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29 février 2012

Procès Lubanga : "Un moment décisif pour la justice internationale" selon HRW

Le 14 mars prochain, la Cour pénale internationale (CPI) doit rendre son premier verdict dans l’affaire du chef rebelle congolais Thomas Lubanga. Une décision très attendue par de nombreuses ONG, à l'image d'Human Rights Watch (HWR) qui considère ce verdict comme "un moment crucial pour la justice internationale". Un procès qui a permis d'attirer "une attention considérable sur le problème des enfants soldats".

Capture d’écran 2012-02-29 à 21.09.57.pngA moins de deux semaines du verdict de la CPI sur l'affaire Thomas Lubanga, Human Rights Watch (HWR) estime dans un communiqué, que "les leaders de pays et de groupes rebelles devraient prendre bonne note que les crimes commis aujourd’hui peuvent les amener demain sur le banc des accusés", note Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice de plaidoyer pour la justice internationale.

HRW rappelle le parcours de Thomas Lubanga, "un dirigeant de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), un groupe armé rebelle disant agir au nom de la population appartenant à l’ethnie Hema en Ituri, en République démocratique du Congo (RDC)". Cette rébellion a été impliquée dans de nombreuses atteintes aux droits de l'homme, "notamment des massacres perpétrés contre d’autres groupes ethniques, des exécutions sommaires, des actes de torture, des viols, l’utilisation d’enfants soldats et des pillages". Thomas Lubanga a été mis en accusation devant la CPI pour "les crimes de guerre de recrutement, enrôlement et utilisation active d’enfants âgés de moins de 15 ans dans des hostilités en 2002 et 2003". Transféré en mars 2006 à la CPI, le procès de Lubanga a commencé en janvier 2009.

HWR pointe ensuite "les leçons à tirer" par la CPI du procès Lubanga et notamment à propos du "statut du coaccusé de Lubanga dans cette affaire, Bosco Ntaganda". Cet autre rebelle congolais est recherché par la Cour, mais toujours protégé par Kinshasa où il exerce de prestigieuses fonctions dans l'armée congolaise.

Pour Human Rights Watch, "le procès Lubanga a ouvert de nouveaux horizons en tant que premier procès à la CPI et a attiré une attention considérable sur le problème des enfants soldats, non seulement en RDC mais aussi de par le monde", remarque Géraldine Mattioli-Zeltner. "Il est crucial pour la Cour de tirer les leçons du procès afin d’améliorer la façon dont elle rend la justice. Les victimes d’atrocités ne méritent rien de moins".

Christophe RIGAUD

Le site de Human Rights Watch propose un dossier complet sur l'affaire Lubanga accessible ici.

RDC : Thomas Lubanga fixé sur son sort le 14 mars

La Cour pénale internationale de La Haye (CPI) rendra son verdict sur l'affaire Thomas Lubanga le 14 mars 2012 dans la matinée. Thomas Lubanga est accusé de crimes de guerre et d'enrôlement d'enfants soldats en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

Image 2.pngDébuté en 2009, 3 ans après son arrestation, le procès de Thomas Lubanga doit prendre fin le 14 mars prochain, après 204 jours d'audience. Thomas Lubanga est accusé "d’avoir commis, en tant que coauteur, des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (les FPLC) et à les faire participer activement à des hostilités en Ituri, un district de la province Orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003". Il avait été remis et transféré à la Cour le 17 mars 2006.

La CPI note que "conformément au Statut de Rome, pour condamner l'accusé, la Chambre doit être convaincue de sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. En cas de verdict de culpabilité, la Chambre fixera, par la suite, la peine à appliquer."

Jusqu’à présent, 14 affaires sont en cours devant la CPI, dont quatre en phase de procès. Sept enquêtes ont été ouvertes dans le contexte des situations en Uganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Darfour (Soudan), Kenya, Libye et en Côte d’Ivoire. Le procès d'un autre congolais, Jean-pierre Bemba doit reprendre prochainement.

Christophe RIGAUD

RDC : Inquiétudes autour du boycott de l'Assemblée par l'UDPS

Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, principal parti d'opposition, prône toujours le boycott de l'Assemblée nationale par ses députés. L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) se déclare "très préoccupée" par une telle attitude et demande à l'opposition de "prendre part aux travaux de l'Assemblée nationale". Si la direction de 'UDPS paraît inflexible sur la stratégie du boycott, la société civile est plus partagée.

AN RDC.jpgBoycotter l'Assemblée ou pas ? Tel est le dilemme de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. Deux thèses s'affrontent au sein de l'exécutif du parti : ne pas siéger dans une Assemblée dont on conteste l'élection ou au contraire, siéger pour faire entendre sa voix. Pour le conseiller politique d'Etienne Tshisekedi, Valentin Mubake, le choix est pourtant clair : "il est inconcevable qu’un membre du parti accepte de siéger dans une institution issue des législatives dont les résultats ont été déclarés nuls par sa propre formation politique". Valentin Mubake va même plus loin en promettant l'exclusion du parti aux contrevenants. Ce qui sera fait pour Timothée Kombo, doyen de l'Assemblée et "élu", à ce titre, président du bureau provisoire... les autres députés de l'UDPS sont maintenant prévenus.

"Le boycott n'a jamais payé"

Mais au sein du parti de Tshisekedi, des voix s'élèvent pour dénoncer un boycott "inutile" qui priverait l'opposition d'une tribune publique à l'Assemblée, comme le pense José Nzau Vola, qui prône le "dialogue interne". Certains observateurs proche de l'opposition prédisent même la "mort" à moyen terme de l'UDPS ou, au moins, sont implosion. Il est vrai qu'à chaque fois que l'UDPS a décidé de boycotter sa participation aux institutions ou aux élections (dans les années 1990 puis en 2006), le parti s'est morcelé et s'est considérablement affaibli. Des dissidences sont nées et l'UDPS a ensuite raté tous ses grands rendez-vous électoraux. Certains membres du parti affirment avoir "tirés" les leçons du passé et souhaitent bien participer aux débats de l'Assemblée nationale... "au moins pour être entendus". Et de conclure : "de toute façon, le boycott n'a jamais payé".

Aujourd'hui, l’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) apporte sa contribution au débat  en se disant "très préoccupée  par la non participation de certains partis politiques de l’opposition aux institutions politiques qui sont entrain d’être mises en place". Car, si l’ASADHO reconnait "que les élections de novembre 2011 n’ont  été ni apaisées, ni transparentes ni démocratiques" et qu'elles ont été organisées "dans un climat généralisé de fraude, de corruption et de méfiance totale,", l'ONG pense que "la construction progressive de la démocratie appelle tous les partis politiques de l’opposition qui ont des députés nationaux  à prendre part active aux institutions politiques, particulièrement aux  travaux de l’Assemblée Nationale".

"Avoir le contrôle sur les institutions"

Pour cette association, la tribune de l'Assemblée nationale "reste un excellent endroit où les partis politiques de l’opposition peuvent  soumettre aux débats  publics  toutes les questions qui concernent la marche de la nation et la situation des droits de l’Homme". L'ONG se justifie en expliquant qu'en dehors de cette "tribune" institutionnelle : "les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile ont des difficultés pour organiser des manifestations pacifiques, les médias publics sont confisqués par la majorité politique au pouvoir, les médias proches de l’opposition sont illégalement suspendus ou privés du signal, les membres de l’opposition sont souvent arrêtés et détenus arbitrairement..."

Pour l'ASADHO, "la participation de tous les députés nationaux de l’opposition à l’Assemblée Nationale leur permettra également de prendre part au contrôle des autres institutions telles que le Gouvernement  national et la Commission Electorale Nationale Indépendante"...  une série d'arguments que l'ONG congolaise souhaite vivement voir prendre en compte par la direction de l'UDPS. Aux dernières nouvelles, les partisans du boycott auraient mis "un peu d'eau dans leur vin", notamment au sujet de l'exclusion de Timothée Kombo, dont le dossier pourrait être "réétudié"... peut-être un premier pas.

Christophe RIGAUD

27 février 2012

RDC : Législatives sans "crédibilité" pour le Centre Carter

Sans surprise, le Centre Carter a renouvelé ses critiques envers le processus électoral de novembre dernier en République démocratique du Congo (RDC). Comme pour la présidentielle, l'ONG américaine estime que les résultats des élections législatives "manquent de crédibilité" et "sèment le doute" pour "la majorité" les Congolais. Le Centre Carter demande un réexamen approfondi des résultats, ce que n'a pas encore fait la Commission électorale congolaise(CENI).

Capture d’écran 2012-02-26 à 18.48.45.pngDans un rapport publié la semaine dernière, le Centre Carter, présent avant , pendant et après le scrutin de novembre 2011, égrène une longue liste d'irrégularités, de dysfonctionnements, d'anomalies et de lourds soupçons de fraudes, lors des élections présidentielle et législatives en RDC. Une liste impressionnante qui conduit le Centre Carter à estimer que les résultats publiés par la Commission électorale (CENI) "manquent de crédibilité".

L'ONG américaine, spécialiste des situations "post-conflit" et hors de tout soupçon de partialité, dénonce "la perte de plus de 3.500 plis, lors des opérations de compilation des résultats". Le Centre Carter explique que "la CENI a suspendu la compilation des législatives le 21 décembre" afin de "résoudre les problèmes, mais a commencé à publier des résultats partiels dans plusieurs circonscriptions le 28 décembre". L'ONG observe que "la demande d`annulation des résultats de 7 circonscriptions est la preuve de graves problèmes (non divulgués) au cours des opérations de vote et /ou de compilation".

Le rapport du Centre Carter regrette ensuite l'absence des résultats "par bureaux de vote" et s'étonne des résultats "peu crédibles" de quatre circonscriptions du Katanga, qui ont voté massivement pour le président sortant Joseph Kabila. Dans ces circonscriptions, la CENI a enregistré des résultats "entre 99 et 100% pour le président Kabila".

Les observateurs électoraux du Centre Carter estiment également qu'environ 3,2 millions de votants (sur les 18 millions inscrits), "ont été enregistrés sur des listes de dérogation (des électeurs votant dans un bureau de vote autre que celui où ils sont inscrits)". Un nombre "important" qui "reflète les nombreux problèmes de la gestion de la CENI du fichier électoral". Pour le Centre Carter, "le vote par dérogation permet d`accroître l`accès des électeurs aux urnes", mais "ouvre également la voie à de multiples abus dont le vote des électeurs non enregistrés sur le fichier électoral ou encore le vote multiple".

A Walikale, au Nord-Kivu, le Centre Carter révèle "d'autres anomalies" en comparant l'élection présidentielle et les législatives, qui avaient lieu le même jour.
Dans cette circonscription, "28.810 électeurs de plus pour l'élection présidentielle ont été enregistrés par rapport aux élections législatives tandis 4,926 voix supplémentaires ont été enregistrés à Malemba Nkula au Katanga. L'écart dans le taux de bulletins nuls est également intéressant de noter, dans le cas de Tshangu circonscription de Kinshasa, où le taux à atteint presque 10 pour cent dans le scrutin législatif, alors que le scrutin présidentiel a enregistré 3,6 pour cent de bulletins nuls".

Les résultats des élections (présidentielle et législatives) ont été fortement contestées par l'opposition. Etienne Tshisekedi, candidat de l'UDPS à la présidentielle et arrivé second derrière Joseph Kabila, s'est autoproclamé "président élu" et a annoncé le boycott de l'Assemblée nationale par les députés de son parti. Plus de 500 recours sont actuellement examinés devant la Cour Suprême de Justice (CSJ) de Kinshasa qui doit se prononcer en avril. Mais l'opposition accuse la Cour d'être partiale (plus de la moitié des juges a été changée à la dernière minute par le président Kabila). Le Centre Carter remarque que la CSJ n'a toujours pas publié l'arrêt confirmant la victoire de Joseph Kabila. Concernant les législatives, le Centre Carter "recommande un examen approfondi et une évaluation de l'ensemble du processus électoral (par la Commission électorale) et notamment des examens transparents des résultats par bureau de vote". "Un tel examen est essentiel pour préparer les élections futures", estime l'ONG américaine. La CENI n'a toujours pas accédé à cette demande, mais promet de le faire avant les prochaines élections : provinciales le 25 mars et sénatoriales le 4 juillet. Pour de nombreux spécialiste électoraux, toute vérification des désormais impossible : de nombreux bulletins de vote ont disparu et les procès-verbaux des bureaux de vote sont souvent incomplets. Un groupe d'experts américains avait déjà tenté le mois dernier de "crédibiliser" le scrutin en apportant une "aide technique" à la CENI… sans succès.

Christophe RIGAUD

Le rapport complet du Centre Carter est consultable en cliquant ici.

23 février 2012

Rwanda-Génocide : L’ancien ambassadeur Ndagijimana perd son procès en France

L’historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier relaxés des accusations de diffamation et injure publique par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France.

Afrikarabia logo.pngL'historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier, poursuivis pour diffamation et injures par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France Jean-Marie Vianney Ndagijimana pour des propos sur le génocide de 1994 dans ce pays, ont obtenu la relaxe devant le tribunal correctionnel de Rouen (France).

« C'est un vrai soulagement pour nous », a déclaré à l'issue du jugement M. Dupaquier qui a rendu hommage à « la qualité des débats » conduits par la présidente du tribunal, Mme Claire Fouquet-Lapar « qui nous a donné l’occasion de nous exprimer longuement ».

Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avaient été mis en examen à la suite d'une lettre adressée au pasteur adventiste Jean-Guy Presles, président du Collectif organisateur de conférences qui se sont tenues en 2009 à Rouen sur "le dialogue et la réconciliation entre Rwandais" où le mot « génocide » était significativement absent de l’intitulé des quatre conférences.

Dans ce courrier, ils estimaient qu'il avait été "trompé" et que les orateurs, dont l'ancien ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana, défendaient tous la même thèse, celle du "double génocide" dont auraient été victimes simultanément les Hutus et les Tutsis. Ils soutenaient que les orateurs avaient rejoint ainsi "les réseaux européens des négationnistes du génocide des Tutsis".

Le tribunal les a relaxés, estimant que ce courrier n'avait aucun caractère public.

Lors du procès, la représentante du ministère public, Isabelle Poidevin, avait demandé la relaxe pour la quasi-totalité  des expressions incriminées et une peine "purement symbolique" pour une expression qui pouvait apparaître comme « maladroite ». Elle avait souligné que les propos des accusés « relevaient du débat d'idées », en soulignant qu'il fallait retenir « la bonne foi » et en rappelant aussi la jurisprudence en la matière dans un affaire similaire jugée en 2006 à Paris. 

Ambassadeur du Rwanda en France entre 1990 et 1994, Jean-Marie Vianney Ndagijimana avait été démis de ses fonctions par le gouvernement en place au moment du génocide, le 27 avril 1994. Il avait quelques jours plus tard dénoncé les massacres dans son pays. Il fut durant quelques semaines ministre des affaires étrangères du gouvernement d'union nationale institué après la victoire du Front populaire rwandais (FPR) avant de fuir en France où il a obtenu la nationalité française.
Lors de l'audience, l'ancien diplomate avait rejeté avec force l'accusation de négationnisme. « Je refuse cette équation diffamatoire », avait-il dit en affirmant qu'il appartenait aux deux communautés, étant tutsi par sa mère et hutu par son père.

Prolongeant les explications de plusieurs témoins de la Défense, Me Gilles Paruelle, avocat de Jean-François Dupaquier, a fait observer que la thèse du "double génocide" était clairement  "négationniste", tout en rappelant que le courrier en question n'avait pas vocation à être rendu public. De son côté, Me Macha Sinègre-David, avocate de Jean-Pierre Chrétien, a souligné non seulement la bonne foi, mais aussi la compétence reconnue de son client concernant l’Afrique des Grands lacs.

Selon Jean-Pierre Chrétien, « ces deux années entre le dépôt de la plainte de Ndagijimana et le procès ont été éprouvantes, car nous étions décidés à répondre sur le fond et à démontrer la logique négationniste qui sous-tendait le renvoi dos à dos de deux camps « ethniques » dans la responsabilité du génocide de 1994, ce qui a demandé une documentation très précise. »

L’historien explique que Jean-Marie Vianney Ndagijimana espérait obtenir du tribunal de Rouen une décision qui accréditerait sa thèse du « double génocide ». « Avec sagesse, le tribunal ne s’est pas engagé dans cette réécriture de l’Histoire, mais a fait respecter la liberté d’expression et de recherche dans notre pays. M. Ndagijimana a échoué sur toute la ligne. Nous n'allons pas le regretter, et cela d’autant moins que nous sommes, quant à nous, soucieux de voir effectivement les Rwandais se réconcilier et que cela ne sera possible que sur la base d’une reconnaissance claire de la réalité du génocide des Tutsi et de la responsabilité de la politique raciste qui y a conduit. »

Le jugement est accessible en téléchargement ici.

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21 février 2012

RDC : 3 diplomates congolais reconnaissent la "fraude électorale"

Signe du climat pesant qui règne dans la diplomatie congolaise : trois employés de haut rang de l'ambassade de République démocratique du Congo (RDC) à Londres ont dénoncé ouvertement "le climat de terreur" qui règne au sein du gouvernement congolais et les "bourrages d'urnes" lors des dernières élections de novembre dernier. Craignant pour leur sécurité, ils ont dû démissionner de leurs postes et demander l'asile politique à la Grande-Bretagne.

Image 2.pngC'est le site internet du Guardian qui révèle l'information. Trois diplomates (premier secrétaire de l'ambassadeur, deuxième secrétaire et secrétaire) de l'ambassade de RDC à Londres ont démissionné de leurs postes et demandé l'asile politique.

Dans une déclaration, citée par le Guardian, les diplomates congolais dénonce le "climat de terreur" que fait régner le gouvernement congolais. Ils accusent ce même gouvernement "d'enlèvements, d'arrestations et des assassinats".Les trois diplomates ont également affirmé dans leur déclaration qu'il y avait eu "fraude électorale importante et le bourrages des urnes" lors des dernières élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Les trois employés de l'ambassade ont démissionné au début de ce mois de leurs fonctions : "nous avons été accusés par le gouvernement congolais d'avoir pris part à la manifestation de Londres contre le gouvernement en décembre dernier, ce qui n'est pas vrai", affirment-ils. Les diplomates craignant pour leur sécurité ont demandé l'asile à la Grande-Bretagne.

Ces déclarations interviennent dans un climat politique particulièrement tendu à Kinshasa après la réélection contestée de Joseph Kabila. L'opposition affirme que le vote avait été truqué. Les missions d'observations électorales du Centre Carter et de l'Union européenne avaient déclaré que les résultats «manquaient de crédibilité»et Human Rights Watch avait signalé "qu'au moins 24 personnes avaient été tuées par la police" après le vote contesté.

Christophe RIGAUD

20 février 2012

RDC : Le rapport de l'UDPS sur les élections de novembre

Image 2.pngDeux mois après des élections présidentielle et législatives contestées en République démocratique du Congo (RDC), l'UDPS, le principal parti d'opposition a relevé dans un rapport toutes les irrégularités, les dysfonctionnements et les anomalies du scrutin. Si le rapport Shabani rejoint la majorité des observations faites par les différentes missions internationales présentes avant, pendant et après le vote, il apporte également des éléments troublants sur une fraude qu'il qualifie "d'organisée et planifiée". Afrikarabia vous présente l'intégralité des 55 pages du rapport de Jacquemain Shabani, le secrétaire général de l'UDPS. A consulter en cliquant ici.

Christophe RIGAUD

17 février 2012

RDC : L'opposition rate son rendez-vous avec la rue

La marche des chrétiens organisée en République démocratique du Congo (RCD) par l'Eglise catholique et soutenue par l'opposition n'a pas réussi à mobiliser la population. L'opposition misait beaucoup sur cette marche pour contester la réélection de Joseph Kabila, mais les manifestants ont été dispersés par un impressionnant dispositif policier. L'échec de cette manifestation renforce la légitimité du pouvoir en place. Signe des temps : les Etats-unis, très critiques sur le mauvais déroulement du processus électoral, viennent de reconnaître la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle.

logo afkrb.pngRendez-vous manqué entre l'opposition et les Congolais. L'opposition espérait créer une vague de contestation populaire dans les rues de Kinshasa pour dénoncer "le hold-up électoral" que constitue à leurs yeux la réélection de Joseph Kabila. Le16 février est une date de commémoration importante pour les catholiques congolais puisqu'ils rendent chaque année hommage "aux martyrs de la démocratie congolaise, tombés sous les balles des soldats de Mobutu". Cette année la coloration de cette manifestation était clairement "anti-Kabila" et dénonçait le manque de transparence des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Kinshasa avait interdit la manifestation, mais la marche a tout de même eu lieu dans différents points de la capitale. Très rapidement, la police, mais aussi les militants pro-Kabila sont intervenus à coup de gaz lacrymogènes et de machettes, selon les agences de presse présentes sur place. Les heurts ont été particulièrement violents et les ONG locales ont dénombrées 6 arrestations (4 prêtres et 2 religieuses).

Malgré ces affrontements sporadiques, Kinshasa est restée globalement calme ce jeudi. La foule attendue par l'opposition n'est pas venue et a été vite dissuadée par l'important dispositif policier déployé dans la capitale congolaise. L'opposition n'a donc pas réussi son pari "de faire parler la rue" le 16 février comme elle l'espérait.

Un échec qui s'explique par les hésitations de l'opposition sur la stratégie à suivre face à des élections qu'elle conteste. L'opposition est toujours divisée et le leadership naturel qu'Etienne Tshisekedi a su créer lors de la présidentielle s'essouffle un peu, faute de positions claires du "Sphinx de Limete" (qui se tait plus qu'il ne parle). L'UDPS hésite en effet sur la marche à suivre pour "déligitimer" le président Kabila. Tshisekedi prône la politique de la chaise vide à l'Assemblée nationale (boycott des députés UDPS) alors qu'une majeur partie des nouveaux élus à la chambre souhaitent y siéger. Les députés UDPS pensent qu'ils seront "plus utiles et audibles" à l'intérieur de l'Assemblée qu'à l'extérieur. Quant aux autres "ténors" de l'opposition (Kengo, Kamerhe), ils ont complètement disparus de la circulation. La population se demande à juste titre quelle opposition elle soutiendrait, si elle descendait dans la rue : Tshisekedi ? l'armée ? le général Munene ? On l'absence de réponse... elle semble s'abstenir.

L'opposition a donc raté une bonne occasion de se compter dans les rues ce 16 février. Une occasion manquée, qui pourra peut-être se représenter.. mais pas de sitôt. Pendant ce temps le pouvoir en place se normalise. Les Etats-unis, pourtant très critiques sur le manque de crédibilité du scrutin, viennent par la voix de leur ambassadeur à Kinshasa, de reconnaître "la victoire du président Joseph Kabila" à l'élection présidentielle "pour les cinq années à venir". Une reconnaissance qui pèsera lourd dans le camp occidental.

Christophe RIGAUD

16 février 2012

RDC : Un nouveau responsable de l'UDPS arrêté à Kinshasa

Une semaine après la brève interpellation du numéro 2 de l'UDPS, Jacquemain Shabani, c'est au tour du secrétaire général adjoint du parti d'Etienne Tshisekedi, Raymond Kahungu d'être arrêté ce mercredi à Kinshasa.

Capture d’écran 2012-02-15 à 21.23.40.pngLa répression s'accroît sur l'opposition congolaise depuis la réélection contestée de Joseph Kabila. Après Jacquemain Shabani, brièvement interpellé et empêché depuis, de quitter la République démocratique du Congo, l'UDPS dénonce aujourd'hui l'arrestation du secrétaire général adjoint du parti d'opposition, Raymond Kahungu. Ce responsable a été interpellé dans l'après-midi à l'une des nombreuses barrières dressées devant la résidence d'Etienne Tshisekedi dans le quartier de Limete à Kinshasa. Selon l'UDPS, Raymond Kahungu a été emmené par la police congolaise vers "une destination inconnue". Contacté mercredi soir par Afrikarabia, Raphaël Kapambu, chargé de la communication de l'UDPS affirme ne pas avoir de nouvelle de Raymond Kahungu depuis la fin de la journée.

Cette arrestation intervient dans un contexte particulièrement tendu entre majorité et opposition en République démocratique du Congo (RDC). Jeudi 16 février, l'Eglise catholique a en effet appelé à une grande manifestation pour contester la réélection de Joseph Kabila. La manifestation a d'ailleurs été interdite par les autorités congolaises.

Christophe RIGAUD

15 février 2012

RDC : La marche interdite "aura bien lieu" selon l'UDPS

Journée sous haute tension ce jeudi 16 février à Kinshasa et dans toutes les grandes villes de République démocratique du Congo (RDC). L'Eglise catholique a appelé à une grande marche pacifique pour dénoncer le manque de transparence des dernières élections présidentielle et législatives. Les autorités congolaises ont interdit la manifestation, mais l'opposition et l'Eglise maintiennent la marche, qui "aura bien lieu", selon l'UDPS.

L'opposition met beaucoup d'espoir dans la marche organisée par l'Eglise catholique congolaise. Car, si cette manifestation est organisée en mémoire des martyrs du 16 février 1992, le message de l'Eglise catholique est clair : " réclamer la légitimité et la légalité du pouvoir". Mi-décembre, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait sévèrement critiqué les résultats de la présidentielle du 28 novembre, jugés "conformes ni à la vérité ni à la justice". L’Eglise catholique a également demandé l’annulation des scrutins (présidentielle et législatives) et la démission de la Commission électorale (CENI) qu'elle juge partiale. Pour l'opposition, et particulièrement l'UDPS, cette marche constitue donc une occasion unique d'organiser une démonstration de force dans la rue.

Les autorités congolaises ont décidé ce mercredi d'interdire "la marche des chrétiens", qui risquait de se transformer en manifestation anti-Kabila. Le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, a indiqué que le Conseil de l'apostolat des laïcs catholiques du Congo (CALCC), organisateur de la marche, n'avait pas respecté la procédure légale. En Belgique, le député Georges Dallemagne a dénoncé "un nouveau déni de justice".

Contacté par Afrikarabia, l'UDPS, maintient sa participation à la manifestation, "qui aura bien lieu".

Christophe RIGAUD

14 février 2012

RDC : L'affaire Shabani vire au règlement de compte politique

La brève arrestation de Jacquemain Shabani, numéro deux du principal parti d'opposition en République démocratique du Congo (RDC) prend une tournure politique. Les autorités congolaises reprochent au secrétaire général de l'UDPS de "porter atteinte à la sûreté de l'Etat" en détenant des documents "compromettants". L'opposition dénonce une manipulation politique et accuse les renseignements congolais de mauvais traitements.

logo afkrb.pngL'affaire Shabani prend de l'envergure. Ce qui aurait pu être une banale affaire de passeport tourne à l'affaire d'Etat. Depuis sa courte interpellation à l'aéroport de Kinshasa, en partance pour l'Allemagne, Jacquemain Shabani essuie les foudres du régime de Kinshasa et a toujours l'interdiction de quitter le territoire congolais. Dans la soirée du 7 février, le numéro deux de l'UDPS, le principal parti d'opposition au président congolais, est empêché d'embarquer à l'aéroport de Ndjili. Motif : détention "d'un autre passeport que le sien". Jacquemain Shabani est alors remis entre les mains de l'ANR, le service de renseignement intérieur congolais. Selon Kinshasa, l'ANR découvre toute une série de documents "compromettants" dans les affaires du secrétaire général de l'UDPS : des photos censées illustrées la répression policière après les élections contestées de novembre, mais aussi des tracts destinés aux militaires afin de leur faire rallier l'opposition. Ce document constitue vraisemblablement la pièce la plus "grave" pour le pouvoir en place. Ce tract circule en effet depuis plusieurs jours dans les différentes casernes de la capitale.

Les autorités congolaises ont donc décidé de porter plainte pour "atteinte à la sûreté intérieur de l'Etat" et de demander à Shabani de venir s'expliquer devant la justice congolaise "avant d'aller à l'extérieur". En clair, Kinshasa ne laissera pas sortir du territoire Jacquemain Shabani sans "explication" sur ses activités d'opposant.

De son côté, l'UDPS réfute toutes ces accusations et accuse à son tour l'ANR d'avoir "torturé" son secrétaire général et souhaite porter plainte. A l'Agence de renseignement, on reconnaît une "bagarre" entre Shabani et ses agents, mais on réfute tout acte de "torture".

L'affaire Shabani est symptomatique de l'ambiance "à couteaux tirés"qui règne à Kinshasa actuellement. Après des élections présidentielle et législatives très contestées par l'opposition, la majorité peine à sortir d'une crise politique post-électorale profonde. L'affaire Shabani et la "mise en résidence surveillée" du candidat de l'UDPS à la présidentielle, Etienne Tshisekedi, qui ne peut plus sortir librement de son QG de Limete, ressemblent à des règlements de comptes politiques et des opérations d'intimidation de l'opposition. Dans un récent communiqué, l'UDPS dénonce "la stratégie de la dictature" dans laquelle s'est enfermé le président Kabila. Une tentation autoritaire dont le régime de Kinshasa est coutumier.

Christophe RIGAUD

13 février 2012

RDC : Les "étranges" résultats des législatives

Deux semaines après la publication des résultats provisoires des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), International Crisis Group (ICG) dresse une carte des irrégularités du scrutin et dénonce un "processus caractérisé par de multiples violations du code électoral". L'ONG relève de nombreuses "anomalies" dans ces résultats.

Centre compilation Katanga 2011 bis.jpgDepuis la publication des résultats des législatives le 2 février, les recours se multiplient devant la Cour suprême de justice de Kinshasa. 340 sièges sont contestés dans 168 des 169 provinces. Dans un rapport, International Crisis Group (ICG)  revient sur les "enseignements" des élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG dénonce les "multiples violations du code électoral, la perte de plusieurs millions de voix et les opérations de comptage opaques pour rendre toute vérification impossible... ".

Plusieurs missions d'observations internationales ont déjà pointé les nombreuses irrégularités du processus électoral et les soupçons de fraudes massives qui ont pesé sur le dépouillement. Pour le Centre Carter, l'Union européenne ou l'Eglise catholique, les élections congolaises ont souffert d'un manque cruel de transparence et de crédibilité. Mais l'attention s'est particulièrement focalisée sur l'élection présidentielle, délaissant par la même occasion les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Les missions internationales ont en effet quitté la RDC, juste après l'annonce de la réélection de Joseph Kabila par la Commission électorale (CENI). Le groupe d'experts internationaux (NDI et IFES) dépêché sur les lieux pour superviser et crédibiliser les résultats de la CENI sur les législatives a très vite jeté l'éponge faute de pouvoir contrôler quoi que ce soit.

International Crisis Group revient donc sur les législatives, un scrutin un peu délaissé par les observateurs internationaux, dans un rapport et note de nombreuses "anomalies" dans les résultats publiés par la CENI. Une carte des irrégularités est par ailleurs consultable sur son site internet.

ICG relève notamment des écarts de voix importants dans certaines circonscriptions entre le nombre de votants pour la présidentielle et les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Des écarts de voix qui ont principalement bénéficié aux candidats PPRD ou proche de la Majorité présidentielle :
- c'est le cas de Jaynet Kabila, la soeur du président, dans la circonscription de Kalemie au Katanga, élue avec 34 958 voix. Le jour du vote, 3254 de plus ont été comptabilisées  sur les législatives par rapport à la présidentielle. Plus de 3000 personnes se sont donc déplacées uniquement pour voter élire son député sans voter pour la présidentielle. Un chiffre "étonnant" pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group.
- même cas dans la circonscription de Pweto (fief de feu Katumba Mwanke) avec un différentiel de 6579 voix entre la présidentielle et les législatives,
- ou au Kasaï-Oriental, la circonscription de Lambert Mende, avec un différentiel de 4411 voix.

Autres phénomène surprenant pour l'International Crisis Group : la cartographie des irrégularités, le jour du scrutin. Selon la carte publiée sur son site, la majorité des incidents et des dysfonctionnements se sont produits dans les régions connues pour être plutôt favorables à l'opposition : Kasaï, Bas-Congo, Equateur ou Kinshasa...

Capture d’écran 2012-02-13 à 20.59.39.pngLes autres résultats inattendus concernent les "poussées" très importantes du PPRD (le parti du président Joseph Kabila) et de ses alliés dans les provinces de l'Ouest du pays réputées pourtant hostiles au pouvoir en place. L'étrange progression du PPRD est particulièrement sensible dans la province de l'Equateur, où le parti présidentiel passerait de 3 à 11 députés ou au Bandundu, où il passerait de 4 à 10 députés entre 2006 et 2011. Là encore, l'International Crisis Group s'interroge.

Afin de "tirer tous les enseignements" de ce scrutin, pour le moins chaotique, Crisis Group se pose plusieurs questions  :

- afin de comprendre pourquoi la cartographie des bureaux de vote et le fichier électoral qui ont coûté plusieurs millions de dollars étaient à ce point lacunaires et inexacts et comment plusieurs millions de voix ont-elles pu être perdues et pourquoi la CENI a accepté l’expertise du NDI et d’IFES avant de se rétracter ?

- afin de comprendre selon quelle procédure et avec quelles garanties d’indépendance des magistrats supplémentaires de la Cour suprême de justice ont été nommés en pleine campagne électorale ?

- afin de comprendre pourquoi les experts électoraux du PNUD n’ont pas alerté sur les problèmes de préparation des scrutins et la nécessité de décaler le vote d’une semaine ou deux, dans quelle mesure ils ont participé à la commission de consolidation des résultats, dans quelle mesure la MONUSCO s’est assurée de l’intégrité des caisses de bulletins qu’elle transportait, dans quelle mesure la mission de bons offices de la MONUSCO a été menée à bien et pourquoi des groupes armés annoncés comme défaits en 2011 font-ils de nouveau parler d’eux en 2012 ?

- afin de savoir pourquoi les missions d’observation de la SADC, de l’UA, de la CEEAC, de la CIRGL, la COMESA se sont contentées d’une observation de court, voire de très court terme ?

- afin de comprendre quel raisonnement a conduits les bailleurs à investir plus de 100 millions de dollars dans un processus électoral biaisé dès le départ, pourquoi la contribution de l’Union européenne a été prélevée sur le budget consacré aux infrastructures indispensables à la RDC, dans quelle mesure l’UE va payer sa dernière contribution pour des élections qualifiées de non crédibles par sa mission d’observation et dans quelle mesure les bailleurs sont prêts à financer le scrutin provincial dans un contexte de domination du parti au pouvoir et avec une CENI décrédibilisée ?

- afin de comprendre si l'UDPS va mener la politique de la chaise vide ou s’il est capable d’utiliser le forum parlementaire et d’être le moteur d’une alliance de l’opposition ?

En posant cette série de questions, l'International Crisis Group vient tout simplement de lister les différents dysfonctionnements qui ont conduit la République démocratique du Congo dans un fiasco électoral. Il serait grand temps que les responsables congolais prennent la mesure de leurs erreurs et que la communauté internationale trouve le courage de faire respecter les engagements pris par les autorités congolaises pour rendre transparent leur processus électoral. Dans quelques mois, des élections provinciales doivent être organisées et 7 circonscriptions doivent à nouveau voter après annulation pour les législatives. Ces scrutins se doivent d'être enfin digne, la RDC n'est plus en mesure d'accepter un nouveau simulacre d'élection.

Christophe RIGAUD

Photo : Centre de compilation des élections au Katanga (déc 2011)

12 février 2012

RDC : Kabila perd son plus proche conseiller

Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président Joseph Kabila et homme fort du régime de Kinshasa, a trouvé la mort ce dimanche à Bukavu dans l'accident de son avion privé. Le ministre des Finances, Augustin Matata Ponyo, le gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Cishamboet et l’ambassadeur itinérant du président, Antoine Ghonda, ont été grièvement blessés au cours de l'accident. La disparition d'Augustin Katumba Mwanke, personnage-clé du "système Kabila", risque de fragiliser l'organisation de la gouvernance autour du président congolais dans un contexte de crise politique aiguë.

Afrikarabia logo.png"Conseiller de l'ombre", "personnage le plus influent de RDC", "l'homme qui murmurait à l'oreille du président"… tout a été dit, ou presque, sur la personnalité d'Augustin Katumba Mwanke. A 48 ans, cet ingénieur de formation était le principal conseiller de Joseph Kabila, "son éminence grise". Les notes de l'administration américaine, publiées par Wikileaks, présentaient Katumba Mwanke comme l'homme-clé du "système Kabila". Selon Wikileaks, ce "conseiller était parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président !". Pour l’administration américaine, Katumba Mwanke était devenu "l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle".

Co-fondateur du parti présidentiel, le PPRD, Augustin Katumba Mwanke, était présenté comme le dernier rempart de la garde rapprochée de Joseph Kabila. A la fois mentor et "Mazarin", Katumba Mwanke était accusé de "se servir de Joseph Kabila" comme d'une "marionnette". Le manque de "leadership" et de "charisme" du président Kabila avaient fini de faire du conseiller Katumba Mwanke, le "président bis" de la République démocratique du Congo.

La disparition brutale d'Augustin Katumba Mwanke intervient dans un contexte de tensions post-électorales très délicat. Après les élections très contestées (présidentielle puis des législatives) de novembre, la crise politique couve en RDC. L'opposition ne reconnaît pas la réélection de Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi s'est autoproclamé "président élu". L'opposition a également rejeté en bloc tous les résultats publiés par la Commission électorale (CENI), dénonçant les multiples irrégularités du scrutin. Malgré les contestations, notamment de la communauté internationale, la CENI, a récemment annoncé la composition de la nouvelle Assemblée nationale congolaise. La Majorité présidentielle (MP) reste majoritaire, mais le parti présidentiel (PPRD) perd des sièges et devra composer avec de multiples petits partis et des "indépendants". Pour pouvoir gouverner "en toute tranquillité", Joseph Kabila devra dans ces conditions nouer de nombreuses alliances, trouver un nouveau Premier ministre et composer un gouvernement de "rassemblement". Une tâche à laquelle s'était attelé Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président et "stratège" politique hors pair. Avec la disparition de Katumba Mwanke, Joseph Kabila perd le principal artisan de sa "nouvelle majorité gouvernementale".  "L'homme qui murmurait à l'oreille de Joseph Kabila" n'est plus… une place se libère auprès du président congolais… elle ne devrait pourtant pas rester vacante très longtemps.

Un rapport des Nations-unies de 2002 avait signalé la participation d'Augustin Katumba Mwanke à un réseau d'intérêts "politique, militaire et commercial" lié au commerce illicite de minerais. Ce rapport notait "le transfert d'au moins 5 milliards de dollars du secteur minier" vers des entreprises privées du conseiller du président Kabila. L'ONU avait recommandé "une interdiction de déplacement" hors du pays et un "gel" de ses avoirs. A l'époque, Joseph Kabila avait suspendu son conseiller de ses fonctions et l'avait nommé "ambassadeur itinérant" auprès de la Présidence.

Christophe RIGAUD

10 février 2012

RDC : La Banque mondiale sanctionne Kinshasa

Après la réélection contestée de Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC), les premières sanctions tombent sur les autorités congolaises... et elles sont financières. La Banque mondiale, qui estime que les "contrôles démocratiques sont insuffisants "en RDC a décidé de ne plus contribuer au budget général du pays.

Image 2.pngRobert Zoellick, le président de la Banque mondiale s'est montré très sceptique sur les "contrôles démocratiques", ainsi que sur le manque de "contre-pouvoirs" en RDC dans une conférence diffusé sur internet. Il a donc décidé de stopper la contribution de la Banque mondiale au budget général du Congo, tout en précisant que les programmes sur la nutrition, l'éducation, le Sida ou le paludisme continueraient à être soutenus.

Robert Zoellick a qualifié la RDC de "zone grise", à l'image de l'Afghanistan ou de Haïti. Cette décision intervient après des élections présidentielle et législatives particulièrement chaotiques et entachées de nombreuses irrégularités. L'Union européenne et les Etats-unis avaient notamment relevé le manque de transparence et de crédibilité du scrutin. La Banque mondiale est le premier organisme international a infliger ainsi une sanction financière à la République démocratique du Congo. D'autres vont-ils suivre ?

Christophe RIGAUD

RDC : L'opposition dans l'attente du 16 février

En République démocratique du Congo (RDC), l'opposition jette ses derniers espoirs dans la mobilisation des chrétiens prévue le 16 février 2012 dans tout le pays. Après la réélection contestée de Joseph Kabila, l'opposition n'a jamais réussi  à faire descendre massivement les Congolais dans la rue. L'opposition compte donc sur la "grande marche pacifique" de l'église catholique pour "faire éclater la vérité des urnes". Un test ultime pour l'opposition.

Image 4.pngLa manifestation des chrétiens pour commémorer les martyrs du 16 février 1992, "tombés sous les balles des militaires de Mobutu", constitue sans doute le dernier rendez-vous pour l'opposition avec la rue congolaise ; les différents appels à la mobilisation d'Etienne Tshisekedi étant tous restés lettre morte. Le leader de l'UDPS conteste depuis plusieurs semaines la réélection de Joseph Kabila dont le scrutin est entaché de multiples irrégularités et de soupçons de fraudes. Etienne Tshisekedi s'est alors autoproclamé "président élu" de République démocratique du Congo, dans l'indifférence générale et notamment celle de la communauté internationale qui avait pourtant constaté le manque de transparence et de crédibilité du scrutin. Tshisekedi a ensuite plusieurs fois appelé l'armée et l'administration à lui faire allégeance.. sans succès. Le dispositif sécuritaire mis en place par Joseph Kabila a été particulièrement efficace pour réprimer les timides tentatives de rassemblements populaires.

L'opposition semble donc tout miser sur "la grande marche" des chrétiens pour prouver sa capacité à mobiliser la population. Si cette manifestation est organisée en mémoire des martyrs du 16 février 1992, le message de l'Eglise catholique est clair : " réclamer la légitimité et la légalité du pouvoir". Mi-décembre, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait sévèrement critiqué les résultats de la présidentielle du 28 novembre, jugés "conformes ni à la vérité ni à la justice". L’Eglise catholique a également demandé l’annulation des scrutins (présidentielle et législatives) et la démission de la Commission électorale (CENI) qu'elle juge partiale.

Ce rassemblement, qui se déroulera sous haute surveillance policière, constituera donc un test ultime sur la capacité de mobilisation de l'opposition. L'Eglise catholique est très puissante en RDC et ses consignes sont en générale très suivies. Un autre élément pourrait stimuler la mobilisation populaire : la tension sociale. La mise en place récente de la TVA a fortement augmenté les prix... et la colère gronde sur les marchés congolais.

En cas d'échec, l'opposition aura vraisemblablement perdu tout espoir de pouvoir peser sur le cours des événements. Le statu quo politique risque de l'emporter : Etienne Tshisekedi apparaît plus isolé que jamais et les autres opposants sont quasi aphones... sans aucune stratégie pour contrer Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa (c) Ch. Rigaud

08 février 2012

RDC : Jacquemain Shabani (UDPS) arrêté à Kinshasa

Le Secrétaire Général de l’UDPS, Jacquemain Shabani, a été arrêté ce mardi vers 23h00 par la police congolaise à l’aéroport international de Kinshasa. Ce responsable du principal parti d'opposition en République démocratique du Congo (RDC) devait se rendre à Berlin pour participer à une conférence sur la situation politique du pays. Selon l'UDPS, Jacquemain Shabani a d'abord été emmené vers une destination inconnue avant d'être relâché vers 3h45 du matin.

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Cette arrestation intervient dans un climat de grave crise politique en RDC à la suite d'élections présidentielle et législatives très contestées. Le candidat de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, battu officiellement par Joseph Kabila, s'est autoproclamé "président élu" et ne reconnait pas la réélection du président sortant. De graves irrégularités et des soupçons de fraudes massives ont été constatés par la communauté internationale pendant le scrutin.

Christophe RIGAUD

Plus d'informations dans la journée sur www.afrikarabia.com

07 février 2012

RDC : Les nouveaux hommes forts de Kabila

Après la publication des résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), les grandes manoeuvres politiques commencent autour des nominations à la tête du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Plusieurs personnalités voient leur leadership renforcé après les élections du 28 novembre. Evariste Boshab, Aubin Minaku, Pierre Lumbi, Jean-Claude Masangu ou Gabriel Kyungu pourraient se voir confier des rôles de premier plan.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.03.23-tiltshift.jpgLa Commission électorale congolaise (CENI) a publié récemment les résultats provisoires de la nouvelle Assemblée nationale. La coalition construite autour de la majorité présidentielle de Joseph Kabila, remporte une majorité de sièges : environ 341 contre seulement 119 pour les différents partis d'opposition. Mais la grande leçon du scrutin (outre les nombreuses irrégularités, que l'on a vite oublié !) repose sur l'éclatement de l'Assemblée nationale en une multitude de petits partis (au moins 94 !). Tous les grands partis ont vu leurs nombres de sièges se réduire, majorité comme opposition. Résultat : le président Kabila se trouve dans l'obligation de gouverner avec une coalition PPRD, PPPD, MSR, PALU, ARC, AFDC…

Au lendemain des résultats des législatives, le temps des nominations a donc commencé… avec ses grandes manoeuvres en coulisse. Joseph Kabila doit prochainement nommer un nouveau Premier ministre et un nouveau Président de l'Assemblée nationale doit également être désigné par la chambre. Reste ensuite la répartition des postes ministériels et des bureaux à l'Assemblée et au Sénat pour faire plaisir aux différents alliés de la Majorité présidentielle... et ils sont nombreux.

Vers un Etat PPRD ?

Pour le poste de Premier ministre, le Président Kabila semble être réduit à un double choix : nommer un homme issu d'un parti de la coalition, comme l'est l'actuel Premier ministre Adolphe Muzito, membre du Palu ou nommer un homme du PPRD, le parti présidentiel, qui est arrivé en tête avec 62 petits sièges. L'option de désigner un membre d'un parti "allié" serait dans la logique et le choix pourrait alors se porter sur Pierre Lumbi du MSR qui a réalisé un très bon score (27 sièges), coiffant un Palu sur le déclin (19 sièges). Mais à Kinshasa, le candidat qui a le vent en poupe s'appelle Evariste Boshab, le patron du PPRD. Si le parti présidentiel a perdu plus de 49 sièges entre 2006 et 2011, Joseph Kabila ne semble pas se résoudre à devenir l'otage de ses alliés, comme ce fut le cas avec le Palu d'Antoine Gizenga et d'Adolphe Muzito. Joseph Kabila pourrait donc s'affirmer en nommant un Premier ministre issu de son propre parti.

Le PPRD est aussi donner gagnant à la tête de l'Assemblée nationale. Le nom d'Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle, est le plus souvent cité. Responsable de la plate-forme politique soutenant Joseph Kabila, Aubin Minaku était à la manoeuvre pour organiser les préparatifs des législatives et est également monter au créneau pour défendre les résultats de la présidentiel et des législatives, très contestés par de nombreuses irrégularités. "Je les mets au défi de prouver que la tricherie était planifiée", avait affirmé Aubin Minaku.

"Katanga connection"

Si la primature venait à lui échapper, Pierre Lumbi devrait se retrouver à un poste clé du prochain dispositif gouvernemental du président Kabila. Le très puissant ministre d’Etat en charge des Infrastructures et de la Reconstruction du gouvernement Gizenga  est aujourd'hui le très influent conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la sécurité. Il a notamment mis en place les fameux contrats de partenariat entre la Chine et la RDC. Avec ses 27 sièges aux législatives de novembre, Pierre Lumbi a réussi à rendre son parti, le Mouvement social pour le renouveau (MSR), incontournable à la Majorité présidentielle… et au Président Kabila.

Trois autres hommes forts se sont également distingués lors des dernières élections. Ils viennent tous les trois du Katanga, la province qui a "élu" Joseph Kabila avec des scores records (et douteux)… certains atteignant les 100% ! Il s'agit du conseiller de l'ombre du Président congolais, Augustin Katumba Mwanke, de Gabriel Kyungu, le patron de l'UNAFEC de Lumbumbashi et de Jean-Claude Masangu, le gouverneur de la Banque centrale du Congo.

Augustin Katumba Mwanke, a été "triomphalement" réélu au Katanga, dans sa vile natale de Pweto.  L'homme le plus influent de la RDC, selon les notes de Wikileaks, qui décrivent Katumba Mwanke comme "un conseiller de l’ombre qui est parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président !". Selon l’administration américaine, Katumba Mwanke est devenu “l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle “. Dans le nouveau mandat de Joseph Kabila, Katumba Mwanke, devrait peut-être trouver un poste plus exposé.

Toujours à la tête de l'Assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu a encore démontré la puissance de son parti, l'UNAFEC (avec ses dérives ethnistes !). A la présidence, on estime que les "très bons scores" de Joseph Kabila au Katanga sont, entre autre, "l'oeuvre" de Gabriel Kyungu. Vieux routier de la politique congolaise, ancien membre du célèbre groupe des 13 à l'origine de l'UDPS, le patron de l'Assemblée provinciale, pourrait jouer un rôle important à Kinshasa.

Le dernier homme en vu sur l'échiquier politique congolais, est le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu. Cet économiste renommé est à la tête de la Banque centrale depuis maintenant 15 ans. Artisan de la victoire de Joseph Kabila au Katanga (encore), Jean-Claude Masangu pourrait lui aussi aspirer à d'autres fonctions plus prestigieuses.

Christophe RIGAUD

Photo : Portrait de Joseph Kabila à Kinshasa (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com