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20 janvier 2011

RDC : La France soutient la présidentielle à un tour

Par la voix de l'ambassadeur de France à Kinshasa, Pierre Jacquemot, la diplomatie française déclare "apprécier " la démarche de la révision constitutionnelle en République démocratique du Congo (RDC). L'ambassadeur note qu'il  s’agit d’une décision qui relève de la souveraineté nationale, "puisqu’elle a été adoptée par le congrès" et trouve donc rien à redire sur le sujet, notamment sur le passage à un seul tour de l'élection présidentielle, prévue dans seulement 10 mois. La Belgique, quant à elle, s'est engagée à soutenir les prochaines élections RDC pour un montant de 12 millions d'euros.

Image 4.pngVoici un soutient de poids pour le président sortant Joseph Kabila : celui de la diplomatie française, alors que la polémique fait toujours rage à Kinshasa au sujet de la récente révision constitutionnelle validée par le parlement de RD Congo. Cette révision portait entre autre sur la fameuse présidentielle à un seul tour voulue par Joseph Kabila.

L'ambassadeur de France rappelle toutefois que la France souhaite le respect du calendrier, la liberté d’action et d’expression et la sécurisation des acteurs avant, pendant et après le scrutin, avec l'aide de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (MONUSCO). Un soutient qui tombe à pique pour Joseph Kabila, alors que la Belgique s’est engagée à honorer sa promesse en appuyant le processus électoral en RDC pour un montant de 12 millions d’euros et ce, en dépit de modifications et du format du scrutin. La communauté internationale souhaite donc la tenue du scrutin coûte que coûte, alors que l'opposition ne décolère pas sur ce changement de règle du jeu à seulement 10 mois de l'élection.

Christophe Rigaud

18 janvier 2011

RDC : Faustin Munene a été arrêté

Après trois de mois de cavale, l'aventure s'arrête nette pour le général Faustin Munene. En fuite pour éviter des ennuis judiciaires avec le pouvoir en place à Kinshasa, le général Munene avait pris le maquis et la tête d'une "rébellion", l'Armée de Résistance Populaire (ARP) pour la libération du Congo. Pour l'heure, l'information est démentie par les proches de Munene.

Image 3.pngFaustin Munene a été arrêté alors qu'il tentait de se rendre au Congo-Brazzaville. L' ex-patron de la Chancellerie des Ordres Nationaux, serait actuellement détenu à la prison centrale de Pointe Noire avec 11 autres personnes. Des discussions auraient débutées entre les autorités de Kinshasa et celles de Brazzaville en vue de son extradition en République démocratique du Congo (RDC).

Que reprochait-t-on à Faustin Munene ?

A vrai dire rien, officiellement. A Kinshasa, on évoque pourtant un "complot contre le raïs Joseph Kabila". Sa famille explique que Munene était traqué par les "services" congolais et aurait fui de peur d'être arrêté. Originaire de la province du Bandundu, le général Munene était un proche de Pierre Mulele (rebelle avec Antoine Gizenga en 1961). Après l’assassinat de Mulele par Mobutu, Faustin Munene s'exil en Angola et rentre au pays avec l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, dont il était commandant. Après la chute du régime Mobutu, il occupe le poste de vice-ministre de Kabila en charge de l’ordre public et chef d’Etat-major des Forces armées congolaises. Avec Joseph Kabila, Faustin Munene est nommé Chancelier des ordres nationaux, puis démissionne du poste pour se présenter à la députation à Kinshasa. Munene échoue aux législatives et disparaît de l'actualité congolaise jusqu'à sa fuite fin septembre.

Controverse sur son arrestation

Pour l'instant l'arrestation est démentie par Julien Ciakudia, leader de la Resistance Patriotique Mondiale et Président National de  l’Union des Patriotes Résistants pour la Libération totale du Congo (UPR). Dans un communiqué, il précise : 
   1. Le camarade général Munene n’a jamais effectue un déplacement a l’intérieur du territoire national de ce pays frère le Congo Brazza 
   2. Le camarade Faustin Munene confirme encore une fois qu’il est libre de tout mouvement et a l’intérieur de son pays la RDC dans un lieu sur ou il continue son maquis pour mettre fin a ce pouvoir d’occupation tutsi rwandais.
   3. Le camarade général Munene encourage le peuple congolais a ne pas se laisser berner dans les mensonges médiatiques ayant pour objectif de décourager la mobilisation de tout un peuple a accompagner la résistance patriotique a l’intérieur de notre pays.  

Christophe Rigaud

15 janvier 2011

RDC : Joseph Kabila gagne la bataille constitutionnelle

Logo Elections 2011.jpgA moins de 10 mois de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), l'Assemblée nationale et le Sénat congolais viennent d'adopter ce samedi le projet de révision de la Constitution avec en ligne de mire, la modification du mode de scrutin. Le chef de l'Etat, Joseph Kabila propose en effet que le président de la République soit élu à la majorité simple des suffrages exprimés et non plus à la majorité absolue au second tour. Une modification inacceptable pour l'opposition qui dénonce ce changement brutal des règles du jeux à quelques mois du scrutin. Si Joseph Kabila remporte sa première victoire avant même la tenue des élections, il vient d'ouvrir  les hostilités avec les partis d'opposition… jusqu'où ?

Pour adopter la révision de la constitution, le texte doit obtenir la majorité de trois cinquièmes, selon la Constitution. Sur 608 élus (députés et sénateurs) que comptent le Parlement congolais, 485 ont voté pour la modification des huit articles de la Constitution de 2006, alors que 8 ont voté contre et 11 se sont abstenus. Une centaine de députés de l'opposition ont boycotté cette séance.
A part dans la majorité présidentielle, la suppression du deuxième tour de l’élection présidentielle est vivement décriée par l’opposition, l’église catholique (notamment Laurent Monsengwo) et la société civile.

Christophe Rigaud

14 janvier 2011

RDC : Une autre grille de lecture du conflit au Kivu

Dans un long article publié par le site Affaires Stratégiques, la chercheuse Flora Boubour revient sur les causes de la guerre au Kivu et les raisons de son enlisement, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Au delà des facteurs connus sur le déclenchement du conflit après le génocide rwandais de 1994 et des causes ethniques, économiques ou sécuritaires, Flora Boubour explore des pistes nouvelles, comme les agendas politiques internes des différents pays voisins ainsi que le manque de leadership régional et international.

Image 3.pngDans son analyse, Flora Boubour décrit le conflit au Kivu comme "une lutte des élites pour le contrôle de l'Etat, chaque acteur du conflit cherchant à s’assurer une capacité de nuisance suffisante pour faire pression sur le gouvernement." La chercheuse explique qu'en 2008, le président Joseph Kabila a cherché coûte que coûte une victoire totale sur le CNDP de Laurent Nkunda pour ne pas avoir à partager le pouvoir avec ses opposants. Finalement, la paix signée en 2009 ne sera qu'un compromis politique puisqu'elle prévoit l'intégration des rebelles dans l'armée régulière et la mue du CNDP en parti politique en vue de participer au partage du pouvoir. Pour l'heure, l'intégration des troupes du CNDP est loin d'être totale et les membres du CNDP sont toujours bloqués aux portes du gouvernement.

Dans son analyse, Flora Boubour décrypte également l'agenda politique rwandais. Le turbulent voisin est en effet très impliqué au Kivu, militairement et économiquement. Selon la chercheuse : "l’organisation du contrôle des ressources provenant du Kivu a permis le recouvrement du pays. Politiquement cette guerre a permis de faciliter la reconstruction nationale en évinçant les génocidaires et en créant un ennemi commun." L'opération militaire conjointe, entre la RDC et le Rwanda (Umoja Wetu) a enfin permis la neutralisation de l'encombrant général Nkunda et de "renforcer les assises économiques rwandaises au Kivu mais aussi de donner une meilleure image du pays aux bailleurs, notamment la Suède et Hollande qui ont arrêté leur aide au Rwanda en raison de son implication dans le pillage des ressources."

Enfin, Flora Boubour note une absence totale de leadership régionale et internationale. Le kivu ne semble pas bénéficier d'un "parrain international" comme au Darfour ou au Proche-Orient "qui réunit les belligérants, finance les rencontres et organise des négociations". Les casques bleus de l'ONU censés maintenir la paix semblent bien incapable de "s'imposer militairement ou politiquement" et  la chercheuse, estime que la MONUCO et  "n’apparaît donc pas comme un acteur crédible et suffisant pour créer les conditions de la paix." Pour conclure, Flora Boubour note que "le mandat inadapté de la MONUC et les problèmes de coordination entre acteurs internationaux semblent être devenus des facteurs à part entière de l’enlisement du conflit. Il n’y a pas de centre décisionnel mais une multitude de centres dont les actions en faveur de la paix sont concurrentes et parfois contradictoires."

Une analyse à lire dans son intégralité sur le site Affaires stratégiques.

Christophe Rigaud

Photo : RDC 2006 (c) Ch Rigaud www.afrikarabia.com

12 janvier 2011

RDC : Coup de force constitutionnel de Joseph Kabila

L'Assemblée nationale de République démocratique du Congo (RDC) vient de donner son feu vert à la proposition de loi relative à la révision de certaines dispositions de la Constitution congolaise. Cette révision constitutionnelle permettrait de changer le mode de scrutin de la présidentielle de novembre prochain pour la faire passer de deux à un seul tour. Un scandale pour l'opposition  qui a refusé de prendre part au vote et qui estime que changer les règle du jeu à la dernière minute n'a pour unique objectif que de favoriser le président sortant. En proposant un mode de scrutin à un seul tour, la majorité présidentielle estimait vouloir éviter un scénario "à l'ivoirienne" après le second tour. Au vue du tollé provoqué par le coup de force de Joseph Kabila, la révision de la  constitution risque de précipiter la RD Congo dans ce scénario bien avant l'élection.

Image 3.pngSur les 337 députés ayant participé au vote (à main levée), 334 ont approuvé le principe d'une révision de la Constitution, contre seulement 2 qui se sont abstenus, 1 seul ayant voté non.  L'Assemblée nationale congolaise a donc déclaré recevable la proposition de loi relative à la révision de la Constitution de la RDC, ouvrant ainsi la voie à un changement de mode de scrutin pour l'élection présidentielle, qui passerait de deux à un seul tour.

Signe des temps, le vote a eu lieu en l'absence des députés de l'opposition qui avaient quitté la salle afin de protester contre ce "tripatouillage de dernière minute".
L'opposition, toutes tendances confondues, rejette en bloc le projet de Joseph Kabila, soulignant qu'une élection à un seul tour est "dangereuse" et "rétrograde", ayant pour "unique objectif d'organiser la tricherie à grande échelle, et participe d'une dynamique de confiscation de tous les pouvoirs d'Etat par un seul individu", en l'occurrence Joseph Kabila. Si la modification du mode scrutin passe, le prochain président de République démocratique du Congo pourrait en effet être élu avec seulement 18 ou 20 % des voix !

Au vue de la levée de bouclier soulevée par ce projet, les futures élections de 2011 s'engagent bien mal en RD Congo. Les tensions sont déjà exacerbées entre opposition et majorité. Et le passage à une élection à un seule tour, pourrait même avoir l'effet inverse de celui promis par Joseph Kabila. Car, à vouloir supprimer le second tour de la présidentielle afin d'éviter les tensions entre les deux candidats du deuxième tour, comme c'est le cas en Côte d'Ivoire, le projet présidentiel pourrait déclencher une fronde anti-Kabila avant même le démarrage de la campagne ! ... avec affrontements, répression, arrestations arbitraires, muselage des médias... comme au Nigéria en 2007 ou en Côte d'Ivoire en 2010.  On peut même se demander aujourd'hui si les élections de novembre 2011 auront bien lieu à date prévue...

Christophe Rigaud

05 janvier 2011

RDC 2011 : Le coup de poker de Kabila

Contrer une possible alliance Tshisekedi-Bemba-Kamerhe… c'est vraisemblablement ce qui motive Joseph Kabila à la modification du mode de scrutin des prochaines élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC). Pour ne pas avoir à affronter cette hypothétique "union sacrée de l'opposition" au second tour de scrutin, le président sortant propose de réduire à un seul tour la prochaine présidentielle. Un tour de passe-passe électoral qui traduit une certaine fébrilité du candidat sortant, visiblement inquiet pour sa réélection en 2011.

Logo Elections 2011.jpgIl a suffit de la déclaration de deux candidats de l'opposition : l'historique Etienne Tshisekedi et le jeune loup Vital Kamerhe pour lancer la campagne électorale… une campagne déjà sous haute tension. La proposition du gouvernement de RD Congo de passer à un seul tour le prochain scrutin présidentiel de novembre prochain suscite une très vive polémique dans l'opposition. Le MLC de Jean-Pierre Bemba et l’UNC de Vital Kamerhe, rejettent vivement cette modification du mode de scrutin. Pour Kamerhe "changer les règles du jeu à la veille des élections paraît une démarche politique immorale et irresponsable qui frise la tricherie." Mêmes arguments du côté du MLC de Jean-Pierre Bemba (candidat non déclaré et actuellement en prison à La Haye) qui rejette clairement cette proposition en soulignant que "cela risque d'affecter la légimité du président élu".

Silence de Tshisekedi

Par contre,  une autre grande voix de l'opposition est restée étonnamment muette sur la question… celle d'Etienne Tshisekedi. Un silence assourdissant qui peut s'expliquer par la stratégie de rassemblement que prône l'UDPS. Tshisekedi cherche en effet à constituer autour de lui, une candidature unique de l'opposition. Le scrutin à un seul tour de Joseph Kabila donnerait donc raison à l'union que souhaite proposer Etienne Tshisekedi aux autres partis d'opposition et ce, dès le premier tour. Etienne Tshisekedi serait donc le seul candidat, avec Joseph Kabila à ne pas redouter cette modification du mode de scrutin. Le coup de poker de Joseph Kabila sera tranché par le par­le­ment congo­lais en ses­sion ex­tra­or­di­naire dansle courant du mois de janvier 2011.

Christophe Rigaud

03 janvier 2011

RDC Elections : Joseph Kabila tente de passer en force

Dans moins d'un an, la République démocratique du Congo (RDC) doit élire pour la deuxième fois démocratiquement son président de la République. Avec le retour de l'opposant historique, Etienne Tshisekedi, et la déclaration de candidature de l'ancien allié de Joseph Kabila, Vital Kamerhe, les grandes manoeuvres ont débuté sur fond de polémique. Le gouvernement congolais propose en effet de réduire à un seul tour le mode de scrutin présidentiel. "Moins onéreux" pour la majorité, "inacceptable" pour le MLC, un parti d'opposition.

DSC04200 Mzee Kabila toujours là.JPG

Même si l'idée n'est pas nouvelle, tout à commencé à Lubumbashi le 2 janvier dernier, selon RFI. Joseph Kabila, le président sortant de la RD Congo rencontre des parlementaires locaux. Objectif : tester sa nouvelle idée de modification de mode de scrutin. Joseph Kabila souhaiterais en effet un mode de scrutin électoral à un seul tour au lieu de deux. Pour la majorité présidentielle, ce mode serait "profitable à la population, moins onéreux et moins problématique" que le scrutin à deux tours.

Selon le porte-parole su gouvernement, "le scrutin à deux tours tel que nous l'avons expérimenté en 2006 n'est pas conforme aux intérêts du peuple congolais du point de vue économique, politique et sécuritaire" (!!) On peut se demander si le seul mode de scrutin est responsable des problème économiques, politiques et sécuritaires de la RDC ? Une chose est sûre : ce mode scrutin sera moins coûteux pour le contribuable congolais : 350 millions de dollars américains au lieu de 700. Lambert Mende évoque également la situation au Kenya, en Guinée ou en Côte d'Ivoire. Selon le porte-parole des autorités congolaises, cela "éviterait au pays de sombrer dans des guerres identitaires". Là encore, nous ne sommes pas sûr qu'avec un mode de scrutin à un seul tour, ces pays n'auraient pas sombré dans le chaos institutionnel…

Cette modification de dernière minutes n'est pas appréciée par le MLC, un parti d'opposition : "inacceptable, cela risque d'affecter la légitimité du président élu". Quid ensuite des "petits candidats" qui n'auront aucune chance de peser sur le scrutin ? Mais la meilleures analyse vient de l'UNC, le tout nouveau parti de Vital Kamerhe, dont un de ses représentants, Baudouin Mayo, estime sur RFI "que revenir sur un mode de scrutin à deux tours au profit du scrutin majoritaire à un tour ne répond qu’aux besoin de la majorité présidentielle qui voudrait faire un passage en force"… et c'est bien là le problème.

Christophe Rigaud

Photo : (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

01 janvier 2011

RDC : 2011, une année décisive

Elections ou non, l'année 2011 sera cruciale en la République démocratique du Congo (RDC). Si les élections ont bien lieu, le scrutin se révèlera plus ouvert que prévu et plus personne ne sera en mesure d'assurer la réélection "programmée" de Joseph Kabila. Si les élections sont reportées, comme beaucoup le prédisent, la RD Congo entrera alors dans une zone de fortes turbulences et fera de 2011, l'année de tous les dangers. Etat des lieux.

DSC03988.JPGPlusieurs difficultés attendent la RDC en 2011 et les 5 chantiers lancés par le président Kabila en 2006 sont encore loin d'avoir portés tous leurs fruits. Il faut dire que les attentes des congolais sont immenses : inflation, santé, électricité, eau, éducation, état des routes… tout reste à faire dans cet immense pays aussi grand que toute l'Europe occidentale et les marges de manoeuvres du pouvoir sont très étroites. Le budget de la République démocratique du Congo (RDC) reste microscopique : 6,7 milliards de dollars pour plus de 72 millions de Congolais.

Des conditions de vie difficiles

Ces derniers mois, les prix ont flambé dans tous le pays. Cette augmentation des prix va du simple au double en l’espace de trois mois : riz, manioc, grains de maïs, farine de froment et viande congelée, pour ne citer que ceux-là.  Une dernière étude du PNUD, le niveau de développement en République Démocratique du Congo est en recul en 2010 par rapport à celui de 1970, selon le classement annuel du développement humain… on vivrait donc plus mal à Kinshasa en 2010 qu'en 1970 !

Une guerre sans fin à l'Est

Le chaos règne toujours à l'Est du pays. Les groupes rebelles font toujours la loi dans les Kivu et la frontières Nord de la RD Congo continue d'être la proie de la LRA (Armée de Résistance du Seigneur). Attaques sanglantes, massacres, viols, enlèvements, pillages… les civils sont les premières victimes de l'insécurité permanente qui prévôt à l'Est de la République démocratique du Congo. Milices huttes des FDLR, Maï-Maï, ex-CNDP… et soudards de l'armée régulière (FARDC) ont jeté plus de 1,4 millions de déplacés sur les routes congolaises. Pour l'heure, ni les 17 000 casques bleus de la MONUSCO, ni les FARDC ne parviennent à rétablir un semblant de sécurité dans la région.

Année électorale ?

2011 doit sonner comme l'heure de vérité pour le président Joseph Kabila. A la surprise générale, en plein été 2010, le président sortant annonce la date de la tenue des prochaines élections présidentielles en RD Congo : novembre 2011. Le recensement et l'enrôlement des électeurs ne sont pas terminés, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n'est toujours pas en place et suscite déjà des controverses… mais les élections auront bien lieu !  A moins que… comme de nombreux observateurs le prédisent, Joseph Kabila ne décide de reporter le scrutin. La mise en place chaotique des élections, son manque financement et la nomination contestée du futur président de la CENI pourraient pousser le président Kabila remettre le scrutin aux calendes grecques. Car pour la président sortant, les élections ne s'annonce plus comme une simple promenade de santé.
Plusieurs candidats de poids viennent en effet de sortir du bois et la réélection de Joseph Kabila apparaît de moins en moins assurée. Des alliances semblent même voir le jour entre les principaux partis d'opposition : le MLC de Bemba et Muamba, l'UDPS de Tshisekedi ou l'UNC de Kamerhe… trois poids lourds de la politique congolaise qui pourraient  troubler la tranquille réélection de Joseph Kabila. Elections avec ou sans report… 2011 sera donc une année décisive pour la stabilité de la République démocratique du Congo.

Christophe Rigaud

Photo : (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

31 décembre 2010

Affaire Chebeya : Un proche de Numbi parle

L'étau se resserre autour du chef de la Police de République démocratique du Congo (RDC), John Numbi, dans le cadre du procès de l'assassinat de Floribert Chebeya, militant de l’ONG la Voix des sans Voix en juin dernier. Le chef des services spéciaux de la police de Kinshasa, Unyon Vakpa, a été entendu par la justice et dévoile les liens existant entre l'un de ses subalternes, Daniel Mukalay et le général John Numbi.

Afrikarabia logo.pngDepuis un mois et demi, le procès des huit policiers impliqués dans la mort du militant congolais des droits de l’homme Floribert Chebeya, tourne autour d'un acteur clé de l'affaire, mais grand absent du procès : John Numbi. Le chef de la Police est mis en cause par les parties civiles, qui dénoncent la protection des autorités dont il bénéficie. Il avait donné rendez-vous à Floribert Chebeya le jour de sa mort. Celui-ci a été retrouvé sans vie dans sa voiture le lendemain. L'entretien n'aurait jamais eu lieu. Numbi est actuellement suspendu de ses fonctions et placé en résidence surveillée, mais n'a jamais été entendu par la justice.

L'audition du général Innocent Unyon Vakpa est particulièrement instructive sur le rôle de Daniel Mukalay, l'undes principaux suspects et John Numbi. Selon le général Innocent Unyon Vakpa, Mukalay traitait directement avec Numbi alors qu'il n'était qu'un simple subalterne du général : "quand votre chef traite directement avec son subalterne en vous "sautant", ça frustre », a déclaré devant la justice le général Unyon. Et selon lui, Mukalay "aurait la protection de l'échelon supérieur de la police". Ce général a aussi révélé que John Numbi, l'inspecteur de la police congolaise, suspendu de ses fonctions après la mort de Chebeya, confiait à son insu des missions à Mukalay. Un témoignage très intéressant lorsque l'on sait que quelques jours après l’assassinat, le colonel Daniel Mukalay serait passé aux aveux et aurait expliqué n’avoir été qu’un "simple exécutant de John Numbi".

La prochaine audience de la cour militaire de RD Congo à Kinshasa est fixée au 6 janvier 2011.

Christophe Rigaud

29 décembre 2010

RDC : Bemba probable candidat en 2011

Le MLC (Mouvement de Libération du Congo) fera visiblement cavalier seul pour les prochaines élections présidentielles de République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2011. Le parti d'opposition présentera vraisemblablement la candidature de son "chairman", Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président et candidat malheureux aux dernières élections de 2006 face à Joseph Kabila. Une candidature inédite, puisque Jean-Pierre Bemba est actuellement détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI). La présidentielle de 2011en RD Congo pourrait donc voir se présenter un "candidat-prisonnier"… si cela est juridiquement possible.

DSC03834 copie.jpgMême si le président sortant de République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, n'a pas encore annoncé son intention de se présenter à sa propre succession aux élections de 2011, les autres candidats commencent à sortir du bois. Il y a tout d'abord l'opposant historique Etienne Tshisekedi, 78 ans et actuel président de l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS). Autre rival de poids à s'être déclaré :  un ancien allié et fidèle du président Kabila, Vital Kamerhe, l'ex-président de l'Assemblée nationale congolaise. Vital Kamerhe, avait battu campagne en 2006 pour le candidat Kabila et largement contribué à la victoire du président dans l'Est du pays en 2006. Il a annoncé le 14 décembre avoir démissionné du parti présidentiel pour lancer sa propre formation politique : l'Union pour la Nation congolaise (UNC)et a commencé à sillonner le pays en vue des prochaines échéances présidentielles.

Et puis enfin, il y a l'ancien rival de Joseph Kabila au second tour de la présidentielle de 2006, le sénateur MLC Jean-Pierre Bemba, qui réalise un très bon score : 41, 95%. Seul problème pour le prochain scrutin de novembre 2011 : Jean-Pierre Bemba est en prison et a très peu de chance de se trouver en RDC en novembre 2011. Bemba est en effet détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commises par ses troupes en République centrafricaine en 2002 et 2003. Comme solution de rechange, le MLC aurait pu présenter François Muamba, le secrétaire général du parti d'opposition. Mais depuis l'exil du "chairman" et son emprisonnement, Muamba peine à tenir ses troupes et ne fait pas l'unanimité au sein du MLC. Autre possibilité pour le MLC : une alliance avec un autre parti d'opposition… mais cette solution ne représente que des inconvénients pour un parti politique sensé être encore "leader" de l'opposition congolaise.

Alors faute de plan B, le MLC semble vouloir maintenir son plan A : la candidature Bemba… même en prison. Pour preuve, la déclaration à Paris d'Emmanuel Ikabanga, président du MLC-France, qui estime que Bemba est encore "le candidat naturel" du parti, selon la PANA. Pour lui, "le congrès prévu au premier trimestre de 2011 tranchera la question de la candidature à la présidentielle. Pour nous, le candidat du parti,  c’est toujours Jean-Pierre Bemba". Mais rien n'est encore fait… les rumeurs d'un candidature Bemba ont aussi pour objectif de mettre la pression sur les négociations (toujours d'actualité) entre MLC et UDPS (via Clément Kanku)… mais également des pressions sur la Cour pénale internationale en vue d'une libération provisoire que réclame Jean-Pierre Bemba depuis plusieurs mois. Mais si juridiquement, la candidature Bemba est possible, on sent bien que le parti a envi de tenter le tout pour le tout. Réponse donc, au premier trimestre 2011.

Christophe Rigaud

Photo : JP Bemba aux élections de 2006 à Kinshasa © Christophe Rigaud www.afrikarabia.com

22 décembre 2010

RDC : 5 491 agressions sexuelles au premier semestre 2010

Selon l'ONU, 5 491 personnes ont été violées au cours du premier semestre 2010 au Sud-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), et prises en charge par les organisations humanitaires.

Image 4.pngLe rapport du Bureau de coordination pour les affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) juge la situation des personnes sexuellement violées extrêment alarmante et préoccupante. Les territoires de Mwenga et Shabunda au Kivu sont les plus touchés. Dans l'Est de la RD Congo règnent en effet en maîtres les rebelles Hutu rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), la milice locale "Mai-Mai" et des militaires indisciplinés des Forces armées de la RDC (FARDC).

Selon l'ONU, la situation se dégrade fortement. Dans le territoire de Mwenga, les FDLR consolident progressivement leur retour dans leurs anciens bastions. Actuellement la région compte 748 000 personnes déplacées.

RWANDA-RDC : Paris met en examen Mbarushimana

Le Secrétaire exécutif des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), Callixte Mbarushimana, vient d'être mis en examen par un juge à Paris pour crimes contre l'humanité. Ce groupe de rebelles hutu rwandais qui sévit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est accusé de nombreuses exactions sur la population civile, mais c'est pour son rôle présumé dans le génocide au Rwanda de 1994, que Callixte Mbarushimana a été mis en examen.

Image 3.pngCallixte Mbarushimana a été arrêté le 11 octobre dernier en France, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international par la Cour pénale internationale (CPI). Mbarushimana est soupçonné d’avoir commis différents crimes de guerre et crimes contre l’humanité en 2009 en République démocratique du Congo alors qu’il était secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Pendant le conflit qui a opposé ce groupe rebelle aux Forces armées de la République démocratique du Congo et aux Forces rwandaises de défense, de nombreux meurtres, viols, tortures et persécutions ont été commis.


Mais depuis le 29 septembre, il est également visé par une information judiciaire à la suite d'une plainte en 2008 du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), pour « génocide » en 1994 au Rwanda. Pour toutes ces raisons, Callixte Mbarushimana a été mis en examen et devrait sans doute être prochainement déféré devant la CPI.

21 décembre 2010

RDC : Kabila-Kamerhe, duel à l'Est !

Après une tournée "musclée" dans les Kivu, à Goma et Bukavu, Vital Kamerhe est de retour à Kinshasa. Sa démonstration de force à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), prouve encore une fois que les élections présidentielles de 2011 risquent de se jouer dans les provinces orientales du pays.

Image 6.pngAprès Goma, c'est à Bukavu que Vital Kamerhe est venu tester sa popularité. Après sa démission du PPRD (le parti présidentiel) et la création de l'UNC (son propre parti), le futur candidat à la présidentielle de 2011a su mobiliser les foules dans les deux Kivu. A Goma et Bukavu, une foule compacte était au rendez-vous pour écouter l'ex-président de l'Assemblée nationale congolaise. Des visites de terrain sous haute tension, des incidents ont en effet éclaté à Goma entre pro-Kamerhe et pro-Kabila. «Ça, c’est de l’intimidation et les intimidations doivent cesser» a déclaré le tout nouveau président de  l’UNC (Union pour la Nation Congolaise).

Pour l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP), le clan présidentiel de Joseph Kabila, la campagne électorale est bel et bien lancée. En quelques jours, deux personnalités politiques, ont fait leur entrée dans la bataille des présidentielles : Etienne Tshisekedi de l’UDPS (Union Pour la Démocratie et le Progrès Social) et Vital Kamerhe de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise)...avec un enjeu de taille : la chasse aux électeurs.

En 2006 déjà, l'élection du président de la République s'était gagnée avec les voix de l'Est de la RD Congo. Pour 2011, la bataille électorale se jouera également dans ces provinces et les récentes visites à répétition de Joseph Kabila dans la région le prouvent encore. Pourtant la candidature Kamerhe ne semble pas pour autant effrayer l'AMP, la plateforme présidentielle. Sur Radio Okapi le coordonnateur adjoint de la plateforme, Louis Koyagialo, n'est pas inquiet : «Kamerhe n’avait plus de place au sein de la famille politique du chef de l’Etat et aujourd’hui, il se positionne au sein de l’opposition. Nous prenons tout simplement acte et nous laisserons au peuple congolais la liberté de décider qui de Kamerhe et de Kabila, peut mieux conduire la destinée de ce pays». Pour le coordonnateur adjoint de l’AMP l’effervescence observée actuellement dans l’opposition et dans la majorité à l’approche des échéances électorales est tout à fait normale.

Il y a pourtant un risque pour Joseph Kabila. Vital Kamerhe est très fort à l'Est du pays et Tshisekedi dans les provinces du centre de la RDC... une alliance des deux candidats Kamerhe-Tshisekedi, pourrait sérieusement perturber la tranquille réélection de Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

20 décembre 2010

RDC : L'ambassadeur Zimeray met les pieds dans le plat

Les déclarations de l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme, François Zimeray, sur le "naufrage" de la situation des droits de l'Homme en République démocratique du Congo (RDC) n'ont pas été du goût des autorités de Kinshasa. Le diplomate a dressé un portrait sans complaisance du pays et en a profité pour mettre la pression sur "le cas John Numbi" dans l'affaire Chebeya. Une ingérence inacceptable pour le journal congolais l'Avenir qui affirme "qu'aucun pays africain n’est prêt à voir la France se substituer à son gouvernement".

logo afkrb.pngArrivé à Kinshasa avec d'autres personnalités comme la Sous-secrétaire d’ Etat américaine, Hillary Clinton et le Secrétaire général de l’Onu en charge des droits de l’homme, l'ambassadeur Zimeray a effectué, selon ses propres propos, "un voyage bouleversant". "Il y a eu des moments extrêmement forts qui me donnent le sentiment d'une situation de naufrage s'agissant des droits de l'Homme" en RDC, a estimé l'ambassadeur.

A Goma, il a été touché par le cas des défenseurs de droits humains "menacés et vivant de façon extrêmement dure et douloureuse la présence" dans la ville du général de l'armée congolaise Bosco Ntaganda, "c'est à dire la présence notoire d'un homme poursuivi par la CPI alors que l'on a que le mot de lutte contre l'impunité à la bouche ici". Le sort des femmes victimes de violences sexuelles a également beaucoup ému l'ambassadeur français.

Puis l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme a rencontré la femme de Fidèle Bazana, le chauffeur du militant des droits de l'Homme assassiné en juin dernier, Floribert Chebeya. François Zimeray s'est dit "extrêmement attentifs au déroulement" du procès des policiers assassins présumés de M. Chebeya qui se tient actuellement. Et d'ajouter : "c'est trop tôt pour parler d'un déni de justice. On ne peut pas faire croire à la lutte contre l'impunité tant que le général John Numbi ne sera pas devant ses juges". Le chef de la police congolaise, a en effet été suspendu dans le cadre de l'affaire Chebeya qui n'est pas jugé. Selon les militants de droits de l'homme à Kinshasa, John Numbi est qualifié de "suspect numéro un" dans l'affaire, Floribert Chebeya avait rendez-vous avec lui au moment de sa disparition.

Des propos jugés agaçants par le journal l'Avenir qui se demande "quel était le but du voyage de l’Ambassadeur français pour les droits de l’homme en Rdc ?". Pour l'Avenir, "la situation des droits de l’homme en RDC est très connue" et les Congolais attendent  de la communauté internationale, n'ont pas un ènieme constat, mais des solutions. Et de conclure : "aucun pays africain n’est prêt à voir la France se substituer à son gouvernement ". Quand à la déclaration sur John Numbi : "une déclaration destinée à faire plaisir à certaines ONG", selon l’Avenir "et qui n’honore ni son auteur ni la mission effectuée en RDC".

Christophe Rigaud

16 décembre 2010

RDC : Ne Muanda Nsemi se rapproche de Tshisekedi

Le Bundu dia Malaya (BDM), le parti du député Ne Muanda Nsemi, est-il en train d'opérer un rapprochement avec l'UDPS d'Etienne Tshisekedi en vue des prochaines présidentielles de 2011 ? Le leader du BDM assistait au premier congrès de l'UDPS aux côtés de Vital Kamerhe et Azarias Ruberwa.  Les 3 opposants à Joseph Kabila ont visiblement été séduits par Etienne Tshisekedi.

logo afkrb.pngSamedi dernier, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ouvrait son tout premier congrès national à Kinshasa. Après un retour triomphal en République démocratique du Congo (RDC), Etienne Tshisekedi est plus courtisé que jamais. L'unité de l'opposition est encore loin d'être une réalité à l'approche des prochaines élections présidentielles de novembre 2011, mais le message de rassemblement lancé par Tshisekedi a visiblement été entendu. Trois leaders politique de premiers plans assistaient au discours de Tshisekedi :  Vital Kamerhe, président honoraire de l’Assemblée nationale et candidat déclaré à la présidentielle, Azarias Ruberwa, président national du RCD et Ne Muanda Nsemi,  le président du parti Bundu dia Mayala (BDM), la branche politique du BDK interdit en RD Congo. Interrogé par Radio Okapi, le leader du BDM souhaite voir émerger un candidat unique de l'opposition, après discussion entre les différents partis. Et pour Ne Muanda Nsemi, Etienne Tshisekedi semble être son candidat à la prochaine présidentielle.

Si le BDM décide de rallier l'UDPS de Tshisekedi, c'est un candidat de poids qui viendrait gonfler les rangs de l'opposition. Ne Muanda Nsemi, président national du Bundu dia Mayala (BDM) et leader de la secte politico-religieuse Bundu dia Kongo (BDK), est très populaire dans le Bas-Congo. On se souvient que le BDK avait affronté pacifiquement la Police en 2007 et 2008 et avait fait trembler le pouvoir central de Kinshasa. Depuis, le Bundu dia Kongo a été interdit et Ne Muanda Nsemi a créé un nouveau parti, le Bundu dia Malaya. Le personnage fait pourtant toujours peur à Kinshasa : son charismatisme et son influence sur la politique congolaise sont restés intactes et tout ce qu'il pourra dire sur les différents candidats à la présidentielle sera écouté avec la plus grande attention dans le Bas-Congo... et cela, Etienne Tshisekedi l'a bien compris.

Christophe Rigaud

15 décembre 2010

RDC : Kinshasa, plus grande ville d'Afrique en 2020

Les Nations-Unies estiment que la capitale de République démocratique du Congo (RDC) accueillera 4 millions de nouveaux habitants dans les 10 prochaines années. En 2020, Kinshasa pourrait donc , avec plus de 12 millions d'habitants devenir la ville la plus peuplée d'Afrique. Pour l'ONU, ces chiffres sont une source d'inquiétude pour les les conditions de vie des futurs habitants de la mégapole congolaise.

DSC03944 copie.jpgSelon ce rapport de l'ONU Habitat, la croissance démographique la plus forte dans la décennie sera celle de Kinshasa qui regroupe déjà 13 % de la population du pays . Une ville qui a déjà du mal a gérer l'afflux de nombreux migrants en 2010.
Kinshasa abrite désormais de nombreux "quartiers informels", bidonvilles, taudis, toujours plus loin du centre-ville et des services minimums (routes, eau, école, électricité, santé… ). "L'urbanisation de la pauvreté est un développement dramatique sur le continent africain, car elle est génératrice de contrastes alarmants entre la richesse des quartiers d'affaires ou des zones résidentielles pour les couches sociales à revenus élevés, d'une part, et la masse des misérables croupissant dans de vastes taudis", rapporte le document.

"Totalement laissés pour compte, les Kinois vivent ainsi à 95 % de la débrouille et la majorité en dessous du seuil de pauvreté", selon l'ONU. L'afflux de nouvelles populations pauvres et rurales ne devrait malheureusement pas améliorer la vie quotidienne des Kinois dans les années à venir.

Photo : Christophe Rigaud (c) www.afrikarabia.com

RDC : Tensions à Goma pour l'arrivée de Kamerhe

Après l'annonce de sa démission du PPRD et de sa candidature à la prochaine élection présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo (RDC), Vital Kamerhe avait prévu un meeting à Goma. Des incidents ont rapidement éclaté entre partisans de Kamerhe et supporters du président Joseph Kabila.

carte RDC Afrikarabia Nord Kivu.jpgDe violents incidents ont émaillé le retour de Vital Kamerhe à Goma, dans la province dont il est originaire. Le maire de la ville n'avait en effet pas autorisé la manifestation et très vite, les esprits se sont échauffés, la police a tiré en l'air pour disperser partisans et opposants de l'ancien président de l'assemblée nationale congolaise. Un correspondant de l'Agence France Presse révèle également que le nouveau candidat à la présidentielle a également été empêché par la police et la garde républicaine de se rendre au gouvernorat du Nord-Kivu. Plusieurs manifestants pro-Kabila ont traité Vital Kamerhe de "traître"… il faut dire qu'avant de se brouiller avec le chef de l'Etat, Vital Kamerhe a été le directeur de campagne de Joseph Kabila lors des précédentes élections de 2006. Depuis hier, Kamerhe a créer son propre parti, l'UNC et a décidé de se présenter face à Joseph Kabila aux présidentielle de 2011.

Christophe Rigaud

Massacres de Noël en RDC : L'appel des ONG entendu

Après l'appel lancé par 19 organisations humanitaires pour empêcher les rebelles de la LRA de commettre de nouveaux massacres à l'approche de Noël, l'ONU vient d'annoncer l'envoie de renforts de casques bleus dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). La mobilisation exceptionnelle de 19 ONG a donc fini par porter ses fruits sur le terrain.

Afrikarabia logo.pngL'ONU a décidé d'envoyer 900 Casques Bleus de la Monusco supplémentaires pour lutter l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), responsable de nombreux massacres ces deux dernières années à l'approche des fêtes de Noël.  "Forte des leçons apprises les années précédentes, la Monusco a renforcé ses positions dans les zones où les rebelles de la LRA opèrent" a confirmé le porte-parole de l'ONU.
L'opération de sécurisation se poursuivra sur le terrain jusqu'à la mi-janvier, notamment dans la zone de Dungu dans le nord-est de la RD Congo.

14 décembre 2010

RDC : Kamerhe candidat en 2011

Il a tout plaqué : la présidence de l'assemblée nationale, le PPRD (le parti qu'il a fondé avec Joseph Kabila) et enfin son poste de député… Vital Kamerhe a démissionné de toutes ses fonctions officielles pour se lancer dans la bataille le présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo (RDC). Il est désormais à la tête de son propre parti politique, l'Union pour la nation congolaise (UNC)… sa nouvelle machine de guerre électorale. Mais avec qui fera-t-il alliance ?

Afrikarabia logo.pngLe voici maintenant candidat déclaré. Vital Kamerhe est officiellement candidat à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC) pour 2011. Après avoir consulté pendant plus d'un an et fait le tour des capitales occidentales, Vital Kamerhe vient d'annoncer qu'il se lancera dans la course à la présidence de la république en 2011.

Candidat de l'opposition ?

Après avoir annoncé sa démission du PPRD de Joseph Kabila et de son mandat de député, Vital Kamerhe, 51 ans, se présentera donc sous la bannière de son nouveau parti, l'Union pour la nation congolaise (UNC) créé en juin dernier. Kamerhe se définie clairement comme un opposant à Joseph Kabila et a annoncé que son parti concluerait des "alliances avec d'autres forces de changement", sans les citer, pour obtenir "l'alternance en 2011". Il a proposé à l'opposition "un programme préléectoral commun" visant "à lutter pour des élections libres et démocratiques", notamment pour "préserver" la Constitution et le mode de scrutin présidentiel et législatif", et "accélérer" la mise en place de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Un dernier signe qui ne trompe pas, Vital Kamerhe assistait en personne au 1er congrès de l'UDPS où Etienne Tshisekedi se propose d'être le rassembleur de toute l'opposition au prochain scrutin.

Christophe Rigaud

RDC : 19 ONG en guerre contre la LRA

Un rapport publié par 19 organisations humanitaires attire l'attention sur la "folie meurtrière" du plus ancien groupe rebelle d’Afrique : l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA). Cette milice est désormais la milice la plus meurtrière en République démocratique du Congo (RDC). Pour ces ONG, la communauté internationale doit agir pour empêcher la LRA de commettre un nouveau massacre à l'approche de Noël, comme ce fut le cas en 2008 et 2009.

Capture d’écran 2010-12-14 à 09.10.36.pngDans un nouveau rapport publié aujourd’hui par 19 organisations humanitaires, "les massacres commis au cours de l’année dernière par l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) à l’encontre de communautés enclavées au Soudan, en République centrafricaine (RCA) et en République démocratique du Congo (RDC) sont parmi les pires atrocités perpétrées par cette milice en 20 ans d’activité sanglante".

Pour ces ONG, de nouveaux chiffres indiquent que "la LRA est devenue la milice la plus meurtrière en RDC ces deux dernières années". Au cours de la seule année écoulée, plus de 1 000 personnes ont été tuées ou enlevées au cours de presque 200 attaques distinctes menées dans deux districts reculés de la RD Congo.

Les 19 organisations humanitaires rappellent "qu'à la veille de Noël en 2008, et au cours des trois semaines qui ont suivi, 865 hommes, femmes et enfants ont été sauvagement battus à mort et des centaines d’autres enlevés par la LRA dans le Nord-Est de la RDC et au Sud-Soudan".  L'année suivante, en 2009, la LRA recommence ses attaques massives à l'approche de Noël faisant plus de 300 morts.

Marcel Stoessel, directeur d’Oxfam en RDC indique "qu'à Noël cette année, des familles du Nord-Est de la République démocratique Congo vont vivre dans la crainte d’un autre massacre, malgré la présence de la plus grande mission de maintien de la paix au monde".

Dans ce rapport intitulé « Le Spectre des Noëls passés  », publié aujourd’hui, les 19 organisations humanitaires et de défense des droits de l’Homme, souhaitent qu’une "attention décisive doit être apportée à la sécurité et au bien-être des femmes, hommes et enfants à travers la vaste région affectée par la LRA".

D’après le HCR, depuis décembre 2008, la LRA, du rebelle Joseph Kony, a tué 2000 personnes, en a enlevé plus de 2600 et a provoqué le déplacement de 400.000 habitants. "Au nord et à l'Est de la RDC, les déplacés sont encore 268.000, ils sont plus de 120.000 au Sud-Soudan et 30.000 dans le sud-est de la RCA. Plus de 24.000 civils ont également été contraints à l’exil".

13 décembre 2010

RDC : Le CNDP, nouvel allié de Joseph Kabila

A un an des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), voici le nouveau coup de poker politique de Joseph Kabila. : le ralliement de l'ex rébellion du CNDP à sa plateforme électoral, l'AMP. Un calcul électoral que dénonce le RDPC, qui accuse le président Kabila de "s'assurer de la mainmise sur tous les bureaux de vote situés dans les territoires actuellement non accessibles aux FARDC mais contrôlés par le CNDP".

Logo CNDP.pngL'ex-rébellion du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), devenu aujourd’hui un parti politique, vient d'intégrer l'alliance présidentielle (AMP) et rejoindre ainsi le clan des "Kabilistes" dans la course à la réélection de Joseph Kabila en 2011. Ennemis hier… alliés aujourd'hui, ce rapprochement semble dicté par un calcul électoral très simple selon le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC). Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, du RDPC, " en contrepartie de l'accord, un bon nombre d'éléments du CNDP seront promis dans la direction des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC)."
À travers cette adhésion, le RDPC pense que le président Kabila "vient de s'assurer de la mainmise sur tous les bureaux de vote situés dans les territoires actuellement non accessibles aux FARDC mais contrôlés par le CNDP." Craignant de lourdes fraudes dans l'Est de la RD Congo, sous contrôle des ex-rebelles, Gaspard-Hubert Lonsi Koko demande "la présence des assesseurs de chaque candidat et des observateurs de la communauté internationale à l'élection présidentielle dans tous les bureaux de vote. Dans la même optique, l'AMP étant majoritaire dans la CENI et le Conseil constitutionnel étant composé des affidés du président Kabila, il est impératif qu'un Haut Représentant des Nations Unies pour les élections soit nommé en vue d'un droit de regard, en conformité avec les dispositions légales, dans le processus électoral en République Démocratique du Congo. Enfin, il est nécessaire de déployer, au moment du scrutin, les éléments de la monusco dans les territoires qui sont sous le contrôle des éléments du CNDP."

Christophe Rigaud

RWANDA : Un ancien militaire de l'APR décrypte le "mapping" de l'ONU

Le brigadier général Richard Rutatina, aujourd’hui conseiller à la présidence de la République, était déjà un haut gradé de l’Armée patriotique rwandaise (APR) lors des deux guerres du Congo. C’est donc en acteur de la crise qu’il analyse et commente le rapport de la commission des Nations-Unies sur les allégations de crimes commis par l’APR au Congo. Pour Richard Rutatina : « le rapport de la commission de l’ONU n'a qu'un seul but : dire qu'il y a eu un double génocide, ce qui est une façon d'insinuer que finalement tout le monde est à la fois victime et bourreau, et donc qu’il n'y a pas eu de génocide du tout.» Voici son témoignage pour Afrikarabia.

Capture d’écran 2010-12-13 à 21.48.23.pngGénéral, le pré-rapport de l'ONU est particulièrement sévère sur le comportement a légué de l'armée rwandaise lors des deux guerres du Congo. Vous-même, en tant qu'officier supérieur de cette armée, comment réagissez-vous ?

Richard RUTATINA : - Effectivement, ce rapport décrit l'Armée patriotique rwandaise comme une milice tutsi qui n'aurait eu d'autre objectif que de tuer les Hutu rwandais réfugiés au Zaïre. Il est difficile de comprendre le retentissement international de ce rapport alors que chacun sait qu'au contraire l'APR a toujours combattu  les visées génocidaires. Chacun a en mémoire les photographies et les reportages télévisés du retour massif des réfugiés rwandais vers leur pays en 1996 et 1997 notamment, sous la protection et avec l'assistance de l'armée patriotique rwandaise.

Alors, pourquoi ces accusations ?

Richard RUTATINA : - Lorsque que notre armée a été mise sur pied, s'était déjà pour permettre le retour dans leur pays des réfugiés, Hutu comme Tutsi, qui avait dû fuir le Rwanda en raison de massacres à caractère génocidaire qui se sont succédé à partir de 1959. Au début de la guerre d'octobre 1990, lorsque le chef du Front patriotique rwandais Fred Rwigyema a été tué, il a été aussitôt remplacé par un Hutu, Alexis Kanyarengwe, malheureusement aujourd'hui décédé. Une grande partie des dirigeants du Front patriotique, dès l'origine, a été recrutée parmi les Hutu démocrates opposés au régime ethniste, dictatorial et sanguinaire de l'ancien président Juvénal Habyarimana. J'énonce ici des faits connus de tous, parfaitement documentés. Aussi, lire dans le rapport de l'ONU que l'APR se serait comportée au Congo comme une milice tutsi ivre de sang est tout simplement extravagant. Depuis l'origine de l'Armée patriotique, nos militaires connaissent mieux que personne les souffrances des exilés, pour les avoir vécues eux-mêmes. Comment notre armée, qui a mis fin au génocide des Tutsi et à la chasse meurtrière des démocrates hutu au Rwanda en 1994, aurait-elle pu elle-même commettre un génocide ?

Pourtant, c'est ce qui ressort du rapport de la commission de l'ONU.

Richard RUTATINA : - Nous sommes confrontés à ce qu'on appelle "la propagande en miroir" qui consiste à accuser l'adversaire de ce qu'on commet soi-même. Ces accusations de génocide contre l'Armée patriotique ne sont pas nouvelles. Dès le débuts de la guerre d'octobre 1990, le régime Habyarimana accusait le Front patriotique d'attaquer le Rwanda pour exterminer l'ensemble des Hutu. On sait ce qu'il est advenu. Cette propagande a été clairement analysée par toutes sortes de chercheurs, de spécialistes de l'histoire de la région, et même dans les premiers rapports de l'ONU en 1994. Pourquoi cette inversion de la réalité ? Pourquoi cette amnésie et cette porosité à l'idéologie du génocide commis contre les Tutsi en 1994 ? C'est la question que je me pose.

Vous considérez que le rapport de l'ONU ne fait que souscrire aux thèses des génocidaires et des négationnistes ?

Richard RUTATINA : - Il suffit d'observer l'histoire récente de notre pays pour s'en convaincre. Le Front patriotique rwandais a été constamment diabolisé et accusé de tous les maux. Avant même la victoire contre les forces génocidaires, beaucoup prétendaient que notre objectif était d'installer à la tête du Rwanda une autorité monoethnique tutsi. Or nous avons mis en oeuvre les accords de partage du pouvoir négociés à Arusha. En avril 1994 a été mis en place un gouvernement de transition à base élargie (GTBE) qui n'était pas dirigée par un Tutsi. Le président de la République, qui avait lui-même combattu dès les premiers jours dans les rangs du FPR, n'était pas un Tutsi.

L’Armée patriotique rwandaise comporte-t-elle beaucoup de Hutu ?

Richard RUTATINA : - Je rappelle que lorsque le nous avons réussi en 1991 à nous emparer de la prison de Ruhengeri, nous en avons libéré les officiers hutu qui ont aussitôt rejoint nous rangs. Après les guerres du Congo, nous avons également réintégré dans l'armée patriotique des officiers, y compris des officiers supérieurs qui se sont rendus après nous avoir combattu toutes ces années. Ils ont retrouvé des postes de commandement et sont parfois montés en grade au sein de l'APR. Comme ce qui se sont battus pour la justice et la démocratie au Rwanda dès la créations du front patriotique, ils ont participé à la force de maintien de la paix au Darfour. Il en va de même chez les simples soldats. La composition de l'APR reflète la composition de la population rwandaise. Elle n'a rien d'une armée qui serait devenue à son tour "génocidaire", bien au contraire. C'est une armée profondément imprégnée des idéaux du Front patriotique, qui a banni dès les origines toute connotation ethnique, qui a tendu la main à tous ceux qui aspiraient sincèrement à participer nos idéaux.

Pourtant, le rapport de la commission de l'ONU conclut que la mission de l'APR au Congo était d'exterminer les réfugiés hutu ?

Richard RUTATINA : - Il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir que ces réfugiés ont été libérés de la peur que faisait régner sur eux l'encadrement génocidaire des camps au Zaïre. Pour ne pas voir que ces réfugiés sont rentrés au Rwanda d eplein gré, par millions, pour retrouver leur place dans la société. Ils ont été protégés, nourris, aidés par les militaires de l'APR jusqu'à leur commune d'origine où ils ont retrouvé leur maison. Affirmer le contraire est extravagant.

Votre témoignage semble confirmé par celui d’un autre général, qui se trouvait, lui, du côté des ex-FAR ?


Richard RUTATINA : - Effectivement, au colloque organisé à Kigali par la commission nationale de lutte contre le génocide, qui s'est tenu les 9 et 10 décembre dernier, on a entendu mon collègue le brigadier général Jérôme Ngendahimana, ce qui était à cette époque un haut gradé des ex-FAR réfugiées au Zaïre et qui nous combattait, raconter ce qui s'est effectivement passé, vu de son côté. Comment les réfugiés sont-ils donc rentrés au Rwanda en aussi bonne santé que possible ? Ils avaient été poussés hors de leur pays par l'armée et les milices du gouvernement génocidaire pour des raisons stratégiques et militaires. Ils avaient servi de boucliers humains. Les forces génocidaires croyaient pouvoir se servir des réfugiés pour se protéger contre toute attaque et pour préparer eux-mêmes la reconquête du Rwanda. La guerre du Congo nous a été imposée pour empêcher la déstabilisation du Rwanda. Elle s'est faite dans des conditions extrêmement difficiles. Ce n'était pas une partie de campagne. Il y a eu des combats extrêmement durs contre ceux qui utilisaient les réfugiés comme boucliers humains, et forcément, on a déploré des victimes collatérales.

Que voulez-vous dire par une guerre qui vous aurait été imposée ?

Richard RUTATINA : - Les forces génocidaires avaient pris en otage des millions de Rwandais qu'elles espéraient utiliser comme un moyen de négociations pour obtenir un partage du pouvoir. Le Rwanda a été soumis à des attaques constantes, à des incursions armées quotidiennes. La communauté internationale se révélait incapable d'assurer la sécurité dans les camps qu’elle finançait, et de libérer les réfugiés de l'emprise des forces génocidaires. Il est d'autant plus choquant qu'aujourd'hui une commission de l'ONU accuse l'armée rwandaise d'avoir commis un génocide au Congo, alors que c'est l'incurie de la communauté internationale qui nous a forcé à une guerre d'autodéfense pour libérer les réfugiés maintenus en otage par des groupes armés.

Ce n’est pas du tout le point de vue des auteurs du rapport…

Richard RUTATINA : - Je le répète, des millions de réfugiés ont été rapatriés pacifiquement. Mais le rapport de la commission de l'ONU ne parle pas de ça. Sur la carte de la zone de guerre, on ne voit que des flèches qui laissent croire que tous les réfugiés se sont massivement enfuis vers la forêt profonde où ils auraient été exterminés. Pas une seule flèche n'indique la direction du Rwanda. "Les gens de l'APR les ont tués jusqu'au dernier", c'est comme le refrain de ce rapport, c'est l'insinuation qui se répète de page en page sur plus de 500 pages. Cette guerre qu'ils appellent Congo 1, ils la présentent comme une promenade militaire destinée à l'extermination des réfugiés. Ils ne veulent pas voir que c'était une véritable guerre avec en face de nous de véritables armées, les ex-FAR, les Forces armées zaïroises (FAZ) qui combattaient à leurs côtés, les milices Maï-Maï, les anciens miliciens interahamwe, etc. Dans le rapport, on ne voit pas que tous ces gens ont combattu avec beaucoup d'énergie pour empêcher le retour des réfugiés au Rwanda. Il y a même eu un groupe de mercenaires serbes à Kisangani pour les aider. Il est vrai que sous leur contrôle, quelques groupes de réfugiés ont réussi à s'enfoncer dans la forêt profonde. Mais tous les groupes que nous avons réussis à rejoindre et à libérer de l'emprise des génocidaires ont été ramenés au Rwanda. Certains ont même été rapatriés en avion, tellement il paraissait impossible de les faire rentrer à pied. Or que dit-on dans le rapport ? « Ils chassaient sans cesse les réfugiés hutu et les tuaient ». Tout le contraire de la vérité !

Auriez-vous pu perdre cette guerre au Congo ?

Richard RUTATINA : - Selon le rapport de la commission, le rapport de la commission, l'APR ne combattait pas mais étaient seulement occupés à chasser et exterminer les Hutu. Nous avons sans doute été victime d'une hallucination collective : les militaires des ex-FAR, des Forces armées zaïroises, les mercenaires européens recrutés pour nous combattre, les miliciens de toutes origines, tous ces groupes puissamment organisés et équipés, que les journalistes ont décrit  de long en large à cette période, n'existaient donc pas ? Ils n'ont donc rien fait ? Ils ne se sont donc pas réfugiés dans la forêt profonde en tentant désespérément d'entraîner leurs boucliers humains ? Nous avons rêvé ?

Vous considérez que les auteurs du rapport de l'ONU ont fait l'impasse sur ce qui était une véritable guerre ?

Richard RUTATINA : - Exactement. Ils ont ignoré les autres acteurs du conflit. Ils ont refusé de voir que l'Armée patriotique rwandaise a toujours revêtu un caractère national. Ils ont complètement intégré la propagande génocidaire.

De quelle façon ?

Richard RUTATINA : - En voici un exemple : dans le rapport on prétend que les militaires de l'Armée patriotique appelaient les Hutu "des cochons". C'est une injure vis-à-vis des Hutu que j'ai découverte en lisant le rapport de l'ONU. Jamais je n’avais entendu ça auparavant. C'est au contraire les Tutsi qu'on appelait des "cancrelats". Un militaire de l'Armée patriotique qui aurait ainsi injurié une catégorie de la population rwandaise aurait été sévèrement sanctionné. On cherche ainsi à nous faire endosser la responsabilité d'une propagande raciste qui avait pour seul but le génocide des Tutsi en 1994.

En quelque sorte, vous accuser de ce que fait le camp d’en face ?

Richard RUTATINA : - On lit aussi dans le rapport que nous avons exterminé les réfugiés hutu en utilisant des machettes, des serpes, des houes. Or ce sont bien les instruments qui ont été utilisés en 1994, mais pour amener la population à participer massivement au génocide des Tutsi. Croit-on sérieusement que les militaires de l'Armée patriotique rwandaise s'étaient chargés de toutes sortes d'instruments aratoires pour exterminer les réfugiés ? On voit bien que les auteurs du rapport ne comprennent pas les choses les plus simples, accessibles à n'importe quel militaire. Franchement, les militaires devaient porter une Kalash avec ses chargeurs garnis, et je peux vous dire que ça pèse terriblement lourd lorsqu'on doit marcher jusqu'à Kinshasa sur 2000 kilomètres. Alors, qui peut croire qu'en plus du fusil d'assaut chacun trimbalait une houe pour le seul usage d'exterminer des fuyards ? On voit bien le tout au long du rapport il y a une tentative de transposer la propagande des génocidaires de 1994 qui disaient déjà que le but de l'Armée patriotique était d'exterminer les Hutu jusqu'au dernier.

Vous avez relevé d’autres anomalies dans le rapport ?


Richard RUTATINA : - Il y a d'autres aspects tellement invraisemblables dans le rapport qu'on se demande comment il n'a pas sombré dans le ridicule aussitôt que publié. Je vais vous en citer un seul exemple. Le "Rapport mapping" cite un certain nombre d'endroits où des fosses communes auraient été creusées pour dissimuler des victimes de l'Armée patriotique. Il paraît ainsi qu'une fosse commune contenant environ 500 cadavres se trouverait à Kasese. Or notre armée n'a jamais mis les pieds à Kasese. On prétend également qu'au moment où les forces de Kabila et l'APR s'apprêtaient à prendre Kinshasa, on procédait à des massacres massifs à 2 000 km de distance, dans la vallée de la Ruzizi, à Bukavu et Uvira. C'est du grand n'importe quoi. Qui peut sérieusement croire que l'Armée patriotique avait le moyen de concentrer ses forces pour la prise de Kinshasa où se cramponnaient les derniers éléments des Forces armées zaïroises et de s'occuper au même moment d'extermination massive à la frontière du Rwanda ?

Alors, quel est le sens de ce rapport ?


Richard RUTATINA : - Le rapport de la commission de l’ONU n'a qu'un seul but : dire qu'il y a eu un double génocide, ce qui est une façon d'insinuer que finalement tout le monde est à la fois victime et bourreau, et donc qu’il n'y a pas eu de génocide du tout. Il est particulièrement regrettable que cette propagande répétée d'année en année par ceux qui ont exterminé les Tutsi, se retrouve dans un rapport bénéficiant du label de l'Organisation des Nations unies.

Propos recueillis à Kigali par François MOLYNEUX

12 décembre 2010

RWANDA : "6 millions de morts en RDC ? Extravagant !" selon Aldo Ayello

Les 9 et 10 décembre derniers se tenaient à Kigali une conférence internationale sur le génocide au Rwanda. Deux jours de travaux qui ont regroupé  des chercheurs, des hommes politiques, des diplomates et des écrivains. Parmi eux, le diplomate italien Aldo Ayello, pour qui "l'extravagance du chiffre de 6 millions de morts au Congo devrait suffire à discréditer l'ensemble du pré-rapport "mapping" de l’ONU". Voici son interview réalisée à Kigali.

Capture d’écran 2010-12-12 à 21.37.19.pngEntre 1992 et 1994, le diplomate italien Aldo Ayello a été envoyé par les Nations Unies au Mozambique pour ramener la paix. Puis jusqu’en 2007 il a représenté l’Union européenne en Afrique centrale pour rapprocher les belligérants. Réputé excellent connaisseur de la région des Grands lacs, il porte un regard sévère sur le pré-rapport « mapping » du Haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU sur les allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire de « génocide » commis en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et dont la responsabilité incomberait essentiellement à l’Armée patriotique rwandaise. Quand au chiffre de 6 millions de victimes, il le qualifie de « tout simplement extravagant ».

Monsieur Aldo Ayello, vous vous trouvez en ce moment au Rwanda pour participer à un colloque organisé par la Commission nationale contre le génocide au sujet du « Mapping report » de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU sur des allégations de crimes de guerre, voire de génocide au Congo entre 1996 et 1998. Ce rapport a fait grand bruit. Qu’en pensez-vous ?

Aldo AYELLO : - J'ai passé 15 ans en Afrique dont la Tanzanie dans la région des Grands Lacs, j'en ai donc une expérience directe et je connais bien le contexte sur lequel le rapport de la commission de l'ONU fait une curieuse impasse. La sortie de ce rapport m'a profondément étonné. Pour ce que j'en ai lu, il contient beaucoup de contradictions et d'incohérences. Mais le pire est à mon avis la véritable amnésie qui semble toucher les auteurs du rapport sur le contexte des événements qu'ils prétendent décrire et analyser. Et le chiffre extravagant de victimes.

Que voulez-vous dire en parlant du contexte ?

Aldo AYELLO : - Il s'agit de la définition même du supposé "mapping". Pour comprendre et apprécier les événements qui se sont produits dans la région des Grands Lacs entre 1993 et 2003, il ne suffit pas de se fier à des témoins dont beaucoup semblent apporter des informations de deuxième ou de troisième main, mais aussi de comprendre l'ensemble du conflit, sa genèse, ses raisons profondes. Or le rapport ne le fait pas. Il ne définit pas le cadre, et d'abord le génocide. Je parle du vrai génocide, celui commis en 1994 au Rwanda contre les Tutsi. Le rapport de la commission de l'ONU ignore complètement cet événement décisif. Cette façon de mettre entre parenthèses le génocide des Tutsi et le massacre concomitant des Hutu démocrates empêche de comprendre ce qui s'est passé avant, pendant et après.

Avant ?

Aldo AYELLO : - Il est indispensable de se rappeler que le génocide de 1994 contre les Tutsi a été scientifiquement planifié. Comment les auteurs du rapport peuvent-ils oublier par exemple le témoignage et les télégrammes du général Roméo Dallaire, commandant en 1993 et 1994 la force des Nations unies (MINUAR) au Rwanda ? Les télégrammes étaient on ne peut plus précis, notamment celui du 11 janvier, et pointent la faillite de l'ONU à prévenir le génocide, jusqu'au lâche retrait de l'essentiel des effectifs de la MINUAR. C'est grâce au secrétaire général Boutros Boutros Ghali qu'une présence minimum a permis que la communauté internationale conserve un droit de regard sur ce qui se produisait. Peut-être que cette petite présence a sauvé quelques vies humaines. Peut-être a-t-elle dans certains cas, imposé un minimum de retenue aux auteurs du carnage. Je suis vraiment étonné que les auteurs du rapport fassent l'impasse sur tout ça. Et qu'ils oublient également que l'ONU a ensuite toléré que les camps de réfugiés - qui ont accueilli la population hutu obligée de fuir son pays sous la pression des génocidaires - puissent s'installer à quelques mètres seulement de la frontière du Rwanda. Voilà qu'elle a été l'origine des tragédies qui ont suivi.

Qu'aurait dû faire l'ONU après le génocide et l'exil forcé de millions de Rwandais ?

Aldo AYELLO : - Les règles internationales concernant l'accueil de populations réfugiées sont claires. Notamment, les camps doivent être installés à une grande distance de la frontière du pays quitté pour des raisons évidentes de sécurité. Or l'ONU a toléré que certains camps soient installés à quelques mètres seulement de la frontière du Rwanda. Ces camps étaient encadrés par les mêmes autorités qui venaient de diriger le génocide. L'ONU a toléré que les anciennes Forces armées rwandaises (FAR) puissent s'installer au milieu de ces réfugiés avec leurs armes et leurs munitions. L'ONU a toléré que les ex-FAR puissent se réorganiser et compléter leurs effectifs dans l'intention clairement affichée d'attaquer le Rwanda pour reprendre le pouvoir et, dans l'intervalle, de déstabiliser les autorités par une série d'incursions armées. Je rappelle que les organisations non-gouvernementales et le Haut-Commissariat aux réfugiés n'avaient pas le contrôle des camps. Qu’elles n’avaient même pas le droit d’y pénétrer pour recenser le chiffre réel de réfugiés. Que les autorités rwandaises en exil trichaient effrontément sur le nombre de réfugiés pour obtenir des stocks d'équipements et de rations alimentaires qu'elles revendaient à la population zaïroise pour se procurer davantage d'armes et de munitions. L'intention déclarée de ces gens était "de continuer le travail qui n'avait pas été terminé", c'est-à-dire de revenir au Rwanda pour parachever l'extermination des Tutsi.

Les auteurs du pré-rapport n'évoquent pas cette situation ?

Aldo AYELLO : - Précisément. J'ai cherché dans le rapport le rappel des causes de la crise que les rapporteurs prétendent expliquer et analyser. Je n'ai pas trouvé un seul paragraphe sérieux sur tout ça, rien sur la responsabilité de la communauté internationale qui a laissé violer ses propres règles en tolérant l’installation à la frontière du Rwanda des forces préparant la reconquête du pays en s'appuyant sur le financement des camps par le détournement massif de l’aide de la communauté internationale, notamment de l'Union européenne. Faut-il rappeler que le financement de cette population forcée à l'exil coûtait un million de dollars par jour, dont la moitié financée par l'Union européenne ? Quelques mois seulement après avoir fui le Rwanda, les ex-FAR avaient reconstitué leur effectif d'environ 50 000 militaires. Elles avaient réussi à transférer au Zaïre l'essentiel de leurs armes lourdes et de leurs véhicules ainsi que la plus grande partie de leurs armes légères. Elles ont racheté le reste aux militaires zaïrois avec l'argent pillé au Rwanda avant leur fuite et l'argent détourné des budgets destinés à l'aide aux réfugiés.

Pour reprendre la guerre perdue en juillet 1994 ?

Aldo AYELLO : - En 1995 et 1996, le Rwanda était soumis à des incursions armées et à des attaques pratiquement quotidiennes. Il ne se passait pas de semaine sans que des rescapés soient assassinés par des commandos venus du Zaïre. Je rappelle que la route stratégique entre Kigali et Gisenyi, à la frontière du Zaïre, était fréquemment minée. L'insécurité était telle qu'on ne pouvait plus l'emprunter la nuit, et le jour, il fallait organiser des cortèges de véhicules, escortés par de puissants effectifs militaires.

Comment les auteurs du pré-rapport ont-ils pu faire l'impasse sur cette situation ?

Aldo AYELLO : - C'est bien le problème. Entre 1994 et 1996, le Rwanda était un pays assiégé, et l'inconséquence, l'incohérence, la lâcheté de la communauté internationale contribuaient très lourdement à cette situation. Les autorités de l’ex-gouvernement « intérimaire » qui avaient préparé puis encadré le génocide voulaient imposer une négociation au gouvernement rwandais pour partager le pouvoir en faisant l'impasse sur l'épouvantable carnage qu'ils avaient provoqué. À cette époque, j'ai rencontré à plusieurs reprises le président du Rwanda Pasteur Bizimungu et le vice-président et ministre de la défense Paul Kagamé. Tous deux se plaignaient amèrement de l'incurie de l'ONU qui laissait se préparer une nouvelle tragédie.

Que disaient-ils précisément ?

Aldo AYELLO : - À plusieurs reprises, Paul Kagamé m'a dit : "Il faut que l'ONU permette aux Rwandais pris en otage par les génocidaires de revenir dans leur pays, sinon nous serons forcés de le faire nous-mêmes." J'ai rapporté ses paroles à mes interlocuteurs de l'ONU, mais ils n'en ont pas tenu compte. Aucun pays européen n'était prêt à envoyer des militaires  dans les camps de réfugiés pour soustraire la population à la terreur de l’encadrement génocidaire. Personne ne voulait s'occuper de rétablir des règles normales en matière d'accueil et d'administration des populations réfugiées. Personne n'était prêt à consacrer des ressources pour déplacer les camps ou pour protéger les Rwandais qui voulaient rentrer dans leur pays et qui était assassinés par les forces génocidaires dès qu'ils en manifestaient l'intention. Je conserve un souvenir précis des demandes des autorités de Kigali, répétées mille fois, de concourir au rétablissement d'une situation normale en matière de réfugiés. Il est étrange que ce problème qui a dominé la scène politique rwandaise pendant les années 1994 à 1996 ait été complètement ignoré par les auteurs du rapport de la commission de l'ONU.

Comment cela est-il possible ?

Aldo AYELLO : - Je me pose la question. Je n'étais pas le seul à qui le président de la République du Rwanda et son vice-président posait le problème. Tous les représentants des gouvernements étrangers qui rencontraient les nouvelles autorités du Rwanda entendaient le même refrain. La question a été la base des négociations de Lusaka. J'entends encore les réponses de certaines autorités gouvernementales occidentales : « Ce serait trop risqué, trop dangereux, trop coûteux ». Comment pouvaient-ils présenter de tels arguments alors que le coût du maintien des camps de réfugiés était d'un million de dollars par jour !

C'était la volonté politique qui manquait ?

Aldo AYELLO : - Exactement. L'opération aurait incombé à des militaires des pays développés qui ne voulaient pas s'engager. J'entends encore Paul Kagamé, qui était alors vice-président de la république me dire : « Si les occidentaux ne veulent pas rétablir l'ordre dans les camps, empêcher les ex=FAR de préparer une attaque armée générale contre le Rwanda et faciliter le retour des réfugiés, alors nous serons obligés de le faire nous-mêmes. » J'ai relayé ces propos aux responsables de l'Union européenne, à des hauts responsables des États-Unis, à toute une série de membres de la communauté internationale. Je me suis heurté à une fin de non recevoir.

Considérez-vous que l'attaque menée par l'armée patriotique rwandaise et les troupes de Kabila à la fin de 1996 constituait un acte de légitime défense ?

Aldo AYELLO : - Appelons les choses par leur nom. L'accueil complaisant par les autorités du Zaïre des responsables du génocide, l'autorisation qu'il aura été donnée de reconstituer une force armée considérable, à se fournir en armes et munitions, la tolérance dont ils ont bénéficié pour terroriser les camps de réfugiés, et enfin la préparation d'une attaque générale contre le Rwanda qui était prévue au tout début 1997, tout ceci a entraîné un acte de légitime défense des autorités du Rwanda.

Car si l'armée patriotique rwandaise n'avait pas attaqué fin 1996, peut-être qu'elle n'aurait pas résisté à l'invasion armée massive qui était programmée par les ex-FAR quelques semaines plus tard, et le génocide aurait été parachevé.

Que pensez-vous des observations du rapport de l'ONU qui laisse entendre que des actes de génocide contre les Hutu auraient été commis au Zaïre par l'APR et les forces de Kabila ?

Aldo AYELLO : - Parler de génocide commis au Zaïre contre les réfugiés rwandais demande beaucoup d'imagination et de fantaisie. Je vous renvoie à l'article 6 du traité de Rome, ce qu'on appelle la convention sur le génocide. Il s'agit "d'actes commis dans l'intention de détruire en totalité ou en partie un groupe national, ethnique, religieux, etc.". À la suite de l'attaque du Zaïre fin 1996, les autorités rwandaises ont créé un couloir humanitaire qui a permis de rapatrier au Rwanda des millions de personnes libérées de l'étreinte de la terreur dans les camps. Ces gens n’ont pas été exterminés, mais bien au contraire protégés. Il s'agissait encore une fois d'un acte de légitime défense de la part d'un pays assiégé et en faveur de millions de réfugiés soumis à la propagande qui avait conduit au génocide, et dont la plupart se félicitaient de pouvoir rentrer dans leur propre pays sous la protection de l'APR.

Mais d’autres réfugiés se sont enfuis… ?

Aldo AYELLO : - Je n'ignore pas que des centaines de milliers de réfugiés ont été repoussées plus profondément dans le territoire zaïrois sous l’effet de la panique ou sous la contrainte des militaires des ex-FAR qui s'en servait comme d'un bouclier humain. Dans la plupart des cas, même lorsque ces réfugiés avaient parcouru à pied des centaines de kilomètres à l'intérieur du Zaïre jusqu'à Tingi=Tingi ou Kisangani, ils ont pu être ramenés au Rwanda. Dans d'autres cas, il y a eu des pertes humaines, notamment lorsque ces réfugiés ont été utilisés comme boucliers humains par les ex=FAR et les forces armées zaïroises qui leur apportaient leur concours pour tenter d'éviter la défaite. Que des dizaines de milliers de réfugiés aient perdu la vie dans ces terribles circonstances, du fait que des combats, de la maladie, de l'épuisement, voir de « dommages collatéraux », est une évidence. Citer le chiffre de 6 millions de victimes provoquées par l'armée patriotique rwandaise et les autres pays qui ont participé aux opérations militaires dans le Zaïre jusqu'à la chute de Mobutu est tout simplement extravagant et devrait suffire à discréditer l'ensemble du rapport.

Pourquoi ce chiffre qui est répété à l’envie sur la « Toile » ?

Aldo AYELLO : - Il ne repose sur rien de concret. On voit bien l’effet de propagande qui est recherché. Il s'agit d'atteindre un chiffre comparable au nombre des Juifs exterminés par les nazis, pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale, jouer sur le registre de l'émotion, de l'indignation, de la passion. Ou pire encore, souffler sur les braises de la haine. Encore une fois, tout ceci n'a rien à voir avec la réalité.

Propos recueillis à Kigali par François MOLYNEUX

11 décembre 2010

RDC : Monsengwo, un cardinal très politique

Et si le nouveau phénomène politique de cette fin d'année était… un homme d'église ? En ce mois de décembre, on attendait le retour de Tshisekedi, de discours sur l'état de la nation de Kabila, le démarrage du procès Bemba… mais le hasard du calendrier a fait entrer un nouveau venu sur la scène politique congolaise : le cardinal Laurent Monsengwo. Et pour sa première messe, le nouvel archevêque de Kinshasa a choisi un ton résolument politique. A moins d'un an des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), il faudra désormais compter avec ce nouvel acteur politique congolais.

Capture d’écran 2010-12-11 à 22.37.00.pngFraîchement débarqué de Rome le 1er décembre dernier, le cardinal Monsengwo, fait une irruption très remarquée dans l'arène politique congolaise et embarrasse déjà les autorités de Kinshasa. Lors de sa messe d’accueil en tant que nouveau cardinal, l’archevêque de Kinshasa a invité tous les belligérants dans l’Est du pays à cesser les combats. Laurent Monsengwo, souhaite que les milices « déposent les armes et fasse la paix dans la justice et la réconciliation ». Des mots du cardinal Laurent Monsengwo, qui ont fortement résonné dans le stade des Martyrs, devant plus de 80 000 personnes.
« Point n’est besoin de tuer tant d’hommes et de femmes. Point n’est besoin de tant de violences innommables pour se faire de l’argent. C’est de l’argent criminel », a scandé le cardinal Monsengwo. Des paroles de paix très classiques pour un homme d'église, mais lorsque le nouvel évêque de Kinshasa déclare : « le pouvoir qui ne s’occupe pas du bien commun est un pouvoir sans objet »… certains regards se sont tournés vers le chef de l'état, Joseph Kabila, déjà en campagne pour sa réélection en 2011. Cette interpellation très politique à destination de la classe politique congolaise, a fait grand bruit à Kinshasa… un discours particulièrement apprécié par la population congolaise.

Dans son homélie, Laurent Monsengwo a parlé d'unité, de paix, de vérité, de justice et de réconciliation pour tous… un message qui prend une résonance particulière, un an avant un scrutin électoral décisif pour la RD Congo. Une chose est sûre : il faudra désormais compter avec une nouvelle personnalité politique à Kinshasa, en la personne du cardinal Laurent Monsengwo.

Christophe Rigaud

10 décembre 2010

RDC : Attention... journalistes en danger !

Arrestations, interpellations, assassinats, le journalisme est un métier à risque en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG congolaise Journalistes en danger (JED) vient de publier son rapport 2010 sur les atteintes à la liberté de la presse dans le pays... des atteintes en constante augmentation.

Image 4.pngSelon JED : "la situation en 2010 indique une augmentation des atteintes à la liberté de la presse de 11 cas de plus par rapport à 2009". Si les agressions, menaces et pression administratives, économiques ou judiciaires ont diminué en 2010, on note par contre une augmentation des privations de liberté des journalistes sous forme d'interpellations (27 contre 20) et d'incarcérations (17 contre 3) note le rapport. "Pour la sixième année consécutive depuis 2005, un cameraman a été tué" en 2010, rappelle l'ONG congolaise en rappelant la mort de Patient Chebeya Bankome, abattu par balle le 5 avril à Béni (est), dans la province instable du Nord-Kivu.

Deux militaires ont été condamnés à la peine de mort pour ce meurtre, "mais toutes les pistes dans cette affaire n'ont pas été explorées", déplore JED. Parmi les "cas flagrants" d'atteintes à la liberté de la presse, l'organisation cite le cas d'un journaliste détenu pour "trahison" pendant 5 mois à Kinshasa pour avoir publié un communiqué des rebelles hutu rwandais. Il avait finalement été acquitté et libéré. JED cite aussi la fermeture pendant un mois d'une radio dans la province du Bandundu (ouest) et la détention sur la même période d'un de ses journalistes, sur décision du gouverneur provincial.