Alors que l'attention médiatique et diplomatique se focalise sur la rébellion du M23 qui sévit au Nord-Kivu, un colonel de l'armée congolaise (FARDC) a fait défection depuis le 16 août dernier, avec une partie de ses hommes. Retranché au Kasaï-Oriental, Tshibangu et sa troupe auraient mis en déroute, début octobre, l'armée régulière dans la localité de Kabeya Kamwanga. Le gouvernement congolais ne la jamais confirmé (voir l'article d'Afrikarabia) et la ville est aujourd'hui toujours sous le contrôle de l'armée régulière.
Depuis l'entrée en dissidence de John Tshibangu, l'armée congolaise (FARDC) s'est lancée dans une véritable traque au colonel dissident dans la région du Kasaï où il s'est retranché. Le 5 novembre, Tshibangu, qui se présente maintenant comme lieutenant général, a dénoncé les exactions de l'armée régulière dans le territoire de Dibaya où les FARDC le cherche.
Sur le plan politique, John Tshibangu revendique la victoire d'Etienne Tshisekedi (UDPS) aux dernières élections très contestées de novembre 2011 et souhaite le départ du président Joseph Kabila. Avec une rébellion à l'Est, menée par le M23, plutôt "pro-tutsi" et soutenue par le Rwanda, Tshibangu escompte créer un deuxième front "anti-Kabila" au Kasaï. Et à la différence du M23, la coordination politique du FPCD se revendique comme un mouvement "100% congolais", ne bénéficiant d'aucun soutien extérieur. André Kabanda Kana, responsable de la branche politique de John Tshibangu a répondu à nos questions depuis Bruxelles.
- Afrikarabia : Pourquoi avoir créé une coordiantion politique pour soutenir John Tshibangu ?
- André Kabanda Kana : John Tshibangu a décidé de mettre sur pied une "armée du peuple" dont la revendication est "la vérité des urnes". Il a estimé que pour mener correctement son action, il avait besoin de soutiens. Nous avons donc organisé ce front, qui est une coordination civile qui s'occupe de l'aspect politique et diplomatique du mouvement. Nous sommes aussi chargés de trouver les appuis financiers pour la réussite de son action.
- Afrikarabia : Les revendications de John Tshibangu sont politiques ?
- André Kabanda Kana : Les revendications militaires ne peuvent être soutenues que par des revendications politiques. John Tshibangu l'a dit dès le début, il revendique "la vérité des urnes". Il y a donc une vision politique derrière.
- Afrikarabia : "La vérité des urnes", cela signifie, selon vous, que c'est Etienne Tshisekedi qui a gagné les élections ?
- André Kabanda Kana : Ce n'est pas moi qui le dit. A l'issue des élections de novembre 2011 et après les fraudes, la plupart des observateurs ont dit qu'Etienne Tshisekedi était le gagnant des élections...
- Afrikarabia : ... ce n'est pas vraiment cela. Après les nombreuses irrégularités du scrutin, l'Union européenne et le Centre Carter ont plutôt dit que les résultats étaient jugés "non crédibles", sans déterminer de vainqueur ?
- André Kabanda Kana : Il doit tout de même y avoir un vainqueur de ces élections non ? Ce n'est donc pas celui qui dirige le pays qui peut prétendre avoir été élu. Nous savons qu'une grande partie des procès verbaux originaux issus des bureaux de vote montrait clairement qu'Etienne Tshisekedi était devant Joseph Kabila. Et ensuite, les fraudes et le désordre ont profité à celui qui a triché.
- Afrikarabia : John Tshibangu soutient donc clairement Etienne Tshisekedi ?
- André Kabanda Kana : Nous soutenons Etienne Tshisekedi de manière indirecte. Nous le soutenons parce que c'est lui qui a été élu par "la vérité des urnes". Si cela avait été quelqu'un d'autre, nous l'aurions également soutenu. Joseph Kabila dirige aujourd'hui par défi et a pris le pouvoir par la force. La constitution congolaise donne le droit de s'opposer à celui qui s'impose par la force. L'action de John Tshibangu est donc parfaitement justifiée.
- Afrikarabia : Quelle est la situation dans la province du Kasaï-Oriental ?
- André Kabanda Kana : Ce que je peux vous dire, c'est que certains villages sont envahis par les militaires du gouvernement de Kinshasa (FARDC, ndlr). Ces villages sont pillés et les femmes sont violées par les militaires de Joseph Kabila. On envoie l'armée congolaise pour soit disant traquer John Tshibangu et on constate que ces soldats sèment le trouble et la désolation au sein de la population civile.
- Afrikarabia : Sait-on de combien d'hommes dispose John Tshibangu ? Sur une radio congolaise, John Tshibangu parlait lui-même de 3 bataillons ?
- André Kabanda Kana : Je lui laisse la liberté de ses déclarations militaires. Je ne suis pas militaire. Moi ce qui m'intéresse c'est le résultat auquel il va arriver.
- Afrikarabia : Mi-septembre, l'Apareco, le mouvement d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller à la sécurité de Mobutu, affirmait que John Tshibangu se ralliait à lui (voir l'article d'Afrikarabia). Aujourd'hui John Tshibangu possède sa propre branche politique, qu'en est-il de vos relations avec l'Apareco ?
- André Kabanda Kana : John Tshibangu et Honoré Ngbanda ont eu à traiter ensemble. Mais ce n'est pas ma préoccupation. Aujourd'hui, il y a une coordination politique qui soutient John Tshibangu et notre préoccupation est de faire en sorte que tous les Congolais travaillent avec nous pour poursuivre notre objectif commun… Honoré Ngbanda et les autres.
- Afrikarabia : Que pensez-vous de la situation à l'Est du pays et de la rébellion du M23 ?
- André Kabanda Kana : Je n'appellerai pas le M23 une rébellion. Le M23 est constitué d'anciens membres du CNDP (une ancienne rébellion dirigée par Laurent Nkunda en 2008, ndlr). Ils sont soutenus par des forces étrangères, c'est ce que dit un rapport de l'ONU en citant le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi. Tout cela pour organiser la désolation et le pillage du Congo. Pour moi, le M23 n'est pas une rébellion.
- Afrikarabia : Pour simplifier, on peut dire que vous considérez votre mouvement comme beaucoup plus "congolais" que le M23 ?
- André Kabanda Kana : Ce mouvement est purement congolais. John Tshibangu est un Congolais 100% et tous ceux qui sont avec lui sont Congolais. La branche politique est composée exclusivement de Congolais et nous prétendons n'avoir le soutien d'aucun pays. C'est l'élan patriotique qui nous a poussé à faire cela.
- Afrikarabia : Votre mouvement est-il en contact avec Roger Lumbala, actuellement en exil à Paris et accusé par Kinshasa de vouloir aider la rébellion de John Tshibangu ?
- André Kabanda Kana : Je vous donnerais la même réponse que pour l'Apareco d'Honoré Ngbanda. Robert Lumbala est un patriote qui a fait beaucoup de chose pour ce pays. Pour cela, Roger Lumbala doit avoir été en contact avec John Tshibangu à un certain moment. Il a certainement travaillé avec lui. Roger Lumbala possède son propre parti politique, mais nous sommes avec ceux qui travaillent pour le même objectif et la recherche de la paix.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : André Kabanda Kana © DR
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04 novembre 2012
RDC : Les errements d'Etienne Tshisekedi
"Président" autoproclamé de République démocratique du Congo depuis les élections frauduleuses de novembre 2011, l'opposant Etienne Tshisekedi s'est peu à peu enfermé dans ses fonctions fictives. Une étrange stratégie qui cache mal les errances et l'isolement de son leader.
Où va l'UDPS ? Bien malin celui qui pourrait définir le cap choisi par son président, Etienne Tshisekedi. A 79 ans, "l'opposant historique", comme le nomme la presse congolaise, semble avoir fait le vide autour de lui. Beaucoup accusent le patron de l'UDPS de s'être muré dans son rôle de "président" virtuel, après les élections contestées de novembre 2011 et de nier la réalité de la situation politique. D'autres critiquent son manque de compromis et ses diktats, menant le plus souvent à l'exclusion politique, puis à la scission.
Enième ramaniement
Dernier événement en date : la réorganisation du parti après l'éviction de son secrétaire général, Jacquemain Shabani, accusé d'avoir détourné 300.000 dollars. L'UDPS vient de nommer Bruno Mavungu au poste de numéro 2 du parti. Même si le parquet général a lavé Shabani de tout soupçon, le divorce semble bel et bien consommé entre Tshisekedi et son ancien secrétaire général. Résultat : à Kinshasa, on parle déjà de la naissance d'une "aile Mavungu" et d'une "aile Shabani".
Exclusion et scission, les épisodes se suivent… et se ressemblent à la tête de l'UDPS. Peu avant les élections présidentielles de 2011, François-Xavier Beltchika, un ancien leader de l'aile Righini de l'UDPS, avait claqué la porte pour créer son propre parti. Dans un texte publié par Congo Tribune, Beltchika dénonçait "la léthargie et la paralysie totale du parti", condamné selon lui "au naufrage".
Candidature en solo
Pendant le cycle électoral de 2011, là encore, Tshisekedi ne compose pas. Sûr de son aura et de sa victoire, le "sphinx de Limete" choisi de jouer en solo : aucune alliance ne sera passée avec un autre parti d'opposition. Problème : l'élection présidentielle à un seul tour nécessite une candidature unique de l'opposition pour être en mesure de contrer le président sortant, Joseph Kabila. Tshisekedi, Kamerhe et Kengo (les autres candidats d'opposition) se renvoient la responsabilité de l'échec. Résultat : Tshisekedi arrive en deuxième position... et perd. La fraude électorale est dénoncée de toutes parts, mais Tshisekedi annonce tout de même "sa" victoire et s'autoproclame "président de la République démocratique du Congo". Seul souci : si Kabila n'apporte pas la preuve de sa victoire (des milliers de Procès verbaux de l'élection ont disparu), Thsisekedi n'est pas plus en mesure de prouver le contraire. La "cérémonie d'investiture" de Tshisekedi se déroulera dans sa résidence privée, entouré seulement de quelques proches… dans l'indifférence générale. Certains proches du mouvement regrettent que Tshisekedi n'ai pas anticipé la fraude électorale (prévisible) et préparé une contre-offensive plus pertinente à la victoire annoncée de Joseph Kabila.
Exclusion de 33 députés
L'isolement de l'UDPS continue après les résultats des élections législatives, elles aussi frauduleuses, puisque se déroulant le même jour que la présidentielle. Considérant (à juste titre) la nouvelle Assemblée nationale "illégitime", Etienne Tshisekedi demande à ses candidats de boycotter l'institution. Mais la majorité des députés UDPS refusent le "jusqu'au boutisme" de leur patron et estiment que la voix de l'opposition sera plus audible au sein l'Assemblée qu'en dehors (sans oublier les 7.000 $ de traitement !). Résultat : les 33 députés UDPS sont exclus et place en orbite un nouveau "dissident", Samy Badibanga, comme président du groupe UDPS/FAC et candidat au poste de porte-parole de l'opposition à l'Assemblée. Là encore, le duo "exclusion-scission" fonctionne à plein régime.
Vidéo surréaliste
Plus inquiétant enfin, a été le dernier point presse tenu par Etienne Tshisekedi après sa rencontre avec François Hollande, lors du XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Sur le coup, je n'avais lu que les dépêches d'agences relatant l'entrevue entre les deux hommes. Tshisekedi s'y déclarait "satisfait" de sa conversation avec le président français qu'il considérait comme "un frère de l'Internationale socialiste"… rien que de très banal. Je lisais cependant que la rencontre avait quelque peu décontenancé les conseillers de François Hollande… sans savoir pourquoi. Mais dernièrement, on me conseille de visionner l'intégralité de ses déclarations au sortir de l'entrevue. Et là, je comprends soudain l'embarras des diplomates français. On entend en effet Tshisekedi répondre à un journaliste lui parlant de son statut d'opposant : "je ne suis pas opposant, c'est moi qui suis au pouvoir au Congo. Ce sont les autres qui sont opposants !" Ou encore cette déclaration, comme s'il était effectivement au pouvoir : "je lui ai demandé (à François Hollande) de renforcer la coopération entre la République démocratique du Congo et la République française". La discussion devient quasi surréaliste concernant la situation au Kivu, où la rébellion du M23 se bat contre l'armée congolaise, Tshisekedi répond : "Il ne faut pas qu'il s'en fasse (il parle de François Hollande), dès que j'ai l'effectivité du pouvoir, 24 heures après il n'y aura plus de problème au Kivu, c'est la paix la plus totale !" (voir la vidéo tournée par Congo Mikili ci-dessous).
Déclaration d'Etienne Tshisekedi après la... par ChristopheRigaud
Les errements du leader de l'UDPS commencent à inquiéter la base du mouvement, surtout dans la diaspora à l'étranger. Les sorties tonitruantes d'Etienne Tshisekedi déstabilisent un bon nombre de militants et désorientent quelque peu les chancelleries occidentales. Certains affirment que la personnalité de Tshisekedi avait "refroidi" la communauté internationale sur sa capacité à prendre la succession de Joseph Kabila. A l'extérieur du parti, on n'hésite pas à déclarer Tshisekedi "hors jeu". Au sein des autres structures de l'opposition congolaise, l'entêtement du "vieux" à se considérer comme "le président élu" est qualifié de "farce tragi-comédie".
Pourtant, pour beaucoup, Tshisekedi représente encore l'image d'un opposant intègre. Le début de sa campagne électorale et son retour après 3 années "d'exil médical" en Belgique avaient été bien accueillis par les Congolais. Mais très vite, son positionnement s'est crispé autour de la candidature unique à la présidentielle. Tshisekedi a tout de suite fermé la porte aux négociations avec les autres candidats, estimant sa candidature comme "légitime" et donc non-négociable.
Depuis la fin de l'épisode électoral, le leader de l'UDPS a perdu beaucoup de sa crédibilité... Une crise de leadership qui commence à lasser une bonne partie de ses soutiens. Problème : aucune personnalité d'opposition n'a émergé des dernières élections de 2011 et l'opposition n'a pas encore trouvé son homme providentiel.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Etienne Tshisekedi en 2011 à Bruxelles © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
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28 octobre 2012
RDC : Les groupes armés prolifèrent au Nord-Kivu
Depuis la création de la rébellion du M23 et le retour de la guerre à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), de nouveaux groupes armés ont fait leur apparition. Une trentaine de rébellions sévissent actuellement dans les Kivus. La dernière en date se nomme l'URDC, Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo.
Chaque semaine qui passe aux Kivus, voit la création d'un nouveau groupe armé. Depuis la mutinerie du M23, en guerre contre l'armée régulière de Kinshasa, les rébellions se multiplient à l'Est de la RDC. On compte actuellement une trentaine de mouvements rebelles dans la région, allant de quelques centaines d'hommes à quelques milliers. Les alliances varient avec le temps et les circonstances. La majorité de ces mouvements ont pourtant un "ennemi" en commun : les FARDC, l'armée régulière congolaise. Les victimes de ces groupes sont toujours les mêmes : la population civile, prise entre deux feux. Pillages, vols, viols, les exactions de ces milices ont jeté sur les routes et dans les camps, des milliers de réfugiés. Depuis le mois de mai et la création du M23, les combats ont fait plus de 300.000 déplacés dans l'Est du pays.
URDC, Raïa Mukombozi...
Le dernier né de ces groupes s'appelle l'URDC, l'Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo. Ces rebelles se trouvent à Beni, au Nord-Kivu et sont basés dans les collines de Ruwenzori et Graben. Selon la radio onusienne Okapi, un des responsables du groupe serait le colonel Jacques Tahanga Nyolo, un officier déserteur de l'armée régulière (comme la plupart des rebelles), issu d'une branche du RCD-KML. Comme bon nombre de nouvelles rébellions, l'URDC se dit "en contact" avec le M23, le "mouvement-phare" du Nord-Kivu. Le RCD-KML a rejeté la paternité du groupe et a toujours nié tout rapprochement avec le M23, formé de déserteurs de l'armée et soutenu par le Rwanda voisin. L'URDC revendique "la réhabilitation de la démocratie et de la vérité des urnes", entendez le départ de Joseph Kabila.
Le semaine dernière, un autre groupe armé a vu le jour dans le territoire de Shabunda au Sud-Kivu : les Raïa Mukombozi, un groupe d'auto-défense Maï-Maï issu des Raïa Mutomboki, qui contrôlent de nombreux sites miniers. Ce nouveau mouvement, entré en dissidence il y a quelques semaines, souhaite combattre les Raïa Mutomboki et s'emparer de leurs territoires, riches en minerais. Le contrôle des ressources naturelles du sous-sol congolais constitue l'une des causes du conflit au Nord et Sud-Kivu. S'il ne constitue pas le moteur de la guerre, il en est assurément le principal carburant.
Une armée congolaise en décomposition
La focalisation de la communauté internationale et des médias sur la rébellion du M23, cache une réalité plus complexe sur le terrain. La prolifération de ces mouvements révèle avant tout les carences de l'Etat dans les provinces et particulièrement l'absence d'une armée digne de ce nom. Faute de moyens, de paie et d'un véritable commandement, les FARDC, sont toujours incapables d'assurer la sécurité de la population. Pire, l'armée régulière se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils.
Une trentaine de factions se battent désormais dans les Kivus depuis l'apparition du M23. Le retour de la guerre a favorisé la création de nouvelles rébellions qui profitent du chaos ambiant pour régner en maître sur les territoires... et leurs richesses. Des alliances se sont créées entre ces mouvements, souvent contre-nature. Le M23, dont le nombre d'hommes oscillerait entre 1000 et 2000 hommes a été rejoint par plusieurs groupes d'auto-défense, comme les Pareco, les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Raïa Mutomboki. Au Sud-Kivu, on trouve les Maï-Maï Yakutumba, les Maï-Maï Nyatura et les Mudundu 40. En Ituri, les FRPI, du chef milicien Cobra Matata règnent sur la région, contrôlent les taxes et l'argent du Trésor. Au Kasaï-Oriental, le colonel Tshibangu a fait défection de l'armée régulière et a tenté une offensive début octobre.
FDLR : supplétifs de l'armée congolaise ?
Face à ces multiples rébellions hostiles à Kinshasa, on trouve d'autres rebelles : les FDLR. Le plus grand groupe armé présent à l'Est, est composé aujourd'hui d'environ 3000 hommes (contre 7000 il y a encore quelques années). Ce mouvement rassemble des Hutus rwandais et des Congolais, opposés au régime rwandais de Paul Kagame, depuis la fin du génocide de 1994. Défendant les intérêts hutus et combattant les minorités tutsies congolaises (défendues par le M23) les FDLR ont été longtemps utilisés comme supplétifs à l'armée régulière. Aujourd'hui encore, le M23 accuse le gouvernement congolais d'utiliser les FDLR pour les combattre au Nord-Kivu.
Objectif commnun : le départ de Joseph Kabila
Dans ce chaos permanent depuis presque 20 ans, les deux Kivus restent le "terrain de jeu" idéal des "aventuriers" divers et des "apprentis rebelles". Si chacun de ces mouvements ne représentent tout au plus qu'une centaine d'hommes, des alliances se nouent et se coordonnent de plus en plus. Pour l'instant leurs znoes d'influences ne dépassent pas quelques territoires. Mais dans ces mouvances rebelles, seul le M23, toujours installé aux portes de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, est en mesure d'ébranler le régime de Joseph Kabila. Signe des temps et de la montée en puissance du mouvement : la majorité des nouveaux groupes armés se sont rapprochés du M23. Le Mouvement du 23 mars peut désormais compter sur ces alliés (certes de circonstances) pour gagner des régions, les placer sous contrôle et fragiliser ainsi l'autorité de Kinshasa. Car cet assemblage hétéroclite de rébellions partage au moins un objectif commun : le départ du président Joseph Kabila.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : © Ch. Rigaud - Kinshasa 2006 - www.afrikarabia.com
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25 octobre 2012
Doing Business 2013 : La RDC à la traîne
Classée 181ème pays sur 185, la République démocratique du Congo (RDC) peine à améliorer son climat des affaires. La RDC perd une place dans le nouveau classement de la Banque mondiale. Corruption et mauvaise gouvernance expliquent les mauvais résultats de la RDC. Le gouvernement congolais promet que les réformes en cours porteront leurs fruits sur le classement 2014.
Cantonnée au fond du classement Doing Business depuis plusieurs années, la République démocratique du Congo recule d'une place dans l'édition 2013. La RDC est placée à la 181ème position sur 185. Le classement de la Banque mondiale est basé sur dix indicateurs : la création des entreprises, l'octroi des permis de conduire, le raccordement à l'électricité, le transfert des propriétés, l'obtention des prêts, la protection des investisseurs, le paiement des impôts, le commerce transfrontalier, l'exécution de contrat et le règlement de l'insolvabilité.
Les raisons du mauvais climat des affaires qui règne en RDC sont connues depuis longtemps : corruption et mauvaise gouvernance. En République démocratique du Congo, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique. Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.
Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.
Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite dernièrement à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. "Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat", a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.
Pourtant, le gouvernement congolais affirme avoir fait de nombreux efforts. Plusieurs réformes ont été lancées récemment : un nouveau code des douanes, la mise en place récente de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ainsi qu'un "remodelage" du code minier de 2002. Les autorités congolaises ont également mis en place récemment un Comité de pilotage pour l'amélioration du climat des affaires et des investissements (CPACAI). En avril, la RDC a aussi adhéré à l'OHADA, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Le Comité de pilotage estime que la RDC est "sur la bonne voie" et que "le rapport Doin Business 2014 sera totalement différent. Des réformées courageuses ont été initiées". Prenons donc rendez-vous pour l'année prochaine. Mais, pour ne parler que du code des douanes, sa réforme était déjà en cours en 2005, lors de mon premier voyage en RDC, sous la houlette du ministre des finances de l'époque, André-Philippe Futa. Et depuis cette date… peu de progrès ont été réalisés.
Paradoxe du classement, le Rwanda voisin est classé dans les 3 pays d'Afrique les mieux placés. Le Rwanda est également cités en exemple par la Banque mondiale pour sa réussite économique. Kigali est surtout accusé par un rapport des Nations-unies de soutenir la rébellion du M23 à l'Est et de "s'approvisionner" en matières premières dans les Kivus, riches en minerais… ceci explique peut-être cela.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Le rapport Doing Business est téléchargeable ici.
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22 octobre 2012
RDC : Le M23 élargit ses alliances militaires
Le mouvement rebelle M23 a réorganisé ce week-end sa branche armée. L'Armée nationale congolaise (ANC), l'aile militaire de l'ex-CNDP a été rebaptisée Armée révolutionnaire du Congo (ARC). Un changement de nom qui officialise les nouvelles alliances du M23 avec d'autres groupes armés comme les Pareco ou les Raïa Mutomboki.
Les changements de sigles des mouvements rebelles sont légions en République démocratique du Congo (RDC). Une habitude qui traduit les multiples renversements d'alliances entre groupes armés, mais aussi la volonté de brouiller les pistes quand les circonstances l'exigent. Rien de tout cela dans la transformation de l'ANC (Armée nationale congolaise) en ARC (Armée révolutionnaire du Congo), mais la nuance est subtile et mérite une explication. Même la dépêche de l'AFP annonçant la nouvelle, se prend les pieds dans le tapis en affirmant que "le M23 devient l'Armée révolutionnaire du Congo". Renseignements pris auprès du M23, le Mouvement du 23 mars garde bien son nom, seule sa branche militaire est rebaptisée.
L'ANC était en effet le "bras armé" de l'ex-CNDP, une ancienne rébellion dont est issu le M23. Les rébellions ont toujours eu un malin plaisir à dissocier les branches militaires et politiques de leurs mouvements, même si le politique est le plus souvent une simple marionnette aux mains des militaires. Si le M23 est essentiellement composé d'ex-membres du CNDP, son aile militaire, l'ANC, n'était plus représentative des nombreuses alliances liées par le M23 avec les autres groupes armés du Nord-Kivu. La création de l'ARC ce week-end répond donc à une nouvelle donne militaire. L'Armée révolutionnaire congolaise, la nouvelle structure, prend donc en compte les nouveaux alliés du M23. Dans cette liste non exhaustive on trouve de nombreux groupes d'autodéfense congolais, comme les Pareco (Patriotes Résistants Congolais), les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Maï-Maï Mutomboki. Si l'alliance de ces groupes hétéroclites peut paraître "de circonstance", ils ont tous au moins un point commun : la lutte contre le régime de Joseph Kabila et la volonté de le renverser.
Autre nouveauté au sein du M23. Samedi à Bungana, en plein fief rebelle, le président du mouvement, Jean-Marie Runiga, a également annoncé la nomination du colonel Sultani Makenga au rang de "général de brigade". Une manière d'officialiser le leadership de Makenga sur les autres groupes armés, commandés de nombreux "colonels".
La création de l'ARC et l'élévation de Makenga au grade de général de brigade constituent deux signaux forts en direction de Kinshasa, alors que les négociations ne sont toujours pas entamées à Kampala. Premier signal : le M23 possède des alliés capables de le suivre au cas où les choses tourneraient mal sur le terrain militaire. Deuxième signal : Sultani Makenga et les "militaires" du mouvement sont bien les maîtres de la rébellion et sont visiblement prêts à en découdre avec Kinshasa. Depuis 3 mois, le M23, qui contrôle une partie du Nord-Kivu, attendait une avancée diplomatique ou un geste de Kinshasa, qui n'est finalement jamais venue. Un officier rebelle nous confiait qu'il s'agissait de "3 mois perdus" et cachait mal son impatience. Au Nord-Kivu, la situation militaire est toujours figée. Jusque quand ? Le M23 campe à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma, qu'ils menacent de prendre. Dans un communiqué, les autorités congolaises ont dénoncé samedi de nouveaux mouvements de troupes de l'armée régulières rwandaises à Rutshuru, un des fiefs du M23. Le porte-parole du gouvernement accuse le Rwanda de venir en aide aux rebelles et de préparer une nouvelle attaque dans cette zone. Le Rwanda a de nouveau été accusé par un rapport de l'ONU de soutenir le M23. Il est donc fort à parier que le statu quo ne tiendra pas longtemps.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Site internet du M23 © DR
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17 octobre 2012
Affaire Chebeya : la piste Kabila
Un policier congolais, témoin de l'assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, a affirmé sur Radio France Internationale (RFI), que le meurtre aurait été commandité par le président congolais Joseph Kabila lui-même. Une accusation qui relance l'affaire Chebeya, à moins d'une semaine de la reprise du procès.
Revoilà Paul Mwilambwe. Témoin clé dans l'affaire de l'assassinat du célèbre militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, Mwilambwe précise ses accusations au micro de RFI. Ce Major de la police, ancien agent de renseignement et chargé de la sécurité des locaux où Chebeya, avait déjà témoigné dans le film du cinéaste Thierry Michel, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?". Dans ce documentaire, Mwilambwe accusait le chef de la police congolaise, John Numbi, d'avoir ordonné l'élimination de Chebeya. John Numbi fait partie du premier cercle des proches du président Joseph Kabila. Mwilambwe avait également révélé le mobile du meurtre. Selon le policier, Chebeya avait en sa possession des documents accablants pour les autorités congolaises concernant la répression des membres du Bundu Dia Kongo (BDK) en 2007 et 2008. Les policiers du Bataillon Simba seraient à l'origine des massacres dans la province du Bas-Congo. Et toujours d'après Mwilambwe, Chebeya tenait ces documents de l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, un ancien bras droit de Kabila passé à l'opposition.
Concernant l'assassinat de Floribert Chebeya, Paul Mwilambwe affirmait que le militant des droits de l'homme avait été étouffé à l'aide d'un sac plastique et de scotch. Il déclarait avoir vu le corps de Fidèle Bazana, le chauffeur de Chebeya, qui n'a jamais été retrouvé. Au cinéaste Thierry Michel, Mwilambwbe avait même donné le lieu exact de son inhumation, dans une ferme d'un officier proche de John Numbi à Kinshasa. Quelques jours plus tard, le policier avait été enlevé par la police, de peur qu'il ne parle. Mwilambwe a réussi à s'évader et se cache actuellement dans un pays d'Afrique.
Dans la nouvelle interview, diffusée ce mercredi sur RFI, Paul Mwilambwe va plus loin et précise ses accusations. Pour le policier, il y a un donneur d'ordre derrière John Numbi et il se nomme : Joseph Kabila. Un des policiers, ayant participé au meurtre de Chebeya et Bazana, le "Major Christian" aurait affirmé à Mwilambwe : "j’ai reçu l’ordre du président de la République (Joseph Kabila, ndrl) par le canal du général Numbi". Avec la mise en accusation de Joseph Kabila, Paul Mwilambwe relance donc l'affaire Chebeya, qui deviendrait donc réellement "un crime d'Etat", si on reprend le titre du film de Thierry Michel.
En 2011, la justice congolaise a condamné à mort le colonel Mukalay, numéro 2 de la police, ainsi que les 3 policiers en fuite, jugés par contumace. Un autre policier a été condamné à la prison à perpétuité et trois autres ont été acquittés. Pour l'instant le général Numbi, suspendu de ses fonctions depuis l'affaire, n'a toujours pas été interrogé par la justice congolaise. Un "scandale" selon les parties civiles, qui le considèrent comme le suspect numéro 1. La Cour devrait rendre son avis sur le "cas Numbi" le 23 octobre lors de la reprise du procès.
Après la diffusion de l'interview de Paul Mwilambwe sur RFI, les autorités congolaises ont dénoncé "un lynchage médiatique" par un témoin qui a "fuit la justice de son pays et qui ne se confie qu'à des médias français". Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, Mwilambwe "aurait vu quelqu’un qui aurait vu le général Numbi, qui aurait dit que le président Kabila aurait donné les ordres. Même devant un petit juge de quartier, cela ne tient pas la route".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Floribert Chebeya © DR
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15 octobre 2012
RDC : Un Sommet pour rien ?
Le 14ème Sommet de la Francophonie s'est clôturé dimanche 14 octobre à Kinshasa. Sans surprise, Paris et Kinshasa ont joué leur partition : François Hollande défendant les "valeurs de la Francophonie" et les droits de l'homme et Joseph Kabila, droit dans ses bottes, et "pas du tout complexé par le niveau de démocratie" de son pays. A l'heure des bilans, que doit-on retenir du ce Sommet ?
La tension était au rendez-vous samedi à Kinshasa. Poignée de main pas vraiment franche, sourires crispés, François Hollande et Joseph Kabila ont joué à fleuret moucheté par discours interposés. François Hollande avait pris soin de "déminer" le terrain quelques jours avant son arrivée en déclarant que "la situation en RDC était tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l'opposition". A Kinshasa, les propos ont été plus "mesurés", diplomatie oblige. Mais François Hollande a gardé le cap : "tout dire" au président Kabila. En retour, le président français a eu droit à un discours très ironique de Joseph Kabila : "nous pratiquons la démocratie dans ce pays par conviction. Conviction, et non pas par contrainte". Voilà pour les paroles.
Quelles sont les leçons de ce Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), outre la libération "surprise" de Diomi Ndongala, un opposant détenu au secret depuis 4 mois et "mystérieusement" relâché 24 heures avec le Sommet, la visite de François Hollande a été porteuse de 3 bonnes nouvelles. La première est que le président français "a brisé le consensus du silence des Occidentaux sur le régime congolais". Selon ce chercheur, François Hollande a été "clair et sans ambiguïté, contrairement à d'autres diplomaties européennes qui sont en permanence dans l'ambiguïté et soutiennent à la fois l'oppresseur et l'opprimé". Deuxième bon point pour le président français : l'accent mis sur "la nécessité du soutien à la société civile qui est fondamentale pour la démocratisation de la RDC". Et enfin, toujours d'après Thierry Vircoulon, François Hollande "a été moteur pour l'adoption de la recommandation de l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) concernant l'adoption de sanctions par l'ONU à l'encontre de tous ceux qui soutiennent des groupes armés dans l'Est de la RDC".
Les paris gagnés et perdus de Joseph Kabila
Le Mali mis à part (la Francophonie a soutenu le principe d'une intervention armée), les sanctions ciblées contre les responsables d’exactions, ainsi que la poursuite en justice des criminels de guerre au Nord-Kivu, ont été l'une des résolutions prises à Kinshasa. Cette décision constitue d'ailleurs la principale "victoire" de Kinshasa au Sommet.
Pour François Muamba, ancien ministre du MLC de Jean-Pierre Bemba et aujourd'hui président de son propre parti, l'ADR (Alliance pour le Développement et la République), la condamnation de l'agression à l'Est est trop timide. Le Sommet était "une opportunité, pour la RDC, d'obtenir un engagement fort de la Communauté francophone à l'aider à dégager de son sol les forces négatives". François Muamba dénonce les "résolutions polies (…) laissant seule la partie congolaise résoudre l'agression extérieure dont elle est victime". "Il est vérifié qu'aucun pays au monde ne peut trouver de salut, s'il est dans l'obligation de sous-traiter sa défense et sa sécurité" estime-t-il. Côté politique, François Muamba est plus positif. Selon lui, force est de constater que le président Kabila a gagné plusieurs paris. Pari sécuritaire et logistique, mais surtout politique Selon François Muamba, qui rappelons-le est toujours dans l'opposition, Joseph Kabila a su montrer aux caméras du monde entier, que "les affres électoraux de l'année dernière appartenaient désormais au passé". François Muamba note que le fait que "François Hollande ait pu défendre les thèses soutenues par l'opposition congolaise à Kinshasa" sans ouvrir de crise diplomatique entre la France et la RDC est "un hommage de démocrate de François Hollande rendu à Joseph Kabila".
Les droits de l'homme au coeur de la Francophonie
Depuis Paris, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, responsable d'opposition du RDPC, est avant tout satisfait que "la démocratie et les droits fondamentaux aient occupé une place prépondérante". Favorable à la tenue du Sommet à Kinshasa, contrairement à la majorité de l'opposition qui demandait sa délocalisation, Lonsi Koko a beaucoup apprécié la position du président français sur le risque de balkanisation de la RDC. Pour François Hollande, les "frontières héritées de la colonisation sont intangibles", prenant ainsi le contre-pied de Nicolas Sarkozy qui souhaitait un "partage des richesses congolaises" avec le Rwanda. Depuis plus de 6 mois, l'Est du pays est en effet en proie à une rébellion qui menacent de prendre le contrôle du Nord-Kivu.
Même son de cloche pour Paul Nsapu, défenseur des droits de l'homme. Le secrétaire général de la FIDH (Fédération international des droits de l'homme)s'estime lui aussi satisfait de la visite du président Hollande, "les droits de l'homme ayant été au centre du déplacement présidentiel". Pour autant, Paul Nsapu reste sur sa fin concernant les promesses du gouvernement congolais. Kinshasa n'a pas donné suite à la demande de libération de prisonniers politiques et pendant le Sommet de la Francophonie, "il y a eu des violations des droits de l'homme" (des manifestants de l'UDPS ont été violemment dispersés lors de manifestations). Ce qui est positif pour Paul Nsapu, c'est que maintenant, "la communauté internationale sera plus regardante sur le procès Chebeya en cours". Depuis l'assassinat du défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya en juin 2010, un proche du président Kabila, John Numbi, soupçonné d'être le principal commanditaire du meurtre, n'est toujours pas sur le banc des accusés. Le 23 octobre prochain la Cour militaire doit statuer sur son sort.
Quelles seront les retombées du Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group, "on peut s'attendre à deux changements". Et d'abord un changement "du discours occidental à l'égard de Kinshasa". Selon le chercheur, "le président français a été suivi par le premier ministre canadien qui a insisté sur la bonne gouvernance en RDC et a souhaité que les sommets de l'OIF se tiennent dans des démocraties". Une position commune franco-canadienne qui "tranche avec le silence assourdissant de la Belgique et de la Suisse" note Thierry Vircoulon. "Mais elle est sans doute le prélude à une libération de la parole du côté des chancelleries occidentales qui, jusqu'à présent, se contentaient de dire tout bas ce que les Congolais de la rue disent tout haut", poursuit-il. Enfin, Thierry Vircoulon entrevoit également un changement dans le domaine des aides à la RDC. Selon lui, "les bailleurs occidentaux vont sans doute réévaluer la manière dont ils "aident" la RDC et consacrer plus d'attention à la société civile".
Notons enfin, que les multiples pressions des ONG, des opposants politiques, de certains médias, qui demandaient à François Hollande, de ne pas se rendre à Kinshasa pour ne pas cautionner le régime de Joseph Kabila, ont fini par payer. Le président français a durcit ses positions dans les dernières semaines avant l'ouverture du Sommet. Une demi-victoire, en espérant que la France continue de garder un oeil sur l'avancée des droits de l'homme à Kinshasa.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Présidence © DR
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14 octobre 2012
RDC : La "Congo Week" s'ouvre à Paris
Du 14 au 20 octobre 2012, plusieurs grandes villes participeront à la "Congo Week", de Paris à New-York, en passant par Ottawa, Tokyo, Johannesburg, Kisangani ou Goma. Cette semaine est destinée à sensibiliser et informer le grand public sur le conflit meurtrier qui sévit depuis plus de 16 ans en République démocratique du Congo. Au programme à Paris : conférences, projections de films et même une "Journée sans portable" le 17 octobre.
Depuis 2006, le collectif "Friends of thé Congo" organise une "Congo Week" à travers le monde. Cette année, Paris sera au rendez-vous de cet événement . Au programme : une semaine de rencontres, de débats, de conférences, de projections de films pour dénoncer un conflit méconnu du plus grand nombre. Depuis plus de 16 ans, la République démocratique du Congo est secouée par des guerres à répétition à l'Est du pays. Bilan : plusieurs millions de morts et un silence assourdissant de la communauté internationale. Voici le programme parisien de cette semaine de sensibilisation, qui se déroulera à la "Maison de l'Afrique", 7 rue des Carmes dans le 5ème arrondissement :
- Mercredi 17 octobre, la "Congo Week" propose une "Journée sans portable". Pour protester contre le financement du conflit par les trafics de minerais destinés à la fabrication de nos mobiles, la "Congo Week" appelle à éteindre son téléphone toute la journée et à laisser un message au répondeur qui explique son geste.
- Jeudi 18 octobre de 18h30 à 20h30: Conférence, "Histoire des indépendances du Congo et de ses voisins des Grands-Lacs et Introduction à l'Histoire récente du Congo". Avec Klara Boyer-Rossol Klara, Jordane Bertrand, journaliste et auteur de "Histoire des Indépendances africaines et de ceux qui les ont faites" et Anicet Mobe, journaliste et historien congolais.
- Vendredi 19 octobre de 18h30 à 20h30: "L'enjeu des ressources naturelles, le Congo, un pays central pour l'économie mondiale" Première partie: Projection du film "Du sang dans nos portables" Deuxième partie: Conférences avec Kerwin Mayizo, Journaliste congolais, Anicet Mobe, Historien congolais, Thierry Téné, co-fondateur de l'Institut Afrique RSE, Jean-Paul Mvogo, économiste et Saïd Abass Ahmed, doctorant Sorbonne Paris 1, spécialiste RDC. Modérateur: Hervé LADO, diplômé des Sciences-po.
- Dimanche 21 octobre de 14h00 à 20h00: "Le rôle des ONG, des associations et des artistes de la diaspora". Modératrice: Rebecca Kabongo, activiste congolaise des droits de l'Homme.
Avec :
14h00-15h30: Patrick Helmininger et Mme Mossi de l'Amnesty International (Sous resèrve), Maitre Réty, ancien avocat de la défense au tribunal international d'Arusha et président du CRID, Jean-Louis Tshimbalanga de l'association "Convergence pour l'émergence du Congo" et auteur de "L'impératif d'une culture démocratique en RD Congo";
15h45-16h30: Présentation des Firends Of The Congo et projection du film "La crise au Congo, la vérité dévoilée";
16h45-17h30: Intervention d'Elsa Vumi sur la marche mondiale des femmes au Kivu en Octobre 2010; Témoigange de l'association Femmes du Kivu;
17h45: Le travail des journalistes en temps de guerre avec Anastasie Mutoka suivi du rôle des artistes avec Olivier Tshimbalanga et Alain Ndongisila.
Toutes les informations sont sur le site de la "Congo Week" : congoweekparis.blogspot.fr
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13 octobre 2012
RDC : L'échec de la stabilisation des Kivus dénoncé par ICG
Dans son dernier rapport, International Crisis Group (ICG) revient sur les raisons de l'impossible retour de la paix dans les Kivus, en proie à une nouvelle flambée de violence depuis avril 2012. ICG dénonce la responsabilité des autorités congolaises, rwandaises, des rebelles, mais aussi "l'impuissance" et "la politique à géométrie variable" de la Monusco. Pour "résoudre le conflit" et sortir de la simple "gestion de crise", le think tank demande aux bailleurs "d'exercer des pressions sur Kigali et Kinshasa".
Dans maintenant plus de 5 mois, la rébellion du M23, affronte les forces gouvernementales dans le Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles tiennent la ville frontière de Bunagana, administrent plusieurs localités dont celle de Rutshuru, et menacent de prendre Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Véritable "copier-coller" de la rébellion du CNDP de 2008, l'apparition du M23 signe un nouveau constat d'échec des multiples programmes de "stabilisation" pour ramener la paix dans la région.
Dans son rapport, "l'Est du Congo : pourquoi la stabilisation a échoué", International Crisis Group (ICG) explique pourquoi "les problèmes d’aujourd’hui sont les problèmes d’hier". Le think tank rappelle que "l’application de l’accord du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) a été un jeu de dupes au cours duquel les autorités congolaises ont fait semblant d’intégrer politiquement le CNDP, tandis que celui-ci a fait semblant d’intégrer l’armée congolaise". Pour ICG, la nouvelle crise des Kivus, "met en lumière les paramètres du problème de cette région : la mauvaise gouvernance de Kinshasa, l’ingérence du voisin rwandais et l’inefficacité des outils internationaux de réponse à la crise (Monusco et CIRGL).
Les "faux semblants" de l'application des accords du 23 mars
Après la crise de 2008, le conflit qui opposait le CNDP de Laurent Nkunda au gouvernement congolais, s'était réglé par un accord de paix signé à Goma le 23 mars 2009. Les principes de l'accord reposaient sur l'intégration des rebelles du CNDP au sein de l'armée congolaise (FARDC) et la transformation de la rébellion en formation politique. Sur ces aspects de l'accord, ICG note que "le gouvernement et le CNDP l’ont tous deux instrumentalisé et ont rivalisé de mauvaise foi". Sur l'intégration politique du CNDP, ICG estime que "Kinshasa a gardé la main", le mouvement ayant été cantonné au "niveau provinciale" Sur l'intégration militaire, c'est par contre le CNDP qui aurait "gardé la main". L'intégration aurait "achoppé sur 3 éléments : la reconnaissance des grades, l'attribution des postes et le lieu de déploiement". International Crisis Group révèle que l'ex-rebelle Bosco Ntaganda, nommé commandant de l'opération "Amani Leo" en a profité pour "imposer ses fidèles aux postes de commandement et étendre son influence" du Sud au Nord-Kivu. Le rapport estime qu'alors, "ce n’est pas l’armée congolaise qui a absorbé les
combattants du CNDP mais le CNDP qui a absorbé l’armée congolaise". Selon ICG, "le CNDP est parvenu à conserver la haute main sur une bonne partie de l’appareil militaire dans les Kivus, ce qui n’a cessé de générer un fort ressentiment
dans les rangs des FARDC".
Une armée "prédatrice"
Le rapport dénonce ensuite les mauvaises pratiques au sein de l'armée congolaise : "compte-tenu du manque de discipline et du double système de commandement, (…) les FARDC ont surtout étendu leurs activités de prédation" (la région est riche en minerais de toutes sortes). Les différents plans de reconstruction de l'armée congolaise (STAREC et ISSSS) n'ont visiblement pas donné les résultats escomptés, ICG parle de "non-réforme" de l'armée.
L'échec de la Monusco
Crisis Group insiste particulièrement sur "l'impuissance" des casques bleus en RDC. Comme en 2008, la Monusco "apparait incapable d’empêcher l’émergence d’une nouvelle rébellion". ICG note que les casques bleus disposent "en permanence de 6 bataillons à Goma". Pourtant plus nombreuse que le M23, "la Monusco ne parvient toujours pas à appliquer l’élément essentiel de son mandat : la protection des populations". Le centre de recherche dénonce "une politique à géométrie variable" concernant Bosco Ntaganda et pointe les incohérences de sa stratégie. La Monusco refusait d'arrêter Bosco Ntanganda alors qu'il se promenait librement dans Goma, mais se dit maintenant prête "à contribuer à son arrestation après le revirement des autorités congolaises". Pour ICG, "l'inaction de la Monusco" s'explique par "le refus de recourir à l'usage de la force contre les groupes armés, conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies". Résultat : des massacres sont commis sous les yeux des casques bleus, comme à Mijembe, à Wilikale ou à Pinga.
La "fausse solution" d'une force neutre
Concernant la "force neutre" décidée par la CIRGL, International Crisis Group n'est guère enthousiaste. Cette force, dont on ne connait ni le contours ni le financement devrait surveiller la frontière avec le Rwanda, accusé par les experts de l'ONU de soutenir les rebelles du M23. La Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL) s'est réunie plusieurs fois… sans grand succès. Pour ICG, la "force neutre" est une "fausse solution" : comment 4 000 hommes supplémentaires feraient "ce que n’ont pas fait 18 000 Casques bleus et 30 000 soldats congolais".
Pour résoudre le conflit, "au lieu de le geler pour deux ans", International Crisis Group demande la poursuite des "auteurs de crimes de guerre, d’appliquer les réformes de gouvernance définies depuis longtemps, d’ouvrir l’espace politique aux acteurs légitimes et de sanctionner les ingérences étrangères". Pour cela "les bailleurs doivent exercer des pressions sur Kigali et Kinshasa", ce qui n'est pas encore le cas… ou pas assez.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
00:57 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
11 octobre 2012
RDC : Réapparition "surprise" de Diomi Ndongala
L'opposant congolais, Diomi Ndongala, porté disparu depuis 4 mois, a été retrouvé vivant dans la nuit de mercredi à jeudi. Accusé de viol sur mineures par les autorités congolaises, ses proches accusaient Kinshasa de le détenir au secret. La "libération" de Ndongala ne doit pourtant rien au hasard. Elle intervient moins de 24 heures avant l'ouverture du Sommet de la Francophonie ce vendredi à Kinshasa.
La ficelle est un peu grosse. Quelques heures avant le lancement du 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa, l'opposant politique Diomi Ndongala, a retrouvé la liberté. Selon Radio Okapi, le leader de la Démocratie Chrétienne a été retrouvé dans la nuit de mercredi à jeudi sur la route de Matadi, dans un quartier de Kinshasa. Sa "disparition" en juin dernier avait suscité la condamnation de l'opposition congolaise et des proches de Ndongala. Pour eux, l'opposant se trouvait enfermé au secret dans les locaux de l'Agence nationale du Renseignement (ANR). Pour les autorités congolaises, Ndongala était en "fuite" après une accusation pour "viol sur mineures".
Dernièrement, Amnesty International affirmait avoir des informations récentes sur l'opposant congolais. Plusieurs sources indiquaient qu'il se trouvait d'abord au camp militaire de Tchatchi, puis à la troisième direction des services nationaux du renseignement, à Kinshasa, où il aurait été détenu jusqu'au 2 août. ". Amnesty, comme certains de ses proches, affirmaient que le parlementaire était "en mauvaise santé et aurait perdu beaucoup de poids car il a manqué de nourriture et a été privé des soins nécessaires au traitement de ses pathologies chroniques".
Depuis ce matin et sa découverte sur la route de Matadi, on sait donc que Diomi Ndongala n'était visiblement pas en fuite, mais plus vraisemblablement détenu par les forces de sécurité congolaise quelque part à Kinshasa. Selon ses proches, le leader de la Démocratie Chrétienne (DC) est actuellement très fatigué et reste placé sous perfusion. Il devrait rapidement pouvoir s'expliquer sur ses 4 mois de "disparition", mais déjà, les responsables de la CD n'hésitent pas à parler de mauvais traitements.
La "libération" de Diomi Ndongala, ne doit rien au hasard. Dans moins de 24 heures s'ouvrira le 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa. Le cas de la "disparition" de Ndongala constituait une affaire "embarrassante" pour Kinshasa, accusée par de nombreuses ONG de persécuter ses opposants politiques. Sa réapparition "surprise" tombe à pic autorités congolaises, qui s'apprêtent à recevoir samedi François Hollande. Le Président français avait dernièrement tancé Kinshasa sur la situation des droits de l'homme en RDC... visiblement le message a été reçu 5 sur 5.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
17:22 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
10 octobre 2012
RDC : Hollande joue gros à Kinshasa
La tension est montée d'un cran entre Paris et Kinshasa, à 2 jours de l'ouverture du Sommet de la Francophonie. François Hollande a durcit le ton contre le régime de Joseph Kabila en jugeant la situation "tout à fait inacceptable sur le plan des droits de l'homme". En critiquant Kinshasa et en ne boycottant pas le Sommet, comme le demandait l'opposition, le président français a fini par mécontenter tout le monde. Sa marge de manoeuvre sera extrêmement étroite, samedi à Kinshasa.
La controverse sur la venue de François Hollande à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie qui doit débuter le 12 octobre n'en finit pas de faire des vagues. La dernière polémique en date émane du président français lui-même. Mardi dernier, dans d'une conférence de presse commune avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, François Hollande a déclaré que la situation en République démocratique du Congo (RDC) était "tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition".
François Hollande avait beaucoup hésité à se rendre à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie. Les élections frauduleuses de novembre 2011, les nombreuses violations des droits de l'homme, les arrestations arbitraires d'opposants politiques et la reprise de la guerre à l'Est avaient fini par jeter le trouble sur l'opportunité d'organiser le prochain Sommet en République démocratique du Congo.
L'opposition politique avait prôné la "délocalisation" du Sommet dans un autre pays comme cela avait été le cas pour Madagascar en 2010. Les opposants affirmaient que la seule présence du président français, légitimait le pouvoir en place et validait par la même occasion la réélection très contestable de Joseph Kabila. La dernière déclaration tonitruante de François Hollande contre le régime Kabila vise sans doute à rassurer l'opposition congolaise, très en colère contre la venue du président français. Cela suffira-t-il à calmer les esprits contestataires ? Sans doute pas. L'UDPS, le premier parti d'opposition a, certes, mis de l'eau dans son vin en modérant ses appels à manifester, mais le parti d'Etienne Tshisekedi lance tout de même une "occupation des rues et des boulevards". L'UDPS demande à ses sympathisants d'"accompagner" son leader à son tête à tête avec le président français, prévu le 13 octobre à l'ambassade de France de Kinshasa.
Si la venue de François Hollande n'était pas souhaitée par l'opposition, les autorités congolaises sont elles aussi mécontentes par les propos présidentiels. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende a estimé ce mardi que la déclaration du président français, qui a jugé "tout à fait inacceptable" la situation de la démocratie dans le pays, ne reflétait "aucune réalité". Avec humour, Lambert Mende a répliqué au président français que si sa déclaration "concernait la situation dans l'Est en proie à un regain d'instabilité", alors "nous sommes tout à fait d'accord: la situation des droits de l'homme est tout à fait inacceptable".
Si l'opposition et les autorités congolaises attendent de pieds fermes François Hollande, avec "quelques reproches à formuler", seul le M23 salue la condamnation du président Hollande sur la situation des droits de l'homme en RDC. Le mouvement rebelle, en guerre contre l'armée régulière au Nord-Kivu, se félicite de la déclaration française : "il n'y a pas de démocratie, ni de droits de l'homme et l'opposition est marginalisée" approuve le M23. "La communauté internationale commence à reconnaître et à découvrir les vraies réalités de notre pays. C'est parmi les causes de notre lutte armée", conclut le porte-parole de la rébellion à l'AFP.
François Hollande devra donc faire preuve d'habileté politique et de tact diplomatique lors de sa visite express dans le "chaudron congolais", où, mis à part le M23, personne ne semble complètement se satisfaire de sa simple venue. En août dernier, nous avions intitulé notre article sur la présence du président français à Kinshasa : Hollande dans le piège de Kinshasa. En réussissant, pour l'instant, à mécontenter tout le monde, François Hollande continue de s'enfermer patiemment dans une situation très inconfortable. Pour s'en sortir, le président devra en quelques heures "briller" à Dakar dans un discours "humaniste" au continent africain et devra ensuite "montrer les dents" à Kinshasa face au président Joseph Kabila.Si tel est le cas, nous pourrons mesurer après cette première sortie présidentielle, le poids de la France en Afrique centrale… et même en Afrique tout court.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:38 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
07 octobre 2012
Kivu (RDC) : Kamerhe a-t-il la solution ?
Le président de l'UNC, Vital Kamerhe, a présenté le 5 octobre son "plan de sortie de crise" du conflit qui secoue l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ancien président de l'Assemblée nationale révèle que Kinshasa et le M23 négocient déjà "sous l'égide du président ougandais Museveni" et appelle au dialogue avec le Rwanda. Kamerhe demande également au président Kabila d'ouvrir un débat national avec l'ensemble des partis politiques, de la société civile et de la diaspora congolaise. Si le "plan Kamerhe" semble avancer des évidences, il a au moins le mérite de briser un tabou : la nécessité de réunir tous les protagonistes autour d'une table.
"La nation est en danger". Pour Vital Kamerhe, l'ancien bras droit de Joseph Kabila, passé à l'opposition depuis 2010, "le péril, ce sont ces guerres récurrentes qui déstabilisent notre pays depuis bientôt deux décennies". Depuis avril 2012, un nouveau conflit agite le Nord-Kivu et oppose la rébellion du M23 aux forces gouvernementales. Le M23, n'est que le "copier-coller" d'un autre mouvement rebelle, le CNDP, qui avait lui aussi affronté Kinshasa dans la même région, en 2008.
Comment "arrêter la guerre" ?
Selon Kamerhe, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), ce conflit a de sérieux risques de s'étendre "vers le Sud (Sud-Kivu et Nord-Katanga) et vers le Nord (Ituri), au vu de la multiplicité des acteurs impliqués et des groupes armés". Le "plan Kamerhe" propose "d'arrêter la guerre". Pour cela, "Kigali et Kinshasa doivent se parler sincèrement et conclure une vraie paix des braves autour de (…) la sécurité commune des frontières, des groupes armés, du trafic illicite des minerais du Congo". Dans son "plan de sortie de crise", Kamerhe révèle un "secret de polichinelle" en affirmant que "le gouvernement de la RDC est déjà en discussion avec le M23, sous l’égide du Président Yoweri Museveni qui préside la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs".
Pour l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise, Joseph Kabila doit ouvrir un grand débat avec les acteurs de la société congolaise et "associer tous les leaders politiques et de la Société civile de tous bords, ainsi que la diaspora congolaise, à la recherche d’une solution durable à ce problème". Le président de l'UNC, veut récréer "la cohésion nationale" indispensable au retour de la sécurité en RDC. Selon lui, "aucune opération militaire, y compris les opérations conjointes avec l’Ouganda et le Rwanda sur le territoire congolais, n’a apporté la solution escomptée, à savoir l’anéantissement des rebellions et des groupes armés". A son "humble avis", toutes ces solutions "se sont plus attaquées aux effets qu’aux causes réelles de l’insécurité dans la sous-région des grands lacs".
Un geste vers Tshisekedi et Bemba
Sur le plan national, Vital Kamerhe demande à Joseph Kabila de tendre la main à l'opposition et recommande "une visite surprise à Monsieur Etienne Tshisekedi, l’écouter le rassurer et lever le cordon sécuritaire qui entoure sa résidence. Il ne mérite pas le traitement humiliant qu’il subit actuellement". Le président de l'UNC souhaite également que la Cour pénale internationale (CPI) clôture officiellement le dossier concernant Jean-Pierre Bemba (en prison depuis 5 ans, après sa défaite face à Joseph Kabila, lors de l'élection présidentielle de 2007). Kamerhe demande aussi un geste d'apaisement concernant les "détenus d'opinions" comme Chalupa, Kuthino ou Mokia, mais veut aussi rassurer d'autres opposants comme Mbusa Nyamuisi, Diomi Ndongala (dont la famille dénonce sa détention par le régime) et Roger Lumbala.
Crédible ?
Si le "plan Kamerhe" énonce un certain nombre d'évidences pas vraiment originales, il recèle quelques qualités. La première : briser le tabou autour du terme de "négociation", que Kinshasa ne veut prononcer sous aucun prétexte. Il semble en effet évident qu'à un moment ou un autre, les autorités congolaises et le M23 se mettront autour d'un table… alors pourquoi attendre ? (surtout que d'après Kamerhe, c'est déjà fait). Deuxième qualité : "le plan Kamerhe" est la seule sortie de crise proposée par l'opposition qui ne met pas comme préalable le départ du pouvoir du président Joseph Kabila. Pour la grande majorité des autres partis d'opposition (comme l'UDPS) : le principale problème étant Joseph Kabila lui-même, rien ne doit être fait, avant son départ, et surtout pas de négocier avec le M23. Cette position se discute, mais elle possède un important désavantage : le temps file et rien ne se passe (et déjà plus de 6 mois de crise).
Comme pour la campagne présidentielle de 2011, pendant laquelle Vital Kamerhe avait publié un livre programme : "Les fondements de la politique transatlantique de la RDC", son "plan de sortie de crise" a le mérite de coucher sur le papier son projet "noir sur blanc". Il est vrai que l'on attend toujours le programme électoral d'Etienne Tshisekedi ou de Joseph Kabila pendant la dernière présidentielle… et encore plus leurs stratégies pour ramener la paix à l'Est. Mais pour être crédible, le "plan Kamerhe" devra franchir de nombreux obstacles et tout d'abord celui de la légitimité. L'ancien directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006 a toujours du mal à se faire accepter dans "le camp de l'opposition". Avant, pendant et après les élections de 2011, nombreux sont ceux qui doutaient de sa franchise. Beaucoup pensent encore que Vital Kamerhe doit faire ses preuves d'opposant au régime, lui qui a servi pendant si longtemps l'actuel président Kabila. Pendant la campagne électoral, certains l'on accusé de "taupe" du régime chargé de faire perdre Thsisekedi (Kamerhe est arrivé en troisième place à la dernière présidentielle). Un câble diplomatique secret, révélé par Wikileaks, donnait un portrait "nuancé" du patron de l'UNC : "Kamerhe recourt fréquemment au mensonge pour s'assurer un gain politique. (…) Nos informateurs nous rapportent que son ambition aveugle de devenir un jour président a compromis son jugement"… des propos qui ne rassurent personne à Kinshasa sur les intentions réelles de l'ancien président de l'Assemblée nationale. Dernier obstacle : Vital Kamerhe vient de l'Est, de Bukavu au Sud-Kivu. Ce qui pourrait apparaître comme un atout, car il connaît bien la région et les causes du conflit, devient un handicap pour convaincre, conquérir et s'imposer politiquement dans le reste des provinces congolaises. Une chose est sûre : avec son "plan de sortie de crise", Vital Kamerhe entend s'imposer sur l'échiquier politique congolais et rester un interlocuteur de premier ordre dans le conflit du Kivu, aux yeux de la communauté internationale. Pour cela au moins, le "plan Kamerhe" a déjà réussi.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe le 5 oct 2012 © UNC
23:53 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (13)
04 octobre 2012
RDC : Thierry Michel gagne en justice face à John Numbi
La justice belge a autorisé mercredi 3 octobre l'affiche du film de Thierry Michel sur l'affaire Chebeya. L'ancien chef de la police congolaise demandait son interdiction pour l'utilisation de sa photo qui le présente comme le commanditaire de l'assassinat de ce militant des droits de l'homme. Thierry Michel estime qu'il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse".
Un cas d'école. L'affaire de l'affiche du documentaire de Thierry Michel sur l'assassinat du défenseur de droits de l'homme congolais, Floribert Chebeya, fera date dans l'histoire du droit à l'image et à l'information. Le général John Numbi avait en effet intenté un procès en référé au cinéaste Thierry Michel afin d'interdire la diffusion de l'affiche du documentaire sur laquelle figure sa photo à côté de celle de Floribert Chebeya. Selon John Numbi, cette image le présente comme le commanditaire de l'assassinat, alors qu'il n'est toujours pas poursuivi par la justice congolaise. Tout le travail de Thierry Michel, dans son film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" consiste justement à démontrer que toutes les pistes convergent vers John Numbi,qui serait le probable "donneur d'ordre" de l'assassinat du célèbre militant des droits de l'homme. Dans le film, le cinéaste a recueilli le témoignage d'un policier, jugé par contumace, qui met en cause directement Numbi. Très proche de l'actuel président Joseph Kabila, John Numbi a été suspendu de ses fonctions en attendant son éventuelle comparution devant les tribunaux congolais. Visiblement, le film de Thierry Michel dérange au plus haut point le pouvoir en place à Kinshasa, qui a toujours cherché à éviter un procès à son ancien chef de la police. L'affaire de l'interdiction de l'affiche a sonné comme une ultime pression de Numbi sur le cinéaste.
Mercredi à Liège, bien loin de Kinshasa, la justice belge a tranché et a débouté John Numbi. Le tribunal a estimé que l'affiche constituait bien une information sur l'affaire Chebeya et ne visait pas à exploiter commercialement l'image de John Numbi. La photo incriminée avait d'ailleurs été reprise par les principales agences de presse, ainsi que la plupart des médias internationaux. La justice a ensuite fait remarqué que le titre du documentaire, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", avec son point d'interrogation, présentait "un équilibre acceptable". Le juge belge a donc déclaré la demande d'interdiction de l'affiche "non fondée" et condamné John Numbi verser la somme de 1.320 euros à Thierry Michel et à la société de production "Films de la Passerelle".
Pour le cinéaste, il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse et de la liberté d'expression sur le droit à l'image d'un personnage public (John Numbi, ndlr) dans l'exercice de ses fonctions". Thierry Michel s'inquiète tout de même de "l'intimidation", qui "est bien là vis-à-vis de la presse congolaise" et notamment "avec la déclaration du conseiller juridique de John Numbi qui annonce qu'il poursuivra en diffamation toute personne de la presse nationale ou internationale qui associera l'image du Général à l'Affaire Chebeya !"
Quant à l'affaire sur l'assassinat de Floribert Chebeya, jugée en ce moment à Kinshasa, la prochaine audience du procès en appel des policiers accusés, a été reportée au 23 octobre, quelques jours après le Sommet de la Francophonie qui se déroulera en République démocratique du Congo (RDC). La Haute cour militaire devra notamment se prononcer sur la comparution du général Numbi... peut-être la prochaine victoire pour Thierry Michel.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
01:10 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
02 octobre 2012
RDC : John Tshibangu tente une offensive au Kasaï
L'Apareco, le mouvement de l'opposant Honoré Ngbanda a annoncé depuis Paris, que le colonel John Tshibangu venait de lancer une offensive militaire au Kasaï-Oriental. Les troupes de ce colonel dissident se seraient emparées dimanche 30 septembre de la ville de Kabeya Kamwanga. Le bilan serait de 3 morts parmi les soldats de l'armée régulière (FARDC). Pour l'instant, les autorités congolaises n'ont pas confirmé l'information.
Dans un communiqué publié à Paris, l'Apareco, un mouvement d'opposition au régime de Joseph Kabila, a annoncé la prise de la ville de Kabeya Kamwanga par les hommes du colonel John Tshibangu. Ce colonel de l'armée congolaise avait fait défection et pris le maquis en août 2012 avec une partie de ses hommes. Soupçonné d'abord par Kinshasa d'être proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y placer Etienne Tshisekedi, "le seul vainqueur du scrutin" et faire ainsi respecter "la vérité des urnes". La réélection de Jopseph Kabla avait été fortement contestée par l'opposition congolaise.
Depuis l'entrée en dissidence de Tshibangu, Kinshasa s'était lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où ses troupes s'étaient regroupés. Le 29 août dernier, "des hommes en uniformes lourdement armés" avait investi le village d'Etienne Tshisekedi, Kabeya Kamwanga. Selon l'UDPS : "ces soldats avaient procédé à la fouille systématique de toutes les maisons dont la résidence privée du président au motif qu'ils étaient à la recherche d'armes ainsi que du Colonel dissident John Tshibangu".
Ce serait donc dans cette même ville, Kabeya Kamwanga, que les soldats de Tshibangu auraient lancé une attaque dimanche 30 septembre, dans la matinée et auraient pris le contrôle de la localité. Selon le communiqué de l'Apareco, qui annonce le début d'une "marche pour la libération totale de la République Démocratique du Congo". "Beaucoup d’armes et de munitions appartenant aux forces ennemies ont été saisies et plusieurs officiers et soldats congolais des FARDC ont rejoint les forces patriotiques", précise de mouvement d'Honoré Ngbanda. Un premier bilan ferait état de 3 morts du côté de l'armée congolaise, qui aurait ensuite quitté la ville. Pour l'instant ces informations sont à prendre au conditionnel, Kinshasa n'ayant pas encore confirmé l'attaque de la ville de Kabeya Kamwanga.
Début septembre, le Colonel Tshibangu avait rejoint l'Apareco, le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda, l'ex "monsieur sécurité" du maréchal Mobutu. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'était placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda, avec pour objectif, le "départ du président Kabila". Depuis l'attaque de Kabeya Kamwanga, l'Apareco estime que "la tenue du Sommet de la Francophonie dans un tel contexte nuirait gravement aux intérêts du peuple congolais puisqu’elle vise clairement à renforcer le régime criminel et d’imposture" du président Joseph Kabila. L'Apareco demande donc "aux pays membres de l’OIF et à la France en particulier pour qu’ils renoncent tous à la tenue de ce Sommet indécent".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
00:25 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (13)
27 septembre 2012
Kivu (RDC) : Le calme avant la tempête ?
Si le front militaire est encore calme entre les rebelles du M23 et l'armée régulière, la situation sécuritaire se tend autour de la ville de Goma. Une série d'attaques depuis le début de la semaine fait craindre une reprise des combats dans la région, une fois le sommet de la CIRGL et le Sommet de la Francophonie passés. L'aile militaire du mouvement rebelle semble prête à l'épreuve de force.
Depuis le mois d'avril, l'armée régulière de la République démocratique du Congo (FARDC) affronte les rebelles du M23, qui contrôlent maintenant le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Cet été, le mouvement rebelle a installé une administration parallèle dans ces zones et menace toujours de prendre la ville de Goma, la capitale provinciale. Depuis plusieurs semaines, un calme précaire était revenu pendant que la diplomatie essayait de trouver une porte de sortie au conflit. Mais pour le moment aucune initiative ne semble porter ses fruits. L'ONU hésite à condamner trop fermement le Rwanda, accusé de soutenir la rébellion et la République démocratique du Congo refuse toujours de négocier avec les rebelles. Une «force neutre» pourrait se mettre en place entre la frontière congolaise et rwandaise, mais ses contours et son financement demeurent très incertains. Au mieux, elle se mettra en place dans plusieurs mois, ce qui laisse encore du temps au M23 pour s'installer et progresser.
Sur le terrain militaire, le calme devrait tenir encore quelques jours, ou quelques semaines. Deux rendez-vous internationaux mobiliseront l'attention des différents protagonistes du conflit : la rencontre des chefs d'Etats de la région, le 8 octobre à Kampala, au cours de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et enfin le Sommet de la Francophonie, prévu à Kinshasa du 12 au 14 octobre prochain. Après ? Personne ne peut prédire l'avenir, mais les militaires du M23 risquent fort de reprendre la main sur l'aile politique du mouvement. Selon une source, les soldats du M23 sont convaincus qu'il «faut aller plus loin». Car depuis plusieurs semaines, la simple revendication des accords du 23 mars (d'où le nom de M23) ne suffit plus. Les revendications sont devenues plus «globales» et résoluement «anti-Kabila». D'après l'aile militaire de la rébellion, «il y a eu trop de morts, trop de populations déplacées pour continuer à faire confiance au président Joseph Kabila. On ne peut plus se retrouver dans cette armée là». A la question «que ferez-vous par la suite ?», la réponse est claire : «on avance !».
Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, il est donc fort à parier que la situation sécuritaire risque de se dégrader après la mi-octobre. En début de semaine, plusieurs attaques de nuit ont déjà agité la ville de Goma. Selon les autorités provinciales, 12 personnes seraient mortes des suites de nombreuses fusillades et d'attaques à la grenade. Le porte-parole de la région du Nord-Kivu, Ernest Kyaviro, a précisé à l'agence Reuters qu'il s'agissait sans doute «d'une infiltration de rebelles du M23». L'information est difficile de vérifier, d'autant que depuis la réactivation de la guerre dans la région, de nombreux groupes armés ont repris du service et terrorisent régulièrement la population. Une chose est sûre, la «poudrière des Kivus» ne demande qu'une étincelle pour s'enflammer de nouveau.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
23:46 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
26 septembre 2012
RDC : Thierry Michel toujours sans visa
Le réalisateur du documentaire "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" attend toujours son visa pour participer au Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC). Après son expulsion de Kinshasa en juillet dernier, Thierry Michel avait pourtant reçu l'assurance du Premier ministre congolais et de Yamina Benguigui que la RDC lui délivrerait bien un visa. Le 20 septembre, l'ambassade a refusé sa demande. Le réalisateur belge vient également d'être cité en référé devant le tribunal de Liège par John Numbi, chef de la police congolaise, mis en cause dans son film.
Le cinéma documentaire est un sport de combat et le réalisateur Thierry Michel est particulièrement bien placé pour le savoir. Depuis la sortie de son film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", Thierry Michel enchaîne les parcours d'obstacles. Son documentaire, particulièrement réussi, raconte la chronique du procès des assassins de Floribert Chebeya, un activiste des droits de l'homme éliminé par l'appareil sécuritaire congolais. En filigrane du film, est évoqué la responsabilité du chef de la police, John Numbi, un proche du président Joseph Kabila. Cité en témoin, John Numbi est pourtant absent du boxe des accusés, alors que toutes les pistes le désignent comme le commanditaire du meurtre. La thèse de Thierry Michel est partagée par l'ensemble les ONG congolaises et internationales sur le sujet : il s'agit bien d'un assassinat politique.
Promesse non tenue
C'est à la sortie du film que les ennuis commencent pour Thierry Michel. Le documentaire est d'abord interdit (sans surprise) par Kinshasa, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une carrière clandestine en RDC. En juillet dernier, Thierry Michel se fait ensuite expulser du Congo, dès sa sortie d'avion. La ministre française, Yamina Benguigui, monte au créneau et promet que le cinéaste obtiendra son visa pour le Sommet de la Francophonie prévu les 12, 13 et 14 octobre prochain à Kinshasa. Yamina Benguigui tient même sa promesse du Premier ministre congolais lui-même. Rassuré, Thierry Michel dépose son passeport le 17 septembre, accompagné d'une lettre d'invitation à l'ambassade de RDC en Belgique. Le 20 septembre, la sentence tombe : visa refusé. Thierry Michel se demande donc s'il pourra participer, comme prévu, au XIVème Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre prochain.
Témoin surprise
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Juste après avoir été refoulé de l'aéroport de Kinshasa, le 8 juillet dernier, Thierry Michel relance l'affaire Chebeya avec un témoignage inédit. Le cinéaste recueille l'interview de Paul Mwilambwe, un policier qui dit avoir assisté à l'assassinat de Floribert Chebeya. Pour Paul Mwilambwe, le "donneur d'ordre" de l'assassinat s'appelle John Numbi. Celui-ci aurait promis 500.000 dollars au major Christian Ngoy en échange de l'élimination de Chebeya. Le témoignage de Mwilambwe, que nous avons pu lire, est circonstancié, précis et vérifiable. Thierry Michel s'étais dit prêt à "transmettre à la justice" l'entretien filmé avec le policier, aujourd'hui en fuite à l'étranger. Depuis, plus personne ne semble s'y intéresser.
Mauvaise publicité
Ceux-ci expliquant peut-être cela, le réalisateur de "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", vient d'être dernièrement cité en référé devant le Tribunal de 1ère instance de Liège, par le Général John Numbi, chef de la police congolaise au moment de l'assassinat de Chebeya. Motif : John Numbi souhaite faire interdire la diffusion de l'affiche du documentaire sur laquelle figure son image, à côté d'une photographie de la victime, Floribert Chebeya. Numbi réclame 5.000 euros d'amende au réalisateur Thierry Michel et sa productrice pour chaque affiche publiée.
Pour le cinéaste, "il s'agit bien d'une atteinte au droit de la presse et à la liberté d'expression de la part du Général Numbi". Et de s'étonner : "John Numbi, lors de sa comparution devant la Cour militaire, a été photographié par les nombreux photographes présents. Ces photos ont été diffusées dans de nombreux médias nationaux et internationaux depuis plus de 16 mois déjà. A ce jour, sur Internet, John Numbi est cité 715.000 fois dans le cadre de l'assassinat et du procès Chebeya, et très souvent avec sa photo". Selon Thierry Michel, "l'affiche du film est publique depuis les avant premières organisées en novembre 2011 et janvier/février 2012 et le film est sorti dans les salles de cinéma en Belgique en mars 2012 et en France en avril 2012". L'audience en référé aura lieu mercredi 3 octobre au tribunal de Liège et le jugement sera prononcé le jour même.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Pour en savoir, plus vous pouvez consulter le site du film : www.chebeya-lefilm.com
22:16 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
25 septembre 2012
RDC : Service minimum pour François Hollande à Kinshasa
Visite au pas de course pour le président français au Sommet de la Francophonie de Kinshasa le 13 octobre prochain. François Hollande devra rencontrer le président Joseph Kabila, puis les ONG et l'opposition politique en quelques heures, avant de prononcer un discours de 7 minutes au Sommet de la Francophonie. Expéditif, mais stratégique. Explications.
Les multiples controverses autour de la venue du François Hollande à Kinshasa ont visiblement poussé l'Elysée à contourner les obstacles. Résultats des courses : le président français fera le service minimum au XIVème Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre en République démocratique du Congo (RDC). L'opposition avait demandé la délocalisation du Sommet pour ne pas légitimer le régime de Joseph Kabila et cautionner les élections frauduleuses de novembre 2011. De nombreuses ONG dénonçaient également les violations des droits de l'homme, les assassinats, les arrestations arbitraires de membres de l'opposition. Un contexte plutôt embarrassant pour le président français.
François Hollande avait pourtant prévenu qu'il "réaffirmerai que la Francophonie n’est pas simplement une langue en partage mais aussi une communauté de principes et d’idéaux dont le rappel à chaque occasion est nécessaire". Le président français avait également voulu rassurer l'opposition en rappelant qu'il parlerait "de tout" lors de sa visite à Kinshasa.
Visiblement, c'est la stratégie de l'évitement qui a été choisie par l'Elysée. Selon le site de RFI, 1 heure et 30 minutes a été prévu pour rencontrer le président Kabila, les ONG et l'opposition politique, le tout agrémenté d'un discours de 7 minutes au Palais du peuple de Kinshasa.
Pour en arriver à ce programme minimum, l'Elysée a dû trouver une bonne excuse pour limiter la présence du président français en RDC. L'excuse, en l'occurrence, se nomme Dakar. Le 12 octobre François Hollande fera donc une halte rapide dans la capitale sénégalaise pour y rencontrer Macky Sall, le président fraîchement élu. Avantage de cette escale : les élections sénégalaises se sont déroulées démocratiquement, en toute transparence, à l'inverse des élections congolaises. Autre avantage, cela permettra au président français de prononcer "son" discours de Dakar sur sa vision de l'Afrique, en référence au discours de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, prononcé en 2007. Au final une seule petite journée a donc été prévue sur le sol congolais.
Plusieurs écueils attendaient le président français à Kinshasa. Le premier écueil concernait la visite en tête à tête avec Etienne Tshisekedi, le leader de l'opposition. Si l'UDPS affirme être en contact avec l'Elysée pour caler le rendez-vous, la visite expéditive de François Hollande risque fort de faire l'impasse sur une rencontre avec Tshisekedi. Deuxième écueil : la présence du Rwanda, accusé de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa à l'Est du pays. On imaginait mal Paul Kagame et François Hollande sur la même tribune, alors que la autorités congolaises font le forcing sur Paris pour que le président français condamne fermement Kigali. Là encore, la visite express de François Hollande permet de se sortir de ce mauvais pas.
Un seul point d'interrogation sur cette visite express : la teneur des 7 minutes de discours au palais du peuple... autant dire que nous avons hâte.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
16:47 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
24 septembre 2012
RDC : Timide début de réforme pour la CENI
La réforme de la Commission électorale (CENI) de République démocratique du Congo avance à petits pas. Le gouvernement vient de proposer d'augmenter de 7 à 11 le nombre des membres de la Commission et réserve 2 sièges à la société civile. Le débat se poursuivra au Parlement où le sort du très controversé président de la CENI sera scellé.
10 mois après les élections contestées de novembre 2011, la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l'ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle, encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de monde pour défendre l'organisation chaotique des dernières élections présidentielle et législatives.
Fiasco
Pour évaluer le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l'étendu des dégâts. "Les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées", note les observateurs de l'Union européenne. La mission de l'UE dénonce les multiples dysfonctionnements du scrutin : "l'absence d'audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d'électeur de 3,2 millions d'électeurs, de multiples incidents, des fraudes et des bourrages d'urnes ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence". L'Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent depuis lors "la restructuration de la CENI en y incluant la société civile" et souhaite un audit complet du fichier électoral.
Sous pression, les autorités congolaises viennent d'enclencher un timide début de réforme, en proposant plusieurs modifications de la CENI. Le gouvernement propose de faire passer le nombre des membres de la Commission de 7 à 11 et d'y inclure la société civile. 2 sièges seront donc réservés à la société civile, curieusement absente de la CENI pour les élections de 2011. Le poids de l'opposition sera également renforcé "au prorata de la configuration politique de l'Assemblée nationale". Après les propositions du gouvernement, ce sera à l'Assemblée nationale et au Sénat que reviendra la lourde tâche de présenter un projet de loi définitif.
Un projet de réforme existe déjà
A l'Assemblée nationale, un député d'opposition du Kasaï oriental, Emery Okundji, a déposé, depuis le 5 juin, une proposition de réforme plus complète. Emery Okundji propose une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres (et non 11 comme le souhaite le gouvernement), avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.
La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).
Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.
Le cas Mulunda
Pour de nombreux observateurs de la politique congolaise, ces propositions présentent une "base de discussion intéressante", mais doivent être complétées "par un meilleur contrôle financier" et par "une réforme de la Cour suprême de justice" qui a montré ses lacunes lors du contentieux électoral de novembre 2011. Autre souci : le calendrier électoral des scrutins locaux qui n'est toujours pas fixé, demeure très flou et sans financement. Enfin, problème majeur à régler par le Parlement : le sort du très contesté président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda. Pour l'opposition, ce proche du président Kabila doit faire les frais du fiasco électoral de novembre et être débarqué. L'éviction du président de la CENI constitue également un des "gages" souhaité par Paris pour la participation de François Hollande au Sommet de la Francophonie, le 12 octobre prochain à Kinshasa. On voit donc mal comment Daniel Ngoy Mulunda pourrait se maintenir à la tête de la CENI. Mais pour l'instant le président Kabila semble hésiter à le lâcher.
Ces modifications du gouvernement, "a minima", sur le fonctionnement de la CENI sont donc loin de répondre à toutes les attentes de la classe politique congolaise et de la Communauté internationale. Seul le Parlement pourra y apporter les correctifs nécessaires et redonner un peu de légitimité à cette institution.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
20:43 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
Rectificatif : Pas de censure de TV5 Monde sur la Francophonie
Nous avons relayé jeudi dernier l'inquiétude de l'association "Convergence pour l'émergence du Congo" qui avait noté la "disparition" d'une dépêche AFP du site internet de TV5 Monde. La dépêche AFP concernait "la demande de délocalisation du Sommet de la Francophonie". Après quelques jours, la dépêche disparaissait et le lien n'était plus accessible. L'association se demandait si TV5 Monde n'avait pas censuré cette information "très sensible" à quelques semaines du rendez-vous de Kinshasa. Après avoir attendu en vain les explications du service "interactivité" de la chaîne, la réponse nous est finalement parvenu ce lundi du service relations presse.
TV5 Monde nous a expliqué que le "fil d'informations de l'AFP n'était pas archivé" et que les dépêches les plus récentes "chassaient" les plus anciennes. Il n'y avait donc rien d'anormal, selon la chaîne à ce que cette information disparaisse du site après quelques jours de visibilité. TV5 Monde nous a assuré qu'il n'y avait "aucune censure" de leur part concernant le Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Dont acte. Toutes nos excuses à TV5 Monde ainsi qu'à nos lecteurs.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
16:59 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (0)
18 septembre 2012
RDC : Négociations en vue avec le M23 à Kampala ?
Les autorités congolaises seraient en passe de négocier avec la rébellion du M23 sous l'égide de l'Ouganda. Les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale pourraient être mis à contribution. Kinshasa dément, pour l'instant, cette information en provenance du M23.
Qui croire ? Les nombreuses déclarations du M23 sur l'ouverture prochaine de négociations avec le gouvernement congolais sont régulièrement démenties par Kinshasa. Moyen de faire pression sur Joseph Kabila ? Sûrement. Il n'empêche que depuis quelques jours une solution négociée serait à l'étude par l'Ouganda, après le mini sommet de Kampala du 9 septembre.
Yoweri Museveni, le président de l'Ouganda "aurait pris contact avec les deux parties pour entamer des négociations", selon le coordonateur politique du M23, Jean-Marie Runiga, cité par un journal congolais. Toujours selon le M23, une délégation du mouvement rebelle serait toujours à Kampala et attendrait une délégation congolaise de haut niveau. Si Kinshasa a aussitôt démenti, on parle des deux présidents du Parlement de la République démocratique du Congo (RDC). Léon Kengo, le président du Sénat et Aubin Minaku, président de l'Assemblée nationale ont effectivement mis sur pied une cellule de "diplomatie parlementaire" en vue de mettre fin au conflit qui secoue l'Est de la RDC.
Jusqu'à ce jour, le président congolais, Joseph Kabila, a toujours refusé de négocier directement avec les rebelles. Il a déclaré vouloir résoudre la crise au Nord-Kivu "par 3 voies : politique, diplomatique et militaire". Pour le moment, la voie militaire n'est pas un succès pour Kinshasa puisque le M23 contrôle toujours quelques localités du Nord-Kivu et menace toujours de prendre Goma, la capitale régionale. La diplomatie, dans un premier efficace, patine sur l'envoi d'une "force neutre", reportée de plusieurs mois et sans financement. Reste le politique et la sortie de crise négociée, que réclament les rebelles. Visiblement Kinshasa y pense de plus en plus.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
12:05 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (28)
16 septembre 2012
RDC : Les foyers d'instabilité se multiplient
La reprise de la guerre au Nord-Kivu focalise les craintes de la communauté internationale et l'attention des médias. Mais d'autres régions sont également le théâtre de rébellions, de défections de soldats ou de mouvements sécessionnistes. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Province orientale, au Kasaï ou au Bas-Congo, l'Etat peine à imposer son autorité. La République démocratique du Congo est-elle au bord de l'éclatement ?
Depuis le mois d'avril 2012, les regards sont tournés vers le Nord-Kivu, une province de l'Est de la République démocratique du Congo, en proie aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin. A juste titre, la communauté internationale et les médias se sont portés au chevet de la "poudrière des Kivus", qui menace le fragile équilibre de la région des Grands lacs. Kinshasa se mobilise comme elle peut pour tenter d'endiguer l'avancée des rebelles… en vain. L'armée congolaise, qui n'est plus que l'ombre d'elle même recule sans se battre. Mal payés, mal commandés, l'armée régulière ne réussit pas à s'imposer… même avec l'appui (timide) des casques bleus de la Monusco. Le M23 contrôle maintenant une partie du Nord-Kivu dont la ville-frontière de Bunagana et Rutshuru, nouvelle "capitale" de la rébellion. Mais si la situation au Nord-Kivu inquiète, d'autres foyers d'instabilités secouent le reste de la RDC. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Ituri, au Kasaï, en Equateur ou au Bas-Congo, les rébellions et les nombreuses défections de soldats font craindre un embrasement général des provinces.
Katanga, province très "indépendante"
A Lubumbashi, le sécessionnisme semble être inscrit dans les gènes des Katangais. Depuis l'indépendance du Congo en 1960, la province a toujours revendiqué sa volonté d'indépendance. Et les mouvements sécessionnistes sont légions. Depuis l'ère Kabila (père, puis fils), le Katanga a toujours apporté un soutien inconditionnel au régime en place. Lubumbashi a constitué un "réservoir de voix" important pour Joseph Kabila aux élections de 2006, puis en 2011. Mais depuis plusieurs mois, la province gronde. "Marre de payer pour Kinshasa" entend-on dans les rues de la capitale du cuivre. Au coeur de la discorde : la non rétrocession des 40% de l'Etat à la province, prévue par la loi sur la décentralisation de 2006. Plusieurs fois, l'aéroport de Lubumbashi a été la cible d'attaques mystérieuses "d'hommes en armes". A chaque fois, on croit à un coup de force d'éléments sécessionnistes. A chaque fois, l'affaire ne va pas plus loin, mais l'inquiétude gagne à Lubumbashi. Les sécessionnistes gagnent du terrain.
A la manoeuvre, on trouve Gabriel Kyungu et son parti politique, l'Unafec. Cet été il a recueilli plus de 50.000 signatures pour demander un référendum en faveur du fédéralisme, d'ici 2016. Objectif : obtenir plus de 100.000 signatures. En parallèle, le poids du président Joseph Kabila s'est écorné par le choix du président d'imposer son frère, Zoé, à la tête de la province, à la place du charismatique Moïse Katumbi. L'arrivée du jeune frère passe mal dans la population.
Côté milice, le retour de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, sème la peur au Katanga depuis le début 2012. Ce seigneur de guerre a été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s'est évadé en septembre 2011 de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l'enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga. "La région est en train de sombrer dans la violence, la psychose et la peur. Il y en a beaucoup qui se cachent en brousse", indique Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga.
Le Kasaï se réveille
Autre province aux avant postes de la contestation : le Kasaï. D'habitude plutôt calme, ce fief de l'opposant Etienne Tshisekedi, connait lui aussi des soubresauts. Depuis le mois d'août 2012, le chef d’état-major de la région, le colonel John Tshibangu a fait défection et mis en place son propre groupe armé pour "chasser Kabila du pouvoir". La traque infructueuse de Kinshasa n'a toujours pas permis de mettre la main sur Tshibangu, qui vient d'annoncer son ralliement à l'Apareco d'Honoré Ngbanda, un ancien mobutiste en exil.
Province-orientale, Sud-Kivu, Maniéma, Bas-Congo… la colère monte
En août, c'est au tour du colonel Mandro Mazelo de faire défection pour rejoindre le maquis dans le Maniema, une province proche du Nord-Kivu. La Province orientale connait elle aussi un regain de violence. Les groupes d'auto-défense Maï-Maï sèment de nouveau la terreur. Près de la frontière ougandaise, le groupe de Paul Sadala, alias "Morgan" a tué 15 okapis en juin 2012 et continue, depuis, de terroriser la population. Au Sud-Kivu, le commandant Yakutumba a pris le maquis et collabore notamment avec Agathon Rwasa des FNL (Forces pour la Libération Nationale), une rébellion burundaise en lutte contre Bujumbura. Là encore Yakutumba prône clairement le départ de Joseph Kabila.
Au Bas-Congo, une province de l'Ouest du pays, les tensions entre la population et le pouvoir central se sont ravivées avec la "disparition", ou "l'enlèvement" (selon ses proches) d'Eugène Diomi Ndongala, le patron de la Démocratie chrétienne. Accusé par Kinshasa de "viol sur mineures", les autorités le disent en "fuite", alors que sa famille dénonce un "enlèvement" par les services de renseignements congolais (ANR). En 2007 et 2008 la province du Bas-Congo avait été le théâtre d'une violente répression contre les membres du Bundu Dia Kongo (BDK), un parti politico-religieux, interdit depuis. L'opposition avait dénoncé le "massacre" de 150 personnes par les forces de sécurité congolaises. En octobre 2012, les élections des gouverneurs du Bas-Congo et de la province orientale se dérouleront donc sous haute tension avec des risques de fraudes, comme en 2007. Hasard du calendrier, ces élections auront lieu en même temps que le Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé du 12 au 14 octobre 2012.
Dernier foyer d'instabilité : la discrète province de l'Equateur, au Nord de la RDC. Cette zone a toujours tenu tête à Kinshasa, depuis la création du MLC de Jean-Pierre Bemba en 1998. En 2010, la rébellion de la tribu Enyele déstabilise le pouvoir central et fait douter Kinshasa, après la courte prise de Mbandaka, la capitale provinciale. Depuis, la situation s'est calmée, mais l'Equateur "la rebelle", pourrait refaire parler d'elle, si l'autorité de Kinshasa venait à vaciller.
Depuis avril 2012 et le naissance du M23, le pouvoir central est de nouveau mis à mal. L'instabilité fait tâche d'huile aux quatre coins de la RDC. La reprise du conflit à l'Est a remis en lumière l'absence de l'Etat congolais et son incapacité à imposer son autorité sur l'intégralité de son territoire. Cette situation constitue une opportunité dans laquelle tente de s'engouffrer rebelles, hommes politiques, militaires frustrés et aventuriers de tout poil. Pour l'instant, tous ces mouvements sont trop disparates et trop peu coordonnés pour déstabiliser à eux seuls Kinshasa. Chacun de ces groupes représentent quelques dizaines d'hommes, quelques centaines tout au plus. Pas assez, pour le moment, pour marcher sur la capitale et ébranler le pouvoir central.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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14 septembre 2012
RDC : John Tshibangu rallie Honoré Ngbanda
L'opposant congolais Honoré Ngbanda, président de l'Apareco, annonce avoir "accepté de travailler" avec le Colonel dissident John Tshibangu. Depuis plusieurs mois, l'Apareco s'est rapproché de différents mouvements armés en lutte contre le régime du président Joseph Kabila : l'ARP du général Munene et les hommes du Commandant Yakutumba.
Nouveau ralliement pour l'Apareco. Après l'ARP du général Munene, le Colonel Tshibangu, rejoint le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'est désormais placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda. Le Colonel John Tshibangu et ses hommes ont fait défection des FARDC, l'armée régulière congolaise, le 16 août 2012. Depuis cette date, Kinshasa s'est lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où les troupes de Tshibangu ont pris le maquis. Soupçonné par Kinshasa d'être d'abord proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y installer Etienne Tshisekedi.
Le ralliement annoncé de John Tshibangu à Honoré Ngbanda chance la donne. L'Apareco affirme vouloir d'abord "libérer le Congo". Candide Okeke, la conseillère d'Honoré Ngabanda affirme que l'accord avec Tshibangu s'est scellé autour d'un seul mot d'ordre : "Kabila doit partir". Quant à Etienne Tshisekedi : "la question n'est pas d'actualité". L"Apareco dénonce le risque de "balkanisation" de la RDC par le Rwanda et "l'imposture" du régime de Joseph Kabila.
Le ralliement de Tshibangu n'est pas le premier pour Honoré Ngbanda. Le 14 juin dernier, l'Apareco s'était déjà rapproché de l'ARP du général Munene, un autre dissident à Kinshasa, actuellement en résidence surveillée au Congo-Brazzaville. Avec Munene à Brazzaville (et des hommes un peu partout en RDC), Tshibangu au Kasaï et Yakutumba au Sud-Kivu, l'Apareco entend fédérer un front armé anti-Kabila capable de faire basculer le pouvoir central. Pour Honoré Ngbanda, l'ancien monsieur sécurité de Mobutu et féroce opposant à Joseph Kabila, le moment est venu d'entrer en "résistance". Sur le site de l'Apareco, un numéro de téléphone et une adresse mail permettent d'entrer en contact avec le mouvement. Selon Candide Okeke, les appels n'ont jamais été aussi nombreux.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo extraite du site internet de l'Apareco
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12 septembre 2012
Francophonie : Kinshasa joue la montre
L'audience du procès Chebeya et la réforme de la Commission électorale (CENI) attendront la fin du Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre en République démocratique du Congo (RDC). Pour la venue de François Hollande, Paris avait pourtant souhaité voir des avancés sur ces deux dossiers. Kinshasa préfère botter en touche.
Deux nouvelles en provenance de Kinshasa font grincer des dents à Paris. La première concerne l'audience du procès Chebeya, prévue mardi 11 septembre et reportée au 23 octobre. La deuxième est connue depuis plusieurs semaines, il s'agit de l'ouverture d'un débat à l'Assemblée nationale sur la réforme de la CENI avant le 15 octobre. Ces deux dossiers, très sensibles à Kinshasa avaient été mis dans la balance par Paris pour la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie en RDC. Problème : le Sommet est prévu du 12 au 14 octobre 2012, il n'y aura donc aucune avancée sur ces deux affaires avant la rencontre de Kinshasa.
La venue de François Hollande en République démocratique du Congo pour le Sommet de la Francophonie a été l'objet de nombreuses controverses. L'opposition congolaise souhaitait le boycott du Sommet ou sa délocalisation dans un autre pays afin que la visite de François Hollande ne "cautionne pas" la réélection contestée du président Joseph Kabila en novembre 2011. Les missions d'observation de l'Union européenne et du Centre Carter avaient dénoncé les irrégularités du scrutin et les fraudes massives. Devant les levés de bouclier de l'opposition, le 9 juillet, François Hollande avait demandé aux autorités congolaises de "montrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l'état de droit". En clair, Paris demandait une réforme de la CENI, la Commission électorale, qui est accusée de complaisance avec le président Kabila et d'avoir "couvert" la fraude massive. L'annonce d'un débat à l'Assemblée nationale sur la CENI et le débarquement possible de son président, avant le 15 octobre, n'a pas vraiment rassuré. Dans les rangs de l'opposition on s'étonne du calendrier : "le Sommet de la Francophonie est prévu du 12 au 14 octobre au Palais du Peuple de Kinshasa , c'est-à-dire dans les lieux mêmes où siège l'Assemblée nationale" fait-on remarquer. Il paraît donc improbable qu'une quelconque décision sur ce dossier interviennent avant la tenue du Sommet.
Sur le dossier Chebeya, Kinshasa semble également jouer la montre. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion. Sur ce dossier, Paris avait également souhaité que toutes les pistes soient envisagée et notamment la comparution du principal suspect, le général John Numbi, un proche de Joseph Kabila, accusé par certains témoins d'être le véritable commanditaire du meurtre. Ce report du procès au 23 octobre, après le Sommet de la Francophonie, permet à Kinshasa de botter en touche. Selon Dolly Ibefo, de l'ONG la Voix dans sans voix (VSV), ce report cherche uniquement "à protéger le général John Numbi pour qu'il ne soit pas inculpé" a-t-il déclaré à l'AFP. Il accuse les juges d'avoir repoussé "à dessein l'audience après le Sommet de la Francophonie".
Pour l'opposition congolaise, ces décisions montrent que "Joseph Kabila se moque de François Hollande". Sur RFI, mardi, Pouria Amirshahi, secrétaire national du PS à la Coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme, continue de penser que François Hollande doit aller à Kinshasa pour "tout dire au président Joseph Kabila". A la question de Christophe Boisbouvier, de savoir ce qu'ont fait les autorités congolaises depuis la déclaration du 9 juillet de François Hollande, sa réponse est sans équivoque : "à ma connaissance... rien !".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
15:18 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (5)
09 septembre 2012
RDC : Le M23 plaide sa cause en Europe
Une semaine pour convaincre. Une délégation de la rébellion du M23 vient d'effectuer une tournée de 8 jours à travers les capitales européennes pour tenter d'expliquer le bien fondé de son mouvement. Les rebelles défendent la "bonne gouvernance" des territoires qu'ils administrent et leur volonté de négocier avec Kinshasa. Rencontre à Paris avec le chef de la délégation, Stanislas Baleke.
Paris, Bruxelles, Londres et l'Allemagne… le M23 soigne son image aux quatre coins de l'Europe. Une délégation de la rébellion congolaise, en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa depuis avril 2012, s'est rendue dans les principales capitales européennes. Objectif : expliquer et si possible convaincre une communauté internationale et une opinion publique généralement frileuses aux mouvements armés. Le M23 a en envoyé en Europe la branche politique du mouvement. Et pour faire dans la pédagogie, rien de mieux qu'un professeur pour délivrer le message. Le chef de la délégation s'appelle Stanislas Baleke, docteur en Sciences-sociales et en philosophie.
- Afrikarabia : Quelle est la raison de votre présence en Europe ?
- Stanislas Baleke : Nous sommes ici pour expliquer notre lutte contre le gouvernement de Kinshasa. Nous voulons aussi clarifier tout ce qui est dit sur le M23 qui n'est en général que diffamation. Toutes les affabulations de Kinshasa n'ont rien à voir avec la réalité. Nous invitons tout ceux qui veulent connaître la vérité à venir voir sur le terrain ce qui se passe vraiment.
- Afrikarabia : Vous avez l'impression que votre mouvement n'est pas bien compris ici en Europe ?
- Stanislas Baleke : Nous ne sommes pas bien compris parce qu'il n'y a qu'une seule voix qui se fait entendre : celle du gouvernement congolais. Quand il y a deux acteurs, je crois qu'il n'est pas mauvais d'écouter tout le monde. Nous avons l'impression que l'opinion congolaise et internationale se trompent sur le M23.
- Afrikarabia : Les troupes du M23 contrôlent de nombreuses localités au Nord-Kivu dont Bunagana et Rutshuru. Dans quelles conditions vit la population dans ces territoires que vous administrez ?
- Stanislas Baleke : Notre objectif est de montrer au peuple congolais qu'il est possible de vivre en sécurité. Dans les zones contrôlées par le M23, la population peut dormir avec les portes ouvertes, on peut circuler librement sans se faire inquiéter. Jamais on entendra parler de viols ou de pillages dans les zones que nous contrôlons. Jamais on ne verra de milices FDLR (rebelles hutus rwandais qui sévissent dans l'Est de la RDC depuis la fin du génocide rwandais, ndlr). C'est cet exemple là que nous voudrions donner au reste du pays.
- Afrikarabia : On accuse la rébellion du M23 d'avoir créé un regain de violence à l'Est de la République démocratique du Congo et surtout d'avoir réactivé tous les autres groupes armés, comme les groupes d'auto-défense Maï-Maï ou même les FDLR ?
- Stanislas Baleke : Les personnes qui portent ces accusations ne connaissent l'histoire récente de la RDC. Celui qui créé la violence ce n'est pas le M23. Le 26 novembre 2011, lorsque Etienne Tshisekedi (1) a voulu faire sa campagne électorale, il y a eu des arrestations, violences, plus de 140 morts… ce n'est pas une violence ça ? Qui a tué Floribert Chebeya ? (2), ce n'est pas un violence ? Qui a tué Armand Tungulu ? (3), ce n'est pas une violence ? Tous ces journalistes tués, toutes ces arrestations d'opposants… Tous ces groupes armés dont vous parlez existaient bien avant l'apparition du M23 (en avril 2012, ndlr). On sait très bien qui arme ces groupes armés : la RDC. Il faut chercher les causes de la violence. Le président Olusegun Obasanjo (Nigéria, ndlr) l'a d'ailleurs bien dit : "les causes de la violences se trouvent en RDC et la solution se trouve en RDC". Le M23 n'a fait que réagir, de façon musclée certes, parce que nous avons un gouvernement autiste ! Kinshasa est incapable d'entendre la voix de la raison. En France, vous pouvez faire une conférence contre le président Hollande, il ne va rien vous arriver. En RDC, vous serez enlevé avant la fin de la conférence ! Il est impossible de manifester librement en RDC. Lorsqu'il n'y a aucun moyen d'expression, aucun espace pour s'exprimer, vous faites quoi ? Le M23 a compris qu'il faut répondre avec les mêmes armes que le gouvernement. Voilà pourquoi nous avons pris les armes.
- Afrikarabia : Vous demandez à négocier avec Kinshasa, notamment sur le respect et l'application des accords de paix du 23 mars 2009. Le gouvernement refuse et dit ne pas vouloir négocier avec des rebelles. Ces négociations avec Kinshasa vous paraissent inévitables ?
- Stanislas Baleke : C'est notre volonté. Il faut savoir que militairement, nous avons montré de quoi nous sommes capables (les soldats du M23 se trouvent à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma qu'ils disent vouloir prendre si le gouvernement refuse toujours de négocier, ndlr). Chaque fois que l'armée congolaise apprend que le M23 arrive, ses soldats ne prennent même pas la peine de se battre… ils s'enfuient. Militairement, nous sommes donc capables d'atteindre notre objectif, quand nous le souhaitons.
- Afrikarabia : Le M23 revendique l'application des accords du 23 mars 2009, mais l'opposition estime que le contenu de cet accord a été "délibérément caché par Joseph Kabila aux institutions et à la population". Elle demande la mise en accusation pour "haute trahison" du président Kabila. L'opposition congolaise a-t-elle raison ?
- Stanislas Baleke : Au-delà de l'application des accords du 23 mars, nous demandons également la clarté et la transparence des élections présidentielles du 28 novembre 2011 qui ont vu l'élection d'Etienne Tshisekedi à la présidence de la république congolaise (4). Mais revenons aux accords du 23 mars. Le président de l'Assemblée nationale été "démissionné" pour avoir dénoncé cette façon peu cavalière de traiter cette affaire. Constitutionnellement, l'Assemblée nationale devait autoriser le président à signer cet accord avec le Rwanda. Elle ne l'a pas fait. L'entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais a en effet été traitée en toute opacité. La RDC a accordé l'entrée des soldats rwandais au Congo alors qu'elle savait qu'à maintes reprises le Rwanda avait été condamné par la communauté internationale pour avoir pénétré illégalement sur le sol congolais. Tout cela a donc été fait en toute opacité. C'est donc une preuve palpable de "haute trahison". L'opposition a tout à fait raison de l'accusé de "haute trahison", c'est légitime. Le problème c'est que Kinshasa a oublié que, quand on signe un accord on le respecte.
- Afrikarabia : Est-ce-que le M23 compte parmi ses soutiens le colonel John Tshibangu qui a fait défection au Kasaï et que le gouvernement accuse de vous avoir rallié ?
- Stanislas Baleke : Tshibangu ne constitue pas un soutien au M23. Cependant, il se trouve que Tshibangu a travaillé au Nord-Kivu et connait très bien les officiers du M23 et on travaille en parfaite collaboration. On partage la même analyse, c'est à dire : rétablir l'Etat de droit au Congo.
- Afrikarabia : La situation militaire sur le terrain semble figée. Comment voyez-vous la suite des événements ?
- Stanislas Baleke : Nous essayons de donner la chance à la paix en invitant le gouvernement congolais à revenir à la raison. Il faut que l'on puisse discuter de la non-application des accords du 23 mars, mais aussi du déroulement des élections du 28 novembre. Je pense que la situation militaire n'est pas figée : il s'agit d'une occasion que l'on donne au gouvernement pour qu'il puisse se ressaisir. S'il refuse, nous en tireront les conséquences.
- Afrikarabia : Vous êtes prêts à avancer de nouveau militairement sur le terrain ?
- Stanislas Baleke : Bien sûr. On va avancer s'il n'y a pas de négociation. Et si ils nous attaquent, on va se défendre.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Regardez l'interview de Stanislas Baleke à propos de la situation dans les territoires que contrôlent le M23 et de la manière dont il voit l'évolution du conflit dans les prochaines semaines :
Interview Stanislas Baleke Porte-parole du M23 par ChristopheRigaud
(1) Leader de l'UDPS et candidat d'opposition face à Joseph Kabila. L'UDPS conteste la réélection du président sortant.
(2) Militant des droits de l'homme assassiné en 2010 et dont John Numbi, che f de la police congolaise et proche de Joseph Kabila, apparaît comme le principal suspect.
(3) Jeune Congolais mort en 2010 dans des circonstances mystérieuses en détention, après avoir caillassé le véhicule du président Kabila.
(4) Etienne Tshisekedi s'est en effet autoproclamé président de la république après les élections contestées de novembre. La réélection de Joseph Kabila a en effet été jugée "non-crédible" par les observateurs de l'Union européenne et du Centre Carter. De nombreuses fraudes et irrégularités ont entâché le scrutin. On ne pas pas affirmer pour autant que la victoire revient à Etienne Tshisekedi puisque toutes les preuves (procès-verbaux notamment) ont disparu.
Photo : Stanislas Baleke le 6 sept. 2012 à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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07 septembre 2012
RDC : Rencontre Hollande-Tshisekedi en suspend
L'opposant congolais Etienne Tshisekedi rencontrera-t-il François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa ? L'UDPS est en colère contre le président français qui légitime par sa présence le régime "autoritaire et contesté" de Joseph Kabila. Si François Hollande a prévu de rencontrer les partis d'opposition, des voix s'élèvent pour demander à Etienne Tshisekedi de boycotter François Hollande.
La venue de François Hollande au XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa en octobre prochain, n'en finit pas d'enflammer l'opposition congolaise. L'UDPS, le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi avait vivement critiqué la décision de François Hollande de participer au Sommet. "Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains" dénonçait un communiqué du parti. L'UDPS, qui conteste toujours la réélection de Joseph Kabila en novembre 2011, estime que la venue du président français cautionne "la fraude électorale", "la violente répression des opposants politiques", "les disparitions" et "les assassinats". Le parti d'Etienne Tshisekedi, ainsi que la grande majorité de l'opposition congolaise, avaient milité pour le boycott, puis la délocalisation du Sommet dans un autre pays. A l'annonce de la venue du président français, l'UDPS cachait mal sa déception : "la culture française contenue dans la Déclaration des Droits de l'Homme ne peut rayonner dans le monde en cautionnant la tricherie électorales ainsi que les violences et autres crimes."
A Paris, le président français, avait un tout autre agenda en tête. Pour François Hollande, le Sommet de la Francophonie est l'occasion d'établir "une nouvelle donne" avec l'Afrique. François Hollande souligne que l'enjeu est important pour la France : "en 2050, 80% des Francophones seront africains, 700 millions de femmes et d'hommes". Concernant la polémique sur sa venue, le président français a assuré qu'il y rencontrerait "l'opposition politique, les militants associatifs, la société civile. C'est le sens de la nouvelle politique africaine de la France: tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait".
La question est maintenant de savoir si l'opposition ne sera pas tentée de rendre au président français "la monnaie de sa pièce" en boycottant François Hollande ? Si du côté des cadres du parti, on prône plutôt l'apaisement, les militants affichent une réelle hostilité à cette rencontre : "Tshisekedi n'a rien à gagner en rencontrant Hollande", "qu'est-ce que cela changerait au statu quo actuel ?", "pourquoi légitimer Hollande qui vient lui-même légitimer Kabila ?", "cette rencontre n'aurait aucun impact"… les critiques sont nombreuses.
Au siège de l'UDPS à Kinshasa, on affirme ne pas avoir eu de contact officiel avec l'Elysée sur une éventuelle rencontre entre les deux hommes. Concernant un hypothétique boycott, le secrétaire adjoint du parti chargé de la communication, Augustin Kabuya est clair : "je pense que s'il y a une demande de rencontre, Etienne Tshiesekedi ne peut pas refuser" a-t-il affirmé à Afrikarabia. "Aucune décision n'est encore prise. Etienne Tshisekedi n'a encore rien décidé", précise Augustin Kabuya,"tout dépendra de la manière dont cela sera organisé sur place. Pour l'instant on n'en connaît pas encore les modalités". On sait notamment que l'UDPS dénonce le fait que son président est "bloqué", en "résidence surveillée" dans sa maison du quartier de Limete.
Certains cadres qui plaident pour une rencontre entre les deux hommes, assure qu'un tête à tête entre Etienne Tshisekedi et François Hollande aurait plus d'impact médiatique qu'un boycott. A l'UDPS, on attend aussi de voir si les "gages" de bonne volonté demandés par la France pour la venue de François Hollande seront honorés : "promouvoir la démocratie et l'Etat de droit". En clair : réforme de la CENI (Commission électorale) et déroulement du procès Chebeya dans de meilleures conditions (comparution du suspect n°1, John Numbi par exemple).
Pour l'instant, les rumeurs les plus folles courent à Kinshasa autour de la venue de François Hollande. On parle d'une grande manifestation d'organisée par l'opposition le long de la route de la l'aéroport de Kinshasa en guise de "comité d'accueil". D'autres évoquent même l'accueil de François Hollande par Tshisekedi lui-même ! (on peine à le croire). Une chose est sûre, la manière dont sera reçu le président français et la listes des personnalités d'opposition qu'il rencontrera donnera sans aucun doute le ton de ce voyage sous haute tension.
Christophe RIGAUD
Photo : E. Tshisekedi à Bruxelles en 2011 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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