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31 décembre 2010

Affaire Chebeya : Un proche de Numbi parle

L'étau se resserre autour du chef de la Police de République démocratique du Congo (RDC), John Numbi, dans le cadre du procès de l'assassinat de Floribert Chebeya, militant de l’ONG la Voix des sans Voix en juin dernier. Le chef des services spéciaux de la police de Kinshasa, Unyon Vakpa, a été entendu par la justice et dévoile les liens existant entre l'un de ses subalternes, Daniel Mukalay et le général John Numbi.

Afrikarabia logo.pngDepuis un mois et demi, le procès des huit policiers impliqués dans la mort du militant congolais des droits de l’homme Floribert Chebeya, tourne autour d'un acteur clé de l'affaire, mais grand absent du procès : John Numbi. Le chef de la Police est mis en cause par les parties civiles, qui dénoncent la protection des autorités dont il bénéficie. Il avait donné rendez-vous à Floribert Chebeya le jour de sa mort. Celui-ci a été retrouvé sans vie dans sa voiture le lendemain. L'entretien n'aurait jamais eu lieu. Numbi est actuellement suspendu de ses fonctions et placé en résidence surveillée, mais n'a jamais été entendu par la justice.

L'audition du général Innocent Unyon Vakpa est particulièrement instructive sur le rôle de Daniel Mukalay, l'undes principaux suspects et John Numbi. Selon le général Innocent Unyon Vakpa, Mukalay traitait directement avec Numbi alors qu'il n'était qu'un simple subalterne du général : "quand votre chef traite directement avec son subalterne en vous "sautant", ça frustre », a déclaré devant la justice le général Unyon. Et selon lui, Mukalay "aurait la protection de l'échelon supérieur de la police". Ce général a aussi révélé que John Numbi, l'inspecteur de la police congolaise, suspendu de ses fonctions après la mort de Chebeya, confiait à son insu des missions à Mukalay. Un témoignage très intéressant lorsque l'on sait que quelques jours après l’assassinat, le colonel Daniel Mukalay serait passé aux aveux et aurait expliqué n’avoir été qu’un "simple exécutant de John Numbi".

La prochaine audience de la cour militaire de RD Congo à Kinshasa est fixée au 6 janvier 2011.

Christophe Rigaud

29 décembre 2010

RDC : Bemba probable candidat en 2011

Le MLC (Mouvement de Libération du Congo) fera visiblement cavalier seul pour les prochaines élections présidentielles de République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2011. Le parti d'opposition présentera vraisemblablement la candidature de son "chairman", Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président et candidat malheureux aux dernières élections de 2006 face à Joseph Kabila. Une candidature inédite, puisque Jean-Pierre Bemba est actuellement détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI). La présidentielle de 2011en RD Congo pourrait donc voir se présenter un "candidat-prisonnier"… si cela est juridiquement possible.

DSC03834 copie.jpgMême si le président sortant de République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, n'a pas encore annoncé son intention de se présenter à sa propre succession aux élections de 2011, les autres candidats commencent à sortir du bois. Il y a tout d'abord l'opposant historique Etienne Tshisekedi, 78 ans et actuel président de l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS). Autre rival de poids à s'être déclaré :  un ancien allié et fidèle du président Kabila, Vital Kamerhe, l'ex-président de l'Assemblée nationale congolaise. Vital Kamerhe, avait battu campagne en 2006 pour le candidat Kabila et largement contribué à la victoire du président dans l'Est du pays en 2006. Il a annoncé le 14 décembre avoir démissionné du parti présidentiel pour lancer sa propre formation politique : l'Union pour la Nation congolaise (UNC)et a commencé à sillonner le pays en vue des prochaines échéances présidentielles.

Et puis enfin, il y a l'ancien rival de Joseph Kabila au second tour de la présidentielle de 2006, le sénateur MLC Jean-Pierre Bemba, qui réalise un très bon score : 41, 95%. Seul problème pour le prochain scrutin de novembre 2011 : Jean-Pierre Bemba est en prison et a très peu de chance de se trouver en RDC en novembre 2011. Bemba est en effet détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commises par ses troupes en République centrafricaine en 2002 et 2003. Comme solution de rechange, le MLC aurait pu présenter François Muamba, le secrétaire général du parti d'opposition. Mais depuis l'exil du "chairman" et son emprisonnement, Muamba peine à tenir ses troupes et ne fait pas l'unanimité au sein du MLC. Autre possibilité pour le MLC : une alliance avec un autre parti d'opposition… mais cette solution ne représente que des inconvénients pour un parti politique sensé être encore "leader" de l'opposition congolaise.

Alors faute de plan B, le MLC semble vouloir maintenir son plan A : la candidature Bemba… même en prison. Pour preuve, la déclaration à Paris d'Emmanuel Ikabanga, président du MLC-France, qui estime que Bemba est encore "le candidat naturel" du parti, selon la PANA. Pour lui, "le congrès prévu au premier trimestre de 2011 tranchera la question de la candidature à la présidentielle. Pour nous, le candidat du parti,  c’est toujours Jean-Pierre Bemba". Mais rien n'est encore fait… les rumeurs d'un candidature Bemba ont aussi pour objectif de mettre la pression sur les négociations (toujours d'actualité) entre MLC et UDPS (via Clément Kanku)… mais également des pressions sur la Cour pénale internationale en vue d'une libération provisoire que réclame Jean-Pierre Bemba depuis plusieurs mois. Mais si juridiquement, la candidature Bemba est possible, on sent bien que le parti a envi de tenter le tout pour le tout. Réponse donc, au premier trimestre 2011.

Christophe Rigaud

Photo : JP Bemba aux élections de 2006 à Kinshasa © Christophe Rigaud www.afrikarabia.com

22 décembre 2010

RDC : 5 491 agressions sexuelles au premier semestre 2010

Selon l'ONU, 5 491 personnes ont été violées au cours du premier semestre 2010 au Sud-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), et prises en charge par les organisations humanitaires.

Image 4.pngLe rapport du Bureau de coordination pour les affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) juge la situation des personnes sexuellement violées extrêment alarmante et préoccupante. Les territoires de Mwenga et Shabunda au Kivu sont les plus touchés. Dans l'Est de la RD Congo règnent en effet en maîtres les rebelles Hutu rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), la milice locale "Mai-Mai" et des militaires indisciplinés des Forces armées de la RDC (FARDC).

Selon l'ONU, la situation se dégrade fortement. Dans le territoire de Mwenga, les FDLR consolident progressivement leur retour dans leurs anciens bastions. Actuellement la région compte 748 000 personnes déplacées.

RWANDA-RDC : Paris met en examen Mbarushimana

Le Secrétaire exécutif des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), Callixte Mbarushimana, vient d'être mis en examen par un juge à Paris pour crimes contre l'humanité. Ce groupe de rebelles hutu rwandais qui sévit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est accusé de nombreuses exactions sur la population civile, mais c'est pour son rôle présumé dans le génocide au Rwanda de 1994, que Callixte Mbarushimana a été mis en examen.

Image 3.pngCallixte Mbarushimana a été arrêté le 11 octobre dernier en France, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international par la Cour pénale internationale (CPI). Mbarushimana est soupçonné d’avoir commis différents crimes de guerre et crimes contre l’humanité en 2009 en République démocratique du Congo alors qu’il était secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Pendant le conflit qui a opposé ce groupe rebelle aux Forces armées de la République démocratique du Congo et aux Forces rwandaises de défense, de nombreux meurtres, viols, tortures et persécutions ont été commis.


Mais depuis le 29 septembre, il est également visé par une information judiciaire à la suite d'une plainte en 2008 du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), pour « génocide » en 1994 au Rwanda. Pour toutes ces raisons, Callixte Mbarushimana a été mis en examen et devrait sans doute être prochainement déféré devant la CPI.

21 décembre 2010

RDC : Kabila-Kamerhe, duel à l'Est !

Après une tournée "musclée" dans les Kivu, à Goma et Bukavu, Vital Kamerhe est de retour à Kinshasa. Sa démonstration de force à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), prouve encore une fois que les élections présidentielles de 2011 risquent de se jouer dans les provinces orientales du pays.

Image 6.pngAprès Goma, c'est à Bukavu que Vital Kamerhe est venu tester sa popularité. Après sa démission du PPRD (le parti présidentiel) et la création de l'UNC (son propre parti), le futur candidat à la présidentielle de 2011a su mobiliser les foules dans les deux Kivu. A Goma et Bukavu, une foule compacte était au rendez-vous pour écouter l'ex-président de l'Assemblée nationale congolaise. Des visites de terrain sous haute tension, des incidents ont en effet éclaté à Goma entre pro-Kamerhe et pro-Kabila. «Ça, c’est de l’intimidation et les intimidations doivent cesser» a déclaré le tout nouveau président de  l’UNC (Union pour la Nation Congolaise).

Pour l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP), le clan présidentiel de Joseph Kabila, la campagne électorale est bel et bien lancée. En quelques jours, deux personnalités politiques, ont fait leur entrée dans la bataille des présidentielles : Etienne Tshisekedi de l’UDPS (Union Pour la Démocratie et le Progrès Social) et Vital Kamerhe de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise)...avec un enjeu de taille : la chasse aux électeurs.

En 2006 déjà, l'élection du président de la République s'était gagnée avec les voix de l'Est de la RD Congo. Pour 2011, la bataille électorale se jouera également dans ces provinces et les récentes visites à répétition de Joseph Kabila dans la région le prouvent encore. Pourtant la candidature Kamerhe ne semble pas pour autant effrayer l'AMP, la plateforme présidentielle. Sur Radio Okapi le coordonnateur adjoint de la plateforme, Louis Koyagialo, n'est pas inquiet : «Kamerhe n’avait plus de place au sein de la famille politique du chef de l’Etat et aujourd’hui, il se positionne au sein de l’opposition. Nous prenons tout simplement acte et nous laisserons au peuple congolais la liberté de décider qui de Kamerhe et de Kabila, peut mieux conduire la destinée de ce pays». Pour le coordonnateur adjoint de l’AMP l’effervescence observée actuellement dans l’opposition et dans la majorité à l’approche des échéances électorales est tout à fait normale.

Il y a pourtant un risque pour Joseph Kabila. Vital Kamerhe est très fort à l'Est du pays et Tshisekedi dans les provinces du centre de la RDC... une alliance des deux candidats Kamerhe-Tshisekedi, pourrait sérieusement perturber la tranquille réélection de Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

20 décembre 2010

RDC : L'ambassadeur Zimeray met les pieds dans le plat

Les déclarations de l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme, François Zimeray, sur le "naufrage" de la situation des droits de l'Homme en République démocratique du Congo (RDC) n'ont pas été du goût des autorités de Kinshasa. Le diplomate a dressé un portrait sans complaisance du pays et en a profité pour mettre la pression sur "le cas John Numbi" dans l'affaire Chebeya. Une ingérence inacceptable pour le journal congolais l'Avenir qui affirme "qu'aucun pays africain n’est prêt à voir la France se substituer à son gouvernement".

logo afkrb.pngArrivé à Kinshasa avec d'autres personnalités comme la Sous-secrétaire d’ Etat américaine, Hillary Clinton et le Secrétaire général de l’Onu en charge des droits de l’homme, l'ambassadeur Zimeray a effectué, selon ses propres propos, "un voyage bouleversant". "Il y a eu des moments extrêmement forts qui me donnent le sentiment d'une situation de naufrage s'agissant des droits de l'Homme" en RDC, a estimé l'ambassadeur.

A Goma, il a été touché par le cas des défenseurs de droits humains "menacés et vivant de façon extrêmement dure et douloureuse la présence" dans la ville du général de l'armée congolaise Bosco Ntaganda, "c'est à dire la présence notoire d'un homme poursuivi par la CPI alors que l'on a que le mot de lutte contre l'impunité à la bouche ici". Le sort des femmes victimes de violences sexuelles a également beaucoup ému l'ambassadeur français.

Puis l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme a rencontré la femme de Fidèle Bazana, le chauffeur du militant des droits de l'Homme assassiné en juin dernier, Floribert Chebeya. François Zimeray s'est dit "extrêmement attentifs au déroulement" du procès des policiers assassins présumés de M. Chebeya qui se tient actuellement. Et d'ajouter : "c'est trop tôt pour parler d'un déni de justice. On ne peut pas faire croire à la lutte contre l'impunité tant que le général John Numbi ne sera pas devant ses juges". Le chef de la police congolaise, a en effet été suspendu dans le cadre de l'affaire Chebeya qui n'est pas jugé. Selon les militants de droits de l'homme à Kinshasa, John Numbi est qualifié de "suspect numéro un" dans l'affaire, Floribert Chebeya avait rendez-vous avec lui au moment de sa disparition.

Des propos jugés agaçants par le journal l'Avenir qui se demande "quel était le but du voyage de l’Ambassadeur français pour les droits de l’homme en Rdc ?". Pour l'Avenir, "la situation des droits de l’homme en RDC est très connue" et les Congolais attendent  de la communauté internationale, n'ont pas un ènieme constat, mais des solutions. Et de conclure : "aucun pays africain n’est prêt à voir la France se substituer à son gouvernement ". Quand à la déclaration sur John Numbi : "une déclaration destinée à faire plaisir à certaines ONG", selon l’Avenir "et qui n’honore ni son auteur ni la mission effectuée en RDC".

Christophe Rigaud

Rwandais accusés d’avoir abattu Habyarimana : les stupéfiantes révélations de leurs avocats

Dans le cadre de l’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Rwandais Juvénal Habyarimana, Les juges français Nathalie Poux et Marc Trévidic se sont rendus à Bujumbura du 5 au 15 décembre 2010. A cette occasion, ils ont entendu six des « suspects », James Kabarebe, Sam Kanyamera, Charles Kayonga, Jackson Nziza, Frank Nziza et Jacob Tumwine, visés par des mandats d’arrêt internationaux délivrés par le juge Bruguière en 2006. Vu l’état de la procédure, ils ont notifié aux intéressés la lecture de leurs droits dans le cadre de leur mise en examen. Au terme de ces auditions et après avoir entendu leurs explications, tous les mandats d'arrêt  ont été levés et aucun mandat de dépôt n’a été délivré. Présents pour les assister, Maîtres Lev Forster et Bernard Maingain répondent ici en exclusivité aux questions d’AFRIKARABIA.


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Photo : les avocats Lev Forster et Bernard Maingain

AFRIKARABIA : - Maîtres Lev Forster et Bernard Maingain, vous êtes les avocats de plusieurs hauts gradés rwandais visés par ce qu’on appelle « l’enquête Bruguière » sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. Le juge français avait délivré des mandats d'arrêt internationaux concernant neuf Rwandais. C hacun sait que celui de Rose Kabuye a été levé voici deux ans. Or on parle aujourd’hui de la levée de six mandats d'arrêt internationaux. Total, sept. Il en manque donc encore deux ?

Bernard MAINGAIN : - Effectivement, sur les neuf mandats d'arrêt internationaux, celui de Rose Kabuye, a été levé voici deux ans. Nos autres clients, avec Me Jean-Marie Mbarushimana, sont MM. James Kabarebe, Sam Kanyamera, Charles Kayonga, Jackson Nziza, Frank Nziza et Jacob Tumwine. Tous ces hauts gradés rwandais sont à présent libres de leurs mouvements. Après avoir été entendus par les deux juges d’instruction Nathalie Poux et Marc Trévidic qui ont repris le « dossier Bruguière », ils ont fourni les explications nécessaires et se retrouvent simplement « mis en examen », avec accès au dossier.

AFRIKARABIA : - Et les deux autres ?

Lev FORSTER : - Il s’agit du supposé « capitaine Eric Hakizimana » - également orthographié « Hakizamana » dans l’ordonnance, et du général Kayumba Nyamwasa. Le second a fui le Rwanda et semble résider en Afrique du Sud. Il n’a pu être entendu par les juges d’instruction, sa situation reste donc inchangée.

Bernard MAINGAIN : - Le problème d'Éric Hakizimana semble particulièrement intéressant car il est considéré dans l’ordonnance du juge Bruguière comme l'un des hommes qui ont abattu l'avion le 6 avril 1994. Nos clients ont recherché cet homme partout au Rwanda et ailleurs, mais ils n'en n'ont trouvé aucune trace. Selon nos clients, il n'existe tout simplement pas ! Nous avons signalé au juge Trévidic cette étrange  « disparition ». C'est alors que notre confrère Me Meillac, avocat de la veuve du président Habyarimana - qui s'est constituée partie civile dans ce dossier -, a annoncé qu'Éric Hakizimana serait mort depuis longtemps. Nous sommes étonnés que cette information capitale soit communiquée tardivement au magistrat instructeur et comme par hasard, au moment où nous attirons l’attention du juge sur Hakizimana. Me Meilhac dit qu'il est mort ? Nous rétorquons : aucune trace de cela ... Qu’il amène donc  les preuves de son existence et de son décès. Nous enquêterons alors sur les éléments que notre confrère voudra bien apporter.

AFRIKARABIA : - Comment est-il possible qu'une des parties civiles n'ait pas communiqué en temps utile au juge d’instruction cette information en sa possession ?

Lev FORSTER : - Cette apparente négligence s'inscrit dans la réalité de ce dossier d'instruction que nous avons pu consulter à partir du moment où Rose Kabuye, chef du protocole du président de la République du Rwanda, a été interpellée et entendue par le juge. Nous sommes allés de surprise en surprise. Il est alors apparu que l'instruction du juge Bruguière ne l'avait pas été "à charge et à décharge" comme il se devrait, mais uniquement à charge.

AFRIKARABIA : - Pour quelle raison ?

Bernard MAINGAIN : - Nous soupçonnions une lourde implication du politique dans ce dossier. Les récentes révélations de Wikileaks l’ont confirmé. Nous savons aujourd'hui que le juge Bruguière a négocié ou discuté la délivrance des mandats d'arrêt internationaux avec les autorités politiques françaises. Il s'agit d'une sérieuse violation des règles de l'instruction. Nous savons également que le juge Bruguière a discuté avec des diplomates américains du contenu de ce dossier. Tout ceci constitue un ensemble de très graves anomalies.

AFRIKARABIA : - Y a-t-il eu à votre connaissance d’autres interférences dans le dossier ?

Lev FORSTER : - Ce qui caractérise ce dossier, c'est que des personnes ayant une réelle compétence ont laissé l'instruction dériver. On sait aujourd'hui le rôle du capitaine Paul Barril dans l'ouverture de l'instruction judiciaire. Il est patent que le capitaine Barril a ensuite participé à ce qu'on appelle une "opération d'enfumage". Il semble avoir joué un rôle de premier plan dans la récupération et la disparition de pièces à conviction. Il a joué un rôle en introduisant dans l'équipe du juge Bruguière au moins une personne avec qui il entretenait des liens professionnels ou qui lui servait d'intermédiaire avec le président Habyarimana.

AFRIKARABIA : -  Vous voulez parler de l’espion Fabien Singaye ?

Bernard MAINGAIN : - Effectivement, cet homme était un espion professionnel au service du président Habyarimana et de sa maisonnée. À ce titre, Il était en relations d'affaires avec le capitaine Barril. Il se présente actuellement comme conseiller spécial du Président Bozizé. Comment un tel personnage au gros carnet d’adresses - il travaille aujourd’hui pour AREVA - a-t-il pu se retrouver comme interprète assermenté et comme expert au service du juge Jean-Louis Bruguière ? C'est un problème qu’il faudra élucider pour comprendre les dérives de l'instruction judiciaire. Il faudra également expliquer l'extraordinaire mansuétude dont a bénéficié le capitaine Barril à l'issue de ses auditions confuses et contradictoires. Mais il n’est pas la seule personne interrogée par le juge Bruguière à avoir fourni des explications manifestement insuffisantes.

AFRIKARABIA : -  Vous pensez à quelles personnes ?

Lev FORSTER : -Nous pensons en particulier au général Jean-Pierre Huchon et au colonel Grégoire de Saint-Quentin. Le général Huchon s'est bien gardé d'expliquer par le détail sa rencontre avec une délégation rwandaise de haut niveau, conduite par le chef d’Etat-major adjoint des FAR en mai 1994, en plein génocide. Quant au colonel Grégoire de Saint-Quentin, qui s'est trouvé très rapidement sur les lieux de l'attentat, ses déclarations sont manifestement insuffisantes et donnent l’impression qu'il est loin de dire tout ce qu'il sait.

AFRIKARABIA : -  Que pouvez-vous nous relater sur  le déroulement des auditions menées par les juges français au Burundi ?


Bernard MAINGAIN : - Nous devons d'abord dire qu'il s'agissait de la part des juges d'un geste d'apaisement et de respect qui honorera le fonctionnement de la justice française car il permet de progresser réellement dans la voie de la vérité, et malheureusement nous ne croyons pas que le juge Bruguière aurait pris ce genre de décision.

Lev FORSTER : - Permettez-moi d’ajouter que depuis que la Défense a accès au dossier, nous avons pu comprendre comment il a dérivé, et nous devons dire que notre intervention a bouleversé le cours de l'instruction. Quant au choix du Burundi,  il s’est trouvé être un  pays acceptable par les magistrats instructeurs comme par nos clients. Ces derniers bénéficient de la présomption d'innocence, est-il nécessaire de le rappeler ?

AFRIKARABIA : - Il y a donc eu une négociation avec les juges pour choisir d'entendre vos clients au Burundi ?

Bernard MAINGAIN : - Les magistrats ont compris que c'était la solution la plus pertinente pour entendre nos clients en évitant l'épée de Damoclès d'un risque d'arrestation. Les auditions ont eu lieu dans une maison isolée de la capitale du Burundi, très bien gardée. Selon les règles du droit, les magistrats instructeurs ont entendu nos clients en présence du procureur général du Burundi ou de son adjoint. Une équipe des deux traducteurs a été désignée par l'ambassade de France. Il s'agit de traducteurs qui ont déjà travaillé dans des conférences de l'Union africaine. La qualité de leur travail, leur honnêteté, ont été constatées par toutes les personnes présentes.

AFRIKARABIA : - Les auditions ont duré longtemps ?

Bernard MAINGAIN : - Les juges français sont arrivés à Bujumbura le 5 décembre et ont commencé leur travail le 6 en fin de matinée. Les auditions se sont poursuivies sans désemparer jusqu'au 14 décembre à 20 heures. Chaque audition a pris au moins une journée et la plus longue, une journée et demie. Les juges avaient des questions très précises et très détaillées. Nos clients y ont répondu également de façon très documentée.

AFRIKARABIA : - Lequel de vos clients a été le plus longuement interrogé ?

Bernard MAINGAIN : - Il s'agit de l'actuel ministre de la Défense du Rwanda, James Kabarebe.

AFRIKARABIA : -  Qu'a-t-il dit ?

Lev FORSTER : - Nous n'avons pas le droit de révéler des déclarations qui sont couvertes par le secret de l'instruction. Mais nos clients nous ont autorisés à rendre publique une série de faits qui, eux, ne sont pas couverts par ce secret de l'instruction.

AFRIKARABIA : - Quels clients ?

Bernard MAINGAIN : - D'abord M. Jackson Nziza. Il a été très surpris d'être visé par un mandat d'arrêt du juge Bruguière. Dans la période 1992-1994 il n'était qu'un "junior officer" qui n'avait aucun lien avec le "Chairman" Paul Kagame, ni avec l'état-major de l'Armée patriotique rwandaise (APR), basée à Mulindi. Il était déployé à l’époque du côté des montagnes des Virunga ainsi que dans la commune de Rushaka. Il était dans l'impossibilité absolue d'avoir le moindre rôle dans une action menée à Kigali le 6 avril 1994, comme le prétendent des accusateurs qui, il est vrai, se sont rétractés depuis lors. 

AFRIKARABIA : - Pourquoi donc s’est-il retrouvé incriminé par le juge Bruguière ?

Bernard MAINGAIN : - Monsieur Nziza a eu après la victoire de l'Armée patriotique un rôle très important dans le dispositif militaire comme J2 puis J5 dans "l'Intelligence service" de l'armée rwandaise. Nous pensons que les juges français ont parfaitement compris les éléments de sa biographie et les raisons pour lesquelles, en tant que le patron du Renseignement militaire de l'armée, il a suscité la haine de certains, qui ont tout fait pour l'impliquer dans la procédure Bruguière.

AFRIKARABIA : - Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?


Bernard MAINGAIN : - Après la victoire du Front patriotique en juillet 1994, le nouveau gouvernement rwandais a eu beaucoup de difficultés à reprendre le contrôle de certaines ambassades. Ce fut le cas tout particulièrement de l'ambassade du Rwanda à Nairobi dont le bâtiment était contrôlé par les génocidaires bénéficiant du soutien du président de la république kenyane M. Arap Moï. Missionné pour prendre possession du bâtiment, Jackson Nziza est parvenu habilement à y pénétrer et à le rendre à son gouvernement légitime. Par la suite, il a réussi à introduire un journaliste de CNN dans une tractation de ventes d'armes entre des négociants égyptiens et des représentants des ex-FAR, l'armée du génocide réfugiée au Zaïre. Les révélations du journaliste ont fait échouer l'opération. Ces deux brillantes opérations ont valu à M. Jackson Nziza une promotion  à la tête des services de renseignement de l’Armée patriotique. Mais depuis cette date, du côté des anciens génocidaires, notamment des FDLR qui ont succédé aux ex-FAR, on voue une haine mortelle à M. Nziza. C'est dans ces conditions qu'il a été dénoncé au juge Bruguière.

Lev FORSTER : - La mise en cause de  Jackson Nziza dans l’attentat est un non-sens absolu, mais bien la preuve par A + B de la manipulation de l’instruction. Au fil des années, cette instruction est devenue un fourre-tout où un groupe de gens mal intentionnés tentait de jeter ceux qu’ils détestaient.

AFRIKARABIA : - Avez-vous des informations sur la situation réelle de son quasi-homonyme, Frank Nziza, au sein de l'Armée patriotique rwandaise ?


Bernard MAINGAIN : - Frank Nziza, le supposé second tireur, n’a jamais appartenu au prétendu network commando. Il fut occupé dans un peloton de la garde de Paul Kagame, dans le groupe en charge de la sécurité extérieure. Il n’était pas à Kigali au moment de l’attentat et il a fourni la liste de nombreux témoins pouvant attester de sa présence réelle. Il est venu à Kigali après la guerre et n’a jamais participé à des combats. C’est encore un non-sens absolu.

AFRIKARABIA : - Ce sont des informations fournies par James Kabarebe aux juges ?

Bernard MAINGAIN : Ne nous demandez pas de parler de cela.

Lev FORSTER : - Par contre, nous sommes autorisés à vous révéler que deux des supposés « témoins importants » du juge Bruguière, Evariste Musoni et Innocent Marara  qui auraient également fourni des informations  de première main sur l’attentat n’ont rejoint les rangs de l’Armée patriotique qu’en mai 1994. Le temps de leur instruction au métier des armes, ils n’ont pratiquement contribué à aucune action. Prétendre avoir participé à la protection de Paul Kagame à l’Etat-major de Mulindi en 1993 et 1994 est tout simplement ridicule.

AFRIKARABIA : - Vos clients apportent des preuves de quelle nature ?

Bernard MAINGAIN : - Il existait un dispositif précis de protection de Paul Kagame en 1994. C’était une procédure très particulière. Il y avait d’abord une unité de protection qui se tenait à une certaine distance de l’état-major et ne pouvait s’en approcher. Il y avait ensuite un groupe d’hommes triés sur le volet pour une protection à faible distance. Et enfin un groupe de cinq personnes assurant la protection rapprochée, dont les identités sont connues. Parmi ces cinq hommes, le « Chairman » en avait choisi un seul chargé de porter des messages. Le « roman » de MM. Evariste Musoni et Innocent Marara ne correspond à rien de réel.

AFRIKARABIA : - James Kabarebe est aussi un témoin intéressant des événements des 6 au 8 avril 1994…


Lev FORSTER : - Effectivement. Il détient le récit complet des événements qui ont eu lieu du côté de l’Armée patriotique à partir de la chute de l’avion : comment l’information a été connue, ce que chacun a dit et fait, les instructions aux divers bataillons jusqu’aux jours qui ont suivi…

Bernard MAINGAIN : - … et ce « film des événements » n’a rien à voir avec la fable qui a été servie au juge Bruguière et relayée par certains sur des troupes de l’APR qui auraient fait mouvement avant même l’attentat. Nous rappelons que pour la mise en oeuvre de accords de paix d’Arusha, un bataillon du Front patriotique était stationné dans l'immeuble du Parlement à Kigali, qu'on appelle le CND. L’attentat les a pris de court et ils ont été aussitôt la cible des tirs des FAR. L’attentat a également surpris l’état-major du FPR qui a voulu voler au secours du bataillon de Kigali en mauvaise posture. Les troupes du FPR ne se sont pas mises en mouvement aussitôt, comme le prétendent de faux témoins. Il y eut réunion de l’Etat major et rencontre avec le représentant de la Minuar. Des messages précis ont été transmis en vue de demander l’arrêt des massacres et des hostilités. Ces messages n’ont pas été suivis d’effet.   Les troupes  se sont mises en marche sur instruction du chairman, très exactement le 8 avril à 20 heures, de nuit, et elles ont réussi une percée jusqu’au bataillon du CND, la jonction n’étant réalisée que le 11 avril dans la journée. C’est alors seulement que le bataillon de Charles Kayonga au CND a été sauvé de l’anéantissement.

AFRIKARABIA : - Ce n’est pas la thèse d’un attentat soigneusement préparé par le FPR contre l’avion, attentat qui aurait été précédé de mouvements de troupes ?

Bernard MAINGAIN : - Encore une fable qui s’effondre : les seules initiatives militaires consécutives à la chute de l’avion, ce sont celles des unités des FAR qui se répandent dans Kigali pour commencer les tueries de Tutsi et de Hutu démocrates Le batailon du CND subit des tirs d’artillerie dès le 6 au soir. Le même soir, Charles Kayonga est informé des premiers massacres par les visiteurs du C.N.D. qui rentraient en ville ce jour-là.

Lev FORSTER : - Seules des personnes qui ne se sont jamais rendues au Rwanda pouvaient croire un autre récit. Aujourd’hui encore, la façade de l’immeuble du CND porte les traces des obus qui l’ont frappé. C’est une des premières choses qu’on voit en arrivant au Rwanda, car le CND se trouve entre l’aéroport et le centre-ville. La chronologie des événements au CND est dorénavant connue et documentée. Le 6 avril au soir, le bataillon s’est terré dans son cantonnement. Mais le  mercredi 7 avril 1994, les services de renseignement de l’APR lui ont fait savoir qu’entre 14 et 16 heures,  les FAR et la garde présidentielle faisaient mouvement et engageaient un dispositif de prise en tenailles très dangereux pour la survie du bataillon des 600 soldats de l’APR. Il a donc été demandé au bataillon de sortir de son cantonnement pour prendre des dispositions avancées empêchant la réussite du siège.  Il y a aussi une émission de la RTLM  qui a alerté le service de Renseignement.

AFRIKARABIA : - De quelle façon ?

Bernard MAINGAIN : - La Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM) a annoncé que des Tutsi s’étaient réfugiés en masse dans le stade Amahoro et qu’il fallait aller « s’en occuper ». Le journaliste de la RTLM a précisé que les éléments de la MINUAR (les Casques bleus) présents sur place ne seraient pas en mesure de les protéger. En principe ce stade était sous la protection de la MINUAR, les Casques bleus encore présents au Rwanda, mais au FPR, tout le monde a compris que cette protection serait illusoire. Il a donc été décidé que le bataillon du CND inclurait le stade Amahoro dans son déploiement, car il n’était distant que d’un kilomètre environ. Encore une fois, tous ces événements sont prouvés, parfaitement documentés. Dommage pour la théorie de ceux qui prétendent que Paul Kagame s’était cyniquement désintéressé du sort des Tutsi.

AFRIKARABIA : - Pourquoi  vos clients apportent-ils ces preuves seulement aujourd’hui, alors que « l’enquête Bruguière » a commencé en 1998 et que les « fables » dont vous parlez ont commencé à « fuiter » peu après ?

Lev FORSTER : - Depuis le début de l’enquête menée en France, les autorités rwandaises ont dit et répété que les thèses du juge Bruguière, qui faisaient l’objet de « fuites » continues, n’avaient rien à voir avec la réalité. Elles ont dit et répété que c’était un montage grossier, et réclamé que le juge vienne au Rwanda constater l’ineptie de la chronologie des évènements et des témoignages qu’il avançait. Ce n’est pas la faute des autorités rwandaises ni de nos clients si le juge Bruguière s’est obstinément refusé à venir au Rwanda pour vérifier si ce que certains lui disaient était vrai.

AFRIKARABIA : - Ca paraît extravagant de la part d’un juge ?

Lev FORSTER : - Les stratégies de désinformation ont joué un rôle considérable dans ce dossier. Si considérable qu’on les voit aujourd’hui encore à l’oeuvre. Nous sommes stupéfaits lorsque nous lisons certains commentaires sur ce qui s’est passé à Bujumbura ces derniers jours. On met en relief ici ou là que nos clients « ont été mis en examen » comme si les investigations des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux les accablaient. On oublie de préciser que ces mises en examen montrent le recul des incriminations, entraînant au contraire la levée des mandats d’arrêt internationaux. On oublie d’expliquer que l’accusation est à présent décapitée ! La situation est à l’inverse de ce qu’avancent certains journaux.

AFRIKARABIA : - Vous pensez au journal Le Monde qui parle de « curieux détour par Bujumbura »  et qui ajoute concernant vos clients « qu'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable leur culpabilité. » ?


Bernard MAINGAIN : - Nous ne souhaitons pas citer les titres de journaux qui nous ont surpris. Lev et moi ne l’avons jamais fait de toute notre carrière ; au contraire nous avons pris la défense de journalistes persécutés. Nous respectons la liberté de la presse, chacun peut écrire ce qu’il veut, en son âme et conscience. Nous constatons simplement que la façon dont l’évolution judiciaire de l’instruction est relayée ne correspond souvent pas à la réalité, aujourd’hui comme hier. Nous voudrions que le public comprenne que la mise en examen de nos clients démontre plutôt que le dossier se dégonfle les concernant. Qu’il s’agit d’une évolution normale compte-tenu des accusations sans fondement, des manipulations dont ils ont été l’objet. Ils n’auraient pu être valablement entendus sans mise en examen. La levée des mandats n’était pas automatique. C’est pourtant ce que les juges ont décidé. Et suite logique, il n’y eut ni mandat de dépôt ni contrôle judiciaire. Une immense victoire pour la défense.

Lev FORSTER : - Faut-il rappeler le b.a.-ba du droit ? La mise en examen a remplacé l’inculpation pour préserver la présomption d’innocence et respecter les droits de la personne en cause. Vu l’état de la procédure, les juges ont lu à nos clients leurs droits dans le cadre de leur mise en examen. Au terme de ces auditions et après avoir entendu leurs explications, tous les mandats d’arrêts  ont été levés et aucun mandat de dépôt n’a été délivré.

AFRIKARABIA : - Pouvons-nous revenir sur cette phrase lue dans un journal du soir « qu'il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable leur culpabilité. » ?

Lev FORSTER : -  Il n’y a rien de tout cela. Les explications fournies par nos clients ont donné un tout autre éclairage à ce dossier et des éléments de fait précis ont été portés à la connaissance des juges en vue de démontrer que la première partie de la procédure était plus le produit d’une manipulation qu’une instruction à charge et à décharge. Malgré ce qui a été écrit ici ou là, chacun comprend que la mainlevée des mandats constitue une étape très significative de la procédure et un moment important pour les relations entre la France et le Rwanda. Insinuer que la mise en examen de nos clients les accable serait de la mauvaise foi. Bien au contraire, la Défense se réjouit de cette issue. Si la culpabilité de nos clients était si évidente, le juge n’aurait pas levé les mandats d’arrêt et il aurait au contraire délivré des mandats de dépôt.

AFRIKARABIA : - Il n’y a pas que des journalistes à participer aux manipulations autour de la procédure Bruguière, mais aussi des écrivains, comme Pierre Péan…

Lev FORSTER : - Nous ne voulons pas non plus entrer en polémique avec le groupe des vrais-faux experts qui circule en Europe. Mais il nous semble que le livre de Pierre Péan « Noires fureurs, blancs menteurs » porte bien son nom. Que reste-t-il aujourd’hui des thèses avancées par Monsieur Péan ? Et de tous ceux qui ont avancé le pseudo récit du « lieutenant » Abdul Ruzibiza, le premier des faux témoins du juge Bruguière… ?

AFRIKARABIA : - Précisément, Abdul Ruzibiza a porté des accusations précises et publié un livre qui semble avoir été écrit ou réécrit par deux universitaires français aujourd’hui bien discrets… ?

Bernard MAINGAIN : - Avant son décès, Abdul Ruzibiza a présenté trois versions successives de ses accusations. Dans le livre qu’il signe, il se présente comme un des acteurs de l’attentat. Ensuite, il ne tarde pas à affirmer qu’il a tout inventé. Dans sa troisième version, il dit qu’il n’était pas sur les lieux de l’attentat. Ce qui n’aurait pas été difficile à vérifier par le juge Bruguière : travaillant comme infirmier, Ruzibiza se trouvait bien loin de Kigali, loin du front. Le dossier pouvait être très vite démonté si le juge avait contrôlé les informations sur le terrain.  Récemment, Ruzibiza disait aussi en substance : « J’ai reçu la confession de M. A. et j’ai assumé son témoignage en le mettant à la première personne ». Il dit aussi qu’il a pris sur lui ce témoignage, car les « Services » français lui ont dit que c’était plus crédible comme ça. Il dit aussi que l’autre témoin M. Ruzigana n’était pas concerné. Lorsqu’ils sont rentrés en France, Ruzigana et Ruzibiza  ont commencé par nouer des contacts avec les FDLR, la rébellion des ex-génocidaires qui sévit aujourd’hui encore au Nord-Kivu. C’est un fait avéré, reconnu.

Lev FORSTER : - Voici ce qui reste du témoignage du supposé « homme-clef » de l’accusation et de ses acolytes. Est-il besoin d’ajouter que ces gens-là ont perdu tout crédit ?

Bernard MAINGAIN : - En ce qui concerne un autre témoin clef de l’accusation, Richard Mugenzi, supposé avoir capté des messages « en clair »  où le FPR revendiquait l’attentat, il est à présent avéré qu’il s’agissait d’une manipulation du colonel Nsengiyumva, quelques heures seulement après l’attentat. Ce n’est pas à vous que nous allons l’apprendre, puisque c’est la matière de votre dernier livre(1).

Lev FORSTER : - On voit bien que le dossier Bruguière se vide de tout contenu.

AFRIKARABIA : - Vous avez évoqué au début de cette interview les pressions politiques sur le dossier. Pourquoi n’avoir pas réclamé l’annulation de toute la procédure ? Les interventions politiques auprès du juge Bruguière sont aujourd’hui documentées !

Lev FORSTER : - Nous avons en effet la preuve des interférences politiques dans un dossier où les politiques n’ont cessé d’alléguer « l’indépendance sacrée de la Justice et des juges ». Le juge Jean-Louis Bruguière était lui-même un militant au sein d’un parti politique qui l’a investi comme candidat à une élection législative. Le juge Bruguière aurait même parlé de son dossier au président de la République d’alors.

Bernard MAINGAIN : - Wikileaks a démontré que le juge Bruguière a violé le secret de l’instruction, ce qui est d’une gravité extrême.  Il existe une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet, et notamment un arrêt célèbre. En Belgique, dans l’affaire du rapprochement entre la BNP et le groupe Fortis, il a été prouvé que des membres du cabinet du Premier ministre belge ont communiqué avec des magistrats. Le Premier ministre Yves Leterme a été contraint de proposer la démission de son gouvernement. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre les magistrats en cause.

AFRIKARABIA : - Pourrait-on imaginer une telle issue en France ?

Bernard MAINGAIN : - Pour notre part, nous avons préféré aller au fond du dossier pour en extraire la vérité : une gigantesque manipulation montée contre nos clients, avec des opérations de désinformation énormes.

Lev FORSTER : - Nous pensons qu’il s’agit d’un des pires scandales judiciaires intervenus en France au XXe siècle.  Cette manipulation a pris en otage l’opinion publique française. Elle a tenté d’opposer deux peuples, le peuple français et le peuple rwandais. Il faudra que les auteurs de cette manipulation en rendent compte un jour. Heureusement aujourd’hui, le dossier est instruit par des magistrats vraiment indépendants, soucieux d’aboutir à la seule vérité.

AFRIKARABIA : - Vous espérez un non-lieu en faveur de vos clients ?

Bernard MAINGAIN : - Nous pensons que le juge Trévidic a bien saisi la véritable nature du dossier et nous espérons qu’effectivement, lorsque les expertises balistiques lui seront remises dans quelques semaines, il aura tous les éléments en main pour conclure à l’innocence de nos clients.  Il y a de très bons experts en balistiques venus d’Ecosse. Nous avons également communiqué au juge de nombreux témoignages recueillis par la « Commission Mutzinzi » qui a fait un très gros travail sur l’attentat.

AFRIKARABIA : - Si vos clients sont reconnus innocents, ça ne suffira pas à la manifestation de la vérité. Il faudra bien trouver qui a réellement commis l’attentat du 6 avril 1994, lequel a servi de déclencheur au génocide des Tutsi ?


Lev FORSTER : - Chaque chose en son temps. Le travail de la Défense est de démontrer l’innocence de nos clients.  Mais lorsque cette innocence aura été reconnue, nous sommes certains que les juges exploreront les autres pistes.

Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER


Lire également sur Afrikarabia : "RWANDA : l’enquête du juge Bruguière explose en plein vol"

(1) Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais. Editions Karthala, Paris, septembre 2010. 29 euros.

11:08 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)

19 décembre 2010

RWANDA : l’enquête du juge Bruguière explose en plein vol

Après douze ans d’instruction sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais Habyarimana, les nouveaux juges « antiterroristes » français Nathalie Poux et Marc Trévidic ont levé les mandats d’arrêt internationaux qui avaient été lancés en 2006 contre des suspects rwandais par le juge Jean-Louis Bruguière. L’accusation marque le pas et pourrait aboutir à un non-lieu. Un coup de théâtre en perspective !

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Photo : L'épave du Falcon 50 de Juvénal Habyarimana en décembre 1995. Au premier plan, le président rwandais Pasteur Bizimungu.

Le mercredi 6 avril 1994 vers 20 h 30, le Falcon-Dassault du président rwandais Juvénal Habyarimana est touché par deux missiles alors qu’il s’apprête à atterrir à Kigali. L’avion explose et ses débris tombent sur la résidence présidentielle, située à proximité de l’aéroport. Tous les occupants sont tués, à commencer par le président du Rwanda, son collègue du Burundi Cyprien Ntaryamira et les trois membres français de l’équipage. Un épais mystère entoure l’attentat. Et depuis lors, deux thèses s’affrontent.

Un attentat des extrémistes hutu ?

Pour les uns, l’attentat a été commis à l’instigation des extrémistes hutu, qui ne veulent pas du partage du pouvoir et de la paix avec la rébellion majoritairement tutsi de Paul Kagame, paix à laquelle vient de se résigner le président du Rwanda. A l’appui de cette thèse, le fait que le génocide des Tutsi et le massacre des Hutu démocrates commence quelques minutes après l'attentat, menés par la Garde présidentielle et le Bataillon de reconnaissance, bras armés des durs du régime. Soigneusement planifiée depuis des mois, l’extermination des Tutsi est menée avec méthode partout dans le pays. Elle fera environ un million de morts en cent jours.

Un attentat de la rébellion majoritairement tutsi ?

Thèse inverse : l’attentat aurait été commis par un commando de rebelles du Front patriotique, qui se serait introduit derrière les barrières des Forces armées rwandaises pour « aligner » l’avion. Selon les tenants de cette thèse, Paul Kagame aurait pris cyniquement le risque de voir les Tutsi du Rwanda exterminés, pour s’emparer plus facilement du pays. Et l’Armée patriotique aurait commencé à faire mouvement vers la capitale avant l’attentat.

La désignation du juge Bruguière

Peu après l’attentat, le mercenaire français et ancien « gendarme de l’Elysée » Paul Barril tente de déposer plainte en France au nom d’Agathe Habyarimana, la veuve du président assassiné, qui est sa cliente. Mais le Parquet refuse d’y donner suite. Il réitère en 1998 alors qu’une mission d’information parlementaire s’apprête à analyser le rôle de la France au Rwanda. Cette fois, l’avocate de Paul Barril a déposé une plainte au nom de la famille du co-pilote français. Le célèbre juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière est désigné pour instruire la plainte concernant les victimes françaises de l’attentat. Et il acceptera ensuite que la famille du président Habyarimana, qui réside en France, se porte partie civile.

La « méthode Bruguière »

Convaincu que sa vie serait en danger s’il enquêtait au Rwanda, le juge refusera toujours de s’y rendre et négligera même d’ordonner une expertise balistique. Par contre, il entend longuement les chefs extrémistes hutu emprisonnés à Arusha dans l’attente de leur jugement par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) institué par l’ONU au lendemain du génocide. Ceux-ci pointent du doigt le mouvement rebelle. Le juge français accorde aussi une grande importance au témoignage d’anciens militaires de l’Armée patriotique qui s’accusent d’avoir participé à l’attentat. Très vite, la conviction du juge est faite : l’attentat ne peut avoir été commis que par le FPR de Paul Kagame. L’instruction se poursuivra dans cette seule direction, négligeant toute autre piste.

Une instruction chaotique

Des anomalies ont caractérisé l’instruction. Fabien Singaye, un ancien espion au service de la famille Habyarimana, par ailleurs gendre de Félicien Kabuga (recherché par le TPIR comme le supposé « financier du génocide » et toujours en fuite) est recruté par Bruguière comme interprète puis comme expert. Les « repentis » qui s’auto-accusent de l’attentat ne sont même pas mis en examen après leur audition. Plus tard ils reviennent spectaculairement sur leurs aveux. Le « juge antiterroriste » consulte des hommes politiques et des diplomates étrangers sur l’évolution de son dossier. L’instruction, menée uniquement à charge, « fuite » auprès de journalistes amis, etc.

Les mandats d’arrêt internationaux


Finalement, en novembre 2006, le juge Jean-Louis Bruguière émet neuf mandats d’arrêt internationaux contre de hauts dignitaires de l’armée rwandaise et tente d’obtenir du procureur du Tribunal pénal international, Carla Del Ponte, des poursuites contre le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame (qui bénéficie en France de l’immunité). Il semble que le juge ait obtenu un « feu vert » de l’Elysée et du Premier ministre Dominique de Villepin, adeptes de la thèse du « double génocide » au Rwanda. Bruguière provoque la colère du gouvernement rwandais qui rompt ses relations diplomatiques avec la France.

Bruguière, militant politique

Selon  un  télégramme confidentiel de l’ambassadeur américain à Paris Craig Stapleton, - révélé récemment par Wikileaks -, le juge Bruguière lui avait confié « qu’il avait l’accord du président Chirac » et il n’avait «  pas caché son désir personnel de voir le gouvernement Kagame isolé ». Dans ces conditions, « l’enquête Bruguière » est-elle encore une instruction judiciaire menée par un magistrat indépendant ou une opération politique complaisamment relayée judiciairement ? La question se pose avec acuité lorsqu’en 2007 le juge apporte un soutien public au candidat Nicolas Sarkozy et se présente lui-même aux élections législatives dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne. Les électeurs n’apprécient pas plus son arrogance que sa voiture blindée et ses gardes du corps dans cette circonscription réputée facile. Battu, Jean-Louis Bruguière ne peut décemment considérer sa mise en disponibilité comme une simple parenthèse, mais bien comme un point final à sa vie de juge d’instruction.

Le dossier repris par Marc Trévidic

Jusqu’alors, Jean-Louis Bruguière pouvait s’appuyer sur un magistrat adjoint, le juge Marc Trévidic. Ce dernier reprend la plupart des dossiers. Celui du Rwanda lui paraît simple : les 9 hauts gradés rwandais visés par les mandats d’arrêt ne se présentent pas à son cabinet. Le magistrat s’apprête donc à clore l’instruction et à renvoyer les suspects devant une cour d’assises qui, en leur absence, les condamnera automatiquement au maximum de la peine. C’est ce qu’il explique aux parties civiles et à leurs avocats au mois d’octobre 2008. Une telle issue empêchera définitivement les suspects de s’expliquer judiciairement, sauf à venir se constituer prisonniers en France, ce que personne n’envisage, à plus forte raison alors que les relations diplomatique sont rompues entre le Rwanda et la France.

Coup d’éclat : l’arrestation de Rose Kabuye

En novembre 2008, Rose Kabuye, l’élégante et charismatique chef du protocole du président du Rwanda, est arrêtée en Allemagne, en vertu d’un des mandats d’arrêt lancés par Bruguière, alors qu’elle prépare une visite de Paul Kagame. Si le régime rwandais organise de grandes manifestations de protestation, il ne s’oppose pas au transfert de Rose Kabuye vers la France. Et la confrontation avec Marc Trévidic se passe plutôt bien, d’autant que le juge des Libertés s'oppose à sa mise en détention provisoire. Bientôt, le juge lève le mandat d’arrêt la concernant et l’autorise même à des allers-et-retour entre Paris et Kigali, entre deux interrogatoires.

L’accès au dossier pour les accusés

Jusqu’alors, les Rwandais visés par l'ordonnance Bruguière n’ont pas eu accès au dossier d’instruction. La mise en examen de Rose Kabuye permet à ses deux avocats, le Français Lev Forster et le Belge Bernard Maingain, de s’y plonger. Ils ne tardent pas à en relever les errements. Il semble que les deux juges chargés du dossier, Marc Trévidic et Nathalie Poux, soient à leur tour surpris et leur intime conviction ébranlée par un certain nombre d’anomalies, en particulier l’absence d’expertise balistique. En septembre 2010, Marc Trévidic se rend au Rwanda avec des experts en balistique sur les lieux de l’attentat. Il a l’occasion d’interroger longuement Richard Mugenzi, l’espion-radio des FAR qui aurait « intercepté » le message de revendication de l’attentat par le FPR. L’homme révèle qu’il s’agit d’un montage grossier, que les enquêteurs du juge Bruguière, supposés expérimentés, se sont laissés abuser par une manipulation. En juin 2010, un nouvel interrogatoire d’Abdul Ruzibiza à Stockholm - peu avant sa mort - laisse transparaître que l’accusateur numéro 1 du FPR est un mythomane impénitent.

L’interrogatoire des autres suspects

Si Rose Kabuye a obtenu une simple « mise en examen » qui a levé son mandat d’arrêt, ce n’est pas le cas des autres suspects. Ils doivent préalablement être entendus par les juges français. Mais où ? Les juges refusent de les écouter au Rwanda. A l’étranger, ils seraient immédiatement arrêtés. Finalement, une solution est négociée entre les magistrats français, les avocats Bernard Maingain et Jean-Marie Mbarushimana, et le gouvernement du Burundi. Celui-ci s’engage à ne pas mettre les mandats d’arrêt à exécution, et à trouver un local sécurisé pour les interrogatoires. L’ambassade  de France se charge de trouver des interprètes de qualité.

D’où sont partis les missiles ?

Sur les huit suspects « recherchés », deux manquent à l’appel : Éric Hakizimana, l’un des tireurs présumés, et le général Kayumba Nyamwasa. Le premier est introuvable. Le second, en délicatesse avec le gouvernement rwandais, a fui en Afrique du Sud. Les autres sont longuement interrogés par Marc Trévidic et Nathalie Poux, en particulier le général James Kabarebe, actuel ministre de la Défense du Rwanda. A l’issue de ces auditions, les juges prononcent leur mise en examen, qui permet de lever les six mandats d’arrêt internationaux. C’en est apparemment fini de la crispation judiciaire. On n’attend plus que les expertises balistiques. Si elles  concluaient que les tirs de missiles ne sont pas partis de la vallée de Masaka mais du camp Kanombe, fief de la Garde présidentielle du président Habyarimana, on s’acheminerait sans doute vers un non-lieu général. Et les investigations prendraient la direction opposée.

Jean-François DUPAQUIER

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16 décembre 2010

RDC : Ne Muanda Nsemi se rapproche de Tshisekedi

Le Bundu dia Malaya (BDM), le parti du député Ne Muanda Nsemi, est-il en train d'opérer un rapprochement avec l'UDPS d'Etienne Tshisekedi en vue des prochaines présidentielles de 2011 ? Le leader du BDM assistait au premier congrès de l'UDPS aux côtés de Vital Kamerhe et Azarias Ruberwa.  Les 3 opposants à Joseph Kabila ont visiblement été séduits par Etienne Tshisekedi.

logo afkrb.pngSamedi dernier, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ouvrait son tout premier congrès national à Kinshasa. Après un retour triomphal en République démocratique du Congo (RDC), Etienne Tshisekedi est plus courtisé que jamais. L'unité de l'opposition est encore loin d'être une réalité à l'approche des prochaines élections présidentielles de novembre 2011, mais le message de rassemblement lancé par Tshisekedi a visiblement été entendu. Trois leaders politique de premiers plans assistaient au discours de Tshisekedi :  Vital Kamerhe, président honoraire de l’Assemblée nationale et candidat déclaré à la présidentielle, Azarias Ruberwa, président national du RCD et Ne Muanda Nsemi,  le président du parti Bundu dia Mayala (BDM), la branche politique du BDK interdit en RD Congo. Interrogé par Radio Okapi, le leader du BDM souhaite voir émerger un candidat unique de l'opposition, après discussion entre les différents partis. Et pour Ne Muanda Nsemi, Etienne Tshisekedi semble être son candidat à la prochaine présidentielle.

Si le BDM décide de rallier l'UDPS de Tshisekedi, c'est un candidat de poids qui viendrait gonfler les rangs de l'opposition. Ne Muanda Nsemi, président national du Bundu dia Mayala (BDM) et leader de la secte politico-religieuse Bundu dia Kongo (BDK), est très populaire dans le Bas-Congo. On se souvient que le BDK avait affronté pacifiquement la Police en 2007 et 2008 et avait fait trembler le pouvoir central de Kinshasa. Depuis, le Bundu dia Kongo a été interdit et Ne Muanda Nsemi a créé un nouveau parti, le Bundu dia Malaya. Le personnage fait pourtant toujours peur à Kinshasa : son charismatisme et son influence sur la politique congolaise sont restés intactes et tout ce qu'il pourra dire sur les différents candidats à la présidentielle sera écouté avec la plus grande attention dans le Bas-Congo... et cela, Etienne Tshisekedi l'a bien compris.

Christophe Rigaud

15 décembre 2010

RDC : Kinshasa, plus grande ville d'Afrique en 2020

Les Nations-Unies estiment que la capitale de République démocratique du Congo (RDC) accueillera 4 millions de nouveaux habitants dans les 10 prochaines années. En 2020, Kinshasa pourrait donc , avec plus de 12 millions d'habitants devenir la ville la plus peuplée d'Afrique. Pour l'ONU, ces chiffres sont une source d'inquiétude pour les les conditions de vie des futurs habitants de la mégapole congolaise.

DSC03944 copie.jpgSelon ce rapport de l'ONU Habitat, la croissance démographique la plus forte dans la décennie sera celle de Kinshasa qui regroupe déjà 13 % de la population du pays . Une ville qui a déjà du mal a gérer l'afflux de nombreux migrants en 2010.
Kinshasa abrite désormais de nombreux "quartiers informels", bidonvilles, taudis, toujours plus loin du centre-ville et des services minimums (routes, eau, école, électricité, santé… ). "L'urbanisation de la pauvreté est un développement dramatique sur le continent africain, car elle est génératrice de contrastes alarmants entre la richesse des quartiers d'affaires ou des zones résidentielles pour les couches sociales à revenus élevés, d'une part, et la masse des misérables croupissant dans de vastes taudis", rapporte le document.

"Totalement laissés pour compte, les Kinois vivent ainsi à 95 % de la débrouille et la majorité en dessous du seuil de pauvreté", selon l'ONU. L'afflux de nouvelles populations pauvres et rurales ne devrait malheureusement pas améliorer la vie quotidienne des Kinois dans les années à venir.

Photo : Christophe Rigaud (c) www.afrikarabia.com

RDC : Tensions à Goma pour l'arrivée de Kamerhe

Après l'annonce de sa démission du PPRD et de sa candidature à la prochaine élection présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo (RDC), Vital Kamerhe avait prévu un meeting à Goma. Des incidents ont rapidement éclaté entre partisans de Kamerhe et supporters du président Joseph Kabila.

carte RDC Afrikarabia Nord Kivu.jpgDe violents incidents ont émaillé le retour de Vital Kamerhe à Goma, dans la province dont il est originaire. Le maire de la ville n'avait en effet pas autorisé la manifestation et très vite, les esprits se sont échauffés, la police a tiré en l'air pour disperser partisans et opposants de l'ancien président de l'assemblée nationale congolaise. Un correspondant de l'Agence France Presse révèle également que le nouveau candidat à la présidentielle a également été empêché par la police et la garde républicaine de se rendre au gouvernorat du Nord-Kivu. Plusieurs manifestants pro-Kabila ont traité Vital Kamerhe de "traître"… il faut dire qu'avant de se brouiller avec le chef de l'Etat, Vital Kamerhe a été le directeur de campagne de Joseph Kabila lors des précédentes élections de 2006. Depuis hier, Kamerhe a créer son propre parti, l'UNC et a décidé de se présenter face à Joseph Kabila aux présidentielle de 2011.

Christophe Rigaud

Massacres de Noël en RDC : L'appel des ONG entendu

Après l'appel lancé par 19 organisations humanitaires pour empêcher les rebelles de la LRA de commettre de nouveaux massacres à l'approche de Noël, l'ONU vient d'annoncer l'envoie de renforts de casques bleus dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). La mobilisation exceptionnelle de 19 ONG a donc fini par porter ses fruits sur le terrain.

Afrikarabia logo.pngL'ONU a décidé d'envoyer 900 Casques Bleus de la Monusco supplémentaires pour lutter l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), responsable de nombreux massacres ces deux dernières années à l'approche des fêtes de Noël.  "Forte des leçons apprises les années précédentes, la Monusco a renforcé ses positions dans les zones où les rebelles de la LRA opèrent" a confirmé le porte-parole de l'ONU.
L'opération de sécurisation se poursuivra sur le terrain jusqu'à la mi-janvier, notamment dans la zone de Dungu dans le nord-est de la RD Congo.

14 décembre 2010

RDC : Kamerhe candidat en 2011

Il a tout plaqué : la présidence de l'assemblée nationale, le PPRD (le parti qu'il a fondé avec Joseph Kabila) et enfin son poste de député… Vital Kamerhe a démissionné de toutes ses fonctions officielles pour se lancer dans la bataille le présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo (RDC). Il est désormais à la tête de son propre parti politique, l'Union pour la nation congolaise (UNC)… sa nouvelle machine de guerre électorale. Mais avec qui fera-t-il alliance ?

Afrikarabia logo.pngLe voici maintenant candidat déclaré. Vital Kamerhe est officiellement candidat à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC) pour 2011. Après avoir consulté pendant plus d'un an et fait le tour des capitales occidentales, Vital Kamerhe vient d'annoncer qu'il se lancera dans la course à la présidence de la république en 2011.

Candidat de l'opposition ?

Après avoir annoncé sa démission du PPRD de Joseph Kabila et de son mandat de député, Vital Kamerhe, 51 ans, se présentera donc sous la bannière de son nouveau parti, l'Union pour la nation congolaise (UNC) créé en juin dernier. Kamerhe se définie clairement comme un opposant à Joseph Kabila et a annoncé que son parti concluerait des "alliances avec d'autres forces de changement", sans les citer, pour obtenir "l'alternance en 2011". Il a proposé à l'opposition "un programme préléectoral commun" visant "à lutter pour des élections libres et démocratiques", notamment pour "préserver" la Constitution et le mode de scrutin présidentiel et législatif", et "accélérer" la mise en place de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Un dernier signe qui ne trompe pas, Vital Kamerhe assistait en personne au 1er congrès de l'UDPS où Etienne Tshisekedi se propose d'être le rassembleur de toute l'opposition au prochain scrutin.

Christophe Rigaud

RDC : 19 ONG en guerre contre la LRA

Un rapport publié par 19 organisations humanitaires attire l'attention sur la "folie meurtrière" du plus ancien groupe rebelle d’Afrique : l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA). Cette milice est désormais la milice la plus meurtrière en République démocratique du Congo (RDC). Pour ces ONG, la communauté internationale doit agir pour empêcher la LRA de commettre un nouveau massacre à l'approche de Noël, comme ce fut le cas en 2008 et 2009.

Capture d’écran 2010-12-14 à 09.10.36.pngDans un nouveau rapport publié aujourd’hui par 19 organisations humanitaires, "les massacres commis au cours de l’année dernière par l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) à l’encontre de communautés enclavées au Soudan, en République centrafricaine (RCA) et en République démocratique du Congo (RDC) sont parmi les pires atrocités perpétrées par cette milice en 20 ans d’activité sanglante".

Pour ces ONG, de nouveaux chiffres indiquent que "la LRA est devenue la milice la plus meurtrière en RDC ces deux dernières années". Au cours de la seule année écoulée, plus de 1 000 personnes ont été tuées ou enlevées au cours de presque 200 attaques distinctes menées dans deux districts reculés de la RD Congo.

Les 19 organisations humanitaires rappellent "qu'à la veille de Noël en 2008, et au cours des trois semaines qui ont suivi, 865 hommes, femmes et enfants ont été sauvagement battus à mort et des centaines d’autres enlevés par la LRA dans le Nord-Est de la RDC et au Sud-Soudan".  L'année suivante, en 2009, la LRA recommence ses attaques massives à l'approche de Noël faisant plus de 300 morts.

Marcel Stoessel, directeur d’Oxfam en RDC indique "qu'à Noël cette année, des familles du Nord-Est de la République démocratique Congo vont vivre dans la crainte d’un autre massacre, malgré la présence de la plus grande mission de maintien de la paix au monde".

Dans ce rapport intitulé « Le Spectre des Noëls passés  », publié aujourd’hui, les 19 organisations humanitaires et de défense des droits de l’Homme, souhaitent qu’une "attention décisive doit être apportée à la sécurité et au bien-être des femmes, hommes et enfants à travers la vaste région affectée par la LRA".

D’après le HCR, depuis décembre 2008, la LRA, du rebelle Joseph Kony, a tué 2000 personnes, en a enlevé plus de 2600 et a provoqué le déplacement de 400.000 habitants. "Au nord et à l'Est de la RDC, les déplacés sont encore 268.000, ils sont plus de 120.000 au Sud-Soudan et 30.000 dans le sud-est de la RCA. Plus de 24.000 civils ont également été contraints à l’exil".

13 décembre 2010

RDC : Le CNDP, nouvel allié de Joseph Kabila

A un an des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), voici le nouveau coup de poker politique de Joseph Kabila. : le ralliement de l'ex rébellion du CNDP à sa plateforme électoral, l'AMP. Un calcul électoral que dénonce le RDPC, qui accuse le président Kabila de "s'assurer de la mainmise sur tous les bureaux de vote situés dans les territoires actuellement non accessibles aux FARDC mais contrôlés par le CNDP".

Logo CNDP.pngL'ex-rébellion du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), devenu aujourd’hui un parti politique, vient d'intégrer l'alliance présidentielle (AMP) et rejoindre ainsi le clan des "Kabilistes" dans la course à la réélection de Joseph Kabila en 2011. Ennemis hier… alliés aujourd'hui, ce rapprochement semble dicté par un calcul électoral très simple selon le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC). Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, du RDPC, " en contrepartie de l'accord, un bon nombre d'éléments du CNDP seront promis dans la direction des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC)."
À travers cette adhésion, le RDPC pense que le président Kabila "vient de s'assurer de la mainmise sur tous les bureaux de vote situés dans les territoires actuellement non accessibles aux FARDC mais contrôlés par le CNDP." Craignant de lourdes fraudes dans l'Est de la RD Congo, sous contrôle des ex-rebelles, Gaspard-Hubert Lonsi Koko demande "la présence des assesseurs de chaque candidat et des observateurs de la communauté internationale à l'élection présidentielle dans tous les bureaux de vote. Dans la même optique, l'AMP étant majoritaire dans la CENI et le Conseil constitutionnel étant composé des affidés du président Kabila, il est impératif qu'un Haut Représentant des Nations Unies pour les élections soit nommé en vue d'un droit de regard, en conformité avec les dispositions légales, dans le processus électoral en République Démocratique du Congo. Enfin, il est nécessaire de déployer, au moment du scrutin, les éléments de la monusco dans les territoires qui sont sous le contrôle des éléments du CNDP."

Christophe Rigaud

RWANDA : Un ancien militaire de l'APR décrypte le "mapping" de l'ONU

Le brigadier général Richard Rutatina, aujourd’hui conseiller à la présidence de la République, était déjà un haut gradé de l’Armée patriotique rwandaise (APR) lors des deux guerres du Congo. C’est donc en acteur de la crise qu’il analyse et commente le rapport de la commission des Nations-Unies sur les allégations de crimes commis par l’APR au Congo. Pour Richard Rutatina : « le rapport de la commission de l’ONU n'a qu'un seul but : dire qu'il y a eu un double génocide, ce qui est une façon d'insinuer que finalement tout le monde est à la fois victime et bourreau, et donc qu’il n'y a pas eu de génocide du tout.» Voici son témoignage pour Afrikarabia.

Capture d’écran 2010-12-13 à 21.48.23.pngGénéral, le pré-rapport de l'ONU est particulièrement sévère sur le comportement a légué de l'armée rwandaise lors des deux guerres du Congo. Vous-même, en tant qu'officier supérieur de cette armée, comment réagissez-vous ?

Richard RUTATINA : - Effectivement, ce rapport décrit l'Armée patriotique rwandaise comme une milice tutsi qui n'aurait eu d'autre objectif que de tuer les Hutu rwandais réfugiés au Zaïre. Il est difficile de comprendre le retentissement international de ce rapport alors que chacun sait qu'au contraire l'APR a toujours combattu  les visées génocidaires. Chacun a en mémoire les photographies et les reportages télévisés du retour massif des réfugiés rwandais vers leur pays en 1996 et 1997 notamment, sous la protection et avec l'assistance de l'armée patriotique rwandaise.

Alors, pourquoi ces accusations ?

Richard RUTATINA : - Lorsque que notre armée a été mise sur pied, s'était déjà pour permettre le retour dans leur pays des réfugiés, Hutu comme Tutsi, qui avait dû fuir le Rwanda en raison de massacres à caractère génocidaire qui se sont succédé à partir de 1959. Au début de la guerre d'octobre 1990, lorsque le chef du Front patriotique rwandais Fred Rwigyema a été tué, il a été aussitôt remplacé par un Hutu, Alexis Kanyarengwe, malheureusement aujourd'hui décédé. Une grande partie des dirigeants du Front patriotique, dès l'origine, a été recrutée parmi les Hutu démocrates opposés au régime ethniste, dictatorial et sanguinaire de l'ancien président Juvénal Habyarimana. J'énonce ici des faits connus de tous, parfaitement documentés. Aussi, lire dans le rapport de l'ONU que l'APR se serait comportée au Congo comme une milice tutsi ivre de sang est tout simplement extravagant. Depuis l'origine de l'Armée patriotique, nos militaires connaissent mieux que personne les souffrances des exilés, pour les avoir vécues eux-mêmes. Comment notre armée, qui a mis fin au génocide des Tutsi et à la chasse meurtrière des démocrates hutu au Rwanda en 1994, aurait-elle pu elle-même commettre un génocide ?

Pourtant, c'est ce qui ressort du rapport de la commission de l'ONU.

Richard RUTATINA : - Nous sommes confrontés à ce qu'on appelle "la propagande en miroir" qui consiste à accuser l'adversaire de ce qu'on commet soi-même. Ces accusations de génocide contre l'Armée patriotique ne sont pas nouvelles. Dès le débuts de la guerre d'octobre 1990, le régime Habyarimana accusait le Front patriotique d'attaquer le Rwanda pour exterminer l'ensemble des Hutu. On sait ce qu'il est advenu. Cette propagande a été clairement analysée par toutes sortes de chercheurs, de spécialistes de l'histoire de la région, et même dans les premiers rapports de l'ONU en 1994. Pourquoi cette inversion de la réalité ? Pourquoi cette amnésie et cette porosité à l'idéologie du génocide commis contre les Tutsi en 1994 ? C'est la question que je me pose.

Vous considérez que le rapport de l'ONU ne fait que souscrire aux thèses des génocidaires et des négationnistes ?

Richard RUTATINA : - Il suffit d'observer l'histoire récente de notre pays pour s'en convaincre. Le Front patriotique rwandais a été constamment diabolisé et accusé de tous les maux. Avant même la victoire contre les forces génocidaires, beaucoup prétendaient que notre objectif était d'installer à la tête du Rwanda une autorité monoethnique tutsi. Or nous avons mis en oeuvre les accords de partage du pouvoir négociés à Arusha. En avril 1994 a été mis en place un gouvernement de transition à base élargie (GTBE) qui n'était pas dirigée par un Tutsi. Le président de la République, qui avait lui-même combattu dès les premiers jours dans les rangs du FPR, n'était pas un Tutsi.

L’Armée patriotique rwandaise comporte-t-elle beaucoup de Hutu ?

Richard RUTATINA : - Je rappelle que lorsque le nous avons réussi en 1991 à nous emparer de la prison de Ruhengeri, nous en avons libéré les officiers hutu qui ont aussitôt rejoint nous rangs. Après les guerres du Congo, nous avons également réintégré dans l'armée patriotique des officiers, y compris des officiers supérieurs qui se sont rendus après nous avoir combattu toutes ces années. Ils ont retrouvé des postes de commandement et sont parfois montés en grade au sein de l'APR. Comme ce qui se sont battus pour la justice et la démocratie au Rwanda dès la créations du front patriotique, ils ont participé à la force de maintien de la paix au Darfour. Il en va de même chez les simples soldats. La composition de l'APR reflète la composition de la population rwandaise. Elle n'a rien d'une armée qui serait devenue à son tour "génocidaire", bien au contraire. C'est une armée profondément imprégnée des idéaux du Front patriotique, qui a banni dès les origines toute connotation ethnique, qui a tendu la main à tous ceux qui aspiraient sincèrement à participer nos idéaux.

Pourtant, le rapport de la commission de l'ONU conclut que la mission de l'APR au Congo était d'exterminer les réfugiés hutu ?

Richard RUTATINA : - Il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir que ces réfugiés ont été libérés de la peur que faisait régner sur eux l'encadrement génocidaire des camps au Zaïre. Pour ne pas voir que ces réfugiés sont rentrés au Rwanda d eplein gré, par millions, pour retrouver leur place dans la société. Ils ont été protégés, nourris, aidés par les militaires de l'APR jusqu'à leur commune d'origine où ils ont retrouvé leur maison. Affirmer le contraire est extravagant.

Votre témoignage semble confirmé par celui d’un autre général, qui se trouvait, lui, du côté des ex-FAR ?


Richard RUTATINA : - Effectivement, au colloque organisé à Kigali par la commission nationale de lutte contre le génocide, qui s'est tenu les 9 et 10 décembre dernier, on a entendu mon collègue le brigadier général Jérôme Ngendahimana, ce qui était à cette époque un haut gradé des ex-FAR réfugiées au Zaïre et qui nous combattait, raconter ce qui s'est effectivement passé, vu de son côté. Comment les réfugiés sont-ils donc rentrés au Rwanda en aussi bonne santé que possible ? Ils avaient été poussés hors de leur pays par l'armée et les milices du gouvernement génocidaire pour des raisons stratégiques et militaires. Ils avaient servi de boucliers humains. Les forces génocidaires croyaient pouvoir se servir des réfugiés pour se protéger contre toute attaque et pour préparer eux-mêmes la reconquête du Rwanda. La guerre du Congo nous a été imposée pour empêcher la déstabilisation du Rwanda. Elle s'est faite dans des conditions extrêmement difficiles. Ce n'était pas une partie de campagne. Il y a eu des combats extrêmement durs contre ceux qui utilisaient les réfugiés comme boucliers humains, et forcément, on a déploré des victimes collatérales.

Que voulez-vous dire par une guerre qui vous aurait été imposée ?

Richard RUTATINA : - Les forces génocidaires avaient pris en otage des millions de Rwandais qu'elles espéraient utiliser comme un moyen de négociations pour obtenir un partage du pouvoir. Le Rwanda a été soumis à des attaques constantes, à des incursions armées quotidiennes. La communauté internationale se révélait incapable d'assurer la sécurité dans les camps qu’elle finançait, et de libérer les réfugiés de l'emprise des forces génocidaires. Il est d'autant plus choquant qu'aujourd'hui une commission de l'ONU accuse l'armée rwandaise d'avoir commis un génocide au Congo, alors que c'est l'incurie de la communauté internationale qui nous a forcé à une guerre d'autodéfense pour libérer les réfugiés maintenus en otage par des groupes armés.

Ce n’est pas du tout le point de vue des auteurs du rapport…

Richard RUTATINA : - Je le répète, des millions de réfugiés ont été rapatriés pacifiquement. Mais le rapport de la commission de l'ONU ne parle pas de ça. Sur la carte de la zone de guerre, on ne voit que des flèches qui laissent croire que tous les réfugiés se sont massivement enfuis vers la forêt profonde où ils auraient été exterminés. Pas une seule flèche n'indique la direction du Rwanda. "Les gens de l'APR les ont tués jusqu'au dernier", c'est comme le refrain de ce rapport, c'est l'insinuation qui se répète de page en page sur plus de 500 pages. Cette guerre qu'ils appellent Congo 1, ils la présentent comme une promenade militaire destinée à l'extermination des réfugiés. Ils ne veulent pas voir que c'était une véritable guerre avec en face de nous de véritables armées, les ex-FAR, les Forces armées zaïroises (FAZ) qui combattaient à leurs côtés, les milices Maï-Maï, les anciens miliciens interahamwe, etc. Dans le rapport, on ne voit pas que tous ces gens ont combattu avec beaucoup d'énergie pour empêcher le retour des réfugiés au Rwanda. Il y a même eu un groupe de mercenaires serbes à Kisangani pour les aider. Il est vrai que sous leur contrôle, quelques groupes de réfugiés ont réussi à s'enfoncer dans la forêt profonde. Mais tous les groupes que nous avons réussis à rejoindre et à libérer de l'emprise des génocidaires ont été ramenés au Rwanda. Certains ont même été rapatriés en avion, tellement il paraissait impossible de les faire rentrer à pied. Or que dit-on dans le rapport ? « Ils chassaient sans cesse les réfugiés hutu et les tuaient ». Tout le contraire de la vérité !

Auriez-vous pu perdre cette guerre au Congo ?

Richard RUTATINA : - Selon le rapport de la commission, le rapport de la commission, l'APR ne combattait pas mais étaient seulement occupés à chasser et exterminer les Hutu. Nous avons sans doute été victime d'une hallucination collective : les militaires des ex-FAR, des Forces armées zaïroises, les mercenaires européens recrutés pour nous combattre, les miliciens de toutes origines, tous ces groupes puissamment organisés et équipés, que les journalistes ont décrit  de long en large à cette période, n'existaient donc pas ? Ils n'ont donc rien fait ? Ils ne se sont donc pas réfugiés dans la forêt profonde en tentant désespérément d'entraîner leurs boucliers humains ? Nous avons rêvé ?

Vous considérez que les auteurs du rapport de l'ONU ont fait l'impasse sur ce qui était une véritable guerre ?

Richard RUTATINA : - Exactement. Ils ont ignoré les autres acteurs du conflit. Ils ont refusé de voir que l'Armée patriotique rwandaise a toujours revêtu un caractère national. Ils ont complètement intégré la propagande génocidaire.

De quelle façon ?

Richard RUTATINA : - En voici un exemple : dans le rapport on prétend que les militaires de l'Armée patriotique appelaient les Hutu "des cochons". C'est une injure vis-à-vis des Hutu que j'ai découverte en lisant le rapport de l'ONU. Jamais je n’avais entendu ça auparavant. C'est au contraire les Tutsi qu'on appelait des "cancrelats". Un militaire de l'Armée patriotique qui aurait ainsi injurié une catégorie de la population rwandaise aurait été sévèrement sanctionné. On cherche ainsi à nous faire endosser la responsabilité d'une propagande raciste qui avait pour seul but le génocide des Tutsi en 1994.

En quelque sorte, vous accuser de ce que fait le camp d’en face ?

Richard RUTATINA : - On lit aussi dans le rapport que nous avons exterminé les réfugiés hutu en utilisant des machettes, des serpes, des houes. Or ce sont bien les instruments qui ont été utilisés en 1994, mais pour amener la population à participer massivement au génocide des Tutsi. Croit-on sérieusement que les militaires de l'Armée patriotique rwandaise s'étaient chargés de toutes sortes d'instruments aratoires pour exterminer les réfugiés ? On voit bien que les auteurs du rapport ne comprennent pas les choses les plus simples, accessibles à n'importe quel militaire. Franchement, les militaires devaient porter une Kalash avec ses chargeurs garnis, et je peux vous dire que ça pèse terriblement lourd lorsqu'on doit marcher jusqu'à Kinshasa sur 2000 kilomètres. Alors, qui peut croire qu'en plus du fusil d'assaut chacun trimbalait une houe pour le seul usage d'exterminer des fuyards ? On voit bien le tout au long du rapport il y a une tentative de transposer la propagande des génocidaires de 1994 qui disaient déjà que le but de l'Armée patriotique était d'exterminer les Hutu jusqu'au dernier.

Vous avez relevé d’autres anomalies dans le rapport ?


Richard RUTATINA : - Il y a d'autres aspects tellement invraisemblables dans le rapport qu'on se demande comment il n'a pas sombré dans le ridicule aussitôt que publié. Je vais vous en citer un seul exemple. Le "Rapport mapping" cite un certain nombre d'endroits où des fosses communes auraient été creusées pour dissimuler des victimes de l'Armée patriotique. Il paraît ainsi qu'une fosse commune contenant environ 500 cadavres se trouverait à Kasese. Or notre armée n'a jamais mis les pieds à Kasese. On prétend également qu'au moment où les forces de Kabila et l'APR s'apprêtaient à prendre Kinshasa, on procédait à des massacres massifs à 2 000 km de distance, dans la vallée de la Ruzizi, à Bukavu et Uvira. C'est du grand n'importe quoi. Qui peut sérieusement croire que l'Armée patriotique avait le moyen de concentrer ses forces pour la prise de Kinshasa où se cramponnaient les derniers éléments des Forces armées zaïroises et de s'occuper au même moment d'extermination massive à la frontière du Rwanda ?

Alors, quel est le sens de ce rapport ?


Richard RUTATINA : - Le rapport de la commission de l’ONU n'a qu'un seul but : dire qu'il y a eu un double génocide, ce qui est une façon d'insinuer que finalement tout le monde est à la fois victime et bourreau, et donc qu’il n'y a pas eu de génocide du tout. Il est particulièrement regrettable que cette propagande répétée d'année en année par ceux qui ont exterminé les Tutsi, se retrouve dans un rapport bénéficiant du label de l'Organisation des Nations unies.

Propos recueillis à Kigali par François MOLYNEUX

12 décembre 2010

RWANDA : "6 millions de morts en RDC ? Extravagant !" selon Aldo Ayello

Les 9 et 10 décembre derniers se tenaient à Kigali une conférence internationale sur le génocide au Rwanda. Deux jours de travaux qui ont regroupé  des chercheurs, des hommes politiques, des diplomates et des écrivains. Parmi eux, le diplomate italien Aldo Ayello, pour qui "l'extravagance du chiffre de 6 millions de morts au Congo devrait suffire à discréditer l'ensemble du pré-rapport "mapping" de l’ONU". Voici son interview réalisée à Kigali.

Capture d’écran 2010-12-12 à 21.37.19.pngEntre 1992 et 1994, le diplomate italien Aldo Ayello a été envoyé par les Nations Unies au Mozambique pour ramener la paix. Puis jusqu’en 2007 il a représenté l’Union européenne en Afrique centrale pour rapprocher les belligérants. Réputé excellent connaisseur de la région des Grands lacs, il porte un regard sévère sur le pré-rapport « mapping » du Haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU sur les allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire de « génocide » commis en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et dont la responsabilité incomberait essentiellement à l’Armée patriotique rwandaise. Quand au chiffre de 6 millions de victimes, il le qualifie de « tout simplement extravagant ».

Monsieur Aldo Ayello, vous vous trouvez en ce moment au Rwanda pour participer à un colloque organisé par la Commission nationale contre le génocide au sujet du « Mapping report » de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU sur des allégations de crimes de guerre, voire de génocide au Congo entre 1996 et 1998. Ce rapport a fait grand bruit. Qu’en pensez-vous ?

Aldo AYELLO : - J'ai passé 15 ans en Afrique dont la Tanzanie dans la région des Grands Lacs, j'en ai donc une expérience directe et je connais bien le contexte sur lequel le rapport de la commission de l'ONU fait une curieuse impasse. La sortie de ce rapport m'a profondément étonné. Pour ce que j'en ai lu, il contient beaucoup de contradictions et d'incohérences. Mais le pire est à mon avis la véritable amnésie qui semble toucher les auteurs du rapport sur le contexte des événements qu'ils prétendent décrire et analyser. Et le chiffre extravagant de victimes.

Que voulez-vous dire en parlant du contexte ?

Aldo AYELLO : - Il s'agit de la définition même du supposé "mapping". Pour comprendre et apprécier les événements qui se sont produits dans la région des Grands Lacs entre 1993 et 2003, il ne suffit pas de se fier à des témoins dont beaucoup semblent apporter des informations de deuxième ou de troisième main, mais aussi de comprendre l'ensemble du conflit, sa genèse, ses raisons profondes. Or le rapport ne le fait pas. Il ne définit pas le cadre, et d'abord le génocide. Je parle du vrai génocide, celui commis en 1994 au Rwanda contre les Tutsi. Le rapport de la commission de l'ONU ignore complètement cet événement décisif. Cette façon de mettre entre parenthèses le génocide des Tutsi et le massacre concomitant des Hutu démocrates empêche de comprendre ce qui s'est passé avant, pendant et après.

Avant ?

Aldo AYELLO : - Il est indispensable de se rappeler que le génocide de 1994 contre les Tutsi a été scientifiquement planifié. Comment les auteurs du rapport peuvent-ils oublier par exemple le témoignage et les télégrammes du général Roméo Dallaire, commandant en 1993 et 1994 la force des Nations unies (MINUAR) au Rwanda ? Les télégrammes étaient on ne peut plus précis, notamment celui du 11 janvier, et pointent la faillite de l'ONU à prévenir le génocide, jusqu'au lâche retrait de l'essentiel des effectifs de la MINUAR. C'est grâce au secrétaire général Boutros Boutros Ghali qu'une présence minimum a permis que la communauté internationale conserve un droit de regard sur ce qui se produisait. Peut-être que cette petite présence a sauvé quelques vies humaines. Peut-être a-t-elle dans certains cas, imposé un minimum de retenue aux auteurs du carnage. Je suis vraiment étonné que les auteurs du rapport fassent l'impasse sur tout ça. Et qu'ils oublient également que l'ONU a ensuite toléré que les camps de réfugiés - qui ont accueilli la population hutu obligée de fuir son pays sous la pression des génocidaires - puissent s'installer à quelques mètres seulement de la frontière du Rwanda. Voilà qu'elle a été l'origine des tragédies qui ont suivi.

Qu'aurait dû faire l'ONU après le génocide et l'exil forcé de millions de Rwandais ?

Aldo AYELLO : - Les règles internationales concernant l'accueil de populations réfugiées sont claires. Notamment, les camps doivent être installés à une grande distance de la frontière du pays quitté pour des raisons évidentes de sécurité. Or l'ONU a toléré que certains camps soient installés à quelques mètres seulement de la frontière du Rwanda. Ces camps étaient encadrés par les mêmes autorités qui venaient de diriger le génocide. L'ONU a toléré que les anciennes Forces armées rwandaises (FAR) puissent s'installer au milieu de ces réfugiés avec leurs armes et leurs munitions. L'ONU a toléré que les ex-FAR puissent se réorganiser et compléter leurs effectifs dans l'intention clairement affichée d'attaquer le Rwanda pour reprendre le pouvoir et, dans l'intervalle, de déstabiliser les autorités par une série d'incursions armées. Je rappelle que les organisations non-gouvernementales et le Haut-Commissariat aux réfugiés n'avaient pas le contrôle des camps. Qu’elles n’avaient même pas le droit d’y pénétrer pour recenser le chiffre réel de réfugiés. Que les autorités rwandaises en exil trichaient effrontément sur le nombre de réfugiés pour obtenir des stocks d'équipements et de rations alimentaires qu'elles revendaient à la population zaïroise pour se procurer davantage d'armes et de munitions. L'intention déclarée de ces gens était "de continuer le travail qui n'avait pas été terminé", c'est-à-dire de revenir au Rwanda pour parachever l'extermination des Tutsi.

Les auteurs du pré-rapport n'évoquent pas cette situation ?

Aldo AYELLO : - Précisément. J'ai cherché dans le rapport le rappel des causes de la crise que les rapporteurs prétendent expliquer et analyser. Je n'ai pas trouvé un seul paragraphe sérieux sur tout ça, rien sur la responsabilité de la communauté internationale qui a laissé violer ses propres règles en tolérant l’installation à la frontière du Rwanda des forces préparant la reconquête du pays en s'appuyant sur le financement des camps par le détournement massif de l’aide de la communauté internationale, notamment de l'Union européenne. Faut-il rappeler que le financement de cette population forcée à l'exil coûtait un million de dollars par jour, dont la moitié financée par l'Union européenne ? Quelques mois seulement après avoir fui le Rwanda, les ex-FAR avaient reconstitué leur effectif d'environ 50 000 militaires. Elles avaient réussi à transférer au Zaïre l'essentiel de leurs armes lourdes et de leurs véhicules ainsi que la plus grande partie de leurs armes légères. Elles ont racheté le reste aux militaires zaïrois avec l'argent pillé au Rwanda avant leur fuite et l'argent détourné des budgets destinés à l'aide aux réfugiés.

Pour reprendre la guerre perdue en juillet 1994 ?

Aldo AYELLO : - En 1995 et 1996, le Rwanda était soumis à des incursions armées et à des attaques pratiquement quotidiennes. Il ne se passait pas de semaine sans que des rescapés soient assassinés par des commandos venus du Zaïre. Je rappelle que la route stratégique entre Kigali et Gisenyi, à la frontière du Zaïre, était fréquemment minée. L'insécurité était telle qu'on ne pouvait plus l'emprunter la nuit, et le jour, il fallait organiser des cortèges de véhicules, escortés par de puissants effectifs militaires.

Comment les auteurs du pré-rapport ont-ils pu faire l'impasse sur cette situation ?

Aldo AYELLO : - C'est bien le problème. Entre 1994 et 1996, le Rwanda était un pays assiégé, et l'inconséquence, l'incohérence, la lâcheté de la communauté internationale contribuaient très lourdement à cette situation. Les autorités de l’ex-gouvernement « intérimaire » qui avaient préparé puis encadré le génocide voulaient imposer une négociation au gouvernement rwandais pour partager le pouvoir en faisant l'impasse sur l'épouvantable carnage qu'ils avaient provoqué. À cette époque, j'ai rencontré à plusieurs reprises le président du Rwanda Pasteur Bizimungu et le vice-président et ministre de la défense Paul Kagamé. Tous deux se plaignaient amèrement de l'incurie de l'ONU qui laissait se préparer une nouvelle tragédie.

Que disaient-ils précisément ?

Aldo AYELLO : - À plusieurs reprises, Paul Kagamé m'a dit : "Il faut que l'ONU permette aux Rwandais pris en otage par les génocidaires de revenir dans leur pays, sinon nous serons forcés de le faire nous-mêmes." J'ai rapporté ses paroles à mes interlocuteurs de l'ONU, mais ils n'en ont pas tenu compte. Aucun pays européen n'était prêt à envoyer des militaires  dans les camps de réfugiés pour soustraire la population à la terreur de l’encadrement génocidaire. Personne ne voulait s'occuper de rétablir des règles normales en matière d'accueil et d'administration des populations réfugiées. Personne n'était prêt à consacrer des ressources pour déplacer les camps ou pour protéger les Rwandais qui voulaient rentrer dans leur pays et qui était assassinés par les forces génocidaires dès qu'ils en manifestaient l'intention. Je conserve un souvenir précis des demandes des autorités de Kigali, répétées mille fois, de concourir au rétablissement d'une situation normale en matière de réfugiés. Il est étrange que ce problème qui a dominé la scène politique rwandaise pendant les années 1994 à 1996 ait été complètement ignoré par les auteurs du rapport de la commission de l'ONU.

Comment cela est-il possible ?

Aldo AYELLO : - Je me pose la question. Je n'étais pas le seul à qui le président de la République du Rwanda et son vice-président posait le problème. Tous les représentants des gouvernements étrangers qui rencontraient les nouvelles autorités du Rwanda entendaient le même refrain. La question a été la base des négociations de Lusaka. J'entends encore les réponses de certaines autorités gouvernementales occidentales : « Ce serait trop risqué, trop dangereux, trop coûteux ». Comment pouvaient-ils présenter de tels arguments alors que le coût du maintien des camps de réfugiés était d'un million de dollars par jour !

C'était la volonté politique qui manquait ?

Aldo AYELLO : - Exactement. L'opération aurait incombé à des militaires des pays développés qui ne voulaient pas s'engager. J'entends encore Paul Kagamé, qui était alors vice-président de la république me dire : « Si les occidentaux ne veulent pas rétablir l'ordre dans les camps, empêcher les ex=FAR de préparer une attaque armée générale contre le Rwanda et faciliter le retour des réfugiés, alors nous serons obligés de le faire nous-mêmes. » J'ai relayé ces propos aux responsables de l'Union européenne, à des hauts responsables des États-Unis, à toute une série de membres de la communauté internationale. Je me suis heurté à une fin de non recevoir.

Considérez-vous que l'attaque menée par l'armée patriotique rwandaise et les troupes de Kabila à la fin de 1996 constituait un acte de légitime défense ?

Aldo AYELLO : - Appelons les choses par leur nom. L'accueil complaisant par les autorités du Zaïre des responsables du génocide, l'autorisation qu'il aura été donnée de reconstituer une force armée considérable, à se fournir en armes et munitions, la tolérance dont ils ont bénéficié pour terroriser les camps de réfugiés, et enfin la préparation d'une attaque générale contre le Rwanda qui était prévue au tout début 1997, tout ceci a entraîné un acte de légitime défense des autorités du Rwanda.

Car si l'armée patriotique rwandaise n'avait pas attaqué fin 1996, peut-être qu'elle n'aurait pas résisté à l'invasion armée massive qui était programmée par les ex-FAR quelques semaines plus tard, et le génocide aurait été parachevé.

Que pensez-vous des observations du rapport de l'ONU qui laisse entendre que des actes de génocide contre les Hutu auraient été commis au Zaïre par l'APR et les forces de Kabila ?

Aldo AYELLO : - Parler de génocide commis au Zaïre contre les réfugiés rwandais demande beaucoup d'imagination et de fantaisie. Je vous renvoie à l'article 6 du traité de Rome, ce qu'on appelle la convention sur le génocide. Il s'agit "d'actes commis dans l'intention de détruire en totalité ou en partie un groupe national, ethnique, religieux, etc.". À la suite de l'attaque du Zaïre fin 1996, les autorités rwandaises ont créé un couloir humanitaire qui a permis de rapatrier au Rwanda des millions de personnes libérées de l'étreinte de la terreur dans les camps. Ces gens n’ont pas été exterminés, mais bien au contraire protégés. Il s'agissait encore une fois d'un acte de légitime défense de la part d'un pays assiégé et en faveur de millions de réfugiés soumis à la propagande qui avait conduit au génocide, et dont la plupart se félicitaient de pouvoir rentrer dans leur propre pays sous la protection de l'APR.

Mais d’autres réfugiés se sont enfuis… ?

Aldo AYELLO : - Je n'ignore pas que des centaines de milliers de réfugiés ont été repoussées plus profondément dans le territoire zaïrois sous l’effet de la panique ou sous la contrainte des militaires des ex-FAR qui s'en servait comme d'un bouclier humain. Dans la plupart des cas, même lorsque ces réfugiés avaient parcouru à pied des centaines de kilomètres à l'intérieur du Zaïre jusqu'à Tingi=Tingi ou Kisangani, ils ont pu être ramenés au Rwanda. Dans d'autres cas, il y a eu des pertes humaines, notamment lorsque ces réfugiés ont été utilisés comme boucliers humains par les ex=FAR et les forces armées zaïroises qui leur apportaient leur concours pour tenter d'éviter la défaite. Que des dizaines de milliers de réfugiés aient perdu la vie dans ces terribles circonstances, du fait que des combats, de la maladie, de l'épuisement, voir de « dommages collatéraux », est une évidence. Citer le chiffre de 6 millions de victimes provoquées par l'armée patriotique rwandaise et les autres pays qui ont participé aux opérations militaires dans le Zaïre jusqu'à la chute de Mobutu est tout simplement extravagant et devrait suffire à discréditer l'ensemble du rapport.

Pourquoi ce chiffre qui est répété à l’envie sur la « Toile » ?

Aldo AYELLO : - Il ne repose sur rien de concret. On voit bien l’effet de propagande qui est recherché. Il s'agit d'atteindre un chiffre comparable au nombre des Juifs exterminés par les nazis, pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale, jouer sur le registre de l'émotion, de l'indignation, de la passion. Ou pire encore, souffler sur les braises de la haine. Encore une fois, tout ceci n'a rien à voir avec la réalité.

Propos recueillis à Kigali par François MOLYNEUX

11 décembre 2010

RDC : Monsengwo, un cardinal très politique

Et si le nouveau phénomène politique de cette fin d'année était… un homme d'église ? En ce mois de décembre, on attendait le retour de Tshisekedi, de discours sur l'état de la nation de Kabila, le démarrage du procès Bemba… mais le hasard du calendrier a fait entrer un nouveau venu sur la scène politique congolaise : le cardinal Laurent Monsengwo. Et pour sa première messe, le nouvel archevêque de Kinshasa a choisi un ton résolument politique. A moins d'un an des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), il faudra désormais compter avec ce nouvel acteur politique congolais.

Capture d’écran 2010-12-11 à 22.37.00.pngFraîchement débarqué de Rome le 1er décembre dernier, le cardinal Monsengwo, fait une irruption très remarquée dans l'arène politique congolaise et embarrasse déjà les autorités de Kinshasa. Lors de sa messe d’accueil en tant que nouveau cardinal, l’archevêque de Kinshasa a invité tous les belligérants dans l’Est du pays à cesser les combats. Laurent Monsengwo, souhaite que les milices « déposent les armes et fasse la paix dans la justice et la réconciliation ». Des mots du cardinal Laurent Monsengwo, qui ont fortement résonné dans le stade des Martyrs, devant plus de 80 000 personnes.
« Point n’est besoin de tuer tant d’hommes et de femmes. Point n’est besoin de tant de violences innommables pour se faire de l’argent. C’est de l’argent criminel », a scandé le cardinal Monsengwo. Des paroles de paix très classiques pour un homme d'église, mais lorsque le nouvel évêque de Kinshasa déclare : « le pouvoir qui ne s’occupe pas du bien commun est un pouvoir sans objet »… certains regards se sont tournés vers le chef de l'état, Joseph Kabila, déjà en campagne pour sa réélection en 2011. Cette interpellation très politique à destination de la classe politique congolaise, a fait grand bruit à Kinshasa… un discours particulièrement apprécié par la population congolaise.

Dans son homélie, Laurent Monsengwo a parlé d'unité, de paix, de vérité, de justice et de réconciliation pour tous… un message qui prend une résonance particulière, un an avant un scrutin électoral décisif pour la RD Congo. Une chose est sûre : il faudra désormais compter avec une nouvelle personnalité politique à Kinshasa, en la personne du cardinal Laurent Monsengwo.

Christophe Rigaud

10 décembre 2010

RDC : Attention... journalistes en danger !

Arrestations, interpellations, assassinats, le journalisme est un métier à risque en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG congolaise Journalistes en danger (JED) vient de publier son rapport 2010 sur les atteintes à la liberté de la presse dans le pays... des atteintes en constante augmentation.

Image 4.pngSelon JED : "la situation en 2010 indique une augmentation des atteintes à la liberté de la presse de 11 cas de plus par rapport à 2009". Si les agressions, menaces et pression administratives, économiques ou judiciaires ont diminué en 2010, on note par contre une augmentation des privations de liberté des journalistes sous forme d'interpellations (27 contre 20) et d'incarcérations (17 contre 3) note le rapport. "Pour la sixième année consécutive depuis 2005, un cameraman a été tué" en 2010, rappelle l'ONG congolaise en rappelant la mort de Patient Chebeya Bankome, abattu par balle le 5 avril à Béni (est), dans la province instable du Nord-Kivu.

Deux militaires ont été condamnés à la peine de mort pour ce meurtre, "mais toutes les pistes dans cette affaire n'ont pas été explorées", déplore JED. Parmi les "cas flagrants" d'atteintes à la liberté de la presse, l'organisation cite le cas d'un journaliste détenu pour "trahison" pendant 5 mois à Kinshasa pour avoir publié un communiqué des rebelles hutu rwandais. Il avait finalement été acquitté et libéré. JED cite aussi la fermeture pendant un mois d'une radio dans la province du Bandundu (ouest) et la détention sur la même période d'un de ses journalistes, sur décision du gouverneur provincial.

Rwanda : le président Kagame reçoit le prix de la paix mondiale

Le président du Rwanda Paul Kagame a reçu jeudi 9 décembre le prix de la paix mondiale qui lui a été remis par Mohamed Ali, président de la Fondation pour la paix mondiale et l’unité, au cours d’une réception à l’hôtel Serena de Kigali.

Capture d’écran 2010-12-10 à 07.27.31.pngCe prix lui avait été officiellement attribué à Londres, siège de la Fondation, le 23 octobre 2010. Depuis cinq ans, la Fondation pour la paix et l'unité récompense les acteurs de la société civile qui font le plus pour construire une bonne  entente entre communautés, notamment interconfessionnelles. Cette initiative a été prise par la Communauté musulmane britannique lors de sa cinquième session, tenue à Londres. Parmi les critères de choix, la communauté musulmane retient non seulement celui ou celle qui a fait le plus pour une bonne intégration des communautés religieuses dans la cité, mais aussi « la promotion du caractère sacré de la vie » et la capacité à promouvoir le dialogue.

Pour la cérémonie, le président Kagame était entouré du mufti du Rwanda, le cheik Saleh Habimana, de plusieurs évêques catholiques et protestants et de nombreux acteurs de la vie civile.  Mohamed Ali a vivement félicité le président rwandais pour la façon dont il a reconstruit le pays après le génocide des Tutsi de 1994. Il a insisté sur le rôle du Président dans l'arrêt du génocide de 1994 contre les Tutsi et la reconstruction du pays dans un pays plus harmonieux, stable et prospère qui est devenu un modèle pour l'Afrique et une source d'inspiration à d'autres pays sortant d'un conflit. Paul Kagame a répondu qu’il restait beaucoup à faire et souligné que l’avenir du Rwanda dépendait des Rwandais et d’eux seuls.

09 décembre 2010

RDC : L'étrange bilan de Joseph Kabila

Dans un discours sur l'état de la nation, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila vient d'affirmer devant les députés et sénateurs que son pays "se porte mieux qu'avant". Un drôle de satisfecit quand on connaît l'état de la situation sécuritaire à l'Est et le niveau de développement du pays, qui selon le PNUD est en recul par rapport à 1970. Drôle de bilan.

Image 4.pngA un an des élections présidentielles en RD Congo, le président Kabila effectuait son premier bilan après 4 années à la tête de l'état congolais : "la nation congolaise se porte mieux qu’il y a un an ou mieux qu’il y a 15 ans et son état s’améliore chaque jour davantage".

Devant députés et sénateurs congolais, réunis en congrès, Joseph Kabila s'est distribué des bons points : "le pacte conclu avec le peuple congolais à l’occasion des dernières élections présidentielles nous imposait cinq objectifs majeurs à savoir, le rétablissement et la consolidation de la paix, la réhabilitation de l’Etat dans ses prérogatives régaliennes ; l’amélioration de la gouvernance politique, économique et social, la relance économique et la reconstruction du pays".

Pour lui, la situation s’est sensiblement améliorée, malgré quelques foyers résiduels persistent encore ça et là du fait de la présence de groupes armés étrangers, notamment des rebelles rwandais des Forces Démocratiques pour la libération du Rwanda ( FDLR ) et rebelles ougandais de Allied Democratic Forces/ National Army for Liberation of Uganda (ADF/NALU) .

Sur le plan économique, le Chef de l’Etat a indiqué "qu'en dépit des signes de reprises perceptibles depuis la fin de l’année dernière, l’activité économique s’est déroulée dans un environnement international plutôt préoccupant. La situation macro-économique du pays a été bonne, avec un taux de croissance de 6 % en 2010 contre 2 % en 2009".

Le bon bilan de Joseph Kabila reste à tempérer selon les dernières études du PNUD de novembre 2010. Selon l'agence onusienne, le niveau de développement en République Démocratique du Congo est en recul en 2010 par rapport à celui de 1970, selon le classement annuel du développement humain.

La RDC partage avec la Zambie et le Zimbabwe le niveau inférieur de ce classement où trône, en première position, la Norvège, suivie de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Ce classement mondial, qui se base sur le bien-être de la population de la planète depuis vingt ans, prend en ligne de compte le degré de prospérité économique, le niveau d'éducation ou encore l'espérance de vie dans les cinq continents.

Stabilité militaire, politique et économique ne sont donc pas encore au rendez-vous en République démocratique du Congo (RDC)... sans parler de la situation des droits de l'homme (affaires Chebeya, Tungulu... ) et des assassinats de journalistes.

Au crédit de Joseph Kabila, le pays sort à peine d'une quinzaine d'années de guerre et de massacres à répétition. Sans revenus et avec une économie d'une extrême faiblesse, il est difficile de faire des miracles en 4 petites années. Le budget de l'état congolais est toujours aussi mince :  6,7 milliards de dollars... peut-être 100 fois moins que ce qui serait nécessaire ! On peut donc avoir quelques indulgences pour Joseph Kabila, au moins sur le plan économique... quand à se satisfaire de ces maigres résultats... il y a malheureusement un pas que Joseph Kabila a allègrement franchi dans son discours sur la l'état de la nation.

Christophe Rigaud

08 décembre 2010

RDC : Tshisedeki est arrivé à Kinshasa

Après 3 ans d'un "exil médical" forcé, l'opposant historique à Mobutu, est arrivé à Kinshasa ce mercredi vers 14h30 en provenance d'Afrique du Sud. Etienne Tshisekedi, 78 ans, est candidat à la présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo (RDC). Plusieurs milliers de militants étaient venus l'accueillir.

Capture d’écran 2010-12-08 à 22.28.18.pngMalgré une forte présence policière, plusieurs milliers de militants de l'UDPS sont venus attendre leur leader à l'aéroport de Ndjili à Kinshasa. Les policiers, présents en nombre, les ont empêchés d'accéder à l'enceinte de l'aéroport.

Sur la quinzaine de kilomètre du parcours entre l'aéroport et le siège du parti d'opposition, de très nombreux congolais étaient présents sur le bord de la route ont pu constater les agences de presse présentent sur place.

Etienne Thsisekedi devait se rendre en début de soirée au siège du l'UDPS à Kinshasa où il devait prononcer un discours.

L'opposant historique au Maréchal Mobutu avait quitté la RD Congo il y a maintenant trois ans pour des raisons de santé et résidait en Belgique. Etienne Tshisekedi avait annoncé en août depuis Bruxelle qu'il se présenterait à l'élection présidentielle prévue en novembre 2011 en RDC. Après avoir boycotté les précédentes élections de 2006, l'UDPS prendra part aux différents scrutins qui se dérouleront jusqu'en 2013.

07 décembre 2010

RWANDA : 2 opposants accusés de mobiliser des troupes en RDC

Selon un journal sud-africain, Business Day, "deux anciens hauts-dignitaires rwandais se servent de l’Afrique du Sud pour renverser le régime du président Paul Kagame". C'est en tout cas ce qu'affirme le haut commissaire rwandais en Afrique du Sud qui accuse également les deux "comploteurs", Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegesa, de vouloir mobiliser des troupes en République démocratique du Congo (RDC) en vue d'un coup de force à Kigali.

logo afkrb.pngDans l'article du journal sud-africain, les "conspirateurs" sont clairement nommés : il s'agit l’ancien général rwandais Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegesa, ancien chef de la sécurité extérieure du Rwanda. Ces deux personnalités avaient violemment rompus avec l'actuel président, Paul Kagame et s'étaient réfugiés en Afrique du Sud. Kigali accuse les deux opposants de mobiliser les forces de la République démocratique du Congo (RDC) pour prendre les armes contre le gouvernement rwandais. Le haut commissaire rwandais, note que les deux hommes complotent "via la mobilisation ethnique au Rwanda et les opérations militaires au Congo, pour renverser notre gouvernement"... sans plus de précisions sur ces fameuses "forces" en RDC.

Kigali attend toujours toujours une décision de l’Afrique du Sud sur une demande d’extradition de Kayumba Nyamwasa au Rwanda pour "corruption et détournement de fonds".

A noter enfin que les autorités sud-africaines ont déclaré ne pas être au courant de ces allégations.

Christophe Rigaud

05 décembre 2010

RDC : Tshisekedi à Kinshasa le 8 décembre

Il arrivera finalement avec une semaine de retard. Selon un porte-parole de l'UDPS, Bernard Ali Risaki Kasongo, le Président national du parti, Etienne Tshisekedi rentrera à Kinshasa, mercredi 8 décembre 2010 à 12h50.

Afrikarabia logo.pngAttendu entre le 1er et le 3 décembre, le retour du "sphinx de Limete" avait été reporté. Etienne Tshisekedi est attendu en République démocratique du Congo (RDC) avant l'ouverture du premier congrès du parti, le 10 décembre. Le leader de l'UDPS rentre au pays après 3 ans d'exil.

Rapport de l'ONU : Le Rwanda contre-attaque

Le mapping report de l'ONU qui évoque la "possibilité d'un génocide" en République démocratique du Congo (RDC), entre 1993 et 2003, continue de susciter la controverse.  L'ONU y présente les exactions commises contre les populations civiles et les réfugiés en RDC (ex-Zaïre). Au banc des accusés  : l'Ouganda, le Burundi, l'Angola… mais surtout le Rwanda pour qui le terme de "génocide" ne passe pas. Jeudi 9 et vendredi 10 décembre 2010, Kigali organise une conférence internationale sur la convention de l'ONU de 1948 définissant le crime de génocide. Une occasion de revenir sur le fameux mapping report des  crimes commis durant les guerres du Congo.

carte RDC Afrikarabia vierge.jpgLe fameux rapport de l’ONU du Haut-Commissariat aux droits de l’homme dresse un bilan accablant de dix ans de crimes en République Démocratique du Congo (RDC), de 1993 à 2003. Le Congo (Zaïre à l'époque) a été déchiré au cours de cette période par deux guerres, de 1996-1997 puis de 1998 à 2003. Les violences qui déchirent encore aujourd’hui le Nord-Kivu, découlent de ces précédents conflits. Le rapport d’environ 600 pages, dévoilé par Le Monde, révèle notamment qu’au cours de la première guerre en RDC, de 1996 à 1998, certains faits commis par les soldats rwandais pourraient être qualifiés de génocide. Ces actes de guerre sont pourtant directement liés au génocide de 1994, survenu au Rwanda voisin. Cette année-là, une guerre civile a opposé les ethnies Hutu et Tutsi, conduisant au génocide d’environ 800.000 Tutsi. Suite à la prise de pouvoir à Kigali du Front patriotique rwandais (FPR) à majorité tutsie, plus d’un million de Hutus du Rwanda s’étaient réfugiés sur le territoire de la République Démocratique du Congo, ( Zaïre à l'époque). Pour Kigali, l’APR (bras armé du FPR dirigé par Paul Kagame) aurait commis ces exactions en RDC, alors qu’elle poursuivait  les génocidaires hutus ayant quitté le Rwanda.

Si d'important massacres ont bien eu lieu à l'Est de la République démocratique du Congo (personne ne le nie), les «révélations» du rapport de l'ONU n’ont pas manqué d’apporter de l’eau au moulin des tenants de la thèse négationniste du «double génocide», qui, pour amoindrir les crimes des génocidaires rwandais jugés à Arusha ou laver les accusations de complicité qui pèsent sur les autorités politiques et militaires françaises, tentent de relativiser le génocide commis à l’encontre des Tutsi par une rhétorique des tords partagés ou de crimes réciproques équivalents. Or, si des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont indéniablement été commis par l’armée du FPR et demeurent impunis, l’utilisation du terme "génocide" pour les qualifier pose problème.

Dans ce contexte s'ouvrira le 9 décembre 2010 à Kigali, une conférence organisée par la Commission Nationale rwandaise de Lutte contre le Génocide. La conférence sera présidée par Jean-de-Dieu Mucyo, ancien ministre de la Justice, et Aldo Ayello, ancien envoyé spécial des Nations Unies pour ramener la paix au Mozambique (1992-1994) puis par l’Union européenne comme facilitateur de paix dans la région des Grands Lacs (1996-2007).

Ces derniers mois, Aldo Ayello avait contesté dans plusieurs interventions remarquées, le contenu du projet de rapport du Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, révélé fin août 2010 par le journal Le Monde, et qui estime que des faits de "génocide" auraient pu être commis en République démocratique du Congo (RDC) entre 1996 et 1998 par des militaires rwandais ou soutenus par le Rwanda. Pour Aldo Ayello, « l’application inappropriée du concept de génocide discrédite le mapping report. »

Parmi les autres invités de la conférence de Kigali, on notera la présence du professeur Michael Scharf enseignant en Droit et directeur du Centre de droit Frederick K. Cox International aux Etats-Unis. Il a participé à la formation des juges et procureurs irakiens du Tribunal Spécial pour l’Irak. L’ONG qu’il a fondée a été nominée pour le Prix Nobel de la Paix pour sa contribution à la recherche de criminels  de guerre majeurs comme Slobodan Milosevic, Charles Taylor et Saddam Hussein.

Autres invités, le juriste français Roland Junod, spécialiste du concept de génocide et le docteur Jean Damascène Bizimana, écrivain et analyste politique (il a notamment publié “L'Eglise et le génocide au Rwanda ; les pères blancs et le négationnisme”) qui présentera une analyse du mapping report tout comme le Brigadier Général Richard Rutatina

De son côté, le Brigadier Général Jérôme Ngendahimana évoquera le contexte de la crise des réfugiés au Zaïre et le contrôle des camps par les ex-FAR en 1994. Enfin, Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, interviendra pour donner le point de vue de son gouvernement sur le pré rapport de l’ONU.

Christophe Rigaud