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29 décembre 2011

RDC : Les leçons du scrutin présidentiel

Trois semaines après la réélection contestée de Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC), Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group dresse un premier bilan des élections congolaises. Voici son analyse.

Capture d’écran 2011-12-28 à 22.41.28.pngLa recette de la réélection de Joseph Kabila est le même cocktail anti-démocratique qu’on observe dans d’autres pays de la région (Ouganda, Rwanda, Centrafrique, Cameroun, etc.) : le contrôle de la machine électorale, le contrôle des institutions sécuritaires, la complaisance des Nations unies pour le pouvoir en place, le double langage des puissances extérieures et le manque de stratégie de l’opposition.

Le contrôle de la machine électorale incluait, dans ce cas, à la fois la CENI dirigée par le « conseiller spirituel » du président mais aussi la Cour suprême qui a reçu un renfort d’effectifs très opportun au début du mois de novembre, c’est-à-dire en pleine campagne électorale. Ces magistrats additionnels ont bénéficié d’une promotion de carrière accélérée pour aider à traiter le contentieux électoral sans d’ailleurs être formés pour cela compte-tenu du caractère très tardif de leur nomination. Mais ce contrôle de la machine électorale s’étend aussi à ce qui constitue la machine électorale informelle : les administrateurs territoriaux à tous les niveaux et les forces de sécurité. Les uns contribuent à la mobilisation populaire et mettent à disposition les moyens de l’Etat pour la campagne du parti au pouvoir tandis que les seconds exercent des pressions et quadrillent les quartiers d’opposition, comme on a pu le voir à Kinshasa. L’aviation civile a même été, à un moment, appelé à la rescousse pour retarder le retour de Tshisekedi au pays. Dans un pays où les forces de sécurité sont chroniquement sous-payées, le pouvoir a pris soin de les rémunérer avant le scrutin et, pour plus de sûreté, il a aussi procédé à quelques changements de commandement, notamment dans cette province d’opposition qu’est l’Equateur. Cette mainmise sur l’appareil électoral et les forces de sécurité déséquilibre obligatoirement la campagne électorale qui a fini par ressembler au combat de David contre Goliath.

Les ambiguïtés de la communauté internationale

Les Nations unies avaient, selon leur mandat, un triple rôle de logisticien, conseiller technique et médiateur mais, après la malheureuse expérience ivoirienne, elles avaient pris soin de ne pas être l’arbitre des élections congolaises en ne les certifiant pas. De fait, les Nations unies et leur mission sur place, la MONUSCO, ont opté pour une posture ambiguë en étant « in » pour l’ensemble du processus mais en se mettant « out » pour son point final. Cette « implication sans risque » était, en fait, risquée à la fois pour les élections et pour la MONUSCO car celle-ci s’est trouvée impliquée là où elle ne voulait pas l’être et désimpliquée là où elle aurait dû l’être : en étant « embedded » avec la CENI, elle a été le témoin de sa mauvaise organisation, de la confection très approximative de la liste des électeurs, des décisions biaisées de son président et des contrats de plusieurs millions passés de gré à gré ; en étant chargée de l’acheminement des bulletins de vote, elle a transporté des tonnes de bulletins après le 28 novembre sans s’assurer qu’ils n’étaient pas cochés ; en étant un chaînon actif de la compilation des résultats au sein de la commission ad hoc, elle a vu passer les résultats impossibles de certaines circonscriptions du Katanga sans dire un mot ; et malgré sa mission de bons offices, elle n’a pas cherché à prendre contact avec les oppositions, et notamment l’UDPS. En revanche, elle est restée silencieuse sur le retard organisationnel qui compromettait la bonne tenue du scrutin du 28 novembre, silencieuse sur les multiples violations du code électoral, silencieuse sur le faux nettoyage de la liste électorale et silencieuse sur les millions de votes qui ont disparu – elle n’a appelé que mollement à la prise en compte des observations des missions du Carter Center et de l’Union européenne. Néanmoins, la MONUSCO ne s’est pas contentée d’être un témoin silencieux, elle a été un acteur de la compilation des résultats présidentiels puisque le président de la CENI affirme que c’est un expert des Nations unies qui réceptionnait et traitait les chiffres en provenance des provinces…Tout en voulant échapper au cauchemar de la validation officielle des résultats, la MONUSCO semble avoir été un tout petit peu trop loin dans son « assistance technique » et avoir dépassé les limites fixées par sa stratégie « d’implication sans risque » en œuvrant à la compilation des résultats présidentiels.

Les puissances extérieures ont développé un double langage : au nom de la démocratie, les Occidentaux ont financé pour un peu plus de 100 millions de dollars un processus électoral qu’ils savaient biaisé dès le départ et qu’ils auraient reconnu du bout des lèvres si ce n’était l’évidence de la fraude, tandis que les Africains qui n’ont rien financé et rien observé (leurs missions s’apparentant davantage à du tourisme électoral qu’à de l’observation électorale) ont salué la bonne tenue du scrutin vue du Grand Hôtel et du Memling mais ont oublié de venir à l’inauguration d’un président laissé en bien mauvaise compagnie puisque le seul chef d’Etat africain présent était Robert Mugabe. Finalement, les bailleurs ont payé sans pouvoir dire qu’ils ont réalisé un investissement pour la démocratie et les présidents de la région ont soutenu par solidarité anti-démocratique mais sans aller jusqu’à s’afficher en public avec le vainqueur.

Une opposition divisée

Mais la réélection de Joseph Kabila n’aurait pas été possible sans la désunion de l’opposition. Celle-ci a été confrontée à l’exigence d’unité par la révision constitutionnelle de janvier qui a supprimé le second tour de l’élection présidentielle. Dès lors, l’élection présidentielle devait prendre l’aspect d’un duel entre deux hommes. Au lieu de cela elle est devenue une course inégale à 11 partants : le président sortant face à deux challengers crédibles, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, et à 8 autres candidats sans stature nationale et sans moyens. Pendant les mois qui ont précédé le scrutin, la vie de l’opposition a été dominée par des discussions sans fin entre les camps de Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, des batailles d’egos, des postures inutiles et des rendez-vous manqués, les uns et les autres étant plus soucieux des apparences politiciennes que des réalités stratégiques. Finalement, ce qui aurait pu être le duo gagnant (le score officiel combiné de Vital Kamerhe et d’Etienne Tshisekedi, 40%, laisse entendre qu’ils ont certainement fait plus) ne s’est pas matérialisé et, au lieu de courir ensemble, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe ont couru chacun dans leur couloir, en parallèle, vers une défaite annoncée en dépit d’un rejet populaire du statu quo.

Si le chapitre de l’élection présidentielle est clos juridiquement, il ne l’est pas politiquement  (mais ce n’est pas certain car les conséquences de cette élection bâclée débutent tout juste). On peut désormais conclure que le soutien des Occidentaux mais aussi des Africains s’effrite et que l’inauguration solitaire en compagnie de Robert Mugabe est probablement la pire communication politique qu’on pouvait imaginer pour débuter ce nouveau mandat. Il ne suffit pas d’être élu, encore faut-il être bien élu, c’est-à-dire ajouter à la légalité formelle des institutions d’Etat la légitimité nationale et internationale.

Thierry VIRCOULON
Responsable de l'Afrique centrale
International Crisis Group

Photo : Centre de compilation au Katanga (c) DR

RDC : La répression s'accentue sur les médias

Triste bilan pour la liberté de la presse en République démocratique du Congo (RDC) pour l'année 2011. Journaliste en danger (JED) dénonce une répression accrue sur les médias et les journalistes congolais depuis l'élection présidentielle du 28 novembre dernier. L'ONG recense au moins 160 cas d'atteintes à la liberté de la presse en 2011, dont près de la moitié pendant la période électorale.

 

Capture d’écran 2011-12-29 à 17.48.54.png2011 sera une année noire pour la liberté de la presse en RDC. Journaliste en danger (JED) note avec inquiétude que "l’étau se resserre chaque jour un peu plus autour des médias à Kinshasa et en provinces". Pour l'ONG congolaise, la répression se traduit par des menaces et des arrestations de journalistes, des attaques armées contre des maisons de presse (journaux, radios et télévisions), l’interdiction d'émissions et la fermeture de médias proches de l’opposition". 

 

Sur l'année écoulée, JED recense : 1 journaliste tué à Kirumba dans le Nord-Kivu en juin 2011, 42 arrestations des journalistes, 57 cas de menaces et d’agressions contre des journalistes, 43 cas de censure et d’entraves à la circulation de l’information et 17 cas de pressions sur les médias… un record depuis l'année 2007.

 

Dans son rapport, Journaliste en danger regrette que "les médias congolais, dans leur ensemble, se sont engagés, et en toute connaissance de cause, dans une frénésie propagandiste qui a occulté les vrais débats démocratiques sur les candidats et leur programmes". Selon l'ONG, la campagne électorale pour les présidentielles et les législatives a été "un véritable fiasco dans les médias". Le rapport dénonce les nombreux dérapages sur les ondes des médias congolais, "dans un climat de tension et d’intolérance politique" et "pose désormais une question de crédibilité et de professionnalisme de la presse congolaise". 

 

JED en appelle à la dissolution du CSAC (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication) qui aurait dû garantir "le droit à l’information et le professionnalisme des médias". L'ONG attend la mise en place d'un organe "plus crédible" et "plus compétent".

 

Christophe RIGAUD

 

Vous pouvez consulter la liste des principales atteintes à la liberté de la presse en RDC en cliquant ICI.

27 décembre 2011

RDC : Peut-on encore sauver les législatives ?

Après les critiques et les contestations autour de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), voici le tour des élections législatives. Organisées le même jour que la présidentielle, les législatives suscitent les mêmes polémiques :  organisation anarchique, irrégularités et soupçons de fraude massive. Sous la pression de la communauté internationale, les opérations de comptage ont été suspendues en attendant l'arrivée d'experts internationaux, mais le manque de transparence du scrutin inquiète toujours les ONG.

Capture d’écran 2011-12-27 à 01.14.59.pngLes résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC) prennent le même chemin que ceux de la présidentielle : celui de la contestation. Les élections législatives et présidentielle ont été organisées en même temps, le 28 novembre 2011. Les résultats ont donné la victoire à Joseph Kabila, devant l'opposant Etienne Tshisekedi. Mais le scrutin est très controversé, entaché d'irrégularités et d'accusations de fraudes. L'Union européenne, les Etats-Unis ou l'église congolaise ont tous reconnu le manque de transparence de ces élections. Le président Joseph Kabila reconnaît "des erreurs", juge le scrutin "crédible".

La bataille pour la présidentielle et la prestation de serment des deux "présidents" (Kabila officiellement investi mardi 20 décembre et Etienne Tshisekedi "auto-investi" par son parti) ont occulté une autre bataille électorale : celle des législatives. Selon Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group, le scrutin législatif reproduit les mêmes travers que la présidentielle, avec quelques particularités. "Les législatives me paraissent plus complexes et plus problématiques parce qu'en plus des enjeux nationaux, il y a des enjeux locaux. On est sur les mêmes modèles de fraudes massives que sur la présidentielle, mais avec des gouverneurs provinciaux qui "prennent les choses en main" et qui décident de la liste des vainqueurs", explique Thierry Vircoulon. Pour ce spécialiste de la région, les facteurs ethniques ont également  joué un rôle important. "A Kisangani, en province orientale", note Thierry Vircoulon, "une tribu "adversaire" au ministre national de l'Economie, Jean-Pierre Darwezi, est venu en pirogue pour voter… mais n'a jamais trouvé son bureau de vote !". Les observateurs internationaux ne comptent plus les irrégularités dans ce scrutin : bureaux de vote fictifs, électeurs inscrits plusieurs fois, bulletins de vote perdus, procès-verbaux de dépouillements égarés…sans compter les nombreuses pression sur le personnel de la Commission électorale (CENI). "On assiste à une série d'arrestations du personnel de la CENI, accusé d'aider l'un ou l'autre camp" précise Thierry Vircoulon à Afrikarabia

Pour sauver les législatives, de nombreuses ONG ont réclamé l'arrêt du comptage et de la "compilation" des résultats dans les Centres locaux (CLCR). Devant le flot de critiques de la communauté internationale et l'absence très remarquée de chefs d'Etats à l'investiture de Joseph Kabila, la CENI calme le jeu et accepte une mission d'experts américains et anglais pour "superviser" la compilation des résultats.

L'arrivée de cet "appui technique international" est plutôt vécu comme une bonne nouvelle par les nombreux observateurs du scrutin. A l'image de la mission AETA-EurAc, qui a envoyé 90 observateurs internationaux et 3.000 observateurs congolais sur place et qu'Afrikarabia a contacté . Cette mission a été le témoin "de la mauvaise préparation des élections" et des irrégularités qui ont "fort entaché tout le processus électoral et ont contribué à diminuer la confiance et la crédibilité" du scrutin. Pour Donatella Rostagno, du Réseau Europe - Afrique centrale (EurAc), "l'approche de l'appui technique de la Monusco (mission de l'ONU en RDC) et de la supervision internationale nous parait une solution réaliste qui pourra consolider et assurer une crédibilité relative à la phase de compilation des résultats". L'autre atout de l'expertise internationale, pour Donatella Rostagno, sera "d'assurer des effets rétroactifs sur les résultats déjà publiés en cas de contestation"… et elles sont nombreuses. Donatella Rostagno souhaite enfin que l'arrivée de ces experts soit l'occasion à la société civile congolaise (tenue à l'écart du processus électorale par la CENI), de jouer un rôle dans ce scrutin, en déployant notamment des observateurs dans les centres de compilation (CLCR).

Cet appui technique sera-t-il suffisant à redonner une crédibilité aux résultats de la Commission électorale congolaise ? Difficile de le penser. D'abord, parce qu'en remettant en cause la régularité des élections législatives, on remet en cause la présidentielle, qui a eu lieu le même jour. Et le pouvoir en place à Kinshasa ne semble pas disposé à mettre en danger la réélection de Joseph Kabila. Deuxième difficulté : l'étendu du nombre d'irrégularités. Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group confiait à Afrikarabia, avant l'annonce de l'arrivée d'une mission internationale, que "le niveau de désorganisation était tel, qu'il rendait toute tentative de vérification problématique.. voir impossible".

En attendant, l'annonce des résultats des législatives, prévue le 13 janvier 2012, a été reportée à une date ultérieure.

Christophe RIGAUD

22 décembre 2011

RDC-Législatives : Sous pression, la CENI accepte l'aide internationale

Après la publication de résultats contestés lors de la présidentielle, la Commission électorale congolaise (CENI) décide de suspendre la compilation des votes des élections législatives et d'attendre une aide technique internationale. L'organisation chaotique des élections et les soupçons de fraudes massives ont fragilisé la CENI, accusée par l'opposition d'avoir favorisé la réélection de Joseph Kabila. Sous pression américaine et européenne, la Commission électorale suspend son comptage et accepte un appui technique. Cela sera-t-il suffisant pour garantir un scrutin crédible et transparent ? Pas si sûr.

Image 3.pngLes critiques ont été nombreuses pour condamner les multiples irrégularités des dernières élections générales en République démocratique du Congo (RDC). L'Union européenne, le Centre carter et l'administration Obama n'ont pas eu de mots assez durs pour qualifier ce scrutin. Hilary Clinton s'est dit "déçue", le Centre Carter a estimé que la réélection de Joseph Kabila était caractérisée par de telles irrégularités qu'elle "manque de crédibilité" et note que "40%" des résultats des Centres de compilation sont jugés "faibles". Quant à l'Union européenne, elle a signalé des irrégularités le jour du vote, qui vont de la "désorganisation des bureaux de vote" au "bourrage des urnes".

La pression internationale commence-t-elle à produire ses effets ? La CENI a en effet décidé de suspendre les résultats des législatives, après avoir livré une première série de résultats provisoires. La Commission se plie donc à la demande de nombreux pays et d'organisations internationales, en acceptant un appui technique pour la compilations des résultats des différents bureaux de vote. La CENI déclare vouloir ainsi "garantir la transparence et la crédibilité des législatives (...) en attendant l'arrivée des équipes de supervision et d'appui technique international".

La pression s'était accentuée sur la CENI ces derniers jours, avec la réaction d'Hilary Clinton, qui a dénoncé un scrutin "mal géré" et "manquant de transparence", suggérant une "révision" du processus électoral. L'Union européenne a emboîté le pas en menaçant de "réévaluer son soutien (...) si des progrès ne sont pas réalisés dans le dépouillement des votes des législatives". Devant tant d'insistance, la CENI se devait de faire un geste en acceptant l'aide internationale. Cette assistance sera-t-elle suffisante pour crédibiliser les résultats des législatives ? Si l'on en croit les rapports des différentes missions d'observation électorales, il sera difficile de faire le tri entre les bulletins de vote manquants, les procès-verbaux égarés, les bureaux de vote qui n'ont jamais ouvert, les nombreux doublons inscrits sur les listes... sans parler du manque de fiabilité du fichier électoral. Il semble délicat dans ces conditions de donner des résultats incontestables (même avec une aide internationale). Autre contrainte qui rend la mission quasi impossible : le calendrier. Les résultats des législatives doivent être annoncés le 13 janvier 2012.

Christophe RIGAUD

RDC : Après les élections... la répression

Depuis la réélection contestée de Joseph Kabila à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), les arrestations arbitraires d'opposants politiques s'intensifient. Amnesty International dénonce de nombreuses "arrestations postélectorales illégales" destinées à "museler" l'opposition. Human Rights Watch (HRW) dénombre déjà 24 morts en RDC depuis l'annonce des résultats de l'élection présidentielle. Au coeur de la répression : les forces de sécurité et l'ANR, les services de renseignements congolais.

Image 2.pngDeux rapports d'ONG internationales s'alarment de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo, à la suite d'un scrutin électoral entaché de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraude. Human Rights Watch (HRW) estime que" les forces de sécurité congolaises ont tué au moins 24 personnes et placé en détention arbitraire des dizaines d’autres depuis le 9 décembre 2011, date à laquelle le président Joseph Kabila a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle controversée". Human Rights Watch a également constaté que parmi les personnes tuées "se trouvaient des militants et des partisans, ainsi que des personnes interpelées dans la rue, ou même dans leurs maisons". Pour Anneke Van Woundenberg d'HRW, "ces manœuvres sanglantes contribuent à fragiliser le processus électoral et donnent l’impression que le gouvernement ne reculera devant rien pour rester au pouvoir".

Plusieurs sources ont informé Human Rights Watch que "le gouvernement avait donné pour instruction aux hôpitaux et aux morgues de ne pas fournir d’informations concernant le nombre de morts, ni de détails sur les individus blessés par balles aux membres de leurs familles, aux groupes de défense des droits humains ou au personnel des Nations Unies, entre autres. Certaines familles ont retrouvé les corps de leurs êtres chers dans des morgues situées loin de Kinshasa, ce qui indiquerait que des corps sont transportés jusque dans des zones excentrées".

Amnesty International a également mené une enquête très fouillée en RDC. L'ONG indique que "les forces de sécurité congolaises semblent profiter du climat de tension et d’incertitude qui règne à la suite des récentes élections pour mener cette série d’arrestations politiques et procéder notamment à des arrestations arbitraires et illégales qui menacent d’étouffer la liberté d’expression et de réunion".

Amnesty note l'arrestation de 4 journalistes travaillant pour une radio communautaire dans la province du Maniema, le 14 décembre.  Ces journalistes étaient accusés par l'ANR (l'Agence nationale de renseignements) "d’être passés outre une décision officielle ordonnant la fermeture de leur station de radio. Trois d’entre eux ont été libérés dans l’après-midi. Le quatrième a été relâché le 15 décembre, également dans l’après-midi". Amnesty indique que le 13 décembre, à Bukavu, dans le Sud-Kivu, "des agents de la Police nationale congolaise (PNC) auraient frappé et arrêté l’avocat Eustache Nsimba et l’auraient emmené dans un lieu inconnu. Il participait à une manifestation organisée par l’opposition. Eustache Nsimba a été relâché plus tard dans la journée". Deux membres de l'UDPS ont également été arrêtés au Katanga et sont détenus "au secret dans un cachot de l'ANR".

Enfin, des dizaines de personnes (civils, mais aussi membres de la Police congolaise) ont été enlevées à Kinshasa. "Toutes les personnes arrêtées auraient été prises pour cible parce qu’elles sont originaires des provinces de l’Équateur, du Kasaï-Occidental et du Kasaï-Oriental, fiefs de l’opposition" indique Amnesty International.

Les ONG des Droits de l'Homme internationales et locales sont toutes très inquiètes de la vague de répression qui s'abat sur les opposants et les citoyens congolais. Amnesty International demande aux autorités congolaises "de fournir des informations sur ce qu’il est advenu des personnes arrêtées, et de les libérer si elles ne sont pas rapidement inculpées d’une infraction reconnue par la loi". Avant de conclure que "l’impunité ne ferait qu’engendrer de nouvelles violences et atteintes aux droits humains".

A la suite de ces deux rapports, la justice congolaise a décidé d'ouvrir une enquête.

Christophe RIGAUD

Photo (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

20 décembre 2011

RDC-Législatives : Les irrégularités continuent

Alors que tous les regards sont focalisés sur la réélection contestée de Joseph Kabila à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), le dépouillement chaotique des élections législatives a été suspendu par la Commission électorale (CENI). De nombreuses irrégularités sont également constatées sur ce scrutin. Une ONG congolaise dénonce la "manipulation des procès verbaux" au Katanga, un responsable de la CENI au Kasaï est accusé d'avoir "publié les résultats avant la fin de la compilation" et en Ituri un chef d'antenne de la CENI est jugé pour "tricherie".

Image 2.pngA l'ombre de l'élection présidentielle, les élections législatives sont, elles aussi, entachées de multiples irrégularités. Lors de la présidentielle, les observateurs  électoraux internationaux du Centre Carter et de l'Union européenne ont estimé que la réélection de Joseph Kabila était caractérisée par de telles irrégularités qu'elle "manque de crédibilité". Les observateurs de l'ONG de l'ancien président américain, notent que "40%" des résultats des Centres de compilation sont jugés "faibles". Quant à l'Union européenne et d'autres observateurs internationaux ou locaux, ils ont également signalé des irrégularités le jour du vote, qui vont de la "désorganisation des bureaux de vote" au "bourrage des urnes".  Les élections législatives étant organisées le même jour que le scrutin présidentiel (le 28 novembre 2011), certaines ONG locales émettent de sérieux doutes sur la transparence et la crédibilité des élections à la députation... pourtant cruciales pour le bon fonctionnement des institutions du pays.

Devant les problèmes de dépouillements rencontrés, la Commission électorale (CENI) a décidé de suspendre momentanément les travaux de compilation des bulletins de vote. Le représentant de l'opposition à la CENI, Jacques Djoli veut "sauvegarder" le processus électoral : «nous avons déjà beaucoup de mal par rapport à ce qui s’est passé (des irrégularités constatées lors de la présidentielle) et nous voulons cette fois-ci sauvegarder tant soit peu ce processus » a-t-il déclaré sur Radio Okapi, avant d'affirmer que cette décision était prise pour «essayer de recadrer les agents, afin de traduire l’expression de la sociologie électorale telle qu’exprimée ».

Depuis le début de la compilation des résultats, certains agents de la CENI ont été accusés de falsifier les procès verbaux des bureaux de vote. 5 agents de la CENI ont été arrêtés le 13 décembre au Nord-Kivu. Le 17 décembre, le chef d'antenne de la CENI à Kamonia, dans le fief d'Etienne Tshisekedi au Kasaï, a été accusé de publier les résultats "avant la fin des travaux de compilation". Le 19 décembre, le responsable de l'antenne de la CENI à Djugu, en Ituri,a été déféré devant le Tribunal de grande instance de Bunia. Soupçonné de tricherie, Jérôme Dhejo est accusé d'avoir acheminé des "kits électoraux" dans des bateaux rapides appartenant à un candidat à la députation.

Le Centre des Droits de l'homme du Katanga (CDH), une ONG congolaise, dénonce la "manipulation des procès-verbaux des résultats de la députation nationale dans les Centres locaux de compilation (CLCR) de Lubumbashi et Likasi". Cette organisation s'étonne d'opérations "magiques" au profit de certains candidats qui n'ont pas obtenu de voix dans les bureaux de vote et se retrouvent en tête des résultats dans les Centres de compilation. L'ONG congolaise relève de nombreuses irrégularités dans son secteur :
- "des agents électoraux invités à refaire des procès-verbaux sans la présence de témoins des partis politiques ou d'observateurs",
- "à Likasi, un candidat a été surpris en train de corrompre un chef de centre",
- un candidat ayant obtenu 35 voix, "s'est vu octroyer un total de 315 voix"... selon l'ONG, "il suffisait d'intercaler le chiffre 1 entre le 3 et le 5"...
- le Centre des droits de l'homme (CDH) du Katanga se demande également pourquoi les Centres de compilation de Lubumbashi et Likasi sont "restés fermés aux observateurs et aux témoins ?"

Depuis l'arrêt des opérations de compilation au niveau national, la CENI n'a pas indiqué quand et comment ces opérations reprendraient ? Selon le représentant de l'opposition à la CENI, Jacques Djoli, "la Monusco devra être présente dans tous les CLCR, en commençant par ceux de Kinshasa". Pour l'instant... c'est silence radio du côté de la Commission électorale. Un silence assourdissant.

Christophe RIGAUD

18 décembre 2011

RDC : Tshisekedi appelle à l'arrestation du président Kabila

Dans un message au peuple congolais ce dimanche, Etienne Tshisekedi, qui conteste la réélection du président Joseph Kabila, vient de lancer un appel à l'insurrection. Le leader de l'UDPS "démet" le gouvernement et les gouverneurs provinciaux et demande de "rechercher" Joseph Kabila "partout où il se trouve" et de l'amener "ici, vivant". Il exhorte également l'armée et la police congolaise de lui faire allégeance.

Meeting Tshisekedi Bruxelles 0'.pngEtienne Tshisekedi accélère les événements en République démocratique du Congo (RDC). Après avoir contesté la réélection de Joseph Kabila, le leader de l'opposition vient de lancer un appel au soulèvement populaire et demande de capturer "vivant" le président sortant. Voici l'essentiel de sa déclaration que l'on peut écouter sur les sites Direct.cd et Rfi.fr :

"Je vous demande de garder votre calme et votre sérénité, parce que quelqu'un qui est vainqueur ne s'agite pas, ne se trouble pas. Au contraire, il reste serein. Quant aux fauteurs en eau trouble, à commencer par Monsieur Kabila, je vous demande, à vous tous, de rechercher ce monsieur partout où il est dans le territoire national et de me l'amener ici vivant. Celui qui m’amènera Kabila ici ligoté, aura une récompense très importante. De même, le gouvernement de monsieur Kabila est démis depuis ce jour. Les départements ministériels seront dirigés par des secrétaires généraux jusqu’à nouvel ordre. Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l'armée nationale congolaise, je vous enjoint de n'obéir qu'à l'autorité légitime. La police nationale souveraine, vous ferez de même".

La semaine prochaine risque donc d'être très tendue en RDC et particulièrement à Kinshasa, où mardi, Joseph Kabila doit célébrer son investiture et où vendredi, Etienne Tshisekedi veut prêter serment au stade des martyrs. Dès samedi, la RDC risque de se retrouver avec deux "présidents" de la république… et une crise politique sérieuse.

Christophe RIGAUD

Photo : E. Tshisekedi en 2011 à Bruxelles. Ch. Rigaud (c) www.afrikarabia.com

RDC : Deux "présidents" dès la semaine prochaine

20 jours après une élection présidentielle émaillée de nombreuses irrégularités, la République démocratique du Congo (RDC) assistera la semaine prochaine à deux "prestations de serment" . Le président officiellement réélu Joseph Kabila sera investi mardi à Kinshasa et son opposant Etienne Tshisekedi, qui conteste les résultats, veut prêter serment vendredi au stade des Martyrs. Le "syndrome ivoirien" -2 "présidents" pour un fauteuil- guette donc la RD Congo.

Logo Elections 2011.jpgDans une longue conférence de presse ce dimanche, le leader de l'UDPS et candidat "officiellement battu", Etienne Tshisekedi, s'est déclaré "Président élu" de la RDC et veut prêter serment vendredi prochain au stade des Martyrs de Kinshasa. Selon les résultats de la Commission électorale (CENI), que la Cour suprême a confirmé vendredi, le président Kabila a été réélu avec 48,95% des voix contre 32,33% à l'opposant Etienne Tshisekedi. Mais depuis la publication des premiers résultats provisoires, l'opposition conteste formellement la réalité des chiffres de la CENI. Selon l'UDPS, le "Président élu de la République" se nomme "Etienne Tshisekedi". Le parti d'opposition explique que d'après "les procès-verbaux de chaque bureau de vote affichés le jour  des élections sur toute l’étendue de la République", le candidat de l'UDPS est arrivé en tête. Un document, de plus de 500 pages, "donne le Président Etienne Tshisekedi gagnant avec 56.2% des vote contre 35,91%  pour le président sortant".

Il faut dire que selon plusieurs missions d'observation internationales, la présidentielle du 28 novembre dernier a été entachée de multiples irrégularités. Les observateurs américains du Centre Carter ont dénoncé "la crédibilité du scrutin", alors que l'archevêque de Kinshasa, a estimé que "les résultats ne sont pas conformes à la réalité". L'Union européenne, également présente, confirme le "manque de transparence du scrutin" et constate notamment que plusieurs résultats observés par ses équipes sur le terrain "ne correspondent pas" avec ceux de la Commission électorale (CENI). Le président Joseph Kabila, qui doit prêter serment mardi, a rejeté toutes ces accusations. Même s'il a reconnu que des "erreurs" ont été commises durant le scrutin, elles ne sont pas de nature, selon lui, "à remettre en cause la crédibilité" de sa réélection.

Dans ce contexte "explosif" (l'expression est du ministre français des Affaires étrangères), Etienne Tshisekedi a déclaré vouloir "prêter serment vendredi prochain devant le peuple réuni au stade des martyrs" à Kinshasa. La semaine prochaine, la RDC risque de s'enfoncer dans une crise politique durable, qui n'est pas sans rappeler les dernières élections ivoiriennes : deux "présidents" se disputant la victoire. Seule différence inquiétante avec la Côte d'Ivoire, la communauté internationale s'avance plus divisée que jamais. Les occidentaux hésitent à intervenir dans un scrutin qu'ils ont laissé volontairement (mal) organiser aux Congolais et les voisins africains se contenteraient bien d'une réélection "sans vague" de Joseph Kabila… et tant pis pour les irrégularités du processus électoral. Pour l'instant "la rue" congolaise est calme, mais la semaine qui arrive s'annonce décisive pour l'avenir du processus électoral en cours, le cycle d'élections devant se poursuivre jusqu'en 2013.

Christophe RIGAUD

17 décembre 2011

RDC : Qui boudera l'investiture de Joseph Kabila ?

La cérémonie d'investiture de Joseph Kabila, prévue mardi 20 décembre, sera l'occasion pour le président congolais de compter ses alliés… essentiellement africains. Sa réélection est en effet très contestée et suscite de nombreuses critiques en Europe et aux Etats-Unis. Son investiture compte une première défection dans le camp occidental : le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, qui n'assistera pas à la prestation de serment de Joseph Kabila.

Capture d’écran 2011-12-17 à 18.22.58.pngLa Cour suprême de République démocratique du Congo (RDC) a annoncé vendredi, avec un peu d'avance, la réélection du président Joseph Kabila, après un scrutin émaillé de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraudes. Il y a quelques jours sur ce site, Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group (ICG), estimait que "Joseph Kabila (était) aujourd'hui un président mal élu" et qu'il "(risquait) d'y avoir peu de gens importants à son investiture du côté des bancs occidentaux".  La première absence remarquée sera celle du ministre des Affaires étrangères de l'ancienne puissance coloniale, Didier Reynders. Dans un communiqué, le ministre belge a regretté que la Cour suprême de justice congolaise "n'ait pas usé de ses prérogatives pour un examen plus approfondi, critique et indépendant des résultats". La Belgique sera donc représentée par son ambassadeur à Kinshasa, Dominique Struye de Swielande.

La Belgique, comme l'Union européenne ou les Etats-Unis mettent en doute la transparence et la crédibilité des résultats des élections générales en RDC. Didier Reynders a "regretté que de trop nombreuses déficiences et irrégularités aient dû être constatées lors de la collecte et de la compilation des résultats". "Bien que ces déficiences ne paraissent pas de nature à remettre en cause l'ordre des résultats, elles affectent malheureusement l'intégrité du scrutin", a souligné le ministre belge.

Concernant la symbolique prestation de serment du président Kabila, reste à savoir ce que feront les autres pays de l'Union européenne et particulièrement la France, très critique sur la crédibilité de ces élections. Les regards seront également tournés vers Washington, qui a aussi clairement contesté les résultats de la Commission électorale congolaise (CENI), mais n'a qui pas encore décidé quelles personnalités seront présentes mardi prochain à l'investiture de Joseph Kabila.

Du côté des voisins africains de la RDC, il est fort à parier que de nombreux présidents seront présents mardi à Kinshasa. A l'image de l'Afrique du sud qui a jugé les élections en RDC "globalement OK". La cérémonie de prestation de serment de Joseph Kabila risque donc d'afficher au grand jour les divisions entre "occidentaux" et "africains". Il faut dire que depuis quelques années, le président Kabila "soigne" ses voisins ou évite de rentrer en conflit ouvert avec eux. Rwanda, Congo-Brazzaville, Angola, Ouganda ou Afrique du Sud…  ces pays préfèrent tous miser sur la continuité d'une mandature Kabila, plutôt que de tenter l'aventure en terre inconnue.

Le président congolais, Joseph Kabila doit prêter serment mardi 20 décembre à Kinshasa. L'opposition, qui conteste sa réélection, appelle à des journées "villes mortes" en début de semaine, dans tout le pays.

Christophe RIGAUD

15 décembre 2011

RDC : La diaspora pro-Tshisekedi demande "une plus grande implication de la France"

Plusieurs associations de la diaspora congolaise soutenant Etienne Tshisekedi en France manifesteront samedi 17 décembre à Bordeaux pour contester la réélection de Joseph Kabila à la tête de la République démocratique du Congo (RDC). Un mémo sera remis au Ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, pour demander "l'implication effective de la France" pour que l'issue des élections "soit conforme aux aspirations du peuple congolais". Rencontre avec Jean-Michel Mampuya, l'un des organisateurs.

Image 5.png- Afrikarabia : Jean-Michel Mampuya, vous représentez la Dynamique Tshisekedi Président (DTP) en France. De nombreuses irrégularités ont entaché les élections en République démocratique du Congo (RDC) et des tentatives de fraude massive ont été relevées par plusieurs ONG internationales. Vous étiez en RDC il y a encore quelques jours, comment réagit la population pour le moment ?
 
- Jean-Michel Mampuya : Elle est en colère, sereine et calme. Elle sait que celui qui a été élu c’est Etienne Tshisekdi. Elle le considère donc comme le Président de la République et attend, certes avec impatience, le mot d’ordre qu’il nous donnera.
De plusieurs endroits du pays, nous recevions tous les jours des coups de fil des gens qui "festoyaient" déjà la fin du régime Kabila, avant l’annonce de la CENI, tellement l’évidence du terrain faisait apparaître Tshisekedi comme vainqueur. Quand je dis « festoyaient », entendez par là avec musiques, chants et boissons… Il ne s’agissait pas d’une simple satisfaction. Autant comprendre ainsi à quel niveau se situait l’attente populaire. Les gens disaient qu’ils n’envisageaient pas 5 ans supplémentaires avec Joseph Kabila. Le président Kabila a fait son temps (10 ans) J’ose même dire qu’il a beaucoup travaillé (rires). Il est donc fatigué ! Qu’il laisse cette charge à celui qui a été choisit  par le peuple. Tous les artifices de tricherie et fraude ont été déjoués par le peuple. La dernière astuce à leur disposition était la fameuse opération de compilation. Une démarche opaque et inutile qui sert à « traiter » les chiffres. Le peuple ne veut pas de « traitement ». Il veut la sommation des chiffres issus de chaque bureau de vote.  Les résultats du premier au dernier bureau. Pas question de traitement ou de compilation. On veut les chiffres bruts ! C’est le prix à payer pour la paix. C’est l’opération la plus simple et la plus transparente à réaliser, étant donné que chaque parti et chaque candidat a en sa possession, le PV de chaque bureau.

- Afrikarabia : L'UDPS a appelé à manifester pacifiquement pour "protéger la victoire" d'Etienne Tshisekedi. Croyez-vous que ces manifestations peuvent replonger le pays dans la violence ?

- Jean-Michel Mampuya : Les manifestations populaires à l’initiative des partis politiques sont pacifiques. Je tiens à préciser que le risque est de voir le peuple congolais être victime d’une  répression sauvage. La violence, la brutalité ne pourront venir que d’un seul camp : celui qui a des armes ! On le voit tous les jours avec des brimades, des assassinats et autres arrestations arbitraires. A ce sujet, je voudrai interpeller la communauté internationale (en particulier la France dont la coopération visible à ce jour ne se limite qu’à former des policiers) sur les conséquences des fameux véhicules à  jet d’eau chaude utilisés par les forces de police congolaises. Les dégâts sur la peau sont suspects. Les brûlures et blessures laissent penser, sans être spécialiste, qu’il s’agit de produits beaucoup plus nocifs que de l’eau chaude. La culpabilité des répressions qui pourraient subvenir incombera directement au pouvoir sortant avec une co-responsabilité de la CENI qui tente de se dédouaner en passant la patate chaude à la Cour suprême de Justice.
 
- Afrikarabia : Vous allez remettre samedi 17 décembre à Alain Juppé un mémo sur la situation en RDC. Qu'attendez-vous de la communauté internationale et de la France en particulier ?
 
- Jean-Michel Mampuya : Nous attendons essentiellement que cette fameuse "nébuleuse internationale" respecte le peuple congolais. Nous ne sommes pas des sous-hommes. Les valeurs démocratiques imposent le respect du verdict des urnes, et cela doit valoir également pour nous congolais. On entend plus souvent des appels au calme plutôt que d’entendre des appels à la vérité des urnes. Je n’ai entendu aucun ambassadeur en RDC appeler la CENI à la vérité des urnes. On a plutôt entendu des menaces précises en langage diplomatique.
Si le courage politique manque à la communauté internationale et à la France en particulier d’appeler à la transparence des résultats, alors qu’elles laissent les congolais gérés l’issue du processus à sa manière. Et je rappelle à nos partenaires occidentaux l’article 35 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Si cette déclaration ne vaut que pour l’occident, alors autant nous le dire. Qu’ils cessent d’agiter à tort la CPI , dont l’objectif a été visiblement dévoyé au profit des seuls vainqueurs de crises politiques. Le peuple congolais veut et va se prendre en charge.

- Afrikarabia : Comment réagit la diaspora congolaise et que peut-elle faire depuis la France ?

- Jean-Michel Mampuya : Dans manière spontanée, la diaspora congolaise où qu’elle se trouve manifeste son refus d’un "hold-up électoral". On le voit aux USA, en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, en Suisse, etc…. Nous faisons pression auprès de la communauté internationale afin qu’elle agisse de concert avec les congolais pour que "le groupe" qui est au pouvoir et les affairistes qui les soutiennent respectent tout simplement le choix du peuple congolais.

Une marche pacifique sera organisée par la communauté congolaise de Bordeaux, samedi 17 décembre 2011 à partir de 14h00. Au départ de la Gare St Jean jusqu'à la place du Grand Théâtre de Bordeaux. 

RDC : Mobilisation test pour Tshisekedi

Depuis l'annonce de la victoire de Joseph Kabila à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), l'opposant Etienne Tshisekedi (UDPS) continue de contester sa défaite. Son parti cherche la meilleure stratégie pour "faire respecter le choix du peuple congolais" et "protéger la victoire" de Tshisekedi. L'UDPS appelle donc la population à des marches pacifiques dans tout le pays.

Image 6.pngTous les observateurs internationaux s'accordent sur une chose : le scrutin présidentiel du 28 novembre dernier en RDC manque sérieusement de transparence... voir de crédibilité. L'Europe, les ONG et maintenant les Etats-Unis critiquent fortement le déroulement du processus électoral : ses irrégularités, ses soupçons de fraude et sa logistique chaotique. Joseph Kabila, lui-même, reconnaît "des erreurs" et des "irrégularités", mais pour le président réélu et pour la Commission électorale congolaise (CENI) :  ces problèmes ne sont "pas en mesure de changer le résultat final". L'UDPS crie au "hold-up électoral" et brandit des chiffres des bureaux de vote... très différents de ceux publiés par la Commission électorale.

Pour "sauver le candidat Tshisekedi" et sortir d'une crise politique et institutionnelle qui s'annonce longue et incertaine, l'UDPS compte sur la population pour "protéger la victoire" de leur candidat. Un appel a donc été lancé pour organiser des manifestations pacifiques dans tout le Congo. Déjà mardi 13 et mercredi 14 décembre, la police et l'armée ont dispersé des marches de protestation pacifiques dans l'Est du pays. Plusieurs personnes ont été blessés. A Lubumbashi, mercredi, des militants de l'UDPS étaient également descendus dans la rue pour manifester leur opposition à la victoire de Joseph Kabila. Là encore, la police a violemment dispersé la marche, faisant plusieurs blessés.

L'appel à manifester constituera donc un test important pour le camp Tshisekedi. Est-il en mesure de mobiliser fortement la population ? Difficile de le dire aujourd'hui. Deux éléments démontrent qu'il sera très complexe de créer de grands rassemblements populaires dans les rues :
- la police et l'armée congolaise, très bien équipées et très bien formées à la "gestion de foule" réussissent pour le moment à empêcher toute manifestation de masse en "bouclant" le quartier et en coupant la circulation. Bilan : peu de monde dans les rues et une répression violente plus facile à mettre en place.
- ensuite, il semble que la "mayonnaise" ne prenne pas vraiment auprès de la population. On prévoyait une "flambée" de violence dans les rues à l'annonce des résultats... en fait, il n' y a eu que quelques échauffourées, très vite maîtrisées par la police et l'armée.

D'ailleurs en cas d'échec dans la rue, l'UDPS souhaite rapidement porter la contestation sur le plan politique. Le secrétaire général de l'UDPS, Jacquemain Shabani, a déjà déclaré mercredi que "la crise post-électorale" en République démocratique du Congo (RDC) "nécessite une solution politique au lieu d'un recours à la violence".

Christophe RIGAUD

RDC : Washington très critique sur le scrutin présidentiel

La position américaine était particulièrement attendue sur l'élection présidentielle contestée en République démocratique du Congo (RDC)... et elle n'est pas tendre avec le processus électoral. L'administration Obama estime que le scrutin a été "gravement entaché d'irrégularités" et n'est pas "à la hauteur des avancées démocratiques observées dans d'autres élection récentes en Afrique".

Image 5.pngLe département d'Etat américain s'est exprimé sur les élections congolaises du 28 novembre dernier en RDC. Le ministère américain des Affaires étrangères déclare que le scrutin a été “gravement entaché d’irrégularités" et "manque de transparence". Pour l'administration Obama, le processus électoral en RDC n'est pas "à la hauteur des avancées démocratiques observées dans d’autres élections récentes en Afrique". Se basant sur les différentes missions d'observation, comme le Centre Carter, l'Union européenne, mais aussi sur les propres données de l'ambassade US à Kinshasa, la porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères constate à son tour les nombreuses irrégularités du scrutin.

Comme, les autres observateurs étrangers, les Etats-Unis ne sont pas en mesure de démontrer que les irrégularités du scrutin "aient été suffisants pour modifier son résultat” (à savoir la réélection du président Joseph Kabila).

Les Etats-Unis rajoute donc un peu de pression sur les autorités congolaises afin "d''examiner de près les irrégularités" et à "procéder avec un maximum d’ouverture et de transparence". L'administration américaine propose même une assistance technique afin de mener l'enquête.

Christophe RIGAUD

14 décembre 2011

RDC : "Il faut une contre-expertise des résultats" pour Thierry Vircoulon d'ICG

Après le Centre Carter et l'église catholique, l'Union européenne confirme dans un rapport que les élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC) manquent de transparence. L'opposition congolaise, qui conteste la réélection de Joseph Kabila, a décidé de déposer un recours devant la Cour suprême... sans grand espoir de voir leurs revendications aboutir. Comment faire pour sortir de la crise politique ? Le responsable d'International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique centrale, Thierry Vircoulon, estime pour Afrikarabia qu'il faudrait "une contre-expertise des résultats par un tiers indépendant".

Image 2.png- Afrikarabia : Thierry Vircoulon, vous êtes actuellement à Kinshasa pour l'International Crisis Group, quelle est la situation en RDC, 5 jours après l'annonce de la réélection de Joseph Kabila ?

- Thierry Vircoulon : A Kinshasa, les quartiers qui ont voté pour l'opposition ont un peu la gueule de bois aujourd'hui. Les quelques tentatives de manifestations dans l'Est du pays ont été étouffées dans l'oeuf par les forces de sécurité qui ont maintenant une technique bien rodée pour empêcher tous rassemblement. Au Katanga, il y a des débuts de représailles sur les Congolais originaires du Kasaï, ce qui était malheureusement attendu. Nous sommes actuellement dans une deuxième phase, après les élections, dans laquelle l'opposition cherche une stratégie pour rebondir. L'UDPS semble nourrir des espoirs auprès de la communauté internationale... des espoirs qui ne sont pas forcement fondés. Et si ces espoirs sont déçus, il n' y aura pas 36 choses à faire...

- Afrikarabia : Vital Kamerhe a déposé au nom de l'opposition, un recours devant la Cour suprême congolaise, avec un dossier très complet sur les nombreuses irrégularités du scrutin. Que peut-on attendre de ce recours ?

- Thierry Vircoulon : Strictement rien ! Absolument rien ! L'opposition le sait, mais veut tout de même jouer la carte de la légalité.

- Afrikarabia : Etienne Tshisekedi a en effet qualifié la Cour suprême "d'officine privée au service de Kabila". Comment désamorcer alors la crise politique qui se profile ?

- Thierry Vircoulon : La solution est toujours la même pour International Crisis Group : il faut de la transparence et donc une contre-expertise des résultats. Ce que voudrait l'UDPS, c'est qu'une équipe internationale vienne sur place pour contre-vérifier les résultats. La question étant de savoir, quelle organisation peut faire cela ? Le centre Carter qui a déjà beaucoup travailler sur ces élections pourrait le faire, mais cela dépend évidemment de la position américaine. Ce jeudi au Sénat américain, il y a une audition sur la RDC. Selon moi, ce serait une bonne chose. Mais pour cela, il faudrait une grosse pression politique extérieure sur le président Joseph Kabila. Les américains, l'Union européenne et l'Union africaine doivent être d'accord sur la question.... et ce n'est pas sûr. Il faut ensuite ne pas relâcher la surveillance sur les résultats des élections législatives qui ont été un peu occultées par la présidentielle.

- Afrikarabia : Cette contre-expertise est-elle difficile à réaliser ?

- Thierry Vircoulon : Non ce n'est pas très compliqué techniquement. Par contre, c'est compliqué politiquement Il ne s'agit évidemment pas d'aller recompter tous les bulletins de vote. L'opposition a déjà construit un gros dossier sur le sujet, avec de nombreux cas précis d'irrégularités. Les partis politiques d'opposition peuvent le faire, mais il serait intéressant qu'une expertise soit réalisée par un tiers indépendant... que ce soit le Centre Carter ou une autre organisation spécialisée dans les élections. Mais politiquement, c'est complexe. Le gouvernement congolais joue beaucoup sur la montre en espérant que la contestation va diminuer. Ce que l'on peut tout de même dire, c'est qu'après les rapports du Centre Carter, de l'église catholique et de l'Union européenne qui ont tous dénoncé les résultats de la Commission électorale (CENI), Joseph Kabila est aujourd'hui un président mal élu. Il risque d'y avoir peu de gens importants à son investiture du côté des bancs occidentaux.

- Afrikarabia : Comment peut évoluer la situation ?

- Thierry Vircoulon : Si actuellement, la situation sécuritaire semble tenue, l'année 2012 ne s'annonce pas bien en RDC. Les processus électoraux bâclés qui aboutissent à une impasse politique, on voit ce qui cela donne au Burundi aujourd'hui et en Centrafrique. S'il n'y a pas de problèmes tout de suite, il y a des problèmes plus tard. Au Burundi, il n'y a pas eu de violences juste après les élections, mais deux mois plus tard, la tension est montée crescendo.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Thierry Vircoulon à Paris en octobre 2011 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

13 décembre 2011

RDC : L'UE confirme les irrégularités du scrutin

Après la réélection très contestée de Joseph Kabila à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), la mission envoyée par l'Union européenne (UE) vient de publier son premier rapport. L'UE relève "un manque de transparence et des irrégularités" dans le scrutin. L'Union européenne note que plusieurs résultats observés par ses équipes sur le terrain "ne correspondent pas" avec ceux de la Commission électorale (CENI).

Capture d’écran 2011-12-13 à 22.05.23.pngDans un premier rapport consécutif aux élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo le 28 novembre dernier, l'Union européenne déplore "le manque de transparence et les irrégularités du scrutin, dans la collecte, la compilation et la publication des résultats". Ces irrégularités peuvent-ils inverser la tendance et changer le résultat de l'élection présidentielle ? L'UE ne répond pas à cette question et se contente de lister les problèmes survenus pendant et après le vote :

- la mission d'observation de l'Union européenne observe que près de 3,2 millions d'électeurs ont voté sans être préalablement inscrits sur les listes électorales, sur dérogations ou des listes d'omission, soit plus de 17% des votants (en 2006 ce taux était de seulement 8%),

- la transmission des plis sécurisés à la CENI n'a pas été systématique,

- le système de transmission des résultats pas satellite n'était pas présent partout,

- plusieurs témoins des candidats ou des partis politiques ont été empêchés d'observer l'ensemble des étapes de compilation des résultats,

- 4.875 bureaux de vote (dont 2.020 à Kinshasa) n'ont pas été comptabilisés, soit 7,63% du total national,

- plusieurs résultats de bureaux de vote rendus publics le soir du dépouillement et observés par les équipes de l'UE ne correspondent pas avec ceux publiés par la CENI (la Commission électorale congolaise),

Concernant la réaction des candidats et le refus de l'opposition de reconnaître les résultats de la CENI, l'Union européenne déclare "qu'il est de la responsabilité des acteurs politiques et des institutions congolaises de mener leur propre examen des résultats des élections et d'identifier les solutions à la situation actuelle. La MOE UE poursuit par ailleurs son évaluation attentive de la compilation des élections législatives jusqu'à l'achèvement du processus".

Un rapport final de l'Union européenne sera rendu public après la publication des résultats définitifs des élections législatives, fixée le 13 janvier 2012.

Christophe RIGAUD

12 décembre 2011

RDC : Les drôles de chiffres des élections congolaises

Peut-on croire la validité des résultats de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) ? Les observateurs internationaux parlent "d'irrégularités graves", le Centre Carter va plus loin et estime que les chiffres de la Commission électorale "manquent de crédibilité". Mais derrière l'organisation chaotique, voir surréaliste du scrutin, se cache de chiffres "suspects", notamment sur la participation.

Capture d’écran 2011-12-12 à 20.48.54.pngEn lisant le rapport du Centre Carter sur le déroulement des élections en République démocratique du Congo, on ne peut qu'être dubitatif sur le crédibilité des résultats annoncés par la Commission électorale congolaise. La CENI a en effet proclamé vendredi la victoire (provisoire) du président sortant Joseph Kabila (48,95%) face à l'opposant Etienne Tshisekedi (32,33%). Dans un long rapport, le Centre Carter et ses 70 observateurs ont noté  des "irrégularités graves" dans le fonctionnement des Centres locaux de compilation (CLCR), chargés de rassembler les résultats des quelques 64.000 bureaux de vote.

Organisation chaotique

L'organisation du scrutin s'est effectuée avec beaucoup de retard et dans le plus grand désordre. L'International Crisis Group prévoyait des élections "bâclées"… le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles l'ont été. Le Centre Carter relève de nombreux problèmes à Kinshasa, favorable Etienne Tshisekedi, et à Lubumbashi, où Joseph Kabila a fait des scores très élevés.

Le Centre Carter note qu'à Kinshasa (favorable à l'opposition) "près de 2.000 plis de résultats de bureaux de vote ont été perdus (environ 350.000 électeurs) et ne seront jamais comptés", et que 1.000 autres plis ont été égarés dans le reste du pays (environ 500.000 électeurs). Au Katanga, le Centre Carter note le cas de la circonscription de Malemba-Nkulu, "où le taux de participation est de 99,46%, et Joseph Kabila y totalise 100% des voix" ! C'est également le cas dans de nombreux autres bureaux du Katanga.

En revanche, au Kasaï occidental, la région d'origine d'Etienne Tshisekedi, l'UDPS a obtenu de très bons scores, "mais avec des taux de participation inférieurs à la moyenne nationale", qui était de 58,81%.

Chiffres "suspects"

Capture d’écran 2011-12-12 à 20.54.02.pngDans son blog Congo Siasa, Jason Stearns relève quelques données "incongrues" dans les chiffres avancés par la CENI, la Commission électorale, présidé par un proche du président Kabila. Certains observateurs ont déclaré à Jason Stearns avoir détecté des "taux de participation suspects". Les observateurs ont tout simplement multiplié le nombre de votants par le nombre de minutes nécessaires au vote. Si le total est supérieur à 20 heures d'ouverture de bureau de vote, "il est probable que quelque chose n'allait pas dans ce bureau", résume Jason Stearns. Le blogueur note également des taux d'enregistrement sur les listes électorales anormalement élevés (plus du double du taux de croissance national). A Manono, le nombre d'électeurs a augmenté de 52%, alors que la croissance nationale augmentait de 26%… et les cas sont très nombreux dans les régions réputées pro-Kabila.

Une ONG belge, l'APRODEC, note également des bizarreries au niveau des résultats du vote dans l'Equateur (très opposée au président Kabila). Alors que "le taux de participation est inférieur à celui de 2006, que le nombre de suffrages exprimés est aussi inférieur à celui de 2006 et que trois personnes originaires de ladite Province (Nzanga Mobutu, Kengo wa Dondo et Adam Bombole) se sont portés candidats, Joseph Kabila parvient tout de même à augmenter son score de 2006 de 342 % ! (69.563 voix en 2006 et 238.169 voix en 2011).

De manière générale, on note une augmentation très forte des inscrits et de la participation dans les zones proches de Joseph Kabila et un enrôlement plus faible et une participation moindre dans les régions plutôt favorables à l'opposition… On voit bien que si des tentatives de fraudes ont bien eu lieu, c'est en "gonflant" artificiellement le vote pro-Kabila et en "minorant" le vote Tshisekedi que le tour de passe-passe a pu s'opérer. Notamment dans les fameux Centres de compilation, où le Centre Carter a observé "des sacs de bulletins empilés, piétinés ou renversés sur le sol…" (voir photo). L'ONG américaine estime pour le moment que ces constatations "ne remettent pas en cause l'ordre des résultats des candidats tels qu'annoncés par la CENI". Car la difficulté dans cette histoire, c'est qu'il sera très difficile, voir impossible à l'opposition de prouver toutes ces irrégularités devant la justice. Deux raisons à cela : une partie des preuves ont été perdues, ainsi que les PV… et la Cour suprême, seule juge dans cette affaire, est largement composée de proche du président Kabila.

Christophe RIGAUD

Photos : Centre de compilation au Katanga (c) DR

11 décembre 2011

La RDC à L'heure de la contestation

Le scénario catastrophe des élections en République démocratique du Congo (RDC) était écrit depuis plusieurs mois. Irrégularités, fraudes, violences et contestations ont déjà fait 4 morts à Kinshasa, 24 heures seulement après l'annonce de la victoire de Joseph Kabila. L'opposition n'a que peu de recours pour contester le scrutin : la Cour suprême, favorable au président Kabila... ou la rue.

Logo Elections 2011.jpgVendredi 9 décembre 2011, la Commission électorale congolaise (CENI) a annoncé avec 3 jours de retard la victoire (prévisible) de Joseph Kabila avec 48,95% des voix, contre 32,33% pour son opposant le plus sérieux, Etienne Tshisekedi. Des résultats « provisoires » rejetés en bloc pour l'opposition, qui considère Tshisekedi comme le seul « président élu de la RD Congo ». Mais depuis la révision constitutionnelle qui faisait passer l'élection présidentielle de  deux à un seul tour, un scénario écrit d'avance se profilait : celui d'élections taillées sur mesure pour la réélection du président Joseph Kabila. La fin du scénario était également prévisible : le deuxième tour risquait de se dérouler dans la rue. Deux jours après l'annonce des résultats, le bilan est déjà de 4 morts à Kinshasa.

La contestation se jouera ensuite mardi à la Cour suprême du pays, où les candidats pourront déposer des recours pour irrégularités ou fraudes... et les cas ne manquent pas. Les 70 observateurs du Centre Carter ont noté des « irrégularités graves »... pour conclure : « les résultats de la CENI relèvent plusieurs données qui manquent de crédibilités ». Des exemples, parmi d'autres : le Katanga, où à Malemba la participation était de 99,46% et Joseph Kabila réalise un score de 100%. Par contre au Kasaï occidental, réputé proche de Tshisekedi, la participation est particulièrement faible (58,81%). Enfin à Kinshasa, hostile au président Kabila, « 2.000 plis représentants plus de 350.000 électeurs ont été perdus et ne seront jamais comptés » selon le Centre Carter. 500.000 voix ont également été « égarées » dans le reste du pays.

Malgré l'organisation chaotique du scrutin, l'opposition aura beaucoup de mal à contester le scrutin devant la Cour suprême. Deux raisons à cela : les irrégularités sont tellement nombreuses et la logistique tellement anarchique qu'il sera très difficile de prouver quoique ce soit devant la Cour suprême (pas de chiffres fiables, bureaux de votes fermés, bulletins perdus, doublons sur le fichier électoral...). Deuxième difficulté pour prouver la fraude : Joseph kabila a remplacé il y a quelques mois la majorité des membres de la Cour suprême de république démocratique du Congo. Il semble que les nouveaux membres sont très « proches » du parti présidentiel.

Dans ce contexte, la marge de manœuvre est courte pour l'opposition congolaise : contester « l'incontestable » face une Cour suprême « noyautée » par le président sortant, ou recourir à « la rue » au risque d'enfoncer le pays dans une spirale de violence. Tshisekedi ne peut pas non plus compter sur la communauté internationale pour se tirer d'affaire. Les grandes puissances ne peuvent que se contenter de ces élections imparfaites qu'elles ont voulu à tous prix, et elles ne peuvent justifier l'utilisation de la violence. Autant dire que la sortie de crise n'est pas pour demain... Le nom du nouveau président de la République démocratique du Congo sera officiellement annoncé le 17 décembre par la Commission électorale.

Christophe RIGAUD

09 décembre 2011

RDC : Comment sauver les élections ?

Après l'annonce plusieurs fois reportée de la probable réélection de Joseph Kabila, la République démocratique du Congo (RDC) a toutes les chances de s'enfoncer dans une crise politique "qui pourrait replonger le pays dans la violence". C'est l'analyse que livre l'International Crisis Group (ICG) après les élections chaotiques en RDC. L'ONG propose que les Nations unies, l'Union africaine et l'Union européenne entament "une médiation entre les dirigeants congolais" afin d'éviter le pire.

Image 2.pngDepuis plusieurs mois, l'International Crisis Group tire la sonnette d'alarme sur le risque de crise politique violente en République démocratique du Congo. Dans un communiqué, l'ONG rappelle tous les ingrédients qui font de ce scrutin des élections contestables :

- le "déséquilibre politique en faveur de Joseph Kabila",
- la modification de la constitution qui permis la mise en place d'un scrutin à un seul tour, beaucoup plus favorable au président sortant, les voix de l'opposition se trouvant "éparpillées",
- la nomination de "fidèles du pouvoir nommés à la Commission électorale (CENI) et à la Cour suprême",
- l'interdiction d'accès aux listes électoralesà l'opposition et aux observateurs,
- les médias "contrôlés par l'Etat (qui) ont battu le rappel pour le président"...

Malgré ce contexte très favorable à sa réélection, International Crisis Group note que Joseph Kabila est "largement moins populaire que lors de sa victoire en 2006 (et) fait face à une rude compétition, notamment de la part du vétéran de l’opposition Etienne Tshisekedi". L'ONG rappelle aussi que d'autres candidats, comme Vital Kamerhe, menace de "rafler les voix de Kabila aux Kivus (voix qui ont été cruciales pour sa victoire il y a cinq ans)" et de conclure : "la réélection du président sortant est loin d’être assurée". Pourtant, en conférence de presse, Joseph Kabila affirme "être sûr de ne pas perdre le scrutin". La crainte d'une fraude massive plane donc sur le scrutin.

Le jour du vote, le 28 novembre dernier, International Crisis Group, comme l'ensemble des observateurs et des journalistes présents sur place ne peuvent que constater la "gestion chaotique" du scrutin, des violences localisées et des fraudes ont été signalées (intimidation des électeurs, bourrages d’urnes...)". ICG relève ensuite que "le décompte a été aussi chaotique que le vote, et dangereusement opaque. Les critères pour invalider les bulletins de vote ne sont pas clairs, et Kinshasa (un fief de l’opposition) semble être particulièrement concerné". La Commission électorale (CENI) refuse également de publier "les résultats par bureaux de vote, ce qui permettrait aux partis d’opposition et aux observateurs de les vérifier dans le détail"... avant de conclure : "l’impression que les résultats sont falsifiés à huis clos serait un désastre".

Alors que faire ? Comment résoudre ce qui semble être devenu un casse-tête congolais ? Comme souvent dans ces circonstances, on se tourne vers la communauté internationale. Et comme souvent en Afrique, on note "un faible engagement africain et international", observe International Crisis Group. "Malgré des violations des droits de l’homme lors de la campagne, rapportées par le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme, la mission de l’ONU, la Monusco, s’est montrée peu disposée à critiquer ouvertement le gouvernement et les autorités électorales" note l'ONG. Les bailleurs de fonds (très présents en RDC) et qui ont financé une partie du scrutin "ont largement échoué à empêcher le renforcement du pouvoir de Kabila".

Pour trouver une solution, ICG demande une "action internationale et régionale d’urgence pour sauver les élections et persuader les dirigeants congolais de s’abstenir de recourir à la violence". Deux tâches qui ne s’annoncent pas faciles. Le "think tank" propose plusieurs mesures pour tenter de sortir de la crise :

- "la commission électorale doit compter les bulletins de vote de manière transparente (...). Elle doit publier les résultats de chaque bureau de vote, pour permettre une vérification indépendante",
- "les autorités doivent expliquer clairement comment les partis politiques et les observateurs ont la possibilité de contester les résultats de chaque bureau de vote (...),
- "tous les dirigeants congolais doivent éviter les discours haineux. Etant donné que les manifestations vont sans doute devenir violentes, les dirigeants de l’opposition ne doivent pas appeler à manifester après l’annonce des résultats",
- "si des manifestations ont lieu, les forces de sécurité doivent s’abstenir de faire usage d’une force excessive. Toute violence doit faire l’objet d’une enquête par des organisations de droits de l’homme congolaises et internationales, ainsi que, si cela est approprié, par la CPI",
- "l’ONU, l’UA et l’UE doivent envoyer immédiatement une médiation de haut niveau entre les parties. Un accord de partage du pouvoir n’est pas souhaitable. Les médiateurs doivent explorer des options pour un mécanisme alternatif de règlement du contentieux électoral ou pour une supervision indépendante des mécanismes existants (éventuellement sous les auspices de l’UA et avec un soutien international). Ils doivent également trouver un moyen d’éviter une crise constitutionnelle puisque le mandat de Kabila expire cette semaine",
- "l’ONU, les bailleurs de fonds et les dirigeants régionaux doivent éviter les déclarations qui légitiment des résultats contestables et détruisent le peu de crédibilité qui leur reste au Congo (...). Aucun dirigeant ne doit être félicité tant que tous les différends électoraux ne sont pas résolus",
- "l’ONU doit déployer des casques bleus supplémentaires dans les provinces de l’Ouest et à Kinshasa, sinon elle risque d’échouer à remplir son mandat de protection des civils".

Les résultats provisoires des élections doivent être annoncés ce vendredi 9 décembre par la Commission électorale (CENI). La proclamation officielle du vainqueur doit se faire le 17 décembre et le nouveau président devra prêter serment le 20 décembre... si le calendrier électoral est respecté.

Christophe RIGAUD

Pour lire le rapport complet de l'International Crisis Group CLIQUEZ ICI

08 décembre 2011

RDC-Elections : Les résultats publiés vendredi 9 décembre

Afrikarabia logo.pngNouveau report des résultats de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). La Commission électorale congolaise (CENI) a annoncé la publication de ces résultats vendredi 9 décembre. Ce jeudi, 3 de l'UDPS, le parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi, ont été tués jeudi lors d'affrontements avec la police à Limete, le quartier de Kinshasa où réside Tshisekedi.

RDC : FreeFairDRC publie une carte "anti-fraude électorale"

Le président sortant Joseph Kabila devrait être désigné aujourd'hui vainqueur de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Après une fin de campagne marquée par des violences meurtrières et un scrutin organisé de façon chaotique, avec des nombreuses irrégularités et des accusations de fraudes, l'opposition devrait contester les résultats. Le site internet FreeFairDRC vient de publier une cartographie édifiante des "incidents électoraux".

Image 2.pngEn organisant les deuxièmes élections "démocratiques" en RDC, la Commission électorale (CENI) avait promis un scrutin impartial et transparent. Au regard des nombreuses irrégularités et incidents relevés par le site FreeFairDRC (élections libres en RDC), on peut sérieusement douter de la crédibilité des résultats des élections congolaises. L'opposition récuse déjà les résultats partiels donnés par la CENI ces derniers jours.

Image 3.pngLa carte du site FreeFairDRC contient des dizaines d'irrégularités, d'allégations de fraudes, d'incidents de violences à travers tout le territoire. Une cartographie alimentée par les médias, nationaux et internationaux, mais aussi par les nombreux observateurs, dont le Carter Center, l'église catholique ou l'Union européenne. FreeFairDRC relève actuellement plus de 80 "incidents", mais leur collecte n'est pas terminée, les responsables du site continuent d'appeler "les citoyens congolais" à déclarer toutes ces irrégularités en se connectant sur internet : www.freefairdrc.com/fr

Christophe RIGAUD

06 décembre 2011

RDC-Elections : Les résultats annoncés jeudi

Afrikarabia logo.pngLe suspens est maintenu par la Commission électorale (CENI) au sujet des résultats de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Prévus mardi, jour de la fin du mandat de Joseph kabila, les résultats ne seront connus que jeudi soir, selon la CENI. Le climat est tendu tendu à Kinshasa, où de nombreux Congolais ont continué à fuir vers Brazzaville, craignant une flambée de violence à l'annonce des résultats. Selon les derniers chiffres partiels, Joseph Kabila, serait réélu avec 49% des voix devant Etienne Tshisekedi, 33,3%. L'opposition rejette ces chiffres depuis le début du décompte.

Nouveaux incidents à l'ambassade de RDC à Paris

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Mardi 6 décembre, deux policiers ont été blessés par les militants anti-Kabila devant l'ambassade de la République démocratique du Congo (RDC) à Paris . Des incidents ont ensuite éclaté avec la police, une voiture a été retourné. Hier, lundi, une cinquantaine de d'opposants congolais s'étaient déjà introduits dans les locaux de l'ambassade parisienne, avant d'être évacués par la police en fin de journée. A Bruxelles et Londres, des échauffourées se sont produites entre militants anti-Kabila et forces de l'ordre. En Belgique, ces incidents ont fait 3 blessés et une centaine personnes ont été arrêtés.

RDC : Une ONG dénonce des "enlèvements planifiés" à Kinshasa

Dans un climat post-électoral électrique en République démocratique du Congo (RDC), une ONG congolaise s'inquiète de la disparition de militaires et de civils depuis début décembre. Selon la Voix des Sans-Voix (VSV), plusieurs cas d'enlèvements ont été signalés alors que le pays s'attend à une violente contestation des résultats électoraux.

Capture d’écran 2011-12-06 à 21.51.39.pngLa Voix des Sans-Voix, une ONG congolaise pour pour les droits de l’homme exprime "ses vives inquiétudes sur la vie et la sécurité des militaires des Forces Armées de la RDCongo (FARDC) et civils, victimes d'actes d’enlèvements à Kinshasa, de la part des hommes armés en uniforme depuis le début du mois de décembre 2011".

L'ONG révèle plusieurs cas d'enlèvements. De nombreuses personnes ont été enlevées "à leur domicile", comme le capitaine Musangilayi Kabongo, qui a été embarqué "par 6 hommes armés sans mandat vers une destination inconnue".

Toujours selon la Voix des Sans-Voix,  les autres victimes ont été enlevées au camp militaire Kokolo "après que les assaillants aient réussi à entrer dans leurs domiciles après avoir cassé les portes d’entrée. Avant d’emmener les victimes, les hommes armés ont administré de mauvais traitements ainsi qu’à leurs proches et membres de famille trouvés sur place. A la même occasion, des fouilles systématiques vaines ont été faites dans les domiciles des victimes sous prétextes de rechercher des armes de guerre et munitions y cachées. Les victimes ont été embarquées dans une jeep des FARDC (armée régulière congolaise, ndlr) et conduites vers une destination inconnue".

Après recherches, l'ONG congolaise retrouve la trace des victimes, "en détention, au secret dans le cachot de l’ex DEMIAP sis Kinshasa/Kintambo dans des conditions inhumaines. Privées de la nourriture et toutes autres visites des membres de familles, avocats, défenseurs des droits de l’homme".

Pour la VSV, des informations font état "d'enlèvements planifiés de plusieurs militaires des Forces Armées de la RDCongo (FARDC) et agents de la Police Nationale Congolaise (PNC) dont plusieurs seraient déjà gardés au secret dans des cachots de la DEMIAP, du camp Tshatshi, du Camp militaire Kokolo, de l’immeuble Groupe Litho Moboti (GLM)… ne dépendant pas de parquets".

La VSV craint que ces enlèvements des militaires et de policiers pendant la campagne électoral des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 "ne soient liés au contexte politique actuel de la RDCongo". L'ONG craint pour la sécurité et la vie de ces personnes, "exposées, désormais, au risque d’exécution sommaire et extrajudiciaire, de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants". L'ONG demande "la localisation de ces militaires, la garantie de leur intégrité physique et l'ouverture d'une enquête indépendante en vue de faire toute la lumière sur ces enlèvements de militaires et de civils".

Christophe RIGAUD

05 décembre 2011

L'ambassade de RDC à Paris envahie par des opposants congolais

Lundi 5 décembre, en milieu de matinée, de petits groupes d'opposants congolais se sont introduits dans l'ambassade de République démocratique du Congo (RDC) à Paris. Une cinquantaine de  militants anti-Kabila a ensuite investi les locaux de l'ambassade, criant le nom de l'opposant Etienne Tshisekedi. Le personnel de l'ambassade a été évacué et le quartier bouclé par d'importantes forces de police. Les manifestants ont été évacués en fin de journée.

Drapeau RDC.gifPlus tôt ce lundi, c'est l'ambassade de RDC en Afrique du Sud qui a été l'objet de violences avec la police sud-africaine. A 24 heures de l'annonce des résultats de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo, une rumeur circulait selon laquelle "les résultats de l’élection seraient annoncés en Afrique du Sud et non en RDC".

Christophe RIGAUD

04 décembre 2011

RDC-Elections : Kinshasa se prépare au pire

A 24 heures de l'annonce des résultats provisoires de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), la capitale congolaise craint une flambée de violences post-électorales. Face à un président sortant, Joseph Kabila, sûr de sa réélection et l'opposant Etienne Tshisekedi qui crie déjà victoire, les lendemains d'élections sont particulièrement redoutés à Kinshasa. Plus de 3.000 Congolais ont déjà fui vers Brazzaville.

filtre DSC04058.jpgL’attente de la publication des résultats du scrutin présidentiel, mardi 6 décembre (ou mercredi), suscite la crainte chez de nombreux Kinois qui se ruent vers Brazzaville, la capitale voisine. Depuis vendredi, "une traversée inhabituelle" a été constatée au "Beach" de Brazzaville, ont déclaré des gardes frontières à l'agence Xinhua. L'Agence France Presse parle déjà de 3.000 personnes, ce dimanche. Il faut dire que les habitants de Kinshasa ont encore en mémoire les violents affrontements qui avaient opposé le camp Kabila, aux milices de Jean-Pierre Bemba, après la présidentielle de 2006 (élection qui avait déjà été contestée).

Le situation sécuritaire devient extrêmement tendue avant l'annonce des résultats, qui pourraient d'ailleurs être reportés mercredi. Le couvre-feu est désormais en vigueur dans le centre du pays, à Mbuji-Mayi (fief de l'opposant Tshisekedi) et la Garde républicaine s'est déployée à Lubumbashi, au Katanga, réputée pro-Kabila. Depuis vendredi soir, les Congolais sont également privés du service de SMS par l'ensemble des opérateurs téléphoniques. Le ministre de l'intérieur a expliqué vouloir "préserver l'ordre public" à l'approche des résultats et évité la circulation de "faux résultats".

Pendant ce temps, loin de rassurer une population déjà sous tension, les évêques de l'église catholique congolaise ont comparé la situation de leur pays à "un train qui va droit dans le mur". Très inquiet de la tournure que prennent les événements, Monseigneur Monsengwo a condamné "les agissements de peur et d'énervement posés par les sympathisants des acteurs politiques et qui frisent la barbarie pendant la période électorale".

Il faut dire que l'annonce de résultats partiels avant la date prévue par la CENI n'a pas arrangé les choses : la Commission électorale a en effet déclaré samedi que le président sortant Joseph Kabila "obtenait 51% des voix" et son principal rival "Etienne Tshisekedi 34%" selon les résultats provisoires portant sur un tiers des bureaux de vote. Faux ! rétorque l'opposition, pour qui, selon ses décomptes, Etienne Tshisekedi serait "loin devant Kabila". On s'achemine donc vers une inexorable contestation des résultats faisant craindre une flambée de violence dans les grandes villes du pays. Le journal français Le Monde titrait déjà il y a 4 jours : "la guerre civile menace en RDC".

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

03 décembre 2011

RDC-Elections : Les Congolais privés de SMS

En pleine attente des résultats de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), le service de SMS a été suspendu chez tous les opérateurs téléphoniques congolais. Le ministre de l'Intérieur explique que la décision de suspendre les SMS a été prise "pour préserver l'ordre public" et ce "jusqu'à nouvel ordre".

Capture d’écran 2011-12-03 à 22.43.00.pngLes résultats des élections présidentielles parviennent à Kinshasa au compte-gouttes des provinces dans un mélange explosif de tensions et de désordres, survenus notamment pendant les opérations de dépouillement. Sur internet et par SMS, les différents partis politiques font circuler des "estimations informelles" sur leur candidats. Les partisans du candidat d'opposition Etienne Tshisekedi crient déjà victoire sur la foi des informations remontées par leurs observateurs des différents bureaux de vote du territoire (64.000 au total). Dans le camp présidentiel, les soutiens de Joseph Kabila affirment que leur candidat sera réélu "à plus de 50%". Dans tous les cas de figure, on s'achemine vers une contestation des résultats et la crainte d'une flambée de violence, notamment à Kinshasa, au Kasaï ou au Katanga. L'avant-veille du scrutin, les violents affrontements entre militants politiques et forces de l'ordre avaient fait au moins 10 morts et une centaine de blessés.

Dans un climat de tension extrême, ou les deux camps fourbissent leurs armes avant l'annonce des résultats, la décision de couper le service des SMS sur tous le territoire est diversement vécue par les Congolais. Chez les pro-Kabila, on estime que cette mesure évitera la propagation de rumeurs "susceptible d'accroître tension et le chaos dans le pays", selon le ministre de l'intérieur, interrogé sur Radio Okapi. Pour l'opposition, il s'agit ni plus ni moins de "censure inacceptable". Le Réseau national des ONG des droits de l’homme (Renadhoc) a dénoncé "une aliénation d’un droit garanti par la constitution et les textes internationaux ratifiés par la RDC". Les Congolais sont donc privés de SMS depuis ce samedi et ce "jusqu'à nouvel ordre", selon les autorités congolaises.

Christophe RIGAUD