13 novembre 2013
Le site Afrikarabia a changé d'adresse
Vous pouvez désormais retrouver les articles d'Afrikarabia sur son nouveau site: www.afrikarabia.com
Bonne lecture !
23:25 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (0)
12 novembre 2013
RDC : Le site Afrikarabia fait peau neuve
Afrikarabia.com redessine son site internet. Consacré à l'actualité en République démocratique du Congo et en Afrique centrale, Afrikarabia propose désormais une architecture plus éditorialisée et des contenus enrichis sur www.afrikarabia.com.
Afrikarabia fait sa mue. Nouvelle présentation, nouveau design, le site internet consacré à l'actualité de la République démocratique du Congo et à l'Afrique centrale vient de lancer mardi 12 novembre sa nouvelle version web : www.afrikarabia.com. Depuis 2008, Afrikarabia s'attache à rendre compte, analyser et décrypter l'actualité congolaise et régionale. Avec 2,5 millions de pages vues et 700.000 visiteurs pour l'année 2012, l'audience du site, cumulée avec le blog Afrikarabia sur Courrier International, a progressé de 12% en 2013.
Le nouveau site Afrikarabia propose un design épuré ainsi qu'une page d'accueil plus riche, classée en rubriques, et munie d'un moteur de recherche. Tous les articles seront désormais "partageables" sur les réseaux sociaux. Un accès direct au compte Twitter et à la page Facebook d'Afrikarabia est également accessible depuis la page d'accueil. Afrikarabia revendique toujours son indépendance éditoriale et financière ainsi que sa liberté de ton. Merci à tous nos lecteurs pour leur confiance. Rendez-vous désormais sur : www.afrikarabia.com
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
21:27 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
11 novembre 2013
Kampala : Les raisons d'un échec
La signature de l'accord de paix entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23, prévue le 11 novembre à Kampala, a été reportée sine die. En cause : la dénomination du texte, mais aussi le sort des ex-rebelles, la transformation du M23 en parti politique et des raisons de politique intérieure. Explications.
Nouvel échec à Kampala. L'accord de paix entre les autorités de République démocratique du Congo (RDC) et la rébellion du M23 fixé, le 11 novembre en Ouganda, n'a pas été signé et aucune nouvelle date fixée. Pourtant jusqu'au dernier moment, tout semblait être déjà écrit. L'Ouganda, la communauté internationale et les rebelles, annonçaient en coeur ,à qui voulait l'entendre, un "accord historique" pour l'Est du Congo. Mais à 17h00 ce lundi, quelques minutes avant la signature, le gouvernement congolais a fait volte-face. Pour quelles raisons ?
Le chat et la souris
Pour le comprendre, il faut faire un petit retour en arrière. Le gouvernement congolais s'est toujours rendu aux négociations de paix de Kampala à reculons. Des pourparlers jugés "humiliants" par Kinshasa. La prise de la ville de Goma par les rebelles du M23 en novembre 2012 pousse le gouvernement congolais, sous pression internationale, à engager un dialogue avec la rébellion. Les rebelles se retirent alors de Goma et Kinshasa accepte d'"écouter" les revendications de la rébellion. Kampala ouvre les pourparlers le 9 décembre 2012. Pendant onze mois, rebelles et autorités congolaises jouent au chat et à la souris en Ouganda. Aucune des deux parties ne veut faire de concessions. A l'époque le M23 domine militairement l'armée congolaise et Kinshasa ne souhaite rien lâcher aux rebelles sous prétexte d'affaiblir son régime déjà mal en point après la réélection contestée de Joseph Kabila. Mais rapidement le vent tourne sur le terrain militaire.
La Brigade arrive, les parrains s'abstiennent
La communauté internationale, accusée d'inefficacité à l'Est du Congo depuis 10 ans, décide de montrer ses muscles face aux rebelles. Une première. L'ONU décide de créer une Brigade d'intervention munie d'un mandat offensif, chargé de "neutraliser les groupes armés". Entre temps, Joseph Kabila, poussé par la pression politique, réorganise ses bataillons dans les Kivus. Kinshasa change le commandement des FARDC et décide (enfin) de nourrir, payer et armer ses soldats. Résultat : en quelques semaines, l'offensive des FARDC, appuyée par l'ONU, chasse les rebelles de tous ses bastions du Kivu. Dernier coup de grâce : les parrains rwandais et ougandais, sous pression de l'ONU et des Etats-unis, refusent de venir en aide au M23. Les rebelles s'enfuis vers l'Ouganda et le Rwanda. Fin de partie pour le M23 qui annonce le 5 novembre 2013 "mettre un terme à sa rébellion".
Changement de cap
A ce moment précis, que reste-t-il à négocier à Kampala ? Rien. Joseph Kabila à gagner militairement (une première) et souhaite bien en tirer partie politiquement. Toute concession à la rébellion accréditerait la thèse, très répandue à Kinshasa, du double jeu que jouerait le président Kabila : combattre les rébellions tout en donnant des gages à Kigali. En 2009, après l'arrestation du rebelle Laurent Nkunda par le Rwanda, Joseph Kabila à inviter les troupes de Kigali sur le sol congolais pour lutter contre les rebelles hutus des FDLR. A l'époque, cette "collaboration" avait beaucoup divisée à Kinshasa. En 2013, la stratégie du président Kabila a changé. Le président Kabila cherche à briguer un troisième mandat et la popularité acquise après les victoires de l'armée congolaise pourrait lui être bien utile pour changer à sa convenance la Constitution qui lui interdit de se représenter en 2016.
Les raisons de l'échec
A Kampala, Kinshasa a donc un tout autre agenda dans la tête qu'une simple signature d'un accord de paix avec le M23. A la veille de nommer un nouveau gouvernement censé élargir sa majorité présidentielle, Joseph Kabila est particulièrement sensible aux appels de la classe politique congolaise qui le somme de ne rien concéder aux rebelles : ni intégration dans l'armée, ni intégration politique et encore moins partage du pouvoir. Ce lundi, la délégation gouvernementale a donc rejeter plusieurs points de l'accord avec le M23. Tout d'abord le terme du document : "accord de paix". Kinshasa souhaitait signer une "déclaration" signifiant la reddition du mouvement armé. Voilà pour la version officielle donné par le facilitateur ougandais. Mais dans la balance, le sort des ex-rebelles a également pesé dans le "report" de signature. Kinshasa voudrait voir les principaux chefs militaires du M23 jugés au Congo pour les crimes commis. Mais pour le moment, l'Ouganda qui abrite le commandant militaire du M23, Sultani Makenga, a fait connaître son refus de livrer les rebelles. Kinshasa a donc "puni" Kampala par son refus de signer l'accord ce lundi. Concernant la mutation du M23 en parti politique, la délégation gouvernementale semble également avoir fait marche arrière. Désormais Kinshasa ne souhaite pas voir ce mouvement intégrer l'échiquier politique congolais. Raison invoquée : le M23 n'est pas un parti agréé par les autorités congolaises. Raison moins avouable : les autres partis politiques que tente actuellement de séduire Joseph Kabila pour intégrer son gouvernement d'union nationale, verraient l'arrivée du M23 à Kinshasa d'un très mauvais oeil. Ce sont donc des raisons de politique intérieure qui ont forcé Joseph Kabila à reculer juste avant la signature de l'accord ce lundi. Il n'y a donc pas de vraie surprise dans cet échec de Kampala. Sans date fixée pour un nouveau rendez-vous, la balle est désormais dans le camp ougandais et rwandais. Kampala et Kigali doivent régler la difficile équation du sort des chefs militaires du M23.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Montagnes du Kivu © DR
23:06 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
05 novembre 2013
RDC : Un nouveau scénario s'écrit au Kivu
Les rebelles du M23 ont annoncé mardi 5 novembre la fin de leur mouvement après la victoire militaire de l’armée congolaise. Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group (ICG), analyse les nouveaux changements intervenus dans la région au terme de 18 mois de conflit.
Le M23, c'est fini. La rébellion a annoncé ce mardi matin "mettre un terme" à son mouvement, après avoir été chassée par l'armée congolaise de ses dernières positions militaires. Les rebelles du M23 occupaient depuis plus d'un an, 700 km2 de territoire au Nord-Kivu et s'étaient emparés brièvement de la ville de Goma fin 2012. Thierry Vircoulon, responsable du programme Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG) décrypte pour nous le dénouement de cette crise.
- Afrikarabia : Quelles sont les raisons de la défaite du M23 ?
- Thierry Vircoulon : La débâcle du M23 est le résultat de plusieurs facteurs. Le premier, se sont les sanctions économiques contre le Rwanda (accusé de soutenir la rébellion, ndrl). Il y a ensuite les pressions diplomatiques et l'isolement de Kigali. Troisième facteur : la formation d'un binôme tactique efficace entre la Brigade d'intervention de l'ONU et l'armée congolaise. Enfin, la défaite du M23 signe également l'échec politique de cette rébellion. Le M23, qui s'est présenté comme un mouvement politico-militaire, a été profondément rejeté par la population congolaise du Nord-Kivu. Cela sanctionne tous ces mouvements armés qui n'ont pas d'assises populaires.
- Afrikarabia : Les relations diplomatiques ont également évolué pendant ce conflit ?
- Thierry Vircoulon : Il y a eu ce que l'on pourrait appeler un "alignement des planètes" francophones et anglophones sur le dossier rwandais. En clair, il y avait le couple France-Belgique d'un côté et le couple Grande-Bretagne-Etats unis de l'autre. On sait que depuis le génocide de 1994, les points de vue étaient "différents" sur la région. Aujourd'hui, tout le monde se retrouve pour dire que cette politique de contrôle indirect et d'interférence de Kigali au Congo, ne peut plus durer.
- Afrikarabia : Sur le plan militaire, cette nouvelle combinaison entre les casques bleus de la Monusco et l'armée congolaise est une première ?
- Thierry Vircoulon : C'est en effet une nouvelle forme de "peacekeeping". Ce travail en "quasi symbiose" entre la Monsuco et les FARDC a clairement permis de renverser le rapport de force sur le terrain. Il y a eu un réel travail de planification militaire. L'étau s'est d'abord resserré autour du M23, dans les environs de Goma, fin juillet et ensuite, à partir du mois d'août, l'offensive a été portée en territoire rebelle vers le Nord. Cela témoigne d'une coordination tactique très étroite entre l'ONU et l'armée congolaise.
- Afrikarabia : L'armée congolaise a-t-elle changé ?
- Thierry Vircoulon : Les FARDC connaissent une forme de "renaissance". On se rappelle de l'état de l'armée, l'année dernière au moment de la prise de Goma par les rebelles : débâcle, pillages, viols, corruption... Pendant les offensives de ces derniers jours, au contraire, le comportement des militaires a été, de ce que nous savons, tout à fait professionnel. C'est une rupture.
- Afrikarabia : Pourquoi une telle transformation de l'armée congolaise ?
- Thierry Vircoulon : C'est d'abord le fruit d'une volonté au plus haut niveau de l'Etat de gagner militairement. Ensuite, il y a eu un changement de commandement. Le général Gabriel Amisi, qui commandait les forces armées dans l'Est du pays, a été suspendu et "éloigné" à Kinshasa. La corruption semble avoir également été stoppée dans ces unités, qui soudainement se sont trouvées approvisionnées, nourries et payées. Malgré toutes ces années de "sur-place" dans la réforme de l'armée, ce n'était donc pas si difficile que cela ! A partir du moment où le chef de l'Etat veut remettre de l'ordre dans certaines unités de l'armée, c'est possible ! La question est maintenant de savoir si ce modèle peut s'étendre au sein des autres unités de l'armée congolaise.
- Afrikarabia : Un nouveau scénario est donc en train de s'écrire dans la région ?
- Thierry Vircoulon : Il y a une nouvelle donne sur le plan de la politique régionale : la mise en place de l'accord d'Addis-Abeba. Cet accord implique la "non-interférence" des pays voisins au Congo. Une ligne rouge a été clairement fixée pour le Rwanda et l'Ouganda. Pour le moment, Kigali a décidé de lâcher le M23. Mais à moyen terme, on peut se demander si cette position va durer. Il y a ensuite une nouvelle donne militaire, avec la présence de la Brigade d'intervention de l'ONU. La question maintenant est de savoir : après le M23, vers quel autre groupe armé va se tourner cette Brigade ? Les FDLR vraisemblablement. Ce binôme tactique Monusco-FARDC sera-t-il aussi efficace contre les autres groupes armés, que contre le M23 ? Le M23 avait une configuration militaire très conventionnelle. Les autres groupes armés (FDLR, ADF-Nalu, LRA... ) agissent sur un mode de guérilla difficile à combattre.
- Afrikarabia : Comment faire pour transformer cette victoire militaire en victoire politique et installer une paix durable ?
- Thierry Vircoulon : La solution politique, c'est l'accord d'Addis-Abeba de février 2013 : non-ingérence des voisins, envoie d'une force internationale pour neutraliser les groupes armés et nécessité de faire des réformes pour le gouvernement congolais. Cet agenda est en train d'être mis en oeuvre. Première mise en oeuvre : défaite du M23. Deuxième mise en oeuvre : la tenue de concertations nationales à Kinshasa. Et troisièmement : le fait que Kigali cesse de soutenir des mouvements armés de l'autre côté de la frontière. Le règlement politique du problème, ce n'était pas un accord de plus entre un groupe armé et le gouvernement congolais à Kampala, mais la mise en oeuvre de cet accord d'Addis-Abeba.
- Afrikarabia : C'est une victoire politique pour le président Joseph Kabila ?
- Thierry Vircoulon : Tout à fait. La crise du M23 avait été un choc politique pour le régime congolais. La prise de Goma par les rebelles avait été une humiliation totale, doublée d'un fort mécontentement des populations du Nord-Kivu. Pour redorer son blason, Kinshasa n'avait pas d'autre choix que d'en finir militairement avec le M23. Opposition et majorité étaient unanimes pour une solution militaire contre ce mouvement armé qui était considéré comme un appendice de Kigali. Avec la débâcle des rebelles, les masques sont tombés : les politiques du M23 se sont enfuis à Kampala, tandis que les militaires se sont enfuis au Rwanda. C'est ce que l'on peut appeler la "division du travail".
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Thierry Vircoulon à Paris - novembre 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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04 novembre 2013
RDC : Bisimwa ordonne "la cessation des hostilités"
Le leader politique de la rébellion du M23 a ordonné ce dimanche à ses troupes de "cesser les hostilités" contre l'armée régulière. Mais les combats se poursuivent autour des derniers bastions rebelles à Tchanzu, Mbuzi et Runyonyi, où sont retranchés les chef militaires du mouvement.
Dimanche 3 novembre, depuis Kampala où se tiennent les négociations de paix entre gouvernement congolais et rebelles M23, le président politique du mouvement a ordonné "la cessation des hostilités" au Nord-Kivu. Dans un communiqué, Bertrand Bisimwa appelle ses troupes à "s'abstenir de tout acte ou comportement contraire à cet ordre, ceci pour permettre la poursuite du processus politique". Le président du M23 déclare ensuite que "le chef d'état-major, ainsi que les commandants des grandes unités, sont priés de veiller à la stricte observance de cet ordre par les éléments sous leur commandement". L'ordre sera-t-il respecté dans les collines de Tchanzu, Mbuzi et Runyonyi, aux frontières du Rwanda et de l'Ouganda où sont retranchés les rebelles ? Rien n'est moins sûr. Le numéro 1 de la rébellion, le colonel Sultani Makenga se trouve toujours dans le parc des Virunga aux prises avec les troupes gouvernementales. Selon Radio Okapi, les rebelles seraient entre 200 et 300 dans les collines et résistent toujours aux bombardements FARDC soutenus par les casques bleus de la Monusco.
A Kampala, où se tiennent les négociations, un accord serait toujours proche d'être signé. Le cantonnement des ex-rebelles, en débat depuis plusieurs jours, s'effectuerait, selon certaines sources, en deux étapes. Une première d'abord dans le Nord-Kivu et une seconde, dans les autres provinces congolaises. Quant à l'amnistie des chefs rebelles, Kinshasa la souhaite toujours "sélective", ce qui bloque toujours du côté des rebelles. Seule indication sur le calendrier des négociations : la date du 9 novembre a été avancée pour la clôture des pourparlers. Kinshasa compte bien utiliser ce temps pour forcer les derniers rebelles à se rendre.
Lundi 4 novembre, selon Radio Okapi, le M23 a bombardé Bunagana depuis 7h30 du matin. Le marché et un poste de police de la ville ont été touchés. Un premier bilan fait état de 4 morts. Malgré le cessez-le-feu demandé par la branche politique du M23, les militaires semblent vouloir jouer les prolongations. La question de l'amnistie des chefs rebelles est toujours sur la table des négociations. Un exil dans des pays hôtes serait en cours de discussion.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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03 novembre 2013
RDC : Kamerhe "ne laissera pas Kabila tranquille" jusqu'en 2016
La victoire militaire de l'armée congolaise sur les rebelles du M23 redonne une nouvelle légitimité à Joseph Kabila, jusque là affaibli par la guerre à l'Est et les élections contestées de 2011. Une nouvelle donne pour l'opposant Vital Kamerhe qui soupçonne le président congolais de vouloir jouer les prolongations après 2016.
Si Vital Kamerhe se réjouit des victoires militaires de l'armée nationale (FARDC) sur la rébellion du M23, l'opposant au président Joseph Kabila n'est jamais très loin. Rencontré lors de son passage à Paris, Vital Kamerhe estime que "la victoire militaire sur le M23 ne suffit pas". "Il ne faut pas recommencer les erreurs du passé, notamment avec une signature avec les seuls rebelles à Kampala", explique le président de l'UNC. "La solution au conflit est politique et se situe à un niveau beaucoup plus élevé. Il faut que les chefs d'Etat de la région impliqués dans cette guerre, Kabila, Kagame et Museveni, prennent l'engagement ensemble de se transformer en partenaires pour la consolidation de la paix et du développement". Une manière de souligner l'apathie du président congolais dans ce conflit. "Il a fallu la pression de la communauté internationale et l'appui militaire de la Brigade de la l'ONU pour arriver à ce résultat. On attend toujours la présence du chef des Armées, Joseph Kabila, sur place".
Gouvernent d'union nationale : "c'est non"
Vital Kamerhe ne nie pas que la séquence de la victoire militaire sur le M23 est plutôt favorable à Joseph Kabila. Le président congolais pourrait en retirer des bénéfices politiques et un peu de sa légitimité perdue après sa réélection contestées de novembre 2011. Mais le temps politique ne se joue pas à court terme et Vital Kamerhe n'a qu'un objectif dans le viseur : 2016 et la prochaine présidentielle. Trois ans pour peaufiner son image d'opposant numéro au président Kabila. Pour Vital Kamerhe, les (tardives) réussites militaires de Joseph Kabila ne doivent pas masquer un bilan politique désastreux. "Ce n'est pas moi qui le dit", note le président de l'UNC, "ce sont les 700 recommandations des Concertations nationales. Après 12 ans de pouvoir, les concertateurs viennent de lui démontrer que dans tous les domaines de la société, rien ne va au Congo ! Il faut tout de même féliciter le président Kabila d'avoir accepté dans ces Concertations, une forme d'auto-critique !". Quant au gouvernement d'union nationale proposé à l'issu des Concertations : "C'est non. Nous sommes très clair et cohérent sur la question. Avec tous les partenaires de l'UNC nous avons dit que laisserions ceux qui ont triché en 2011, gouverner jusqu'en 2016".
"Kabila pourra dire qu'il n'y a plus d'argent pour organiser les élections"
2016, date de l'alternance politique ? C'est ce qu'aimerait bien croire Vital Kamerhe. Mais l'ancien directeur de campagne de Joseph Kabila a de sérieux doutes sur le calendrier. "Normalement, Joseph Kabila doit gouverner jusqu'au 19 décembre 2016 à minuit" précise Kamerhe. Dans son discours devant le Congrès, Joseph Kabila a rappelé qu'il allait respecter "l'esprit et la lettre de la Constitution" qui l'empêche de se représenter en 2016. Mais Vital Kamerhe ne croit pas à cette promesse. "Aubin Minaku, le président de l'Assemblée, a affirmé que Joseph Kabila ne briguerait pas un troisième mandat. Il a été très clair. Mais c'était essentiellement pour calmer les Congolais et la communauté internationale. Après la présidentielle et les législatives de 2011, on nous a demandé d'attendre pour les élections provinciales. Maintenant on nous dit que l'on va en fait commencé par les élections locales, municipales et urbaines, avant les provinciales. Or, pour ces élections locales, il y a une difficulté de taille, qui risque de nous prendre beaucoup de temps : il y a 7.000 circonscriptions électorales, alors qu'il n'y en a que 200 pour les élections provinciales. Je connais bien le président et j'ai le sentiment qu'il veut jouer les prolongations". Vital Kamerhe explique cette "subtilité du pouvoir" : "En organisant les élections locales d'abord, cela risque de prendre plus de temps que prévu et surtout, le président Kabila pourra dire qu'il n'y a plus d'argent pour organiser les autres élections. On met alors en sourdine la Constitution sans la modifier et on organise une période de transition de 2 ans avec une année renouvelable. Nous sommes déjà en 2020 ! Le temps de préparer de nouvelles élections nous serons en 2021 ou 2022 ! Joseph Kabila pourra alors tranquillement se représenter puisqu'il aura remis les compteurs à zéro en partageant le pouvoir pendant la transition". Des affirmations que ne vient pas vraiment contredire Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, lorsqu'il a affirmé que "les dates sont moins importantes que la crédibilité des élections, c'est-à-dire, leur bonne organisation". Comme pour prendre à témoin la communauté internationale de ce "tripatouillage" du président Kabila pour rester au pouvoir, Vital Kamerhe explique que "Kabila se trompe, puisque nous ferons tout pour ne pas le laisser tranquille jusqu'en 2016".
Porte-parole de l'opposition ?
En attendant, l'ancien candidat à la présidentielle de 2011, arrivé à la troisième place, prépare son prochain objectif politique : obtenir le poste de porte-parole de l'opposition congolaise. Reconnue par la Constitution, cette fonction consacre une personnalité politique d'opposition comme l'interlocuteur principal avec le pouvoir en place. Un poste qui ferait de Vital Kamerhe le leader naturel de l'opposition pour les prochaines échéantes électorales. Si Kamerhe refuse d'entrer au gouvernement, il ne demande qu'une seule chose à Joseph Kabila : "laisser les présidents des deux chambres convoquer une plénière des députés-sénateurs de l'opposition pour qu'ils se choisissent leur porte-parole et qu'ils mettent en place les structures de l'opposition". Pour l'heure, Joseph Kabila ne s'est pas montré très pressé pour accélérer la nomination de cette personnalité… surtout s'il s'agit de couronner son ancien bras droit et désormais ennemi Kamerhe. Mais Vital Kamerhe est patient. Trois ans le sépare de la présidentielle de 2016… sauf prolongation. Dans cette hypothèse, Vital Kamerhe nous a affirmé avoir déjà "un plan B".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe à Paris le 30 octobre 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
23:47 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (15)
30 octobre 2013
RDC : Joseph Kabila reprend la main
Après sa victoire militaire sur les rebelles du M23 et l'annonce de la création d'un gouvernement d'union nationale, le président Joseph Kabila a réussi à se replacer au centre du jeu politique congolais. De quoi prolonger sa survie politique.
Qui l'eût cru ? Il y a encore quelques mois, le président congolais pataugeait sur deux fronts : politique et militaire. Affaibli politiquement par les élections contestées de novembre 2011, Joseph Kabila était englué dans l'organisation chaotique des Concertations nationales boycottées par les grands partis d'opposition. Militairement, le président congolais s'enlisait également au Nord-Kivu face aux rebelles du M23 que rien ne semblait arrêter. Deux fronts problématiques qui remettaient fortement en cause sa légitimité politique. Mais en quelques jours, la donne semble avoir changé à Kinshasa.
Incontournable
Le 23 octobre dernier, devant les deux assemblées, le président Kabila a annoncé une série de mesures censées renforcer la cohésion nationale. Un catalogue de bonnes intentions, qui allait du rapatriement des dépouilles de Tshombe et Mobutu, à la mise en place de la décentralisation, en passant par la libération de prisonniers, la nomination d'un monsieur "anti-corruption" ou la création d'un quota de 30% de femmes en politique. De belles promesses dont on attendra avec impatience la mise en application. Mais l'annonce phare du discours du Chef de l'Etat tenait dans la nomination "imminente" d'un nouveau gouvernement d'union nationale. Un gouvernement de "demie-ouverture" avec l'opposition et la société civile, mais vraisemblablement avec le même Premier ministre et sans les grands partis d'opposition. Avec cette ouverture politique en trompe l'oeil et très contrôlée (voir notre article), Joseph Kabila a réussi à se replacer au centre de l'échiquier politique congolais en jouant de nouveau son rôle de grand "redistributeur de cartes"... et de portefeuilles ministériels. Les multiples annonces du président permettent enfin à Joseph Kabila d'en étaler leur mise oeuvre (si tant est quelles voient toutes le jour) et ainsi de rallonger, sans concéder une once de pouvoir, sa survie politique. L'opposition craint en effet que le président ne prolonge son mandat au-delà de 2016.
Nouvelle légitimité ?
Sur le plan militaire, les victoires des forces armées congolaises (FARDC) sonnent comme une divine surprise pour Kinshasa. Longtemps taxée "d'armée fantôme" pour son peu d'efficacité sur le terrain, les FARDC ont enchaîné les succès depuis la première offensive du vendredi 25 octobre. Devant l'avancée des troupes gouvernementales, les rebelles se sont retirés de toutes leurs bases arrières : Kibumba, Rumangabo, Rutshuru, Kiwanja et Bunagana à la frontière ougandaise. C'est la première fois que l'armée congolaise, avec l'aide non négligeable de la Brigade de l'ONU, fait plier la rébellion aussi rapidement. Cette victoire militaire est sans nul doute l'un des succès politiques les plus marquants de Joseph Kabila depuis son arrivée au pouvoir en 2001. La déroute du M23 rebat les cartes des négociations de Kampala entre le gouvernement congolais et les rebelles. Peu enclin à céder à la rébellion, Kinshasa a cherché à jouer le "KO militaire", qui lui permet d'échapper ainsi à d'humiliantes concessions à la table des négociations. Sur ce point, Kinshasa revient en position de force à Kampala, ou seule la reddition du M23 peut être signée.
Assurance-vie
Mais attention, victoire militaire ne rime pas toujours avec victoire politique. Si le M23 a quitté les zones qu'il contrôlait au Nord-Kivu, on parle de 700 km2, le mouvement n'est pas "annéanti" comme le clame Kinshasa. Réfugiées en Ouganda ou au Rwanda, les troupes rebelles ont subit peu de perte durant les assauts FARDC. La présence du M23 aux frontières du Congo continuerait donc de faire peser une sérieuse menace sur les Kivus, sans parler d'une possible (mais pu probable) contre-offensive rebelle sur l'armée. Pour transformer son succès militaire, en victoire politique, Joseph Kabila devra s'atteler à régler le problème avec ses voisins rwandais et ougandais. Une explication et une négociation politique entre chefs d'Etat seront donc indispensables pour établir une paix durable à l'Est de la RDC. Pour le moment, Joseph Kabila peut goûter aux bénéfices immédiats de sa victoire sur le M23 : une "légitimité" presque retrouvée auprès de la population et un soutien sans faille de la communauté internationale... bref, une assurance pour sa survie politique. Mais les braises sont encore chaudes autour des bastions rebelles reconquis par l'armée régulière. Et le plus dur reste à venir : maintenir la paix.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Joseph Kabila © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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27 octobre 2013
RDC : Le M23 lâché par Kigali ?
Après trois jours de combats, l'armée congolaise a repris ce dimanche deux bastions rebelles : Kiwanja et Rutshuru. Les rebelles du M23 ont annoncé un retrait "sans combattre". Le Rwanda a-t-il décidé de ne plus soutenir le M23 ?
Coup dur pour le M23. En moins de trois jours, la rébellion a opéré un net recule sur le front du Nord-Kivu. Un premier front a été ouvert vendredi 25 octobre autour de la ville de Kibumba, à 25 km au Nord de Goma. L'armée régulière (FARDC) avait annoncé la chute de la ville samedi, mais les rebelles ont démenti. L'ONU, présente dans le secteur affirme que les combats se poursuivent sur zone, le M23 résistant toujours dimanche soir. Le gouverneur provincial, Julien Paluku, présent aux côtés des FARDC à Kibumba a annoncé «l’existence de deux fosses communes» dans le secteur. Il a réclamé une «enquête internationale pour aller établir les responsabilités et le contenu avec des spécialistes».
Le deuxième front s'est ouvert plus au Nord, samedi, autour de Kiwanja, à 80 km au Nord de Goma. Dans un communiqué, le M23 a annoncé son retrait de Kiwanja «sans combat» et a demandé un «cessez le feu immédiat» en menaçant de quitter les négociations de paix de Kampala. Un casque bleu tanzanien a été tué pendant les combats à Kiwanja. Dimanche en fin d'après-midi, alors que les combats continuaient à Kiwanja, Radio Okapi, la radio onusienne a annoncé la prise de Rutshuru, une importante place forte rebelle. Dimanche soir, Rutshuru et Kiwanja étaient aux mains des FARDC.
Comment expliquer les récentes victoires militaires des FARDC, connues jusque-là pour leur inefficacité ? Première raison : le soutien actif de la Brigade d'intervention de l'ONU (FIB), qui, avec un mandat offensif a joué un rôle décisif dans les succès militaires congolais. Deuxième raison : l'attitude du Rwanda, parrain de la rébellion du M23. Les nombreux rapports successifs de l'ONU sur les guerres du Kivu, ont toujours pointé le soutien, l'aide logistique, en armes, en hommes, en argent, de Kigali aux différentes rébellions (RDC, CNDP ou M23). Le Rwanda a toujours démenti. Mais à Kinshasa, il se dit qu'il n'y a "pas de victoire militaire rebelle sans la main de Kigali". Le Rwanda a-t-il lâché les rebelles ce week-end ? Peut-être pas complètement, mais le Rwanda a désormais un agenda diplomatique peu compatible avec le soutien ouvert à une rébellion. Le Rwanda siège depuis peu au Conseil de sécurité de l'ONU et reste donc sous pression et sous le regard de la communauté internationale. Kigali se retrouve sous le feu des critiques et certains pays rechignent à honorer l'aide financière au pays des mille collines. Kigali fait donc profil bas, ce qui agace sérieusement les militaires du M23, qui souhaiteraient en découdre avec les FARDC. La rébellion a d'ailleurs annoncé hier qu'elle désirait voir revenir l'ex-général CNDP Laurent Nkunda au Nord-Kivu, alors qu'il est actuellement détenu par le Rwanda. Un appel du pied à peine déguisé à Kigali pour solliciter si ce n'est leur soutien… du moins leur feu vert pour une contre-offensive rebelle. Pour l'heure, le M23 encaisse les coups… jusqu'à quand ?
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:53 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (17)
RDC : "Kabila pourrait aller au-delà de 2016" selon Oscar Rashidi
Dans son discours devant le Congrès, le Joseph Kabila a déclaré vouloir respecter "l’esprit et la lettre de la Constitution" qui l'empêche de se représenter en 2016. Mais pour Oscar Rashidi, président de la Ligue contre la Corruption et la Fraude (LICOF), le Chef de l'Etat pourrait prolonger son mandat après 2016.
En conclusion des Concertations nationales qui se sont déroulées en République démocratique du Congo, le président Joseph Kabila a fait de nombreuses annonces dans un long discours face aux deux assemblées le 23 octobre dernier. Le Chef de l'Etat a promis la nomination rapide d'un gouvernement d'union nationale avec l'opposition, le rapatriement des dépouilles de Moïse Tshombe et Mobutu ou encore l'arrivée d'un conseiller spécial pour lutter contre la corruption. Mais pas un mot sur ce qu'il compte faire à la fin de son mandat en 2016. Normalement, la Constitution interdit à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat, mais l'opposition craint que le président ne fasse modifier la Constitution. Dans son discours au Palais du peuple, Joseph Kabila a pourtant réaffirmé sa volonté de respecter la règle fixée par la Constitution : "Je suis pour le respect, par tous, de l’esprit et de la lettre de la Constitution" a-t-il déclaré . Pour certains, Joseph Kabila pourrait en fait prolonger son mandat après 2016 sans modifier la Constitution. Nous avons interrogé Oscar Rashidi, président de la Ligue contre la Corruption et la Fraude (LICOF) qui réagit également sur les autres annonces du Chef de l'Etat.
- Afrikarabia : La Constitution actuelle interdit au Président Kabila se briguer un troisième mandat en 2016. Mais l'opposition craint que Joseph Kabila ne cherche à se maintenir au pouvoir après 2016. Par quel autre moyen sans modifier la Constitution ?
- Oscar Rashidi : La prolongation du mandat de Joseph Kabila est possible si un consensus se dégage dans la classe politique. Le Président Kabila pourrait alors se maintenir au pouvoir par cette voie pacifique. Dans cette hypothèse, deux éléments sont à noter : le recensement de la population ainsi que l'organisation des élections locales qui semblent tarder. Le recensement pour réussir des élections réellement libres et transparentes à tous les échelons pourrait hypothéquer la stabilité institutionnelle. Car par deux fois déjà ces mêmes élections ont été organisées par la volonté du Chef de l’Etat.. autant dire que ce préalable (le recensement) n’a pas empêché le processus électoral. En voulant organiser les élections locales (municipales, provinciales, sénatoriales) devant aboutir au choix des nouveaux gouverneurs de provinces, on sait pertinemment que ceux qui sont en place ont déjà "débordé" de leurs mandats respectifs de deux ans. Le temps restant à courir laisse entrevoir déjà une prolongation de fait car les conditions matérielles de la tenue des élections ne sont réunies. A cela s’ajoutent de sempiternels écueils : l'état piteux des routes, la grandeur du territoire national et surtout l’insuffisance des moyens financiers pour prétendre procéder convenablement au recensement. Respecter ce calendrier me paraît une réelle gageure pour que des élections se tiennent en 2016. D'où la probabilité d'aller au-delà de 2016.
- Afrikarabia : Dans son discours face au Congrès, Joseph Kabila a également annoncé la désignation d'un conseiller spécial anti-corruption. Le programme "tolérance zéro" initié par le chef de l'Etat a-il montré son efficacité ?
- Oscar Rashidi : Non, le slogan "tolérance zéro" n'était pas efficace et ne le sera jamais tant qu'il n’y aura pas de sérieux dans le comportement des acteurs publics et dans le choix des personnes devant animer ces institutions. Cela est resté au niveau du discours et classé par la suite. Aucun dossier n'a été traité efficacement et pas une seule personne n'a été arrêtée dans le cadre de l'opération dite "tolérance zéro". Par contre, cette opération a seulement enrichi les personnes chargées d’exécuter cette mission. Le cas de l'ancien ministre de la Justice Luzolo Bambi Lesa qui se plaisait d'arrêter les jeunes gens appelés "Kuluna" pour les envoyer à l'intérieur du pays soit disant en prison. Ces opérations ont coûté trop cher au Trésor de l'Etat congolais. A chaque fois, les factures des avions affrétés étaient "gonflées" au profit des autorités ayant la charge d'exécuter ces opérations. D'où la corruption, le vol et le détournement des deniers publics. Inefficace sans doute, l'opération "tolérance zéro" a dû être arrêtée. Pour beaucoup, c’étaient des discours pour amuser la galerie. Il y a d’ailleurs beaucoup d’autres exemples des promesses non tenues : "plus rien ne sera comme avant", "les portes des prisons seront ouvertes", "fini la récréation", "tolérance zéro", etc... L'application de tous ces slogans dans la réalité pose un sérieux problème au Congo du Président Kabila. Créer un poste de conseiller chargé de l'anti-corruption c'est bien, mais pour quel travail ? Or, il a déjà existé dans ce même pays d'autres structures semblables. On a entendu parler de conseiller chargé de "bonne gouvernance" et de "lutte contre la corruption", de "commission d'Ethique et lutte contre la Corruption (CELC)", de "Task force", "d’Observatoire du Code d'Ethique Professionnelle (OCEP)", etc... Une autre commission anti-corruption créée et attachée au ministère de la Justice et du Garde de seaux est restée sans bureau jusqu'à ce jour et certains de ses agents ont été révoqués sans qu'ils aient eu le temps de travailler ! Comme pour leur dire : "on ne veut pas de vous". Bref, nous espérons qu'avec l'installation du conseiller "anti-corruption", l’Etat va renforcer le programme "tolérance zéro" restée lettre morte.
- Afrikarabia : Le président Kabila souhaite que l'affairisme soit "banni de l'armée et de la police". Comment faire reculer efficacement la corruption en RDC ?
- Oscar Rashidi : Pour faire reculer la corruption, il faut sanctionner absolument les coupables. C'est l'impunité qui est à la base de la dérive actuelle.
- Afrikarabia : Joseph Kabila a annoncé la création d'un gouvernement d'union nationale avec des membres de la majorité, de l'opposition et de la société civile sans préciser si l'actuel Premier ministre, Matata Ponyo, restait en place. Que peut-on attendre d'un nouveau gouvernement ?
- Oscar Rashidi : Nous attendons plusieurs choses. Tout d'abord, la mise en application des recommandations issues des concertations nationales. Ensuite, calmer les tensions palpables au niveau de la classe politique nationale congolaise caractérisée depuis toujours par une médiocrité notoire consistant à gagner seulement le pouvoir pour le pouvoir. A l'Est du pays, un important défi sécuritaire est à relever. Les populations vivent des violations massives des droits humains et il faut améliorer un tant soi peu leur condition de vie. Deux autres défis enfin : améliorer la qualité de l'éducation nationale, de la santé publique et la consolider les efforts de reconstruction du pays. Le plus important est de former un gouvernement efficace capable de trouver des réponses à toutes ces préoccupations vitales. Le problème de la désignation ou pas d’un autre Premier Ministre n’est pas prioritaire. Monsieur Matata Ponyo pourrait bien rester poursuivre la mission lui assignée par le Chef de l’Etat.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Oscar Rashidi © DR
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26 octobre 2013
RDC : Et revoilà Laurent Nkunda !
Alors que les armes ont recommencé à parler au Nord-Kivu entre le M23 et l'armée congolaise, la rébellion demande le cantonnement de ses troupes dans les zones de retour des réfugiés avec l'ex-général rebelle Laurent Nkunda. Une exigence qui remet en selle le leader du CNDP dont le M23 n'est que la continuité.
Dans une lettre publiée par Kivu One et destinée au président ougandais Yoweri Museveni, le leader politique du M23, Bertrand Bisimwa fait le point sur les exigences de la rébellion, dont les négociations avec le gouvernement congolais sont suspendues. Le président du M23 explique que la rébellion "n'est pas demandeur de l'intégration au sein des forces armées de la RDC". Bertrand Bisimwa précise ensuite que, concernant le cantonnement et "pour une meilleure sécurité des réfugiés retournés dans les zones actuellement sous contrôle de notre Mouvement", il exige que ses troupes "soient cantonnés dans les mêmes sites avec les retournés ainsi que le Général Laurent Nkunda Mihigo, retenu au Rwanda depuis le 22 janvier 2009, et qui devra être ramené au pays pour y vivre comme citoyen ordinaire".
Retour sans surprise
C'est la première fois que le nom de Laurent Nkunda, ex-leader du CNDP, est évoqué officiellement dans les tractations entre les autorités congolaises et la rébellion du M23. Mais ce n'est pas une surprise. Le M23, créé en avril 2012, n'est que le "copié-collé" d'un autre rébellion, le CNDP, qui a explosé en plein vol en janvier 2009 avec l'arrestation de son patron, Laurent Nkunda. L'actuel chef militaire du M23, Sultani Makenga, était le bras droit de Nkunda au CNDP et la plupart des responsables actuels de la rébellion sont des "nkundistes historiques". Pas étonnant donc de le voir revenir sur le devant de la scène. Pourtant, depuis son arrestation surprise par son allié rwandais, Nkunda était resté plutôt discret depuis sa "résidence surveillée". Pourquoi revient-il ?
Arrestation surprise
Retour en arrière. Pendant 4 ans, entre 2006 et 2009, ce général tutsi congolais, ouvertement soutenu par Kigali, avait fait trembler le régime de Joseph Kabila. Mais après avoir mis en déroute l'armée congolaise dans l'Est de la RDC, Laurent Nkunda a été arrêté en janvier 2009, en territoire rwandais, à la suite d'un renversement d'alliance surprise. En effet, son allié rwandais d'hier s'est brutalement rapproché du congolais Joseph Kabila. Ironie du sort, c'est le général rwandais Kabarebe, patron de la puissante armée de Kigali, qui l'a arrêté. Nkunda a d'abord été détenu en secret à la frontière entre la RDC et le Rwanda, puis il a été transféré au Rwanda fin mai 2009 de peur d'un coup de force de ses derniers fidèles, très puissants au Kivu. Depuis, la RDC demande son extradition pour qu'il puisse répondre de ses crimes devant un tribunal congolais. Mais Kigali refuse tant que la peine de mort est en cours dans le pays. Laurent Nkunda est alors devenu un personnage bien encombrant pour les deux pays : au Rwanda, où il possède de nombreux amis dans l'armée et en RDC, où bon nombre de ses compagnons d'armes occupent des places importantes dans les services de sécurité et dans l'armée et où il continue de faire peur.
M23 : Nkunda à la manoeuvre
En 2011, de nombreuses rumeurs circulent à Goma, sur Laurent Nkunda,. Selon le blog Congo Siasa, "ces dernières semaines, Laurent Nkunda aurait été vu, voyager librement à l'intérieur du Rwanda, venant même à des funérailles à Gisenyi". On parle même d'un possible retour en République démocratique du Congo (RDC). Après le déclenchement de la mutinerie du M23 en avril 2012, ce sont les experts de l'ONU qui retrouvent la trace de Nkunda à la manoeuvre avec la rébellion congolaise depuis le Rwanda. Selon le rapport de l'ONU : "l'ancien président du CNDP, le général Laurent Nkunda, officiellement en résidence surveillée par le gouvernement rwandais depuis janvier 2009, vient souvent de Kigali pour participer à ces réunions (entre l'armées rwandaise et le M23)".
Retour du chef militaire ?
Le retour de Laurent Nkunda en première ligne dans le conflit du Kivu n'est donc pas une surprise. Pourquoi cette demande aujourd'hui ? Difficile de répondre. Les négociations de Kampala sont bloquées et tout le monde craint le retour de la guerre. Depuis 48 heures, le M23 et les FARDC s'affrontent déjà autour de Kibumba et sur l'axe Mabenga-Kahunga, au Nord de Goma. Avec la reprise des combats et un possible embrasement général, le M23 est vraisemblablement en train de préparer l'opinion au retour du fils prodigue, Laurent Nkunda, sur le terrain militaire. Nkunda a toujours une bonne image au sein de la rébellion et ses qualités de chef militaire pourrait être très utile dans les semaines qui viennent. Une condition sera nécessaire à ce come-back : l'assentiment de Kigali.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
13:59 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
23 octobre 2013
RDC : Ouverture politique en trompe l'oeil
Dans un discours devant les deux assemblées, le président Joseph Kabila a annoncé la création "imminente d'un gouvernement d'union nationale". Une ouverture politique à minima : l'actuel chef de gouvernement, Matata Ponyo, pourrait reste à son poste et Joseph Kabila... après 2016.
L'ouverture oui, mais pas trop. Le discours de Joseph Kabila devant les deux chambres était très attendu et devait répondre aux recommandations des Concertations nationales. L'annonce phare du président Kabila : la nomination "imminente" d'un gouvernement d'union nationale. Une nouvelle équipe qui comprendra "aussi bien des représentants de la majorité, que de l'opposition et de la société civile". Pourtant, aucun nom n'a été avancé par le président pour le poste de Premier ministre . L'actuel chef du gouvernement, Matata Ponyo, un temps donné partant, pourrait bien rempiler à la Primature. L'ouverture s'effectuera donc "à petit pas", seulement avec l'arrivée de quelques figures politiques d'opposition ou le retour de "poids lourds" de l'échiquier congolais. Mais le maintien de Matata Ponyo, qui n'a toutefois pas démérité à la Primature, est difficilement compréhensible dans un contexte d'ouverture et de changement politique. Une ouverture limitée enfin, par l'absence des deux partis d'opposition, UDPS et UNC, qui ont boycotté l'ensemble du processus de concertations.
Bonnes intentions
Le reste des annonces est également en demie-teinte et sans grande surprise : libérations de prisonniers civils et militaires (sans en préciser les noms et le nombre), le retour des dépouilles de Moïse Tshombe et de Mobutu (dont on se demande en quoi cela va résoudre les problèmes de la RDC) ou encore la création de nouvelles provinces dont on attend la mise en place... depuis 2006 (déjà sous Joseph Kabila). Dans le catalogue des bonnes intentions annoncées par le président, la nomination d'un conseiller "anti-corruption", qui peine à faire oublier le succès mitigé du programme "tolérance zéro" ou encore cette incantation sur "l'affairisme" qui "doit être banni de l'armée et de la police". Bonnes intentions également dans le souhait de voir organiser "avec diligence les élections municipales, provinciales et sénatoriales", restées en souffrance depuis 7 ans. Des annonces qui cachent mal le manque de résultats des deux présidences Kabila.
Voeu pieux
Méthode Coué ensuite, dans le traitement du conflit du Kivu en demandant que les groupes armés "déposent les armes" et "se rendent". Un voeu pieux, lorsque l'on connait la faiblesse militaire de l'armée congolaise qui ne doit ses dernières avancée qu'au soutien des casques bleus de l'ONU. Grand écart enfin, lorsque le président congolais a souhaité le suivi de dossier des Congolais détenus à la Cour pénale internationale (CPI). Une allusion à peine voilée sur le sort de son opposant le plus farouche, Jean-Pierre Bemba, en prison depuis 5 ans à La Haye. Un appel du pied au chairman du MLC, dont le parti d'opposition été le seul à participer aux Concertations nationales souhaitées par Joseph Kabila.
Un compromis pour durer
Le discours du président Kabila face au Congrès, n'a donc rien du grand chambardement annoncé. Pas de partage du pouvoir, pas de 1+4 ou de 1+2, pas de révolution, mais une ouverture prudente qui devrait prendre son temps. La mise en place des annonces va donc s'étaler sur plusieurs mois et Joseph Kabila va vraisemblablement jouer du chronomètre. Un risque, selon l'opposition, qui parie sur un "rallongement" du mandat présidentiel au delà de 2016, ce qui éviterait à Joseph Kabila d'avoir à changer la Constitution pour rester au pouvoir. Si tel était le plan du président congolais, alors ces Concertations sont une réussite pour le régime de Joseph Kabila. Des Concertations qui réussissent un délicat compromis : ouvrir politiquement, sans rien concéder du pouvoir.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Palais du peuple Kinshasa © www.afrikarabia.com
22:38 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (16)
15 octobre 2013
RDC : John Numbi bientôt "réhabilité" ?
De nombreuses sources à Kinshasa font état d'une possible "réhabilitation" de John Numbi par le président Joseph Kabila, suite aux Concertations nationales. "Un affront" pour les veuves de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, assassinés en 2010, qui exigent le jugement du général John Numbi.
Les Concertations nationales dont le président Joseph Kabila doit prochainement annoncer les conclusions devant le Congrès pourraient déboucher sur la "réhabilitation" du général John Numbi. Plusieurs sources à Kinshasa accréditent ce qui n'est pour le moment qu'une rumeur. Ce proche du président congolais est suspecté d'être le commanditaire du meurtre de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana en juin 2010. L'assassinat de Chebeya, un célèbre défenseur des droits de l'homme avait ému tout le pays ainsi que la communauté internationale. Numbi, chef de la police au moment des faits, avait été démis de ses fonctions et s'était retiré dans sa province du Katanga.
Beaucoup pensent à Kinshasa que Numbi n'était pas resté inactif et aurait jouer un rôle de "soutien logistique" aux rebelles indépendantistes Bakata Katanga, qui avaient attaqué Lubumbashi en mars 2013. Un "coup de pouce" de John Numbi aux miliciens qui pouvait apparaître comme un moyen de faire pression sur les autorités congolaises et se rappeler au bon souvenir de Kinshasa. En démontrant sa capacité de nuisance au Katanga, province stratégique, John Numbi peut-il être réhabilité ? De nombreuses sources valident cette thèse en expliquant que le président Kabila ne peut pas se passer d'un "poids lourd" comme Numbi dans le contexte politique actuel de crise.
Devant les rumeurs de "réhabilitation", les veuves de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana demandent aux autorités congolaises la traduction du général John Numbi "devant une juridiction impartiale et indépendante". Après trois ans d'une plainte sans suite, la possible "réhabilitation" de Numbi par Joseph Kabila serait "un véritable affront fait aux familles des victimes". L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), appellent la justice congolaise "à faire toute la lumière sur ce double assassinat afin d'établir la responsabilité de chacun". Mais la Cour et la Haute cour militaire de Kinshasa s'étaient déclarées incompétentes pour instruire la responsabilité du général John Numbi "sous prétexte de son grade trop élevé". Dans ce cadre, les deux veuves Chebeya et Bazana demandent la nomination de magistrats militaires de haut rang pour juger Numbi. Selon Karim Lahidji, président de la FIDH, "il appartient au pouvoir exécutif de corriger une telle aberration".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : manifestation à Paris en juin 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
16:21 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
10 octobre 2013
RDC : Joseph Kabila dans le piège des Concertations nationales
Le président congolais peine à conclure les Concertations nationales, ouvertes le 7 septembre dernier. Joseph Kabila devait annoncer ce jeudi devant le Congrès "d'importantes décisions". La réunion a été reportée au 15 octobre prochain faute de solutions politiques.
Lancées début septembre par le président Joseph Kabila, les Concertations nationales devaient déboucher sur une solution à la crise congolaise et créer la cohésion nationale autour du chef de l'Etat. Après 1 mois de forum, et en l'absence des grands partis d'opposition, les résultats sont maigres. Joseph Kabila avait promis lors de la clôture des Concertations, "des mesures importantes pour le pays" dans les plus brefs délais. Le Congrès (Assemblée nationale et Sénat) devait se réunir ce jeudi pour écouter les propositions du président congolais, mais la réunion a été reportée au 15 octobre.
Le président Kabila peine donc à trouver la porte de sortie qui lui permettrait d'engranger les bénéfices politiques de ces Concertations, taillées sur mesure pour "re-légitimer" son autorité et recomposer sa majorité présidentielle. Car l'objectif affiché de ce forum, la cohésion nationale, cache mal la volonté cachée du Chef de l'Etat de se représenter aux élections de 2016 en modifiant la Constitution avec l'aide d'une majorité élargie.
Mais les Concertations n'ont pas apporté les effets escomptés. Rien de neuf n'a été proposé dans ce "catalogue de bonnes intentions" qui ne fait que révéler la propre impuissance de Joseph Kabila à mener à bien ses réformes en RDC. En vrac, les propositions des forums thématiques se sont résumés dans la nécessité d'appliquer (enfin) la décentralisation, dans la possibilité de créer un gouvernement d'union nationale et dans le rapatriement de la dépouille de Mobutu, dont on se demande bien comment il pourrait aider la RDC à sortir de la crise politique et sécuritaire.
La "réussite" des concertations va donc se focaliser autour de la création d'un gouvernement d'union national et d'un nouveau partage du pouvoir. Le président du Sénat, Kengo wa Dondo avait cru bon s'avancer en proposant l'idée et en s'imaginant déjà à la primature. Mais l'équation semble plus complexe et Joseph Kabila n'a pas encore décidé. Quel nouveau Premier ministre lui permettrait d'obtenir les plus belles prises dans l'opposition ? Si le remplacement de l'actuel Premier ministre Matata Ponyo semble pour l'instant acquis, le nom du remplaçant ne s'impose pas. Kengo a trop précipité sa candidature, Boshab ne représenterait pas l'ouverture promise... reste l'ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu, qui pourrait se fondre dans le costume de l'économiste-techno que Matata Ponyo avait avantageusement endossé.
Pris au piège de concertations sans consensus politique, Joseph Kabila paie avant tout ses multiples hésitations politiques et stratégiques. Le président a trop souvent joué la carte des rébellions, puis du Rwanda, avant se retourner contre eux. Les fragiles alliances à géométrie variable de la majorité présidentielle n'inspire plus confiance. Résultat : le président Kabila se retrouve coincé avec un spectre politique trop étroit.
Condamné à ouvrir sa majorité, Joseph Kabila cherche toujours la solution. Tentatives de la dernière chance : la visite d'un conseiller du président Kabila à "l'irréductible" opposant Etienne Tshisekedi, dont on doute de l'efficacité et le rapprochement avec le MLC, l'ennemi d'hier, qui cherche désespérément à préparer le retour de son chairman, Jean-Pierre Bemba, toujours en prison à La Haye. L'équation est délicate et visiblement, Joseph Kabila a encore besoin d'un peu de temps.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Campagne d'affichage à Lubumbashi © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
15:34 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
04 octobre 2013
RDC : Le Kivu doit être déclaré "zone sinistrée" selon René Abandi
Chef de la délégation du M23 aux négociations de Kampala, René Abandi fait le point sur les contacts avec Kinshasa.
AFRIKARABIA : - René Abandi, alors que les négociations reprennent ce week-end à Kampala, votre passage à Paris est pour nous une surprise. Vous aviez rendez-vous avec des représentants du gouvernement français ?
René ABANDI : - Je suis à Paris parce que nous avons de bons contacts avec le peuple français, pas nécessairement avec le pouvoir. Une rencontre avec un représentant du gouvernement français serait bienvenue, mais ce n’est pas encore programmé.
AFRIKARABIA : - Vous le regrettez ?
René ABANDI : - La France est un pays important. Nous, Congolais, parlons français, le Congo est le premier pays francophone du monde après la France. La France peut contribuer à des solutions pacifiques au Kivu et à faire l’économie de vies humaines et de bien des souffrances.
AFRIKARABIA : - Vous êtes conscient de la mauvaise réputation du M23 ?
René ABANDI : - Pas auprès du peuple de France, mais auprès de personnes qui influencent l’opinion dans le sens des hostilités, oui.
AFRIKARABIA : - Le gouvernement des Etats-Unis vient d’annoncer qu’il supprime son assistance militaire au Rwanda parce qu’il soutient le M23, lequel enrôle des enfants-soldats… ?
René ABANDI : - Il s’agit d’une extraordinaire désinformation. A ma connaissance, le gouvernement rwandais a interdit le recrutement d’enfants soldats depuis de très nombreuse années, et le M23 ne pratique pas davantage ce genre d’enrôlement. Nos avons demandé une enquête internationale pour vérifier que nos n’avons pas d’enfants soldats. Nos sommes prêts à accueillir tous les journalistes qui voudront enquêter également. Mais pas de réponse en ce sens. Nos sommes confrontés à une machination, à des informations fabriquées.
AFRIKARABIA : - On reproche au Rwanda de vous soutenir ?
René ABANDI : - Demandez aux autorités rwandaises de répondre sur ce point. Mais je peux vous dire pour le M23 que le Rwanda ne nous soutient pas. Il est neutre.
AFRIKARABIA : - Pourquoi alors ces accusations, répétées de mois en mois ?
René ABANDI : - C’est ridicule. On a proclamé que 600 militaires rwandais combattaient dans nos rangs. Lorsque ces hommes de Bosco Ntaganda se sont réfugiés au Rwanda, tout la monde a vu que c’étaient des Congolais comme nous. Personne n’a pu établir la présence d’un seul Rwandais parmi ces réfugiés. C’étaient encore des accusations forgées à partir de rien.
AFRIKARABIA : - Pourtant ces accusations ne cessent pas… ?
René ABANDI : - Récemment, les FARDC (l’armée gouvernementale congolaise) a tiré des obus sur le Rwanda pour inciter l’armée rwandaise à entrer dans le conflit. Les gens qui ont ordonné ces tirs veulent provoquer le Rwanda, l’inciter à entrer en RDC.
AFRIKARABIA : - Votre mouvement, le M23, est la cible de toutes les critiques depuis que vous avez occupé la ville de Goma. Vous regrettez aujourd’hui cet épisode ?
René ABANDI : - Occuper Goma, c’était nous assurer un gage territorial pour nous permettre d’ouvrir un dialogue avec Kinshasa, afin de traiter les causes du conflit et les solutions à apporter.
AFRIKARABIA : - Ca n’a abouti qu’à vous marginaliser !
René ABANDI : - La négociation que nous voulions engager a été sabotée à New York. Avez-vous entendu cette déclaration selon laquelle "le M23 lèche ses plaies ?" Comme si nous étions assimilés à des chiens. Cette façon émotionnelle de nous diaboliser, de nous animaliser, est complètement contre-productive. Nous attendons mieux d’un pays comme la France : l’encouragement au dialogue. Si nous nous sommes révoltés, il y avait des raisons. Je ne connais pas une mission de l’ONU qui coûte aussi cher que la MONUSCO, en soutien au régime le plus corrompu du globe. Nous avons droit à un gouvernement plus responsable, l’ONU devait le comprendre.
AFRIKARABIA : - Est-ce vraiment votre base de négociations ? Vous voulez que Kabila se jette par la fenêtre du 10e étage ?
René ABANDI : - Nous ne demandons pas l’impossible. Notre tort, c’est d’avoir une faible voix. Les Etats membres de l’ONU ont les moyens d’imposer la voie de la paix à un régime corrompu et corrupteur. Face à cet appareil étatique gravement défaillant, personne n’accepte que nous élevions la voix. Nous sommes jugés sans débat.
AFRIKARABIA : - Concernant la justice, revendiquez-vous l’impunité pour tous ceux qui pourraient constituer des cibles de la justice internationale ?
René ABANDI : - Croyez-vous que les plus coupables soient chez nous ? Nous voulons une justice juste, pas une justice idéologique. Les criminels sont dans le camp du gouvernement.
AFRIKARABIA : - Et Bosco Ntaganda ?
René ABANDI : - Nous l’avons isolé. C’était déjà beaucoup. Mais après cette mesure, ils se sont dit « le M 23 et maintenant fragile, profitons-en pour les attaquer ».
AFRIKARABIA : - Vous réfutez avoir commis des atteintes graves aux droits de l’Homme ?
René ABANDI : - Le concept de droits de l’Homme est devenu un instrument de manipulation. On voit que ce droit est appliqué au cas par cas, en fonction d’intérêts diplomatiques ou autres de grandes puissances. Les milices gouvernementales et les armées étrangères comme les FDLR sont un problème sérieux de justice.
AFRIKARABIA : - Vous n’incluez pas dans la négociation un droit d’amnistie ou d’oubli en faveur du M23?
René ABANDI : - Non.
AFRIKARABIA : - Et vous ne revendiquez plus l’intégration du M23 dans les FARDC ?
René ABANDI : - Nous ne négocions que pour résoudre les causes profondes du conflit : la discrimination érigée en politique, la non-administration de notre peuple, pris en otage par un pouvoir corrompu qui refuse d’appliquer la décentralisation. Nos voulons aussi qu’on parle de la citoyenneté, du retour des réfugiés, de la reconstitution des villages au profit de tous ceux qui ont été obligés de les fuir. C’est ce que nous appelons promouvoir des « pôles d’attraction citoyenne ». Pour cela, il faut désarmer les milices et les armées étrangères.
AFRIKARABIA : - Ne craignez-vous pas de placer la barre trop haut, à la veille de la reprise des négociations ?
René ABANDI : - Il y a déjà des avancées de contexte. La délégation de Kinshasa s’est engagée à revenir à la table des négociations, de façon permanente et non plus à l’occasion… Conserver Kampala comme lieu de négociation semble acquis. S’il faut nous réunir à Goma, pourquoi pas ? Nous voulons sincèrement avancer. Les questions les plus sensibles ne seront pas abordées en public, elles vont se discuter en aparté. Il y a des questions pratiques à aborder comme la transformation du M23 en parti politique, la libération des prisonniers des uns et des autres.
AFRIKARABIA : - L’agenda des négociations comporte d’autres chapitres ?
René ABANDI : - Effectivement. Par exemple, nous souhaitons que le Kivu soit déclaré zone sinistrée, pour attirer l’attention de la communauté internationale et mobiliser les moyens d’un redressement économique et social, d’une reconstruction.
AFRIKARABIA : - On peut s’attendre à de bonnes nouvelles ?
René ABANDI : - Il y a eu un petit progrès depuis le communiqué du 23 septembre. Dans l’esprit de ce communiqué, la négociation peut s’accélérer. Il faut aussi éviter les manœuvres de certains. Le ministre des Affaires étrangères d’Ouganda a dénoncé le fait que, chaque fois que la négociation avance, la France et la Belgique nous tirent vers la boue. Mais nous avons confiance.
Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER - Afrikarabia
Photo : René Abandi à Paris le 4 octobre 2013 © JF. Dupaquier
23:04 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (0)
03 octobre 2013
RDC : Visite sous pression du Conseil de sécurité de l'ONU
Une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU se rendra en République démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda les 4, 5 et 6 octobre prochain. L'ONG Human Rights Watch (HRW) demande aux membres du Conseil de sécurité de profiter de leur visite "pour presser les gouvernements de la région de cesser d'apporter le moindre soutien aux groupes armés".
Le temps presse pour Human Rights Watch. "Les civils vivant dans l'est de la RD Congo subissent des atrocités qui ne prennent pas fin, mais il est très rare que les individus responsables soient traduits en justice", explique Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de l'ONG. Les 4, 5 et 6 octobre, une délégation du Conseil de sécurité sera à Kinshasa, Goma, la capitale du Nord-Kivu, en proie à l'instabilité chronique, avant continuer sa visite vers Kigali. Un déplacement sous pression, alors que le gouvernement congolais et le M23 ont entamé depuis en décembre 2012 de laborieuses négociations de paix à Kampala.
M23 et Rwanda
Human Rights Watch profite de cette visite annuelle du Conseil de sécurité pour tirer la sonnette d'alarme. L'ONG estime que "les membres du Conseil de sécurité devraient profiter de leur visite pour presser les gouvernements de la région de cesser d'apporter le moindre soutien aux groupes armés qui commettent des exactions, et d’arrêter les individus soupçonnés de crimes de guerre". Selon l'organisation, "le Conseil de sécurité devrait adopter une résolution exigeant que le Rwanda cesse tout soutien au M23, un groupe armé responsable de multiples atrocités dans l'est de la RD Congo, et imposant des sanctions aux dirigeants rwandais de haut rang qui ont orchestré ce soutien".
Milices Maï-Maï et FARDC
Dans la ligne de mire de l'organisation des droits de l'homme : les rebelles du M23, mais aussi les nombreux groupes armés qui pullulent à l'Est de la RDC. Selon HRW, l'ONU devrait porter une attention particulière à la milice Maï-Maï de Ntabo Ntaberi Sheka, dont les membres ont tué, violé et mutilé des dizaines de civils depuis mai 2013. "Le 27 septembre, ils ont attaqué plusieurs villages dans le territoire de Masisi, tuant plusieurs enfants, violant des femmes et incendiant des habitations", dénonce l'ONG. Human Rights Watch pointe également l'armée régulière, les FARDC. L'armée congolaise commet aussi de nombreuses exactions "y compris les viols d'au moins 76 femmes et filles dans et aux alentours de la ville de Minova, dans la province du Sud-Kivu, en novembre 2012", souligne HRW. Si les crimes des groupes armés ne doivent pas restés impunis, les exactions de l'armée nationale non plus. L'ONG demande au Conseil de sécurité de "pousser le gouvernement congolais à soumettre à des enquêtes, arrêter et, s'il y a lieu, poursuivre en justice les membres des forces de sécurité qui se sont rendus responsables de crimes de guerre et d'autres graves violations des droits humains".
Kampala
Cette "piqûre de rappel" d'Human Rights Watch intervient alors que les pourparlers de Kampala butent sur l'amnistie que pourraient accorder les autorités congolaises aux rebelles du M23, en échange de l'arrêt des hostilités et de son désarmement. HRW explique que "les accords conclus dans le passé entre le gouvernement congolais et d'autres groupes armés ont permis à des commandants rebelles responsables de graves violations des droits humains d'être récompensés en étant intégrés dans l'armée congolaise". "Par la suite, beaucoup d'entre eux ont commis de nouvelles atrocités contre la population civile en tant qu'officiers de l'armée congolaise, avant de faire défection et de créer de nouveaux mouvements rebelles", conclut Human Rights Watch. L'ONG appelle donc la communauté internationale à rester vigilante.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Casque bleu à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia
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02 octobre 2013
RDC : L'audit désastreux de l'aide européenne au Congo
Un rapport de la Cour des comptes épingle l'Union européenne (UE) pour la mauvaise gestion de son aide à la République démocratique du Congo. Sur les 1,9 milliards d'euros versés en 8 ans, l'audit dénonce une "évaporation des fonds" et des résultats "limités" sur le terrain.
Ce qui pourrait paraître une évidence ne l'est visiblement pas. L'évidence : le contrôle et la traçabilité des sommes versées par l'Union européenne (UE) à la République démocratique du Congo (RDC). Selon un rapport d'audit de la Cour des comptes européenne, l'Union européenne n'est pas très regardante sur le suivi des fonds d'aide à la RDC. Les conclusions sont cinglantes : "évaporation des aides financières" et "des progrès lents, variables et globalement limités". La Cour des comptes demande donc à l'UE de se montrer "plus exigeante envers la République démocratique du Congo" (l'audit est téléchargeable ici)
No control ?
Pendant 3 semaines les "auditeurs" de la Cour des comptes se sont rendus sur place, à Kinshasa, dans le Bas-Congo et à l'Est du pays. L'objectif était de vérifier sur le terrain les effets de l'aide européenne dans un pays "fragile", en guerre permanente depuis bientôt 20 ans. Une enquête un peu tardive lorsque l'on sait qu'entre 2003 et 2011, l'UE a versé 1,9 milliard d'euros... visiblement sans réel contrôle de la bonne utilisation des fonds. Si le rapport note la réussite de certains programmes, comme par exemple le premier recensement national de la police congolaise, il dénonce en revanche les résultats mitigés des autres aides à la RDC.
Des policiers évaporés !
La Cour des comptes s'est penchée sur l'aide financière aux deux processus électoraux de 2006 et 2011 : organisation de la présidentielle et des législatives, réforme de la police, de la justice, décentralisation... Sur ces soutiens financiers débloqués par l'Union européenne, l'audit est sans appel : "moins de la moitié des programmes examinés ont produit, ou sont susceptibles de produire la plupart des résultats escomptés". Plus inquiétant encore : "dans la plupart des cas, il est illusoire de penser que la durabilité sera assurée", remarque l'audit. En clair : l'aide ne s'inscrit pas dans la durée, ce qui rend inefficaces les sommes déjà dépensées… des aides à perte donc ! A titre d'exemple, l'audit pointe un programme de formation de 1.000 policiers, avant l'élection présidentielle de 2006. Après le scrutin, l'UE ne trouve "plus aucune trace" des policiers formés ! Pour les "auditeurs" de la Cour des comptes européennes, les causes sont multiples : mauvaise évaluation des risques, objectifs trop ambitieux, manque de coordination et surtout de "conditionnalité de l'aide" que l'Europe a attribué à la RDC.
Elections non crédibles
Ce qui étonne le plus dans l'audit de la Cour des comptes, c'est le manque de suivi des fonds engagés. Apparemment, entre 2003 et 2011, aucun mécanisme de contrôle n'a tiré la sonnette d'alarme pour rectifier le tir. L'UE peut donc financer 1,9 milliard d'euros d'aide pendant 8 ans sans en mesurer l'efficacité ? Rappelons que l'UE a également soutenu financièrement les élections chaotiques de 2011, jugées "non crédibles" et "entachées d'irrégularités" par une mission de l'Union européenne elle-même ! Etrange pour une institution aussi sérieuse. Pourquoi ne pas avoir conditionner son aide ?
Mieux vaut un peu, que pas du tout
Pour en comprendre les raisons, il faut lire les déclarations du commissaire à l'aide au développement, Andris Piebalgs, que le rapport égratigne. Pour lui, les "obstacles étaient sérieux" en RDC et "la mise en place d'une gouvernance dans ce pays était largement partie de zéro". Il y avait donc, selon le commissaire européen, des circonstance atténuantes. Quant au "conditionnement" du soutien financier conseillé par la Cour des comptes, Andris Piebalgs est plus clair : "la conditionnalité systématique pourrait être inefficace, voire contre-productive". On a donc compris que l'UE devait "composer" avec les autorités congolaises, dont le mode de gouvernance laisse encore à désirer. Une position singulière pour l'Europe qui défend la démocratie et les droits de l'homme, dans un pays qui peine à respecter l'une et l'autre. Le commissaire européen prône donc une politique des "petits pas" où il vaut mieux des élections "à moitié démocratique" que pas d'élections du tout. Alors, lorsque la Cour des comptes demande à l'UE "d'améliorer sa stratégie de coopération avec la RDC et de renforcer le recours à la conditionnalité et au dialogue politique"… on peut penser qu'il y a peu de chance que ses recommandations soient suivies. L'audit de la Cour des comptes européenne n'aura alors servi à rien.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Kinshasa 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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21 septembre 2013
RDC : Vers un partage du pouvoir à l'issu des concertations ?
La "Coalition pour le vrai dialogue en RD Congo" (CVD), une plateforme pilotée par l'UNC de Vital Kamerhe, affirme qu'un projet de partage du pouvoir serait proposé aux concertations nationales. Selon la CVD, une formule "1+2" pourrait voir le jour : 1 président et 2 vices présidents. Un "partage" qui instaurerait "une présidence à vie" pour Joseph Kabila.
Dans un communiqué, la Coalition pour le vrai dialogue en RD Congo (CVD), une plateforme dans laquelle on retrouve l'UNC de Vital Kamerhe, le RCD-KML, l'UPC ou l'UDEMO, dénonce des manoeuvres à l'étude lors des concertations nationales. Selon cette coalition d'opposition, "une réunion se serait tenue loin de Kinshasa" au cours de laquelle "un schéma de partage du pouvoir" aurait été mis en place en vue de le soumettre aux délégués des concertations nationales. Il s'agirait d'une formule "1+2" : 1 président et 2 vices présidents. La CVD s'inquiète des conséquences qu'auraient une telle décision : "violations de la Constitution du 18 février 2006, dissolution de l' Assemblée nationale et du Sénat" et la possibilité pour le président Joseph Kabila, "au pouvoir depuis 12 ans d'instaurer une présidence à vie".
Pour le moment, aucune autre source ne nous indique qu'un tel projet est à l'étude à Kinshasa. Peu d'éléments filtrent des concertations nationales ouvertes depuis le 7 septembre dernier. Les principaux partis d'opposition, sauf le MLC, ont décidé de boycotter ces assises censées "favoriser l'émergence d'une cohésion nationale". La participation des groupes armés à longtemps été débattue avant d'être rejetée par le gouvernement. Seule "avancée" pour le moment, les délégués du groupe thématique «décentralisation» ont recommandé au président Joseph Kabila de "rapatrier la dépouille mortelle du feu président Joseph Désiré Mobutu et celle de feu Moïse Tshombe"… une demande dont on ne voit pas très bien le rapport avec la crise politique que traverse le pays.
La Coalition pour le vrai dialogue en RD Congo demande dans son communiqué "la suspension sans délai" des concertations et la "clôture immédiate des pourparlers de Kampala" entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais. Les organisateurs ont annoncé samedi la prolongation des concertations jusqu'au 28 septembre.
Christophe RIGAUD - AFRIKARABIA
Photo : Palais du peuple de Kinshasa © www.afrikarabia.com
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18 septembre 2013
Rwanda : Racisme et génocide, l’idéologie hamitique
Les historiens Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, spécialistes de la région des Grands Lacs, décryptent dans un livre le processus de l’idéologie raciste qui a abouti en 1994 au génocide des Tutsi du Rwanda.
Dans l’Europe de la fin du XIXe siècle, le racisme légitimait l’expansion coloniale, cette guerre ouverte, ou sournoise menées par les grandes puissances contre l’Afrique noire. On prétendait “sauver” de la sauvagerie des “peuples inférieurs”. En France, Paul Broca (1824-1880), fondateur de la Société d’Anthropologie de Paris, affirmait que jamais un peuple « à la peau noire, aux cheveux laineux et au visage prognathe n’a pu s’élever spontanément jusqu’à la civilisation[1] ». En 1872, également obsédé par les classements humains, Louis Figuier publia « Les Races humaines », un gros volume plusieurs fois réédité qui véhiculait à son tour les archétypes racialistes : « L’infériorité intellectuelle du Nègre se lit sur sa physionomie sans expression ni mobilité. Le Nègre est un enfant. Les peuples de race nègre qui existent à l’état de liberté, à l’intérieur de l’Afrique, ne peuvent guère dépasser le niveau de vie de tribu. D’un autre côté, on a tant de peine, dans beaucoup de colonies, à tirer un bon parti des nègres, la tutelle des Européens leur est tellement indispensable, pour maintenir chez eux les bienfaits de la civilisation, que l’infériorité de leur intelligence, comparée à celle du reste des hommes, et un fait incontestable ».
Ces « penseurs » en chambre furent relayés sur le terrain par des « Blancs sauveurs », aventuriers et missionnaires. Il est difficile d’imaginer l’épaisseur des préjugés qu’ils véhiculaient. Dans nos sociétés européennes laïcisées, on moque aujourd’hui les rétrogrades « créationnistes » américains qui luttent pour faire interdire l’enseignement de l’évolutionnisme. Mais dans l’Europe de Paul Broca, Louis Figuier (pour ne citer que des Français) et bien d’autres, l’opinion publique façonnée par le christianisme était « naturellement » créationniste. On pensait que toute l’histoire de l’Humanité se trouvait contenue dans l’Ancien Testament. En Afrique centrale, les « découvreurs » s’avançaient la Bible en poche. Au fil de leur découverte des Grands lacs africains entre 1857 et 1863, les Britanniques Richard Francis Burton (1821-1890) et John Haning Speke (1827-1864) s’efforçaient de retrouver dans l’Ancien Testament l’origine des peuples et des royaumes qu’ils traversaient. Les récits de Livingstone, Stanley, Burton, Garnier, Brazza, Shackleton, Scott, Amundsen et bien d’autres circulaient dans des revues populaires comme « Le Tour du monde », diffusées à des centaines de milliers d’exemplaires. Ces récits étaient lus et commentés avec passion. Ils imprégneront durablement l’inconscient collectif occidental.
Selon l’idéologie du temps, tous les peuplements humains et toutes les catégories animales étaient issus de l’Arche de Noé, sauvés du Déluge. Dans un mouvement de colère, le patriarche Noé aurait ensuite maudit son fils Cham (ou Ham), qui prit la fuite avec femme et enfants vers on ne sait trop où. Cet asile mystérieux ne serait-il pas le « Pays des monts de la Lune », où le grand géographe de l’Antiquité Ptolémée situait la source du Nil, fleuve mythique ? C’était la conviction de Richard Burton et de John Speke, et aussi leur intérêt « médiatique ». Inspirés des racialistes de l’époque, eux aussi se persuadèrent que les « Nègres ordinaires » n’étaient pas vraiment des hommes, qu’ils n’étaient sont pas sortis de l’Arche de Noé et constituaient une composante inférieure, quelque part entre le primate et l’homme. Mais confrontés à d’autres « Nègres » à la morphologie différente, plus grands, aux traits fins, et qui dirigeaient des empires sophistiqués dans la région des Grands Lacs, Burton et Speke - surtout ce denier - clamèrent à leur retour que non seulement ils avaient trouvé La source du Nil blanc, mais également la tribu perdue d’Israël (après le Déluge, la malédiction de Noé leur aurait foncé la peau). Sinon, comment ces "Nègres" seraient-ils parvenus à « s’élever spontanément jusqu’à la civilisation » ? Ces peuples « supérieurs » étaient, selon John Speke, des « Hamites », ou « Chamites », selon la façon dont on orthographiait le nom du fils maudit. Les « Hamites » (la terminologie retenue par la postérité) étaient dispersés au milieu des autres Nègres, ils s’appelaient eux-mêmes Hima, Tutsi, etc. Dans le récit de John Speke de sa découverte des sources du Nil[2], on trouve un pittoresque passage où l’explorateur s’efforce de convaincre un roi d’Ankole de son ascendance juive/hamite.
Ces délires « ethnographiques » auraient pu rester surannés et ridicules, sans l’instrumentalisation de l’idéologie hamitique comme corpus de domination ou de conquête du pouvoir par des colons, des missionnaires, puis des élites de la « décolonisation ». Nous ne dévoilerons pas ici la lumineuse démonstration des historiens Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda sur les ravages politiques de cette idéologie jusqu’au génocide des Tutsi du Rwanda et au massacre des Hutu démocrates - qui dénonçaient cette idéologie -, en 1994. La raciologie européenne a produit le nazisme. L’histoire du Rwanda pouvait être autre que le réceptacle d’un « nazisme tropical ». Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, qui sont aussi des humanistes, le rappellent fort à propos au terme d’une impeccable démonstration.
Jean-François DUPAQUIER
Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda, Rwanda, Racisme et génocide, l’idéologie hamitique, Ed. Belin, Paris, septembre 2013, 380 pages, 22 €.
[1] Paul Broca, « Anthropologie. Dictionnaire anthropologique des sciences », Paris, 1866. Cf. Gérald Gaillard, Dictionnaire des ethnologues et des anthropologues, Armand Colin, 1997.
[2] Journal of the Discovery of the Source of the Nile (1863). Nombreuses éditions et rééditions en français depuis 1865 sous les titres “La découverte des sources du Nil”, “Aux sources du Nil”, Le Mystère des sources du Nil”, etc. Parmi les dernières éditions disponibles, “Aux sources du Nil , La découverte des grands lacs africains 1857-1863”, traduction Chantal Edel et Jean-Pierre Sicre Ed. Phoebus, Paris, 1991.
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16 septembre 2013
RDC : Les "lignes rouges" infranchissables de Kampala
Après plusieurs semaines de combats au Nord-Kivu, le gouvernement congolais et les rebelles du M23 sont revenus à la table des négociations à Kampala. Mais la route est encore longue avant un possible accord. Les conditions posées par la rébellion et Kinshasa sont difficilement conciliables et font craindre une reprise des hostilités.
A chacun ses conditions. Le M23 et les autorités congolaises, de retour la semaine dernière aux pourparlers de paix de Kampala, ont fixé leurs exigences à la possible signature d'un accord. Le M23 conditionne son désarmement à la "neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda(FDLR) et le rapatriement des réfugiés congolais". Le gouvernement congolais fixe, lui, deux lignes rouges : pas d'amnistie pour les rebelles et surtout pas de réintégration dans l'armée nationale. Une semaine après la reprise des pourparlers, le 9 septembre, "aucune avancée n'a été enregistrée" à Kampala a fait remarquer François Muamba, négociateur du gouvernement congolais et coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba sur Radio Okapi.
Les FDLR sur la table des négociations
Principal blocage de ce énième round de négociations : les "lignes rouges" fixées par les deux belligérants. Côté rébellion, le M23 fait désormais tourner la problématique autour des FDLR, un groupe armé composé d'anciens génocidaires hutus rwandais, en lutte contre le régime de Kigali. Le président du M23, Bertrand Bisimwa explique que la rébellion veut bien "déposer les armes", mais pose ses conditions : "neutraliser les FDLR et rapatrier les réfugiés congolais tutsis". La présence des rebelles rwandais en RDC représente en effet l'un des principaux facteurs de violence à l'Est du pays et ce, depuis… 1996 ! Le M23 s'est toujours affiché en défenseur de la communauté tutsie et leur revendication est bien évidemment légitime. Une question se pose pourtant : pourquoi faire cette revendication maintenant ? Depuis la création du M23 en mai 2012, la neutralisation des FDLR n'a jamais fait partie des exigences de la rébellion. Dans un premier temps, les revendications du M23 tournaient autour des accords du 23 mars, de leur réintégration dans l'armée et de la reconnaissance des grades militaires. Des revendications "catégorielles", bien éloignées de la présence des rebelles FDLR à l'Est du Congo. Dans un deuxième temps, les succès militaires s'enchaînant, le M23 a élargi ses revendications en réclamant la remise en cause des élections contestées de novembre 2011 et le départ du président Joseph Kabila. Aujourd'hui, les revendications changent de nature : plus de réintégration dans l'armée, plus de départ de Joseph Kabila... l'objectif du M23 se concentre désormais sur les FDLR. Voici quelques explications.
FDLR : Menace ou prétexte ?
Les FDLR sont-ils toujours une menace en RDC ? Oui ! répond Jean-Paul Epenge, un cadre du M23. "Les FDLR constituent le principal facteur d'insécurité au Nord et au Sud-Kivu", estime-t-il. "Ce sont les FDLR qui ont apporté la violence chez nous après le génocide de 1994. Il faut les désarmer, les cantonner et alors les réfugiés congolais pourront revenir vivre tranquillement à l'Est". Pourtant, selon Christoph Vogel, un chercheur (1) spécialiste de la région, "les effectifs des FDLR ont considérablement diminué" au Nord et Sud-Kivu. De 10.000 hommes, il y a une dizaine d'année, "les FDLR ne seraient plus que 2.500 dans la région" précise-t-il. Mais pour Christoph Vogel, "si la rébellion rwandaise ne constitue pas un danger sérieux pour le régime de Kigali, ce sont avant surtout les populations congolaises qui souffrent de ses exactions". Alors pourquoi le M23 conditionne-t-il son désarmement à la neutralisations des FDLR ? Selon Christoph Vogel, cette demande est logique, les FDLR étant "l'ennemi naturel du M23". Mais le chercheur pointe une autre raison à cette condition posée par le M23. Depuis le milieu de l'été, le M23 a subi une forte pression militaire de Kinshasa au Nord de Goma. L'armée congolaise, souvent décrite comme une "armée fantôme", n'a pas combattu seule le M23. Les FARDC ont reçu l'aide providentielle (et décisive) de la Brigade d'intervention de l'ONU (FIB), venue "désarmer les groupes rebelles à l'Est de la RDC". Après les attaques répétées des FARDC et de la Brigade, le M23 a dû se replier à 30 km de la capitale provinciale du Nord-Kivu... un revers diplomatique pour la rébellion, qui a dû reprendre le chemin des négociations en position de faiblesse. En demandant la "neutralisation" des FDLR, le M23 demande à la Brigade de s'attaquer maintenant aux rebelles rwandais et implicitement d'arrêter de se focaliser uniquement sur leur propre groupe. La technique est habile, puisque l'ONU avait clairement indiqué qu'elle était là pour s'attaquer à tous les groupes armés et pas seulement au M23.
En demandant à l'ONU et à Kinshasa de désarmer les FDLR, le M23 n'opère pas qu'une tentative de diversion, il repousse également tout règlement rapide du conflit. Neutraliser les FDLR ne se fera pas en quelques semaines ou quelques mois, mais cela prendra sans doute plusieurs années. De nombreuses opérations militaires conjointes avait d'ailleurs été montées, notamment avec le Rwanda et la RDC, du temps où les deux pays collaboraient, rappelle le chercheur Christoph Vogel. Mais les opérations Kimia II ou Umoja Wetu n'ont pas permis d'aboutir "à la l'éradication de la milice". Pour ce spécialiste, seul un règlement politique entre les deux Etats, RDC et Rwanda, permettrait de mettre fin au problème de la milice hutue.
Négociations en trompe l'oeil
A lire ces lignes, on pourrait croire que seul le M23 fait blocage à Kampala. Mais côté gouvernemental, les "lignes de rouges" posées par Kinshasa mènent également dans l'impasse. Les autorités congolaises ont déclaré vouloir refuser toute amnistie aux membres de la rébellion et toute réintégration dans l'armée nationale. Autant dire que Kinshasa ne propose d'autre porte de sortie au M23 que sa propre disparition… difficilement acceptable pour des rebelles qui continuent de tenir et d'administrer une partie du Nord-Kivu. Mais Kinshasa n'a pas envie de négocier et cherche le K.O. Les dernières offensives militaires de la fin de l'été, présentées comme des victoires par le gouvernement, ne sont en fait que des succès de la Brigade de l'ONU. La communauté internationale a ainsi pu forcer Kinshasa à revenir à la table des négociations. Sommées de retourner à Kampala, les autorités congolaises auraient bien continué l'offensive sur le M23, pour mettre à genou la rébellion et stopper ainsi des négociations humiliantes pour Joseph Kabila. Mais comme l'armée congolaise est toujours aussi faible et a besoin de l'appui militaire de l'ONU, Kinshasa n'a pu que s'en remettre au bon vouloir de la communauté internationale, qui "ne souhaitait pas faire la guerre à la place des Congolais", comme nous l'a expliqué un expert militaire. Sans aide de la Brigade de l'ONU, les FARDC ont donc été obligés d'arrêter l'offensive. La situation militaire se retrouve alors gelée : le M23 campe au Nord de Goma, de Kibumba à Rutshuru, alors que les FARDC et l'ONU protège Goma de toute offensive rebelle.
Mécontent d'être à Kampala, le gouvernement congolais, qui a par ailleurs lancé des concertations politiques avec une partie de son opposition et de la société civile, se retrouve coincé. Conséquence : à la table des négociations, les autorités congolaises ferment toutes les portes de sortie à la rébellion. Devant un tel blocage, on peut se demander ce que l'on peut attendre de Kampala. "Pas grand chose", note un expert militaire, qui pense qu'à part une rencontre au sommet entre les 3 chefs d'Etats de la région (RDC, Rwanda, Ouganda) pour trouver une solution, seule une reprise des hostilités est à attendre au Nord-Kivu. Seule interrogation : la Brigade de l'ONU continuera-t-elle à appuyer l'armée congolaise dans une guerre totale contre le M23 ? Pas si sûr.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) le blog de Christoph Vogel, "Mercator follow" et chercheur, est à consulter ici.
Photo : Munyonyo Resort à Kampala, lieu des négociations © DR
22:08 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (14)
08 septembre 2013
RDC : Kamerhe 100% opposant
Vital Kamerhe boycotte les concertations nationales qui se sont ouvertes ce week-end à Kinshasa. Une façon de se positionner en opposant intégral au président Kabila dont il fut un proche collaborateur. Dans un entretien accordé à Afrikarabia Vital Kamerhe s'explique sur les concertations nationales, décline ses solutions pour le Congo et sa stratégie pour gagner la prochaine présidentielle de 2016.
Jeune loup du kabilisme, dont il a été la cheville ouvrière, en tant que directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006, cofondateur du parti présidentiel (PRRD) et président de l'Assemblée nationale, Vital Kamerhe a endossé les habits de l'opposant depuis 2009, date de sa rupture avec le camp présidentiel.
Candidat d'opposition aux élections générales de 2011, Vital Kamerhe termine en troisième position (7,74%) devant Joseph Kabila, accusé de fraude électoral, et l'opposant vieillissant Etienne Tshisekedi. Un score honorable pour son jeune parti politique, l'Union pour la nation congolaise (UNC), créé seulement onze mois avant le scrutin et qui compte désormais 18 députés au parlement.
Après les élections contestées de 2011 et la reprise de la guerre à l'Est du pays, Joseph Kabila, poussé par la communauté internationale, a décidé d'organiser des concertations nationales en vue de régler la crise politique en RDC. Les principaux partis d'opposition, sauf le MLC de Jean-Pierre Bemba, ont senti le piège et décliné l'offre. En fin politique, Vital Kamerhe a choisi le camp du boycott et affiche une opposition totale aux concertations. Une manière de bien réaffirmer son encrage dans l'opposition dont certains doutent encore. Le président de l'UNC propose d'ailleurs une alternative aux concertations de Joseph Kabila et lance le 5 septembre 2013 la "Coalition pour la préparation d'un vrai dialogue" (CVD).
Pour la présidentielle de 2016, l'horizon politique semble assez dégagé pour Vital Kamerhe. Joseph Kabila, sauf modification de Constitution de dernière minute, ne peut pas se représenter. L'opposant historique, Etienne Tshisekedi affiche plus de 80 ans au compteur et Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux en 2006, est toujours en prison à La Haye. Dans une interview que Vital Kamerhe nous a accordé à Paris, le 6 septembre dernier, le président de l'UNC revient sur son refus de participer aux concertations, son analyse du conflit à l'Est et sur sa stratégie d'alliances pour remporter la prochaine présidentielle.
- Afrikarabia : Pour quelles raisons ne participez-vous pas aux concertations nationales ?
- Vital Kamerhe : Dans ces concertations, la représentation devait être paritaire : opposition politique, société civile et majorité au pouvoir. Si on fait un simple calcul, Joseph Kabila et sa famille politique représentent 77% des participants aux concertations ! Ces concertations ne sont pas des élections où l'on doit cherché une majorité, ce n'est pas le but. Ces assises ressemblent surtout à un congrès de la majorité présidentielle avec quelques invités. Je suis d'ailleurs presque convaincu que la simple élaboration du règlement intérieur va poser de sérieux problèmes. Ceux qui n'ont pas compris à temps, comme nous, qu'il faut un vrai dialogue vont nous rejoindre parce qu'ils vont claquer la porte.
- Afrikarabia : Qu'aurait-il fallu faire ?
- Vital Kamerhe : Plusieurs choses doivent être supprimées. Première chose : pas de partage du pouvoir, nous ne sommes pas là pour cela. Deuxièmement pas de "per diem", cette indemnité journalière que doivent toucher les participants aux concertations. On n'est pas obligé d'être payé pour parler de son pays ! Il faut supprimer ces mauvaises pratiques. C'est de la corruption voilée. Enfin il ne faut pas que ces concertations soient le prétexte à une révision de la Constitution. C'est pourquoi nous disons "touche pas à ma Constitution".
- Afrikarabia : Les concertations ont pourtant débuté ce samedi. Qu'allez-vous faire ?
- Vital Kamerhe : Nous venons de créer au niveau d'une large coalition de l'opposition : "la Coalition pour la préparation d'un vrai dialogue" (CVD). Nous allons élaborer ensemble, avec nos partenaires de l'opposition, les termes de référence d'un vrai dialogue. Nous allons dire clairement quelles sont nos propositions. Nous ne fermons pas la porte, mais nous n'allons pas participer à une messe noire contre le peuple congolais.
- Afrikarabia : Dans la crise qui secoue l'Est de la République démocratique du Congo, où se trouve la solution ? Que faut-il attendre des négociations de Kampala entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23 ?
- Vital Kamerhe : C'est au niveau régional qu'il faut regarder. Le M23 n'est que la partie visible de l'iceberg. C'est un secret de polichinelle. Nous devons crever l'abcès une bonne foi pour toute. Que veut le président Kagame ? Que veut le président Museveni ? Que veut le président Kabila ? Les trois doivent nous dire ce qu'ils veulent pour l'avenir de cette région. Et je crois que si la communauté internationale doit faire des pressions, c'est au niveau de ces trois présidents. Si ces trois chefs d'Etat le veulent, ils peuvent ramener la paix dans la région des Grands Lacs. Ils doivent faire la paix des braves autour d'un projet régional. Mais nous ne pouvons entrer dans un processus de coopération régional lorsqu'il y a des troupes étrangères en RDC ou lorsque nos voisins entretiennent une rébellion sur notre sol. Mais nous devons absolument créer des passerelles de collaboration pour sortir cette région des Grands Lacs de ce cycle de la violence.
- Afrikarabia : Beaucoup critique le mutisme du chef de l'Etat dans cette crise. Pourquoi Joseph Kabila ne donne-t-il pas plus de voix pour s'imposer ?
- Vital Kamerhe : Il y a une sorte d'affairisme qui a été instauré dans notre pays. Cela fini par distraire beaucoup de nos dirigeants.
- Afrikarabia : Que faire des nombreux groupes armés ?
- Vital Kamerhe : Lorsque j'étais commissaire général du gouvernement chargé du suivi du processus de paix, nous avions élaboré à l'époque avec les rwandais et les ougandais, sous l'égide de la Monusco, le mécanisme DDRRR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réinsertion, réinstallation). Donnons d'abord un ultimatum à ces groupes armés. Ensuite il faut que la RDC, le Rwanda et l'Ouganda collaborent, pour que ceux qui veulent rentrer au Rwanda puissent le faire. Pour ceux qui ont peur pour leur sécurité, conformément au droit international, on les cantonne dans des camps protégés par les Nations-unies en attendant de trouver des pays d'accueil. Pour les différents groupes armés, nous proposons de ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé. Il ne faut pas les réintégrer dans l'armée nationale. Il faut créer des centres de formation professionnelle. Trouver une petit bourse pendant leur période de formation (de 20-25$) pour qu'ils puissent manger. Pendant cette formation, ils doivent apprendre un métier. Une fois la formation terminée, on créer des brigade de reconstruction, d'agriculture, d'élevage… avec un salaire minimum de 100$. Au regard du revenu moyen congolais, je ne vois pas quel milicien voudrait encore rester dans son groupe armé. Pour ceux qui seront réfractaires à ce processus de désarmement volontaire, ils feront l'objet de frappes militaires de la Brigade d'intervention. C'est ce qui s'est passé à l'époque d'Artémis en 2003 avec un certain succès.
- Afrikarabia : Vous avez été candidat à la présidentielle de 2011. Votre prochaine objectif c'est 2016 ?
- Vital Kamerhe : Oui c'est clairement l'objectif ultime. Mais avant 2016, nous avons les élections provinciales, municipales et locales. Ces élections montreront ce que chaque parti est capable de représenter dans chacun des territoires congolais. Ce sera aussi un premier test pour la Commission électorale (CENI). Mais concernant l'élection présidentielle, j'y travaille, je peaufine mon programme pour un Congo fort, prospère et stable au coeur de l'Afrique.
- Afrikarabia : Pour arriver à cet objectif, il va falloir créer des alliances. Qui sont aujourd'hui les alliés de Vital Kamerhe ? Et qui seront ceux de demain ?
- Vital Kamerhe : Actuellement nous sommes alliés avec le parti de Pierre Pay-Pay wa Syakasighe (UDECF), le RCD-KML de Mbusa Nyamwisi, Congo pax, le parti de Ne Muanda N'semi, le Parti congolais pour la bonne gouvernance (PCBG), le Parti travailliste (PT) de Steve Mbikayi, l'Union des patriotes congolais (UPC) de John Tinanzabo et l'UDEMO a également accepté de faire partie d'une large coalition avec nous. Ensuite, l'idée d'une alliance avec le MLC de Jean-Pierre Bemba a toujours été discutée, mais cela n'est pas encore concrétisée. Nous discutons avec son équipe. Pour le moment, le MLC a accepté de participer aux concertations, donc nous n'allons pas les jeter en pâture, mais nous disons attention : là où ils vont, le chemin est parsemé de beaucoup d'embûches et de pièges. Concernant l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, nous considérons qu'avec l'UNC, il s'agit des deux derniers remparts du peuple congolais. Je le dis clairement, j'ai encore besoin de me rapprocher de monsieur Tshisekedi et de son parti.
- Afrikarabia : Vous avez été très proche de Joseph Kabila et depuis votre brusque passage dans l'opposition, certains vous accusent de vouloir jouer double-jeu ?
- Vital Kamerhe : Beaucoup ont pensé que j'étais venu dans l'opposition par simple opportunisme et que Joseph Kabila allait me nommer Premier ministre dans les mois suivants. Cela fait maintenant 4 ans et rien ne s'est passé. Nous défendons aujourd'hui avec l'UNC des valeurs et une vision du pays : défendre la dignité de notre peuple.
- Afrikarabia : Il n'y a pas de retour en arrière possible vers Joseph Kabila ? Vous êtes définitivement passé dans le camp de l'opposition ?
- Vital Kamerhe : Absolument !
- Afrikarabia : Vous comprenez que l'on vous pose encore cette question, que certains congolais peuvent avoir des doutes ?
- Vital Kamerhe : Je comprend tout à fait que l'on me pose cette question. Je réponds la chose suivante. Pour moi les individus importent peu. Ce sont les instituions et le peuple congolais qui comptent le plus pour moi. Même lorsque j'étais très proche collaborateur de Joseph Kabila, j'ai dirigé l'Assemblée nationale avec un espace libre d'expression pour l'opposition et pour la majorité… l'église au centre du village. Je peux rappeler les débats très vifs à l'Assemblée au moment des affrontements entre les troupes de Jean-Pierre Bemba et la Garde présidentielle. Nous avons également eu un débat ouvert… et houleux, contre ma propre famille politique, en interpellant le ministre des Mines sur la revisitation des contrats miniers qui se faisait à la tête du client ou sur les massacres du Bas-Congo et du Bundu dia Kongo.
- Afrikarabia : Pour la future élection présidentielle de 2016, on sait que vous venez de l'Est du pays, une région en conflit depuis plus de 20 ans. N'est-ce pas un handicap lorsque l'on veut rassembler une majorité de Congolais ?
- Vital Kamerhe : Pour moi, c'est un avantage certain. Sur le plan des chiffres, l'Est du pays représente 44% de l'électorat national. En ce qui me concerne, je suis partout chez moi au Congo. Je parle aux gens du Centre en tshiluba, aux gens de l'Est en swahili, à l'Ouest en lingala et en kikongo. J'ai d'ailleurs pu mesurer cette popularité quand j'ai fait ma propre campagne avec un tout jeune parti. Aujourd'hui nous avons 18 députés nationaux. Il faut casser cette histoire de blocs Est, Ouest, Centre, Sud.
- Afrikarabia : L'horizon paraît assez dégagé pour vous en 2016. La seule mauvaise nouvelle pour vous serait que Jean-Pierre Bemba soit libre et donc candidat ?
- Vital Kamerhe : Non, ce ne serait pas une mauvaise nouvelle et cela ne me fait pas peur du tout. Nous sommes dans le cadre d'un jeu démocratique et j'ai toujours dis du bien de sa libération. J'ai été le seul à me rendre à La Haye pour lui rendre visite. Je pense qu'il n'a pas oublié tout cela. Si Jean-Pierre Bemba est libéré de sa cellule de la Cour pénale internationale, ce qui est notre souhait, nous aurons une alliance et nous discuterons. Nous sommes deux responsables politiques qui voulons éviter les erreurs du passé. Nous avons la même ambition de sortir le Congo de la honte et de la misère.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe à Paris le 6 septembre 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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04 septembre 2013
RDC : "Le repli du M23 n'est pas une preuve de faiblesse" pour Bertrand Bisimwa
Dans un long entretien accordé à Afrikarabia, Bertrand Bisimwa, le président du M23 revient sur les raisons du retrait de la rébellion du Nord de Goma. Bertrand Bisimwa accuse l'armée congolaise d'avoir tiré sur Goma et le Rwanda et demande "une enquête indépendante". Le président du M23 dénonce le rôle ambiguë de certaines ONG et fustige la France qui "abuse de sa présence à l'ONU pour reprendre pied dans une région qui échappe à son influence". Sur les intentions du M23, Bertrand Bisimwa explique que "le moment venu", le mouvement rebelle proposera à la population "de prendre en charge son destin".
- AFRIKARABIA : Le M23 a opéré ces derniers jours ce que vous appelez un repli militaire. Pour quelles raisons et comment évaluez-vous la situation sur le terrain ?
- Bertrand BISIMWA : Notre mouvement s'est conformé aux décisions de la conférence des chefs d'État des Grands Lacs (CIRGL) qui avaient ordonné le gel des positions militaires dans la ville de Goma le 24 novembre 2012. Or depuis trois mois nous sommes l'objet d'attaques de l'armée gouvernementale sur les nouvelles positions assignées par cette déclaration à environ 15 km au nord de Goma. Pourtant, selon les chefs d'états de la CIRGL, le gouvernement devait démilitariser la ville de Goma et déployer à l'aéroport de la ville un bataillon constitué d'une compagnie de l'armée régulière, une seconde issue du M23 et une troisième constituée de la force neutre, mais ces exigences sont restées lettre morte. Nous étions à Kampala à la table des négociations. Malheureusement, le gouvernement congolais a fait le choix de la guerre contre celui de négociations. En mars 2013, il nous a laissé à Kampala pour aller obtenir la Brigade d'Intervention en vue de faire la guerre au M23. Fort de la résolution 2098, ils ont retiré non seulement tous leurs négociateurs mais aussi leur personnel technique. Ils ont vu un avantage à reprendre la guerre pour chauffer leur opinion publique. Depuis le mois de mai, nous ne faisons que nous défendre. Les attaques de l'armée gouvernementale ont toutes échoué. Depuis le 23 août, les attaques ont repris avec beaucoup plus de moyens, des hélicoptères, des chars de combat, un flot d’armes et de munitions. L'armée gouvernementale s'est adjoint des combattants FDLR. Nous sentons de leur part une forte détermination. À l'évidence, comme nous ne nous contentions que de la défense de nos positions, ils ont considéré notre stratégie comme une preuve de faiblesse. Et, je crois qu'ils se trompent parce que pour nous il s'agit du respect des exigences des chefs d'Etat de la CIRGL mais nous ne saurons pas longtemps subir ce mépris.
- AFRIKARABIA : Vous comptez passer à la contre-offensive ? Réoccuper Goma ?
- Bertrand BISIMWA : Après tout ce qui s'est passé, nous avons le droit de protéger notre population des bombes qui tombent sur des maisons de civils en allant faire taire ces armes aux endroits d'où elles viennent. Mais nous voyons bien les simagrées du régime de Kinshasa. Ils cherchent à nous faire sortir de nos positions défensives pour nous accuser d'avoir repris la guerre. Visiblement, la communauté internationale est dupée par leur stratégie. Il s'agit pour Kinshasa de se faire passer pour des victimes du M23. C'est pourquoi nous appelons à la constitution d'une commission d'enquête pour que les responsabilités soient clairement établies.
La communauté internationale ne fait que répéter ce que lui dit le gouvernement congolais, sans vraiment vérifier leurs assertions. Leurs mensonges se répètent de semaine en semaine et de mois en mois. Nous voulons faire en sorte que des enquêtes sérieuses se traduisent par des rapports sérieux.
- AFRIKARABIA : Un obus est tombé vendredi matin 29 août en plein marché de la ville de Gisenyi au Rwanda, et il a tué une mère de famille et grièvement blessé son bébé. D’autres obus sont tombés au Rwanda sans faire de victimes. Certains incriminent le M23. Quelle est votre réaction ?
- Bertrand BISIMWA : Ces tirs d'artillerie contre des populations civiles sont inacceptables. Le M23 n'en est pas responsable, par contre il en est victime. Dans quel sens ? me demanderiez-vous. A qui profit le crime? Après les nombreux échecs de ses offensives militaires contre nos positions à Kanyarucinya le 23 mai, le 6, le 9 et le 14 juillet 2013, après la résistance de la MONUSCO à la pression des manifestants manipulés par le gouvernement de Kinshasa pour exiger l'intervention de la FIB (Brigade d'intervention de l'ONU, ndlr) contre nos forces, la folie du Gouvernement congolais le poussera à ne pas lésiner sur les moyens. Il ira jusqu'à sacrifier ses propres citoyens pour obtenir le résultat attendu: larguer des obus sur la ville pour obtenir l'intervention de la MONUSCO. S'agissant des obus tombés au Rwanda, ceux qui tentent de nous faire porter la responsabilité ont toujours clamé qu'en combattant le M23 en réalité ils combattent contre les RDF et que le M23 n'est que le visage congolais de l'invasion rwandaise. Et pourtant, ils affirment que nous avons largué des bombes au Rwanda pour inviter le Rwanda dans les hostilités. C'est une contradiction flagrante, le gouvernement doit nous expliquer comment le M23 peut vouloir inciter les RDF (forces armées rwandaises, ndlr) à intervenir au Congo. Lorsque vous lisez les déclarations de la société civile du Nord-Kivu sur les prétendues incursions des RDF sur le territoire congolais dans l'espace M23, vous serez porté à croire qu'il n'y aurait plus d'armée au Rwanda parce qu'elle se serait toute infiltrée au Congo. Notez que ceux qui accusent le M23 sont les mêmes qui prétendent que notre mouvement serait parrainé par le Rwanda. Çela devrait amener la communauté internationale à réfléchir sur l'identité de certains acteurs politico-militaires prêts à toutes les manipulations.
- AFRIKARABIA : Vous pensez à qui en particulier ?
- Bertrand BISIMWA : En réalité, il y a une coalition dynamique qui s'est installée en RDC et qui nourrit l'ambition d'en découdre avec le Rwanda sur le territoire congolais. La coalition FARDC-FDLR fondée sur la promesse d'installer les FDLR au pouvoir au Rwanda partage son objectif avec les intentions du Président Tanzanien Jakaya Kikwete, dont les forces armées bénéficient de la couverture du mandat des Nations-Unies pour en découdre militairement avec le Rwanda sur le sol congolais. La mise en scène de ce théâtre est assurée par la France qui abuse de sa présence à la tête du DPKO (direction des opérations de maintien de la paix de l'ONU, ndlr) pour non seulement reprendre pied dans une région qui échappe à son influence depuis qu'elle en avait été chassée en 1994 à la suite du génocide qu'elle avait soutenu, mais elle a besoin de prendre sa revanche à travers ses anciens poulains, les FDLR. Cette coalition a besoin de régler les comptes au Rwanda et la meilleure façon de le faire c'est d'inviter leur adversaire sur le sol congolais. Le M23 n'a pas intérêt que ses revendications soient obstruées par celles des Etats de la région. Pour ce faire, nous avons écrit au Président du Conseil de Sécurité et au Secrétaire Général des Nations-Unies pour solliciter une mission d'enquête indépendante susceptible d'apporter toute la lumière sur ces faits. C'est la raison fondamentale du retrait de nos forces de la ligne de front de Kanyarucinya à une dizaine de kilomètres au nord de la ville de Goma.
Normalement si la Joint Verification Mecanism (JVM) était encore opérationnelle, elle permettrait de faire toute la lumière sur ces bombardements contre les civils mais le général ougandais Geoffrey Muheesi qui en était le Président investi par la Conférence internationale des pays de la région des Grands Lacs (CIRGL) a été déclaré persona non grata par le Gouvernement congolais. C'est assez curieux.
- AFRIKARABIA : Vous considérez que la communauté internationale, et notamment l'ONU, ne sont pas neutres sur la crise au Nord-Kivu?
- Bertrand BISIMWA : La communauté internationale doit se mettre à la bonne place, c'est-à-dire non pas au service de quelqu’un, mais "au milieu du village", en toute indépendance du gouvernement congolais. Il est clair que les obus tirés sur la ville de Goma et sur le Rwanda l'ont été par les éléments des FARDC. La responsabilité en incombe à la brigade des forces gouvernementales stationnée à Goma et à ses abords.
- AFRIKARABIA : Les Nations unies semblent hésiter à se prononcer sur la responsabilité des tirs d'obus contre la population de ces derniers jours ?
- Bertrand BISIMWA : Voilà justement le problème. Les hommes des Nations unies supposés protéger les populations civiles ne le font pas mais nous ne voulons pas non plus qu'ils se prononcent dans la précipitation pour faire plaisir à un camp. Nous sommes conscients qu'ils sont sous pression des extrémistes du camp gouvernemental qui les menacent et le M23 peut en être le bouc-émissaire. Ils pourraient aussi être tentés de se ranger dans une option qui assure avant tout leur pérennité. Les effectifs de la MONUSCO, en comptant la brigade d'intervention, sont d'environ 20.000 personnes. Elles ont toutes un bon salaire et ne voudraient pas que leur mandat interrompu. C'est pourquoi une enquête sérieuse et indépendante doit précéder toute annonce sur les responsabilités des tirs.
- AFRIKARABIA : Vous avez l'impression de servir d'épouvantail ?
- Bertrand BISIMWA : Les dirigeants de Kinshasa sont incapables d'assurer une bonne gouvernance du Congo, mais il y a un domaine où ils sont excellents : la désinformation à travers les médias, y compris des médias internationaux et la rue. Ils ont une stratégie très efficace pour alimenter une campagne négative contre toute personne ou organisation qu'ils ont intérêt à faire passer pour la cause du malheur des congolais. Incapables de donner une réponse attendue aux problèmes de société, ils préfèrent créer un ennemi commun aux congolais pour couvrir leur échec. Regardez, il y a de cela une année, Kabila était illégitime aux yeux des congolais mais depuis que le M23 est né, sa légitimité s'est même renforcée parce qu'il a réussi à nous présenter comme l'ennemi commun des congolais. Ça lui permet donc de faire de notre mouvement le bouc émissaire de l'incurie dans la gestion de l'État. Le peuple congolais est malheureux. Alors qu'on lui offre en pâture un ennemi. Ça permet de mobiliser l'opinion publique à peu de frais.
Pour consolider cette manipulation, le gouvernement congolais tente par tous les moyens d'empêcher de vraies enquêtes sur les accusations portées contre nous. Human Rights Watch se prête au jeu en rédigeant des rapports contre le M23 à partir de Kinshasa. Ses témoignages sont recueillis par téléphone sans aucune vérification. HRW ne veut tout simplement pas vérifier sur le terrain les allégations. Tous les rapports de HRW depuis un an "ciblent" le M23. Comme si nous étions responsables non seulement de toutes les violations des droits de l'homme au Kivu, mais dans l'ensemble du pays. Prenons le cas du massacre de la population dans la localité de Kitchanga en mars dernier où 203 personnes ont été tuées et plusieurs maisons inciendiées . Ici, chacun sait qu'ils ont été perpétrés par l'armée gouvernementale et ses alliés dès FDLR, de Pareco, APCLS, etc... Les responsables de HRW dont les rapports sont lus comme l’Evangile ne se sont jamais rendus sur le terrain vérifier les faits, ils ont préféré tout simplement se taire. Nous ne sommes rien d'autre que leur cible. Qu'un enquêteur du HRW soit injurié par un militaire du M23, et aussitôt vous voyez sortir un rapport. Qu’on nous explique comment on peut, depuis New York ou Londres, documenter toutes ces accusations. Lorsqu'ils ont fait un rapport sur les événements de Rutshuru, ils ne sont pas venus, sous prétexte qu'ils seraient menacés. Pourtant, il y a des journalistes sur le terrain. Les enquêteurs pourraient se faire accompagner par les militaires de la MONUSCO parce que celle-ci dispose des bases militaires dans notre espace et y bénéficie de la liberté de circulation. Ça a été la même chose avec la légende sur le général Bosco Ntaganda. Quand il était dans le parc, avant qu'il se rende à la CPI, toutes ces organisations épousaient le discours du Gouvernement congolais qui prétendait que le M23 n’avait été créé que pour prendre sa défense. Lorsque nous avons tout fait pour le neutraliser, personne ne nous a remercié d'avoir résolu un problème dont le monde entier se plaignait sans y apporter la solution. Par contre, il fallait trouver un autre prétexte pour recaler le M23 et HRW a été, encore une fois, mis à contribution. Il a, à partir de ses bureaux à Kinshasa et à Londres, publié un grand rapport qui prétend qu' "on ne peut pas discuter avec le M23". Or nous avions tout mis sur la table. HRW n'analyse pas vraiment le vide de gouvernance de la RDC. La communauté internationale fait confiance à HRW pour analyser la situation. En réalité, ses rapports ne font que consolider la gouvernance négative du régime du président Kabila. Ainsi, la communauté internationale est induite en erreur.
- AFRIKARABIA : Pourquoi le M23 est-il accusé de commettre des viols massifs, y compris au Sud Kivu ? Même le docteur Mukwege, depuis Bukavu, accuse le 23 de violer massivement des femmes.
- Bertrand BISIMWA : Ces accusations sont imaginaires. C'est de la propagande. Je connais particulièrement le Dr. Denis Mukwege, c'est un médecin très courageux et très compétent. Je sais qu'il est soucieux des victimes de violences sexuelles et ce n'est pas facile pour lui de voir défiler devant table d'opération les horreurs de toutes ces femmes dont les orifices sont méchamment détruits. Certainement que ces déclarations ils le tiennent des victimes parce que je ne le vois pas aller enquêter sur le terrain pour tirer les responsabilités. Peut-être son erreur est de ne pas faire attention à la notion de logique dans ces témoignages. Car, dans la réalité des faits, comment le M23 pourrait-il commettre des viols au Sud-Kivu, dans la région de Bukavu ? Nous n’y sommes pas ! Vous trouverez que le lieu de la commission des forfaits se trouve à plus de 350 Km de l'espace où le M23 est établi. Je vous invite à tirer la conclusion par vous-mêmes. Les informations du très respectueux Dr. Denis Mukwege à ce sujet ne sont pas à l'abri de manipulations. On nous accuse de tous les malheurs du peuple congolais. Tout observateur un peu sérieux peut démonter ces affabulations.
- AFRIKARABIA : D’autres ONG portent les mêmes accusations…
- Bertrand BISIMWA : Certaines ONG ont fait des accusations de viol une sorte de "marchandise", parce qu'elles ont découvert que c'était très "vendable" vis-à-vis de la communauté internationale. Cela procure des financements. Vous avez aujourd'hui un nombre incalculable d'ONG "spécialistes des viols" qui se sont improvisées dans la région. Comment tous ces gens ne voient-ils pas que beaucoup de ces viols sont commis par l'armée gouvernementale, par les FDLR, etc ? Que ce sont les FDLR qui ont importé les viols massifs comme arme de guerre dans la région ? Mais dire cela, c'est risquer des problèmes avec Kinshasa et perdre la faculté d'exploiter ce filon. C'est pourquoi cette fable des viols commis par le M23 prospère. Tous ceux qui se donnent la peine d'aller sur le terrain, comme le secrétaire général des Nations unies ou encore Mme Mary Robinson son envoyée spéciale dans la Région des Grands-Lacs connaissent la vérité et c'est pourquoi ils n'hésitent pas à proposer le débats sur les causes profondes de la crise dans l'Est de la RDC à travers les pourparlers de Kampala.
- AFRIKARABIA : Dans une guerre, il y a le volet de belligérance armée, mais aussi la guerre diplomatique et enfin la guerre médiatique. N'avez-vous pas le sentiment d'avoir perdu cette troisième partie de la guerre ?
- Bertrand BISIMWA : Je n'ai pas ce sentiment-là. Mais il est vrai que nous n'avons pas été entendus, c'est dommage. C'est une faiblesse pour nous d'avoir laissé s’amplifier une propagande aussi déloyale, alors que nous condamnons et sanctionnons les viols dans notre mouvement. On a écrit une légende sur notre compte. Mais, il faut dire que l'adversaire et même malheureusement les Nations-Unies recourent à des moyens déloyaux pour nous interdire de nous exprimer. Ils nous ont tous interdit de passer sur les antennes des médias congolais y compris la radio Okapi en menaçant des sanctions les médias qui diffusent notre point de vue et c'est très grave. Une émission de débat de la Radio Maendeleo de Bukavu a été frappée d'interdiction parce qu'elle avait fait allusion à un communiqué officiel émanant du M23. Un journaliste à Walikale a été arrêté et menacé de mort par les services de sécurité du régime en place parce qu'il nous avait accordé une interview. A Beni, Radio Liberté a été fermée pour le même motif. La diffusion de la radio des Nations-Unies, Radio Okapi, à Kinshasa avait été paralysée pendant 24 heures pour avoir accordé la parole au M23. Curieusement ni les Nations-Unies, ni les corporations professionnelles des journalistes ne se sont jamais plaintes ne fut-ce qu'au nom de la liberté d'expression, ou d'opinion. C'est inquiétant.
Bref, de fois nous avons l'impression au M23 d'être "un groupe des vivants qui font du tapage au cimetière".
- AFRIKARABIA : Mais cette image de groupe violent n'est pas seulement propagée par les médias congolais. C'est le cas de beaucoup de médias internationaux… ?
- Bertrand BISIMWA : Oui, sur le terrain, les médias congolais ne sont pas seuls en cause. Prenez le cas de la radio des Nations unies. Elle devrait être impartiale et rendre compte exactement du respect des droits de l'Homme et des libertés publiques. Or cette radio s'interdit de nous accorder la parole lorsqu'elle diffuse des allégations sans aucune vérification contre le M23. Par exemple on nous a accusé d'avoir pillé une radio à Rutshuru. Le directeur de cette radio a appelé Radio Okapi pour démentir cette information, il a été enregistré mais la radio des Nations unies a refusé de diffuser ce démenti parce qu'il disculpait le M23. Prenons un autre cas : le M23 a installé une administration à Kiwanja. Un chef d'un des quartiers a été tué par les FDLR/Nyatura et son adjoint enlevé. Radio Okapi a prétendu qu'ils ont été tués par le M23. Lorsque la personne enlevée a été relâchée, elle a pris contact avec Radio Okapi mais celle-ci a refusé de requérir son témoignage de crainte de contredire l'information qu'elle venait de diffuser la veille. Troisième exemple, le Samedi 31 Aout, le M23 diffuse un communiqué pour dénoncer les attaques des FARDC-FDLR sur ses positions de Kibati. Pour corroborer la version contraire donnée par les FARDC un journaliste de la Radio Okapi Bernardin Nyangi fait un papier à ce sujet et se permet de modifier le contenu de notre communiqué en affirmant que le M23 accuse les FARDC d'avoir attaqué ses positions à Kibumba et Buhumba. Interpellé au téléphone par le porte-parole de notre Mouvement pour que l'erreur soit corrigée par son auteur, le journaliste affirme avec fermeté que cela est impossible. Il est facile de vérifier ces faits en téléchargeant le Journal de midi et du soir de la Radio Okapi du 31 Aout 2013 et le confronter au communiqué N°055/M23/2013 du 31 Aout 2013. On nous a refusé la parole.
Le travail à la MONUSCO est bien payé, personne n'a envie de perdre son boulot, alors ils relaient les légendes contre le M23. Nous sommes obligés de passer par les médias en Ouganda qui nous donnent la parole loyalement.
- AFRIKARABIA : Vous considérez que vous êtes diabolisés ?
- Bertrand BISIMWA : C'est exactement cela. Le gouvernement congolais mène cette guerre. Ça permet de ne pas aborder les questions de fond, de ne pas négocier avec nous. À Kampala, nous avons proposé un schéma acceptable pour sortir de cette crise. Nos adversaires ont rendu notre programme inaudible. Nous avons même installé une radio à Kibumba pour arroser la ville de Goma afin de diffuser des messages de sensibilisation et d'éducation de notre population à la paix, il s'agissait de la décourager de soutenir la guerre mais le gouvernement a brouillé notre fréquence par un émetteur puis qui diffusait des éléments sonores des films pornographiques. Vous vous imaginez un Gouvernement qui préfère du porno aux messages de paix.
- AFRIKARABIA : Aujourd'hui la RDC est menacée de balkanisation. Vous êtes montré du doigt comme un acteur majeur de ce processus de balkanisation...
- Bertrand BISIMWA : Cette balkanisation est un processus dont Kinshasa porte la responsabilité. Ce n'est pas un problème récent, mais il a pris une acuité particulière ces dernières années. Depuis plus de 50 ans des gens sont tués dans notre région. Depuis plus de 50 ans les villages sont pillés, les femmes sont violées, les familles dépouillées de tout ce qu'elles possèdent. Aujourd'hui, il y a un exode rural terrible parce que vivre à la campagne présente encore plus de danger que de grossir les taudis en ville. Qui est responsable de cette situation, de la mauvaise gouvernance quasiment institutionnelle ? Au M23, nous revendiquons le droit de vivre dans notre région sans risquer à tout moment de se faire tuer, violer, dépouiller. Nous refusons d'être contraints à l'exil. Nous voulons vivre normalement, comme presque partout dans le monde….
- AFRIKARABIA : Que reprochez-vous exactement au président Joseph Kabila ?
- Bertrand BISIMWA : Nous n'avons rien contre lui personnellement. C'est le système politique qui est devenu insupportable. Il abandonne la rue aux forces négatives. Ces forces négatives prennent la place qui devrait revenir au pouvoir. La situation aurait pu évoluer autrement…
- AFRIKARABIA : Vous n'êtes pas le seul groupe armé en RDC. Pourquoi Kinshasa ne parle que de vous ?
- Bertrand BISIMWA : On compte au moins 50 groupes armés en RDC et à peu près une trentaine dans la région du Nord-Kivu. Mais parlons franchement : la plupart de ces groupes armés ont été créés par le gouvernement congolais lui-même. En 2008, lorsqu'on a organisé une conférence sur la paix et la sécurité dans le Kivu, Kinshasa a suscité la formation de plus d'une centaine de groupes armés dont la plupart étaient basés dans la ville de Goma et n'avaient strictement aucune activité. Un nombre invraisemblable de groupes Maï-Maï sont apparus qui portaient chacun le nom de leur leader. Ils étaient tous entretenus par Kinshasa. Il n'y avait pas d'affrontements entre ces groupes armés et l'armée gouvernementale, pas d'affrontements au Nord Kivu car ils étaient tous assujettis à Kinshasa. C'était seulement une façon de créer la confusion pour éviter une remise en cause de la mauvaise gouvernance généralisée.
- AFRIKARABIA : Seul le M23 est accusé par Kinshasa de créer un risque de balkanisation ?
- Bertrand BISIMWA : Je viens de vous expliquer pourquoi. Nous entendons sans arrêt cette accusation : balkanisation, balkanisation, balkanisation. À force de scander ce mot, il ne nous fait plus peur. À un certain moment, nous serons en mesure de constater que le gouvernement congolais a définitivement échoué à avancer des solutions pour garantir la sécurité publique, les services publics qui sont espérés par tous, l’éducation, la santé, les moyens d'une certaine prospérité régionale. Nous en tirerons des conséquences.
- AFRIKARABIA : Des conséquences à quelle échéance ?
- Bertrand BISIMWA : - Le moment venu, nous proposerons à la population de prendre en charge ensemble notre destin. Cette échéance se rapproche car ici la population est fatiguée que les autorités de Kinshasa n’offrent aucune espérance. Kinshasa fait des habitants de ce pays des clochards, les femmes risquent à tout moment d’être violées par des militaires du gouvernement et par toute une série de groupes armés de sa création. Nous en avons assez. Nous prendrons nos responsabilités si cette dégradation n'est pas enrayée rapidement. Grand est notre étonnement de constater que ceux qui clament tout haut la balkanisation du Katanga (les Kata Katanga), n'attirent aucune attention.
- AFRIKARABIA : Comment pourriez-vous proposer à la population une telle option alors que le M23 semble si impopulaire ?
- Bertrand BISIMWA : Impopulaire par rapport à qui et à quoi ? Kinshasa a donné le pouvoir aux voyous de la rue et à des agitateurs manipulés. Croyez-vous que la société civile du Nord Kivu demande la guerre ? Croyez-vous que les gens ne soient pas intéressés à la sécurité dans le Kivu ? A la liberté dans le Kivu ? Aux Droits de l’Homme dans le Kivu ? A la prospérité dans le Kivu ? Avez-vous vraiment entendu s'exprimer l'opinion publique du Kivu ? Non. On n’entend que des voyous des rues et des petits leaders, des agitateurs inféodés à Kinshasa. Il y a un jour où la majorité silencieuse du Kivu s'exprimera et à ce moment il sera trop tard pour le pouvoir de Kinshasa de se racheter.
- AFRIKARABIA : Récemment, des habitants de Goma ont attaqué un camp de la MONUSCO en reprochant aux militaires onusiens de ne rien faire pour leur sécurité, de ne pas agir contre le M23 ?
- Bertrand BISIMWA : C’est la version officielle, celle de Kinshasa. Certains médias ont raconté l'histoire de cette façon. Mais ça n'a rien à voir avec la réalité. Voilà ce qui se passe vraiment : le gouvernement congolais a choisi l'option de la guerre. Ces dernières années cette option avait échoué parce que nous avions infligé tellement de pertes à l’armée gouvernementale. Mais Kinshasa n'a pas changé d'option. A présent, le gouvernement veut se servir de la MONUSCO à cet effet. Ils ont donc fait des pressions très importantes sur les militaire des Nations unies pour valider cette option belliciste. Ceux qui ont attaqué le camp de la MONUSCO sont des garçons de la rue, des gens manipulés qui ont été payés pour cette attaque. Croyez-vous que les citoyens de Goma soient stupides au point d'en appeler à une guerre dont ils seront les premières victimes? C'est la politique de Kinshasa de verser de l'argent à des soi-disant manifestants spontanés. Au Kivu, c'est la misère, la plupart des familles survivent avec moins de un dollar par jour. Si vous proposez cinq dollars à quelqu'un pour participer à une manifestation, vous trouvez du monde. La preuve est à trouver dans la campagne électorale de 2011, c'étaient toujours les mêmes personnes qui allaient accueillir tous les candidats, qu'ils soient de la majorité présidentielle ou de l'opposition. On a affamé le peuple pour bien le manipuler et Kinshasa a de l’argent pour ça, pas pour améliorer le bien-être des Congolais
- AFRIKARABIA : Ceux qui ont attaqué la MONUSCO auraient été payés ?
- Bertrand BISIMWA : Eux et d'autres. La population ayant été clochardisée, tout s'achète. Prenons le cas de HRW. Lorsqu'ils appellent une femme qui prétend avoir été violée par le M23 et lui proposent 20 $ comme frais de transport pour se rendre à leur bureau au centre-ville, puis 20 $ pour retourner chez elle, toute la ville est prête à témoigner. C'est devenu un bizness. En fait, il y a une telle misère que les gens n'ont pas le choix. Ils ne veulent pas la guerre, mais ils sont payés pour faire semblant de la vouloir ou pour forcer d'autres à la faire. Ecrivez-le, les habitants du Kivu sont fatigués de la guerre. Nous voulons résoudre les problèmes à la table des négociations. Encore faudrait-il que Kinshasa ne se refuse à négocier.
- AFRIKARABIA : Comment négocier dans ces conditions ?
- Bertrand BISIMWA : Au M23, nous souhaitons un dialogue réellement inclusif. Pour cela, il faudrait engager une négociation dans un cadre non-gouvernemental. La mauvaise solution, ce serait un forum pour se partager les responsabilités et les avantages sur le dos des Congolais. Nous voyons bien que c'est la solution que voudrait promouvoir Kinshasa. Le mandat du président Kabila va s'achever en 2016. Lui et son équipe voudraient organiser un forum qui leur permette de trouver une certaine légitimité prolongée au delà de 2016. Il leur suffit de proposer des postes à des gens facilement manipulables afin que Kabila et son incurie perdure. Ils voudraient prolonger ce système qui permet à une poignée de s’enrichir au prix de la misère générale.
- AFRIKARABIA : Vous-même, vous sentez-vous congolais ou Kivutien ?
- Bertrand BISIMWA : Lorsqu'on me pose la question, j'ai l'habitude de répondre que je suis né dans une région qui s'appelle le Kivu, et que je suis Congolais. Je voudrais rester Congolais si on nous donne les moyens d'en être fier. Je ne serai que Kivutien si seul le Kivu nous garantit une protection.
Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER - Afrikarabia
Photo : Bertrand Bisimwa © Droits réservés
22:12 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
01 septembre 2013
RDC : Des "concertations" sans opposition
Les principaux partis d'opposition congolais, sauf le MLC, ont annoncé qu'ils ne participeraient pas aux concertations nationales qui doivent débuter à Kinshasa le 7 septembre prochain. Un coup dur pour la majorité présidentielle qui espérait réaliser "l'union sacrée" autour de Joseph Kabila, affaibli politiquement depuis les élections contestées de novembre 2001.
Joseph Kabila sera privé d'opposition lors des concertations nationales qui s'ouvriront le 7 septembre 2013. L'UDPS d'Etienne Tshisekedi et l'UNC de Vital Kamerhe boycotteront les assises nationales organisées par Joseph Kabila. Seule surprise : le MLC de Jean-Pierre Bemba sera autour de la table. Le président congolais avait pourtant tout fait pour réussir son opération séduction à destination de la communauté internationale : réunir autour d'une même table majorité et opposition pour un "dialogue" censé "consolider la cohésion nationale et renforcer l'autorité de l'Etat". Objectif moins avouable pour Joseph Kabila : retrouver un peu de sa légitimité perdue après les élections contestées de 2011, élargir sa majorité avec de nouveaux alliés et préparer sa possible candidature pour 2016.
Le piège
L'opposition a donc décidé de ne pas entrer dans le subtil jeu politique du chef de l'Etat, "un piège" pour certains, censé "cautionné un président illégitime". Après de longs atermoiements et la promesse (alléchante) de la création d'un gouvernement d'union nationale à l'issu des concertations, les principaux opposants ont donc décidé de pratiquer la politique de la chaise vide. Selon l'opposition, ces concertations ne respectent pas les préalables indispensables d'un dialogue équitable. Les opposants congolais demandaient de pouvoir revenir sur le contentieux électoral de 2011 et donc sur la légitimité même du président Kabila, "mal élu" après une fraude massive constatée par les principaux observateurs internationaux. L'opposition exigeait également "la libération des prisonniers politiques comme Diomi Ndongala". "Hélas, tout de cela n’a pas été pris en compte" dans le règlement intérieur des concertations, a regretté Bernard Biando de l’Union des démocrates mobutistes (Udemo) sur Radio Okapi.
Un dialogue pour rien ?
Dans ce contexte, l'absence de l'opposition donne-t-elle encore un sens à ces concertations ? Plus vraiment. Seule la société civile et quelques "micros partis" peu représentatifs se retrouveront autour de la table, avec en face, une majorité présidentielle sûre de son hégémonie politique. Comme le soulignait un membre de l'opposition, les concertations se transformerons alors en "congrès de la majorité", sans aucune légitimité. L'image de "rassembleur" que voulait donner le président Kabila à cette occasion s'en trouve sérieusement écornée. Le boycott de l'opposition constitue donc un échec pour le chef de l'Etat. Un revers qui tombe au plus mauvais moment. Alors que les forces gouvernementales reprennent l'avantage militaire face aux rebelles du M23 dans l'Est du pays, les concertations nationales pouvaient apparaître comme un geste de réconciliation nationale fort du président Kabila à l'égard de l'opposition. Il n'en sera rien. De l'idée même de ces assises, ne restera que la volonté de "partage du pouvoir" du président Kabila, pressé de reconfigurer sa majorité en pratiquant de subtils débauchages en vue de briguer un nouveau mandat… bien loin de la recherche d'un hypothétique cohésion nationale.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Une affiche de campagne du président Joseph Kabila à Lubumbashi © Ch. Rigaud www.afrikarabia
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30 août 2013
RDC : "Le spectre d'une guerre régionale est planté" selon Roger Lumbala
L'ancien député d'opposition congolais, Roger Lumbala, désormais membre de la rébellion du M23, s'inquiète des risques d'extension du conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Roger Lumbala estime que l'ONU a commis l'erreur en "transformant une mission de paix en mission de guerre" et redoute "un bain de sang" dans les Kivus. Dans l'interview qu'il a accordé à Afrikarabia, Roger Lumbala se déclare également "candidat à la prochaine présidentielle de 2016" si Etienne Tshisekedi ne se présente pas.
- Afrikarabia : Selon vous, pour quelles raisons les combats ont repris entre l'armée congolaise et le M23 à la mi-juillet 2013 ?
- Roger Lumbala : Comme Kinshasa avait obtenu la résolution 2098, ils attendaient le déploiement de la Brigade d'intervention de l'ONU (FIB). C’est ainsi que dans son double jeu, le gouvernement a attaqué les positions du M23 pour pousser la Brigade à s’engager au combat. Sachant que les FARDC ne sont pas en mesure militairement de déloger les éléments du M23 de leurs positions. En fait, Joseph Kabila veut s’attirer la sympathie des Congolais naïfs et se rapprocher de certains pays qui ont des relations difficiles avec le Rwanda. Après s’être imposé à la tête de la RDC, il veut sortir de son isolement diplomatique et faire oublier sa gestion calamiteuse de la chose publique.
- Afrikarabia : Depuis la reprise des affrontements avez-vous encore un espoir d'une solution politique aux négociations de Kampala que l'on dit au point mort ?
- Roger Lumbala : Bien sûr que oui ! Malgré les affrontements, la diplomatie fonctionne. Les émissaires discutent les uns avec les autres. Il y a même Monsieur Martin Kobler (représentant de l'ONU en RDC) qui fait office de président de la RD Congo. Il visite les blessés de guerre, il enterre les morts, il fait de la diplomatie... Il y a l'espoir d’une solution politique. Il vient de demander au M23 de se replier sur ses positions initiales prévues dans le cadre de la CIRGL. Le M23, comme bon élève, vient d’accepter cette demande. C’est la voie proposée par le Secrétaire général des Nations-unies, par Madame Mary Robinson, ainsi que dernièrement par Monsieur Martin Kobler lui-même. Pour celui qui ne connait pas l’Est de la RDC, il peut vite tomber dans "l’option militariste" mais je crois que c’est évidemment la solution politique qu’il faut privilégier. Dans le cas contraire les conséquences seront incommensurables. Nous tendrons vers une guerre régionale qui va se solder par un nouveau génocide. Qui en seront les responsables? Il y a certains pays qui soufflent sur les braises. Les "pêcheurs en eaux troubles" profitent de la position de faiblesse de Joseph Kabila pour exploiter en désordre les matières premières de notre pays. Je pense qu’ils ont tord.
- Afrikarabia : La participation de casques bleus aux combats, aux côtés de l'armée congolaise contre la rébellion du M23 est une première dans l'histoire de l'ONU. Qu'est-ce que cela change pour le M23 ?
- Roger Lumbala : L’engagement des casques bleus n’a rien changé à la détermination du M23 à revendiquer ses droits. Vous savez que la RDC a toujours servi de cobaye dans "les laboratoires du monde". Le pays, potentiellement riche, attire les convoitises de toutes les puissances. Et chacun pense y tirer un quelconque avantage dans cette période de crise financière mondiale. Je crois que c’est une erreur de transformer une mission de la paix en mission de guerre. La situation en RDC est-elle pire que celle de l'Afghanistan, de l‘Irak, de la Syrie, de la Libye ? Les casques bleus deviennent par la résolution 2098 des "casques rouges", donc des ennemis d’une partie de la population congolaise qui revendique leurs droits. Pourquoi existe-il tant de groupes armés en RDC ? Sont-ils tous l’émanation du Rwanda ? Sont-ils tous composés d'éléments rwandophones? Leurs revendications ne sont-elles pas légitimes ? Pourquoi Kabila n’écoutait-il pas les revendications légitimes exprimées pacifiquement par l’opposition politique? Pourquoi depuis plus de 10 années de règne de Joseph Kabila la situation sociale des citoyens ne s’améliore pas? Le problème du Congo c’est Joseph Kabila. Son incapacité a gérer le pays. Mais toutes les puissances reconnaissent que le Congo connait une crise de légitimité. Joseph Kabila n’a pas été élu. Il arrête des membres de l’opposition politique. Le Congo est le premier sur la liste des pays les plus corrompus. Pour l’indice humain de développement le Congo est le dernier pays.
- Afrikarabia : Kigali accuse Kinshasa d'avoir bombardé son territoire alors que l'ONU vient d'affirmer jeudi 29 août que les obus qui sont tombés provenaient des zones sous contrôle du M23. Le Rwanda peut-il être tenté d'entrer dans le conflit et de traverser la frontière congolaise ?
- Roger Lumbala : L’ONU est-elle encore impartiale dans ce conflit en choisissant le camp de l’oppresseur de notre peuple ? Chaque lecteur a sa réponse. A mon humble avis, avec tous les respects que je dois à cette institution, je vois que l’ONU est devenue juge et partie. Ses rapports ne sont plus objectifs. Il y a des bombes qui tombent à Gisenyi. Ces bombes sont tirées à partir de la RDC. En plus, le monde entier connait les objectifs des FDLR. Nous avons tous établi la coopération entre des éléments FDLR, ADF-NALU et Maï-Maï avec le pouvoir de Kinshasa. Joseph Kabila les organise et les équipe. Ces groupes sont qualifiés de "forces négatives à neutraliser" par la Brigade d’intervention de l'ONU. Mais comment la Brigade fera-t-elle? Un rapport de la Monusco signale la présence de ces éléments aux côtés des FARDC ! Je crois que le spectre d'une guerre régionale est planté. La redistribution des cartes va se faire dans le bain de sang.
- Après avoir pris la ville de Goma en novembre 2012, la rébellion du M23 n'a visiblement pas capitalisé sa victoire militaire en victoire politique. Les Congolais sont toujours majoritairement très opposés au M23, qu'ils accusent d'être la marionnette de Kigali. Pour quelles raisons ?
- Roger Lumbala : Le M23 n’a pas besoin d’être aimé par tous Congolais, mais il est là pour donner son avis sur la gestion de la chose publique. Le M23 a transformé sa victoire militaire en victoire politique et diplomatique. Il est passé d’un "groupe terroriste", d’une "force négative", en une force avec laquelle il faut discuter et même céder l’administration d'un territoire... rappelez-vous du retrait des FARDC du territoire de Rutshuru. Cette étape était d’une importance capitale. Dans toutes les réunions régionales la situation de la RDC est traitée en fonction du M23. Kabila organise les concertations nationales aujourd’hui avec l’opposition et les forces vives qu’il avait autrefois méprisées. C’est grâce à la lutte armée menée par le M23. Pour ce qui concerne mes frères Congolais, ils ne savent pas ce qu’ils veulent. La majorité soutient Etienne Tshisekedi. Ils organisent des manifestations pacifiques qui se butent à la répression sanglante des hommes de Kabila. Ils sont incapable de se mobiliser en masse dans la ville de Kinshasa pour chasser Joseph Kabila. Leur haine envers les rwandophones est pour moi inacceptable. Quand les rwandophones, militaires et civils, sont avec Kabila, ils sont Congolais mais quand ils s’opposent à lui, ils deviennent Rwandais. Je suis Luba et j’en sais quelque chose. Joseph Kabila distille à travers ces médias cette haine dans le mental collectif des Congolais. Les puissances occidentales observent, mais se taisent. J’espère que le peuple juif comprends ce danger. Par contre, moi, je serai candidat à la présidence de la République aux prochaines élections de 2016, dans le cas où le Président Etienne Tshisekedi ne se présente pas. Parce que la RDC mérite mieux. Je mettrai toutes mes forces pour réconcilier le peuple Congolais avec lui-même et aussi et surtout la RDC avec ses pays voisins de l’Est, relancer l’économie de notre pays et offrir le bien être social au peuple Congolais. La RDC reprendra alors sa place dans le concert des nations.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Roger Lumbala à Paris en novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
22:57 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (8)
RDC : Roger Lumbala candidat en 2016 ?
Dans une interview accordée à Afrikarabia, Roger Lumbala, ancien député national et membre de la rébellion du M23, affirme vouloir être candidat à la prochaine élection présidentielle de 2016 "dans le cas où Etienne Tshisekedi ne se présente pas". Portrait d'un opposant, passé à la rébellion.
Là où on ne l'attend pas. Cela semble être devenu la devise de Roger Lumbala. Son parcours politique est loin d'être rectiligne… et ne manque pas de piment. Président de l'UDPS en France dans les années 90, le parti de Tshisekedi dont il est toujours fidèle, on retrouve Roger Lumbala à la tête d'un groupe rebelle, le RCD/N, pendant la première guerre du Congo. En janvier 2003, son groupe armé sera notamment accusé de crimes de guerre. Puis il devient ministre dans le gouvernement de transition et candidat à la présidentielle de 2006 (0,45% des voix). Il est élu député de la circonscription de Miabi, puis sénateur.
Persona non grata
Début septembre 2012, l'opposant congolais est brièvement arrêté par les services de renseignements burundais à Bujumbura. Soupçonné de conspiration contre le régime de Joseph Kabila et de collaboration avec la rébellion du M23, Roger Lumbala échappe aux officiers de renseignements congolais venus le chercher par avion et réussit à se réfugier dans l'ambassade d'Afrique du Sud. Comme aucune charge ne pèse sur lui au Burundi, Lumbala regagne finalement Paris le 16 septembre 2012, où il rejoint sa famille.
A la table du M23
Le 1er janvier 2013, leM23, annonce la présence de Roger Lumbala à Bunagana, le fief des rebelles. Son ralliement officiel à la rébellion tombe quelques semaines plus tard où il représente le M23 à la table des négociations de paix de Kampala entre rébellion et gouvernement congolais. Rapidement son immunité parlementaire est levée et son mandat de député national invalidé.
"Caution congolaise"
Roger Lumbala est le seul homme politique d'envergure a avoir rejoint le M23. On le présente souvent à Kinshasa comme la "caution congolaise" de la rébellion, que l'on accuse d'être manipulée et soutenue par le Rwanda voisin. Mais pour le moment la branche politique peine à se faire entendre. Les pourparlers de Kampala sont dans l'impasse et se sont les armes qui parlent aujourd'hui autour de Goma. Le M23 est encore aux mains de la branche militaire, commandée par Sultani Makenga. La mue politique du mouvement n'a pas encore commencé.
Candidat en 2016
Dans une interview accordée à Afrikarabia (à lire dans son intégralité ici), Roger Lumbala déclare vouloir être "candidat à la présidence de la République aux prochaines élections de 2016, dans le cas où le Président Etienne Tshisekedi ne se présente pas". L'ancien député congolais estime que la RDC "mérite mieux" et affirme pouvoir "réconcilier le peuple Congolais avec lui-même et aussi et surtout avec ses pays voisins de l’Est". Fidèle à l'opposant historique, Etienne Tshisekedi, Roger Lumbala dresse un portrait sévère du président Joseph Kabila. "Pourquoi Kabila n’écoutait-il pas les revendications légitimes exprimées pacifiquement par l’opposition politique ? Pourquoi depuis plus de 10 années de règne de Joseph Kabila la situation sociale des citoyens ne s’améliore pas ?", demande Roger Lumbala. "Le problème du Congo c’est Joseph Kabila et son incapacité a gérer le pays", conclut-il.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Roger Lumbala à Paris en novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
22:00 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
27 août 2013
RDC : Justine M'Poyo Kasa-Vubu "réceptive" aux concertations nationales
L'opposante congolaise Justine M'Poyo Kasa-Vubu, se déclare prête à participer aux concertations nationales qui doivent s'ouvrir le 4 septembre en République démocratique du Congo. La présidente du Mouvement des Démocrates (MD) souhaite que ce dialogue national soit "inclusif" et "ne fasse pas l'impasse sur le contentieux électoral de 2011". Enfin, la création d'un gouvernement d'union national à l'issu des concertations serait "logique", selon Justine M'Poyo Kasa-Vubu.
- Afrikarabia : Les concertations nationales doivent débuter le 4 septembre prochain à Kinshasa, êtes-vous favorable à cette initiative du Président Joseph Kabila ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Je voudrais d'abord faire observer que c'est la pression populaire en RDC et dans la diaspora qui a pousser le pouvoir en place à se rendre compte qu'il y avait des problèmes : l'insécurité généralisée, la précarité de la population et enfin le contentieux électoral de 2011. Mais si je suis réceptive à cette initiative, moyennant une représentativité assez large, je crois que cela pose tout de même un problème : celui de la cohésion nationale. Et pour résoudre ce problème de cohésion nationale, je crois qu'on ne peut pas passer outre l'examen du contentieux électoral de la présidentielle de 2011. Dans quelques temps, on va de nouveau inviter la population aux urnes. Nous devons donc prendre nos responsabilités pour redéfinir dans quel cadre le Congo doit se développer et avec quel modèle politique ? Je crois qu'il est bon, à un moment, que tout le monde puisse marquer une pause, mettre les préjugés de côté pour poser les vrais questions et apporter les bonnes solutions au pays. A condition bien sûr que ce dialogue soit inclusif.
- Afrikarabia : Cela veut dire que vous souhaitez participer à ces concertations ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Si nous recevons une invitation, nous l'examinerons avec une bienveillance positive parce que nous voulons être constructif. Dans le même temps je comprends qu'il puisse y avoir des personnalités comme Etienne Tshisekedi (UDPS) qui ne souhaitent pas y participer. Le Président de l'UDPS a de bonnes raisons et de bons arguments, mais le pays va à la dérive. Je comprends que d'un côté il y a une insatisfaction mais d'un autre côté il faut de la responsabilité et de la conscience nationale pour baliser le terrain afin que demain soit meilleur qu'aujourd'hui.
- Afrikarabia : Les grands partis d'opposition comme l'UDPS, l'UNC ou le MLC refusent pour le moment de participer à ces concertations. Ils pensent que c'est un piège tendu par le Président Kabila pour retrouver un semblant de légitimité après sa réélection contestée de 2011 ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Vous savez ces élections étaient aussi un piège ! Et Joseph Kabila est toujours là malgré les constatations de fraudes électorales des Nations-unies. Les concertations sont-elles là pour légitimer Kabila ? Moi je pense que cela dépend de la volonté politique des Congolais. Est-ce que nous voulons légitimer Kabila ou voulons-nous mettre en place un pays qui fonctionne ? Le Congo souffre surtout d'une indifférence de la communauté internationale. Le Congo doit se reconstruire dans le respect de tous les Etats, accepter la coopération avec la communauté internationale, mais nous attendons aussi que cette communauté internationale puisse accepter que ce qui est valable en occident au nom du droit, de la démocratie et de la morale, doit pouvoir aussi être valable en République démocratique du Congo. Ce n'est pas le cas pour le moment.
- Afrikarabia : L'un des vice-présidents de ces concertations, Léon Kengo a laissé entendre qu'à l'issu de ce dialogue un gouvernement d'union national pourrait voir le jour. Est-ce une bonne idée ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Cela atteste que le gouvernement actuel est démissionnaire ! Je crois que c'est la déduction que l'on peut en faire. A partir du moment où nous avons un gouvernement démissionnaire, il est bien clair que ce pays doit être gouverné malgré tout. Il faut donc s'attendre à une refonte générale de la direction du pays. C'est logique.
- Afrikarabia : Qu'est-ce que vous reprochez le plus au Président Joseph Kabila ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : D'abord son autisme. Et puis son refus de ce qu'il avait lui-même reconnu après les élections contestées de 2011. Joseph Kabila avait reconnu les irrégularités du scrutin, il y a même des enregistrements qui en témoignent. Il n'en a malheureusement pas tiré toutes les conséquences. Mais j'ai l'impression qu'il n'agissait qu'en sous-traitance et donc Il faudrait peut-être aller voir du côté de Kigali les tenants et les aboutissants qui font qu'au Congo nous n'avons pas la gouvernance qu'il nous faut. Je crois donc qu'une réévaluation inter-africaine est absolument indispensable sur le sujet.
- Afrikarabia : En 2016, il y a aura de nouvelles élections présidentielles. Vous avez été candidate en 2006. En 2011 vous vous étiez présenté mais votre candidature avait été invalidée. Serez-vous de nouveau candidate lors de la prochaine présidentielle ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : J'attends que les prochaines échéances puissent avoir lieu, mais seulement après avoir obtenu des garanties de la communauté internationale sur la bonne organisation du scrutin…
- Afrikarabia : … avec Justine M'Poyo Kasa-Vubu comme candidate ?
- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Jacques Chirac disait qu'il refusait de faire de la politique-fiction. Moi aussi. Chaque chose en son temps.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Justine M'Poyo Kasa-Vubu à Paris le 27 août 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
23:30 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (11)