15 octobre 2012
RDC : Un Sommet pour rien ?
Le 14ème Sommet de la Francophonie s'est clôturé dimanche 14 octobre à Kinshasa. Sans surprise, Paris et Kinshasa ont joué leur partition : François Hollande défendant les "valeurs de la Francophonie" et les droits de l'homme et Joseph Kabila, droit dans ses bottes, et "pas du tout complexé par le niveau de démocratie" de son pays. A l'heure des bilans, que doit-on retenir du ce Sommet ?
La tension était au rendez-vous samedi à Kinshasa. Poignée de main pas vraiment franche, sourires crispés, François Hollande et Joseph Kabila ont joué à fleuret moucheté par discours interposés. François Hollande avait pris soin de "déminer" le terrain quelques jours avant son arrivée en déclarant que "la situation en RDC était tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l'opposition". A Kinshasa, les propos ont été plus "mesurés", diplomatie oblige. Mais François Hollande a gardé le cap : "tout dire" au président Kabila. En retour, le président français a eu droit à un discours très ironique de Joseph Kabila : "nous pratiquons la démocratie dans ce pays par conviction. Conviction, et non pas par contrainte". Voilà pour les paroles.
Quelles sont les leçons de ce Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), outre la libération "surprise" de Diomi Ndongala, un opposant détenu au secret depuis 4 mois et "mystérieusement" relâché 24 heures avec le Sommet, la visite de François Hollande a été porteuse de 3 bonnes nouvelles. La première est que le président français "a brisé le consensus du silence des Occidentaux sur le régime congolais". Selon ce chercheur, François Hollande a été "clair et sans ambiguïté, contrairement à d'autres diplomaties européennes qui sont en permanence dans l'ambiguïté et soutiennent à la fois l'oppresseur et l'opprimé". Deuxième bon point pour le président français : l'accent mis sur "la nécessité du soutien à la société civile qui est fondamentale pour la démocratisation de la RDC". Et enfin, toujours d'après Thierry Vircoulon, François Hollande "a été moteur pour l'adoption de la recommandation de l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) concernant l'adoption de sanctions par l'ONU à l'encontre de tous ceux qui soutiennent des groupes armés dans l'Est de la RDC".
Les paris gagnés et perdus de Joseph Kabila
Le Mali mis à part (la Francophonie a soutenu le principe d'une intervention armée), les sanctions ciblées contre les responsables d’exactions, ainsi que la poursuite en justice des criminels de guerre au Nord-Kivu, ont été l'une des résolutions prises à Kinshasa. Cette décision constitue d'ailleurs la principale "victoire" de Kinshasa au Sommet.
Pour François Muamba, ancien ministre du MLC de Jean-Pierre Bemba et aujourd'hui président de son propre parti, l'ADR (Alliance pour le Développement et la République), la condamnation de l'agression à l'Est est trop timide. Le Sommet était "une opportunité, pour la RDC, d'obtenir un engagement fort de la Communauté francophone à l'aider à dégager de son sol les forces négatives". François Muamba dénonce les "résolutions polies (…) laissant seule la partie congolaise résoudre l'agression extérieure dont elle est victime". "Il est vérifié qu'aucun pays au monde ne peut trouver de salut, s'il est dans l'obligation de sous-traiter sa défense et sa sécurité" estime-t-il. Côté politique, François Muamba est plus positif. Selon lui, force est de constater que le président Kabila a gagné plusieurs paris. Pari sécuritaire et logistique, mais surtout politique Selon François Muamba, qui rappelons-le est toujours dans l'opposition, Joseph Kabila a su montrer aux caméras du monde entier, que "les affres électoraux de l'année dernière appartenaient désormais au passé". François Muamba note que le fait que "François Hollande ait pu défendre les thèses soutenues par l'opposition congolaise à Kinshasa" sans ouvrir de crise diplomatique entre la France et la RDC est "un hommage de démocrate de François Hollande rendu à Joseph Kabila".
Les droits de l'homme au coeur de la Francophonie
Depuis Paris, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, responsable d'opposition du RDPC, est avant tout satisfait que "la démocratie et les droits fondamentaux aient occupé une place prépondérante". Favorable à la tenue du Sommet à Kinshasa, contrairement à la majorité de l'opposition qui demandait sa délocalisation, Lonsi Koko a beaucoup apprécié la position du président français sur le risque de balkanisation de la RDC. Pour François Hollande, les "frontières héritées de la colonisation sont intangibles", prenant ainsi le contre-pied de Nicolas Sarkozy qui souhaitait un "partage des richesses congolaises" avec le Rwanda. Depuis plus de 6 mois, l'Est du pays est en effet en proie à une rébellion qui menacent de prendre le contrôle du Nord-Kivu.
Même son de cloche pour Paul Nsapu, défenseur des droits de l'homme. Le secrétaire général de la FIDH (Fédération international des droits de l'homme)s'estime lui aussi satisfait de la visite du président Hollande, "les droits de l'homme ayant été au centre du déplacement présidentiel". Pour autant, Paul Nsapu reste sur sa fin concernant les promesses du gouvernement congolais. Kinshasa n'a pas donné suite à la demande de libération de prisonniers politiques et pendant le Sommet de la Francophonie, "il y a eu des violations des droits de l'homme" (des manifestants de l'UDPS ont été violemment dispersés lors de manifestations). Ce qui est positif pour Paul Nsapu, c'est que maintenant, "la communauté internationale sera plus regardante sur le procès Chebeya en cours". Depuis l'assassinat du défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya en juin 2010, un proche du président Kabila, John Numbi, soupçonné d'être le principal commanditaire du meurtre, n'est toujours pas sur le banc des accusés. Le 23 octobre prochain la Cour militaire doit statuer sur son sort.
Quelles seront les retombées du Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group, "on peut s'attendre à deux changements". Et d'abord un changement "du discours occidental à l'égard de Kinshasa". Selon le chercheur, "le président français a été suivi par le premier ministre canadien qui a insisté sur la bonne gouvernance en RDC et a souhaité que les sommets de l'OIF se tiennent dans des démocraties". Une position commune franco-canadienne qui "tranche avec le silence assourdissant de la Belgique et de la Suisse" note Thierry Vircoulon. "Mais elle est sans doute le prélude à une libération de la parole du côté des chancelleries occidentales qui, jusqu'à présent, se contentaient de dire tout bas ce que les Congolais de la rue disent tout haut", poursuit-il. Enfin, Thierry Vircoulon entrevoit également un changement dans le domaine des aides à la RDC. Selon lui, "les bailleurs occidentaux vont sans doute réévaluer la manière dont ils "aident" la RDC et consacrer plus d'attention à la société civile".
Notons enfin, que les multiples pressions des ONG, des opposants politiques, de certains médias, qui demandaient à François Hollande, de ne pas se rendre à Kinshasa pour ne pas cautionner le régime de Joseph Kabila, ont fini par payer. Le président français a durcit ses positions dans les dernières semaines avant l'ouverture du Sommet. Une demi-victoire, en espérant que la France continue de garder un oeil sur l'avancée des droits de l'homme à Kinshasa.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Présidence © DR
23:25 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Ce n'est pas la démocratie ni le respects des droits de l'homme qui intéresse Hollande et d'autres dirigeants occidentaux qui se sont rendus en Afrique, c'est bien les richesses de la RDC et des pays africains en guerres perpétuelles entretenues malignement par ces occidentaux. On ne cesse de se moquer des africains qui devraient se réveiller et dire finalement non à la néo colonisation qui s'amplifie.
Écrit par : Joseph | 16 octobre 2012
Bien entendu le président français a pour but les intérêts de la France qui ne sont pas exclusivement économiques mais aussi culturels
Écrit par : anneet | 16 octobre 2012
Pour nous : Avant francophonie égal francophonie .
Écrit par : Ben Bheng-Ali Ckissongy-MAMBWENE | 16 octobre 2012
Je pense que grâce à ce sommet de la Francophonie; pour une fois notre capitale Kinshasa a redécouvert son plus beau visage d'antan. Kin la Belle et non la poubelle. Espérons que ça va demeurer ainsi 6 mois après.
Écrit par : chantal | 16 octobre 2012
C'est bon que Monsieur HOLLANDE ait parlé démocratie et droits de l'homme surtout avec sa brillante intervention à la veille du sommet c'était correct ou presque parce qu'un "bon ami c'est celui qui dit la vérité à l'autre"
Par contre ce sont les gestes de Hollande qui ne m'ont pas plu ,pour tout dire inacceptables.
Tenez après le discours du Président KABILA ,Hollande a refusé d'applaudir et même de le congratuler . C'est plus une attitude de politesse q'autre chose Monsieur Hollande ,pouviez-vous afficher une telle attitude face au Président chinois par exemple ? Plus grave votre ingérance aussi dans un dossier judiciaire même si c'est vrai que cela concerne un activiste des droits de l'homme, feriez-vous la même démarche auprès des juridictions francaises pour obtenir je ne sais quoi ,non Monsieur Hollande un peu de considération pour les africains ce ne sont tout de même pas des abrutis à qui il faut fair avaler n'importe quoi c'est dommage pour un "Président normal"
Écrit par : Théophile | 16 octobre 2012
Le 14ème sommet de la francophonie n'a pas été un échec pour le peuple congolais, reconnaissons-le! et que Monsieur Kabila est de la 4ème génération prophétisé par Simon Kimbangu, c'est qu'il doit faire c'est de changer la classe politique congolaise dans son ensemble, il doit rajeunir son équipe qui doit être constitué par des politiciens ayant un passé vierge en politique, il doit cesser de travailler avec des politiciens -figurants, la chance de Monsieur Kabila est grande pour terminer son mandat et éventuellement solliciter un troisième mandat en 2016 pourvu qu'il tienne compte de la nouvelle direction qui vient de lui être proposé par le 14ème sommet de la francophonie, qui dit mieux!!!
Écrit par : Lelo | 16 octobre 2012
je ne suis pas du tout content de toutes les résolutions prises dans ce sommet d'autant plus que les Congolais n'ont pas d'avenir, voir la dimension du pays et les richesses qu'il régorge, la RDC est entrain de sombrer dans le noir...
Écrit par : Activiste des Droits humains | 17 octobre 2012
3ème mandat pour Kabila ???? C'est de la trichérie cher ami, respectons la constitution et donnons la chance à d'autres acteurs de prendre la relève. Plus on s'éternise au pouvoir, plus le dysfonctionnement de l'appareil étatique s'installe ou s'aggrave. De la France et des autres pays des blancs, nous n'aurons rien à gagner , ils privilégient leurs intérêts. Nous les africains ne les intéressons pas, ce sont nos richesses qui les intéressent. Nous sommes riches, plus riches que l'Occident mais du fait d'avoir été aliénés par les blancs ( colonisation et néocolonialisme sournoit), nous n'avançons pas et nous nous déchirons entre nous au lieu de nous aimer et de nous mettre ensemble pour construire nos pays africains et nous développer. Il est temps de nous mettre ensemble, de manière désintéressé - La nation et la patrie d'abord, et non le parti ou la partie ( sehemu ya rahisi) , c'est selon !
Écrit par : Joseph | 19 octobre 2012
la paix de l EST ne viendra pas de la francophonie si tous les politicies congolais ne se mettent pas sur une meme table pour statuer sur le probleme du pays
Écrit par : jermah | 20 octobre 2012
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