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24 septembre 2012

RDC : Timide début de réforme pour la CENI

La réforme de la Commission électorale (CENI) de République démocratique du Congo avance à petits pas. Le gouvernement vient de proposer d'augmenter de 7 à 11 le nombre des membres de la Commission et réserve 2 sièges à la société civile. Le débat se poursuivra au Parlement où le sort du très controversé président de la CENI sera scellé.

CENI.png10 mois après les élections contestées de novembre 2011, la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l'ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle, encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de monde pour défendre l'organisation chaotique des dernières élections présidentielle et législatives.

Fiasco

Pour évaluer le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l'étendu des dégâts. "Les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées", note les observateurs de l'Union européenne. La mission de l'UE dénonce les multiples dysfonctionnements du scrutin : "l'absence d'audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d'électeur de 3,2 millions d'électeurs, de multiples incidents, des fraudes et des bourrages d'urnes ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence". L'Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent depuis lors "la restructuration de la CENI en y incluant la société civile" et souhaite un audit complet du fichier électoral.

Sous pression, les autorités congolaises viennent d'enclencher un timide début de réforme, en proposant plusieurs modifications de la CENI. Le gouvernement propose de faire passer le nombre des membres de la Commission de 7 à 11 et d'y inclure la société civile. 2 sièges seront donc réservés à la société civile, curieusement absente de la CENI pour les élections de 2011. Le poids de l'opposition sera également renforcé "au prorata de la configuration politique de l'Assemblée nationale". Après les propositions du gouvernement, ce sera à l'Assemblée nationale et au Sénat que reviendra la lourde tâche de présenter un projet de loi définitif.

Un projet de réforme existe déjà

A l'Assemblée nationale, un député d'opposition du Kasaï oriental, Emery Okundji, a déposé, depuis le 5 juin, une proposition de réforme plus complète. Emery Okundji propose une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres (et non 11 comme le souhaite le gouvernement), avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.

La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).

Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.

Le cas Mulunda

Pour de nombreux observateurs de la politique congolaise, ces propositions présentent une "base de discussion intéressante", mais doivent être complétées "par un meilleur contrôle financier" et par "une réforme de la Cour suprême de justice" qui a montré ses lacunes lors du contentieux électoral de novembre 2011. Autre souci : le calendrier électoral des scrutins locaux qui n'est toujours pas fixé, demeure très flou et sans financement. Enfin, problème majeur à régler par le Parlement : le sort du très contesté président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda. Pour l'opposition, ce proche du président Kabila doit faire les frais du fiasco électoral de novembre et être débarqué. L'éviction du président de la CENI constitue également un des "gages" souhaité par Paris pour la participation de François Hollande au Sommet de la Francophonie, le 12 octobre prochain à Kinshasa. On voit donc mal comment Daniel Ngoy Mulunda pourrait se maintenir à la tête de la CENI. Mais pour l'instant le président Kabila semble hésiter à le lâcher.

Ces modifications du gouvernement, "a minima", sur le fonctionnement de la CENI sont donc loin de répondre à toutes les attentes de la classe politique congolaise et de la Communauté internationale. Seul le Parlement pourra y apporter les correctifs nécessaires et redonner un peu de légitimité à cette institution.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Rectificatif : Pas de censure de TV5 Monde sur la Francophonie

logo afkrb.pngNous avons relayé jeudi dernier l'inquiétude de l'association "Convergence pour l'émergence du Congo" qui avait noté la "disparition" d'une dépêche AFP du site internet de TV5 Monde. La dépêche AFP concernait "la demande de délocalisation du Sommet de la Francophonie". Après quelques jours, la dépêche disparaissait et le lien n'était plus accessible. L'association se demandait si TV5 Monde n'avait pas censuré cette information "très sensible" à quelques semaines du rendez-vous de Kinshasa. Après avoir attendu en vain les explications du service "interactivité" de la chaîne, la réponse nous est finalement parvenu ce lundi du service relations presse.

TV5 Monde nous a expliqué que le "fil d'informations de l'AFP n'était pas archivé" et que les dépêches les plus récentes "chassaient" les plus anciennes. Il n'y avait donc rien d'anormal, selon la chaîne à ce que cette information disparaisse du site après quelques jours de visibilité. TV5 Monde nous a assuré qu'il n'y avait "aucune censure" de leur part concernant le Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Dont acte. Toutes nos excuses à TV5 Monde ainsi qu'à nos lecteurs.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

18 septembre 2012

RDC : Négociations en vue avec le M23 à Kampala ?

Les autorités congolaises seraient en passe de négocier avec la rébellion du M23 sous l'égide de l'Ouganda. Les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale pourraient être mis à contribution. Kinshasa dément, pour l'instant, cette information en provenance du M23.

logo afkrb.pngQui croire ? Les nombreuses déclarations du M23 sur l'ouverture prochaine de négociations avec le gouvernement congolais sont régulièrement démenties par Kinshasa. Moyen de faire pression sur Joseph Kabila ? Sûrement. Il n'empêche que depuis quelques jours une solution négociée serait à l'étude par l'Ouganda, après le mini sommet de Kampala du 9 septembre.

Yoweri Museveni, le président de l'Ouganda "aurait pris contact avec les deux parties pour entamer des négociations", selon le coordonateur politique du M23, Jean-Marie Runiga, cité par un journal congolais. Toujours selon le M23, une délégation du mouvement rebelle serait toujours à Kampala et attendrait une délégation congolaise de haut niveau. Si Kinshasa a aussitôt démenti, on parle des deux présidents du Parlement de la République démocratique du Congo (RDC). Léon Kengo, le président du Sénat et Aubin Minaku, président de l'Assemblée nationale ont effectivement mis sur pied une cellule de "diplomatie parlementaire" en vue de mettre fin au conflit qui secoue l'Est de la RDC.

Jusqu'à ce jour, le président congolais, Joseph Kabila, a toujours refusé de négocier directement avec les rebelles. Il a déclaré vouloir résoudre la crise au Nord-Kivu "par 3 voies : politique, diplomatique et militaire". Pour le moment, la voie militaire n'est pas un succès pour Kinshasa puisque le M23 contrôle toujours quelques localités du Nord-Kivu et menace toujours de prendre Goma, la capitale régionale. La diplomatie, dans un premier efficace, patine sur l'envoi d'une "force neutre", reportée de plusieurs mois et sans financement. Reste le politique et la sortie de crise négociée, que réclament les rebelles. Visiblement Kinshasa y pense de plus en plus.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

16 septembre 2012

RDC : Les foyers d'instabilité se multiplient

La reprise de la guerre au Nord-Kivu focalise les craintes de la communauté internationale et l'attention des médias. Mais d'autres régions sont également le théâtre de rébellions, de défections de soldats ou de mouvements sécessionnistes. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Province orientale, au Kasaï ou au Bas-Congo, l'Etat peine à imposer son autorité. La République démocratique du Congo est-elle au bord de l'éclatement ?

DSC04006.jpgDepuis le mois d'avril 2012, les regards sont tournés vers le Nord-Kivu, une province de l'Est de la République démocratique du Congo, en proie aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin. A juste titre, la communauté internationale et les médias se sont portés au chevet de la "poudrière des Kivus", qui menace le fragile équilibre de la région des Grands lacs. Kinshasa se mobilise comme elle peut pour tenter d'endiguer l'avancée des rebelles… en vain. L'armée congolaise, qui n'est plus que l'ombre d'elle même recule sans se battre. Mal payés, mal commandés, l'armée régulière ne réussit pas à s'imposer… même avec l'appui (timide) des casques bleus de la Monusco. Le M23 contrôle maintenant une partie du Nord-Kivu dont la ville-frontière de Bunagana et Rutshuru, nouvelle "capitale" de la rébellion. Mais si la situation au Nord-Kivu inquiète, d'autres foyers d'instabilités secouent le reste de la RDC. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Ituri, au Kasaï, en Equateur ou au Bas-Congo, les rébellions et les nombreuses défections de soldats font craindre un embrasement général des provinces.

Katanga, province très "indépendante"

A Lubumbashi, le sécessionnisme semble être inscrit dans les gènes des Katangais. Depuis l'indépendance du Congo en 1960, la province a toujours revendiqué sa volonté d'indépendance. Et les mouvements sécessionnistes sont légions. Depuis l'ère Kabila (père, puis fils), le Katanga a toujours apporté un soutien inconditionnel au régime en place. Lubumbashi a constitué un "réservoir de voix" important pour Joseph Kabila aux élections de 2006, puis  en 2011. Mais depuis plusieurs mois, la province gronde. "Marre de payer pour Kinshasa" entend-on dans les rues de la capitale du cuivre. Au coeur de la discorde : la non rétrocession des 40% de l'Etat  à la province, prévue par la loi sur la décentralisation de 2006. Plusieurs fois, l'aéroport de Lubumbashi a été la cible d'attaques mystérieuses "d'hommes en armes". A chaque fois, on croit à un coup de force d'éléments sécessionnistes. A chaque fois, l'affaire ne va pas plus loin, mais l'inquiétude gagne à Lubumbashi. Les sécessionnistes gagnent du terrain.

A la manoeuvre, on trouve Gabriel Kyungu et son parti politique, l'Unafec. Cet été il a recueilli plus de 50.000 signatures pour demander un référendum en faveur du fédéralisme, d'ici 2016. Objectif : obtenir plus de 100.000 signatures. En parallèle, le poids du président Joseph Kabila s'est écorné par le choix du président d'imposer son frère, Zoé, à la tête de la province, à la place du charismatique Moïse Katumbi. L'arrivée du jeune frère passe mal dans la population.

Côté milice, le retour de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, sème la peur au Katanga depuis le début 2012. Ce seigneur de guerre a été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s'est évadé en septembre 2011 de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l'enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga. "La région est en train de sombrer dans la violence, la psychose et la peur. Il y en a beaucoup qui se cachent en brousse", indique Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga.

Le Kasaï se réveille

Autre province aux avant postes de la contestation : le Kasaï. D'habitude plutôt calme, ce fief de l'opposant Etienne Tshisekedi, connait lui aussi des soubresauts. Depuis le mois d'août 2012, le chef d’état-major de la région, le colonel John Tshibangu a fait défection et mis en place son propre groupe armé pour "chasser Kabila du pouvoir". La traque infructueuse de Kinshasa n'a toujours pas permis de mettre la main sur Tshibangu, qui vient d'annoncer son ralliement à l'Apareco d'Honoré Ngbanda, un ancien mobutiste en exil.

Province-orientale, Sud-Kivu, Maniéma, Bas-Congo… la colère monte

En août, c'est au tour du colonel Mandro Mazelo de faire défection pour rejoindre le maquis dans le Maniema, une province proche du Nord-Kivu. La Province orientale connait elle aussi un regain de violence. Les groupes d'auto-défense Maï-Maï sèment de nouveau la terreur. Près de la frontière ougandaise, le groupe de Paul Sadala, alias "Morgan" a tué 15 okapis en juin 2012 et continue, depuis, de terroriser la population. Au Sud-Kivu, le commandant Yakutumba a pris le maquis et collabore notamment avec Agathon Rwasa des FNL (Forces pour la Libération Nationale), une rébellion burundaise en lutte contre Bujumbura. Là encore Yakutumba prône clairement le départ de Joseph Kabila.

Au Bas-Congo, une province de l'Ouest du pays, les tensions entre la population et le pouvoir central se sont ravivées avec la "disparition", ou "l'enlèvement" (selon ses proches) d'Eugène Diomi Ndongala, le patron de la Démocratie chrétienne. Accusé par Kinshasa de "viol sur mineures", les autorités le disent en "fuite", alors que sa famille dénonce un "enlèvement" par les services de renseignements congolais (ANR). En 2007 et 2008 la province du Bas-Congo avait été le théâtre d'une violente répression contre les membres du Bundu Dia Kongo (BDK), un parti politico-religieux, interdit depuis. L'opposition avait dénoncé le "massacre" de 150 personnes par les forces de sécurité congolaises. En octobre 2012, les élections des gouverneurs du Bas-Congo et de la province orientale se dérouleront donc sous haute tension avec des risques de fraudes, comme en 2007. Hasard du calendrier, ces élections auront lieu en même temps que le Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé du 12 au 14 octobre 2012.

Dernier foyer d'instabilité : la discrète province de l'Equateur, au Nord de la RDC. Cette zone a toujours tenu tête à Kinshasa, depuis la création du MLC de Jean-Pierre Bemba en 1998. En 2010, la rébellion de la tribu Enyele déstabilise le pouvoir central et fait douter Kinshasa, après la courte prise de Mbandaka, la capitale provinciale. Depuis, la situation s'est calmée, mais l'Equateur "la rebelle", pourrait refaire parler d'elle, si l'autorité de Kinshasa venait à vaciller.

Depuis avril 2012 et le naissance du M23, le pouvoir central est de nouveau mis à mal. L'instabilité fait tâche d'huile aux quatre coins de la RDC. La reprise du conflit à l'Est a remis en lumière l'absence de l'Etat congolais et son incapacité à imposer son autorité sur l'intégralité de son territoire. Cette situation constitue une opportunité dans laquelle tente de s'engouffrer rebelles, hommes politiques, militaires frustrés et aventuriers de tout poil. Pour l'instant, tous ces mouvements sont trop disparates et trop peu coordonnés pour déstabiliser à eux seuls Kinshasa. Chacun de ces groupes représentent quelques dizaines d'hommes, quelques centaines tout au plus. Pas assez, pour le moment, pour marcher sur la capitale et ébranler le pouvoir central.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

14 septembre 2012

RDC : John Tshibangu rallie Honoré Ngbanda

L'opposant congolais Honoré Ngbanda, président de l'Apareco, annonce avoir "accepté de travailler" avec le Colonel dissident John Tshibangu. Depuis plusieurs mois, l'Apareco s'est rapproché de différents mouvements armés en lutte contre le régime du président Joseph Kabila : l'ARP du général Munene et les hommes du Commandant Yakutumba.

Image 5.pngNouveau ralliement pour l'Apareco. Après l'ARP du général Munene, le Colonel Tshibangu, rejoint le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'est désormais placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda. Le Colonel John Tshibangu et ses hommes ont fait défection des FARDC, l'armée régulière congolaise, le 16 août 2012. Depuis cette date, Kinshasa s'est lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où les troupes de Tshibangu ont pris le maquis. Soupçonné par Kinshasa d'être d'abord proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y installer Etienne Tshisekedi.

Le ralliement annoncé de John Tshibangu à Honoré Ngbanda chance la donne. L'Apareco affirme vouloir d'abord "libérer le Congo". Candide Okeke, la conseillère d'Honoré Ngabanda affirme que l'accord avec Tshibangu s'est scellé autour d'un seul mot d'ordre : "Kabila doit partir". Quant à Etienne Tshisekedi : "la question n'est pas d'actualité". L"Apareco dénonce le risque de "balkanisation" de la RDC par le Rwanda et "l'imposture" du régime de Joseph Kabila.

Le ralliement de Tshibangu n'est pas le premier pour Honoré Ngbanda. Le 14 juin dernier, l'Apareco s'était déjà rapproché de l'ARP du général Munene, un autre dissident à Kinshasa, actuellement en résidence surveillée au Congo-Brazzaville. Avec Munene à Brazzaville (et des hommes un peu partout en RDC), Tshibangu au Kasaï et Yakutumba au Sud-Kivu, l'Apareco entend fédérer un front armé anti-Kabila capable de faire basculer le pouvoir central. Pour Honoré Ngbanda, l'ancien monsieur sécurité de Mobutu et féroce opposant à Joseph Kabila, le moment est venu d'entrer en "résistance". Sur le site de l'Apareco, un numéro de téléphone et une adresse mail permettent d'entrer en contact avec le mouvement. Selon Candide Okeke, les appels n'ont jamais été aussi nombreux.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo extraite du site internet de l'Apareco

12 septembre 2012

Francophonie : Kinshasa joue la montre

L'audience du procès Chebeya et la réforme de la Commission électorale (CENI) attendront la fin du Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre en République démocratique du Congo (RDC). Pour la venue de François Hollande, Paris avait pourtant souhaité voir des avancés sur ces deux dossiers. Kinshasa préfère botter en touche.

logo afkrb.pngDeux nouvelles en provenance de Kinshasa font grincer des dents à Paris. La première concerne l'audience du procès Chebeya, prévue mardi 11 septembre et reportée au 23 octobre. La deuxième est connue depuis plusieurs semaines, il s'agit de l'ouverture d'un débat à l'Assemblée nationale sur la réforme de la CENI avant le 15 octobre. Ces deux dossiers, très sensibles à Kinshasa avaient été mis dans la balance par Paris pour la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie en RDC. Problème : le Sommet est prévu du 12 au 14 octobre 2012, il n'y aura donc aucune avancée sur ces deux affaires avant la rencontre de Kinshasa.

La venue de François Hollande en République démocratique du Congo pour le Sommet de la Francophonie a été l'objet de nombreuses controverses. L'opposition congolaise souhaitait le boycott du Sommet ou sa délocalisation dans un autre pays afin que la visite de François Hollande ne "cautionne pas" la réélection contestée du président Joseph Kabila en novembre 2011. Les missions d'observation de l'Union européenne et du Centre Carter avaient dénoncé les irrégularités du scrutin et les fraudes massives. Devant les levés de bouclier de l'opposition, le 9 juillet, François Hollande avait demandé aux autorités congolaises de "montrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l'état de droit". En clair, Paris demandait une réforme de la CENI, la Commission électorale, qui est accusée de complaisance avec le président Kabila et d'avoir "couvert" la fraude massive. L'annonce d'un débat à l'Assemblée nationale sur la CENI et le débarquement possible de son président, avant le 15 octobre, n'a pas vraiment rassuré. Dans les rangs de l'opposition on s'étonne du calendrier : "le Sommet de la Francophonie est prévu du 12 au 14 octobre au Palais du Peuple de Kinshasa , c'est-à-dire dans les lieux mêmes où siège l'Assemblée nationale" fait-on remarquer. Il paraît donc improbable qu'une quelconque décision sur ce dossier interviennent avant la tenue du Sommet.

Sur le dossier Chebeya, Kinshasa semble également jouer la montre. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion. Sur ce dossier, Paris avait également souhaité que toutes les pistes soient envisagée et notamment la comparution du principal suspect, le général John Numbi, un proche de Joseph Kabila, accusé par certains témoins d'être le véritable commanditaire du meurtre. Ce report du procès au 23 octobre, après le Sommet de la Francophonie, permet à Kinshasa de botter en touche. Selon Dolly Ibefo, de l'ONG la Voix dans sans voix (VSV), ce report cherche uniquement  "à protéger le général John Numbi pour qu'il ne soit pas inculpé" a-t-il déclaré à l'AFP. Il accuse les juges d'avoir repoussé "à dessein l'audience après le Sommet de la Francophonie".

Pour l'opposition congolaise, ces décisions montrent que "Joseph Kabila se moque de François Hollande". Sur RFI, mardi, Pouria Amirshahi, secrétaire national du PS à la Coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme, continue de penser que François Hollande doit aller à Kinshasa pour "tout dire au président Joseph Kabila". A la question de Christophe Boisbouvier, de savoir ce qu'ont fait les autorités congolaises depuis la déclaration  du 9 juillet de François Hollande, sa réponse est sans équivoque : "à ma connaissance... rien !".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

09 septembre 2012

RDC : Le M23 plaide sa cause en Europe

Une semaine pour convaincre. Une délégation de la rébellion du M23 vient d'effectuer une tournée de 8 jours à travers les capitales européennes pour tenter d'expliquer le bien fondé de son mouvement. Les rebelles défendent la "bonne gouvernance" des territoires qu'ils administrent et leur volonté de négocier avec Kinshasa. Rencontre à Paris avec le chef de la délégation, Stanislas Baleke.

Stanislas Baleke filtre final.jpgParis, Bruxelles, Londres et l'Allemagne… le M23 soigne son image aux quatre coins de l'Europe. Une délégation de la rébellion congolaise, en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa depuis avril 2012, s'est rendue dans les principales capitales européennes. Objectif : expliquer et si possible convaincre une communauté internationale et une opinion publique généralement frileuses aux mouvements armés. Le M23 a en envoyé en Europe la branche politique du mouvement. Et pour faire dans la pédagogie, rien de mieux qu'un professeur pour délivrer le message. Le chef de la délégation s'appelle Stanislas Baleke, docteur en Sciences-sociales et en philosophie.

- Afrikarabia : Quelle est la raison de votre présence en Europe ?

- Stanislas Baleke : Nous sommes ici pour expliquer notre lutte contre le gouvernement de Kinshasa. Nous voulons aussi clarifier tout ce qui est dit sur le M23 qui n'est en général que diffamation. Toutes les affabulations de Kinshasa n'ont rien à voir avec la réalité. Nous invitons tout ceux qui veulent connaître la vérité à venir voir sur le terrain ce qui se passe vraiment.

- Afrikarabia : Vous avez l'impression que votre mouvement n'est pas bien compris ici en Europe ?

- Stanislas Baleke : Nous ne sommes pas bien compris parce qu'il n'y a qu'une seule voix qui se fait entendre : celle du gouvernement congolais. Quand il y a deux acteurs, je crois qu'il n'est pas mauvais d'écouter tout le monde. Nous avons l'impression que l'opinion congolaise et internationale se trompent sur le M23.

- Afrikarabia : Les troupes du M23 contrôlent de nombreuses localités au Nord-Kivu dont Bunagana et Rutshuru. Dans quelles conditions vit la population dans ces territoires que vous administrez ?

- Stanislas Baleke : Notre objectif est de montrer au peuple congolais qu'il est possible de vivre en sécurité. Dans les zones contrôlées par le M23, la population peut dormir avec les portes ouvertes, on peut circuler librement sans se faire inquiéter. Jamais on entendra parler de viols ou de pillages dans les zones que nous contrôlons. Jamais on ne verra de milices FDLR (rebelles hutus rwandais qui sévissent dans l'Est de la RDC depuis la fin du génocide rwandais, ndlr). C'est cet exemple là que nous voudrions donner au reste du pays.

- Afrikarabia : On accuse la rébellion du M23 d'avoir créé un regain de violence à l'Est de la République démocratique du Congo et surtout d'avoir réactivé tous les autres groupes armés, comme les groupes d'auto-défense Maï-Maï ou même les FDLR ?

- Stanislas Baleke : Les personnes qui portent ces accusations ne connaissent l'histoire récente de la RDC. Celui qui créé la violence ce n'est pas le M23. Le 26 novembre 2011, lorsque Etienne Tshisekedi (1) a voulu faire sa campagne électorale, il y a eu des arrestations, violences, plus de 140 morts… ce n'est pas une violence ça ? Qui a tué Floribert Chebeya ? (2), ce n'est pas un violence ? Qui a tué Armand Tungulu ? (3), ce n'est pas une violence ? Tous ces journalistes tués, toutes ces arrestations d'opposants… Tous ces groupes armés dont vous parlez existaient bien avant l'apparition du M23 (en avril 2012, ndlr). On sait très bien qui arme ces groupes armés : la RDC. Il faut chercher les causes de la violence. Le président Olusegun Obasanjo (Nigéria, ndlr) l'a d'ailleurs bien dit : "les causes de la violences se trouvent en RDC et la solution se trouve en RDC". Le M23 n'a fait que réagir, de façon musclée certes, parce que nous avons un gouvernement autiste ! Kinshasa est incapable d'entendre la voix de la raison. En France, vous pouvez faire une conférence contre le président Hollande, il ne va rien vous arriver. En RDC, vous serez enlevé avant la fin de la conférence ! Il est impossible de manifester librement en RDC. Lorsqu'il n'y a aucun moyen d'expression, aucun espace pour s'exprimer, vous faites quoi ? Le M23 a compris qu'il faut répondre avec les mêmes armes que le gouvernement. Voilà pourquoi nous avons pris les armes.

- Afrikarabia : Vous demandez à négocier avec Kinshasa, notamment sur le respect et l'application des accords de paix du 23 mars 2009. Le gouvernement refuse et dit ne pas vouloir négocier avec des rebelles. Ces négociations avec Kinshasa vous paraissent inévitables ?

- Stanislas Baleke : C'est notre volonté. Il faut savoir que militairement, nous avons montré de quoi nous sommes capables (les soldats du M23 se trouvent à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma qu'ils disent vouloir prendre si le gouvernement refuse toujours de négocier, ndlr). Chaque fois que l'armée congolaise apprend que le M23 arrive, ses soldats ne prennent même pas la peine de se battre… ils s'enfuient. Militairement, nous sommes donc capables d'atteindre notre objectif, quand nous le souhaitons.

- Afrikarabia : Le M23 revendique l'application des accords du 23 mars 2009, mais l'opposition estime que le contenu de cet accord a été "délibérément caché par Joseph Kabila aux institutions et à la population". Elle demande la mise en accusation pour "haute trahison" du président Kabila. L'opposition congolaise a-t-elle raison ?

- Stanislas Baleke : Au-delà de l'application des accords du 23 mars, nous demandons également la clarté et la transparence des élections présidentielles du 28 novembre 2011 qui ont vu l'élection d'Etienne Tshisekedi à la présidence de la république congolaise (4). Mais revenons aux accords du 23 mars. Le président de l'Assemblée nationale été "démissionné" pour avoir dénoncé cette façon peu cavalière de traiter cette affaire. Constitutionnellement, l'Assemblée nationale devait autoriser le président à signer cet accord avec le Rwanda. Elle ne l'a pas fait. L'entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais a en effet été traitée en toute opacité. La RDC a accordé l'entrée des soldats rwandais au Congo alors qu'elle savait qu'à maintes reprises le Rwanda avait été condamné par la communauté internationale pour avoir pénétré illégalement sur le sol congolais. Tout cela a donc été fait en toute opacité. C'est donc une preuve palpable de "haute trahison". L'opposition a tout à fait raison de l'accusé de "haute trahison", c'est légitime. Le problème c'est que Kinshasa a oublié que, quand on signe un accord on le respecte.

- Afrikarabia : Est-ce-que le M23 compte parmi ses soutiens le colonel John Tshibangu qui a fait défection au Kasaï et que le gouvernement accuse de vous avoir rallié ?

- Stanislas Baleke : Tshibangu ne constitue pas un soutien au M23. Cependant, il se trouve que Tshibangu a travaillé au Nord-Kivu et connait très bien les officiers du M23 et on travaille en parfaite collaboration. On partage la même analyse, c'est à dire : rétablir l'Etat de droit au Congo.

- Afrikarabia : La situation militaire sur le terrain semble figée. Comment voyez-vous la suite des événements ?

- Stanislas Baleke : Nous essayons de donner la chance à la paix en invitant le gouvernement congolais à revenir à la raison. Il faut que l'on puisse discuter de la non-application des accords du 23 mars, mais aussi du déroulement des élections du 28 novembre. Je pense que la situation militaire n'est pas figée : il s'agit d'une occasion que l'on donne au gouvernement pour qu'il puisse se ressaisir. S'il refuse, nous en tireront les conséquences.

- Afrikarabia : Vous êtes prêts à avancer de nouveau militairement sur le terrain ?

- Stanislas Baleke : Bien sûr. On va avancer s'il n'y a pas de négociation. Et si ils nous attaquent, on va se défendre.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Regardez l'interview de Stanislas Baleke à propos de la situation dans les territoires que contrôlent le M23 et de la manière dont il voit l'évolution du conflit dans les prochaines semaines :


Interview Stanislas Baleke Porte-parole du M23 par ChristopheRigaud

(1) Leader de l'UDPS et candidat d'opposition face à Joseph Kabila. L'UDPS conteste la réélection du président sortant.
(2) Militant des droits de l'homme assassiné en 2010 et dont John Numbi, che f de la police congolaise et proche de Joseph Kabila, apparaît comme le principal suspect.
(3) Jeune Congolais mort en 2010 dans des circonstances mystérieuses en détention, après avoir caillassé le véhicule du président Kabila.
(4) Etienne Tshisekedi s'est en effet autoproclamé président de la république après les élections contestées de novembre. La réélection de Joseph Kabila a en effet été jugée "non-crédible" par les observateurs de l'Union européenne et du Centre Carter. De nombreuses fraudes et irrégularités ont entâché le scrutin. On ne pas pas affirmer pour autant que la victoire revient à Etienne Tshisekedi puisque toutes les preuves (procès-verbaux notamment) ont disparu.

Photo : Stanislas Baleke le 6 sept. 2012 à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

07 septembre 2012

RDC : Rencontre Hollande-Tshisekedi en suspend

L'opposant congolais Etienne Tshisekedi rencontrera-t-il François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa ? L'UDPS est en colère contre le président français qui légitime par sa présence le régime "autoritaire et contesté" de Joseph Kabila. Si François Hollande a prévu de rencontrer les partis d'opposition, des voix s'élèvent pour demander à Etienne Tshisekedi de boycotter François Hollande.

ET.jpgLa venue de François Hollande au XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa en octobre prochain, n'en finit pas d'enflammer l'opposition congolaise. L'UDPS, le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi avait vivement critiqué la décision de François Hollande de participer au Sommet. "Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains" dénonçait un communiqué du parti. L'UDPS, qui conteste toujours la réélection de Joseph Kabila en novembre 2011, estime que la venue du président français cautionne "la fraude électorale", "la violente répression des opposants politiques", "les disparitions" et "les assassinats". Le parti d'Etienne Tshisekedi, ainsi que la grande majorité de l'opposition congolaise, avaient milité pour le boycott, puis la délocalisation du Sommet dans un autre pays. A l'annonce de la venue du président français, l'UDPS cachait mal sa déception :  "la culture française contenue dans la Déclaration des Droits de l'Homme ne peut rayonner dans le monde en cautionnant la tricherie électorales ainsi que les violences et autres crimes."

A Paris, le président français, avait un tout autre agenda en tête. Pour François Hollande, le Sommet de la Francophonie est l'occasion d'établir "une nouvelle donne" avec l'Afrique. François Hollande souligne que l'enjeu est important pour la France : "en 2050, 80% des Francophones seront africains, 700 millions de femmes et d'hommes". Concernant la polémique sur sa venue, le président français a assuré qu'il y rencontrerait "l'opposition politique, les militants associatifs, la société civile. C'est le sens de la nouvelle politique africaine de la France: tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait".

La question est maintenant de savoir si l'opposition ne sera pas tentée de rendre au président français "la monnaie de sa pièce" en boycottant François Hollande ? Si du côté des cadres du parti, on prône plutôt l'apaisement, les militants affichent une réelle hostilité à cette rencontre : "Tshisekedi n'a rien à gagner en rencontrant Hollande", "qu'est-ce que cela changerait au statu quo actuel ?", "pourquoi légitimer Hollande qui vient lui-même légitimer Kabila ?", "cette rencontre n'aurait aucun impact"… les critiques sont nombreuses.

Au siège de l'UDPS à Kinshasa, on affirme ne pas avoir eu de contact officiel avec l'Elysée sur une éventuelle rencontre entre les deux hommes. Concernant un hypothétique boycott, le secrétaire adjoint du parti chargé de la communication, Augustin Kabuya est clair : "je pense que s'il y a une demande de rencontre, Etienne Tshiesekedi ne peut pas refuser" a-t-il affirmé à Afrikarabia. "Aucune décision n'est encore prise. Etienne Tshisekedi n'a encore rien décidé", précise Augustin Kabuya,"tout dépendra de la manière dont cela sera organisé sur place. Pour l'instant on n'en connaît pas encore les modalités". On sait notamment que l'UDPS dénonce le fait que son président est "bloqué", en "résidence surveillée" dans sa maison du quartier de Limete.

Certains cadres qui plaident pour une rencontre entre les deux hommes, assure qu'un tête à tête entre Etienne Tshisekedi et François Hollande aurait plus d'impact médiatique qu'un boycott. A l'UDPS, on attend aussi de voir si les "gages" de bonne volonté demandés par la France pour la venue de François Hollande seront honorés : "promouvoir la démocratie et l'Etat de droit". En clair : réforme de la CENI (Commission électorale) et déroulement du procès Chebeya dans de meilleures conditions (comparution du suspect n°1, John Numbi par exemple).

Pour l'instant, les rumeurs les plus folles courent à Kinshasa autour de la venue de François Hollande. On parle d'une grande manifestation d'organisée par l'opposition le long de la route de la l'aéroport de Kinshasa en guise de "comité d'accueil". D'autres évoquent même l'accueil de François Hollande par Tshisekedi lui-même ! (on peine à le croire). Une chose est sûre, la manière dont sera reçu le président français et la listes des personnalités d'opposition qu'il rencontrera donnera sans aucun doute le ton de ce voyage sous haute tension.

Christophe RIGAUD

Photo : E. Tshisekedi à Bruxelles en 2011 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

04 septembre 2012

RDC : Quand Mende "débrief" Kabarebe

Nouvelle passe d'armes entre Kinshasa et Kigali. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, est revenu sur les déclarations de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Dans un entretien, James Kabarebe avait nié le soutien de Kagali aux rebelles du M23 et avait violemment attaqué l'armée et le gouvernement congolais. La réponse n'a pas tardé.

Afrikarabia logo.pngDans une interview au journal Le Soir, le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe avait fermement réfuté tout soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Un récent rapport de l'ONU avait accusé Kigali de fournir des hommes et des armes au M23, qui se bat contre l'armée congolaise à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kabarebe affirmait que "chaque fois que quelque chose ne va pas au Congo, on désigne le Rwanda". Au sujet de l'armée congolaise et de son gouvernement, les attaques étaient nettement plus virulentes : "au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide". Ou encore concernant l'armée : "ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre. Dans les conditions où ils se trouvent, ils ne tueraient même pas un rat…".

Propos "arrogants"

Dans sa conférence de presse du 3 septembre, le ministre de l'information de RDC, Lambert Mende en a prfité pour "débrief" l'interview de Kabarebe : "les propos arrogants et discourtois du ministre rwandais à l’encontre du leadership congolais sont révélateurs d’un état d’esprit malsain dans les hautes sphères du pouvoir au Rwanda à l’égard de la RDC et de son peuple". Selon Lambert Mende, "le gouvernement rwandais s’agite parce qu’il digère mal son échec diplomatique dans la énième crise qu’il a suscitée chez nous". Et de s'étonner : "pourquoi de tous les neuf voisins de la RDC, seul le Rwanda souffrirait des conséquences de cette prétendue mauvaise gouvernance ?"

Contre-feu

Lambert Mende en a également profité pour immédiatement lancer un contre-feu concernant la polémique sur le retrait de plus de 300 soldats rwandais du territoire congolais. Vendredi, Kigali annonçait en grande pompe le départ de quelques centaines d'hommes de RDC, provoquant une vive controverse dans l'opinion congolaise qui croyait ces soldats partis depuis... 2009 ! L'annonce de Kigali était visiblement destinée à mettre dans l'embarras les autorités congolaises au sujet de la présence "officieuse" de troupes rwandaises chez lui. Pour Lambert Mende, l'opération de retrait menée par Kigali prouve l'existence de soldats rwandais à l'Est de la RDC (ce que Lambert Mende ne dit pas c'est si Kinshasa était courant) et donc validerait le "soutien" de Kigali aux rebelles du M23, qui se trouvent être dans la même zone. Le porte-parole du gouvernement accuse également Kigali d'avoir profité de ce retrait pour "exfiltrer" certains de ses hommes qui "soutenaient" le M23. Selon Lambert Mende, les soldats rwandais ont "préféré rentrer au Rwanda par une zone sous contrôle de la pseudo-mutinerie du M23. Pire, Kigali a refusé toute présence de la Monusco au titre de témoin international de ce mouvement de retrait"... preuve de l'ambiguïté sur la mission de ces soldats rwandais.

Double-jeu ?

L'ambiance s'est donc nettement tendue entre la RDC et Rwanda. Les alliés d'hier se sont lancés dans une course aux invectives qui ne fait (pour l'instant) que renforcer le sentiment violemment anti-rwandais qui prédomine en RDC et principalement dans la capitale, Kinshasa. Il faut dire que depuis 2009, les autorités congolaises avaient déjà toutes les peines du monde à essayer de convaincre son opinion de l'intérêt de son rapprochement avec Kigali. Car jusqu'à l'arrestation du rebelle Laurent Nkunda, le 23 janvier 2009, le Rwanda était alors soupçonné de soutenir la rébellion tutsie du CNDP (comme aujourd'hui avec le M23). Avec l'arrestation de Nkunda, Kagame et Kabila se sont rapprochés, jusqu'à mettre en place des opérations armées conjointes congolo-rwandaises à l'Est du pays. Aujourd'hui, alors qu'une nouvelle rébellion agite le Nord-Kivu, le Rwanda est de nouveau pointé du doigt. Les Congolais ont donc un peu de mal à croire leur gouvernement, lorsque, la main sur le coeur, il dénonce le plan machiavélique de Kigali pour "balkaniser" les Kivus. L'opposition croit plutôt que le pouvoir est toujours sous influence de Kigali et joue double jeu.

Haute Trahison ?

Le 4 septembre, une vingtaine de partis d'opposition demande une mise en accusation pour "haute trahison" du président Joseph Kabila. En cause : la guerre dans les Kivus. Selon les signataires du texte, Joseph Kabila est responsable du fameux accord du 23 mars, dont la rébellion du M23 revendique l'application. Pour l'opposition, "le contenu de cet accord a été délibérément caché, tant aux institutions qu'à la population congolaise". Sous-entendu : l'accord donnait trop de place aux rebelles du CNDP (devenu M23 aujourd'hui). Le texte de cette coalition d'opposition estime "totalement établie la complicité du pouvoir (Kinshasa, ndlr) avec les agresseurs (Kigali, ndlr)". En attendant, le gouvernement congolais compose un numéro d'équilibriste, qui sera de plus en plus difficile à tenir avec le temps.

Christophe RIGAUD

02 septembre 2012

RDC : Kigali contre-attaque

Accusé de soutenir la rébellion du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda passe à l'offensive. Médiatique tout d'abord, avec l'interview fleuve de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Militaire ensuite, en retirant un bataillon de RDC, qui opérait "officieusement" avec l'armée congolaise. Dans les deux cas, l'objectif est le même : embarrasser et gêner Kinshasa sur la scène internationale, voir l'humilier.

filtre DSC02394.jpgDepuis avril 2012, les rebelles du M23 mènent la vie dure aux soldats de l'armée congolaise au Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). En quelques semaines, la rébellion s'est emparée des plusieurs localités et menace aujourd'hui la ville de Goma, la capitale provinciale. L'armée congolaise, mal payée, mal préparée, mal encadrée et peu motivée, cède du terrain, presque sans combattre. Très rapidement, le Rwanda voisin est pointé du doigt. Un rapport de l'ONU soupçonne Kigali de soutenir et de fournir en hommes et en armes le M23. Le Rwanda dément, mais le rapport fait grand bruit et embarrasse Paul Kagame, le maître de Kigali.

Dans un premier temps, Kigali se défend timidement en apportant une réponse écrite aux allégations des experts de l'ONU. Le rapport serait "biaisé", les sources "peu fiables" et certaines informations "invérifiables". Les explications sont jugées peu convaincantes par l'ONU. Kigali décide donc de contourner l'obstacle... en attaquant Kinshasa. L'opération se passe en deux temps. Premier acte : interview-explication de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Deuxième acte : retrait des dernières troupes rwandaises de RDC, alors que tout le monde les croyait parties depuis 2009 et la fin de l'opération "Umoja Wetu".

Acte I L'explication

Dans une interview fleuve, menée par Colette Braeckman, James Kabarebe, ministre de la défense du Rwanda, se lance dans une explication de texte périlleuse dans laquelle il tente de prouver que Kigali n'a jamais soutenu le M23. Spécialiste ès Congo, Kabarebe connaît bien le dossier. Il était aux côtés de Laurent-Désiré Kabila en 1997 lors de la prise de Kinshasa et a même occupé le poste de ministre de la défense de la RDC jusqu'en 1998, avant de revenir au Rwanda.

Selon Kabarebe, le Rwanda a toujours joué les bons offices entre les autorités congolaises et les officiers congolais "futurs M23", à l'époque proche de Bosco Ntaganda, que Kinshasa voulait capturer. Kabarebe explique les différentes navettes entre les officiers congolais et Kigali pour trouver un terrain d'entente. Concernant le rapport des experts de l'ONU, le ministre de la défense y trouve de nombreuses incohérences. Par exemple au sujet des renforts rwandais au M23 à Runyonyi : "J’ai connu cette région autrefois. Runyonyi ne se trouve pas sur la frontière, marcher depuis la frontière rwandaise jusque Runyonyi, cela prend au moins onze heures de marche, il faut traverser la forêt car il n’y a pas de routes, il n’y a aucun lien entre Runyonyi et le Rwanda. Toute cette histoire de soutien que le Rwanda aurait apporté est une manipulation." Au sujet des soldats du M23, trouvés avec des cartes d'identités rwandaises :  "alors que nous nous trouvions à Goma pour une réunion, le chef de l’intelligence militaire congolaise vint me voir dans ma chambre et, à propos de l’histoire de ce capitaine, il me dit « nous commettons une grande erreur en fabriquant ce genre d’histoires contre le Rwanda, cela nous a déjà coûté tellement cher…Ce capitaine Saddam appartient l’armée congolaise, mais c’est Kalev qui a décidé de fabriquer une fausse carte d’identité rwandaise et d’envoyer ce témoignage truqué aux Nations unies…Comment imaginer que des décisions soient prises sur de telles bases ?". Concernant, la présence de soldats rwandais au sein du M23 : "Nous avons de grosses ambassades au Rwanda, et elles ont les moyens de faire du renseignement. Elles surveillent certainement les mouvements de troupes, de logistique, les mouvements vers la frontière. Or depuis les six dernières années au moins, il n’y a aucun mouvement vers la frontière…Comment le Rwanda pourrait il combattre en RDC sans qu’aucun mouvement ne soit visible ?". Au final, si les arguments avancés par Kabarebe sont plausibles, le contraire l'est aussi et le catalogue de preuves du groupe d'experts de l'ONU laisse peu de place aux doutes. Retenons seulement qu'avant le début des hostilités et la création du M23, Kabarebe explique que Kigali a été à la manœuvre pendant toutes les discussions préalables entre Kinshasa, Ntaganda, les officiers mutins et les futurs M23. Toutes les réunion se passaient à Kigali ou au Rwanda. On peut donc s'avancer sans se tromper, qu'au moins une partie de la solution de la guerre du Kivu se trouve... à Kigali.

Tout aussi intéressant, certaines réponses de Kabarebe traduisent bien la tonalité des rapports entre Kigali et Kinshasa : exécrables, voir désobligeants. Dans son interview, Kabarebe n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur l'armée congolaise (qu'il a bien connu) et le gouvernement de Kinshasa. "Au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide", explique Kabarebe. "Le mauvais management des troupes est au cœur du problème" poursuit-il, "comment pouvez vous envoyer des troupes en opération en leur donnant seulement une poignée de haricots secs ! Au lieu de leur envoyer de la nourriture, vous leur donnez un sac de haricots, sans eau, sans sel, sans riz, sans casserole ni bois de feu… C’est impossible". Et de conclure : "on ne peut pas dire que l’armée congolaise a échoué à battre le M23, car le M23 était soutenu par le Rwanda. Non. Ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre, dans les conditions où ils se trouvent. Ils ne tueraient même pas un rat…".

Acte II L'humiliation

Après l'interview assassine de James Kabarebe au journal belge Le Soir, le deuxième acte se déroule deux jours plus tard sur le terrain militaire. Le 31 août, le Rwanda annonce le retrait d'environ 280 de ses hommes de l'Est du Congo. Problème : tout le monde croyait les soldats rwandais partis. Les opérations conjointes entre les deux armées congolaises et rwandaises avaient pris fin en 2009 avec l'opération baptisée "Umoja Wetu". La présence de soldats rwandais sur le sol congolais, alors même que l'on accuse Kigali de soutenir une rébellion à l'Est du pays, jette un trouble à Kinshasa. Selon Thierry Vircoulon, directeur pour l'Afrique centrale de l'International Crisis Group, qui s'exprimait sur RFI : "Kigali a voulu montrer qu'elle avait eu l'autorisation par le passé d'avoir des troupes présentes au Nord-Kivu pour lutter contre les FDLR. Et ceci avait été agréé par Kinshasa, sans bien sûr en informer son opinion publique". Un bon moyen donc, pour le Rwanda d'embarrasser son voisin congolais aux yeux de la communauté internationale. Kinshasa s'est en effet souvent drapé des habits de la victime face au méchant Rwanda. Kigali a voulu ainsi se venger en révélant ses accords secrets avec Kinshasa, qui autorisaient la présence de soldats rwandais sur son sol.

Redorer l'image écornée du Rwanda et gêner Kinshasa étaient donc les deux objectifs de l'offensive médiatique de Kigali. Dans son interview, James Kabarebe désigne pour terminer les deux "responsables" de la crise actuelle au Nord-Kivu : l'Occident qui voulait arrêter Bosco Ntaganda et Kabila qui voulait le faire pour faire plaisir à la communauté internationale après sa réélection douteuse. "Tout cela a engendré un grand chaos" conclut Kabarebe. Sur ce dernier point, on ne peut pas le contredire.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

31 août 2012

RDC : La résidence privée d'Etienne Tshisekedi vandalisée

Selon l'UDPS, le principal parti d'opposition de République démocratique du Congo (RDC), la résidence privée de son président a été vandalisée par des soldats dans la nuit du 29 août 2012. L'UDPS dénonce "la fouille systématique de toute les maisons" du village d'Etienne Tshisekedi, Kabeya-Kamwanga "à la recherche d'armes et du Colonel dissident John Tshibangu".

Image 1.pngDans un communiqué, l'UDPS affirme que "des hommes en uniformes lourdement armés" ont investi le village du président du parti, Etienne Tshisekedi, Kabeya Kamwanga (Kasaï) dans la nuit du mercredi 29 août 2012. Selon l'UDPS : "ces soldats ont procédé à la fouille systématique de toutes les maisons dont la résidence privée du président au motif qu'ils étaient à la recherche d'armes ainsi que du Colonel dissident John Tshibangu".

L'UDPS note que les soldats "n'ayant rien trouvé, se sont livrés à des actes de vandalisme". Le Parti d'opposition dénonce même des "viols", des "arrestations arbitraires" et de "nombreuses disparitions".

Le Colonel John Tshibangu a fait défection des FARDC, l'armée régulière congolaise, depuis le 16 août 2012. Depuis cette date, le gouverneur de la province du Kasaï Occidental s'est lancé dans une véritable traque au colonel dissident. Soupçonné d'être proche des rebelles du M23, John Tshibangu ne cache pas son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y installer Etienne Tshisekedi.

Christophe RIGAUD

Photo : E.Tshisekedi à Bruxelles en 2011 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

30 août 2012

RDC : Hollande à Kinshasa agite l'opposition

La venue de François Hollande au 14ème Sommet de la Francophonie continue de faire polémique. Si Kinshasa se félicitent de la participation du président français, les voix de l'opposition congolaises sont plus dissonantes.. Il y a les "contre", les "pour"...et ceux qui font avec.

Capture d’écran 2012-08-30 à 22.33.33.pngAprès la fin du suspens sur la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa, voici venu le temps des commentaires, des positionnements politiques... et des controverses. Sans surprise, le porte-parole du gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) affiche une certaine satisfaction après l'annonce de la venue du président français à Kinshasa. Une décision qui "rend justice au peuple congolais", qui, "malgré la guerre qui prévaut dans le Kivu, fournit tous les efforts chaque jour et accepte des sacrifices, pour être prêt pour ce rendez-vous".

Contre

Du côté de l'opposition, plusieurs sons de cloches se font entendre. Dans la catégorie des "farouchement contre", on trouve l'UDPS, le premier parti d'opposition en RDC. Etienne Tshisekedi, le patron de l'UDPS, demandait le boycott du président français ou la délocalisation du Sommet de la Francophonie dans un autre pays, comme cela a déjà été le cas en 2010 pendant la crise de Madagascar. Les motifs invoqués par l"UDPS sont clairs : les élections de novembre 2011 ont été truquées et le régime de Kinshasa ne respecte pas les droits de l'homme. Le parti dénonce "la violente répression des opposants politiques", "les disparitions" et "les assassinats", notamment celui du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya en juin 2010. Après l'annonce de la décision de François Hollande de venir malgré tout à Kinshasa pour "réaffirmer les principes et les idéaux" de la Francophonie, quitte à "tout dire" au président Joseph Kabila, l'UDPS ne décolère pas. "Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains. Les engagements de campagne (du candidat François Hollande, ndlr) sont restés lettre-morte", tempête l'UDPS. Pour le parti d'Etienne Tshisekedi, "les autorités françaises cautionnent les élections calamiteuses de novembre 2011 dont les résultats sont rejetés par tous". Et de conclure qu'il s'agit "d'un motif de plus pour radicaliser le combat". Si on lit entre les lignes on peut donc s'attendre à des appels à la "mobilisation populaire", en clair : des manifestations, dans les rues de Kinshasa avant et pendant le Sommet, prévu du 12 au 14 octobre.

"Farouchement contre" également, l'association "Convergence pour l’émergence du Congo", menée par Jean-Louis Tshimbalanga. Ce français d'origine congolaise a saisi la justice française pour tenter d'empêcher la tenue du Sommet à Kinshasa. Selon lui, "François Hollande a été induit en erreur. Yamina Benguigui (la ministre déléguée à la Francophonie, ndlr) n'a pas fait son travail à son retour de Kinshasa. Il fallait délocaliser le Sommet au Sénégal ou à Maurice." Jean-Louis Tshimbalanga en veut aussi beaucoup à Abdou Diouf, le patron de l'Organisation International de la Francophonie (OIF) contre qui il a porté plainte. Pour le président de cette association, "organiser ce Sommet à Kinshasa viole la Charte de la Francophonie et la déclaration de Bamako. Il y a des millions de morts au Congo, des femmes violées, des élections truquées, le pays est en guerre à l'Est. Madame Benguigui aurait dû signaler à François qu'il ne devait pas se rendre là-bas". Avant de conclure : "Yamina Benguigui nous dit que la politique de la chaise vide ne sert à rien, qu'elle me prouve que la politique de la chaise pleine sert à quelques chose !"

Pour

Dans l'opposition, d'autres voix se font entendre et considère que la venue de François Hollande est une chance pour se faire entendre. Parmi elles, on trouve Martin Fayulu, président de l'Ecidé, un parti proche d'Etienne Tshisekedi. Sur le site de RFI, ce député d'opposition "se déclare satisfait de la déclaration de François Hollande" et  "espère que le président français va aider à faire avancer la démocratie : revenir sur le scrutin présidentiel à un tour, la création de la cour constitutionnelle et le départ du président de la Céni." Même réflexion de Jonas Tshiombela de la nouvelle société civile congolaise, toujours sur le site de RFI, qui se demande : "qu’est ce que cela changerait en RDC, si François Hollande ne venait pas ?"

A Paris, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko, membre du RDPC et candidat aux législatives dans le Bas-Congo, est lui aussi satisfait de la venue de François Hollande dans la capitale congolaise. Clairement opposé au régime du président Kabila, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko a toujours souhaité la tenue du Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo ainsi que la présence de François Hollande. Membre du parti socialiste, tout comme le président français, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko salue "le courage politique" de Hollande "n’en déplaise aux participants du boycott". Il espère que François Hollande saura "redonner espoir aux millions de Congolais, sans pour autant cautionner un pouvoir non accepté par la grande majorité d’entre eux". Selon Lonsi-Koko, l'absence de François Hollande à Kinshasa aurait pu avoir des conséquences néfastes et notamment "fragiliser davantage la République Démocratique du Congo, le plus grand bastion francophone, au point de l’exposer aux menaces du Rwandais Paul Kagamé et de l’Ougandais Yoweri Museveni dont les parrains anglophones jouent un rôle important dans la région des grands lacs." Seul bémol pour cet opposant congolais : "si les intentions de François Hollande sont bonnes (réaffirmer les règles démocratiques, la bonne gouvernance et le respect es droits de l'homme, ndlr), attention de ne pas suivre le même chemin que ses prédécesseurs et ne rien faire".

Attend de voir

A mi-chemin entre ces deux positions, Vital Kamerhe, l’ancien président de l’assemblée nationale, a déclaré sur le site de RFI que si "la France est souveraine dans ses décisions", "il y a une crise de légitimité du pouvoir Kabila et les droits de l’homme ne sont pas respectés". Le président de l'UNC attend donc que le président français prenne des "positions fermes" pendant le Sommet et soit "clair", sinon "il ne pourra pas se sentir à l’aise pour faire une fête culturelle à Kinshasa." Justement, pour clarifier la position française, Jean-Louis Tshimbalanga de l'association "Convergence pour l’émergence du Congo", propose un "débat télévisé" à Yamina Benguigui, la ministre déléguée à la Francophonie pour "donner la parole aux Français" sur le prochain Sommet.

Christophe RIGAUD

28 août 2012

RDC : Rumeur sur la mort de l'opposant Diomi Ndongala

Plusieurs sources à Kinshasa affirment que l'opposant congolais Diomi Ndongala serait mort en détention lundi 27 août 2012. Il y a quelques jours, Amnesty International affichait ses craintes sur le sort et l'état de santé de Diomi Ndongala, qui serait détenu par les services de renseignements congolais. Kinshasa accuse ce parlementaire de viol et affirme qu'il est en fuite.

Image 1.pngDiomi Ndangala est-il encore en vie ? Certains proches affirment, depuis ce lundi, que le président de la Démocratie Chrétienne (DC), un parti d'opposition proche d'Etienne Tshisekedi, serait mort en détention. Depuis le 27 juin 2012, l'opposant congolais a disparu. Amnesty International, inquiète sur son sort, rappelle "qu'il a quitté son domicile en voiture (une Mitsubishi blanche aux vitres teintées) pour se rendre à un événement organisé par son parti politique à la cathédrale Notre-Dame-du-Congo, à Kinshasa." Ce parlementaire reconnu de République démocratique du Congo (RDC), s'apprêtait  à signer une charte avec plusieurs partis d'opposition. Selon Amnesty, "il n'est jamais arrivé à destination et personne, même pas sa famille, ne l'a vu ni entendu depuis lors".

Les autorités congolaises donnent une autre version de la "mystérieuse" disparition de Diomi Ndongala : le parlementaire devait être arrêté par la police pour viol sur mineures et serait "en fuite". Depuis, Kinshasa a toujours nié détenir le député Ndongala dans ses prisons.

Dernièrement, Amnesty International affirme avoir des informations récentes sur l'opposant congolais. Selon l'ONG, Diomi Ndongala serait "actuellement détenu au secret par les services du renseignement, à Kinshasa. Plusieurs sources ont indiqué qu'il se trouvait d'abord au camp militaire de Tchatchi, puis à la troisième direction des services nationaux du renseignement, à Kinshasa, où il aurait été détenu jusqu'au 2 août. D'après d'autres sources, il a été vu aux alentours du 16 août à la Cité de l'OUA, complexe immobilier appartenant à la présidence". Amnesty, comme certains de ses proches, affirment que le parlementaire "serait en mauvaise santé et aurait perdu beaucoup de poids car il a manqué de nourriture et a été privé des soins nécessaires au traitement de ses pathologies chroniques".

Depuis lundi 27 août, trois mois après sa disparition, des sources proches de Ndongala le donne pour mort et demandent à la Monusco (les troupes de l'ONU en RDC), à la France et à la Belgique de faire pression sur Kinshasa pour rendre le corps du député congolais. Pour l'instant, nous ne pouvons évidemment pas confirmer cette information.

Comme dans l'affaire Chebeya, ce militant des droits de l'homme assassiné en 2010, le sort de Diomi Ndongala empoissonne le climat politique à Kinshasa. Selon l'opposition, le cas Ndongala "discrédite" Kinshasa, qui s'apprête à accueillir au mois d'octobre, le XIVème Sommet de la Francophonie. Plusieurs ONG avaient appelé François Hollande à "ne pas se rendre à Kinshasa", pour ne pas "légitimer" le régime du président congolais Joseph Kabila. Le principal parti d'opposition en RDC, l'UDPS,avait même réclamé la délocalisation du Sommet. Le président français, François Hollande, qui se rendra finalement à Kinshasa en octobre, a déclaré vouloir réaffirmer en RDC un certain nombre "de principes et d'idéaux" et rencontrera "l'opposition politique, les militants associatifs et la société civile". L'affaire Ndongala sera sans nul doute au menu.

Christophe RIGAUD

 

26 août 2012

RDC : "L'UE doit suspendre son appui budgétaire au Rwanda" selon l'EurAc

Le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc) demande à l'Union européenne (UE) et à ses états membres de geler "toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Un rapport de l'ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Capture d’écran 2012-08-25 à 14.57.41.pngL'Union européenne (UE) suivra-t-elle la décision de plusieurs Etats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas ou Suède) de suspendre son aide financière à Kigali pour son soutien à la rébellion du M23 ? C'est ce que demande, le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc).

En juin 2012, un rapport du groupe d'experts de l'ONU avaient apporté "un nombre important de preuves convergentes" de l'aide logistique, en armes et en hommes, du Rwanda aux rebelles du M23 dans l'Est de la RDC. Ce groupe armé est en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa qu'il accuse de ne pas avoir respecté les accords de paix du 23 mars 2009. Le M23 contrôle la zone frontalière de Bunagana avec l'Ouganda, la ville de Ruthsuru et menace de faire tomber la ville de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu.

L'EurAc rappelle qu'il y a peu de doute, d'après le rapport de l'ONU, sur la véracité de l'aide rwandaise au M23. Les experts ont affirmé avoir interviewé "plus de 80 déserteurs issus de la mutinerie contre les FARDC et des groupes armés congolais, y compris du M23, parmi lesquels 31 étaient des ressortissants rwandais". Le rapport  "présente des photos de caches d’armes, des documents officiels et des messages radio interceptés. Enfin, lorsque des personnes étaient nommées, le groupe d’experts a procédé à des vérifications auprès de 5 sources concordantes, considérées comme crédibles et indépendantes, au lieu des 3 sources exigées", explique l'EurAc.

Le Rwanda a toujours démenti son soutien au M23 et Kigali a même publié "une réponse officielle" au rapport des experts, dénonçant des données "biaisées" et "invérifiables", "ne tenant pas compte du point de vue rwandais". Dans son communiqué, l'EurAc conclut "qu’il est fort peu probable que le contenu de l’additif (du rapport de l'ONU, ndlr) soit erroné et/ou falsifié comme l’affirme le Rwanda. L’argument selon lequel le Rwanda n’a pas été entendu n’est pas convaincant dans la mesure où le gouvernement n’a pas répondu à l’invitation qui lui avait été faite de donner son point de vue. A la lecture de la contre-argumentation avancée par le gouvernement  rwandais, EurAc ne voit pas de raisons de douter de l’analyse présentée par l’additif."

L'EurAc rappelle enfin que "ces dernières années, le rôle actif joué par le Rwanda dans les conflits armés en RDC a été largement documenté, notamment par l’ONU. Dans le rapport mapping de l’ONU publié en 2010, le Rwanda était accusé d’être impliqué dans les violences et atrocités commises en RDC entre mars 1993 et juin 2003. Aujourd’hui nous avons, comme en 2008, les preuves du soutien du Rwanda à des groupes rebelles opérant à l’Est de la RDC". Et de conclure "qu'en dépit de ces accusations, un certain nombre de pays avait, à l’époque, continué à considérer le Rwanda comme un partenaire privilégié".

Dernièrement, Washington, fidèle allié du Rwanda, a tout de même haussé le ton en décidant de suspendre son aide militaire à Kigali. Une sanction toutefois très limitée, puisqu'elle ne touche qu'une école de formation de sous-officiers, pour la somme assez modeste de 160.000 euros. Pas de quoi effrayer Kigali. Mais rapidement, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et Suède ont emboîté le pas. EurAc appelle donc l’Union Européenne et tous ses Etats membres à faire de même et de "suspendre définitivement toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Selon le réseau réseau européen pour l'Afrique centrale, "ces mesures constitueraient une première étape en vue d’une révision de la politique de coopération avec le Rwanda. L’Union Européenne et ses Etats membres devraient également prendre en compte la situation préoccupante en matière de démocratisation, de bonne gouvernance et de respect des droits humains".

Concernant le soutien de Kigali aux rebelles du M23, le groupe d'experts de l'ONU doit rendre son rapport final en octobre 2012. En attendant, la situation militaire s'est figée sur le terrain. Le M23 parle de "trêve". La rébellion se tient toujours à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma.

Christophe RIGAUD

23 août 2012

RDC : Hollande et le piège de Kinshasa

Le XIVe Sommet de la Francophonie doit se tenir à Kinshasa en octobre prochain. Un bien mauvais endroit et un très mauvais moment pour le président François Hollande, qui hésite encore à se rendre en République démocratique du Congo (RDC). Paris a demandé des gages à Kinshasa sur le dossier des élections "frauduleuses" de 2011 et le procès Chebeya. Il semble peu probable que les autorités congolaises fassent la moindre concession. En se rendant à Kinshasa, François Hollande sera perdant sur tous les tableaux. Explications.

siège OIF francophonie.jpgA deux mois du Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé en octobre prochain, la venue de François Hollande dans la capitale congolaise fait toujours débat. Depuis les "graves irrégularités" des élections de novembre 2011, dénoncées par la mission de l'Union européenne, le nouveau président français semblait hésiter à se rendre à Kinshasa. L'opposition congolaise, soutenue par de nombreuses ONG internationales étaient vent debout pour dénoncer le régime du président Joseph Kabila. Un régime, qui "n'est pas un Etat de droit, mais policier", selon le principal parti d'opposition, l'UDPS. Pour les opposants au président Kabila, le Sommet de la Francophonie "n'a rien à faire à Kinshasa, un pays où l'on truque les élections et où on assassine les militants des droits de l'homme".

Deux dossiers "chauds"

Le 9 juillet, après une rencontre entre François Hollande et Adbou Diouf, à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l'Elysée estimait  que « les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) doivent démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit ». Deux dossiers sont particulièrement embarrassants pour le nouveau président français. Il y a tout d'abord les élections "frauduleuses" de novembre 2011, qui nécessitent une réforme complète de la CENI (la Commission électorale) et le départ de son président Daniel Ngoy Mulunda, jugé trop proche de Joseph Kabila. Le deuxième dossier concerne le procès de l'assassinat du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya, qui doit aller à son terme. Toutes les pistes convergent vers la mise en accusation de John Numbi, le chef de la police. Mais cet ancien bras droit du président Kabila chargé de la sécurité, n'est toujours pas arrêté.

"Kabila ne lâchera pas Mulunda"

Paris a donc souhaité que Kinshasa donne rapidement des gages de bonne volonté sur ces deux dossiers. Selon un spécialiste bien informé de la région, il semblerait que Kinshasa ne fera aucune concession sur ces deux sujets. Concernant la réforme de la CENI, toujours d'après ce spécialiste, "Kabila ne veut pas lâcher Mulunda", le très contesté président de la CENI et ce, "malgré les fortes pressions internationales". Un projet de loi serait pourtant à l'étude à l'Assemblée nationale pour le 15 septembre. Compte tenu de l'importance du sujet, il y a donc peu de chance que ce projet soit voté avant la tenue du Sommet, prévu le 12 octobre. Le "toilettage" de la CENI se fera donc "à minima", le projet de réforme proposé par l'opposition en juin 2012 étant déjà très timide. Du coup, le calendrier électoral reste toujours au point mort, avec un grand point d'interrogation concernant la tenue des élections provinciales, qui bloquent par conséquent, la bonne marche du Sénat. Côté financier, les bailleurs ne sont toujours pas au rendez-vous, devant le flou électoral maintenu par Kinshasa. Sur ce dossier, il y a donc peu de chance que Paris obtienne des actes forts de la part de Kinshasa. Et si concessions il y a, "elles seront cosmétiques" selon ce spécialiste.

Numbi arrêté et… relâché

Le deuxième dossier brûlant entre Paris et Kinshasa concerne le procès Chebeya qui passe actuellement en appel. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion internationale. L'enjeu principal de l'appel consiste à remonter à John Numbi, le "commanditaire" présumé du meurtre. Chef de la police congolaise à l'époque, Numbi était aussi le monsieur sécurité du président Kabila. Mis "au vert" par Kabila lui-même, les parties civiles demandent sa comparution devant le tribunal… en vain. Paris souhaitait également dans ce dossier que la justice puisse faire son travail. Mais il y a peu de chance de retrouver John Numbi dans le box des prévenus. Il y a déjà eu une tentative d'arrestation (peu médiatisée) de Numbi à la mi-juillet 2012 à Lubumbashi, au Katanga. L'ancien chef de la Police a été brièvement interpelé pendant deux jours, puis relâché après "une longue discussion avec Joseph Kabila". Comme Mulunda, il semble donc peu probable que le président congolais laisse tomber Numbi après l'épisode de la tentative d'arrestation.

Le dossier rwandais s'invite à Kinshasa

Autre mauvais timing : la reprise de la guerre à l'Est de la RDC, où une rébellion, le M23, soutenue par le Rwanda, tient tête à l'armée congolaise au Nord-Kivu. La rébellion contrôle plusieurs localités, dont Bunagana et Rutshuru. Le Sommet de la Francophonie constituera la première sortie africaine de François Hollande. Le nouveau président français va donc se rendre dans un pays virtuellement en guerre contre son voisin rwandais, ce qui pose évidemment un sérieux problème pour la France, compte tenu des relations orageuses entre Paris et Kigali, depuis le génocide de 1994. La guerre à l'Est, met François Hollande dans un embarras politique certain, d'autant que la RDC a poussé Paris à prendre des positions publiques contre le Rwanda. Pour François Hollande, le Sommet de Kinshasa se déroule donc au mauvais moment, au mauvais endroit.

Selon des observateurs de la région, François Hollande sera "perdant-perdant" en rendant à Kinshasa. Selon un spécialiste, "le président français risque de perdre sur tous les tableaux : sur les concessions qu'il n'obtiendra pas, sur le dossier rwandais et enfin (peut-être le plus important) sur ses propres principes (démocratie, bonne gouvernance, droits de l'homme… )". Faire le Sommet de la Francophonie à Kinshasa, c'est "récompenser les mauvais élèves au détriment des bons". Toujours selon ce spécialiste, "d'autres pays auraient d'ailleurs pu accueillir le Sommet de la Francophonie : le Sénégal, où les élections se sont déroulées convenablement ou encore en Tunisie, où il faut au contraire appuyer une transition politique. La solution aurait pu être de délocaliser le Sommet comme pendant la crise de Madagascar en 2010" (le Sommet s'était tenu en Suisse, ndlr).

Décision "imminente"

La diplomatie ayant horreur de la "chaise vide", le boycott du Sommet de la Francophonie semble exclu par le président français, "personne ne comprendrait" aurait-on dit à l'Elysée. Reste la délocalisation ou le discours "musclé" sur la démocratie et les droits de l'homme. La première solution serait sûrement la bonne, mais un peu tardive, la seconde risque de placer François Hollande devant ses propres contradictions : vouloir donner une "leçon à l'Afrique", comme un certain Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007.

Christophe RIGAUD

Photo : Siège de l'OIF à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

20 août 2012

RDC : Le M23 se politise

La rébellion congolaise vient de se doter d'une nouvelle structure politique. Ces nominations ressemblent à la composition d'un "gouvernement fantôme", composé de 25 membres. Le M23 ouvre un second front, plus politique et affiche désormais des ambitions "nationales", autour du "départ" du président Joseph Kabila.

Capture d’écran 2012-08-20 à 19.59.50.pngLes rebelles congolais du M23 sont dotés depuis le 17 août d'un "cabinet politique", composé d'un président, Bishop Jean-Marie Runiga, d'un chef du haut commandement militaire, le colonel Sultani Makenga et de plusieurs autres "chefs de départements". Les 25 membres de la nouvelle direction du M23 ressemblent à la  composition d'un gouvernement, avec ses différents ministères : relations extérieures, finances, budget, agriculture, justice… Les rebelles, en luttent contre l'armée régulières de Kinshasa depuis avril 2012, contrôlent désormais plusieurs localités du Nord-Kivu, dont les villes de Bunagana ou Rutshuru.  Le M23 avait déjà installé dans ces zones ses propres "administrateurs" afin "d'assurer la sécurité des populations" et "d'expédier les affaires courantes". Avec ce nouveau cabinet politique, le mouvement rebelle fait un pas supplémentaire en créant un "gouvernement parallèle" capable de suppléer les autorités congolaises.

En créant son "shadow cabinet", le M23 politise son mouvement et en profite pour élargir ses revendications. Au départ de la mutinerie, le M23 demande le respect des accords du 23 mars 2009, signés autour de l'intégration des anciens rebelles du CNDP (dont est issu le M23) dans l'armée régulière. Avec le retour de la guerre dans les Kivus, le M23 prétendait ensuite protéger la communauté tutsie des tensions ethniques. Avec le temps, et ses rapides victoires militaires devant des soldats congolais en déroute, la rébellion a décidé de porter des revendications plus larges comme "la bonne gouvernance" ou "le respect du résultats des urnes", référence aux élections contestées de novembre 2011. En fin de course, le M23 a terminé par se faire le porte-voix de l'opposition politique congolaise en demandant, comme elle, le "départ" de Joseph Kabila.

En affichant des ambitions politiques nationales au-delà de leurs simples revendications régionales (autour d'une "autonomie" des Kivus), le M23 continue d'accentuer la pression sur le régime Kinshasa, qui peine à neutraliser les rebelles sur le terrain et à faire avancer l'idée d'une "force armée neutre" pour stabiliser la région. Avec un avantage militaire certain, le M23 a figé ses troupes aux portes de la ville Goma, qu'ils comptent toujours prendre si les négociations n'avancent pas. En ouvrant un second front politique, les rebelles tentent un dernier coup de pression pour faire plier Kinshasa et les pousser à la table des négociations. Il est donc fort à parier que si le gouvernement congolais refuse encore d'ouvrir le dialogue avec les rebelles, le M23 ne reprennent les armes et poussent leur offensive jusqu'à Goma. Les rebelles en ont visiblement les moyens humains.

Dernier élément, le glissement politique du M23 tend également à faire bouger les lignes du côté de l'opposition congolaise, globalement hostile au mouvement rebelle. En créant son "gouvernement fantôme", le M23 cherche à pousser certains partis politiques d'opposition à "choisir leur camp" et ce, dès maintenant. Une initiative qui risque de déstabiliser un peu plus l'opposition qui brille par son absence. Une opposition politique en panne, qui continue de faire le jeu du président Kabila et… du M23, en lui laissant la voie libre.

Christophe RIGAUD

Composition du cabinet politique du M23 :

Président : Bishop Jean-Marie RUNIGA LUGERERO

Chef du haut commandement militaire : Colonel SULTANI MAKENGA

Secrétaire exécutif : Mr François RUCOGOZA TUYIHIMBAZE

Département des affaires politiques et administration du territoire : Mr SENDUGU MUSEVENI

Département des relations extérieures et de la coopération régionale : Me René ABANDI MUNYARUGERERO

Département des affaires sociales et humanitaires : Dr Alexis KASANZU

Département des Finances, Budget et Ressources Naturelles : Mr Justin GASHEMA

Département de l'Agriculture, Pêche et Élevage : Mr Déogratias NZABIRINDA NTAMBARA

Département de la Justice et des droits humains : Me Antoine MAHAMBA KASIWA

Département de la Réconciliation et de l'Unité Nationale : Mr Jean serge KAMBASU NGEVE

Département de Rapatriement des refugies et réinsertion des déplacés internes : Ir. Benjamin MBONIMPA

Département du Tourisme, Environnement et Conservation de la Nature : Prof Stanislas BALEKE

Département de la Jeunesse, Sport et Loisirs : Mr. Ali MUSAGARA

19 août 2012

RDC : François Muamba propose de recourir à l'AFRICOM

Le président de l'ADR (Alliance pour le développement et la République), François Muamba souhaite faire appel aux troupes de l'AFRICOM, comme "force neutre de sécurité" pour lutter contre les différentes rébellions à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Une prise de position qui intervient un an après la création de l'ADR, un parti qui cherche encore sa place sur l'échiquier politique congolais.

François Muamba 2.jpgUn peu plus d'un an après son éviction du secrétariat général du MLC, en avril 2011 et la création de son propre mouvement, l'ADR (Alliance pour le développement et la République), en juillet 2011, François Muamba entre dans le débat qui agite la RDC sur la reprise de la guerre à l'Est du pays. Alors que le Nord-Kivu est de nouveau le théâtre d'affrontements entre les rebelles du M23 et l'armée régulière, le projet d'une "force neutre" africaine fait polémique à Kinshasa.

Dans un discours face à ses militants, François Muamba, a tout d'abord fustigé "l’agresseur extérieur, ici le Rwanda, et l’imposture intérieure, nommée M23" avant d'appeler les Congolais à "se prendre en charge et à recourir à tous les moyens légitimes et nécessaires pour refuser l’ignominie, sécuriser son Territoire et en défendre la souveraineté ainsi que ses richesses naturelles, tant convoitées qu’exploitées par le biais de cette guerre".

Concernant la fameuse "force neutre" proposée au Sommet de l'Union africaine, François Muamba estime tout d'abord que "par souci d'impartialité, le Rwanda (accusée de soutenir les rebelles du M23, ndlr) ne doit pas en faire partie". L'ancien ministre du Budget propose ensuite de s'appuyer sur les Etats-unis pour sécuriser la frontière, un pays ayant "l'avantage d’être autant ami de la RDC que du Rwanda." François Muamba rappelle enfin que les Etats-unis disposent déjà en Afrique d’un "mécanisme neutre de sécurité, nommé AFRICOM, qui semble être la réponse “neutre“ parfaite, précisément adaptée à la situation d’insécurité qui prévaut dans les deux Provinces du Kivu".

Cette force intervient déjà en Afrique, notamment dans la traque contre la rébellion de la LRA (Lord résistance army) de Joseph Kony, aux frontières de l'Ouganda, de la République centrafricaine et de la République démocratique du Congo. "AFRICOM contre Koni ? Alors pourquoi pas recourir à AFRICOM contre les FDLR ou encore contre le M23 ?" s'interroge François Muamba. Si l'idée est intéressante, notons également qu'une autre "force neutre", nommée Monusco et forte de 18.000 casques bleus, stationne déjà en RDC depuis plus de 10 ans !

Sur le plan politique, si l'ADR se situe dans de camp de l'opposition, le parti de François Muamba tente de tracer une "troisième voie" entre l'UDPS d'Etienne Tshisekedi et l'UNC de Vital Kamehre. Loin du "jusqu'au boutisme" de l'UDPS, qui boycott les travaux de l'Assemblée nationale après les élections contestée de novembre 2011, l'ADR de Muamba prône notamment le "dialogue républicain" avec le président de la République. L'ADR a en effet participé aux travaux du "Groupe Consultatif National Permanent", à l'appel de Joseph Kabila au sujet de la guerre au Nord-Kivu.

La marge de manoeuvre est pourtant limitée dans le camp de l'opposition congolaise pour faire entendre sa voix. Il y a embouteillage du côté des partis d'opposition. Par manque de leadership, l'opposition apparaît toujours très divisée, avec un patron de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, plus isolé que jamais. François Muamba arrivera-t-il à sortir son épingle du jeu ? Difficile dans ce contexte de reprise de la guerre à l'Est et où Joseph Kabila apparaît encore comme le seul capitaine à bord (certes dans la tempête) du navire Congo. Pour l'instant, le président congolais reste encore fort… des faiblesses de l'opposition.

Christophe RIGAUD

RDC : Maudit pétrole !

Dans un monde où les ressources se font rares, le continent africain est plus que jamais sollicité par les compagnies pétrolières. Dans un récent rapport, International Crisis Group (ICG) met en garde la République démocratique du Congo (RDC) contre la prospection pétrolière, qui pourrait "aggraver les conflits" et "réveiller les velléités séparatistes" de certaines régions. Un rapport qui fait débat au Congo.

Capture d’écran 2012-08-19 à 22.22.27.pngLes spécialistes appellent cela « la malédiction des ressources » : plus un pays possède de richesses naturelles, plus il souffre de prédation et moins sa population profite de cette manne financière. Et côté richesses naturelles, la RDC est particulièrement bien lotie : cuivre, cobalt, or, diamant, coltan, cassitérite… Le Congo se situe dans le top 10 des principaux exportateurs mondiaux de ces matières rares. Une secteur d'activité très rénumérateur, mais qui ne bénéficie pas au plus grand  nombre. Le pillage permanent des ressources naturelles maintient la majorité des Congolais en dessous du seuil de pauvreté et interdit tout effort de développement. Le trafic de minerais alimente également les achats d'armes, finance les nombreuses milices qui sévissent à l'Est de la République démocratique du Congo et nourrit un conflit qui s'éternise depuis 17 ans. Ne manquait plus que le pétrole, dont l'exploitation est encore embryonnaire.

Début juillet 2012, International Crisis Group (ICG) a publié un rapport sur le sujet et pose une question pertinente : « l’or noir au Congo, risque d’instabilité ou opportunité de développement ? » Le rapport recense trois grandes zones concernées par des projets de prospection pétrolière : la côte Atlantique où des blocs pétroliers sont contestés par la RDC à l'Angola ; dans la « cuvette centrale et à l'Est du Congo » et dans le parc des Virunga, à cheval sur la frontière ougandaise. Des réserves qui aiguisent les appétits des nombreuses multinationales pétrolières.

Nouvelle donne régionale

« Dans le contexte d’une course à l’or noir en Afrique de l’Est et centrale, le flou autour des frontières, notamment dans la région des Grands Lacs, constitue une menace considérable pour la stabilité », explique Marc-André Lagrange, analyste principal de Crisis Group pour l’Afrique centrale. « Les réserves pétrolières situées aux frontières du Congo avec l’Ouganda et l’Angola sont déjà sources de tensions ». Une zone retient particulièrement l'attention de ces spécialistes de la région : l'Est de la République démocratique du Congo. En effet, depuis maintenant plus de 4 mois, le Nord-Kivu est en proie à une nouvelle rébellion, le M23, qui tient tête à l'armée régulière. Pour ICG, la prospection pétrolière à l’Est « pourrait aggraver le conflit dans les zones à haut risque des Kivus, et réveiller des velléités séparatistes, entretenues par l’échec de la décentralisation et le différend financier entre l’Etat central et les provinces. » Cette nouvelle donne pourrait aussi bouleverser les rapports de forces régionaux en RDC et « remettre en cause la prépondérance politique de la riche province minière du Katanga. »

Mauvaise gouvernance

International Crisis Group note ensuite que « la mauvaise gouvernance caractérise le secteur pétrolier depuis la reprise des prospections. » Le groupe de recherche dénonce le retard pris dans la réforme du secteur pétrolier en RDC, ainsi que le manque d'un cadre légal réellement transparent. « Les précédents gouvernements ont agi comme des spéculateurs », fustige ICG.

Réguler la prospection pétrolière

« Dans un contexte de pauvreté extrême, d’Etat faible, de mauvaise gouvernance et d’insécurité régionale, la ruée vers l’or noir peut avoir un effet déstabilisateur important », craint Thierry Vircoulon, le directeur du projet Afrique centrale de Crisis Group. « Pour éviter ce scénario catastrophe, le gouvernement doit, au niveau régional, favoriser le dialogue avec ses voisins, et au niveau national, réguler la prospection pétrolière pour améliorer la gouvernance et la responsabilité ». Dans ses recommandations, le think tank, préconise la « création d’un cadre de gestion des réserves transfrontalières et au lancement d’un programme de délimitation de ses frontières. »

« Partage des richesses ? »

Il n'en fallait pas moins pour faire bondir le journal Kinois, Le Potentiel. Un article dénonce « une analyse qui favorise la balkanisation » et une  « négation de la souveraineté des Etats. » Dans le contexte bouillant de la reprise de la guerre à l'Est et de l'implication du Rwanda voisin dans le soutien à la rébellion du M23, le sujet des frontières est hautement sensible, vu de Kinshasa. Le journal congolais explique qu'International Crisis Group serait arrivé à la conclusion selon laquelle  « la résolution de la crise dans l’Est passe par la gestion commune des ressources transfrontalières », entendez par là : partager ses richesses avec le Rwanda ! L'idée n'est certes pas nouvelle, d'Herman Cohen à Nicolas Sarkzy en passant par Aldo Ajello, ancien représentant de l'Union européenne, le partage des richesses de l'Est congolais a été maintes fois évoqué. A propos d'International Crisis Group, je pense que Le Potentiel se trompe de cible et cède une fois de plus, un peu trop facilement, à la "théorie du complot" contre la République démocratique du Congo. ICG ne parle pas de partage de richesses, mais de régulation de la prospection pétrolière et de la création d'un « cadre de gestion des réserves transfrontalières », ce qui est bien différent. Dans le contexte de tensions permanentes entre voisins (Rwanda, Ouganda, Burundi, Angola… ), la RDC se doit en effet d'ouvrir le dialogue avec ces pays frontaliers, au risque de créer de nouveaux conflits. Là où Le Potentiel a en partie raison, c'est que la situation de la RDC pour négocier avec ses voisins n'est actuellement pas "optimale". Kinshasa est en effet fortement fragilisée aux yeux de ses voisins, depuis les élections contestées de novembre 2011 et la reprise de la guerre à l'Est en avril 2012. En cas de négociations, le Congo risquerait donc d'y laisser quelques plumes. Il n'empêche qu'il serait dommage de ne pas tenir compte des erreurs du passé au sujet des futures ressources pétrolière, notamment au regard de la gestion calamiteuse des ressources minières.

Christophe RIGAUD

Carte : "blocs" pétroliers dans la cuvette centrale et l'Est de la République démocratique du Congo (à partir de carte ONU et ministère des hydrocarbures - Kinshasa (2010)

01 août 2012

RDC : Le général Munene et le M23

L'interview du général dissident Faustin Munene accordée à Afrikarabia, puis sur RFI, a suscité une vive polémique. Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) avait entretenu une certaine ambiguïté dans les relations entre son mouvement de résistance et la rébellion du M23 qui sévit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Faustin Munene a donc souhaité faire une mise point.

Capture d’écran 2012-08-01 à 11.30.40.pngLe 24 juillet dernier, dans nos colonnes et quelques jours plus tard sur RFI, le général Faustin Munene, en dissidence contre le régime de Kinshasa, s'était exprimé sur les rebelles du M23 en lutte contre l'armée régulière congolaise au Nord-Kivu. Sur Afrikarabia, Faustin Munene déclarait que "(le M23) intègre le camp que nous appelons celui de la résistance" et de conclure, "en ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur". Sur RFI, deux jours plus tard, au micro de Christophe Boisbouvier, l'opposant congolais, réfugié au Congo-Brazzaville, déclarait également : "que la résistance congolaise ne tient pas compte des ethnies, des tribus, des religions... Le M23 est donc un grand mouvement de résistance". Il n'en fallait pas plus pour que de nombreux Congolais réagissent vivement. Beaucoup y ont lu, entre les lignes, un soutien à peine déguisé à la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda voisin.

L'ancien chef d'état-major de l'armée congolaise a souhaité clarifier sa position. Dans un communiqué, le général Munene estime n'avoir "jamais reconnu le M23 comme étant un mouvement de résistance patriotique, ni un allié de l'Armée de résistance populaire (ARP), mais plutôt une dissidence du CNDP incorporée dans le PPRD, le parti de Joseph Kabila pour des objectifs hégémoniques en RDC". Selon Faustin Munene, "le M23 est composé essentiellement d'éléments rwandais avec quelques éléments locaux voués à cette cause, à la solde de Joseph Kabila et Paul Kagame".

Cette mise au point du général Munene permet donc d'éclaircir les relations entre l'ARP et le M23, que tout sépare sur le papier. Pourtant, les propos du patron de l'ARP sur Afrikarabia et RFI, qualifiant le M23 de "grand mouvement de résistance", cachaient mal une certaine satisfaction de voir un mouvement rebelle ébranler le régime de Kinshasa. Car, si l'ARP et le M23 n'ont pas les mêmes objectifs (notamment au sujet des Kivus), ils ont au moins un ennemi commun : le président Congolais, Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD

31 juillet 2012

RDC : Jean-Marie Vianney Kabukanyi relaxé

Le secrétaire général adjoint de l'UDPS a été relâché lundi 30 juillet après deux jours de détention par la police congolaise. Le secrétaire général adjoint de l'UDPS avait été interpellé samedi 28 juillet pour "détention illégale d'armes". Le parti d'opposition avait dénoncé une "arrestation arbitraire" et un "scénario" monté par le pouvoir en place.

Capture d’écran 2012-07-31 à 15.05.30.pngLe secrétaire général adjoint chargé des questions administratives du principal parti d'opposition congolais, l'UDPS a été libéré lundi 30 juillet dans la soirée. Jean-Marie Vianney Kabukanyi avait été arrêté "vers 23h45 à son domicile en compagnie de son jeune frère". La police congolaise l'accusait de détention illégale d'armes et l'avait d'abord emmené dans les bureaux de l'ANR (l'Agence nationale de renseignements) avant de le conduire dans les locaux de la Police d'intervention rapide (PIR).

Le parti d'Etienne Tshisekedi avait dénoncé dimanche "une arrestation arbitraire".  Après la libération ce lundi du cadre de l'UDPS, le chargé de communication, Augustin Kabuya, cité par Radio Okapi a qualifié cette arrestation de "scénario" et de montage" et de préciser : "ils nous ont laissé entendre que le secrétaire général détenait des armes de guerre chez lui et quand les policiers ont vérifié ils se sont rendus compte qu’il n’y avait rien". Selon les autorités congolaises, la suite de l'affaire "appartient à l'ANR".

L'arrestation de ce cadre de l'UDPS intervient dans un contexte un peu particulier à Kinshasa. Jean-Marie Vianney Kabukanyi, chargé des questions administratives à l'UDPS avait conduit la délégation de son parti à l'ambassade de France à Kinshasa pour demander la "délocalisation" du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa en octobre 2012. Une pétition avait été déposée pour la venue en RDC de la ministre française chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui. La ministre avait confirmé la tenue du sommet dans la capitale congolaise sans confirmer la présence du chef d’Etat français, François Hollande. L'opposition, qui conteste la réélection du président Joseph Kabila lors des élections de novembre dernier, demande à François Hollande de ne pas venir "légitimer des élections frauduleuses".

Cette interpellation intervient également 1 mois après la "disparition" d'un autre opposant congolais, Eugène Diomi Ndongala, le président de la Démocratie chrétienne (DC). Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Christophe RIGAUD

29 juillet 2012

RDC : L'UDPS dénonce l'arrestation de son secrétaire général adjoint

Le principal parti d'opposition de République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, accuse la police d'avoir enlevé Jean-Marie Vianney Kabukanyi. Le secrétaire général adjoint du parti d'Etienne Tshisekedi aurait été interpellé samedi 28 juillet 2012 à son domicile et emmené "vers une destination inconnue". Jean-Marie Vianney Kabukanyi avait conduit le 25 juillet la délégation de l'UDPS à l'ambassade de France pour demander la "délocalisation"  du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa à l'automne.

Logo UDPS 2.pngDans un communiqué, l'UDPS, le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi dénonce l'arrestation de son secrétaire général adjoint, Jean-Marie Vianney Kabukanyi samedi 18 juillet par la police congolaise. Le cadre de l'UDPS aurait été arrêté "vers 23h45 à son domicile en compagnie de son jeune frère". Le parti d'opposition affirme que Jean-Marie Vianney Kabukanyi et son frère "ont été emmenés vers une destination inconnue" et dénonce "une arrestation arbitraire".

Jean-Marie Vianney Kabukanyi, chargé des questions administratives à l'UDPS avait conduit la délégation de son parti à l'ambassade de France à Kinshasa pour demander la "délocalisation" du XIVème sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa en octobre 2012. Une pétition avait été déposée pour la venue en RDC de la ministre française chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui. La ministre avait confirmé la tenue du sommet dans la capitale congolaise sans confirmer la présence du chef d’Etat français, François Hollande. L'opposition, qui conteste la réélection du président Joseph Kabila lors des élections de novembre dernier, demande à François Hollande de ne pas venir "légitimer des élections frauduleuses".

Cette interpellation intervient également 1 mois après la "disparition" d'un autre opposant congolais, Eugène Diomi Ndongala, le président de la Démocratie chrétienne (DC). Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Christophe RIGAUD

28 juillet 2012

RDC : Kinshasa prêt à négocier avec le M23 ?

Plusieurs informations indiquent que les autorités congolaises chercheraient à amorcer un processus de négociation avec les rebelles du M23. Pour l'instant Kinshasa dément toujours vouloir négocier avec les rebelles. Décryptage.

Afrikarabia logo.pngAprès plus de 3 mois de violents combats entre la rébellion du M23 et l'armée régulière de République démocratique du Congo (RDC), différents signes annoncent un certain fléchissement des autorités congolaises, jusque là fermées à toutes négociation avec les rebelles.

Premier signe : la dégradation de la situation militaire sur le terrain. Le M23 a repris toutes ses positions qu'il occupait le 9 juillet : Rutshuru, Kalengera, Kiwanja, Rumwangabo et depuis le 28 juillet, les rebelles sont à 1 km de Kibumba. Le M23, qui se trouve désormais à 30 km au Nord de Goma et ne laisse guère planer de doute sur sa volonté de progresser vers la capitale provinciale dans les prochains jours, si Kinshasa ne négocie pas.

Deuxième signe : selon l'AFP à Goma, des responsables du renseignement congolais seraientt dans la capitale du Nord-Kivu aux côtés de Julien Paluku (le gouverneur de la province) pour rencontrer James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Une rencontre qui interviendrait après le tête à tête Kagame-Kabila d'Addis-Abeba au sujet de la création d'une "force neutre" dans la région.

Troisième signe : Sur Twitter, la correspondante allemande du Tageszeitung, Simone Schlindwein, affirme que Kinshasa chercherait un facilitateur pour négocier avec le M23, mais "rien d'officiel" précise-t-elle. Et dernier signe : Jason Stearn du site Congo Siasa annonce une conférence de presse de Joseph Kabila dimanche 29 juillet au matin. Vu la rareté des apparitions publiques du président congolais, il semblerait donc que les événements s'accélèreraient à Kinshasa au sujet du Nord-Kivu. Pour l'instant, rien de tout cela n'est évidemment confirmé et les autorités congolaises affirment toujours ne pas vouloir négocier avec le M23, qualifié de groupe terroriste.

Christophe RIGAUD

24 juillet 2012

RDC : «Kabila est le seul obstacle à la paix » selon le général Munene

Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) fragilise une fois de plus le régime de Kinshasa. Pour Faustin Munene, entré en dissidence contre Joseph Kabila depuis 2010, le président congolais est le principal responsable du regain de violence au Nord-Kivu. Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) confirme également dans cette interview accordée à Afrikarabia, les alliances qui se nouent actuellement sur le terrain entre les différents groupes armés à l'Est du pays.

Munene filtre 3.jpg- Afrikarabia : Faustin Munene, depuis 3 mois le Nord-Kivu est le théâtre de violents affrontements entre la rébellion du M23 et l’armée congolaise, comment analysez-vous la situation ?

- Faustin Munene :  Pourquoi la situation s’est dégradée dans ce secteur ? C’est là qu’a lieu le pillage organisé de nos richesses, c’est là que les populations connaissent le pire de ce qu’a connu l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, tout cela cautionné par le gouvernement congolais. C’est dans cette régions que l’on risque de connaître le pire, c’est à dire la balkanisation de notre pays. Et c’est donc dans cette zone que s’organise une forte résistance contre un gouvernement illégal et illégitime. La seule personne qui est responsable de cette explosion à l’Est s’appelle Joseph Kabila. Plusieurs raisons à cela : sa mauvaise gouvernance et la mise en place d’un régime dictatorial sans justice sociale. C’est un régime où toutes les institutions sont prises en otages. Il engage la République dans des accords secrets (avec le Rwanda, ndlr), il prend ses décisions seul, personne ne sait ce qu’il fait. Le conflit à l’Est ne s’explique pas par les « forces négatives » (FDLR, Maï-Maï et maintenant M23, selon Kinshasa, ndlr). Ce terme est un concept erroné qui n’est pas acceptable juridiquement. Dans ce conflit, nous avons d’un côté, un gouvernement illégitime, avec l’armée congolaise, la police nationale, les services de renseignement et des mercenaires engagés à partir des pays des Grands lacs, et de l’autre côté vous avez le peuple qui n’a d’autre moyen que l’auto-défense et la résistance. Lorsque l’on dit « forces négatives », il s’agit donc d’une mascarade pour en faire ce que l’on veut.

- Afrikarabia : Que pensez-vous du projet d’envoi d’une « force internationale neutre » dans la région pour stabiliser la frontière entre la RDC et le Rwanda ? C’est une solution selon vous ?

- Faustin Munene : C’est une violation très grave du droit. Cette décision a été prise seule, en ignorant le peuple d’abord et la Constitution ensuite. Kinshasa est seulement en quête de légitimité internationale (après les élections contestées de novembre 2011, ndlr) et l’Union africaine a été prise en otage. Sur le plan technique, nous avons déjà une force internationale qui s’appelle la Monusco (mission des Nations unies en RDC, ndlr) forte de 18.000 hommes. Pour moi, la « force neutre » est simplement destinée à mettre notre pays sous tutelle.  Je voudrais adresser un message à l'Union africain : il faut une solution plus durable et un cadre juridique. Il faudrait aussi y inclure la résistance, nous avons des propositions à faire.

- Afrikarabia : Est-ce que votre mouvement, l’Armée de résistance populaire (ARP), est déjà engagée sur le terrain et mène des actions ?

- Faustin Munene : A l’Est, la population s’est dressée comme un seul homme contre le régime. L’auto-défense est un des principes de la résistance. L’auto-défense est d’ailleurs autorisée par l’article 63 et 64 de la Constitution. Dans notre cas, il s’agit de légitime défense. Nous nous battons contre ce génocide qui a eu lieu à cause de notre hospitalité pour avoir reçu des réfugiés rwandais (après le génocide de 1994, ndlr). Nous payons le prix fort. Et maintenant les Congolais ne veulent plus de Kabila. Joseph Kabila est le seul obstacle à la paix. La résistance est présente sur le terrain, dans toutes ces formes. Il ne faut pas oublier que le M23, c’est l’ancien CNDP, qui compose une partie des FARDC (l’armée régulière congolaise, ndlr). Le CNDP s’est rallié au PPRD, (le parti majoritaire de Joseph Kabila, ndlr). Nkunda, Ntaganda et les autres… ont été promus aux grades d'officiers supérieurs par le président Kabila lui-même. Le CNDP constitue donc pour moi une composante du gouvernement. Les gens du M23 ont compris cela et ont tourné casaque. Ils intègrent donc le camp que nous appelons celui de la résistance. En ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur.

- Afrikarabia : Est-ce que cela veut dire que l’ARP est présente sur le terrain à l’Est, à Walikale par exemple et dans d’autres endroits ?

- Faustin Munene : Oui, nous  sommes présents depuis longtemps, avant même le M23, juste après ce que l’on appelle le « hold-up électoral » de Joseph Kabila. Nous avons alors pris la décision ferme de défendre notre territoire. Dès le mois de janvier 2012, nous nous sommes positionnés auprès de nos populations pour l’auto-défense. Nous sommes présents dans 4 provinces : Province orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Nord-Katanga.

- Afrikarabia : Qui sont les alliés de l'ARP sur le terrain ?

- Faustin Munene : La résistance comme principe de légitime défense engage l'ensemble des résistants, de l'intérieur et de l'extérieur. Il n'y a pas d'alliance, tout le monde qui prend position contre ce régime fait partie de cette résistance. Tous les moyens sont bons pour que Kabila parte. Nous ne faisons aucune discrimination.

- Afrikarabia : Cela veut dire que vous pouvez vous allier au Nord-Kivu au groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki par exemple ?

- Faustin Munene : Tout ceux que vous citez font partis de ce que nous appelons les forces de résistances. Je le répète, le terme de « forces négatives » est très méprisant et cache la vérité des choses. L'ARP, sur le terrain, est représentée par tous ces groupes d'auto-défense. Le terme Maï-Maï est très mal utilisé. Pour moi, les Maï-Maï sont tout simplement des résistants qui refusent la terreur, les pillages et tout ce que l'on connaît de mal. Maï-Maï, c'est un état d'esprit, nous n'avons pas de tribu qui s'appelle Maï-Maï.

- Afrikarabia : Quels sont les alliés politiques de l'ARP ?

- Faustin Munene : Nous faisons partis de la grande famille de l'opposition. Nos alliés sont tout ceux combattent le régime de Joseph Kabila. Tous les partis politiques d'opposition sont nos alliés naturels.

- Afrikarabia : Pouvez-vous nous dire où vous êtes actuellement et dans quelles conditions vous vivez ?

- Faustin Munene : J'ai échappé à maintes reprises à des tentatives d'assassinat. J'ai donc traversé chez nos voisins (au Congo-Brazzaville, ndlr). On m'a condamné par contumace en RDC, on a même arrêté des gens qui ont travaillé avec moi il y a plus de 10 ans. Beaucoup de mes collaborateurs ont perdu la vie. Je devais être liquidé avant le chef de l'Etat (Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001). J'ai donc trouvé protection auprès du gouvernement du Congo-Brazzaville.
Mais vous savez, j'ai participé au coeur du pouvoir, pendant la guerre contre régime de Mobutu, j'étais aux côtés du président assassiné, Laurent-Désiré Kabila et je connais tellement bien Joseph Kabila... peut-être mieux que tout le monde. Le président Sassou (président du Congo-Brazzaville, ndlr), en  grand sage, n'a pas accepté la demande d'extradition de la RDC.

- Afrikarabia : Cela veut dire que vous êtes libre de vos mouvements au Congo-Brazzaville ?

- Faustin Munene : Ici je suis protégé car l'ennemi est partout. L'ennemi me cherche à la loupe. Tous les services de Joseph Kabila cherchent à m'assassiner, je suis donc protégé ici.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Faustin Munene © DR

23 juillet 2012

RDC : "Force neutre", la fausse bonne idée

Il y a une semaine, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) ont signé un accord de principe pour mettre en place une force internationale "neutre" le long de leur frontière pour combattre les attaques rebelles du M23 et des FDLR. L'arrivée d'une nouvelle armée dans la région risquerait de figer le conflit, là où les Nations unies ont déjà échoué depuis 10 ans avec la Monusco… une initiative, qui a tout de la "fausse bonne idée".

IMG_3552.jpgLa Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL) veut mettre sur pied une force internationale le long de la frontière entre le Rwanda et la RDC pour lutter contre les rebelles du M23 et des FDLR. Depuis le mois de mai, la République démocratique du Congo (RDC) est en effet confrontée à une nouvelle rébellion, le M23, dans l'Est du pays où sévissent déjà de nombreux autres groupes armés, comme les FDLR. Le Rwanda est accusé par un rapport de l'ONU de soutenir et de financer la rébellion, ce que dément formellement Kigali.

L'idée d'une "force neutre" afin de contrôler la frontière entre le Congo et le Rwanda, est née à Addis-Abeba, en marge d'un sommet de l'Union africaine (UA), il y a maintenant une semaine. Les contours de cette force militaire sont encore mal définis. Quel Pays ? pour quelle mission et quel commandement ? Des réponses plus précises seront peut-être apportées le 8 août prochain lors d'une prochaine rencontre. Pour être synthétique, il n' y a qu'un seul point positif à cette initiative :  forcer un semblant de "dialogue" entre Kinshasa et Kigali dans un cadre multilatérale… et africain. La tension est en effet montée d'un cran entre les deux voisins depuis les révélations du rapport de l'ONU sur l'implication du Rwanda dans l'aide aux rebelles duM 23. Une rencontre au sommet entre présidents et ministres concernés est donc plutôt la bienvenue dans ce contexte. Mais les avantages s'arrêtent là.

Pour le reste, il n'y a que des inconvénients. Tout d'abord, la "force neutre" affaiblirait considérablement la mission de l'ONU sur le terrain (la Monusco compte déjà 17.000 casques bleus). Depuis plus de 10 ans, la Monusco fait déjà office de force internationale "neutre" en RDC… sans succès. Pourquoi en rajouter une, là où la plus importante mission de l'ONU au monde a déjà échoué ? Pourquoi créer une Monusco bis ?

Ensuite, la "force neutre" apparaîtrait comme une armée de plus dans un conflit déjà "sur-militarisé", alors que sur place, l'armée congolaise et la Monusco peinent à stabiliser la zone. De nouveaux militaires dans la région risqueraient au contraire de maintenir l'Etat de guerre quasi permanent qui règne à l'Est de la RDC depuis plus de 15 ans. C'est d'ailleurs ce que cherchent peut-être les deux principaux intéressés, la RDC et le Rwanda. En conservant la zone sous tension militaire, le Rwanda peut continuer à contrôler les richesses minières des Kivus et faire la pluie et le beau temps sur la région. Quant à Kinshasa, la guerre à l'Est, lui permet de brandir l'étendard de la "patrie en danger" et de "l'unité nationale" afin de légitimer son pouvoir, écorné par les fraudes des dernières élections.

En guise de conclusion, c'est un sondage du site internet de Radio Okapi qui résume le mieux ce qu'il faut penser de l'envoi d'une "force internationale neutre" à la frontière entre le Rwanda et la RDC. Pour 51% des internautes, cette force internationale "ne pourra être efficace que si les Etats s’engagent sincèrement à ne pas soutenir les groupes armés" et 43% répond de manière plus pragmatique, "qu'elle ne verra jamais le jour" ! Pendant ce temps, les rebelles du M23 maintiennent la pression militaire autour des villes de Rutshuru et Goma et occupent toujours la ville frontière de Bunagana… sous le regard impuissant des casques bleus.

Christophe RIGAUD

Photo : Casque bleu à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

20 juillet 2012

RDC : Risque de nettoyage ethnique à Walikale ?

En marge des combats qui opposent les rebelles du M23 et l'armée régulière à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), des groupes d'auto-défense congolais se livrent à une "chasse aux rwandophones" à Walikale. Cette situation inquiétante, pourrait servir de prétexte à une intervention de l'armée rwandaise en territoire congolais.

carte RDC Afrikarabia Walikale.jpgLa situation sécuritaire se complexifie au Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Un premier front est apparu il y a trois mois, entre la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, et l'armée congolaise (FARDC) à Bunagana et sur l'axe entre les villes de Rutshuru et Goma. Les rebelles contrôlent plusieurs localités et menacent désormais Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Au coeur du conflit : la place et la sécurité de la communauté rwandophone dans les Kivus. Le M23 se veut le porte-étendard de la communauté tutsie de la région, en proie aux attaques des FDLR, un groupe armé composé de hutus rwandais.

Depuis quelques jours, un nouveau front occupe l'armée congolaise, 150 km plus à l'Ouest, dans la ville de Walikale. Mardi 17 juillet, un groupe d'auto-défense Maï-Maï, baptisé Raia Mutomboki a pris le contrôle de la ville. Venus du Sud-Kivu, ce mouvement fait actuellement route vers le Nord, pour se battre contre le M23 dans son fief de Bunagana. Dans cette "logique", les Raia Mutomboki se sont livrés à une véritable "chasse aux rwandaphones", tutsis et hutus confondus, dans les rues de Walikale. La BBC et Radio Okapi, qui ont pu joindre des témoins sur place, racontent des scènes de paniques et confirment les exactions des miliciens Maï-Maï. La BBC, explique que l'ONG Médecins Sans Frontières n'est plus capable de venir en aide à la population et envisage de quitter Walikale si la situation se dégradait. Selon Radio Okapi, 48 "hutus rwandais", victimes de Raia Mutomboki, ont été évacués par les casques bleus de la Monusco, vers la ville de Goma dès mercredi. Les témoins décrivent "avoir vu de leurs yeux les miliciens égorger des gens".

L'entrée de ce groupe Maï-Maï dans le conflit inquiète les observateurs internationaux. "La chasse aux rwandophones" dans la région risque de donner le signal de départ à un "nettoyage ethnique" en règle de tout se qui ressemble de près ou de loin à un "rwandais", sachant que depuis des dizaines d'années, les Kivus ont toujours été une zone d'échanges intenses entre le Rwanda et le Congo. Certains spécialistes de la région craignent que ces massacres donnent également "une vraie excuse au Rwandais pour entrer en RDC" et venir défendre les rwandaphones des Kivus.

Christophe RIGAUD