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07 septembre 2011

Kagame-Sarkozy : la rencontre de deux pragmatismes ?

Les 12 et 13 septembre prochains, le président rwandais, Paul Kagame,  sera à Paris pour une première visite d'Etat. Une visite très controversée, voulue par Nicolas Sarkozy. Jean-François Dupaquier, journaliste, écrivain (1) et expert auprès du Tribunal pénal  international pour le Rwanda (TPIR) décrypte pour AFRIKARABIA les difficiles relations franco-rwandaises. Dernier volet d'une série de trois entretiens.

Photo Jean-François Dupaquier.png- AFRIKARABIA :  Jean-François Dupaquier, nous abordons la dernière partie de cette interview sur la situation actuelle au Rwanda. Et sur les attentes – ou les craintes – que suscite la visite de Paul Kagame à Paris dans quelques jours.

- Jean-François DUPAQUIER : Concernant les craintes - réelles ou feintes -  j’observe que les sempiternels débats autour du « Rapport Mucyo » ont été remis sur le tapis par l’association France Turquoise. Alors que depuis la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali en février 2010, les Rwandais évitent ce sujet de discorde. La visite « de courtoisie » de Kagame à Paris sera plutôt l'occasion d’imaginer comment la France et le Rwanda peuvent   travailler ensemble, en particulier dans le business, en s'appuyant sur les progrès que le Rwanda a fait dans les dix-sept dernières années et l’argent qu’il peut investir. Qui voudrait sérieusement empêcher les entreprises incarnant l’excellence française comme Total, Orange, Bouygues, Dassault, etc., de reprendre pied dans un pays qui est en train de devenir un “petit dragon” d’Afrique. Et à travers le Rwanda, quelles entreprises françaises répugneraient à améliorer leurs positions dans l’immense marché d’Afrique de l’Est et du Centre

- AFRIKARABIA :  “Petit dragon d’Afrique”, le Rwanda ?

- Jean-François DUPAQUIER : Pas encore, mais ce n’est pas une surprise pour tous ceux qui fréquentent le Rwanda, mais un projet méconnu en France. Par exemple, à l’exception d’Afrikarabia, je n’ai rien lu sur la rencontre des présidents de l’Ouganda et du Rwanda le 30 juillet et leur alliance stratégique qui devrait profondément marquer la géopolitique de l’Afrique centrale et de l’Est.

- AFRIKARABIA : Cet accord stratégique porte sur quoi ?

- Jean-François DUPAQUIER : L’un des points essentiels va vous surprendre : l’accès du Rwanda au haut débit. Depuis plusieurs années on a installé la fibre optique un peu partout, dans l’espoir de promouvoir des emplois dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et pour améliorer le niveau des connaissances. Or aujourd’hui à Kigali le débit reste faible, au point de rendre le téléchargement de « pièces jointes » de facto impossible. Le problème vient de l’Ouganda, où il manque une vingtaine de kilomètres de câbles à très haut débit pour faire la soudure avec la côte de l’Océan indien, elle-même reliée au câble sous-marin.

- AFRIKARABIA :  Pourquoi personne ne signale l’enjeu des NTIC pour un pays comme le Rwanda ?

- Jean-François DUPAQUIER : Visiblement, parler des NTIC au Rwanda est supposé ne pas intéresser le public français. On préfère resservir une énième version de la « querelle Hutu-Tutsi » et ses avatars. Or cette question du haut débit est presque vitale pour un pays dont Kagame conduit la modernisation à marches forcées, et qui vise mieux que l’augmentation annuelle du PNB de 7 à 8% - augmentation constatée ces dernières années et au premier semestre 2011.
A terme, le haut débit peut augmenter encore le PNB du Rwanda de 1 à 3 points annuels. Il rejoindrait alors la Chine et Singapour dans le peloton de tête de la croissance annuelle. Déjà internet est au Rwanda un enjeu majeur. Sait-on que le plus modeste agriculteur rwandais déclare déjà par internet ses revenus au “Rwanda Revenue Authority”, l’administration fiscale qui s’est elle-même totalement informatisée ?

- AFRIKARABIA : Dix-sept ans après, le Rwanda a-t-il tourné la page du génocide ?

- Jean-François DUPAQUIER : Parlons de son président et de son volontarisme. On voit bien qu’il aimerait tourner cette page, sans y parvenir.  C’est un problème évoqué ouvertement, y compris lors des sermons du dimanche dans les églises.

- AFRIKARABIA :  – Qui est Paul Kagame ?

- Jean-François DUPAQUIER : On évoque souvent « l’intransigeance de Kagame ». Il n’est pas un démocrate. Combien de chefs d’Etat le sont en Afrique ? Ce n’est pas non plus un  séducteur. Il préfère agir par la force et par le mystère qu’il cultive. Son autoritarisme, sa part d’ombre, fascinent l’opinion. En 1994, par un tour de force il a conduit à la victoire l’armée rebelle et ainsi mis fin au génocide. Le journaliste américain Philippe Gourevitch l’appelle « un autoritaire sans complexes ». L'écrivain sénégalais Boubacar Diop dit : « Il a du caractère, et son leadership a été décisif après le génocide. Si certains le haïssent de manière aussi irrationnelle, c'est parce qu'ils attendent d'un chef d'Etat africain qu'il soit jouisseur, corrompu et surtout docile. Kagame ne correspond en rien à cette image. »
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est l’intransigeance de Paul Kagame sur la nécessité du développement. Tout le reste y est subordonné et la pression sur la population, énorme. Chacun doit « mouiller sa chemise » pour moderniser le Rwanda, à commencer par le président lui-même, un véritable « malade du travail ».

- AFRIKARABIA : Vous évoquez la pression qui s’exerce sur la population. Beaucoup observent que la « société civile » est réduite à sa plus simple expression, de même que l’espace démocratique ?

- Jean-François DUPAQUIER : La pression  s’exerce sur tous, à commencer par les fonctionnaires, les militaires, les policiers. Ils ont été profondément professionnalisés. La corruption a disparu, ou alors elle est invisible et très subtile. Les fonctionnaires sont soumis à un examen d’évaluation annuel. Celui qui le rate est limogé. Aussi la plupart enchaînent les cours du soir après le bureau. Le dimanche 14 août, les fonctionnaires ont travaillé pour « rattraper » le 15 août - qui reste férié comme le veut l’Eglise. Kagame, qui déclarait urbi et orbi que prier est une perte d’énergie et de temps, évite à présent de se mettre l’Eglise à dos.

- AFRIKARABIA : Effectivement, ce n’est pas l’image du Rwanda en France, où on ne parle que du génocide et des polémiques qu’il continue de susciter ?

- Jean-François DUPAQUIER : Ce qui frappe, c’est qu’étudiants, fonctionnaires ou employés du secteur privé, tous les Rwandais travaillent avec acharnement. Ce qui permet de financer des avancées sociales : la scolarité a été rendue gratuite durant les sept premières années, pratiquement tous les enfants vont à l’école, filles comme garçons. Tous les Rwandais bénéficient d’une mutuelle de santé moyennant environ 1 euro par mois (gratuit pour les indigents), et le système de santé est devenu vraiment performant.

- AFRIKARABIA : La famine frappe la Corne de l’Afrique à moins de mille kilomètres du Rwanda. Le pays est-il autosuffisant sur le plan alimentaire ?

- Jean-François DUPAQUIER : La famine était endémique sous Habyarimana à la fin des années 1980. Il se justifiait en disant que le pays était surpeuplé. Depuis, la population a presque doublé mais la famine a disparu grâce à une meilleur gestion des cultures.
Tout ceci ne justifie évidemment pas l’absence de libertés politiques, mais constitue le fondement d’un essor sans précédent. Un peu comme la Chine et Singapour qui présentent le même déficit démocratique sans susciter la campagne passionnée dont le régime de Kagame est la cible, en France particulièrement.

- AFRIKARABIA : Le surpeuplement pose néanmoins problème ?

- Jean-François DUPAQUIER : Evidemment, mais même le surpeuplement peut être géré. Prenons le cas du cadastre. Depuis l’indépendance, il n’y avait pas d’autre référence cadastrale que les cartes belges conservées à Tervuren et numérisées. On disait le cadastre impossible. Or d’ici trois ans, la totalité de la surface du pays sera couverte par un relevé cadastral. Ce dossier n’est pas pittoresque mais simplement crucial. Dans un pays rural surpeuplé, l’absence de cadastre entretient des conflits fonciers qui ont contribué, en 1994, à l’acharnement des tueurs dans les campagnes. Le cadastre, c’est donc la pacification de la société. Evitons l’énumération en nous contentant d’observer que le projet global « Rwanda 2020 » est très ambitieux. Même si la crise financière mondiale va certainement le ralentir.

- AFRIKARABIA : Le régime que vous décrivez doit plaire à Nicolas Sarkozy ?

- Jean-François DUPAQUIER : Paul Kagame et Nicolas Sarkozy ont bien des points communs dans la volonté de changer les lignes, dans l’ambition pour leur pays. Au Rwanda, la politique africaine traditionnelle de la France, celle des réseaux obscurs, du mélange des genres, du copinage et de l’affairisme sur le dos des peuples africains, ça ne marche plus. Sarkozy, qui n’a de toute évidence aucun complexe dans ce domaine – malgré le « discours de Dakar, il est plutôt un pragmatique -, l’a bien compris. Même s’il ne crache pas, ailleurs, sur la “Françafrique” et ses rentes.

- AFRIKARABIA : Kagame a très récemment déclaré à Jeune Afrique à propos de la Côte d'Ivoire : « Le fait que, cinquante ans après les indépendances, le destin du peuple ivoirien, mais aussi son économie, sa monnaie, sa vie politque, soient encore contrôlés par l'ancienne puissance coloniale pose problème. Plus je regarde [les Ivoiriens], et plus je vois l'ombre d'un metteur en scène étranger. » Ca ne va pas provoquer un couac ?

- Jean-François DUPAQUIER : Le chef de l’Etat rwandais est-il vraiment prisonnier de son nationalisme ombrageux ? Paul Kagame a aussi soutenu l’intervention de la France et de l’Otan en Libye, à la différence de Museveni et de bien d’autres en Afrique noire..

- AFRIKARABIA : Que peut apporter la visite du président rwandais à Paris les 12 et 13 septembre ?

- Jean-François DUPAQUIER : Malgré certains propos arrogants, il est clair que l’Etat rwandais attend beaucoup de cette visite sur un plan économique. Dans le cadre d’intérêts réciproques il semble s’apprêter à proposer à la France de renforcer sa présence au Rwanda.

- AFRIKARABIA : Quel intérêt pour la France ?

- Jean-François DUPAQUIER : Nous avons des atouts technologiques que les Rwandais recherchent. Par exemple en matière de géothermie, pour fabriquer de l’électricité. Une ressource abondante dans ce pays volcanique.
Les ingénieurs français apparaissent aussi parmi les plus compétents pour résoudre l’énorme problème du gaz méthane dans le lac Kivu. Son eau renferme une concentration inquiétante de gaz qui s’accumule au fond, ce qui pourrait déboucher sur une tragédie humaine et écologique majeure, bien pire que l’éruption limnique du lac Nyos au Cameroun en 1986. Récupérer le gaz donnerait aussi au Rwanda une plus grande indépendance énergétique. Des Français travaillent déjà sur ce dossier.
Dans la téléphonie, un secteur où les sociétés françaises brillent en Afrique mais sont très concurrencées par l’Afrique du Sud et la Chine, le Rwanda offre des opportunités. On parle d’une entrée d’Orange dans le capital de Rwandatel...

- AFRIKARABIA : Parmi les reproches entendus en France, le Rwanda aurait “trahi” la francophonie en intégrant le Commonwealth ?

- Jean-François DUPAQUIER : C’est un dossier épineux. Entre 2006 et 2009, profitant de la rupture des relations diplomatiques, certains dignitaires rwandais revenus d’Ouganda parlaient d’éradiquer le français. A Paris, il y a aussi des irrédentistes qui assimilent la francophonie au Rwanda à une prétendue “cause hutue”. Ce sont des excès que des rencontres de chefs d’Etat peuvent bloquer. Car la perte d’influence du français n’est pas une fatalité. La réouverture complète du Centre culturel franco-rwandais est très attendue à Kigali. Elle bute aujourd’hui sur des problèmes fonciers subalternes et un tragique dénuement budgétaire. Cela fait partie des dossiers qui ne trouveront leur solution que si Nicolas Sarkozy secoue sa part de pesanteurs bureaucratiques, et si les Rwandais cessent de faire des histoires autour de titres de propriété égarés.
Enfin, relativisons la querelle de la francophonie. La langue nationale au Rwanda, aujourd’hui comme hier, c’est le kinyarwanda, ce n’était pas le français et ce n’est pas l’anglais. Et la monnaie nationale, c’est toujours... le Franc !

- AFRIKARABIA : Quels avantages diplomatiques la France peut-elle tirer de la venue de Paul Kagame à Paris ?

- Jean-François DUPAQUIER : D’abord, tourner la page du génocide, n’en déplaise aux irréductibles. Paris peut espérer rebattre à son avantage les cartes diplomatiques dans toute la région, et en tirer des avancées pour de grandes sociétés françaises. Même si rien n’a filtré concernant la RDC, il est évident que “l’accord stratégique” conclu le 1er août entre Kagame et Museveni consolide des ambitions communes sur le Kivu.

- AFRIKARABIA : C’est une question très sensible en RDC à la veille de l’élection présidentielle. Avez-vous des informations plus précises sur le jeu que le Rwanda et l’Ouganda entendent mener au Kivu ?

- Jean-François DUPAQUIER : Quel que soit le nationalisme - légitime - des Congolais, ils ne doivent pas s’aveugler : une partie du Kivu appartenait aux franges de la monarchie rwandaise avant que les grandes puissances ne réduisent la surface du Rwanda - d’un bon quart - au profit de l’Ouganda et du Congo belge après 1918. Cette question était flagrante le 30 juillet dernier, lorsque le président Museveni, après avoir participé aux cotés de Kagame à l’Umuganda (les travaux communautaires) à l’école primaire du camp Kanombe à Kigali, s’est adressé aux participants en kinyankole une langue qu’il parle couramment, très proche du kinyarwanda.

- AFRIKARABIA : Au delà des discours, quelles conséquences prévisibles pour le Kivu ?

- Jean-François DUPAQUIER : Depuis toujours, et pour des raisons géographiques évidentes, les échanges extérieurs du Kivu Nord et du Kivu Sud passent prioritairement par l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie. Très dynamique, la communauté d’Afrique de l’Est (East African Community) tire vers elle toute la richesse humaine, minière, économique du Kivu. La bonne gouvernance constatée au Rwanda et en Ouganda est aussi un modèle lorgné au Kivu, deux provinces livrées à la violence des bandes armées et laissées en deshérence par Kinshasa. L’élection  présidentielle en RDC, si elle ne fonde pas une légitimité renforcée pour le futur président et une réforme en profondeur des services et équipements publics peut conduire à une balkanisation du Congo, avec, dans le meilleur des cas, un  fédéralisme qui donnera aux provinces une quasi autonomie. Dans cette perspective, les régimes rwandais et ougandais jouent aujourd’hui sur un registre infiniment plus subtil que lors de la seconde guerre du Congo. S’ils réussissent à conquérir l’opinion publique au Kivu,  cette province basculera vers l’East African Community. Le projet de chemin de fer Kivu-Kigali-Tanzanie y contribue déjà.

- AFRIKARABIA : Pourtant les mouvements rebelles, aussi bien les FDLR que la LRA, sont souvent apparus de mèche avec le Rwanda et l’Ouganda pour se partager la rente du pillage des minerais précieux de RDC. Pourquoi cette situation ambigüe changerait-elle ?

- Jean-François DUPAQUIER : En réalité, les mouvements rebelles ont largement joué des dissensions entre Kagame et Museveni pour avancer leurs propres pions et écouler alternativement le produit de leurs pillages via Kigali et Entebbe en y laissant une part du butin. Ils ont toutes les raisons de s’inquiéter de probables volets secrets de l’accord stratégique du 1er août. Car s’il n’y avait qu’un seul point d’accord entre les deux chefs d’Etat, ce serait leur volonté d’en finir définitivement avec les rébellions. Pour Kagame, depuis l’alliance improbable entre les FDLR et des officiers félons de l’Armée patriotique rwandaise, c’est même une priorité absolue.

- AFRIKARABIA : En quoi cette stratégie peut-elle changer le pillage de la RDC ?

- Jean-François DUPAQUIER : Ne rêvons pas que des Rwandais ou des Ougandais cesseront gentiment de se servir dans les richesses minières de RDC. Dernièrement, on a inauguré à Kampala la « Victoria Gold Star ». Une raffinerie à capitaux russes avec une capacité de 60 kilos d’or fin par jour,. Et en annonçant aussitôt qu’était lancée une extension des installations, le tout sans rapport avec les capacités d’extraction en Ouganda même. Le pillage des richesses du Congo, que l’on  reproche au Rwandais et aux Ougandais en oubliant plus d’un siècle de prédations européennes et aujourd’hui chinoises, n’est pas seulement le fait de la rapacité. Il est aussi induit par la bonne  gouvernance, qui garantit la sécurité publique et la bonne fin  des investissements. Qui irait construire une usine d’affinage de l’or en RDC !

- AFRIKARABIA : A vous entendre, le Rwanda et l’Ouganda seraient, au regard de leurs voisins, un havre pour les investisseurs ?

- Jean-François DUPAQUIER : Le Rwanda dispose d’un atout : la sécurité publique y est une obsession, pas seulement à cause du génocide. Il n’y a pratiquement aucun risque de se voir voler sa voiture ou d’être agressé dans la rue, ou encore cambriolé, ce qui est un privilège rare en Afrique. On voit des Occidentaux qui font leur footing tard le soir seuls dans la rue. Policiers et militaires sont courtois et “réglos” mais omniprésents et très vigilants.
Résultat, Kigali accueille toutes sortes de réunions internationales. On y construit nombre d’hôtels de luxe et des palaces. L’argent des colloques et séminaires coule à flot. En contrepartie, le régime doit maintenir cet effort sécuritaire qui mobilise énormément de personnels civils et militaires.

- AFRIKARABIA : La sécurité juridique et commerciale est-elle aussi bien assurée ?

- Jean-François DUPAQUIER : C’est un point faible. Par exemple les transactions immobilières sont interminables, très bureaucratisées. Il manque des officiers publics  comme les notaires, qui garantiraient sur leurs biens personnels la bonne fin des transactions, aussi bien envers l’Etat qu’entre particuliers. Un récent scandale immobilier a mis en cause un intermédiaire sans scrupule qui a gardé l’argent des cessions, ruinant les accédants à la propriété. Il y a encore beaucoup à faire pour garantir la transparence et la sécurité des transactions.

(1) Jean-François Dupaquier est notamment l'auteur de "L'agenda du génocide", Ed. Karthala, Paris, 29 euros.

Vous pouvez lire les deux premières interviews de Jean-François Dupaquier :

http://afrikarabia.blogspirit.com/archive/2011/08/31/kaga...

http://afrikarabia.blogspirit.com/archive/2011/09/03/visi...

RDC : La France condamne les violences à Kinshasa

Dans un communiqué, le Quai d'Orsay vient de condamner "toute forme de violence" dans le cadre de la campagne électorale en République démocratique du Congo (RDC). Après le saccage de différents sièges de partis politique (UDPS et PPRD) et la mort d'un militant de l'opposition, la France souhaite "un dialogue renforcé" entre les différents partis politiques.

Image 2.pngAprès deux jours d'incidents à Kinshasa, la France souhaite "qu’aux motifs de tension réponde un dialogue renforcé entre la Commission Electorale Nationale Indépendante CENI) et les forces politiques en compétition et souligne l’importance que revêtent les discussions sur le code de bonne conduite". Dans son communiqué, le Quai d'Orsay appelle "l’ensemble des acteurs à préparer les échéances électorales dans un climat apaisé, autour de l’objectif commun de scrutins libres et crédibles attendus des citoyens congolais". La France prend également note "de l’enregistrement des principales candidatures à l’élection présidentielle" prévue le 28 novembre 2011.

RDC : L'UDPS accuse les "milices du PPRD" de l'attaque de sa permanence

La tension monte en République démocratique du Congo (RDC) à l'approche des élections législatives et présidentielle de novembre prochain. Après le saccage du siège de l'UDPS à Kinshasa, le parti du candidat d'opposition Etienne Tshisekedi accuse les "milices du PPRD de Joseph Kabila" d'être à l'origine de l'attaque. Le parti présidentiel dément formellement sur RFI : "faux et archi-faux, il n'y a pas de milice au PPRD", répond André Kimbuta.

logo afkrb.pngDrôle d'ambiance à Kinshasa au lendemain du dépôt de candidature du principal candidat d'opposition, Etienne Tshisekedi, à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Mardi 6 septembre, des coups de feu son tirés aux abords du siège de l'UDPS dans le quartier de Limete. Des partisans d'Etienne Tshisekedi s'étaient rassemblés devant le quartier-général du parti après son saccage durant la nuit. La police a tiré sur la foule. Bilan : 1 mort et 2 blessés.

Aujourd'hui, l'UDPS contre-attaque dans un communiqué et accuse le PPRD, le parti présidentiel, d'avoir "ourdi un complot (...) pour attaquer la permanence de l'UDPS". Toujours selon l'UDPS, le parti de Joseph Kabila tente d'intimidé l'opposition "dans leurs revendications d’un processus électoral réellement libre, transparent et démocratique". A la suite de ces incidents, l'UDPS "constate la grande fragilité politique et le profond désarroi de Mr. Joseph KABILA KABANGE, complètement aux abois et qui recoure lâchement à la seule pratique dont il a l’expertise : la force brutale et sauvage, totalement inacceptable en démocratie pour régler les divergences politiques". Le parti d'Etienne Tshisekedi en profite pour réitérer ses demandes à la Commission électorale (CENI) : "l’accès direct de ses experts et de ceux de l’opposition responsable au serveur central de la CENI et
la publication immédiate de la cartographie et de la liste complète des bureaux de vote par provinces et par circonscription électorale sur l’ensemble du pays".

Côté présidentiel, le démenti est cinglant : " Archi-faux, archi-faux ! Il n’y a pas de milice au PPRD, c’est faux ! » répond le gouverneur de Kinshasa et cadre du PPRD, André Kimbuta à RFI. Le gouverneur en profite pour condamner les "actes inciviques" et le président de l'Assemblée nationale, Evariste Boshab "nvite tous les militants du PPRD à ne pas céder à la provocation". Ambiance... à seulement 2 mois et demi de l'élection présidentielle.

Christophe Rigaud

06 septembre 2011

RDC : Kamerhe officialise sa candidature

Il n'y aura finalement pas de candidat unique de l'opposition à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Avec la candidature de Vital Kamerhe (UNC), prévue ce mercredi à 15h, il y aura donc au moins 2 candidats de l'opposition pour se disputer le siège du président sortant Joseph Kabila.

Capture d’écran 2011-09-06 à 21.54.02.pngVital Kamerhe, le président national de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC)procèdera au dépôt de sa candidature à la magistrature suprême ce mercredi 7 septembre 2011 au Bureau de réception et traitement des candidatures (BRTC) de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à Kinshasa vers 15h00.

Avec Etienne Tshisekedi (UDPS), qui a déposé sa candidature lundi, Vital Kamerhe sera le deuxième candidat (de poids) de l'opposition à se présenter aux élections de novembre prochain. Une manière pour l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise de prendre de l'avance sur ses deux autres concurrents, avec qui il a pourtant signer un programme commun : Jean-Pierrre Bemba (MLC) et Léon Kengo (UFC).

La candidature de Vital Kamerhe vient donc sonner le glas de la candidature unique de l'opposition à la prochaine présidentielle en RDC. Une candidature unique indispensable pour pouvoir rivaliser avec le président sortant Joseph Kabila, dans un scrutin présidentiel à un seul tour. Mais rien n'est joué. Des alliances peuvent encore se créer. Et surtout, personne ne connaît le réel poids électoral des différents candidats, notamment en ce qui concerne Vital Kamerhe et Léon Kengo, récemment arrivés sur l'échiquier politique congolais.

Christophe Rigaud

RDC : Violences pré-électorales à Kinshasa

Kinshasa est-elle entrée dans un nouveau cycle de violences ? Quelques heures après le dépôt de candidature d'Etienne Tshisekedi (opposition) à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), plusieurs incidents graves se sont produis à Kinshasa. Le siège du parti présidentiel (PPRD) a été vandalisé, les bureaux de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi ont été incendiés et un militant du même parti a été tué ce mardi lors de violents affrontements.

élections RD.pngDepuis le 5 septembre 2011, Etienne Tshisekedi est officiellement candidat à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo, prévue le 28 novembre 2011. Principal opposant à la réélection du président sortant Joseph Kabila, Etienne Tshisekedi a en effet déposé à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) sa candidature, soutenue par plus de 80 partis d'opposition. Mais au même moment, le siège de l'UDPS, le parti d'Etienne Tshisekedi, a été vandalisé et en partie incendié par des "gens en uniforme", selon l'un des responsables de l'UDPS. Peu de temps après, c'est une station de télévision, proche du parti d'opposition, qui est à son tour incendiée. La police congolaise émet des "réserves" sur l'identité des auteurs de ces violences et note que des partisans d'Etienne Tshisekedi en ont profité pour commettre "des actes de dégradation" au siège du PPRD, le parti du président Joseph Kabila.

Ce mardi, les violences ont repris non loin du siège de l'UDPS, dans le quartier de Limete à Kinshasa. La police congolaise a dispersé les militants de l'UDPS au gaz lacrymogène. Le premier bilan fait état d'1 mort et de 2 blessés. La victime aurait été tuée par de jeunes délinquants, des "pombas", selon un témoignage recueilli par l'AFP sur place.

Depuis plusieurs semaines, l'UDPS manifeste régulièrement devant la Commission électorale (Ceni) pour dénoncer les nombreuses irrégularités du processus électoral en cours. Le parti d'opposition réclame plus de transparence et l'accès aux fichiers et aux serveurs informatiques afin d'éviter toute fraude. Toutes ces manifestations ont été violemment réprimées par la police.

A moins de 3 mois du scrutin, ces violences inquiètent bons nombres d'observateurs à Kinshasa. De nombreuses ONG tirent la sonnette d'alarme depuis  plusieurs mois sur les risques de troubles post-élections en cas de contestations des résultats... ce qui devrait malheureusement être le cas.

Christophe Rigaud

04 septembre 2011

RDC : L'appel de Tshisekedi aux Congolais

Lundi 5 septembre 2011, le président national de l' Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, déposera sa candidature à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), fixée le 28 novembre. Dans un long message adressé aux Congolais, Etienne Tshisekedi appelle de ses voeux "un temps nouveau pour le Congo" et définit son "action pour demain", "à la recherche de la paix et de la réconciliation". Voici l'intégralité de son texte :

Capture d’écran 2011-09-04 à 12.44.14.png"Mes très chers Compatriotes,

Dans peu de temps, notre pays connaîtra un grand moment de son histoire contemporaine. S'il plaît à Dieu, chacun d'entre vous sera amené à choisir celles et ceux qui présideront à la direction de cette grande Nation.

Comme vous le savez, j'ai décidé de me porter candidat à l'élection à la Présidence de la République; non pas pour accomplir une quelconque ambition personnelle, mais parce que j'estime que l'avenir de cette nation ne peut être indéfiniment laissé entre les mains de ceux qui, de façon notoire et répétée, se distinguent par la duplicité de leur langage politique, leur goût effréné pour le gain facile, leur mépris total de la vie humaine et de la souffrance de leurs semblables.

1° Une si longue lutte

La lutte pacifique que nous menons ensemble pour retrouver notre dignité d'êtres humains a pu paraître interminable, car elle nous a conduit sur un long chemin parsemé d'épines, d'embûches et de privations, ayant souvent causé l'amertume, la douleur et le deuil.

Au cours de ma longue route, j'ai perdu des amis, des partisans ou simples sympathisants, dont le seul tort avait été de partager cet idéal de liberté et de progrès humain.

J'ai également été profondément marqué par le départ de certains de mes amis, de mes intimes, avec qui je n'étais pas seulement lié politiquement mais aussi personnellement. Ils ont estimé que la voie de la rigueur morale à laquelle je m'étais astreint n'était peut-être
pas la bonne. Ils ont choisi des voies différentes en cédant à des compromis qui sont vite devenus des compromissions. D'autres, qui furent aussi de mes proches compagnons, animés par je ne sais quelle force des ténèbres, ont mis toute leur énergie à creuser la division et la haine entre différentes communautés de la nation, reniant aussi fortement cet idéal de changement que nous avions pourtant partagé.

D'autres encore, qui ne faisaient pas partie de ma famille politique, mais avec qui nous avions si vaillamment vaincu les forces avilissantes du statut quo au sein de la Conférence Nationale
Souveraine, sont très vite revenus à leur ancienne nature, dès qu'ils se sont aperçus qu'ils ne pourraient pas tous siéger au gouvernement qui m'avait été confié par le peuple réuni en conférence nationale souveraine.

Mais parce que nous savions que la voie de la justice et du progrès social était un chemin long et étroit, nous n'avons pas cédé aux sirènes de la facilité par lesquelles, fort malheureusement, notre pays en est arrivé à sa décadence actuelle.

J'ai certainement commis des erreurs, voire des fautes, pour lesquelles je demande votre pardon. Et je pense moi aussi avoir reçu ma part d'enseignements et de sagesse à la suite de ce douloureux parcours. Mais en dépit de l'extrême dureté des épreuves, mon ardeur à défendre, à temps et à contretemps, la justice et l'honnêteté politique, est demeurée ferme.

2° A la recherche de la paix et de la réconciliation

L'option de la non violence qui a toujours inspiré l'UDPS, se justifie par le fait que le raccourci de la guerre reproduit toujours des germes d'autodestruction et d'arbitraire. Vous avez tous vécu, hier et aujourd'hui encore, la rapidité avec laquelle, telle une métastase,
nos politiciens ont trouvé en la rébellion de 1996 un modèle d'accession facile au pouvoir et à l'enrichissement personnel illicite.

Cependant, il m'a souvent été reproché une intransigeance excessive qui ne permettrait ni la réconciliation politique, ni la reconstruction. J'ai toujours affirmé que mon combat n'a jamais visé un homme, quel qu'il soit, mais plutôt un système, où le mensonge est érigé en vérité, l'obscurité en lumière et la force en droit. Je vous dois ici quelques explications susceptibles de vous édifier quant à mon profond attachement à la réconciliation nationale et à l'ouverture.

Au plus fort de la guerre dite de libération, en novembre 1996, je me suis rendu à Cap Martin en France, pour y rencontrer le Président Mobutu malade, pour obtenir de sa part qu'il comprenne la réalité des enjeux de l'époque, qu'il organise son retrait de façon honorable et qu'il permette aux forces réelles de l'opposition politique que je représentais, d'organiser des négociations avec les rebelles afin d'éviter des morts inutiles et la fragilisation de notre souveraineté nationale. Ma démarche avait été incomprise, sinon méprisée ou vilipendée.

Rappelez-vous également de mes propositions faites en mars 1997, lorsque, face au désespoir du à l'avancée des rebelles, le Président Mobutu s'était résolu à me laisser diriger le gouvernement suivant la volonté du peuple. Tout en suggérant sa neutralisation à la tête de
l'Etat, j'avais proposé la mise sur pied d'un gouvernement d'union regroupant paritairement l'opposition politique et les rebelles.

J'avais également demandé que fût suspendu le Parlement de Transition qui n'avait manifestement plus de justification politique avec l'occupation aux ¾ du territoire par les rebelles et les forces étrangères. Là aussi, mes propositions ont été balayées par ceux-là même à qui nous voulions offrir une sortie acceptable et ordonnée, en prélude à la réconciliation à venir. Ils ont préféré être emportés quelques semaines plus tard par la force du fusil, dans l'humiliation la plus totale. Nombre d'entre eux se sont ensuite convertis à leur tour en pseudo libérateurs, entraînant dans leur élan d'avidité, l'érosion de la souveraineté nationale et les guerres à répétition, dont les victimes se comptent en millions de morts.

Souvenez-vous également de ma visite à notre frère Laurent Désiré Kabila, après sa prise de pouvoir par les armes en mai 1997. Il me paraissait urgent de discuter avec lui, en ma qualité de chef de file de l'opposition, des moyens et modalités à envisager en vue de légaliser et de légitimer son pouvoir qui était encore arbitraire.
J'ai reçu une fin de non recevoir et il a préféré m'assigner à résidence. La suite a été non seulement douloureuse pour lui, mais elle a surtout conduit à l'effondrement total des bases de notre société.

Enfin je voudrais vous rappeler Sun City, où tout a été mis en œuvre par les belligérants pour marginaliser et mépriser la vraie opposition politique dont nous étions sans nul doute les principaux représentants, au profit d'individualités peu représentatives ou issues en réalité des belligérants. Et pourtant l'implication de la vraie opposition politique a permis d'éviter la balkanisation du Congo, face aux tentatives de deux composantes belligérantes de vouloir à elles seules aboutir à un accord qui allait consacrer une partition de fait de notre pays.

L'expérience du gouvernement de transition issu de Sun City, et plus encore celle de la première législature de la troisième république, ont prouvé très clairement que nous ne pouvions y trouver notre place. Certes, cette période a aussi révélé de nombreuses individualités de talent au sein de ces institutions, y compris au sein de l'Alliance pour la Majorité Présidentielle de triste mémoire, des personnes qui seront appelées à jouer des rôles importants dans le Congo de demain. Mais globalement, les hommes et les institutions n'ont traduit ni une volonté réelle de paix et de réconciliation, ni une volonté de changement, mais une volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix par la ruse et le crime, pour poursuivre la rapine en toute impunité et perpétuer la perte de notre souveraineté.

En effet, en dépit de la propagande creuse sur les embellies économiques, la pauvreté continue de frapper près de 8 congolais sur 10 et la perception d'injustice sociale a atteint des niveaux jamais égalés dans l'histoire de ce pays. On nous annonce à longueur de journées que les soi-disant 5 chantiers sont la grande nouveauté du siècle qui apportera le salut au peuple Congolais. Que les choses soient claires : nous ne sommes pas contre les tentatives d'amélioration des infrastructures auxquelles nous assistons actuellement. Mais nous dénonçons l'opacité dans la réalisation, le coût et le financement des 5 chantiers ainsi que l'agencement des priorités. Les Congolais ne sont plus dupes. Les 5 chantiers sont devenus un écran de fumée, mieux, de la poudre jetée aux yeux des congolais pour cacher les monstrueux crimes économiques et de sang qui constituent le fondement même de ce régime. L'AMP, devenue MP depuis peu, oublie que le MPR, à qui elle aspire tant à ressembler, avait en son temps, dans des délais et conditions similaires, réalisé bien plus d'infrastructures. Ces deux formations politiques n'ont cependant jamais su donner aux congolais ce qui leur a le plus manqué depuis la disparition du Président Kasa-vubu, à savoir, une direction éthique et
morale fondée sur le respect du bien commun, la justice sociale et l'Etat de droit. En outre, manquant d'expérience et de perspective historique, l'AMP a renié ses propres engagements constitutionnels en matière de décentralisation, qui devrait être le moteur de la pérennisation des infrastructures, par une appropriation et une responsabilisation adéquate à la base.

Aujourd'hui, 14 ans après son avènement, le pouvoir AFDL-PPRD-AMP nous offre un tableau des plus désastreux en matière de droits de l'homme ; en plus de ses 5 millions de morts résultant de divers conflits, la RDC est devenue une triste référence en matière de violences faites aux femmes.

En définitive, le principal enjeu de ce processus électoral est de doter la République Démocratique du Congo d'un programme et d'hommes susceptibles : (i) d'affirmer l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue de la République et de garantir l'intégrité du territoire ; (ii) de
marquer une rupture avec les antivaleurs qui ont conduit le pays dans un cycle aggravé de dévoiement de la règle de droit, de conflits armés, de répression meurtrière, de prédation économique et de corruption généralisée, et, (iii) de renforcer l'élan de croissance économique et de coopération internationale sur une base plus responsable et plus équitable, en vue d'accélérer le développement humain et le bien être des populations.

3° Un temps nouveau pour le Congo

Si nous avons pu surmonter le poids de l'histoire en faisant des anciennes puissances colonisatrices nos principaux alliés d'aujourd'hui, pourquoi ne mettrions-nous pas notre énergie à forger cette alliance entre nous, filles et fils d'une même nation, pour que triomphent la liberté et la dignité, et que nos faiblesses ne conduisent plus à notre asservissement.

Aujourd'hui arrive un temps nouveau pour le Congo, un temps de grâce et de rafraîchissement. L'heure du pardon a sonné. La réconciliation nationale et la reconstruction que nous souhaitons exigent de tous les acteurs politiques et de l'ensemble de la nation un véritable dépassement de soi. Si nous ne reconnaissons pas nos fautes et n'accordons pas notre pardon à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont inutilement fait coulé le sang ou dépossédé le pauvre et l'indigent, nous ne serons pas meilleurs qu'eux. Pire, nous aurons failli à nos responsabilités devant l'histoire et serons coresponsables de la poursuite de la déchéance nationale.

Le pardon que nous nous devons mutuellement ne doit pas être un pardon naïf, sans contrepartie. Pour qu'il soit porteur d'espoir et de changement, il doit être assorti de l'expression d'un acte de repentance, individuelle ou collective, et de la mise en place d'un
système nouveau, où la toge remplace réellement le fusil, où l'arbitraire, le pillage et le crime n'ont plus droit de cité. Aussi, ce pardon ne doit pas se priver de justice, notamment pour les crimes les plus graves qui ont été commis au cours de ces dernières années, car bien que pardonné, le coupable ne peut être tenu pour innocent.

Si vous m'accordez votre confiance, je me consacrerai à concrétiser ce besoin de réconciliation en mettant ensemble toutes les parties prenantes, y compris les pays étrangers qui sont notoirement impliqués dans nos déboires et nos succès, afin qu'ensemble, dans un esprit constructif, nous mettions en place un code de conduite susceptible de permettre la préservation de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la dignité de la RDC, tout en assurant à tous la pleine participation à la vie de la nation sur des bases nouvelles.

Notre pays est assez grand et riche pour permettre à chaque congolais d'y trouver le bonheur, dans le respect du droit et de la dignité humaine. De même, s'agissant du développement économique, depuis sa création il y a plus d'un siècle, notre pays a toujours offert des possibilités de commerce aux nations. C'est à nous Congolais d'imposer aux nations notre dignité, et de leur offrir en retour toutes les possibilités d'échange économique dans nos intérêts réciproques.

4° Une indispensable vigilance électorale

Aujourd'hui plus qu'hier, au regard de l'élan de soutien que vous avez manifesté à l'endroit de ma candidature, je mesure que ces longues années de sacrifice collectif n'ont pas été vaines ; elles ont façonné la maturité et la culture politique du vaillant peuple congolais, plus que jamais déterminé à mettre un terme au mensonge, à la tricherie et aux falsifications de plus en plus élaborées, qui ont élu domicile au sommet de notre pays.

Je mesure également la portée du sacrifice consenti par les pays partenaires et l'ONU qui, depuis la mise en place de la Mission des Nations Unies au Congo, veulent contribuer à l'édification d'un pays plus stable et plus prospère. Au-delà de l'intérêt économique et
politique pour l'Afrique et le monde de voir la RDC rompre avec une gestion prédatrice et liberticide, nous voulons que l'effort de nos partenaires constitue un réel acte d'humanisme et de solidarité auxquels je crois, et que la crédibilité du scrutin à venir honore les sacrifices des contribuables occidentaux et la mémoire des martyrs congolais.

Cependant, bien que vous ayez été nombreux à manifester votre soutien à ma candidature, beaucoup de doutes ont été exprimés ici et là sur la transparence, la crédibilité et surtout l'équité du processus électoral. Comment ne pas douter lorsque l'on assiste à l'utilisation éhontée des deniers du peuple congolais par les acteurs et candidats du pouvoir PPRD/AMP, qui prétendent faire divers dons aux populations abusées et spoliées. Ils monopolisent les médias d'Etat et battent impunément campagne en déniant à l'opposition le libre accès aux moyens publics. Nous ne sommes pas à notre première expérience de déni de démocratie de la part du pouvoir PPRD/AMP. Les congolais ont encore en mémoire le traumatisme des élections de plusieurs gouvernements provinciaux, tronquées par la corruption et l'intimidation, et face auxquelles les contestations populaires légitimes ont été réprimées
dans une sanglante barbarie. N'ayant pas d'autre objectif que de se maintenir à tout prix au pouvoir, ils ont unilatéralement décidé de changer les règles du jeu démocratique qu'ils avaient eux-mêmes fixées, et ce à quelques mois de l'échéance électorale.

Enfin, je lance un appel pressant à toutes les forces démocratiques, de changement et de progrès social, nationales et internationales, au-delà des clivages politiques ou idéologiques, à unir leurs énergies et leurs moyens autour de ma candidature, pour barrer la route à l'imposture, par une grande mobilisation populaire et une vigilance tous azimuts sur le déroulement des prochains scrutins. C'est ici le lieu de renouveler mon appel à chaque congolais, de se sentir personnellement concerné, en s'assurant que son vote sera réellement comptabilisé, et de faire échec à toute tentative de tricherie, d'où qu'elle vienne, le jour du scrutin.

5° Notre action demain

Je vous ai demandé de m'accorder votre confiance. Je mesure l'ampleur des défis et de la tâche qui nous attendent sur les plans politique, sécuritaire, économique et social. Avec l'aide de Dieu qui m'a toujours fermement soutenu et préservé pendant ma longue lutte, je me consacrerai à restaurer l'espoir et la confiance entre nous et avec l'extérieur.

Au plan politique et de la gouvernance, j'ai pris le ferme engagement de gouverner avec l'ensemble des forces politiques qui ont fait le choix de l'alternance autour de ma candidature. Par ailleurs, j'ouvrirai un espace à toutes les forces politiques actuelles qui
renonceront à la ruse, à l'opportunisme et au crime, et adhéreront à notre projet de paix, de réconciliation, de consolidation de la démocratie et de lutte contre la corruption.

Je créerai un environnement où seules les personnes consacrées et réellement engagées trouveront plaisir à s'adonner à la gestion de la chose publique, où l'espace politique cessera d'être un repère d'opportunistes, de criminels et de vagabonds politiques en tout genre.

En matière économique et sociale, je favoriserai la création d'un climat nouveau, propice à la créativité et l'émulation, susceptible d'attirer et de retenir massivement de nouveaux investisseurs, et de remettre les Congolais au travail, grâce à un climat des affaires
nettement amélioré et une confiance durablement rétablie.

J'ouvrirai des perspectives nouvelles de coopération et d'échanges avec nos principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux, afin de permettre une croissance économique porteuse d'emplois et un développement humain accéléré en faveur de nos populations. J'approfondirai nos relations fraternelles et complémentaires avec nos pays voisins, avec lesquels nous sommes condamnés, par la géographie, l'histoire et la sociologie, à avoir des rapports réellement fraternels, pacifiques, responsables et constructifs. Ma vision en ce qui concerne nos relations avec ces pays est de substituer des rapports de méfiance et de conflits par des intérêts économiques partagés, profonds et durables, grâce notamment aux cadres d'intégration existants. Pour la paix et le développement humain de nos populations, l'Afrique a le devoir de se montrer à la hauteur des enjeux de l'histoire, comme ont su le faire avant nous l'Europe et d'autres parties du monde.

Mon programme pour le quinquennat, élaboré par l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social, ainsi que les autres membres de la plate forme qui soutient ma candidature, a été développé dans le document propositions pour changer le Congo. Je vous invite à vous en imprégner. C'est ensemble que nous le réaliserons, dans l'ouverture et le dialogue constructif.

Le Congo sera ce que les Congolais veulent qu'il soit. J'en appelle à la conscience et au sens des responsabilités de tous. Nous avons une communauté de destin. Le moment est venu de porter notre bien commun, la RDC, vers de nouveaux horizons ; des horizons de justice et de paix, de liberté et de prospérité. Nous le devons à la Providence, à nos enfants et aux générations futures.

Que chaque Congolais donne le maximum et le meilleur au Congo; devenu grand et fort, il nous le rendra plusieurs fois !

Mes chers amis,

Partagez mon message autour de vous, dans vos familles, vos cellules, vos quartiers ou villages' Soyez toujours en paix et ne cédez pas à la provocation. Je m'organise pour venir à la rencontre du plus grand nombre d'entre vous à travers tout le pays. Comme vous le savez, nos moyens sont limités. Mais grâce à chacun d'entre vous et à votre participation volontaire, notre force est la plus grande. Et je sais pouvoir compter sur votre volonté de changement et votre détermination à vaincre, pour faire la différence.

Que Dieu bénisse notre Nation.

Fait à Kinshasa, le 01 septembre 2011.

Etienne TSHISEKEDI"

03 septembre 2011

Visite du président Kagame en France : démêler le vrai du faux

La visite du président rwandais Paul Kagame en France les 12 et 13 septembre est une étape importante dans le rapprochement entre les deux pays. Pourtant en France , des militaires hauts gradés, anciens du Rwanda, proclament leur opposition à cette visite qui provoquerait selon eux  « l'humiliation de l'armée et à travers elle, celle de la France. ». Journaliste et écrivain, Jean-François Dupaquier, par ailleurs expert auprès du Tribunal Pénal  international pour le Rwanda (TPIR), poursuit le décryptage de ces oppositions avant d’évoquer la nature du régime rwandais dans le prochain et troisième volet de cette interview.

Afrikarabia logo.png- AFRIKARABIA : Avant d’aborder la situation au Rwanda aujourd’hui, pouvons-nous revenir sur les déclarations les plus polémiques du moment ? Dans une interview au quotidien Sud-Ouest, le général Tauzin déclare que si génocide des Tutsi a eu lieu en 1994, il fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’observe que la liberté d'expression est un droit fondamental dans notre société, et j’espère que personne ne conteste ce droit au général Tauzin, dans la mesure où il ne s’adonnerait pas à l’invective ou à l’injure. Néanmoins, les mots ne sont pas des jouets. Ils ont de l’importance. Ils peuvent notamment blesser la mémoire de rescapés ou inciter à la haine.

- AFRIKARABIA : Quel est le pouvoir des mots dans un génocide?

- Jean-François DUPAQUIER : Le professeur George P. Fletcher de l’Université Columbia (Etats-Unis), souligne qu’aussi bien sur la négation de l’Holocauste que sur le génocide arménien, « les mots sont devenus un champ de bataille ». Il ne connaissait pas le génocide contre les Tutsi qui pose les mêmes questions. A ce sujet il faut rappeler que la Radio des Mille collines (RTLM) qui a joué un rôle crucial dans la passage au crime massif se définissait comme « l’état-major des mots ». Les génocidaires rwandais, et tous les enragés ralliés à leur cause, ne cessent de jouer sur les mots, sans souci de blesser les rescapés et les autres victimes.

- AFRIKARABIA : En jouant comment sur les mots ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dans son livre « Je demande justice pour la France et ses soldats », le général Tauzin, je crois l’avoir déjà relevé, met généralement entre guillemets le mot génocide, lorsqu’il s’agit des Tutsi, pour montrer qu’il doute de la réalité de ce génocide. Dans son interview à Sud-Ouest voici quelques jours, il ajoute que ce génocide n’aurait fait que 200 000 victimes. C’est un des argument habituels des négationnistes que de minimiser le nombre des victimes, pour ensuite tenter de disqualifier l’événement lui-même. L’historien Pierre Vidal Naquet, qui avait en son temps dénoncé les crimes de l’armée française en Algérie, a suffisamment analysé les acrobaties intellectuelles des négationnistes pour qu’il soit nécessaire ici d’y revenir en détail. Que de hauts gradés français enfourchent aujourd’hui ce cheval de bataille fourbu n’apporte rien qui contribue à leur gloire ni à leur honneur. Et moins encore à l’œuvre de justice.

- AFRIKARABIA : Pourquoi des hauts gradés français sombreraient-ils dans le négationnisme ?

- Jean-François DUPAQUIER : On sait à présent par de nombreux Rwandais, mais aussi par des témoins directs belges, suisses ou français, que lors de l’opération Turquoise, des responsables militaires français sur le terrain ont  fait passer la consigne qu’ils venaient empêcher l’extermination des Hutu par les Tutsi. C’était déjà l’ordre de conduite secret de l’opération Noroit, entre 1990 et 1993. C’est là qu’il faut chercher l’origine de leur négationnisme actuel et les ambiguïtés, pour ne pas dire plus, de l’opération dite « militaro-humanitaire » Turquoise. C’est aussi pourquoi, pendant trois jours, en pleine opération Turquoise, les rescapés tutsi de Bisesero ont été abandonnés à leurs tueurs par les militaires français. Avec pour effet que la moitié d’entre eux ont été exterminés. On a vu à Bisesero comment des directives militaire fallacieuses aggravent le carnage.

- AFRIKARABIA : Et quand le général Tauzin dit que le génocide contre les Tutsi fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dire que ce génocide fut « spontané » participe de la même imposture intellectuelle, car par principe un génocide est un crime d’Etat et n’a rien de « spontané ». Prétendre qu’il était spontané revient à dire que le mot génocide serait inapproprié. C’était déjà l’argument des négationnistes du génocide des Arméniens, puis de la Shoah. Le négationnisme de l’Holocauste tente de démontrer par la présentation d’arguments fallacieux et de falsifications historiques que l’Holocauste n’a pas eu lieu. Pour le Rwanda, c’est le refrain  des organisateurs du génocide contre les Tutsi, dans leurs divers écrits et lorsqu’ils comparaissent devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Un argument qui ne tient pas : beaucoup ont déjà été condamnés.

- AFRIKARABIA : Mais ce thème de la « colère populaire spontanée » en 1994 au Rwanda est repris par bien d’autres que le général Tauzin.

- Jean-François DUPAQUIER : Oui, car c’est un autre élément important de l’argumentaire négationniste. Il s’agit de faire croire que tout le monde tue tout le monde, qu’il n’y a pas de coupables, pas d’innocent, et donc pas de justice possible : « Tous des sauvages, pas d’autre issue que de passer l’éponge… ». En quelque sorte une « noire fureur ». Quel mépris pour la vérité des faits et plus encore pour les victimes ! Vidal Naquet a écrit que “les assassins de la mémoire ont bien choisi leur objectif : ils veulent frapper une communauté sur les mille fibres encore douloureuses qui la relient à son propre passé. Ils lancent contre elle une accusation globale de mensonge et d'escroquerie”. Rien de nouveau, hélas.

- AFRIKARABIA : Le général Tauzin, dans son interview à Sud-Ouest, affirme pourtant que le Tribunal pénal international pour le Rwanda n'a relevé à ce jour « aucune organisation, aucune préparation » des tueries de 1994.

- Jean-François DUPAQUIER : Personne pour ordonner les tueries de Tutsi ? On a entendu les mêmes sornettes concernant la Shoah. Le négationniste emblématique Faurisson s’était rendu célèbre par cette formule : « Jamais Hitler n'a ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion ».
Tauzin n’a évidemment pas la même pointure. Ses déclarations à l’emporte-pièce laissent penser qu’il n’a rien lu de sérieux sur le génocide contre les Tutsi du Rwanda, qu’il n’est pas bien informé. En tout cas, il ferait mieux de ne pas citer le Tribunal pénal international dont les jugements n’ont rien à voir avec ce qu’il affirme. Dans un  célèbre arrêt, le TPIR a déclaré le génocide des Tutsi « un  fait avéré ». Pour le TPIR, il y a eu un seul génocide, sans guillemets, celui des Tutsi du Rwanda, n’en  déplaise aux propagandistes de la thèse du « double génocide ».

- AFRIKARABIA : Vous n’avez pas complètement répondu à la question : quel a été le degré de préparation du génocide de 1994 contre les Tutsi ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il n’est pas possible dans le cadre d’une interview d’énumérer tous les témoignages, tous les document qui attestent de la préparation méticuleuse du génocide depuis fin-1992, début-1993. Lisez plutôt « Aucun Témoin ne doit survivre », résultat de la monumentale enquête de la FIDH et de Human Rights Watch, ou « Les Médias du génocide » ou encore mon livre, « L’Agenda du génocide », tous parus aux éditions Karthala. Le témoignage du général Dallaire, dans son autobiographie « J’ai serré la main du diable » (Ed. Libre Expression), est éclairant. Et bien d’autres. On ne peut pas faire le tour de cette question épineuse en quelques phrases. Rappelez-vous qu’on débat aujourd’hui encore des conditions dans lesquelles a été décidée par Hitler et sa clique l’extermination des Juifs d’Europe. Soixante-dix ans plus tard. Pour les Arméniens de Turquie, le débat fait rage depuis presque un siècle !

- AFRIKARABIA : Pourtant, l’historien français Bernard Lugan, qui a été témoin-expert de la défense dans le procès Bagosora, a déclaré dans la revue « Médias » de septembre 2009 à propos du procès Bagosora et du procès Zigiranyirazo : « Ces deux jugements bouleversent (…) la perspective historique de ce génocide. Ils établissent que celui-ci n’a pas été prémédité (…).  Aucun des quarante éléments présentés par l’accusation pour tenter de prouver la planification du génocide n’a en effet été considéré comme probant par les juges qui ont estimé que le procureur n’a pas établi le bien-fondé de sa thèse » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il est navrant  d’entendre ce genre d’argument  de la bouche d’un général en retraite, qui est tout sauf un intellectuel et qui, visiblement, répète ce qu’il a entendu ici ou là. Mais je pose à mon tour une question ; comment qualifier les contrevérités proférées par un historien, supposé plus rigoureux dans sa démonstration. ?

- AFRIKARABIA : En quoi s’agit-il de contre-vérités ?

- Jean-François DUPAQUIER : Excusez-moi  d’être un peu long, mais je vais citer quelques paragraphes ce fameux arrêt rendu par le TPIR en première instance le 18 décembre 2008 condamnant à la perpétuité le colonel Bagosora et consorts :
(...) La Chambre reconnaît sans conteste que certains faits peuvent être interprétés comme établissant l’existence d’un plan visant à commettre le génocide, en particulier lorsqu’on tient compte de la rapidité avec laquelle les meurtres ciblés ont été perpétrés immédiatement après que l’avion du Président eut été abattu. (...)  Cela étant, elle estime que le Procureur n’a pas établi au-delà de tout doute raisonnable que la seule conclusion raisonnable qui puisse être dégagée des éléments de preuve produits est que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres, pour commettre le génocide, avant le 7 avril, date à partir de laquelle il avait commencé à se perpétrer. La Chambre les a acquittés du chef d’entente [en vue de commettre le génocide].
(...) La Chambre considère qu’elle ne saurait exclure la possibilité qu’avant le 6 avril, il y ait eu en fait des plans visant à commettre le génocide au Rwanda. Elle relève que comme le fait valoir le Procureur, il ressort des éléments de preuve dont elle a été saisie certains signes propres à établir l’existence d’un plan ou d’une entente préétablie visant à perpétrer un génocide (...) Une campagne secrète visant à armer et à entraîner des miliciens civils avait également été lancée et des démarches avaient été entreprises à l’effet de mettre en place un système de « défense civile » fondé sur la mise sur pied de groupes de « résistants » (III.2.6.2). La Chambre a conclu que Bagosora, Nsengiyumva et Kabiligi ont participé, à divers degrés, à certaines de ces initiatives. Elle relève en particulier que dès le début de l’année 1993, dans le cadre de réunions tenues au Ministère de la défense après que le FPR eut repris les hostilités et commencé à progresser vers Kigali, Bagosora avait déjà consigné dans son agenda les grandes lignes des éléments fondamentaux du système de défense civile envisagé. Elle fait observer en outre que des listes principalement conçues pour identifier les complices présumés du FPR et les opposants au régime de Habyarimana ou au parti MRND avaient été confectionnées et tenues à jour par l’armée (III.2.5). Elle estime toutefois que dans le contexte de la guerre menée à l’époque contre le FPR, ces éléments de preuve ne démontrent pas invariablement que l’armement et l’entraînement de ces civils ou la confection de listes avaient forcément pour but de tuer des civils tutsis.

(...) La Chambre relève qu’à la suite de la mort du Président Habyarimana, les instruments sus-évoqués ont manifestement été utilisés pour faciliter la perpétration de tueries. Elle fait observer que lorsqu’on prend le soin de replacer ces éléments de preuve dans le contexte des meurtres ciblés et des massacres à grande échelle qui ont été perpétrés par des assaillants civils et militaires entre avril et juillet 1994, de même que dans celui des cycles de violence antérieurs, on comprend facilement qu’ils prennent un sens nouveau pour bon nombre de personnes, et qu’elles y voient la preuve de l’existence d’une entente préétablie visant à commettre le génocide. Elle considère qu’il est manifeste que ces préparatifs pouvaient clairement entrer dans le cadre d’un plan visant à commettre le génocide. [mais] lorsqu’une Chambre de première instance est saisie de preuves circonstancielles, elle n’est habilitée à rendre un verdict de culpabilité que pour autant que cette conclusion soit la seule qui puisse raisonnablement être dégagée.”

- AFRIKARABIA : D’où tirez-vous ces citations ?

- Jean-François DUPAQUIER : De le condamnation en première instance du colonel Bagosora et de deux de ses co-accusés. C’est un arrêt très long et très documenté, qui représente près de mille pages pour sa version en français, que l’historien Bernard Lugan n’a pas pu ne pas lire car n’importe qui peut le télécharger sur internet, même le général Tauzin. Ce que disent les juges, c’est que les enquêteurs du TPIR n’ont pas démontré de façon irréfutable “l’entente en vue de commettre le génocide”. Peut-être que les enquêteurs du TPIR n’ont pas fait preuve de suffisamment de compétence et d’opiniâtreté, ou que l’accusation n’a pas été conduite correctement.
A l’occasion de l’affaire DSK, le public français a pu se familiariser récemment avec le droit anglo-saxon et comprendre comment la présomption d’innocence bénéficie à l’accusé s’il subsiste une interrogation “au delà du doute raisonnable”. Ca n’a rien à voir avec l’intime conviction pratiquée en France. La question de la conspiration du génocide contre les Tutsi du Rwanda a été traitée dans le cadre de ce droit anglo-saxon, qui inspire le TPIR à Arusha, en Tanzanie, siège du Tribunal international.

- AFRIKARABIA : Est-ce à dire q’on ne pourra jamais prouver devant une cour de justice, que le génocide contre les Tutsi aurait été le résultat d’un complot ?

- Jean-François DUPAQUIER : Bien au contraire. Je vais vous citer un autre passage du même jugement “Bagosora” du 18 décembre 2008 :
“La Chambre fait observer qu’il est possible que l’accès à d’autres informations, la découverte de faits nouveaux, les procès à venir ou l’histoire permettent un jour de démontrer l’existence d’une entente en vue de commettre le génocide antérieure au 6 avril et à laquelle seraient parties les accusés. Elle souligne toutefois que son domaine d’intervention est limité par des normes de preuve et des règles de procédure strictes, ainsi que par les éléments de preuve versés au dossier dont elle est saisie et par les actes des quatre accusés sur lesquels elle se doit de centrer son attention. Elle signale que pour parvenir à sa conclusion sur l’entente, elle a pris en considération l’ensemble des éléments de preuve produits en l’espèce, tout en faisant observer qu’une fondation solide ne peut se bâtir sur la base de briques fracturées. En conséquence, la Chambre affirme qu’elle n’est pas convaincue que le Procureur a établi au-delà de tout doute raisonnable que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres en vue de commettre le génocide, préalablement à son déclenchement le 7 avril 1994.”
Vous voyez ainsi que sur cette question essentielle, l’historien Bernard Lugan ne dit pas la vérité en affirmant que le jugement Bagosora ETABLIRAIT que le génocide «  n’a pas été prémédité ». Il alimente lui aussi l’argumentaire négationniste.

- AFRIKARABIA : Le mot négationniste n’est-il pas « mis à toute les sauces », au Rwanda et ailleurs ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’ai entendu au Rwanda certaines personnes qualifier de « négationnistes » tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame. Comme le mot génocide, celui de négationniste est trop précieux pour servir à des calculs politiciens et se retrouver vidé de sens pas sa banalisation ou son instrumentalisation politique. Il n’empêche que le négationnisme est la poursuite du génocide par les mots, une façon de tenter d’effacer la mémoire des victimes, après le martyr du groupe-cible. Ces « Eichmann de papier », pour reprendre l’expression de Pierre Vidal-Naquet, sont très dangereux.

- AFRIKARABIA : Tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame ne sont donc pas des négationnistes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Evidemment. Et le régime de Paul Kagame n’est pas parfait, loin s’en faut.

A suivre...

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02 septembre 2011

RDC : L'opposition à l'heure des choix

Dans moins de 10 jours, les candidatures seront clauses pour se présenter à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Si le Président sortant, Joseph Kabila, a décidé de se représenter, l'opposition apparaît plus divisée que jamais, avec au moins 3 candidats. Si Etienne Tshisekedi a réussi à fédérer derrière lui 80 partis d'opposition, Vital Kamerhe, Léon Kengo et Jean-Pierre Bemba hésitent encore.

élections RD.pngDepuis le début de cette pré-campagne électorale, Etienne Tshisekedi prend régulièrement de court l'ensemble de l'opposition. Le leader de l'UDPS a été le premier à se déclarer candidat, le premier tenir d'imposants meetings, le seul à manifester dans la rue contre les nombreuses irrégularités du processus électoral, le seul à rencontrer sereinement la diaspora à l'étranger... Avec en permanence une longueur d'avance sur les autres candidats de l'opposition, Tshisekedi continue de dérouler une stratégie offensive. Une stratégie simple. Sachant que pour gagner des élections à un seul tour, l'opposition doit s'avancer unie devant les Congolais, Tshisekedi n'avait que deux alternatives : négocier avec ses concurrents ou bien démontrer qu'il était le seul candidat légitime en mesure de battre Joseph Kabila et attendre leurs ralliements. C'est visiblement cette seconde stratégie qu'Etienne Tshisekedi a choisi, sans pour autant fermer la porte du dialogue avec le reste de l'opposition. Dernière preuve en date de la "stratégie Tshisekedi", la désignation le 23 août dernier du "Sphinx de Limete" par 80 partis d'opposition congolais comme candidat commun. Si Bemba, Kamerhe et Kengo manquent à l'appel de cet accord, une fois de plus Tshisekedi impose son tempo et oblige ses 3 autres concurrents à se positionner rapidement.

Pas de "1+4" à l'envers

En adoptant cette posture, le patron de l'UDPS tente d'échapper au principal écueil de cette élection : être obligé, une fois au pouvoir, de tout devoir à une multitude de personnalités hétéroclites (une dizaine de candidats se réclament de l'opposition). Il réitérerait ainsi une sorte de "1+4" à l'envers, avec un pouvoir trop morcelé pour être efficace. Car deux candidats sont fraîchement arrivés dans le cercle des opposants : Vital Kamrehe (ancien directeur de campagne du Président Kabila) et Léon Kengo wa Dondo (Président du Sénat), qui n'avait jamais indiqué jusque là faire partie de l'opposition à la Majorité présidentielle (MP).  Car qui y-a-t-il en commun entre "Tshisekedi-Kamerhe-Bemba-Kengo" si ce n'est la volonté de voir partir Joseph Kabila ? Même sur le plan idéologique on peut déceler de nombreuses divergences, avec une UDPS plutôt sociale-démocrate et un Bemba ou un Kamerhe plutôt ultra-libéraux.

10 jours pour choisir

"Laisser venir à lui ses concurrents, plutôt que d'aller les chercher", est un pari risqué pour Etienne Tshisekedi. Car en cas d'échec, la multitude de candidatures opposantes rend mathématiquement impossible toute victoire de l'opposition. Par contre, si cette stratégie se révèle gagnante, le bénéfice pour le nouveau Président de la république congolaise, Etienne Tshisekedi, sera de taille : partager "à minima" son pouvoir et gouverner ainsi les mains libres.

Il reste donc moins de 10 jours à l'opposition pour assumer ses choix. Du côté de la troïka "Kamerhe-Bemba-Kengo", deux candidats bataillent ferme pour s'imposer. José Makila (ex-gouverneur de l'Equateur) et Florentin Mokonda de l'ICN (Initiative pour un Congo Nouveau) tentent d'appuyer la candidature de Léon Kengo, le président du Sénat congolais. Alors que Clément Kanku, un proche de Bemba, penche plutôt pour Vital Kamerhe. Sans accord avec Tshisekedi, il pourrait donc y avoir 3 candidats de l'opposition... largement assez pour assurer la réélection de Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

01 septembre 2011

RDC : La marche de l'UDPS violemment dispersée

Pour la troisième fois, l'UDPS a organisé une manifestation pour demander la transparence du processus électoral en République démocratique du Congo (RDC). Le parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi a déploré une fois de plus les violences policières qui ont émaillé cette marche. Une vingtaine de manifestants ont été blessés.

Afrikarabia logo.pngLa police congolaise a fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser la marche organisée par l'UDPS à Kinshasa le 1er septembre. Plusieurs centaines de manifestants de l'opposition souhaitaient se rendre devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour protester contre le manque de transparence du processus électoral en cours en RDC. Des élections présidentielle et législatives sont prévues le 28 novembre 2011 et l'opposition craint des "fraudes massives" lors de ce scrutin.

La marche a été stoppé avec de pouvoir arriver devant la Ceni par un important barrage policier. Selon Jacquemain Shabani, le secrétaire général de l'UDPS joint par l'agence chinoise Xinhua, "il est difficile pour l'instant d'établir un bilan de ces affrontements, la marche continue jusqu'à ce que nous allons déposer le mémorandum",  Un manifestant, sous couvert d'anonymat, a fait état de plus de 20 personnes blessées, alors que d'autres sources avaient donné le bilan d'une cinquantaine de blessés.

Christophe Rigaud

31 août 2011

Kagame à Paris : Une visite prétexte à "un flot d'inepties" selon Jean-François Dupaquier

Les 12 et 13 septembre, Paul Kagame, président de la République du Rwanda rend une “visite de courtoisie” à Nicolas Sarkozy après le passage de ce dernier à Kigali en février 2010. Les négationnistes du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 semblent s’être donné le mot pour troubler la visite. Dans une longue interview, le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier analyse l’événement. Un entretien en trois parties, dont voici le premier volet.

Capture d’écran 2011-08-31 à 23.03.12.png- AFRIKARABIA : Jean-François Dupaquier, vous donnez rarement votre opinion sur la situation actuelle au Rwanda. Pourquoi acceptez-vous aujourd’hui de répondre à nos questions à ce sujet ?

- Jean-François DUPAQUIER : Mes investigation portent sur le génocide contre les Tutsi en 1994, et j’estime qu’il faut éviter de sortir du domaine où l’on peut être reconnu pour son expertise. Ces recherches m’ont conduit au Rwanda ou au siège du Tribunal pénal international à Arusha à plus de vingt-cinq reprises depuis dix-sept ans. Mais comme journaliste je reste évidemment informé sur la réalité d’aujourd’hui. Ce qui m’amène à sortir de ma réserve, c’est le flot d’inepties qui se déverse sur internet, mais aussi dans des médias réputés sérieux, au sujet du Rwanda et du régime de Paul Kagame, en prenant pour prétexte la prochaine visite de celui-ci à Paris.

- AFRIKARABIA : Par exemple ?

- Jean-François DUPAQUIER :  Pour comprendre le caractère délirant de certains propos, notamment sur internet, rappelons tout d’abord que ce flot d’inepties n’est pas nouveau. Il est utile de mettre le prétendu «  tribalisme » au Rwanda en perspective. Après la traite négrière, depuis la première moitié du  XIXe siècle, l’Afrique noire occupe une place de choix dans les fantasmes des Occidentaux. L’épisode colonial a incarné puis cristallisé ces fantasmes au point qu’ils demeurent prégnants dans les opinions publiques européennes ou nord-américaines, servant aujourd’hui en Occident de fonds de commerce à toutes sortes d’escrocs, de manipulateurs, d’illuminés, de vendeurs de sornettes, etc., mais aussi à certains politiciens africains sans scrupules. Et il se trouve que le petit et « mystérieux » - entre guillemets - Rwanda semble focaliser ces fantasmes davantage qu’aucun autre pays d’Afrique noire.

- AFRIKARABIA : Pouvez-vous être plus précis ?

- Jean-François DUPAQUIER : Aux personnes prêtes à suivre une explication forcément longue sur l’origine de cette névrose collective, je renvoie au livre de Jean-Pierre Chrétien, « L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs » (Ed Karthala, Paris), et aux autres livres de cet éminent historien. On comprendra comment les catégories Hutu-Tutsi-Twa (Pygmées), qui existent depuis la nuit des temps au Rwanda, mais ne constituaient que des agrégations de groupes socio-professionnels fluctuants, ont été  passés à la moulinette des fantasmes raciaux européens pour être décrétés des « races » antagonistes, et à ce titre, constitutives du seul véritable enjeu politique méritant considération. Les massacres de Tutsi au Rwanda à partir de 1959, et l’extermination en 1994 d’environ 80% des Tutsi qui n’avaient pas fui leur pays (les rescapés ont été sauvés par l’avance du FPR), sont le résultat calamiteux de cette « machine à fantasmes ». Une sorte
de grenade dégoupillée par les explorateurs et missionnaires européens puis exploitée pas des politiciens rwandais prêts à tout pour s’emparer du pouvoir, puis le garder sans partage.

- AFRIKARABIA : En quoi cette histoire est-elle liée à ce que vous appelez « le flot d’inepties qui se déverse sur internet, mais aussi dans des médias réputés sérieux, au sujet du Rwanda et du régime de Paul Kagame » ?


- Jean-François DUPAQUIER : J’y viens. Le génocide contre les Tutsi en 1994 a révélé les responsabilités écrasantes de François Mitterrand et de sa camarilla – relayés sur place par les militaires français des opérations Noroit, Amarylis et Turquoise. Les uns et les autres ont réagi par des discours d’autojustification qui ont rapidement viré au réquisitoire antitutsi. Ce discours raciste « tourne en boucle », se nourrissant de lui-même par un singulier processus d’hyper radicalisation. Au point d’épouser la propagande qui a préparé puis « accompagné » le génocide au Rwanda. Nous avons mis en relief, dans le livre « Les médias du génocide » (Ed Karthala,  sous la direction de Jean-Pierre Chrétien) la propagande qui avait préparé l’extermination des Tutsi. Un génocide a besoin d’un fondement idéologique.

- AFRIKARABIA : Mais pourquoi le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994 suscite-t-il des polémiques aussi radicales en France ?

- Jean-François DUPAQUIER : Au Rwanda s’est noué l’ultime avatar de l’agitation coloniale française. Je devrais dire « l’ultime avatar du duo Mitterrand-Védrine ».

- AFRIKARABIA : Pour quelle raison parlez-vous d’Hubert Védrine ?

- Jean-François DUPAQUIER : Cet homme a été porte-parole de l’Elysée de 1988 à 1991, puis secrétaire général de l’Elysée entre 1991 à 1995, officiant donc pendant toute la période d’interventions militaires françaises au Rwanda. Et durant une période où François Mitterrand, de plus en plus malade, était sur la fin pratiquement incapable de présider. Il suffit de relire par exemple les mémoires de son médecin, le docteur Gubler, de son chauffeur Pierre Tourlier, ou encore les mémoires d’Edouard Balladur qui mentionne qu’en 1994 l’idée est apparue de faire constater l’empêchement de Mitterrand à accomplir ses fonctions. On sortait le président de son lit pour de brèves apparitions publiques.
Presque tous les Français l’ignorent, mais ils avaient pour président occulte Hubert Védrine, qui tirait toutes les ficelles du pouvoir. En particulier sur le dossier Rwanda, dont il avait fait une affaire personnelle. Aujourd’hui encore, derrière l’apparence policée du personnage, on devine une hargne hors du commun lorsque Védrine défend ce qu’il prétend devoir appeler « l’héritage de François Mitterrand » concernant le Rwanda, mais qui est avant tout son propre héritage. On pourrait employer le mot « fanatisme ». Je préfère le qualificatif d’hyper-radicalisation.

- AFRIKARABIA : Vous avez déjà parlé de « processus d’hyper radicalisation ». Est-ce que vous n’exagérez pas ?

- Jean-François DUPAQUIER : La haine des Tutsi sert à fédérer un  courant conspirationniste et négationniste inquiétant. Prenons un  seul exemple : les propos répandus par un certain Roland Hureaux sur le site de Marianne2.  Année après année, ce personnage évoque une « internationale tutsi » qui déploierait ses tentacules au service des intérêts américains et israéliens (accessoirement britanniques) afin de chasser la France d’Afrique noire.

- AFRIKARABIA : En quoi ce discours est-il négationniste ?


- Jean-François DUPAQUIER : Sans toujours nier le génocide des Tutsi de 1994, il s’agit de le minimiser ou de le banaliser en inversant la réalité : les Tutsi seraient les responsables de leurs propres malheurs, il y aurait un « double génocide », et l’Etat incarné par François Mitterrand serait une victime et non pas un coupable du génocide.

- AFRIKARABIA : François Mitterrand et ses proches, des victimes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Pour ces radicaux, le génocide de 1994 serait le produit d’un complot américain pour nuire à la France. Or le régime de Mitterrand n’a eu besoin de l’aide – ou de l’hostilité - de personne pour déshonorer la France et nuire à ses intérêts dans cette région du monde.
Le processus de radicalisation a commencé par le parapluie militaire français apporté au régime du président Habyarimana et de son épouse, qui a ainsi trouvé le temps et les ressources pour organiser méticuleusement le génocide des Tutsi. Les ultimes défenseurs de cette politique n’ont plus d’autre argument que dénoncer de prétendues tares ataviques des Tutsi. En 1994, les tueurs se justifiaient aussi en diabolisant les Tutsi. Tout ça nous renvoie à la littérature colonialiste la plus méprisable.

- AFRIKARABIA : Roland Hureaux que vous citez n’est pas le seul à propager ces thèses ?


- Jean-François DUPAQUIER : Effectivement, mais il a produit une sorte de condensé des délires sur un prétendu atavisme tutsi. Il écrit ainsi (http://roland.hureaux.over-blog.com/article-le-rwanda-les...) que « les Tutsis sont une élite africaine extrêmement douée, non seulement pour faire la guerre mais pour séduire et   pratiquer la désinformation ». Il répète sa vulgate conspirationniste le 4 août dernier sur le site de Marianne2 (http://www.marianne2.fr/Soudan-du-sud-une-independance-a-...). Sous prétexte de considération – très contestables – sur le Soudan, revoici son couplet d’un sinistre complot américain contre la France. Et l’inquisition raciale en cerise sur le gâteau : Joseph Kabila le président de RDC « est probablement tutsi ».  Selon Hureaux, qui voit des Tutsi partout.

- AFRIKARABIA : C’est une rumeur qui court depuis longtemps à Kinshasa…


- Jean-François DUPAQUIER : C’est Roland Hureaux  qui le dit. Et pourtant le père de Joseph Kabila, Laurent-Désiré Kabila, n’avait rien d’un Tutsi. Je pose à mon tour une question : est-il honorable de propager ce genre de rumeur qui semble inspiré par le fantasme ou la malveillance, et qui alimente des haines détestables en RDC ?

- AFRIKARABIA : Faut-il accorder de l’importance à de tels propos de ce Roland Hureaux, qui peuvent sembler simplement fantaisistes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Cet individu a produit pire sur le site internet de l’hebdomadaire Marianne, très exactement le 13 février 2008. On peut y apprendre les turpitudes inouïes de « l’internationale tutsi » qui a réussi à propulser un Tutsi à la présidence des Etats-Unis. Je conseille de lire dans le texte en tapant http://m.marianne2.fr/index.php?action=article&numero...

Selon Hureaux, Obama est à la fois « un blanc déguisé en noir »  et par son père, un Kenyan de l’ethnie Luo, un « nilo-hamite ». Et il ajoute : « Eux ou leurs cousins sont au pouvoir au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en Ethiopie et au Soudan (quoique les Nilo-Hamitiques soudains se prétendent Arabes). De grands hommes politiques de la région comme Julius Nyerere, fondateur du socialisme ujamaa ou Yoweri Museveni, actuel président de l’Ouganda, en sont. …. Kabila, président du Congo est, dit-on, à moitié tutsi. »
Cet individu voit des Tutsi partout… Le ridicule ne tue pas, ou le délire obsessionnel se soigne, heureusement pour lui.

- AFRIKARABIA : On entend aussi beaucoup certains militaires français intervenus au Rwanda, comme le général Didier Tauzin, qui affirme « défendre l’honneur de l’armée française » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il y a en France une poignée de politiciens, certains romanciers, et divers régiments qui ont fondé leur identité et leurs réseaux sur une aventure coloniale mythique. Le Rwanda focalise d’autant plus leurs passions qu’ils sont conscients que leur identité ne repose sur rien de concret. Certains sont dans le registre d’une pensée délirante.

- AFRIKARABIA : Vous pensez à qui en particulier ?


- Jean-François DUPAQUIER : A cet égard, le récent livre du général Tauzin est un véritable monument dont je recommande la lecture. Par exemple lorsqu’il explique que les Hutu ont colonisé le Rwanda avant Jésus-Christ et les Tutsi, après (une affirmation lourde de sous-entendus) ! Lorsqu’un général Scrogneugneu se pique d’ethnologie et d’histoire des peuplements, c’est souvent amusant. Ce « pithécanthrope galonné » - pour reprendre une formule qui a été appliquée avec succès au général Bigeard –  pourrait lui-même faire l’objet d’une thèse d’ethnologie.

- AFRIKARABIA : Pour en revenir à Roland Hureaux, n’accordez-vous pas trop d’importance à un individu parmi tant d’autres qui se répandent sur certains sites ou dans les rayons des libraires ? La Toile n’est pas avare de propos sans fondement…


- Jean-François DUPAQUIER : Pas très connu en dehors de certains cercles d’excités, ce Roland Hureaux n’est pourtant pas échappé d’un asile. Il s’agit d’un  normalien et d’un énarque, professeur associé à l’Institut d’Etudes Politique de Toulouse, et qui a été membre du cabinet du Premier ministre Edouard Balladur en 1994. Son dernier article, déposé le 4 août dernier, montre que la venue du président Kagame à Paris a porté au paroxysme son excitation. Il n’est hélas pas le seul.

- AFRIKARABIA : Vous pensez à Pierre Péan ?

- Jean-François DUPAQUIER : D’une certaine façon, oui. Ses deux livres qui ont pour fil directeur les tragédies du Rwanda, « Noires fureurs, blancs menteurs » et « Carnages » sont dans la droite ligne du roman colonial populaire : le Blanc avisé – lui-même, évidemment – apporte la Vérité à d’obscurs africains. Il décrit sommairement (forcément, puisqu’il n’a même pas mis les pieds au Rwanda) deux pseudo tribus dont l’une, sous sa plume, suscite l’aversion et l’autre la compassion. Manichéisme et paternalisme sont les deux mamelles dont se nourrit Péan. Mais ceux qui suscitent surtout sa colère sont les Blancs anticoloniaux, qu’on appelle aujourd’hui tiers-mondistes. Tout dans ses livres nous ramène au complexe de Fachoda. Une vision primaire qu’Hubert Védrine, son ami, n’hésite pas à soutenir dans un récent article de la revue Le Débat, revue qu’on a connu mieux inspirée.
Concernant Péan, le primitif n’est pas celui qu’on pourrait imaginer… La visite du président Kagame en France s’inscrit dans ce contexte très particulier.

Lire le second volet de cette interview : Visite du Président Kagame en France : démêler le vrai du faux

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30 août 2011

RDC : Kabila candidat à sa succession

Une semaine après l'investiture de son propre parti, le président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila a été investi comme l'unique candidat de la Majorité présidentielle (MP) à l'élection présidentielle de novembre 2011. Pendant ce temps, l'opposition congolaise ne parvient toujours pas à se mettre d'accord sur le nom d'un candidat commun.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.03.23-tiltshift.jpgA 90 jours de la prochaine élection présidentielle, Joseph Kabila a donc été désigné et investi sans surprise par le bureau politique de la Majorité présidentielle (MP) qui s’était réuni à Kinshasa. Le président sortant sera donc l'unique candidat de sa famille politique pour cette élection à un seul tour, alors que  l’opposition congolaise n’est toujours pas encore parvenue à s’accorder sur une candidature unique.

Le 24 août dernier, plusieurs partis de l’opposition réunis à la paroisse Notre Dame de Fatima à Kinshasa avaient désigné Etienne Tshisekedi, le président de l’UDPS comme candidat unique de l’opposition. Mais le reste de l’opposition, notamment le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et l’Union des forces congolaises (UFC) de Léon Kengo wa Dondo, se sont désolidarisés de cette démarche, estimant que la priorité pour l'opposition est la mise sur pied préalable d’un programme commun et non le choix du candidat à la présidentielle.

L'épreuve de force continue donc entre Etienne Tshisekedi et les trois autres candidats de l'opposition (Kamrehe, Bemba et Kengo). Tshisekedi s'estime en effet le plus légitime à représenter l'opposition à Joseph Kabila, fort de son expérience et de son appui populaire. Candidat "coûte que coûte" et "jusqu'au boutiste" à la présidentielle, le patron de l'UDPS espère bien faire plier ses concurrents, quitte à leur faire porter la responsabilité d'un échec en cas de candidatures multiples dans un scrutin présidentiel à un seul tour.

En attendant, l'UNC, le MLC et l'UFC ont mis sur pied une commission mixte chargée d’élaborer un programme commun de l’opposition et qui aura aussi à négocier avec les autres partis, dont l’UDPS, sur la question de la candidature unique.

Christophe Rigaud

Photo : Portrait officiel de Joseph Kabila (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

25 août 2011

Burundi : la persécution des avocats entre le ridicule et l’odieux

François Nyamoya, avocat au barreau du Burundi, toujours détenu à Bujumbura, à nouveau devant ses juges ce vendredi 26 août.

Afrikarabia logo.pngIl y a quelques semaines, trois avocats ont été successivement arrêtés au Burundi, dont le Bâtonnier de l’ordre des Avocats. Ces arrestations répétées ont suscité une émotion considérable dans la profession qui a menacé d’une grève générale.

Le Bâtonnier et une avocate ont été rapidement libérés. Me François Nyamoya est resté détenu.

Vendredi   19   août 2011, le juge en charge de l’examen de la situation de détention provisoire de Me Nyamoya, avait ordonné qu’il soit remis en liberté en assortissant cette mesure de conditions telles la présentation de Me Nyamoya au parquet à intervalles réguliers.
Le parquet a interjeté appel. Le code pénal burundais prévoit que l’ordonnance de mise en liberté est immédiatement exécutoire nonobstant appel. La loi est claire et non-sujette à interprétation. Malgré le texte clair et les démarches du Bâtonnier en vue de respecter le code de procédure pénale, Me Nyamoya n’a pas été libéré.
Ce vendredi, l’avocat burundais sera présenté devant le juge d’appel. Tout le barreau du Burundi compte se mobiliser pour soutenir son confrère. Le bâtonnier a d’ailleurs confirmé la demande de libération immédiate de Me Nyamoya, lors d’une conférence de presse le 24 août à Bujumbura.
La défense rappelle que le dossier qui justifie l’arrestation de Me Nyamoya, est le dossier de l’assassinat le soir du 20 novembre 2001, d’un diplomate de l’OMS,  Kassy Manlan.

Tout semble indiquer que l’assassinat du Dr Kassy a été un crime d’Etat. Il a été enlevé par un commando bien organisé après une semaine de filature à Bujumbura. Cet Ivoirien, représentant de l’OMS au Burundi et ayant donc un statut de diplomate, avait enquêté sur d’énormes détournements de fonds au détriment du projet de l’OMS de lutte contre le paludisme.

« A 22 heures, au moment de la sortie de son bureau, il est filé par trois hommes, tous des anciens militaires. Chez lui, neuf hommes l’attendaient. Il a été maîtrisé et conduit à son travail pour détruire un fichier très important et très… intéressant. C’est ce fichier qui est le mobile de son assassinat », avait relaté Gratien Rukindikiza, de l’agence Burundi News.
« Après avoir détruit son fichier qui l’avait pris beaucoup de jours à confectionner et documenter, le commando l’a alors conduit chez lui pour y être tué à minuit. Son cadavre a été acheminé à bord d’une camionnette sur les bords du lac Tanganyika, près du cercle nautique, pour être dévoré par les crocodiles. Cependant, le cadavre a été épargné. » Et donc retrouvé.

Jusqu’à présent, les organes d’Etat du Burundi ont tout fait pour empêcher la condamnation judiciaire des meurtriers et commanditaires et pour créer de fausses pistes : la sœur de Me Nyamoya, Gertrude, elle-même agent de l’O.M.S.,  avait été fallacieusement accusée de ce meurtre par des enquêteurs qui avaient trafiqué la recherche de la vérité.

Face à une telle manœuvre grossière, l’O.M.S. avait décidé d’organiser la défense de son agent. C’est à Me François Nyamoya et à quelques autres que l’on doit d’avoir découvert  une partie de la vérité de cette affaire exemplaire de l’instrumentalisation de la justice. Et c’est dans ce dossier où toute cette famille à tellement souffert qu’aujourd’hui, l’on accuse Me Nyamoya de subornation de témoin.

Le porte-parole du Barreau, Me Sylvestre Banzu Banze, a rappelé avec justesse que les faits concernant cette affaire honteuse qui remonte à 2001, sont d’office prescrits et que le maintien en détention de Me Nyamoya constituerait une bavure judiciaire. Par ailleurs, si le dossier devait être réouvert, il faudrait évidemment s’attaquer prioritairement à l’identification des meurtriers de Kassy Manlan et de leurs commanditaires.

L’un de ses avocats et amis, Me Bernard Maingain, du Barreau de Bruxelles, souligne que « Me Nyamoya est une personnalité rayonnante qui témoigne par sa vie même, de l’idéal de justice. Il est reconnu à Bujumbura pour son éthique rigoureuse et pour son désintéressement. Il n’a jamais hésité à assumer des dossiers difficiles et son cabinet est le lieu où policiers et militaires, fonctionnaires, militaires et magistrats viennent se confier chaque fois que l’Etat de droit est menacé. Son engagement politique au sein du M.S.D., intervient dans le respect de la loi burundaise et s’inscrit dans une volonté claire de lutte pour plus de justice, ce qui n’est pas condamnable en l’état du droit burundais. »

Dans le contexte difficile des relations entre le Barreau et certaines autorités, la défense invite à l’apaisement et au dialogue.

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22 août 2011

Rwanda : Arrestation d’un ancien ministre du « gouvernement génocidaire » rwandais à Créteil

On apprend tardivement l’interpellation à Créteil le 9 août dernier sur mandat d’arrêt international de Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki, ministre des Travaux publics du gouvernement intérimaire dit aussi « gouvernement génocidaire » qui avait été mis en place le 9 avril 1994 à Kigali, après l’attentat qui avait coûté la vie au président Juvénal Habyarimana. Un attentat qui avait servi de prétexte au déclenchement du génocide contre les Tutsi.

Visé par un mandat Interpol émis par le procureur général du Rwanda Martin Ngoga, Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki vivait semble-t-il le plus tranquillement du monde dans le Val-de-Marne où au moins un membre de sa famille apparaît dans l’annuaire téléphonique. Cet homme né en 1955 à Rubavu (Gisenyi) au Rwanda était un des dirigeants du Parti Social Démocrate (PSD) dont il avait pris la tête de la tendance extrémiste et ethniste (dite « Power ») en 1993, quelques mois avant le génocide contre les Tutsi.

C’est à ce titre qu’il fut appelé par les extrémistes de la « solution finale » contre les Tutsi à faire partie du gouvernement intérimaire mis en place le 9 avril 1994, trois jours après l’attentat qui avait coûté la vie au président Juvénal Habyarimana et deux jours après l’assassinat du Premier ministre Agathe Uwilinyimana par la Garde présidentielle. Chargé des Travaux Publics, Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki était aussi récompensé de son autorité sur les milices Interahamwe et Impuzamugambi de Gisenyi.

Surnommé  John Muhindo ou Cyewusi (« le foncé »), l’homme se serait distingué dans les implacables massacres commis dans sa commune d’origine, Gisenyi-Ruvabu. Un témoin protégé du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, « DCH », chef interahamwe qui le secondait, a ainsi décrit (en minimisant son propre rôle) l’un de ces massacres que Rafiki aurait personnellement ordonné en juin 1994 lors d’un meeting à Gisenyi :

« Seul Hyacinthe Rafiki a pris la parole. Et après cela, les autres, dont le conseiller Fazili, ont rassemblé des gens et ils se sont mobilisés, ils sont allés dans la mosquée de Gisenyi et dans d’autres bâtiments pour fouiller ; et ils faisaient sortir les gens et les tuaient. Et il y avait des véhicules qui transportaient les cadavres et les amenaient à un autre endroit ; on voyait ces véhicules passer. […] Mes yeux fonctionnent très bien, j’ai vu ces attaques. Et j’ai vu des gens sur lesquels on a tiré, j’ai vu des gens qui ont été tués à coups de machette ou de massue, et j’ai vu des cadavres qu’on transportait à bord des véhicules.[…] Je voyais les gens courir partout, j’entendais des gens crier, j’entendais des coups de sifflet. […] À Gisenyi, notamment à Majengo, et à la mosquée, et chez Butsitsi, qui était un ancien adjudant-chef ; on a fait sortir des personnes de la maison de cet homme. […] Je
voyais ces gens courir et on les pourchassait. […] J’ai circulé partout.
Je suis allé au bar Rubavu, et je suis allé prendre un verre chez l’adjudant-chef Butsitsi et après, je suis descendu dans le quartier commercial, et après, j’ai pris la route qui monte vers la Gendarmerie, et après je suis allé à un endroit où il y avait une buvette des Interahamwe dans un bâtiment appartenant à […] Léonidas Baganahe. » (Contre-interrogatoire témoin « DCH », TPIR, affaire n° ICTR-98-41-TLE, chambre III C, Bagosora, 28 juin 2004).

Le TPIR disposerait d’autres témoignages le mettant en cause dans des tueries

Inculpé au Rwanda de génocide, entente en vue de commettre le génocide, extermination, participation à un groupe armé, etc.,  Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki fait partie d’une liste de « génocidaires de premier niveau » établie depuis 1996 par le Parquet de Kigali. Ayant fui au Zaïre après le génocide, il a participé à la rébellion des FDLR en RDC, mais il a été exclu de ce mouvement officiellement pour « trahison » le 16 août 2005, comme en atteste un communiqué signé d’Anastase Munyandekwe, porte-parole des FDLR - elle-même une organisation terroriste. Mais il est possible que cette « exclusion » n’ait visé qu’à le dédouaner au moment ou des enquêteurs de l’ONU s’intéressaient aux terribles exactions des FDLR en RDC.

Après son arrestation à Créteil, Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki aurait été remis en liberté sous contrôle judiciaire dans l’attente du dossier d’extradition annoncé par le procureur général du Rwanda.

Jean-François DUPAQUIER

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21 août 2011

RDC : Mobutu de retour pour la présidentielle

La candidature de Nzanga Mobutu à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) signe le retour d'un poids lourd de la politique congolaise. Fils de l'ancien président Mobutu Sese Seso et leader de l'UDEMO, Nzanga Mobutu avait réalisé 4,8% des voix à la présidentielle de 2006 et obtenu une dizaine de député.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.13.50.pngAprès plusieurs mois de silence radio suite à sa révocation en tant que vice-Premier ministre chargé de l'Emploi, Nzanga Mobutu fait un come-back surprise sur l'échiquier congolais. En pleine campagne présidentielle, le fils de l'ancien président Mobutu Sese Seko, a été désigné candidat à la présidentielle du 28 novembre 2011, à l'issue de la convention de son parti, l'Union des démocrates mobutistes (UDEMO).

Nzanga Mobutu avait disparu pendant plusieurs mois de la scène politique congolaise. On le disait à l'étranger, en Italie. Son absence prolongée avait mené à sa révocation en mars 2011 par Joseph Kabila de son poste de vice-Premier ministre chargé de l'Emploi, du travail et de la prévoyance sociale. Depuis,  l'UDEMO, son parti, a donc été contraint de quitter la coalition présidentielle formée avec l'AMP (Alliance pour la majorité présidentielle) et le Parti lumumbiste unifié (PALU) d'Antoine Gizenga. Soutien de Joseph Kabila en 2006, Nzanga Mobutu, a toujours été un fidèle allié du président congolais jusqu'à son "escapade" à l'étranger.

Candidat malheureux à l'élection présidentielle en 2006, Nzanga Mobutu avait tout de même obtenu 4,8% des voix au premier tour et une dizaine de députés aux législatives. Avec un tel parcours, Nzanga Mobutu aurait pu se mettre au service d'un candidat d'opposition. Mais pour son retour politique, Nzanga Mobutu, souhaite s'afficher en candidat "libre", et indique que son parti n'a pas signé d'alliances pré-électorales. Cette candidature inattendue de Nzanga Mobutu fait donc pour l'instant l'affaire de Joseph Kabila qui espère le maximum de candidatures "d'opposition" dans une élection présidentielle à un seul tour.

Christophe Rigaud

RDC : Le PPRD prépare la candidature de Joseph Kabila

Le PPRD vient sans surprise d'accorder toute sa confiance au président sortant Joseph Kabila pour se représenter à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Maître du calendrier électoral, le parti présidentiel congolais espère gagner cette élection taillée sur mesure pour Joseph Kabila.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.14.39.pngLe Parti du peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) du président congolais Joseph Kabila tenait son 2ème Congrès ce week-end à Kinshasa. L'objectif était la préparation des élections et la planification des stratégies pour remporter la présidentielle et les législatives du 28 novembre 2011. Le secrétaire général du PPRD, Evariste Boshab, a exprimé la détermination de son parti à gagner les élections : "le PPRD est prêt depuis 2006 à affronter les élections de 2011".

Au cours de ce congrès, le PPRD a renouvelé son soutien à la candidature de Joseph Kabila pour la prochaine élection présidentielle. Le patron du PPRD et Président de l'actuelle Assemblée nationale congolaise, Evariste Boshab, en a profité pour donner les trois piliers de la campagne que mènera le parti présidentiel : "la paix, l’unité, la promotion des valeurs et la reconstruction". En coulisse le parti présidentiel prépare déjà activement la campagne de Joseph Kabila : l'omniprésent Augustin Katumba, Moïse Katumbi, de retour dans la sphère présidentielle, Henry Mova, Emile Bongelli pour la communication, Toussaint Tshilombo, Marie-Ange Lukiana ou encore Francis Kalombo sont déjà au travail.

Face à l'agitation de l'opposition congolaise qui s'avance, pour l'instant, dans la division, le parti présidentiel apparaît plus serein que jamais à 3 mois du scrutin. Le PPRD a su garder, bon gré mal gré, un semblant de cohésion autour de la Majorité Présidentielle (MP) et de ses partis satellites. Mais surtout, le parti de Joseph Kabila compte sur la dernière révision constitutionnelle du début de l'année pour faire réélire facilement le président sortant. Avec un scrutin présidentiel à un seul tour et non à deux tours, les élections de 2011 ressemblent à un boulevard pour la réélection du président Kabila.

Mais attention, la campagne n'est pas encore vraiment lancée. Deux candidats d'opposition ont pris de l'avance et cristallisent le fort besoin de changement de la population congolaise dont les conditions de vie ne se sont pas améliorées sous la présidence Kabila : Vital Kamerhe, mais surtout Etienne Tshisekedi qui bénéficie depuis plusieurs mois d'un vrai soutien populaire. Car c'est bien sur le bilan mitigé du président sortant  que souhaitent surfer l'opposition congolaise. Mais une seule condition sera nécessaire pour battre Joseph Kabila : s'unir afin de présenter le minimum de candidat au premier et seul tour de l'élection présidentielle.

Christophe Rigaud

19 août 2011

RDC : La DTP France se lance dans la bataille présidentielle

A l'approche des prochaines élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RCD) fixées en novembre 2011, les différents partis politiques sollicitent le soutien de leur diaspora. A l'image de la Dynamique Tshisekedi Président (DTP) France qui s'est créée à la mi-juillet à Bordeaux. Objectifs : mobiliser les Congolais de l'étranger, faire le lien avec les autorités françaises et surtout, faire élire le candidat de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, à la présidence de la République. AFRIKARABIA a rencontré Jean-Michel Mampuya, membre de la DTP France.

Logo Elections 2011.jpg- AFRIKARABIA : Pourquoi avoir créé une Dynamique Tshisekedi Président (DTP) pour la France ?

- Jean-Michel MAMPUYA : La diaspora étant privée du droit de vote, il nous fallait trouver le moyen de peser et d'influencer les prochains scrutins en République démocratique du Congo (RDC), par patriotisme. Bien que la Dynamique Tshisekedi Président (DTP) soit à l'initiative de partis politiques et d'organisations socio-politiques, ce mouvement que nous lançons en France est à l'initiative de congolais et congolaises qui sont, pour certains, membres de partis politiques et pour d'autres non.
Ce qui nous réunit c'est avant toute chose l'amour du notre pays et la nécessité d'apporter une alternative politique et un leadership confirmé qui permettront enfin à la RDC de démarrer une spirale positive de développement et de cesser de s'enfoncer dans les bas fonds de tous les classements mondiaux.

- AFRIKARABIA : Qu'attendez-vous du rôle de la diaspora dans ces élections ?

- Jean-Michel MAMPUYA :  Notre rôle consistera à faire du lobbying auprès des administrations occidentales dans l'esprit de ce que font déjà les partis à Kinshasa.
Nous essayerons ensuite de sensibiliser la diaspora, celle qui ne suit pas de manière assidue la politique congolaise, à prendre conscience des enjeux géopolitiques si on laisse la clique actuelle gouverner plus longtemps.
Nous nous organiserons pour téléphoner, envoyer des sms aux nôtres qui sont au pays et leur donner toutes les raisons objectives qui nous conduisent à soutenir "Ya Tshitshi".

- AFRIKARABIA : Pourquoi avoir choisi Etienne Tshisekedi ?

- Jean-Michel MAMPUYA : Faut-il continuer avec ce système de gouvernance actuel et l'incarnation de ce système ? Pour moi, la réponse est non. De ce constat, l'interrogation qui découle est de savoir qui peut le mieux incarner une alternative crédible, avec un leadership confirmé pour battre le président sortant ? L'évidence nous conduit à dire "Ya Tshitshi" (surnom d'Etienne Tshisekedi, ndlr). Nous avons donc convenu de nous inscrire dans cette dynamique. La DTP souhaite conduire par tous les moyens, Etienne Tshisekedi au pouvoir et contribuer, dans cet élan à la victoire de ses alliés aux élections législatives (fixées le 28 novembre prochaine, le même jour que l'élection présidentielle, ndlr).

- AFRIKARABIA : Pourquoi ne pas porter votre choix sur un autre candidat de l'opposition, comme Vital Kamhere ?

- Jean-Michel MAMPUYA : EtienneTshisekedi on le connait depuis longtemps. On connait son combat pour la démocratie en vue de l'établissement d'un Etat de droit. On sait ce qu'il dit. Par contre, celui dont vous parler (Vital Kamerhe, ndlr) a été le directeur de campagne du président sortant, Joseph Kabila en 2006. S'il fallait faire un bilan aujourd'hui, je retiendrais les combats d'Etienne Tshisekedi pour notre pays, mais je retiendrais aussi le nom de la personne qui a aidé le président sortant à être où il est. Vital Kamerhe a fait le régime de monsieur Kabila. Il a dirigé ce régime jusqu'à ce qu'il soit contraint par son autorité morale à quitter son poste. Et il vient ensuite, tout frais moulu, nous dire qu'il s'oppose à Joseph Kabila ! Il s'oppose à quoi ? il ne l'a jamais décrit. Il serait intéressant que Vital Kamerhe écrive un tome 2 (de son projet pour la RDC, ndlr) avant d'avoir des visions, avec comme titre: "Pourquoi j'ai quitté Kabila". 

- AFRIKARABIA : La campagne n'a pas encore commencé, mais pour le moment on cherche toujours le programme d'Etienne Tshisekedi pour le pays ?

- Jean-Michel MAMPUYA : Contrairement à ce qui peut être dire, Etienne Tshisekedi explique depuis très longtemps les raisons de son combat politique. Il veut gagner cette élection pour permettre l'établissement d'un Etat de droit. C'est ça le programme d'Etienne Tshisekedi. Peut être que nous devrions expliquer plus en détail en quoi un Etat de droit constitue un programme. L'Etat de droit constituera le fondement de toutes actions publiques qui suivront. L'Etat de droit s'établira par des textes responsables, qui garantiront la responsabilité de tous les mandataires publics. Il ne s'agira pas de violer systématiquement la constitution selon la météo politique. L'Etat de Droit donnera toutes les garanties de transparence, de responsabilité, de contrôle et par conséquent d'une gouvernance optimale des ressources publiques.
Compte tenu de l'état des infrastructures du pays, du système de santé et du système éducatif, il est évident qu'il faudra investir dans ces différents domaines. Mais ces investissements ne seront bénéfiques que s'il y a un Etat qui fonctionne et que la bonne gouvernance est assurée. Pour Tshisekedi, l'Etat de droit est le fondement de tout développement. Sans cela, les projets d'infrastructures seront l'occasion d'enrichissement illicite, de corruption, comme c'est le cas aujourd'hui.
Comment expliquer qu'un pays avec un taux de bancarisation de moins de 15% de la population puisse avoir plus de 20 banques ?

- AFRIKARABIA : Dans cette campagne, le président sortant, Joseph Kabila mettra en avant ses réalisations et notamment ses "5 chantiers". Qu'en pensez-vous ?

- Jean-Michel MAMPUYA : En soit, ce n'est pas mauvais de vouloir les faire. Mais comme le pouvoir actuel gouverne dans la parfaite opacité, en dehors de tout contrôle, on ne sait pas ce que nous coûte les quelques travaux entrepris. On n'a aucune visibilité de ce qui veut être fait.  Par conséquent, une bonne partie des acteurs gouvernementaux s'enrichissent illicitement et en toute impunité.
Je note aussi que réfectionner quelques routes ou quelques ponts font partie d'un travail normal et non exceptionnel d'un gouvernement. Chez nous en RDC, on profite de chaque occasion pour faire de la propagande au lieu de travailler sur l'essentiel. On a même vu un Ministre convoquer la presse pour inaugurer un WC dans son ministère ! (il s'agit de Dieudonné Upira, Ministre de la Fonction publique, ndlr). Tout est prétexte à propagande,  tellement les gouvernants ont paupérisé et infantilisé la masse.
Par ailleurs ces chantiers (que les kinois appellent "sentiers") ne s'inscrivent dans aucune politique publique. C'est une notion qui leur est complètement étrangère. On construit quelques routes, mais pour quelle politique d'urbanisme ? On rénove 2 ou 3 instituts supérieurs, mais quel contenu éducatif ou programme national ? Idem en matière de santé, quelle politique sanitaire ou système de santé met-on en place ?

- AFRIKARABIA : Depuis plusieurs mois, l'UDPS d'Etienne Tshisekedi et la DTP tirent la sonnette d'alarme sur les nombreuses irrégularités dans l'enregistrement des électeurs par la Commission électorale (CENI). Des ONG ont relevé des électeurs "fantômes", des électeurs mineurs, des électeurs possédant plusieurs cartes ou dernièrement, des électeurs qui ont disparu du fichier… Que penser des nombreux ratés de la CENI ?

- Jean-Michel MAMPUYA : Pour moi, il y a échec sur toute la ligne. Au départ, toute la classe politique accordait du crédit à la CENI. Les démarches et les propos de Président de la CENI (Daniel Ngoy Mulunda, ndlr) semblaient aller dans un sens de franche collaboration et de transparence. Et ce crédit accordé, l'était en toute bonne foi, bien que l'on sache qu'il est proche du président sortant et de son parti (le PPRD, ndlr).  Même si certains "doutaient" de son honnêteté et de son impartialité, je ne pense pas qu'ils avaient imaginé un fiasco de cet ordre. La CENI a fait très fort ! Je pense que les personnalités et organisations qui s'étaient empressées de féliciter la CENI doivent s'en mordre les doigts. Nous dénonçons depuis plusieurs semaines la manière dont est menée le processus d'enrôlement (enregistrement des électeurs, ndlr), dans la forme et dans le fond.
A cause de la négligence et du mépris de la CENI vis-à-vis des diverses organisations politiques, Daniel Ngoy Mulunda et son bureau porte toute la responsabilité d'éventuelles conséquences négatives.
Pour nous, il y a urgence face à cette énième bourde ! (la perte de certains électeurs dans le fichier électoral, ndlr). Soit on retrouve les électeurs "disparus" ou que l'on a fait disparaitre, soit on cible les territoires des "disparus" et on recommence l'opération. Dans les deux cas de figure, il ne devrait plus être question de laisser la CENI s'entêter en solitaire. Nous nous appliquons à sensibiliser nos partenaires étrangers qui co-financent le processus électoral sur la nécessité d'une réelle collaboration entre la CENI et les différents partis politiques. Ce sont tout de même près de 70 partis qui réclament à cor et à cri une implication dans le contrôle.

Propos recueillis par Christophe Rigaud

13 août 2011

RDC : L'insécurité menace le processus électoral

En novembre prochain, la République Démocratique du Congo (RDC) élira son prochain président de la République. Mais depuis près de quinze ans, la RDC vit dans un état de guerre quasi permanent. Une dizaine de groupes rebelles sème la terreur dans l'Est du pays et 1,7 million de Congolais sont encore réfugiés. Cette insécurité hypothèque fortement les chances de réussite des prochaines élections au risque de replonger le Congo-Kinshasa dans une guerre ouverte.

IMG_3592.jpgSauf nouveaux reports dans l'organisation des élections présidentielles et législatives, la République démocratique du Congo se rendra aux urnes le 28 novembre 2011. Mais l'ambiance n'est pas sereine à Kinshasa. À trois mois du scrutin, de nombreuses ONG dénoncent les retards et le manque de transparence des élections. Entre un fichier électoral incomplet, l'inscription retardée des électeurs sur les listes, le manque de financement et les doutes qui planent sur l'impartialité de la Commission électorale (CENI), les raisons ne manquent de douter de l'équité du scrutin. Les partis d'opposition au président sortant Joseph Kabila fustigent quant à eux, l'ambiance délétère et ultra-sécuritaire que Kinshasa fait peser sur la vie publique congolaise. De l'assassinat du défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya, aux nombreuses pressions sur les journalistes et les militants d'opposition, le pouvoir en semble vouloir tout mettre en place pour assurer la réélection programmée du président Kabila. L'Assemblée a même voté une révision constitutionnelle qui réduit la prochaine élection présidentielle à un seul tour de scrutin.

Une guerre sans fin

Mais le principal défi à relever pour la bonne tenue des prochaines élections est avant tout sécuritaire… et humanitaire. Plusieurs conflits secouent la RDC depuis plus d'une quinzaine d'années. À L'Est tout d'abord, au Nord et Sud Kivu, où l'armée régulière, aidée par les Casques bleus de la MONUSCO se battent contre la rébellion hutu des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) et plusieurs autres groupes rebelles. Problème : l'ONU et l'armée congolaise n'arrivent pas à juguler le conflit… pire, l'armée régulière est accusée d'exactions sur sa population civile. Massacres, viols de masse et pillages à répétition rythment la vie des Congolais de l'Est de la RDC depuis la fin du génocide rwandais de 1994. Bilan : 400.000 femmes violées en 1 année (plus de 1.000 par jour !) et 1 million de réfugiés jetés sur les routes dans les deux provinces du Kivu.

Un deuxième conflit oppose ensuite les tribus Hema et Lendu en Ituri, depuis 1999. Bilan : 130.000 réfugiés. Un troisième conflit agite encore le Bas et le Haut Uélé, en proie aux exactions de la Lord Resistance Army (LRA) de Joseph Kony. Cette rébellion ougandaise ultra-violente a lancé 214 attaques en 2010 contre les populations civiles. 107 enfants soldats ont été enrôlés dans cette milice ougandaise. Bilan : 300.000 réfugiés au Nord de la RDC.

Dernière province secouée par un conflit : l'Équateur, à l'Ouest du pays. Dans cette région, la rébellion Enyele se bat contre le pouvoir central de Kinshasa depuis 2009. Bilan 122.000 réfugiés au Congo-Brazzaville voisin. Enfin, la longue frontière avec l'Angola est le théâtre d'importantes expulsions. 70.000 réfugiés Congolais d'Angola sont rentrés entre Janvier 2010 et Janvier 2011 en RDC. De nombreuses violences (viols, tortures…) sont à déplorer sur la frontière angolaise.

Depuis 1994, les guerres à répétition ont fait des millions de morts en RDC. Combien ? Personne ne le sait vraiment. 1, 2, 3… certains disent 4 millions de victimes. Et tout cela, dans l'indifférence générale.

Des élections sous pression

Comment donc organiser des élections sereines et transparentes en novembre prochain en RDC ? Comment appeler les Congolais aux urnes avec 1,7 million de réfugiés aux quatre coins d'un pays grand comme 5 fois la France ? Comment garantir l'accès à un bureau de vote à tous les électeurs en toute sécurité ? Voici l'enjeu majeur des prochaines élections congolaises.

L'année 2011, année électorale en RD Congo, sera donc l'année de tous les dangers dans la région. Sans sécurisation par une force internationale fortement déployée sur le terrain, il est fort à parier que le scrutin sera vivement contesté, laissant la voie libre à de violents affrontements, notamment dans la capitale Kinshasa. Il s'agit donc pour la communauté internationale et pour l'Union européenne de prendre leur responsabilité et de venir en aide à la RDC pour organiser, sécurité et certifier des élections justes et équitables. Sans quoi, le spectre d'un scénario à l'ivoirienne risque de plonger le pays dans de nouveaux conflits.

Christophe Rigaud

09 août 2011

RDC : Gaspard-Hubert Lonsi Koko à Kinshasa le 17 août prochain

Le porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC), Gaspard-Hubert Lonsi Koko se rendra à Kinshasa le 17 août 2011. Candidat à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), Gaspard-Hubert Lonsi Koko doit y rencontrer les principaux partis d'opposition.

photo.JPGAprès s'être fait enregistré sur les listes électorales l'année dernière, Gaspard-Hubert Lonsi Koko compte bien déposer sa candidature à la prochaine élection présidentielle en RDC fixée le 28 novembre 2011. C'est la raison de son retour à Kinshasa le 17 août prochain. Classé dans le camp des opposants au président sortant Joseph Kabila, Gaspard-Hubert Lonsi Koko est favorable à une candidature unique de l'opposition. Il compte donc rencontrer les différents leaders des partis d'opposition afin de trouver une plateforme d'accord avec le programme électoral du RDPC. En cas d'échec, Gaspard-Hubert Lonsi Koko semble bien décider à aller jusqu'au bout de sa démarche et donc à se présenter à la magistrature suprême. Mais pour l'heure, les différents retards dans le processus électoral ne permettent pas de déposer les candidatures.

Christophe Rigaud

Photo : Gaspard-Hubert Lonsi Koko à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

Un nouvel ambassadeur des Etats-Unis au Rwanda

Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis au Rwanda,  Donald W. (“Don”) Koran, qui a été choisi par Obama en avril dernier, devrait prochainement rejoindre son poste après sa confirmation par le Sénat. Depuis 1984, Don Koran a fait carrière au Senior Foreign Service et fut récemment Directeur de l’Office d’Analyse de l’Afrique (Office of Africa Analysis) au Bureau du Renseignement et de la Recherche du Département d’Etat américain.  Cet homme qui ne fait pas partie du “sérail diplomatique” a été notamment chef de mission au Niger puis au Rwanda.

Capture d’écran 2011-08-09 à 22.19.47.pngA Kigali, il va succéder à un diplomate de carrière, W. Stuart Symington qui avait été choisi par le Président George W. Bush et confirmé par le Sénat américain le 1er août 2008. Les Etats-Unis entretiennent à Kigali une vaste et impressionnante ambassade, construite à l’emplacement d’un ancien camp militaire. Elle regroupe également les ONG américaines. Bénéficiant de l'exceptionnel dispositif sécuritaire du régime de Kigali, les Etats-Unis y ont localisé l'essentiel de leurs services de Renseignement sur l’Afrique des Grands Lacs et l’Afrique de l’Est.

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08 août 2011

RDC : L'opposition sur la voie d'un accord électoral

Les grandes manoeuvres politiques ont bel et bien commencé en République démocratique du Congo (RDC) à l'approche des élections présidentielle et législatives fixées le 28 novembre 2011. Les partis d'opposition seraient sur le point de se mettre d'accord pour attribuer la Présidence à Etienne Tshisekedi (UDPS), le poste de Premier ministre à Vital Kamerhe (UNC), l'Assemblée nationale à Thomas Luhaka (MLC) et le Sénat à Kengo wa Dondo (UFC).

Logo Elections 2011.jpgDepuis la révision constitutionnelle établissant l'élection présidentielle à un seul tour, l'opposition congolaise sait qu'elle doit présenter un candidat unique pour avoir une chance de battre le président sortant Joseph Kabila en novembre prochain. A un peu plus de trois mois du scrutin, les états-majors des principaux candidats semblent résolus à se rapprocher.

Les quatre "K"

Deux stratégies s'opposent. Les challengers comme Kamerhe, Kengo, Kashala ou Kanku prônent la désignation du candidat unique après la rédaction d'un programme commun de l'opposition. Une tactique qui pourrait s'avérer efficace pour ces candidats dont aucun ne peut revendiquer naturellement la tête de l'opposition. Car les quatre "K" ont un adversaire de taille dans leur propre camp : le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi. Un "poids lourd" politique et un "historique" qui se réclame justement "candidat naturel" de l'opposition. La stratégie de Tshisekedi consiste pour l'instant à ignorer ses concurrents (et il sait très bien le faire !), estimant qu'ils se rallieront le moment derrière lui. Pour l'heure, la stratégie Tshisekedi s'avère payante. Il impose son rythme à la campagne et enchaîne meetings et tournées en province avec succès. Un leadership naturel qui permet au patron de l'UDPS de laisser venir à lui ses concurrents.

En coulisse, les lieutenants des différents candidats discutent depuis plusieurs mois du partage des responsabilités et de l'élaboration d'un programme de gouvernement commun. Rien n'est encore acté, mais un accord politique fait déjà son chemin dans les esprits. La Présidence serait réservée à Etienne Tshisekedi (UDPS), le poste de Premier ministre à Vital Kamerhe (UNC), l'Assemblée nationale à Thomas Luhaka (MLC) et le Sénat à Kengo wa Dondo (UFC).  Une répartition des pouvoirs un peu trop "idéale" pour ne pas dire "idéaliste". Car pour Tshisekedi, il y a "opposition et opposition" et le moment venu, il faudra bien trouver un terrain d'entente entre toutes ces personnalités dont "l'anti-Kabilisme" constitue le seul et unique programme.

Christophe Rigaud

05 août 2011

Tshisekedi-Kamerhe : Duel pour le leadership de l'oppostion

A quatre mois des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), deux candidats se détachent pour prendre la tête de l'opposition face au président sortant, Joseph Kabila. Le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, et le président de l'UNC, Vital Kamerhe, cherchent à imposer leur candidature avec des stratégies très différentes.

Capture d’écran 2011-07-10 à 23.52.54.pngSi le président sortant, Joseph Kabila, ne s'est pas encore prononcé sur sa (probable) candidature à sa succession, les candidats de l'opposition battent déjà campagne depuis plusieurs mois. Deux candidats monopolisent pour l'instant l'espace politique congolais : il s'agit du président de l'UDPS, "l'historique" Etienne Tshisekedi et de Vital Kamerhe, nouveau venu dans l'opposition, après avoir été un des plus proches collaborateurs de Joseph Kabila. Alors que la campagne officielle n'est pas encore lancée, la bataille pour le leadership de l'opposition a déjà commencé. Avec une présidentielle à un seul tour, le défi est de taille pour les opposants à Joseph Kabila. Il n'y a effectivement pas de place pour plusieurs candidats d'opposition dans ce type de scrutin. Tshisekedi et Kamerhe doivent donc apparaître comme l'unique rassembleur du front "anti-Kabila" pour capter l'intégralité des voix d'opposition et avoir une chance de battre le président sortant. Une candidature unique de l'opposition pourrait résoudre ce dilemme, mais visiblement, les deux candidats semblent décidés "coûte que coûte" à se présenter.

Deux candidats pour deux stratégies

Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe affûtent donc leur stratégie pour imposer leur hégémonie sur l'opposition congolaise. Pour le candidat de l'UDPS, la campagne repose sur deux axes : s'appuyer sur une dynamique populaire et occuper le terrain de la contestation. Depuis son retour au pays et son meeting géant au stade Tata Raphaël d'avril dernier, Tshisekedi joue la carte du soutien populaire… avec succès. Son récent voyage au Katanga et la foule nombreuse venue l'accueillir, démontre que, même dans le fief de Joseph Kabila, Tshisekedi est en mesure de mobiliser. Le leader de l'UDPS doit également se rendre dans les Kivu (terre natale de Kamerhe) et prouver ainsi qu'il peut être le président de tous les Congolais. Pour l'instant, Tshisekedi est le seul candidat capable de susciter l'engouement populaire partout où il se rend… un avantage qu'il entend bien conserver sur son concurrent.

Deuxième axe de la pré-campagne de Tshisekedi : être aux avant-postes de la contestation au pouvoir du président Kabila. Avec ses nombreux sit-in devant la Commission électorale indépendante (Ceni) pour contester les irrégularités du processus électoral en cours, l'UDPS est le seul parti d'opposition (avec la DTP, sa plateforme politique) à mettre le pouvoir sous pression. Selon les proches de Tshisekedi, seule l'UDPS joue son rôle d'opposant au président Kabila… le MLC de Bemba et l'UNC de Kamerhe étant restés pour l'heure, désespérément muets.

Capture d’écran 2011-08-05 à 17.15.12.pngDu côté de Vital Kamerhe, on mise tout sur l'alliance politique. Objectif : trouver un maximum d'alliés sur l'échiquier congolais pour contrer Tshisekedi. Avec le ralliement de Ne Muanda Nsemi,  président du Bundu Dia Mayala (BDM) et leader polico-religieux incontournable du Bas-Congo, Kamerhe espère bien attirer d'autres ténors politiques congolais. Ils sont en effet très nombreux à être courtisés : Oscar Kashala, de l'UREC (actuellement en pleine implosion) ou Kengo wa Dondo (le président du Sénat, qui hésite à se présenter) pourraient venir rejoindre le patron de l'UNC. Citons aussi François Muamba (débarqué du MLC) qui cherche de nouveaux partenaires… on le donne tantôt se rapprochant de l'UDPS, de Kamerhe ou même… de Kabila !  Mais à ce jour, rien n'est fait… tout le monde hésite encore. Le principal objectif de Vital Kamerhe est d'apparaître comme un possible rassembleur de l'opposition face à Tshisekedi "le solitaire". Mais le grand écart est difficile à tenir pour l'ancien Président de l'Assemblée nationale congolaise et ex-directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006. Kamerhe, derrière son talent incontestable de "fin politicien" est trop souvent perçu comme un "opposant de la dernière heure" et un candidat uniquement médiatique, sans base populaire. Son territoire d'élection (le Kivu dont il est originaire) semble effectivement trop restreint pour conquérir le reste du Congo.

A ce petit jeu, difficile de dire qui remportera le leadership de l'opposition en RD Congo. Pour l'instant aucun des deux candidats n'a pris l'ascendant sur l'autre et chacun mène sa campagne en ignorant celle de son concurrent. "Campagne populaire" pour l'un et "alliances politiques" pour l'autre, pourraient constituer deux stratégies très complémentaires si elles n'étaient pas menées par deux candidats que tout oppose.

Christophe Rigaud

Photos : Etienne Tshisekedi (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com - Vital Kamerhe (c) Site internet UNC

02 août 2011

RDC : L'Europe revient au chevet des élections congolaises

Catherine Ashton a décidé l'envoi d'une mission d'observation électorale en République démocratique du Congo (RDC) lors des scrutins du 28 novembre 2011. Cette mission se déploiera 6 à 8 semaines avant les élections.

Logo UE.png«Sur l’invitation du Gouvernement de la République Démocratique du Congo», Catherine Ashton, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne a décidé de déployer une mission d’observation électorale pour les scrutins présidentiels et législatifs prévus pour le 28 novembre prochain et de nommer Mariya Nedelcheva, membre du Parlement européen, comme Chef Observateur pour diriger cette mission. Selon l'UE, «cette décision s’inscrit dans la continuité du soutien politique de l’Union européenne envers ce processus démocratique et s’ajoute au soutien financier pour le cycle électoral qui s’élève à 47,5millions d’euros».

31 juillet 2011

RDC : Vers un report des législatives

Les élections législatives se tiendront-elles en même temps que l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) ? Prévues initialement le 28 novembre 2011, ces deux élections devaient se tenir le même jour, mais le président de la Commission électoral pourrait "découpler" les deux scrutins et reporter les législatives : la faute aux nombreux retards survenus dans le processus électoral. L'opposition y voit déjà une manière pour Joseph Kabila de garder sa majorité à l'Assemblée après la présidentielle.

Logo Elections 2011.jpgA Kinshasa, le Président de la Commission électorale (Ceni), Daniel Mulunda Ngoy, a expliqué que «les législatives seront reportées si les députés ne votent pas avant le 10 août, l’annexe de la loi électorale fixant la répartition des sièges». Les élections législatives pourraient donc être "découplées" de la présidentielle prévue le 28 novembre 2011… une prochaine date serait fixée par les députés. Ce report est une des conséquences des multiples retards du processus électoral en RDC. Selon le calendrier de la Commission électorale, l'annexe de la loi électorale aurait due être déjà votée par le Parlement entre le 23 et le 27 juillet, puis promulguée d'ici au 3 août prochain. Les futurs candidats à la présidentielle et aux législatives devant s’inscrire du 4 août au 6 septembre. Si la fameuse annexe n’était pas voté avant le 10 août, le Président de la Ceni sera alors dans l’obligation de proposer un autre calendrier.

Pour de nombreux observateurs congolais, le découplage des deux scrutins étaient déjà dans l'air depuis quelques mois. Selon l'opposition, ce "subterfuge" permettrait au président Joseph Kabila d'être sûr de conserver sa majorité à l'Assemblée nationale après la présidentielle du 28 novembre… chose qui est loin d'être acquise. Le pire scénario pour le Joseph serait en effet de se faire réélire à la présidence, mais sans majorité parlementaire… et de devoir ainsi affronter une cohabitation Ce report permettrait donc aux députés de la majorité présidentielle de se présenter face aux électeurs, forts de la réélection du président Kabila.

Christophe Rigaud

Le Rwanda espère un siège au Comité exécutif du Haut commissariat pour les réfugiés

Le Conseil économique et social des Nations-unies vient de décider à l’unanimité d’approuver la demande de l’Etat rwandais d’un siège au Comité exécutif du Haut commissariat pour les réfugiés. Ce vœu sera transmis à la 66e session de l’ONU dans le cadre d’un projet d’élargissement du Comité de 85 à 87 membres.

Drapeau Rwanda.jpg« Le Rwanda veut renforcer sa coopération internationale dans la région au regard de la Convention sur les réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967 », a expliqué Alphonse Kayitare, Chargé d’affaire à l’ambassade du Rwanda à Genève, qui a introduit la demande auprès des Nations-Unies.

Ce geste serait important par rapport à l'histoire du Rwanda qui, depuis les massacres « ethniques » contre les Tutsis ayant commencé en 1959, avait une des plus importantes et des plus anciennes  populations réfugiées dans le monde entier, un effectif augmentant au fur et à mesure des massacres de Tutsis. Et un statut invoqué, à l’inverse, par des Hutus ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994 et la victoire du Front patriotique (FPR).

Ce geste sera important également par rapport aux falsifications historiques essentiellement française autour d'une attaque des  "Ougandais" en 1990, prétexte de l’intervention militaire française et du génocide des Tutsis.

Déjà à la 60e session du Comité exécutif, en 2009, le Haut commissaire aux réfugiés avait pris en compte que le Rwanda a enregistré « d’énormes progrès en matière de développement socio-économique et en mat!ère de sécurité ». Et qu’en conséquence, le statut de réfugié jusqu’alors presque automatiquement  accordé aux Rwandais à l’étranger qui en faisaient la demande, n’a plus de raison d’être.

La Clause permettant  à des Rwandais de postuler au statut de réfugié devrait être supprimée à la fin de cette année.

François MOLYNEUX

A Kigali pour Afrikarabia

22:04 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (5)

30 juillet 2011

Museveni et Kagame main dans la main pour un leadership commun sur l’Afrique centrale

Depuis vendredi 29 juillet, le président ougandais Yoweri Museveni est en visite d’Etat pour quatre jours à Kigali, afin de finaliser une série d’accords économiques et politiques avec Paul Kagame. Les deux chefs d’Etat semblent avoir le feu vert de Joseph Kabila - en campagne présidentielle - pour jeter les bases d’une zone de stabilité et de prospérité en Afrique centrale, débordant largement vers le Kivu.

Capture d’écran 2011-07-30 à 13.28.18.pngC’est accompagnés de leurs épouses – qui s’appellent toutes deux Jeannette - que Yoweri Museveni et Paul Kagame se sont retrouvés vendredi vers 16 h 15 sur le tarmac de l’aéroport de Kigali pour le début d’une visite d’Etat de quatre jours, une conférence de presse commune étant prévue lundi. Au cours des 48 heures précédentes, deux délégations d’une cinquantaine de responsables rwandais et ougandais de haut rang, dirigées respectivement par Louise Mushikiwabo (ministre des Affaires étrangères du Rwanda) et Sam Ketusa (son homologue ougandais) avaient préparé les bases d’une série d’accords.

Les deux pays ont déployé ces derniers mois une intense action diplomatique convergente pour favoriser l’accord de paix du Soudan, pour fournir des Casques bleus en Somalie ou au Darfour, pour critiquer l’inertie de l’Union africaine dans la crise libyenne ou encore pour appuyer l’autorité du président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila. Mais aussi pour réclamer la mise hors d’état de nuire de leurs mouvements rebelles respectifs réfugiés en RDC, les FDLR rwandaises et l’Armée de résistance du Seigneur ougandaise (LRA), qu’ils ne cessent de dénoncer toute en prenant leur bénéfice de leur mise en coup réglée de l’est de la RDC.

Yoweri Museveni et Paul Kagame semblent décidés à jouer de leur synergie de deux « poids lourds » de l’Union africaine et de la capacité offensive de leurs forces armées (APR et NRA), les deux meilleures armées d’Afrique noire après l’Afrique du Sud. Pour faire oublier les rivalités, voire les coups bas du passé, les deux présidents ont décidé – au sens propre - de « mouiller leur chemise ». Samedi matin, ils devraient participer ensemble à « l’Umuganda », les travaux communautaire qui soudent les Rwandais chaque dernier samedi matin du mois pour réaliser des travaux d’intérêt général : défrichage, entretien des chemins, plantations…

L’occasion d’une belle photo de famille. Et pour Paul Kagame, d’apparaître comme un acteur incontournable de la scène africaine le 12 septembre prochain, date envisagée de sa visite à Paris

François MOLYNEUX

A Kigali, pour Afrikarabia