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29 juin 2012

RDC : Mystérieuse disparition d'un opposant congolais

Depuis mercredi 27 juin, l'opposant Eugène Diomi Ndongala, président de la Démocratie chrétienne est introuvable. Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Capture d’écran 2012-06-29 à 09.47.53.pngL'affaire fait grand bruit à Kinshasa. Mardi 26 juin dans la soirée, la police a investi massivement le siège du parti de la Démocratie chrétienne (DC). Une quarantaine "d'éléments armés" sont venus surprendre Eugène Diomi Ndongala, accusé d'avoir violé deux filles mineures sur dénonciation du père des enfants. Le président de la DC n'est pas sur place.

La nouvelle se retrouve immédiatement en "une" du site internet Direct.cd, "présent sur les lieux au moment de l'événement" (hasard ou coïncidence ? l'article ne le dit pas). Le papier de Direct.cd est très circonstancié et le journaliste, vraisemblablement prévenu par les autorités congolaises, affirme que le président de la Démocratie chrétienne "a été surpris par les éléments de la police avec deux jeunes filles âgées à peine de 14 ans dans sa domicile de la Gombe".

Le lendemain, mercredi 27 juin, la Démocratie chrétienne affirme que son président se rend à la cathédrale Notre dame du Congo où il doit tenir un meeting en faveur d'Etienne Tshisekedi avec plus de 40 partis politiques d'opposition. Le parti d'Eugène Diomi explique ensuite qu'après la perquisition du siège de la Démocratie chrétienne par la police, les forces de sécurité investissent la cathédrale Notre Dame du Congo. Les policiers auraient "menacé" les curés du lieux, leur "intimant l'ordre de ne pas permettre la tenue de la manifestation de l'opposition". C'est pendant le trajet pour se rendre à la cathédrale Notre Dame, que les proches d'Eugène Diomi affirment avoir perdu sa trace.

Selon la Démocratie chrétienne : "tout est faux". Son communiqué dénonce une "cabale" politique et un "lynchage médiatique (…) pour salir l'honorabilité du président Diomi Ndongala". Les membres du parti réfutent en bloc les accusations divulguées dans la presse et affirment "qu'il est complètement faux que le Président Diomi ait été appréhendé avec des filles, car il n’était même pas présent au siège du parti au moment de la descente massive des policiers aux ordres du Colonel Kanyama". Pour la Démocratie chrétienne, le régime veut tout simplement faire payer le soutien d'Eugène Diomi à Etienne Tshisekedi, l'opposant au président Kabila et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle.

Du côté du Procureur général de la République, la version est tout autre. L'accusation de "relations sexuelles avec deux filles mineures de 15 et 16 ans" est maintenue et la justice affirme que "les victimes ont avoué les faits". Le Procureur considère donc Eugène Diomi "en cavale" et rappelle qu'il encourt une peine de 7 à 20 ans de prison et d'une amende de 800.000 à 1 million de Francs congolais.

Pour l'instant, difficile d'y voir clair dans cette disparition. Mais l'affaire Diomi intervient dans une ambiance particulièrement tendue en République démocratique du Congo (RDC). La reprise de la guerre à l'Est du pays a fragilisé un peu plus le pouvoir du président Joseph Kabila qui peine à asseoir son autorité depuis les élections. Les résultats très contestées de la présidentielle et des législatives de novembre 2011 ont laissé place à un climat politique exécrable à Kinshasa. L'Asadho, une ONG congolaise des droits de l'homme avait dénoncé (la veille de l'affaire Diomi Ndongala !) les arrestations des membres de l'opposition, proches de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. L'Asadho s'inquiétait des arrestations multiples d'opposants politiques et des détentions illégales c'est derniers mois. Les services de renseignements congolais (ANR) sont souvent cités comme les principaux responsables de ces actes. Ce sont ces mêmes services qu'accuse la Démocratie chrétienne, de détenir Eugène Diomi Ndongala. Une plainte a été déposée à l'encontre du colonel Kanyama.

Christophe RIGAUD

27 juin 2012

RDC: Kabila dans le piège rwandais

Depuis deux mois, l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de violents affrontements entre rébellions et armée régulière. Un nouveau conflit qui révèle les multiples contradictions entre les différents protagonistes. Le Rwanda, allié de Kinshasa, est accusé de soutenir la rébellion du M23, alors que Joseph Kabila a utilisé les services des actuels rebelles (qu'il combat aujourd'hui) pendant les élections de novembre. Un jeu de dupe entre la RDC et le Rwanda qui dure depuis plus de 15 ans.

IMG_3592filtre.jpgLa guerre qui secoue une nouvelle fois la région du Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), constitue un énième soubresaut des relations tumultueuses qui agitent la RDC et le Rwanda depuis le génocide de 1994. La polémique actuelle sur un possible soutien de Kigali aux rebelles du M23 n'étonne personne à Kinshasa. Pour de nombreux observateurs de l'arène politique congolaise, "le problème n'est pas tant de savoir si le Rwanda aide en sous-main les rébellions de l'Est, mais d'en connaître l'importance".

16 ans de relations tumultueuses

De 1996 à 2012, le Rwanda est intervenu plusieurs fois en RDC, à des degrés plus ou moins élevés. Entre 1996 et 1997, le Rwanda franchit une première fois la frontière, pour traquer les génocidaires hutus, renverser le maréchal Mobutu et mettre au pouvoir son allié congolais de l'AFDL, Laurent-Désiré Kabila. En 1997, une fois aux commandes, Kabila nomme un rwandais, James Kabarebe, comme chef d'état-major de l'armée congolaise. En 1998, Kabila se brouille avec son protecteur rwandais, devenu "trop encombrant". Le Rwanda tente de le déloger par les armes, sans succès, le "Mzee" ayant trouvé d'autres protecteurs comme le Zimbabwe et l'Angola. En 2001, Laurent-Désiré Kabila est finalement assassiné. Le Rwanda sera accusé en 2001 et 2002 par l'ONU de "pillage des ressources naturelles" en RDC. L'armée rwandaise quittera enfin le pays en 2003, mais Kigali se fera fort de soutenir les rébellions censées protéger la communauté tutsi congolaise des attaques des hutus rwandais des FDLR. Le Rwanda soutiendra d'abord le général dissident Laurent Nkunda, avant de le laisser tomber et d'aider Bosco Ntaganda, fraîchement allié avec Kinshasa. Lâché par Kabila, Ntaganda prendra le maquis avec un autre groupe, le M23, qui défie aujourd'hui l'armée congolaise dans l'Est du pays, à quelques encablures… du Rwanda. Depuis 16 ans, de près ou de loin, le Rwanda gardera toujours "une main" sur les Kivu.

Rien d'étonnant donc, lorsque Human Rights Watch (HRW), l'ONU ou le gouvernement congolais dénoncent ensemble l'aide de Kigali à la nouvelle rébellion née il y a deux mois dans les Kivu, le fameux M23. Selon Reuters, qui a pu se procurer un rapport de l'ONU (qui ne sera pas publié), James Kabarebe, maintenant ministre de la défense du Rwanda serait personnellement impliqué dans le soutien aux rebelles du M23. Kigali a bien sûr fermement démenti ces allégations.

A quoi joue le Rwanda ?

Officiellement, le Rwanda cherche à venir à bout des rebelles hutus des FDLR, réfugiés en RDC depuis la fin du génocide de 1994. Les FDLR ont toujours constitué une menace aux yeux de Kigali. A Kinshasa, certains relativisent le danger que représente réellement, en 2012, cette rébellion qui n'a pas lancé d'attaques d'envergures contre le territoire rwandais depuis plusieurs années. Car officieusement, les Congolais affirment que les opérations anti-FDLR ne sont qu'un prétexte du Rwanda pour contrôler la région, très riche en minerais divers (cassitérite, or, coltan…). A Kinshasa, ce qui est appelée "l'occupation rwandaise" de l'Est du pays possède également des vertus démographiques pour le petit Rwanda voisin et surpeuplé. Comme le dit dans son éditorial, le magazine Congo Actualités du mois de juin. : "Kigali crée des groupes armées pour fomenter des guerres qui obligent la population autochtone à abandonner ses villages et ses terres, pour les remplacer avec d’autres populations provenant d’autres pays et du Rwanda, en particulier".

Liaisons dangereuses

En conflit ouvert avec le Rwanda depuis 1998, le Congo de Joseph Kabila s'est subitement rapproché de son encombrant voisin en 2009. Il faut dire que la rébellion de Laurent Nkunda (soutenu par Kigali) a fait vacillé Kinshasa pendant plusieurs semaines. Les troupes de Nkunda étaient en effet aux portes de Goma, la capitale de l'Est congolais et menaçaient de faire tomber le régime de Joseph Kabila. Le président congolais décide donc de s'allier à Kigali (contre la majorité de son opinion publique) pour se débarrasser de Laurent Nkunda. Le général rebelle est en effet arrêté par Kigali et placé en résidence surveillée au Rwanda en attendant une hypothétique extradition vers la RDC. Aujourd'hui, le "nouveau Nkunda" s'appelle Bosco Ntaganda. Soutenu également par Kigali, le général ex-bras droit de Nkunda a fait allégeance à Joseph Kabila jusqu'au mois d'avril 2012. A ce moment, Kinshasa, poussée par la communauté internationale après des élections très contestées, prend la décision de capturer Ntaganda, recherché depuis plusieurs années par la Cour pénale internationale (CPI). Kinshasa souhaite donner des gages à la communauté internationale en cessant de protéger Ntaganda. Le général, sentant son arrestation proche, fait défection avec quelques centaines d'hommes et prend le maquis dans les montagnes du Kivu. En parallèle, une nouvelle rébellion voit le jour : le M23, issu de la mouvance Nkunda.

Kabila prisonnier de Kigali ?

Rapidement, tout le monde se rend compte que les mutins bénéficient du soutien du Rwanda voisin. Human Rights Watch estime que le M23 est alimenté en armes et en vivres depuis les montagnes rwandaises. L'ONU affirme que les rebelles ont été formés au Rwanda et Reuters dévoile un document de l'ONU révélant que des personnalités rwandaises de premiers plans, dont le ministre James Kabarebe, aident le M23. Kinshasa se contente de dénoncer la "passivité" de Kigali. Mais face à son "allié" de circonstance, Joseph Kabila n'est pas le mieux placé pour lui donner des leçons. Le président congolais est en effet redevable de nombreux "services" à la communauté rwandophone des Kivu. Aux élections de 2006 tout d'abord, le candidat Kabila a réalisé d'excellents scores dans la région (jusqu'à 90% des voix dans le Masisi). Un vote qui ne sera d'ailleurs pas récompensé puisque les tutsis ne seront pas représentés à l'assemblée provinciale (d'où les frustrations et l'émergence de Laurent Nkunda). Aux élections de 2011 ensuite, pendant lesquelles Joseph Kabila a demandé au CNDP de Ntaganda de "sécuriser" le scrutin dans l'Est. Le candidat y réalisera de très bons scores (dès fois plus de 100% des voix !). Ntaganda n'en sera pas gratifié puisqu'il sera très vite transformé en "ennemi public numéro 1" par l'armée congolaise pour être livré à la CPI. Dernier point à mettre dans la balance des relations entre le Rwanda et la RDC : le lien très fort du président Kabila avec le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe. Le militaire rwandais a en effet formé le jeune Joseph Kabila "aux arts de la guerre" pendant la chute du régime Mobutu en 1997. Kabila doit tout à Kabarebe... et Kabarebe connaît tout de Kabila.

Sortie de crise ?

Dans cet imbroglio où tout le monde ment à tout le monde, difficile de savoir comment Joseph Kabila pourra s'affranchir de son "allié" rwandais. Pour l'heure, le président congolais n'a pas les moyens de tenir tête à Kigali. L'armée congolaise est en pleine reconstruction et n'a pas la possibilité de s'imposer sur le terrain. Deux solutions s'offrent pourtant à Joseph Kabila : compter sur la communauté internationale pour faire plier Kigali et retrouver un peu de souveraineté à l'Est ou négocier avec les rebelles et Ntaganda pour trouver ensemble une porte de sortie acceptable pour tous. Un seul atout pour Joseph Kabila : les dissensions très fortes entre le M23 et Bosco Ntaganda… le premier étant prêt à lâcher le second pour voir aboutir ses revendications : l'application des accords de Goma de 2009. Jusqu'à ce jour le gourvernement congolais n'était pas disposé à nouer des négociations avec les rebelles.

Christophe RIGAUD

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

21 juin 2012

Corruption : La RDC toujours dans le rouge

Rien n'y fait. Malgré les différents dispositifs de lutte, la corruption s'est aggravée en République démocratique du Congo (RDC), selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Le conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, pointe "le manque de volonté politique (…) au plus haut niveau de l'Etat". Difficile à chiffrer, la corruption coûterait entre 400 et 800 millions de dollars à la RDC.

DSC03927filtre.jpgAvec un score de 2 sur 10 sur l'échelle de perception de la corruption, l'ONG Transparency international place la République démocratique du Congo (RDC) au 168ème rang sur 182, des pays les plus corrompus de la planète. La corruption y est même qualifiée "d'endémique". En RDC, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique (1). Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.

Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. L'économiste s'est penché sur le phénomène, en analysant l'impact de la corruption sur les transports en RDC. Les chauffeurs de taxi payent régulièrement différentes "taxes", "droits de passages" ou "pourboires" aux forces de sécurité congolaises. Ces pertes peuvent aller jusqu'à 60% des revenus moyens des chauffeurs de taxi.

Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.

La corruption fait aussi des ravages au plus haut sommet de l'Etat. En 2009, un rapport de l'Assemblée nationale congolaise avait épinglé le gouvernement d'Adolphe Muzito en dénonçant la "dilapidation des finances publiques". 23, 7 millions de dollars s'étaient évaporés lors de la signature d'un contrat avec un consortium chinois pour avoir accès aux gisements de cuivre et de cobalt appartenant à l'entreprise d'Etat, la Gécamines. La commission demandait aussi le remboursement de 68 millions de dollars de créances douteuses à une banque privée et 25 autres millions à une société qui avait livré du matériel "inadéquat" à la MIBA, pour l'extraction du diamant.

En 2010, le gouvernement congolais a décidé de mettre en oeuvre pas moins de 45 mesures pour lutter contre la corruption (codes miniers et forestiers, processus de Kimberley… ). La "tolérance zéro" est ensuite proclamée par le président Joseph Kabila pour lutter contre l'impunité… visiblement sans effet.

Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. « Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat », a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.

Le fonctionnaire onusien dénonce également « le dysfonctionnement du secteur judiciaire qui a fait que même les gens qui sont attrapés la main dans le sac peuvent s’en tirer à très peu de frais ». Le dernier rapport "Doing Business" 2012 sur le climat des affaires dans le monde, place la RDC 181ème sur 183. Le pays a perdu 2 places cette année.

Christophe RIGAUD

Photo : Entrée d'une administration à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

18 juin 2012

RDC : Une loi pour réformer la CENI ?

Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous pression internationale. L'Union européenne (UE) vient de conditionner son aide financière aux réformes pour rendre cette institution plus indépendante, crédible et transparente. Un député de l'opposition vient de déposer une proposition de loi en ce sens. "Des améliorations bienvenues" estime International Crisis Group, mais il faut aller plus loin.

ceni filtre.jpgDepuis le 5 juin, l'Assemblée nationale congolaise dispose d'une proposition de loi visant à modifier la Commission électorale (CENI). Très décriée pendant l'épisode électoral de novembre 2011, la CENI se trouve dans l'obligation d'évoluer. Après les nombreux dysfonctionnements, les irrégularités et les soupçons de fraudes massives qui pèsent sur les élections présidentielle et législatives, la Commission électorale souffre surtout d'un manque cruel d'indépendance. L'opposition accuse l'institution d'être au ordre du président (réélu) Joseph Kabila et surtout de ne pas être en mesure d'organiser un scrutin impartial correspondant aux normes internationales.

Depuis les élections contestées, la pression de la communauté internationale se fait de plus en plus appuyée. L'Union européenne (UE) vient dernièrement de conditionner son aide au processus électoral (49,5 millions d'euros pour les élections de novembre) à un renforcement des institutions et de l'état de droit en RDC. L'UE demande des réformes de fond concernant la CENI et le CSAC, ainsi que la création d'une Cour constitutionnelle.

Dans ce contexte, la proposition de loi d'Emery Okundji Ndjovu, député de l'opposition (indépendant) du Kasai Oriental tombe à point nommé. Emery Okundji propose tout d'abord une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres, avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.

La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).

Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.

Pour l'ONG, International Crisis Group (ICG), "cette proposition de loi comporte plusieurs améliorations bienvenues par rapport à la CENI en vigueur, notamment en termes de représentativité et d’équilibre politique, mais plusieurs faiblesses demeurent". ICG regrette que "les innovations en matière de contrôle financier semblent faibles (le délai de l'audit devrait être plus court)". "La proposition de loi ne devrait pas faire référence à une institution judiciaire qui n’existe pas en RDC, en l’occurrence la cour de cassation" rélève ICG et "la représentativité des femmes n’est pas précisée". Si "cette proposition de loi constitue une base de discussion intéressante, elle devrait être complétée par une réforme de la cour suprême de justice qui a joué un rôle majeur dans le processus électoral en démontrant ses lacunes et sa partialité ainsi que des garanties d’impartialité et d’incorruptibilité pour les cours d’appel qui gèreront le contentieux électoral provincial" estime International Crisis Group

Enfin, le nouveau calendrier électoral est "trop irréaliste, trop tardif et vague en ce qui concerne les scrutins locaux" selon l'ONG. En effet, "les résultats définitifs des provinciales sont prévus pour fin juin 2013, les gouverneurs pour début 2013 et les sénatoriales pour mi-août 2013. A cette date, aussi bien les assemblées provinciales que le Sénat seront inconstitutionnelles et certaines provinces s’agitent déjà (le gouverneur du Kasaï occidental vient d’être déchu par l’assemblée provinciale)".

Dernier élément, sans doute le plus important : cette proposition de loi émane de l'opposition, minoritaire à l'Assemblée. On voit donc mal comme ce projet pourrait aboutir. Pendant ce temps, la CENI, qui a promis de tenir compte des "erreurs" du scrutin de novembre, a présenté "trois nouveaux outils de gestion interne : l’organigramme, le règlement administratif et financier et le manuel de procédure de gestion du patrimoine et des ressources humaines et financières de cette institution". Des "outils" qui figuraient dans les recommandations formulées à la CENI… une goutte d'eau tant la réforme doit être profonde.

Christophe RIGAUD

RDC : Confusion à l'UDPS après l'accord avec l'APARECO et l'ARP

Nouvelle cacophonie à l'UDPS. Après la signature d'une déclaration commune à Paris entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP, le secrétaire général du parti d'Etienne Tshisekedi, Jacquemain Shabani, "dément toute autorisation" de son mouvement "à une telle initiative". Félix Tshisekedi a pourtant certifié sur RFI que son père "a bien donné son quitus" à cet accord, tout comme Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi, qui a confirmé sur France24 le rapprochement UDPS-APARECO-ARP. Qui croire ?

Edo Olito filtre.jpgTout semblait pourtant bien parti ce jeudi 14 juin. Dans un grand hôtel parisien, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’Etienne Tshisekedi, l’Alliance des patriotes pour la refondation du Congo (Apareco) de l'ancien mobutiste Honoré Ngbanda et l'Armée de résistance populaire (ARP) du général Faustin Munéné, ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune. L'appel des trois mouvements d'opposition visait à mobiliser les Congolais contre le régime de Joseph Kabila. "Ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo" déclarait Candide Okéké, représentante de l'APARECO.

Pourtant, plusieurs signaux laissaient entrevoir un flottement dans la position de l'UDPS. Tout d'abord l'absence de Félix Tshisekedi, un temps annoncé à la conférence de presse et remplacé par Edo Olito, le représentant de l'UDPS en France. Ensuite, la gêne à peine dissimulée d'Edo Olito sur les divergences entre les différents mouvements et notamment le recours à la force prônée par l'ARP qui ne se présentait d'ailleurs pas comme mouvement politique, mais comme un groupe militaire (dixit son secrétaire général Fanfan Longa Fuamba). Enfin, le premier document remis aux journalistes présents était signé Etienne Tshisekidi, alors que la déclaration commune diffusée ensuite sur internet était signée pour l'UDPS par Félix Tshisekedi.

Ensuite tout s'emballe. Un communiqué de l'UDPS en provenance de Kinshasa désapprouve le lendemain l'initiative. Le communiqué de presse, signé du secrétaire général du parti, Jacquemain Shabani, explique que "le président de l’UDPS (Etienne Tshisekedi, ndlr) n’a ni négocié ni signé et encore moins délégué cette prérogative à quiconque et le protocole d’alliance signé à Paris n’engage donc pas le Parti". Et de conclure : "le représentant de l’UDPS dans la fédération de France (Edo Olito, ndlr) est rappelé d’urgence en consultation à Kinshasa".

Pendant ce temps sur France24, Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi (et présent à la conférence commune de Paris) confirme l'accord signé entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP. Et Félix Tshisekedi, contacté par RFI, assure que "son père a bien donné son quitus pour cette initiative qui émane de l'extérieur" et qu'il s'agit "d'un problème communication". Qui dit vrai ?

Cela devient une habitude à l'UPDS. Le cafouillage médiatique est presque devenu la marque de fabrique du parti d'opposition congolais. On se souvient de l'épisode rocambolesque de l'avion affrété en Afrique du sud pendant la campagne électorale qui s'était vu refuser ou  non (on ne saura jamais), l'autorisation d'atterrir à Kisangani. Etienne Tshisekedi réagit de manière confuse… et tardivement. Rapidement, plus personne ne comprend rien. La même confusion interviendra lors de l'exclusion des députés UDPS qui souhaitaient siéger à l'Assemblée nationale malgré le boycott décidé par Etienne Tshisekedi.

Avec la déclaration commune de Paris, on se retrouve un peu dans la même configuration. Plusieurs membres de l'UDPS donnent des versions divergentes… Etienne Tshisekedi ne dit rien et donne l'impression de ne pas trancher. Alors qu'une simple déclaration du président de l'UDPS  suffirait à clarifier la situation.

Dernière élément qui pourrait expliquer le flottement qui règne à la tête de l'UDPS : la rumeur persistante de tensions entre Thsisekedi et Shabani au sujet d'un éventuel détournement d'argent sur la vente de cartes de membres du parti. Pour l'heure, tout le monde un signe du "patron"… qui se fait attendre.

Christophe RIGAUD

Photo : Edo Olito de l'UDPS France, Candide Okéké de l'Apareco et Fanfan Longa Fuamba de l'ARP le 14 juin 2012 à Paris (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

14 juin 2012

RDC : L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris

Le front anti-Kabila s'organise depuis la capitale parisienne. L'UDPS d'Etienne Tshisekedi, l'APARECO d'Honoré Nbganda et l'ARP du général Faustin Munene ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune jeudi 14 juin 2012. Ces mouvements d'opposition, politiques et militaires, ont lancé un appel à la "libération du pays de l'occupation étrangère" et à "l'instauration d'une véritable démocratie" en RDC. Objectif annoncé : mobiliser les Congolais de l'intérieur.

Conf de presse udps apareco arp filtre.jpgCandide Okeke, la représentante de l'APARECO, prévient : "l'heure est grave". Après le "fiasco électoral" et "les fraudes massives" de novembre 2011, le constat est sans appel : "ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo". Autour de l'APARECO, on trouve un représentant de l'UDPS France, le premier parti politique d'opposition en RDC et l'ARP, un mouvement armé insurrectionnel, dirigé par le général Faustin Munene qui a pris le maquis depuis 2010. A première vue, cette coalition peut paraître hétéroclite. Entre l'UDPS, le parti politique historique de l'opposition congolaise, plutôt "pacifique" et "fédéraliste" et l'APARECO tenu par l'ancien "monsieur sécurité" du Maréchal Mobutu (Honoré Nbganda), qui prône un Congo "fort et unitaire" et un général rebelle, ancien allié de Kabila père et de l'Angola… l'attelage peut surprendre.

Très rapidement, Candide Okeke met les choses au clair : "nous ne représentons pas l'opposition, nous représentons la Résistance. Nous sommes en dehors du système. Nous menons un combat de libération". Et de préciser : "nous avons des différences entre nous, mais nous n'avons qu'un seul pays !". Selon le secrétaire Général de l’ARP, Fanfan Longa Fuamba, "cette déclaration commune est un signal fort pour harmoniser nos différences". Les divergences balayées, la nouvelle coalition se focalise ensuite sur les convergences, avec un seul mot d'ordre : haro sur Joseph Kabila.

En trois points, la déclaration conjointe de l'UDPS, de l'APARECO et de l'ARP dénonce le "holdup électoral" de novembre 2011 et les élections "entachées de fraudes massives", de nombreuses irrégularités et "de multiples violation des droits de l'homme". L'alliance pointe ensuite l'insécurité à l'Est et les guerres à répétition au Nord et Sud Kivu et accuse l'ingérence rwandaise et "le projet secret de balkanisation et d'annexion" de la région. Troisième sujet de préoccupation : la tenue du Sommet de la Francophonie en RDC du 12 au 14 octobre 2012. Dans leur déclaration commune, l'UDPS l'APARECO et l'ARP demandent "l'annulation ou la délocalisation du Sommet" comme cela a été le cas en 1994 avec le Sommet de la Baule. Si le Sommet de tenait tout de même, le "groupe des trois" appellera "les forces vives de la RDC à se mobiliser pour empêcher par tous les moyens le déroulement paisible" du Sommet à Kinshasa. Candide Okeke espère que François Hollande ne se rendra pas à Kinshasa en octobre. Le président français vient d'ailleurs d'annuler sa présence en Ukraine lors de l'Euro de football pour dénoncer les violations des droits de l'homme dans le pays.


Conférence de presse commune UDPS-APARECO-ARP... par ChristopheRigaud

Les participants la conférence de presse commune UDPS, APARECO, ARP, ont tout fait pour axer leur discours sur les atouts de l'alliance : à l'UDPS le rôle politique et la mobilisation populaire, à l'APARECO la résistance, le renseignement et la diaspora, à l'ARP le rôle militaire… ils seraient donc complémentaires. Si la coalition APARECO/ARP semble naturelle, la présence de l'UDPS l'est moins. L'absence du propre fils d'Etienne Tshisekedi, Félix, pourtant annoncé à la conférence de presse, et l'embarras du représentant de l'UDPS aux questions liées à la l'utilisation de la force par l'ARP laissaient une drôle d'impression. Nouveau grand écart politique de l'UDPS ? Stratégie de la dernière chance ? Seule une prise de position d'Etienne Tshisekedi lui-même pourra dissiper tout ambiguité.

Christophe RIGAUD

Regardez les interviews de Candide Okeke de l'APARECO, Fanfan Longa Fuamba de l'ARP et d'Edouard Olito Maludji de l'UDPS France.


L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris 14... par ChristopheRigaud

13 juin 2012

RDC : Kivu, une guerre qui va durer

Depuis plus de deux mois, de violents combats opposent l'armée congolaise aux mutins du général Bosco Ntaganda et au groupe rebelle du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ONU, Human Rights Watch et les autorités congolaises accusent le Rwanda de venir en aide aux rebelles. Alphonse Maindo, professeur en Sciences politiques à l'université de Kisangani, revient d'une mission de recherche à Bukavu et Goma. Pour ce spécialiste de la région, "le Rwanda est en quête d'un nouvel homme fort dans les Kivu" et ni l'armée congolaise, ni la mission des Nations unies n'arrivent à ramener la paix, "le conflit dans les Kivu va durer encore longtemps". Explications.

Alphonse Maindo filtre1.jpg- Afrikarabia : Avez-vous été surpris par les rapports de la Monusco et de Human Rights Watch qui accusent le Rwanda de soutenir les rebelles congolais de Bosco Ntaganda et du M23 ?

- Alphonse Maindo : Je n'ai pas de tout été étonné par ces rapports. Cela ne fait que confirmer tout ce qui se dit déjà au Nord et au Sud-Kivu.

- Afrikarabia : Quel est l'objectif du Rwanda en aidant les mutins ?

- Alphonse Maindo : On peut trouver derrière ce soutien du Rwanda aux rebelles du M23 la quête d'un nouvel homme fort, comme cela a été le cas avec Laurent Nkunda (hors-jeu depuis son arrestation en 2009 par le Rwanda, ndlr) et maintenant Bosco Ntaganda. Aujourd'hui Bosco Ntaganda est devenu infréquentable (il est recherché par la Cour pénale internationale, ndlr). Il a perdu la protection du gouvernement congolais, sous la pression internationale à la suite de la contestation des élections, et maintenant Kinshasa est obligé de faire un geste envers la communauté internationale. Le Rwanda doit maintenant trouver un autre homme fort pour remplacer Bosco Ntaganda. C'est la raison de l'émergence de la rébellion du M23, avec à sa tête le colonel Makenga, qui devrait prendre la place de Ntaganda. Le Rwanda se doit de garder des alliés dans la région (pour des raison sécuritaire mais aussi économique, ndlr), alors d'un côté il allume le feu et en même temps il se présente comme le pompier qui va tout arranger. Ce n'est malheureusement pas le premier à le faire dans la région, Mobutu l'a déjà fait par le passé.

- Afrikarabia : Pourquoi l'armée régulière congolaise (FARDC) n'arrive pas à venir à bout de ces quelques centaines hommes (on parle de 500 mutins) retranchés dans les collines du Nord-Kivu ?

- Alphonse Maindo : Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord des raisons techniques. Nous avons au Nord-Kivu, des soldats congolais qui ne maîtrisent pas bien le terrain qui est très difficile d'accès. Face aux FARDC, on trouve des mutins qui connaissent très bien la région, ce sont des enfants du coin, ils sont nés ici. En plus, ils ont eu le temps de se préparer au conflit. Les mutins occupent des collines et il est très difficile de les déloger. Ils bénéficient également des soutiens de leurs proches qui sont dans la région. Le M23 a également trouvé réfuge "à cheval" sur les frontières entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda, ce qui lui permet de trouver facilement de l'aide, des armes et des vivres.
Du côté de l'armée régulière congolaise, les troupes proviennent de Kindu, dans la province du Maniema (à plusieurs centaines de kilomètres des zones de combats, ndlr). Ils ne connaissent donc pas le terrain. Lors de ma mission à Goma le mois dernier, j'ai appris que les soldats congolais auraient refusé d'aller se battre sur le front. Une des raisons serait la suivante : il y a plusieurs semaines, ces soldats avaient encerclé la ferme de Bosco Ntaganda dans le Masisi et attendaient l'ordre de leur hiérarchie pour lancer l'assaut final et capturer le général rebelle. Et visiblement, on leur a demandé de stopper l'offensive, ce qui expliquerait leur mécontentement. Selon ces soldats, ce n'est pas la première fois que ce genre de contre-ordre est donné, y compris au moment de la rébellion de Laurent Nkunda (en 2008, ndlr).

- Afrikarabia : Pourquoi les casques bleus de la Monusco, pourtant très présents dans la région, n'arrivent pas à ramener la paix ?

- Alphonse Maindo : Pour la Monusco, les raisons sont différentes. Contrairement aux FARDC, les casques bleus ont les moyens de combattre. Les soldats de la Monusco sont bien équipés, bien payés, ce qui n'est pas le cas de l'armée congolaise. La Monusco devrait faire la différence sur le terrain. Pourquoi n'y arrivent-ils pas ? Tout d'abord, les règles d'engagement sont trop complexes à appliquer. Comme toutes les opérations de maintien de la paix, il faut de nombreuses autorisations pour ouvrir le feu. Ces autorisations viennent de New-York, puis des commandements des pays qui sont engagés sur le terrain... c'est trop complexe. Ensuite, il ne faut pas oublier que ce sont des troupes qui viennent de pays en voie de développement. Les soldats de ces pays viennent là pour gagner un peu d'argent et pour en profiter, il vaut mieux revenir de sa mission vivant plutôt que mort... ce qui est normal ! Cette notion joue sur l'engagement des troupes sur le terrain. Les Etats-majors veulent également minimiser les pertes humaines dans leurs rangs et cela explique que la Monusco s'engage le moins possible face aux groupes armés. Alors évidemment on peut changer le mandat de la Monusco, mais je ne vois pas ce que l'on pourrait donner de plus à ce mandat. Ils ont déjà tout. Les brigades de la Monusco qui sont au Kivu et en Ituri ont les outils juridiques qui permettent un réel engagement militaire pour imposer la paix.

- Afrikarabia : Est-ce que ce conflit peut durer longtemps ?

- Alphonse Maindo : Je crains que cela dure très longtemps. Il sera difficile de déloger ces rebelles des collines du Nord-Kivu. La stratégie du M23 et de Bosco Ntaganda est de tenir le plus longtemps possible. Je pense également qu'il sont en train de s'organiser aujourd'hui pour passer à l'offensive pour récupérer du matériel et des armes. Et comme ils sont adosser à la frontière rwandaise, où il y a du trafic d'armes de toutes sortes... ils tiendront longtemps.

- Afrikarabia : Qu'est-ce-qui peut faire évoluer la situation et apaiser les tensions à l'Est de la RDC ?

- Alphonse Maindo : Deux éléments pourraient faire évoluer la situation. Tout d'abord une forte pression de la communauté internationale. Et il faut frapper là où ça fait mal. Les deux principaux acteurs de ce conflit, le Rwanda et la RDC, vivent pour plus de 50% de l'aide internationale. Si on donne un signal clair pour dire : "stop ! sinon on coupe les vivres", je crois que les gouvernements vont y réfléchir à deux fois avant de laisser pourrir la situation. Deuxième élément : il faut susciter l'intérêt de cette communauté internationale et seuls les Congolais eux-mêmes peuvent le faire. Ils doivent se mobiliser massivement pour dire : "on veut la paix !". Je pense que cela peut éveiller la conscience de la communauté internationale.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Alphonse Maindo à Paris en juin 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

Alphonse Maindo est l'auteur de :
"L"état à l'épreuve de la guerre en Afrique centrale"
Ed. Universitaire européennes
Avril 2012 - 580 pages - 98 euros

12 juin 2012

RDC : "La Monusco a perdu sa crédibilité" selon Louise Arbour

Alors que l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est toujours en proie à de violents combats entre rebelles et forces gouvernementales, le mandat de la Monusco arrive à son terme le 30 juin 2012. Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité, la présidente d'International Crisis Group (ICG), Louise Arbour, dénonce les échecs de la mission des casques bleus en RDC et demande de "réorienter les efforts de la Monusco" sur le terrain.

Capture d’écran 2012-06-12 à 12.33.06.pngLa région des Kivus, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est à nouveau le théâtre de violents affrontements depuis la défection, début avril, de centaines de soldats qui ont rejoint le général mutin en fuite Bosco Ntaganda, recherché depuis 2006 par la Cour pénale internationale (CPI). Selon Louise Arbour, la présidente d'International Crisis Group (ICG), l'histoire à tendance "à se répéter" dans cette zone. En 2008, déjà, un autre général rebelle, Laurent Nkunda (dont Ntaganda était l'adjoint) défiait par les armes Kinshasa, au Nord-Kivu. En 2012, les combats entre les mutins de Ntaganda et du M23, un mouvement rebelle associé, ont provoqué la fuite de plus de 200.00 Congolais au cours des deux derniers mois. Le plus étonnant, c'est que ce drame se déroule devant la plus importante mission de casques bleus dans le monde, la Monusco, qui semble assister impuissante à la lente descente aux enfers des populations civiles.

Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité des Nations-Unies, Louise Arbour tire la sonnette d'alarme : "la Monusco a perdu sa crédibilité et a un besoin urgent de réorienter ses efforts". "Sans approche nouvelle, la Monuco risque de devenir une coquille vide… à 1,5 milliard de dollars" explique la présidente d'ICG. Si Louise Arbour reconnait des progrès, notamment, dans la lutte contre la milice d'origine rwandaise des FDLR, la stratégie de la Monusco n'est pas la bonne. Selon elle, la Monusco a surestimé "le rapprochement entre la RDC et le Rwanda de 2009 pour contenir le conflit dans les Kivus". La mutinerie en cours est la preuve pour Louise Arbour, que "peu de progrès ont été accompli dans la stabilisation" de la région.

La présidente d'International Crisis Group (ICG) dénonce également "le soutien technique et logistique" de la Monusco dans l'organisation des "élections truquées en 2011 et l'incapacité à promouvoir avec succès le dialogue entre les parties". ICG demande des améliorations importante à la Commission électorale congolaise (CENI) et notamment la transparence dans la logistique du processus électoral.

Côté sécuritaire, Louise Arbour pointe "le manque de clarté quant à la stratégie militaire globale" de la mission de la Monusco. La réforme du secteur de la sécurité (RSS) est "vitale pour la stabilité de la RDC" et "sans engagement clair du président Kabila et de son gouvernement", cette réforme continuera à rester au point mort, estime Louise Arbour. Afin, la présidente d'ICG,  demande "l'arrestation de Bosco Ntaganda et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI)" et souhaite que le gouvernement remette en chantier "la décentralisation et la lutte contre la corruption".

Louise Arbour compte donc sur le prochain renouvellement du mandat de la mission des Nations unies, qui arrive à son terme le 30 juin 2012, pour forcer le Conseil de sécurité à repenser complètement sa stratégie en RDC. Nous l'avons vu récemment avec les dernières élections contestées de novembre ou le conflit à l'Est, la Monusco n'a jamais été mesure de peser sur le cours des événements au Congo, simplement cantonnée à un simple rôle d'observateur. Rappelons que 20.000 casques bleus sont stationnés en RDC.

Christophe RIGAUD

Photo : Casque bleu en patrouille à Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

06 juin 2012

RDC : Provinciales et Sénatoriales fixées en février et juin 2013

Les dates des prochaines élections locales sont désormais fixées en République démocratique du Congo (RDC). Les élections provinciales se dérouleront le 25 février 2013, alors que les Congolais éliront leurs sénateurs le 5 juin 2013. Prévues en 2012, ces élections ont été reportées à la suite des nombreuses irrégularités des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Logo CENI.pngLe long cycle électoral entamé fin 2011 par les élections présidentielles et législatives, prendra fin en juin 2013, avec une année de retard sur le calendrier fixé par la Commission électorale (CENI).

Les députés des onze provinces de République démocratique du Congo se feront élire le 25 février 2013, les résultats provisoires seront publiés le 12 avril et les définitifs le 20 juin. Les élections sénatoriales se dérouleront le 5 juin 2013, les résultats provisoires seront donnés le jour même et les définitifs le 13 août. L'élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces, prévue le 22 juin 2013, se fera avant les scrutins locaux pour les conseillers urbains (5 février 2014), les chefs de secteurs et bourgmestres (30 mars) et les maires (31 mars 2014).

Après les nombreux dysfonctionnements et les irrégularités des élections présidentielle et législatives de novembre 2011, la Commission électorale (CENI) avait décidé, sous la pression internationale, de reporter les autres scrutins. Les missions d'observations de l'Union européenne et du Centre Carter avaient sévèrement critiqué l'organisation des élections de novembre, remettant en cause la crédibilité du scrutin. L'opposition congolaise, qui conteste  a réélection du président Joseph Kabila demande la démission de la CENI qu'elle juge partiale.

05 juin 2012

RDC : La veuve de Fidèle Bazana toujours en quête de justice

Deux ans après l'assassinat du militant des droits de l’homme, Floribert Chebeya, et de son assistant Fidèle Bazana, sa veuve peine à faire son deuil. Après un premier procès qui n'avait satisfait personne, des ONG réclament un nouveau procès en appel afin de faire comparaître John Numbi, le chef de la police avec lequel Chebeya et Bazana avaient rendez-vous le jour des faits.

filtre IMG_7390.jpgLe 2 juin 2010, le corps de Floribert Chebeya, directeur de la Voix des sans voix, une ONG des Droits de l'homme, a été découvert dans sa voiture à la périphérie de Kinshasa. Son assistant et chauffeur, Fidèle Bazana, est porté disparu. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Deux ans après les faits, l'émotion et l'indignation sont encore intacts à Kinshasa. Ce double assassinat avait suscité les vives protestations de la communauté internationale et avait fortement embarrassé le président Joseph Kabila. Quatre personnes ont été condamnées à la peine capitale au terme d'un procès et trois des huit policiers poursuivis dans cette affaire ont été acquittés. Mais ce verdict n'a pas contenté les partie civiles, persuadées que les vrais commanditaires n'étaient pas dans le box des accusés.

Les avocats des familles Chebeya et Bazana avait notamment regretté que celui qu’ils considèrent comme le "suspect numéro un", le général John Numbi, le chef de la police, n’ait pas été inculpé mais seulement entendu comme témoin. Chebeya et Bazana avait en effet rendez-vous chez John Numbi le soir des faits.

Pour continuer à mettre la pression sur Kinshasa, des organisations des Droits de l'homme réclament un procès en appel. Pour les parties civiles, ce nouveau procès devant une juridiction militaire permettrait de faire comparaître le Général John Numbi, le chef de la police à l’époque et personnage-clé de l'affaire.

Pour Marie-Josée Bazana, la veuve de l'assistant de Floribert Chebeya, le deuil est impossible à faire. Le corps de son mari n'a toujours pas été restitué et le premier procès résonne comme "une mascarade". Marie-Josée Bazana estime que le premier procès s'était tenu "grâce à la pression internationale" et souhaite donc à nouveau une pression maximale de la communauté internationale sur Kinshasa pour un procès en appel. Nous avons rencontré Marie-Josée Bazana devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie lors de la manifestation contre la tenue du 14ème Sommet à Kinshasa en octobre 2012... une bonne occasion pour la veuve de Fidèle Bazana de demander que justice soit enfin rendue. Regardez son interview.


La veuve de Fidèle Bazana toujours en quête de... par ChristopheRigaud

Christophe RIGAUD

Photo : Marie-Josée Bazana à Paris le 2 juin 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

03 juin 2012

RDC : "Hollande ne doit pas aller à Kinshasa" selon l'opposition à Paris

Une centaine d'opposants congolais ont manifesté samedi 2 juin devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Paris contre la tenue du 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa. L'Apareco qui organisait le sit-in, a demandé à François Hollande "de ne pas se rendre à Kinshasa" et promet des manifestions dans la capitale congolaise pendant le Sommet.

filtre IMG_7302.jpg"Kabila dégage ! Ingeta (c'est d'accord)", "Hollande tiens tes promesses !" tels étaient les slogans scandés ce samedi devant le siège parisien de l'Organisation Internationale de la Francophonie. La manifestation était organisée par l'Apareco, d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller sécurité de Mobutu et par le Mouvement des Patriotes Résistants Combattants de la diaspora congolaise. Dans la foule, des sympathisants de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, du MLC de Jean-PIerre Bemba ou du RCK.

A moins de 5 mois du 14ème Sommet de la Francophonie de Kinshasa, les manifestants souhaitaient se rappeler au bon souvenir du nouveau président français, François Hollande. Pendant la campagne, le député de Corrèze avait suscité un réel espoir chez les opposants au président congolais Joseph Kabila. François Hollande avait annoncé "une rupture (…) nécessaire par rapport à des usages qui n'ont rien d'acceptable ni de légaux" et estimait que "sur les régimes eux-mêmes, les règles doivent être celles de la démocratie". Et pour l'opposition congolaise, "la démocratie n'est pas respectée en RDC".

filtre IMG_7227.jpgAprès un épisode électoral entaché de nombreuses irrégularités et "peu crédible, suite à des fraudes massives et des cas de violences et d'assassinats", l'Apareco estime "ne pas comprendre que les mêmes chefs d’États et de gouvernement qui avaient tous boycotter la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila le 20 décembre 2011", participent à ce sommet. Les manifestants ont donc clairement demandé à François Hollande de renoncer à se rendre à Kinshasa afin de ne pas "cautionner" le pouvoir en place qu'ils jugent "illégitime". Pour l'opposition, c'est en effet le leader de l'UDPS Etienne Tshisekedi (dont le portrait était largement brandi à Paris), qui aurait remporté les élections.

Pour l'instant, Paris et Kinshasa maintiennent les préparatifs du Sommet, prévu en octobre prochain dans la capitale congolaise. L'ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, a même estimé sur RFI "qu'il n'y a pas de mise en cause à ce stade, de quelque participation que ce soit"… d'où la colère des manifestants congolais. "Hollande nous a trahi, nous avons voté pour lui et il va serré la main de Kabila, c'est une honte !" nous explique un manifestant désabusé, qui ne croit guère au boycott de Hollande.

La conseillère spéciale de président de l'Apareco, Candide Okeke, s'est longuement entretenue avec les conseillers d'Abdou Diouf, le patron de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Et elle prévient : "si rien n'est fait, les 12, 13 et 14 octobre, nous manifesteront dans les rues de Kinshasa. La dernière fois que la population est sortie dans la rue, elle a été accueillie par des chars. On verra bien ce que fera Kabila". Reste à savoir si l'UDPS, le principal parti d'opposition à Kinshasa, appellera les Kinois à descendre dans la rue.

Christophe RIGAUD

Regardez les interviews accordées à Afrikarabia par Rolain Ména, président Europe de l'Apareco et Candide Okeke, directrice de cabinet du président de l'Apareco.


RDC : Manifestation contre le Sommet de la... par ChristopheRigaud

31 mai 2012

RDC : Manifestation à Paris contre le sommet de la Francophonie

L'opposition congolaise manifestera samedi 2 juin à Paris contre la tenue du prochain sommet de la Francophonie organisé en République démocratique du Congo (RDC). L'Apareco et le mouvement des Patriotes Résistants Combattants demandent à l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) de "renoncer au maintien du sommet à Kinshasa dans le contexte actuel". L'opposition dénonce "les fraudes massives", "les violences et les assassinats" durant les dernières élections de novembre 2011.

Capture d’écran 2012-05-31 à 21.14.10.pngLa diaspora congolaise, opposée au régime de Kinshasa, manifestera ce samedi devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Paris. Les organisateurs de ce sit-in, l'Apareco (d'Honoré Ngbanda) et la mouvance Patriotes Résistants Combattants, souhaitent protester contre "le projet indécent et scandaleux de la tenue du prochain Sommet de la Francophonie" en République démocratique du Congo du 12 au 14 octobre 2012 à Kinshasa.

L'opposition dénonce le climat politique délétère qui règne à Kinshasa, après un scrutin électoral "chaotique" et "peu crédible suite à des fraudes massives, des cas de violences et d'assassinats". L'Apareco estime "ne pas comprendre que les mêmes chefs d’États et de gouvernement qui avaient tous boycotter la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila le 20 décembre 2011", participent à ce sommet. Les manifestants demanderont donc à l'OIF à "renoncer au maintien de ce sommet (…)et appelle le chef de l’État français, François Hollande, à faire preuve de fermeté en ne cédant pas au gouvernement d’occupation présidé par Joseph Kabila".

Pour l'heure, Kinshasa continue activement les préparations du sommet en collaboration avec l'Organisation Internationale de la Francophonie. Du côté de l'Elysée, rien n'a encore filtré sur la présence ou non de François Hollande dans la capitale congolaise. L'ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, estime sur RFI "qu'il n'y a pas de mise en cause à ce stade, de quelque participation que ce soit". L'ambassadeur a consulté le cabinet du président français qui lui a répondu que "la ligne était la même que celle que je défends, c'est-à-dire de soutenir effectivement une participation au plus haut niveau, de notre Etat, comme des autres Etats".

Avec ou sans François Hollande, une chose est sûre, le sommet de Kinshasa sera sans doute la dernière "fenêtre de visibilité médiatique" de l'opposition congolaise pour faire pression sur le président Kabila.

Christophe RIGAUD

28 mai 2012

RDC : Kamerhe à la conquête de l'opposition

C'est un secret de polichinelle. Vital Kamerhe se verrait bien endosser les habits de nouveau patron de l'opposition en République démocratique du Congo (RDC). Arrivé troisième à l'élection présidentielle contestée de novembre, juste derrière "l'opposant naturel" Etienne Tshisekedi, Vital Kamerhe affiche désormais son ambition de leadership sur l'opposition congolaise, avec nombreux atouts… mais aussi de sérieux handicaps.

Capture d’écran 2012-05-26 à 21.52.57.pngDans une conférence donnée à Kinshasa les 23 et 24 mai dernier, Vital Kamerhe a défendu l'idée d'une opposition "solide" et "unie" après les défaites successives des dernières élections présidentielle et législatives de 2011. Le patron de l'UNC se pose en potentiel recours d'une opposition, qui n'a pas su s'unir avant le scrutin pour faire barrage au président Kabila et qui n'a pas su tirer profit des nombreuses irrégularités du vote pour imposer sa victoire ou faire une pression suffisante sur la communauté internationale.

Après ces élections "calamiteuses" selon l'opposition, Vital Kamerhe, est sans doute le seul candidat à sortir renforcer de ce long processus électoral. Le président Kabila, même réélu, a vu sa légitimité écornée, son pouvoir affaibli et sa réputation ternie par les nombreuses irrégularités du scrutin. L'opposant Etienne Tshisekedi, avec son très bon score (malgré les forts soupçons de fraudes massives) s'est enfermé dans une contestation stérile des résultats, sans aucune porte de sortie. L'opposant historique s'est isolé dans un irrédentisme politique basé uniquement sur la non-reconnaissance de la réélection de Joseph Kabila et sur l'exclusion des quelques voix dissonantes de son propre parti (notamment les députés UDPS qui ont accepté de siéger à l'Assemblée en dépit du boycott imposé par le parti).

Vital Kamerhe a donc gagné son pari : réussir sa mue politique et s'imposer comme l'un des 3 leaders de l'opposition, avec Etienne Tshisekedi et dans une moindre mesure, Léon Kengo. Le challenge était de taille : passer de la majorité "pro-Kabila" à l'opposition en moins de 2 ans et créer son propre parti politique. Car, avant d'être un opposant reconnu sur l'échiquier politique congolaise, Vital Kamerhe a passé la majorité de sa carrière politique dans le clan présidentiel, auprès de Joseph Kabila lui-même. Directeur de campagne du président en 2006, co-fondateur du parti majoritaire (PPRD) et président de l'Assemblée nationale jusqu'en 2009, Vital Kamerhe faisait partie du premier cercle des proches de Kabila, avant de démissionner brutalement. La cause du divorce : l'opération militaire conjointe avec le Rwanda dont il n'avait pas été informé. Depuis cette date, il s'est construit patiemment l'image d'un opposant modèle. Certains l'accusent de faire le "grand écart" et d'être passé un peu trop vite dans l'opposition. D'autres lui reprochent son ancienne proximité avec Joseph Kabila, avec qui, il n'aurait pas coupé complètement les ponts (ce qui reste à prouver).

Côté positif, Vital Kamerhe a démontré un dynamisme politique hors pair. En moins de 6 mois, il a en effet réussi le tour de force : de créer son propre parti (UNC), de se présenter à la présidentielle et d'arriver en troisième position (7,74%) et de faire élire 18 députés à ses couleurs à l'Assemblée (lors d'un scrutin plus que douteux). Kamerhe a donc gagné en légitimité et a surtout obtenu son "passeport d'opposant" aux yeux des Congolais. Avec la mise hors-jeu (provisoire ?) d'Etienne Tshisekedi, sa jeunesse, son charisme et son intelligence politique, Vital Kamerhe a également séduit les nombreux déçus de l'UDPS, venus gonfler les troupes de l'UNC.

Mais attention, le leader de l'UNC n'a pas que des atouts. Son passé "pro-Kabila" reste encore son principal handicap. Les nombreuses années passées aux côtés de l'actuel président lui collent à la peau et seul le temps pourra les atténuer. Pendant les élections, il a longtemps été accusé d'être "une taupe de Kabila" pour faire perdre Tshisekedi. Beaucoup n'ont pas vraiment compris son revirement à 180° de mars 2009 et sa démission du perchoir de l'Assemblée nationale. Officiellement Kamerhe n'avait pas apprécié, "l'affairisme" de la majorité, les contrats Chinois de 2007 et l'opération conjointe avec le Rwanda de 2009. De façon plus prosaïque, son ambition personnelle l'aurait emporté sur sa fidélité politique à Joseph Kabila. A 52 ans, Vital Kamerhe estimait sans doute que le seul moyen d'arriver à la magistrature suprême (une ambition clairement affichée) était de basculer dans le camp de l'opposition (encore embryonnaire à l'époque). Pour cela, il fallait rapidement franchir le rubicon et se positionner sur la ligne de départ de la présidentielle de novembre 2011. Avec pour objectif de gagner… peut-être en 2016.

Autre handicap, sa région d'origine. Né dans l'Est de la RDC, le kivutien cultive son encrage local depuis de nombreuses années. Il a d'ailleurs beaucoup contribué à la première élection de Joseph Kabila en 2006, qui a réalisé d'excellents scores dans les Kivu. En 2011, Kamerhe devra sa troisième place aux bons résultats obtenus à l'Est. Revers de la médaille, Vital Kamerhe peine à mobiliser dans les autres régions congolaises et notamment à l'Ouest. Il lui faudra donc trouver la "bonne équation régionale" dans son équipe pour pouvoir s'imposer en dehors de ses terres. En clair, il devra nouer de nombreuses alliances locales, comme il l'a fait avec Ne Muanda Nsemi (ex-Bundu Dia Kongo) dans la province du Bas-Congo. Ce qui nous amène à la dernière faiblesse de Vital Kamerhe : la structure très hétéroclite de son mouvement, composée, comme le disent certains observateurs, d'opportunistes et d'aventuriers politiques sans idéologies claires… dont le pouvoir constitue la seule ambition.

Reste que Vital Kamerhe possède actuellement une opportune fenêtre de tir pour s'imposer. La reprise du conflit à l'Est, ankylose quelque peu le pouvoir en place et l'UDPS peine à trouver la bonne stratégie, suspendue au mutisme de son leader.

Christophe RIGAUD

Photo : Affiche de propagande du candidat Vital Kamerhe lors de la présidentielle de novembre 2011.

20 mai 2012

RDC : "Elections tronquées"… et après ?

6 mois après des élections émaillées de nombreuses irrégularités, la crise politique couve toujours en République démocratique du Congo (RDC), alors que les combats ont repris à l'Est entre milices et l'armée régulière. Pour Afrikarabia, Paul Nsapu, le président de la Ligue des électeurs, revient sur les "élections tronquées" de novembre 2011. Pour ce défenseur des droits de l'homme, "il faut pousser les acteurs politiques au dialogue" et ne pas décevoir les électeurs congolais qui risquent de se détourner des prochains scrutins locaux, fixés début 2013.

Paul Nsapu filtre 1 copie.jpgEn mars 2012, la Ligue des électeurs de République démocratique du Congo, avec l'aide de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), dont Paul Nsapu est le secrétaire général, a publié un rapport complet sur les nombreux dysfonctionnements du processus électoral de novembre 2011. Intitulé : "Elections tronquées en RDC", ce rapport dénonce les irrégularités du scrutin, tout comme l'Union européenne ou le Centre Carter.

- Afrikarabia : Six mois après les élections contestées de novembre 2011, on a l'impression que la RDC est entrée dans une période de normalisation. Faut-il tourner définitivement la page de la contestation électorale ?

- Paul Nsapu : La République démocratique du Congo est actuellement dans une situation de "ni guerre, ni paix". Après l'organisation calamiteuse des élections de novembre dernier, les personnes qui sont aux manettes du pouvoir en sortent très diminuées. Le président Kabila sait pertinemment qu'il n'a pas été élu correctement et a donc perdu sa légitimité populaire. Aujourd'hui, il ne faut pas se voiler la face, il y a bel et bien une crise politique au Congo. Avant, pendant et après les élections, la société civile a démontré toutes les irrégularités du scrutin, mais nous n'avons pas été écoutés. Nous avions tiré la sonnette d'alarme dès la révision du fichier électoral qui s'avérait être biaisé. Il n'y avait plus d'espace pour les mécanismes de contre-pouvoir, notamment avec la CENI (la Commission électorale très controversée, ndlr). A chaque étape, nous avons crié haut et fort, mais les acteurs nationaux ne nous ont pas suivi.

- Afrikarabia : Six mois après que comptez-vous faire ?

- Paul Nsapu : Ce qu'il faut faire maintenant, c'est pousser les acteurs politiques à un dialogue pour "décrisper" la situation. La question est celle-ci : jusqu'où va continuer le pouvoir en bâillonnant comme cela les défenseurs des droits de l'homme ? Nous avons donc besoin d'un climat décrispé et d'un dialogue franc pour remettre en confiance la population, avant les prochaines élections à venir, locales et provinciales (prévues fin janvier 2013, ndlr). Aujourd'hui, nous avons des électeurs déçus et qui nous disent ne pas vouloir aller voter aux prochaines élections. On risque donc de les voir boycotter les élections locales et de conforter la population vers d'autres voix moins "démocratiques".

- Afrikarabia : Sur qui pouvez-vous vous appuyer pour appaiser le climat politique ?

- Paul Nsapu : Nous devons nous appuyer sur nos collègues de la société civile pour produire un plaidoyer fort, notamment sur la restructuration de la CENI (la Commission électorale jugée partiale par l'opposition, ndlr). Si nous n'insistons pas, nous risquons d'être vraiment déçus puisque le pouvoir en place fera tout pour avoir une commission organisatrice des élections à sa solde ! Sur cette question, tous les rapports sont là et la société civile reviendra à la charge. Ensuite, il y aura d'autres actions. Nous publierons un prochain rapport sur les violations des droits de l'homme en RDC, avec non seulement le nom des victimes, mais aussi le nom des auteurs des crimes et des violations ! Il faut à tout prix lutter contre l'impunité.

- Afrikarabia : Est-ce que vous comptez encore sur la communauté internationale pour vous aider dans votre combat ? 

- Paul Nsapu : Les alliés les plus fidèles dans ce combat, ce sont avant tout nos collègues de la société civile en occident (les ONG internationales, ndlr). Ce sont avec eux que nous pourrons aller plaider notre cause dans les enceintes où siègent les décideurs internationaux. La société civile occidentale constitue un levier important pour nous et nous pouvons battre campagne ensemble contre ces politiques que nous condamnons.

- Afrikarabia : Vous n'attendez plus grand chose de la communauté internationale ?

- Paul Nsapu : Je crois qu'il y a toujours des milieux ou des dirigeants internationaux qui comprennent les problèmes de la RDC. Mais ils aimeraient peut-être qu'on leur apportent aussi des propositions efficaces et des solutions. Par exemple pour assainir le secteur de la sécurité et de l'armée, comme un récent rapport le préconise, mais la même chose est possible dans le secteur des élections avec notre rapport de la Ligue des électeurs. Nous avons des propositions concrètes.

- Afrikarabia : Quelle leçon tirez-vous de ce processus électoral ?

- Paul Nsapu : Un énorme gâchis. Ces élections ont démontré qu'il n'y a pas de volonté politique en RDC pour mettre en place un réel processus de démocratisation... et tout cela avec l'argent du contribuable occidental ! Qui, en plus, n'est pas informé de ce qu'on a fait de sa contribution. Voilà des choses que l'on ne peut plus admettre, puisque déjà en 2006, on nous avait promis d'organiser des élections avec un minimum de crédibilité et de transparence. Or, il n'y en a pas eu... ni en 2006, ni en 2011 !

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Paul Nsapu à Paris - Avril 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

16 mai 2012

RDC : Les 12 travaux de Matata Ponyo

Les défis à relever du nouveau premier ministre de République démocratique du Congo (RDC) sont à la mesure des difficultés que traversent le pays : colossaux. Matata Ponyo le reconnaît lui-même, "plusieurs indicateurs sont au rouge" et  "beaucoup reste à faire". Infrastructures, santé, éducation, accès à l'eau ou à l'électricité, corruption... ce ne sont plus les 5 chantiers, mais les 12 travaux d'Hercule qui attendent le chef du gouvernement congolais, avec en prime une nouvelle guerre qui se profile à l'Est.

Image 4.png5 mois après des élections présidentielle et législatives chaotiques et des résultats contestés, le nouveau gouvernement congolais est enfin au travail. Augustin Matata Ponyo a présenté le programme de son gouvernement le 7 mai dernier à l'Assemblée nationale. Et les dossiers urgents ne manquent pas. Au menu : remettre de l'ordre dans le pays, restaurer la paix et relancer l'économie. Car si Matata Ponyo est reconnu pour avoir tenu le cadre macro-économique de la RDC dans les clous des institutions internationales (Banque mondiale, FMI... ), il n'a pas réussi à améliorer un tant soit peu les conditions de vie des Congolais. L'ancien ministre des finances du précédent gouvernement Muzito, aujourd'hui chef du gouvernement a donc du pain sur la planche.

Pour redynamiser l'économie, Matata Ponyo compte s'appuyer sur les "opportunités de développement du secteur agricole", longtemps oublié à la faveur de la rente minière. Son programme vise un taux de croissance de 7% à 15% par an et souhaite voir "éclore le secteur industriel". Matata Ponyo veut également élever la RDC "au rang de pays à revenu moyen" (entre 976 et 11.906 dollars comme l'Afrique du Sud, le Brésil ou l'Argentine) d'ici la fin 2016 et assainir le milieux des affaires. Sur ce point, le chemin à parcourir est titanesque puisque le récent classement "Doing Business" place la RDC au dernier rang des pays concernant le climat des affaires.

Le programme du nouveau premier ministre congolais ressemble mots pour mots aux voeux pieux déjà formulés en 2003 (lors de la transition), en 2006 (lors du premier mandat Kabila) et enfin en 2012 (lors du second mandat Kabila)... sans résultats concrets depuis 9 ans. En 2012, 71% de la population congolaise vit encore avec moins de 1 000 francs (1 USD) par jour.

Pour être crédible, le programme de Matata Ponyo devra être financé. Or, pas un mot sur les recettes escomptées et encore moins sur le budget pour l'année à venir. Avec un peu plus de 6 milliards de dollars de budget (en 2011), l'Etat congolais n'a pas vraiment les moyens de financer ses ambitions. La corruption gangrène toujours le pays, au point de la rendre "endémique", comme le décrit le dernier rapport de l'ONG Transparency International. Ce que l'on appelle la "bonne gouvernance" jouit toujours d'un sérieux déficit en RDC.

Dernier point noir du programme gouvernemental : l'insécurité à l'Est et le risque d'embrasement du conflit au Nord-Kivu. Depuis presque 10 ans, Joseph Kabila promet la paix, sans réussir à l'imposer. De manière récurrente, l'Est de la RDC s'enflamme et une dizaine de groupes armées sèment toujours la terreur dans la zone. Le conflit s'est récemment tendu et les combats ont repris avec la fuite et la traque de Bosco Ntaganda et l'apparition du M23 du colonel Makenga. Sans sécurité en RDC, aucun programme économique ne pourra avoir un quelconque effet sur les conditions de vie de la population. Matata Ponyo le sait bien et a fait du retour au calme au Nord-Kivu sa priorité. Pourra-t-il faire mieux que ses prédécesseurs ? Pas sûr, la sécurité en RDC ne dépend malheureusement pas du seul gouvernement congolais.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

RDC : Ntaganda continue d'enrôler des enfants soldats, selon HRW

En fuite depuis 2 semaines et traqué par l'armée congolaise (FARDC), le général Bosco Ntaganda "a enrôlé au moins 149 garçons depuis le 19 avril" dans sa rébellion, dénonce Human Rights Watch (HRW). Bosco Ntaganda est  recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, mais aussi pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats. HRW estime qu'il est "urgent d’arrêter le général renégat".

Image 2.pngDans un communiqué publié à Goma, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), l'ONG, Human Rights Watch affirme que « Bosco Ntaganda a recommencé à commettre contre des enfants des crimes identiques à ceux pour lesquels la Cour pénale internationale a déjà émis à son encontre un mandat d’arrêt », selon Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior pour la division Afrique à Human Rights Watch. « Tant que Bosco Ntaganda sera en liberté, les enfants et les civils vivant dans l’est du Congo seront exposés à un risque sérieux pour leur sécurité. »

D’après les conclusions de Human Rights Watch tirées d’entretiens avec des témoins et des victimes, les troupes de Ntaganda – estimées entre 300 et 600 soldats qui l’ont suivi dans sa mutinerie – ont recruté de force au moins 149 garçons et jeunes hommes dans les environs de Kilolirwe, de Kingi, de Kabati et d’autres localités sur la route de Kitchanga, dans le territoire de Masisi, dans la province du Nord-Kivu, entre le 19 avril et le 4 mai. Au moins sept garçons sont morts dans les combats. Les garçons et jeunes hommes enrôlés de force étaient âgés de 12 à 20 ans et appartenaient pour la plupart aux groupes ethniques tutsi et hutu. Au moins 48 d’entre eux avaient moins de 18 ans, et 17 avaient moins de 15 ans. D’après les schémas de recrutement documentés, Human Rights Watch pense que l’activité réelle de recrutement pendant cette période peut avoir été considérablement plus importante.

Selon Human Rights Watch, «le gouvernement congolais doit mettre fin au cycle destructeur de protection des auteurs d’atteintes graves aux droits humains et doit, au lieu de cela, les arrêter ». « Le moment est venu d’arrêter Ntaganda, et les Casques bleus de l’ONU doivent tout faire pour soutenir les efforts du gouvernement congolais en la matière », a conclu Anneke Van Woudenberg.

13 mai 2012

RDC : Le M23 revendique le leadership de l'ex-CNDP

Depuis deux semaines, le Nord-Kivu est en proie à d'intenses combats entre des mouvements rebelles et l'armée congolaise. Deux groupes, maintenant distincts, affrontent les soldats de Joseph Kabila : le M23 du colonel Sultani Makenga et les éléments fidèles au général en fuite Bosco Ntaganda, que Kinshasa veut capturer. Au-delà de la guerre entre forces loyalistes et rebelles, une autre bataille a commencé, celle de la lutte d'influence au sein de l'ex-CNDP.

carte RDC Afrikarabia Virunga.jpgDepuis le 29 avril, deux rébellions défient l'armée congolaise (FARDC) dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a tout d'abord les éléments armés fidèles au général Bosco Ntaganda, un ex-rebelle du CNDP, intégré dans l'armé régulière depuis les accords de paix de 2009 et désormais recherché par Kinshasa et par la Cour pénale internationale (CPI). En fuite, dans son fief du Masisi, Bosco Ntaganda a gagné la zone frontalière entre le Rwanda et l'Ouganda, puis le parc des Virunga. Selon Kinshasa, Ntaganda se serait aujourd'hui réfugié dans la région de Mikeno et Karisimbi.

Il y a une semaine, un nouveau courant au sein du CNDP a opportunément vu le jour. Il s'agit du M23 (Mouvement du 23 mars), qui revendique l'application des accords de 2009 entre la rébellion du CNDP et les autorités congolaises. Cet accord prévoyait, entre autre, la transformation du CNDP en formation politique. Dans un premier temps, cette "nouvelle rébellion", a été présentée par les médias internationaux comme étant proche de Bosco Ntaganda. Certains sites internet affirmaient même que le M23 protégeaient Ntaganda dans sa fuite. En fait, ce "courant" a été créé par des membres du CNDP "historique", encore fidèles à son fondateur Laurent Nkunda. Le M23 est donc tout, sauf "proche" de Bosco Ntaganda, qu'il considère comme un traitre. En effet, en 2009 un renversement d'alliance surprise faisait imploser le CNDP. Bosco Ntaganda rejoignait camp de Kinshasa et Laurent Nkunda était arrêté par l'ancien allié rwandais. Pour les membres du M23, il s'agissait d'une trahison pure et simple.

Ala tête du M23, on retrouve aujourd'hui le colonel Sultani Makenga, qui a déserté l'armée avec plusieurs dizaines d'hommes pour se réfugier avec sa troupe d'insurgés dans le territoire de Rutshuru, à la frontière du Rwanda et de l'Ouganda, puis dans la région de Runyoni. Samedi, l'armée congolaise a lancé ses hélicoptères de combats contre le colonel Makenga, sans succès.

Ces deux rébellions font désormais face à l'armée régulière congolaise avec deux objectifs distincts : les pro-Ntaganda veulent sauver leur chef d'une probable arrestation et le M23, plus politique, souhaite recréer un rapport de force avec Kinshasa, pour défendre les intérêts de la communauté tutsi du Nord-Kivu et notamment dans les institutions politiques locales et nationales.

Selon Jean-Paul Epenge, le numéro 2 du mouvement M23, cette confusion entre ex-CNDP, M23 et pro-Ntaganda "a été volontairement entretenue par Kinshasa pour nous diaboliser", nous a-t-il déclaré. "Il n'y a pas de création d'un autre CNDP ou d'un autre mouvement rebelle", explique-t-il. "Bosco Ntaganda n'a jamais été fondateur ou président du CNDP. Il a profité de son alliance avec Kinshasa pour imposer son faux CNDP, par traîtrise. Le M23 réactive l'aile militaire pour corriger les erreurs des uns et des autres afin de redémarrer les négociations sur des bonnes bases entre le CNDP et le gouvernement congolais, c'est à dire celles de Nairobi."

Au Nord-Kivu, deux fronts se sont donc ouverts face aux soldats de Kinshasa. Pour l'instant, les forces armées congolaises (FARDC) semblent contrôler la situation. Mais 3 jours après leur ultimatum, les soldats du président Kabila n'ont toujours pas réussi à mettre la main sur Ntaganda ou à stopper les insurgés du M23. Si pour l'heure, les rebelles ne sont pas en mesure de menacer l'autorité de Kinshasa au Nord-Kivu, ce climat d'insécurité ne peut s'éterniser, au risque de provoquer l'intervention des armées voisines, rwandaises ou ougandaises.

Christophe RIGAUD

10 mai 2012

RDC : "Au Kivu, la solution est politique" selon Thierry Vircoulon (ICG)

Au Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), les combats déclenchés par la traque du général Bosco Ntaganda, que Kinshasa cherche à capturer ont provoqué un regain de violence. Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), la crise qui secoue les Kivu n'est pas uniquement militaire, elle est aussi politique et la tentative d'arrestation de Ntaganda retarde son règlement.

Vircoulon filtre 1.jpgDepuis le 29 avril, de violents combats ont opposé, dans la province du Masisi, l'armée régulière de République démocratique du Congo (FARDC) aux hommes de Bosco Ntangada. Ce général Congolais, ex-rebelle du CNDP (groupe militaire défendant les intérêts des Tutsi de la région) est recherché par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Longtemps protégé par le régime de Joseph Kabila, qui l'avait intégré au sein de l'armée, Ntaganda est devenu en quelques semaines persona non grata en RDC pour la communauté internationale. Sous pression de ses principaux bailleurs, Joseph Kabila décide de l'arrêter en lançant une vaste opération militaire dans l'Est du pays pour le dénicher. Ntaganda se réfugie avec ses hommes dans ses terres du Masisi, puis dans le parc des Virunga, à la frontière du Rwanda.

En moins de deux semaines, les combats ont provoqué l'exode de plusieurs milliers de personnes dans le Masisi. Cette traque constitue un nouveau cour dur pour la population civile du Nord-Kivu, cruellement touchée par une guerre larvée qui secoue la région depuis plus de 15 ans.

- Afrikarabia : L'arrestation probable de Bosco Ntaganda peut-elle résoudre l'insécurité qui règne à l'Est de la RDC ?

- Thierry Vircoulon : Tout d'abord, le CNDP, ce mouvement politico-militaire dont Bosco Ntganda est le leader, survivra à l'arrestation éventuelle de son chef. Deuxième problématique : cette tentative d'arrestation a télescopé le résultat des élections ratées de novembre 2011, puisqu'au Nord-Kivu, les élections législatives ont été annulées dans le Masisi, qui s'avère être le fief de la communauté tutsi, là où est actuellement réfugié Bosco Ntaganda. Ce qui est en jeu pour les Tutsi congolais, avec ces élections, c'est bien sûr le contrôle des institutions politiques du Nord-Kivu. Et en observant cette intervention militaire contre Ntaganda, un certain nombre de Tutsi se sont dit qu'il y avait une volonté de Kinshasa de désarmer la communauté tutsi et de réduire son poids politique au Nord-Kivu. D'autant que les élections provinciales sont repoussées… en 2013 ! On se retrouve donc dans une situation d'incertitude politique complète sur l'avenir de la province.

- Afrikarabia : Alors que Kinshasa semble vouloir régler la question militairement, vous pensez que la situation ne peut se régler que politiquement ?

- Thierry Vircoulon : Il est clair qu'il y a un fond de vérité dans la revendication du CNDP sur la mise en place de l'accord politique de 2009 (qui prévoyait l'intégration du CNDP dans la vie politique congolaise, ndlr). Le CNDP était rentré dans l'armée régulière, au point de contrôler une bonne partie de l'armée dans l'Est de la RDC, mais n'avait pas encore fait sa mue politique. Cette mue devait se faire à travers les élections de novembre 2011, aussi bien sur le plan national que provincial, or cela n'est pas encore fait. Donc le CNDP reste plus un mouvement armé, qu'un parti politique : sa transformation reste à faire. On peut d'ailleurs comparer le CNDP avec l'UPC, un autre mouvement rebelle d'Ituri, qui lui, a désormais des représentants politiques depuis 2006 et en aura encore dans les prochaines assemblées. Le problème réside dans la mue politique du CNDP. Il faut que les conditions soient réunies pour qu'elles se fassent, cela apaisera certainement les tensions.
Autre phénomène inquiétant, ce sont les autres groupes rebelles comme les Maï-Maï ou les FDLR qui ont senti qu'il y avait une fenêtre d'opportunité avec la mutinerie de Bosco Ntaganda pour se positionner et rebattre un peu les cartes avec les élections. Cette situation actuelle dans les Kivu est vraiment le reflet de tout ce qui n'a pas été achevé et réalisé lors du dernier mandat de Joseph Kabila, à savoir la fin des groupes armés dans l'Est du pays.

- Afrikarabia : Pourquoi l'accord de paix de 2009 n'a pas été respecté ? Pourquoi le CNDP n'a pas eu accès aux institutions politiques congolaises ?

- Thierry Vircoulon : Essentiellement à cause de l'opposition des nombreuses communautés du Nord-Kivu, comme les Nande, les Hunde... qui ne veulent pas que les Tutsi du Nord-Kivu occupent une place trop grande. La composante militaire de l'accord 2009 a été mise en place (l'intégration des rebelles du CNDP dans l'armée régulière, ndlr). Cette composante militaire a alors provoqué de nombreuses controverses  et de nombreuses oppositions au Nord-Kivu et j'ai le sentiment que le gouvernement de Kinshasa n'a pas voulu aller trop loin dans l'application du volet politique de l'accord. Il y avait une sorte de modus vivendi avec le CNDP : le mouvement continuait de contrôler 90% de l'armée dans le Nord-Kivu et la question politique devait être réglée avec ces élections. Ils ont pu vivre comme cela pendant 2 ans, mais aujourd'hui, on est arrivé à terme.

- Afrikarabia : Quelle est la position du Rwanda voisin sur le "cas Ntaganda" et a-t-elle évolué ?

- Thierry Vircoulon : Je crois que Kigali n'avait pas l'intention d'apparaître comme soutenant quelqu'un qui était recherché par la Cour pénale internationale (CPI). C'était très mauvais en terme d'image. Par contre, Kigali est toujours très sensible à l'argument de la sécurité des Tutsi congolais et souhaite toujours garder la main sur la situation militaire au Nord-Kivu. Par conséquent, certaines voix se sont élevées à Kigali pour dire que, finalement, cette tentative d'arrestation était un peu "téméraire" et que Bosco Ntaganda jouait un rôle important dans l'équation de paix au Nord-Kivu et qu'il fallait faire très attention à un possible retour des FDLR (milice commandée par d'anciens génocidaires hutu, ndlr). On voit de nouveau l'argument sécuritaire agité par Kigali qui ne verrait pas d'un très bon oeil le désarmement des Tutsi au Nord-Kivu.

- Afrikarabia : L'arrestation de Bosco Ntaganda, aussi légitime soit-elle, ne résoudrait donc aucun des problèmes qui secouent l'Est de la RDC ?

- Thierry Vircoulon : L'arrestation de Ntaganda ne résout aucun des problèmes parce qu'il s'agit  essentiellement de problèmes structurels et non pas de problèmes individuels qui dépendent d'une ou deux personnes. Ce sont des problèmes de relations intercommunautaires, de représentativités politiques… et ce n'est pas en fraudant les élections qu'on les règle. La tentative d'arrestation de Bosco Ntaganda a ainsi réouvert la compétition pour le pouvoir au Nord-Kivu.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Th. Vircoulon à Paris en mai 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

08 mai 2012

RDC : Le CNDP se recompose

Le bras de fer entre l'armée congolaise et l'ex-rebelle du CNDP, Bosco Ntaganda provoque la création d'un nouveau mouvement baptisé : Armée Nationale Congolaise/CNDP (ANC/CNDP). Cette "clarification" au sein de la rébellion intervient à quelques jours d'un ultimatum fixé par les autorités congolaises demandant aux mutins de se rendre. Le Colonel Sultani Makenga prend la tête de ce mouvement.

Capture d’écran 2012-05-08 à 12.39.12.pngDans un récent communiqué, des membres du CNDP "historique", proches de l'ancien général rebelle Laurent Nkunda prennent leur distance avec les mutineries dans l'armée congolaises provoquées par la volonté de Kinshasa d'arrêter leur chef, Bosco Ntaganda. Depuis plus d'une semaine l'armée congolaise traque le général ex-CNDP Bosco Ntaganda dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'bbjectif annoncé par Kinshasa est clair : l'arrestation de Ntaganda demandée par la communauté internationale et la Cour pénale internationale (CPI). Le général Ntaganda s'est d'abord réfugié dans le Masisi avec se retrancher dans le Rutshuru, à la frontière du Rwanda et de l'Ouganda. Le gouvernement congolais a donné jusqu'au jeudi 10 mai aux mutins pour se rendre.

Ce nouveau mouvement affirme vouloir faire respecter l'accord de paix de 2009 qui devait transformer le CNDP en formation politique. L'ANC/CNDP se trouve désormais sous le commandement du Colonel Sultani Makenga. Ce militaire venu du Sud-Kivu avait récemment fait défection et pris le maquis avec 80 de ses hommes. L'épreuve de force se trouve donc relancée entre Kinshasa et la rébellion tutsi. Ce nouveau mouvement arrive à point nommé et prépare sans doute "l'après Ntaganda", lorsque Kinshasa cherchera un nouvel interlocuteur au sein des tutsi du Kivu.

Christophe RIGAUD

06 mai 2012

RDC : Le degré zéro de la politique ?

Candidat aux dernières élections législatives, Gaspard-Hubert Lonsi Koko analyse dans son dernier ouvrage le processus électoral chaotique de novembre 2011 et l'incurie de la classe politique congolaise. Dans "Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique" (*) Lonsi Koko appelle à une recomposition de l'opposition et trace les contours d'une nouvelle classe politique congolaise qui a "urgemment besoin d'inventeurs d'avenir". Afrikarabia l'a rencontré à Paris.

GH Lonsi Koko filtre 3.jpg- Afrikarabia : Vous êtes retourné en République démocratique du Congo pour vous présenter aux élections législatives de novembre 2011 à Madimba, dans le Bas-Congo. Dans votre ouvrage vous écrivez avoir reçu "un choc" en retournant à Madimba ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Ce qui m'a choqué c'est la condition sociale et le niveau de vie de la population. Madimba est la terre d'origine de mes parents et j'y passais toute mes vacances. J'ai des souvenirs de Madimba hier, meilleurs qu'aujourd'hui. Tout ce que j'ai connu enfant s'est dégradé : les routes, la déforestation, il faut aller puiser l'eau potable un peu plus loin, il faut maintenant aller chercher sa nourriture à Kinshasa alors que par le passé c'était Madimba qui pourvoyait Kinshasa en nourriture… Si on souffre comme cela dans les campagnes, c'est qu'il y a un vrai problème politique en RDC, un pays immensément riche. Voilà la principale motivation de ma candidature aux législatives.

- Afrikarabia : Dans votre livre vous racontez le déroulement chaotique des élections de novembre. Comment voyez-vous la pratique de l'exercice politique au Congo-Kinshasa ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Un élément m'a surpris positivement, c'est l'envie des Congolais d'aller aux élections. Cela montre que, malgré les imperfections du scrutin, on ne peut plus aspirer à un mandat politique sans passer par des élections. Il y a désormais cette volonté d'aller systématiquement aux élections et j'ai trouvé cela intéressant. Au-delà de ce phénomène, beaucoup de choses m'ont déçu, d'où le titre du livre "Congo-Kinshasa, le degré zéro de la politique". Comment peut-on se présenter à une élection présidentielle sans avoir un programme et un projet de société digne de ce pays ? J'ai vu pendant les débats télévisés, certains candidats et non des moindres, qui ne se sont même pas déplacés pour dire pourquoi ils sollicitaient les suffrages du peuple congolais ! Ils n'ont envoyé que des émissaires ! Il n'y a eu que messieurs Kamerhe et Kashala qui ont essayé de parler d'un projet de société, qui pour moi étaient d'ailleurs très légers. Je n'ai pas vu le projet du candidat Kabila, ni le projet du candidat Tshisekedi. Ces deux personnes ne sont même pas venus à la télévision pour s'adresser aux Congolais. D'un autre côté, la population est encore immature politiquement… on dit d'ailleurs que l'on a les responsables politiques que l'on mérite. Faire de la politique en RDC ne constitue pas un engagement idéologique. C'est une activité professionnelle qui permet de se "remplir le ventre". La campagne ne se conçoit pas sur un projet politique mais uniquement sur des promesses électorales, moyennant des tee-shirts, des bouteilles de bière et quelques promesses d'embauche.

- Afrikarabia : On craignait une vague de contestation importante et des manifestations violentes après les irrégularités et les soupçons de fraudes massives pendant le scrutin. Il n'en a rien été ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Les Congolais ont élu Etienne Tshisekedi. Mais là où je peux faire des reproches à la population, c'est d'être restée les bras croisés pendant qu'on lui a volé sa victoire ! Les Congolais doivent avoir à l'esprit qu'ils sont souverains. Il fallait que la population descende dans la rue. Peu importe la violence, aucune révolution ne s'est faite sans effusion de sang.

- Afrikarabia : Quel rôle a joué la diaspora ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Malgré des imperfections, les Congolais vivants à l'étranger ont joué un rôle déterminant dans ce qui s'est passé au Congo. Aussi bien en terme de pression qu'en terme de conscientisation de la population restée au pays. Mais elle n'a pas eu droit de s'exprimer (la diaspora n'a pas le droit de vote, ndlr) et son plus grand tort est de ne pas avoir défendu, dès le départ, son droit à être candidat et électeur. Il faut que la diaspora puisse demain obtenir ses droits civiques.

- Afrikarabia : Vous dites qu'il n' y a pas d'idée, que les partis politique sont vidés de leur substance, que les "militants" ne sont souvent que des "figurants" payés pour participer aux meetings…

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : … pour 90% des politiciens congolais, ce sont des professionnels…

- Afrikarabia : … en France ou en Belgique aussi…

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : … même en étant professionnels, les hommes politiques travaillent ici en priorité pour l'intérêt général, plus que pour leurs intérêts personnels. Au Congo, c'est le contraire. Il n'y a pas véritablement d'hommes et de femmes d'Etat en RDC.

- Afrikarabia : Comment pensez-vous faire évoluer cette classe politique ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il faut que le peuple congolais pousse sa classe politique à tendre vers l'excellence. Les Congolais doivent avoir la culture de la sanction. Il faut également que l'opposition ne soit pas uniquement destructrice. L'opposition doit être intelligente et doit être en mesure de proposer une alternative. Pour cela, les Congolais de l'extérieur doivent commencer à retourner au pays pour notamment faire de la politique autrement.

- Afrikarabia : Vous êtes proche de l'opposition, comment voyez-vous sa recomposition après ces élections ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Ces élections ont constitué un moment déterminant pour l'avenir et le devenir de la République démocratique du Congo. Il faut maintenant qu'une relève mette en place une nouvelle opposition, une opposition plus cohérente capable de se concerter pour l'intérêt général. Notre objectif est clair : il doit y avoir un changement de régime à Kinshasa. J'appelle tous les démocrates congolais, toute la jeunesse congolaise qui souhaite le changement à se rassembler et à se concerter. Il ne faut pas non plus cracher sur les anciens, si nous existons aujourd'hui c'est parce qu'il y a eu des personnalités comme Etienne Tshisekedi et d'autres qui ont mené de nombreux combats. C'est à  nous de prendre la relève avec la vision et les méthodes d'aujourd'hui.

- Afrikarabia : Vous dites à la fin de votre ouvrage, après votre défaite aux élections législatives, que "ce n'est pas un échec" et que "ce n'est que partie remise" ?

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko :  Il y a des défaites qui préparent des victoires. C'est sûrement le meilleur moment de ma vie politique.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

(*) "Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique" de Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Editions L'Harmattan - avril 2012 • 152 pages - 15,50 euros

Photo : GH Lonsi Koko à Paris - Avril 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

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03 mai 2012

RDC : Pourquoi le Nord-Kivu s'enflamme de nouveau

Depuis plusieurs semaines, l'armée congolaise affronte les mutins proches de Bosco Ntaganda, un ex-rebelle recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Après avoir longtemps protégé Ntaganda, Joseph Kabila semble maintenant décidé à l'arrêter, au risque de relancer la guerre dans les Kivu. Pierre Jacquemot, chercheur associé à l'IRIS, nous explique pourquoi la violence persiste dans la région et pourquoi Joseph Kabila et Paul Kagame ont décidé de "lâcher" Bosco Ntaganda.

carte RDC Afrikarabia Nord Kivu.jpg- Afrikarabia : Etes-vous étonné de la reprise de la violence ces dernières semaines à l'Est de la République démocratique du Congo ?

- Pierre Jacquemot : La violence est endémique dans cette zone depuis une quinzaine d'années, même si elle se déplace d'une ville à l'autre entre le Nord et le Sud Kivu, Cette violence est liée à plusieurs facteurs qui s'amplifient à certaines périodes. Tout d'abord la présence d'une communauté d'origine rwandaise qui s'est installée après le génocide de 1994 dans des camps de réfugiés, puis plus durablement et qui a ensuite mené des actions armées contre gouvernement rwandais de Paul Kagame. Ce premier groupe se retrouve autour des FDLR (rébellion d'origine hutu, ndlr) et constitue un facteur permanent d'insécurité. D'autant que les FDLR sont également attaqués par des groupes d'origine tutsi - les rebelles du CNDP - qui ont abandonné la rébellion en 2009 après l'arrestation de leur chef Laurent Nkunda et l'allégeance de leur responsable militaire, Bosco Ntaganda, au gouvernement de Joseph Kabila. Vous pouvez ajouter à cela l'existence de groupes armés locaux, que l'on appelle les Maï-Maï, qui passent régulièrement des alliances de circonstance avec telle ou telle rébellion. Il y a également un facteur économique, un besoin important de terres dans la région et les terres des deux Kivu sont particulièrement riches et convoitées. On peut enfin ajouter à cela, la présence de minerais, comme la cassitérite, le coltan ou l'or et vous obtenez tous les ingrédients d'une économie de guerre, depuis que les cours de ces minerais se sont envolés. Certaines mines font l'objet de combats très réguliers entre l'armée congolaise, les FDLR ou le CNDP. Voila le contexte qui permet de comprendre pourquoi il y a en permanence une situation de conflit dans l'Est de la RDC.

- Afrikarabia : La situation échappe complètement à l'armée ?

- Pierre Jacquemot : L'armée est impuissante à remettre de l'ordre car elle est traversée par ses propres contradictions, notamment avec le problème de l'intégration des troupes rebelles en son sein. La Monusco ensuite, bien que forte de 20.000 hommes, le plus fort contingent de casques bleus au monde, est incapable de garantir durablement la sécurité des populations.

- Afrikarabia : Ces dernières semaines, la violence est montée d'un cran dans  les Kivu, avec  l'annonce de la possible arrestation de Bosco Ntaganda ?

- Pierre Jacquemot : Il y a aujourd'hui un enjeu nouveau qui est l'arrestation de Bosco Ntaganda. C'est un individu d'une violence rare que l'on appelait à une époque "Terminator", qui n'a pas hésité à enrôler des enfants soldats et à commettre des délits extrêmement graves. Ntaganda a eu longtemps le soutien du Rwanda, qui maintenant prend ses distances. C'est du moins ce qu'a déclaré Paul Kagame la semaine dernière. Bosco Ntaganda avait lâché son chef, Laurent Nkunda, en 2009, pour rejoindre l'armée régulière congolaise avec 3.000 de ses hommes. En contre-partie, on lui a donné un titre de général et des prérogatives sur une partie du Nord-Kivu. En fait, cette ex-milice du CNDP ne s'est jamais vraiment intégrée dans l'armée. Elle a toujours constitué "une armée dans l'armée" et continuait les trafics de minerais, notamment de Cassitérite et les trafics d'armes. Bosco Ntaganda devrait être déféré auprès de la Cour pénale internationale de La Haye (CPI), mais on tourne autour du pot depuis au moins 18 mois. Il y a d'un côté Human Rights Watch (HRW) qui demande son arrestation en mettant en avant le volet juridique de l'affaire et d'un autre côté, il y a ceux qui pensent qu'il faut prendre un certain nombre de précautions pour éviter les "répercussions négatives" des soldats du CNDP qui défendent encore Ntaganda et qui risqueraient de s'en prendre à la population civile. Et c'est un peu ce qui se passe depuis que la pression s'est accentuée autour de son arrestation. On assiste à des désertions d'officiers du CNDP qui rejoignent des groupes Maï-Maï et c'est bien sûr une source importante d'inquiétude.

- Afrikarabia : Après avoir longtemps protégé son allié Bosco Ntaganda, Joseph Kabila se retrouve face à un dilemme : satisfaire la communauté internationale en arrêtant Ntaganda et prendre le risque de rallumer la guerre à l'Est ou continuer de la protéger et s'isoler sur la scène internationale ?

- Pierre Jacquemot : Il semble que Joseph Kabila a tranché. Visiblement il a évolué dans son attitude puisqu'au départ il était très réticent à l'arrestation de Ntaganda. Je lui ai directement posé la question plusieurs fois. Il était assez évasif, mais il était convaincu que l'individu commettait des exactions et était complètement incontrôlable au sein de l'armée. Kabila a changé de position puisque dernièrement, 14 militaires ex-CNDP ont été transférés à Bukavu pour y être jugés. Il faut également rappeler que Joseph Kabila souhaite retrouver un peu de crédibilité et un peu de "virginité" après des élections qui se sont mal passées en novembre dernier.

- Afrikarabia : Joseph Kabila a-t-il les moyens d'arrêter Ntaganda ?

- Pierre Jacquemot : C'est une opération pas facile à mener. Il faut d'abord l'attraper. Ntaganda est actuellement retranché dans son fief du Nord-Kivu (dans le Masisi, ndlr) qui constitue une sorte de "sanctuaire" dont il sera difficile de le sortir. Je pense qu'il faudra des moyens supplémentaires et je pense aux hélicoptères de la Monusco qui devront l'emmener immédiatement sur Kinshasa et ensuite vers La Haye. Tout doit se passer très vite. A noter qu'il faudra également trouver un autre "chef" à mettre à la tête du CNDP, qui soit loyal à Kinshasa, intègre… et ces conditions ne sont pas faciles à trouver. Sinon nous aurons des ex-miliciens qui vont se retrouver dans la nature sans chef et c'est extrêmement dangereux.

- Afrikarabia : Ntaganda est-il toujours soutenu par le Rwanda ?

- Pierre Jacquemot : Le Rwanda a compris que Ntaganda est une carte qu'il ne peut plus jouer. Le Rwanda n'a plus vraiment besoin de s'occuper des deux Kivu. Les réseaux mafieux sont parfaitement huilés et ils n'ont plus besoin de ces miliciens.

- Afrikarabia : Selon vous, le Rwanda peut-il lâcher Ntaganda ?

- Pierre Jacquemot : Oui je le pense. Soutenir Ntaganda coûte trop cher en terme d'image au Rwanda. En plus, Ntaganda n'est plus vraiment utile en terme économique. Pour gérer les réseaux mafieux à leur bénéfice, ils n'ont pas besoin de Bosco. Il faut également savoir que le coltan et la cassitérite ne rapportent plus autant d'argent qu'il y a encore 2 ans.

- Afrikarabia : Pour quelles raisons ?

- Pierre Jacquemot : Essentiellement à cause de la loi Dodd Franck qui contraint les entreprises américaines à prouver l'origine de la cassitérite et du coltan qu'elles utilisent. Les marchés se sont donc déplacés vers l'Australie et l'Amérique latine. Il y a donc moins d'intérêt économique pour le Rwanda. En plus, ces groupes CNDP sont devenus, avec le temps, des électrons libres et je ne crois pas que Kagame y trouve beaucoup d'intérêts. On peut donc penser que Kabila est assurer d'une certaine neutralité du Rwanda s'il souhaite procéder à l'arrestation de Ntaganda.

- Afrikarabia : Joseph Kabila peut-il être tenté de juger Ntaganda à Kinshasa et de ne pas l'envoyer devant la Cour pénale internationale ?

- Pierre Jacquemot : Je n'ai pas vraiment la réponse. Joseph Kabila peut en effet être tenté de jouer la carte de la fierté nationale, comme les ivoiriens aurait pu refaire avec Laurent Gbagbo. Kabila pourrait effectivement dire : "on est assez grand pour le juger à Kinshasa". C'est un procès qui aurait une grande valeur symbolique et qui, s'il était mené dans de bonnes conditions, pourrait corriger l'impact négatif du procès de l'affaire Chebeya. Ce n'est pas exclu.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

29 avril 2012

RDC : Quelle armée pour le Congo ?

L'armée congolaise est à reconstruire. Après 15 années d'une guerre sans fin, l'armée régulière est toujours incapable d'assurer la sécurité de la population. Pire, elle se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils. Selon un collectif de 13 ONG locales et internationales, réorganiser le secteur militaire et de la sécurité est une priorité absolue pour le pays. Afrikarabia a rencontré Emmanuel Kabengele, membre de la société civile, pour qui, "une vraie réforme de l'armée est une question de volonté politique".

Emmanuel Kagengele 1 filtre.jpgEn République démocratique du Congo (RDC), la réforme du secteur de la sécurité fait toujours office de véritable serpent de mer. Tout le monde en parle, tout le monde promet la réforme, mais rien ne bouge… ou presque. Depuis plus de 15 ans, le pays est ravagé par des conflits successifs. Encore aujourd'hui, une dizaine de groupes armés terrorisent les populations du Nord et de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Désorganisés, mal formés, mal payés, les militaires congolais (FARDC) sont dans l'incapacité de rétablir la sécurité dans ces zones. Ces troupes vieillissantes et non-formées à 70% se retrouvent également accusées des pires atrocités : pillages, viols, meurtres… Résultat : 1,7 million de Congolais sont déplacés dans leur propre pays et 500.000 se sont réfugiés dans les pays voisins.

Un collectif de 13 ONG congolaises, mais aussi internationales, vient de publier un rapport très complet sur la nécessité d'une réforme du secteur de la sécurité. De maigres efforts ont été réalisés par les autorités congolaises, appuyés par la communauté internationale. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Dans ce rapport, ces ONG demandent "un nouvel accord" et un "nouvel engagement du gouvernement congolais" en la matière. Des solutions sont possibles. Mais pour accélérer le mouvement, ces ONG souhaitent que les bailleurs et les pays donateurs de la RDC fassent preuve "d’exigence quant à l’utilisation des montants de l’aide dédiée à la RDC", soit plus de 14 milliards de dollars US entre 2006 et 2010 et conditionnent leur aide, par exemple, au respect des Droits de l'homme au sein de l'armée congolaise.

Ce rapport tombe à point nommé. L'Est du pays menace une nouvelle fois de s'enflammer sous la pression de groupe rebelle et le Président Kabila est toujours en quête de légitimité internationale après les élections très contestées de novembre 2011. La communauté internationale bénéficie donc d'une "fenêtre de tir" idéale pour activer cette réforme de l'armée.

Afrikarabia a rencontré Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ). Ce membre de la société civile a participé au rapport : "RDC : Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité".

- Afrikarabia : Pour quelles raisons l'armée congolaise est-elle incapable d'assurer la sécurité des populations civils et de contrôler son territoire ?

- Emmanuel Kabengele : Il y a des problèmes essentiellement structurels, d'organisation mais il y a surtout un problème d'éthique de responsabilité. Il y a pourtant eu des efforts faits pour une réforme du secteur de la sécurité, notamment sous l'impulsion de la communauté internationale. Le programme de l'Union européenne, EUSEC, est intervenu sur le recensement en réalisant un fichier pratiquement complet des effectifs et un suivi de la chaîne de paiement des salaires et de commandement. Mais ces efforts se sont révélés limités car il n'y avait pas de plan stratégique, ni de vision globale de la réforme de l'armée. Le processus de "brassage" et de "mixage" (la réintégration des mouvements rebelles dans les troupes régulières) pour obtenir une armée réellement unifiée, n'a pas pu aboutir. Sur les 18 brigades qui devraient être réintégrer dans les FARDC, seules 14 ont pu le faire et il y a régulièrement des défections.

- Afrikarabia : Lorsque vous parlez d'éthique, de quoi parlez-vous exactement ?

- Emmanuel Kabengele : Nous parlons d'éthique parce qu'il y a des choses qui se passent en dessous de table. Il y a notamment un certain nombre d'officiers qui tirent profit du contrôle des régions qu'ils dirigent. Un rapport des Nations-Unies a fait état de l'exploitation illégale des richesses dans ces régions. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a une persistance de l'insécurité dans ces territoires.

- Afrikarabia : Le faible salaire des militaires congolais, voire l'absence totale de solde dans certains cas n'explique-t-il pas le pillage des ressources naturelles (minerais, or, diamant) par l'armée régulière ?

- Emmanuel Kabengele : C'est pour cela que je vous ai parlé d'éthique de responsabilité. Le plus souvent, Kinshasa est doté d'un budget, mais pour que cet argent arrive au soldat en bas de l'échelle, il y a des problèmes. C'est ce qu'on appelle des "décaissements frauduleux". Certains officiers garde une partie de la solde qui devait revenir aux soldats. La solde est déjà modique (59$ pour un soldat et 89$ pour un général, ndlr), mais souvent le problème se situe dans l'acheminement de la solde.

- Afrikarabia : Le manque d'argent n'est pas le principal problème ?

- Emmanuel Kabengele : C'est plutôt la redistribution qui pose un réel problème dans la gouvernance sécuritaire. L'argent n'est pas en soi le vrai problème. Le problème, ce sont les détournements. Il faut que la redistribution s'améliore. Des officiers se font construire de gros immeubles et là je me dis : oh mon dieu qu'est-ce que arrive !

- Afrikarabia : Des experts militaires estiment que les effectifs de l'armée congolaise sont trop nombreux par rapport au budget dont dispose l'Etat. Il y a 130.000 hommes au sein des FARDC, certains spécialistes pensent qu'avec 70.000 hommes mieux payés, la situation serait meilleure ?

- Emmanuel Kabengele : Le nombre de soldats n'est pas le problème pour moi. Le problème est d'ordre organisationnel. La RDC est un véritable sous-continent, le pays est immense (5 fois la France, 80 fois la Belgique, ndlr) et il y a plus de 60 millions de Congolais. Pour moi, le nombre des militaires est même un peu petit !

- Afrikarabia : Que faut-il faire ?

- Emmanuel Kabengele : Faire une vraie réforme. Pour moi la réforme n'a pas encore commencé. La preuve : l'insécurité est encore persistante à l'Est du pays. Pour moi, faire un recensement des effectifs, ce n'est pas une réforme. Donner une carte aux militaires, ce n'est pas une réforme…

- Afrikarabia : … cela peut y contribuer ?

- Emmanuel Kabengele : Bien sûr, cela peut y contribuer. Mais pour nous société civile, une réforme c'est un processus de transformation profonde des institutions d'une société. Pour que ces institutions redeviennent crédibles, il faut un réel toilettage, il faut enlever quelques brebis galeuses.

- Afrikarabia : Par quelle mesure cette réforme devrait débuter pour prendre le problème par le bon bout ?

- Emmanuel Kabengele : Il faut d'abord commencer par créer un cadre stratégique global de la réforme de l'armée. Il faut prendre exemple sur la réforme de la police, avec différentes étapes qui doivent être respectées. Cet exemple, qui est pour nous un "demi succès", pourrait avoir un effet d'entraînement sur la réforme de l'armée. La création d'une police de proximité et d'un code de bonne conduite ont amélioré la situation. Concernant l'armée, il faudrait débuter par une réelle démilitarisation progressive de l'Est du pays en élimant les "forces négatives" (les différents groupes rebelles, ndlr). Et si l'armée congolaise n'y arrive pas pour le moment, c'est qu'il y a un vrai problème stratégique à résoudre et un manque de volonté politique. Il n'y a pas de problème insoluble.

- Afrikarabia : Le problème est politique selon vous ?

- Emmanuel Kabengele : Nous avons eu beaucoup de discours. En 2006, les programmes politiques faisaient déjà de la réforme du secteur de la sécurité une priorité et la société civile l'avait salué. En 2011, on a encore fait de la réforme de l'armée une priorité. Et c'est seulement fin 2011 que le parlement adopte une loi sur cette priorité ! Nous, nous disons qu'il y a déficit de volonté politique. Et dans la mise en oeuvre, il y a un retard exagéré ! Ce rapport est là pour que tous ensemble, gouvernement et communauté internationale, on se coordonne selon une logique un peu plus cohérente. C'est une urgence et une nécessité.

Christophe RIGAUD

Photo : Emmanuel Kabengele en avril 2012 à Paris (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

RDC : Kabila "dépolitise" son nouveau gouvernement

Après de longues semaines d'atermoiements, la République démocratique du Congo (RDC) s'est enfin dotée d'un nouveau gouvernement. A défaut d'une ouverture vers l'opposition, le président Kabila a préféré éloigner les caciques du PPRD et nommer une petite équipe de 36 ministres, composée de "techniciens" peu connus du grand public.

Drapeau RDC.gifAvec la nomination de ce nouveau gouvernement "peu coloré politiquement" et très "technique", le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, espère tourner la page d'une longue séquence post-électorale très embarrassante pour sa propre légitimité. Les élections présidentielle et législatives de novembre 2011ont été fortement contestées par l'opposition, mais aussi par la communauté internationale. Le processus électoral a été entaché de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraudes massives.

Sous pression internationale et à 5 mois du XIVe sommet de la francophonie à Kisnhasa, Joseph Kabila tente une nouvelle fois de calmer la crise politique qui couve en "dépolitisant" son action gouvernementale. Première étape : la nomination d'un nouveau Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, économiste de formation, rompu aux institutions internationales et  spécialiste en "stabilisation du cadre macro-économique"… En bref, l'homme idéal pour rassurer les (nombreux) bailleurs de la RDC. Deuxième étape : la nomination d'un gouvernement "resserré" et "technique", débarrassé des "barons" du parti présidentiel. Objectif : calmer le débat avec l'opposition et mettre en place une équipe "moins politique" et censée être plus "efficace" dans les dossiers (seul l'avenir nous le dira).

Dans la nouvelle équipe gouvernementale, le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, garde la haute main sur l'Economie et les Finances avec l'aide d'un ministre délégué, Patrice Kitebi. Deux personnalités peu connus font également leur entrée au gouvernement : il s'agit de Daniel Mukoko Samba, ancien directeur de cabinet adjoint de Matata Ponyo, qui s'occupera du Budget en tant que vice-Premier ministre, et d'Alexandre Lubal Tamu, le nouveau ministre de la Défense.

Six ministres sortants restent tout de même dans la nouvelle équipe : l'inamovible Lambert Mende (Médias), Martin Kabwelulu (Mines), Raymond Tshibanda, (Affaires étrangères), Richard Muyej (Intérieur), Fridolin Kasweshi (Aménagement du territoire) et Justin Kalumba (Transports).

Seule nouveauté à destination de la communauté internationale : la nomination d'une femme, l’avocate Wivine Mumba Matipa, au poste de la Justice et des Droits humains (une première). Les grands absents du nouveau gouvernement sont "les ténors" du PPRD et de la majorité présidentielle, priés de se faire discrets et l'opposition qui ne s'est vu offrir aucun poste. Joseph Kabila n'a donc pas cherché à débaucher des membres de l'opposition en signe d'ouverture et d'apaisement, comme le lui avait demandé la communauté internationale. Joseph Kabila a préféré surprendre avec "du neuf" et renouveler son casting gouvernemental avec des personnalités plus "transparentes" et moins "polémiques".

Christophe RIGAUD

Consultez la liste complète du gouvernement d'Augustin Matata Ponyo ICI.

22 avril 2012

RDC : Elections provinciales reportées en janvier 2013

Après plusieurs reports, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) a annoncé la tenue des élections provinciales pour la fin janvier 2013. Ces élections doivent clorent un long cycle électoral entaché de graves irrégularités et de violences dénoncées par la communauté internationale. Les Congolais devront désigner 690 députés provinciaux.

Logo CENI.pngFixées au printemps 2012, les élections "provinciales, urbaines, municipales et locales" devraient se dérouler avec 9 mois de retard. En cause, la gestion "anarchique" et  "calamiteuse" des élections présidentielle et législatives de novembre 2011. Les multiples irrégularités du scrutin ont fait planer de sérieux doutes sur la crédibilité des résultats. Le régime de Joseph Kabila est sorti affaibli de ces élections, même si le président congolais possède encore une majorité confortable à l'Assemblée nationale.

Fortement remise en cause par les nombreux rapports internationaux sur ses dysfonctionnements, la CENI a été sommée de résoudre ses problèmes logistiques et d'afficher un minimum de transparence dans la publication de ses résultats. Un atelier d'évaluation a été créé afin de prendre en compte les fichiers électoraux, la cartographie et la gestion des résultats. Un "toilettage homéopathique" insuffisant par l'opposition et bons nombres d'organisations congolaises des Droits de l'homme.

En attendant le (probable) scrutin de janvier 2013, les institutions de RDC doivent composer avec ce décalage du calendrier électoral. Interrogé par Radio Okapi, le sénateur d'opposition, Moise Nyarugabo parle de "crise de légitimé". "Comment faire fonctionner une nouvelle Assemblée nationale avec un ancien Sénat ?" se demande Nyarugabo. Certaines situations sont en effet cocasses, comme celle de l’ancien gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, élu député national et qui continue d’être gouverneur "puisse qu’aucune élection n’a été organisée pour désigner son remplaçant".

Christophe RIGAUD

RDC : Débat à Paris sur le "Processus de démocratisation" le 24 avril

Une conférence sur la situation politique en République démocratique du Congo (RDC) est organisée par Avenir du Congo-Devoir de Mémoire. Ce débat se posera la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?". Le rôle et l'avenir de diaspora congolaise sera également évoquée, notamment autour de la problématique de la double-nationalité.

10x15_manif_verso.jpg24 avril 1990 - 24 avril 2012 : 22 ans après "l'ouverture de l'espace politique congolais " par le président Mobutu, le processus de démocratisation sera au centre d'une conférence organisée ce mardi 24 avril, à Saint-Denis, en banlieue parisienne. Plusieurs personnalités sont invitées à ce débat public :

- Professeur Julien CIAKUDIA, Panafricaniste et Lobbyste international, Théologien et Sociologue formé à l'Université de Montréal au Canada,
- Gaspard-Hubert LONSI KOKO, Essayiste, Ecrivain et Homme politique. Candidat député aux élections de 2011 à Madimba au Bas-Congo,
- BABI BALUKUNA, Journaliste, Homme politique, emprisonné par la police avant les élections pour ses idées. Candidat député aux élections de /2011 à Kinshasa.
- Yves MAKABI MUNGWAMA. Ambassadeur des jeunes et candidat aux élections législatives de 2011à Kinshasa,
- Pasteur Philippe KABONGO-MBAYA, Docteur en Théologie, Sociologue, Pasteur de l'Eglise reformée de France. Expert, il a été chargé de mission à l'Alliance réformée mondiale pour les Eglises de l'Afrique francophone en 1992 et il est le représentant de l’Alliance réformée mondiale pour la République démocratique du Congo.

Autour de la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?", d'autres thématiques seront abordées :

-QUE FAUT-IL POUR REMETTRE LA DIASPORA DANS SES DROITS AU CONGO?
-LE DEGRE DE CULTURE POLITIQUE DE L'ELITE CONGOLAISE
-LA PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE. COMMENT LA RESOUDRE?

Le débat sera modéré par Christelle KAVOKA et Alain NDONGISILA.

Cette conférence se tiendra le mardi 24 avril 2012 de 17h45 à 21h30, 2 boulevard de la Libération, 93200 Saint-Denis. Contacts : rdc.devoirdememoire@gmail.com