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28 février 2013

RDC : M23, les raisons du clash

Le divorce est désormais consommé entre les partisans du chef militaire du M23, Sultani Makenga et le président de la rébellion, Jean-Marie Runiga. Le responsable politique du M23 a en effet été destitué aujourd'hui et aurait rejoint Bosco Ntaganda dans le parc des Virunga. Selon un porte-parole du M23, "les vrais CNDP reprennent la main sur le mouvement". Explications.

Image 1.pngEn début de semaine, de violents affrontements ont opposé deux factions de la rébellion M23 à Rutshuru, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon le gouvernement congolais, les combats aurait fait 17 morts. En cause les dissensions entre les proches de Sultani Makenga, commandant militaire du M23 et Jean-Marie Runiga, son représentant  politique. Ce matin, la rébellion a destitué Jean-Marie Runiga de son poste de président du M23 (voir le communiqué en français). Les événements de Rutshuru ne constituent que le point d'orgue de divergences plus anciennes entre les deux courants de la rébellion congolaise : pro-Makenga et pro-Ntaganda.

L'ombre de Laurent Nkunda

Depuis la création du M23 en avril 2012, deux courants se sont toujours fait face. On trouve d'abord, les CNDP "historiques", fidèles à Laurent Nkunda, aujourd'hui détenu en résidence surveillée au Rwanda depuis janvier 2009. Ce courant, qui est à l'origine du M23, est tenu par le chef militaire de la rébellion, le général Sultani Makenga. Dans son sillage : le gros de la troupe des ex-CNDP. Des militaires, comme Yusuf Mboneza, Claude Micho ou Bahati Mulomba, mais aussi des politiques, comme le député congolais Roger Lumbala, qui a rejoint récemment la rébellion.

Le "problème" Ntaganda

L'autre courant est composé de Bosco Ntaganda, l'ancien bras droit de Laurent Nkunda, qui a repris en main le CNDP après l'arrestation de son leader par Kigali. Pour les pro-Nkunda, Ntaganda a trahi "la cause" et son chef Nkunda, pour rejoindre "l'ennemi" : le camp du président Joseph Kabila. Bosco Ntaganda a ensuite été intégré à l'armée régulière congolaise au poste de général, avec une partie de ses hommes. Pour les pro-Nkunda, qui se retrouvent aujourd'hui autour de Sultani Makenga, Ntaganda n'a jamais fait partie du M23, même si la situation est plus complexe sur le terrain. La création du M23 en avril a notamment permis de "protéger" Bosco d'une possible arrestation par Kinshasa. Dans le sillage de Ntaganda, gravitent des militaires comme Baudouin Ngaruye, Innocent Zimurinda, Séraphin Mirindi ou Innocent Kabundi. Jean-Marie Runiga, le chef politique du M23 fait désormais partie du clan Ntaganda, depuis sa destitution aujourd'hui. Runiga aurait quitté Bunagana pour rejoindre les hommes de Ntangada dans le parc des Virunga.

"Runiga travaillait avec Bosco"

Selon Jean-Paul Epenge, le réprésentant du M23 en Europe, cette scission n'est pas une surprise. "Jean-Marie Runiga été placé à la tête de l'aile politique par consensus". "A la création de la rébellion en avril, nous avons essayé de représenter toutes les sensibilités au sein de notre  mouvement", nous explique ce membre du M23, "avec un seul commandement militaire, en la personne de Sultani Makenga". Selon Jean-Paul Epenge, "petit à petit, les proches de Makenga se sont rendus compte que Jean-Marie Runiga travaillait de plus en plus avec Bosco Ntangada. Au lieu d'unir notre mouvement, il a creusé un fossé entre nous." Le point de désaccord entre les deux courants se situerait au niveau des objectifs de la rébellion. Pour le responsable du M23 en Europe, "Runiga voulait renverser Joseph Kabila, alors que nous souhaitions simplement renégocier les accords du 23 mars 2009". Sur ce point, on peut noter que ces explications semblent "de circonstance" : le but étant de décrédibiliser au maximum Jean-Marie Runiga et Bosco Ntaganda aux yeux de la communauté internationale. Le message délivré par Jean-Paul Epenge étant clair : les pro-Makenga ne voudraient qu'une simple "redynamisation des accords du 23 mars", alors que les pro-Ntaganda ne souhaiteraient que la chute du régime de Kinshasa. La réalité est bien évidemment moins "binaire".

Runiga chez Ntaganda

Concernant les cause de la destitution de Jean-Marie Runiga et les combats entre factions à Rutshuru, Jean-Paul Epenge explique des différents sur la gestion financière du M23, mais aussi la "chasse aux sorcières" menée par Runiga pour placer des hommes proches de Ntaganda. Ce membre du M23 évoque également "des détournements de fonds destinés à Bosco". A la suite de ces "dysfonctionnements" (9 points auraient été reprochés à Jean-Marie Runiga), le M23 souhaitait qu'il démissionne de la présidence du mouvement. Mais Runiga refuse et la situation s'envenime. "Baudouin Ngaruye est venu le chercher à Bunagana et ils sont partis" explique Jean-Paul Epenge. "Mais ils sont relativement coincés, nous contrôlons tous les axes" précise t-il, "Runiga et Baudouin ne peuvent pas descendre vers Goma, il y a les FARDC, nous contrôlons la situation vers la frontière rwandaise et à Bunagana. Ce matin à 4h30, on m'a prévenu qu'ils sont dans le parc des Virunga et que certains militaires commençaient à les lâcher et à revenir".

Il y a bien clairement une crise de leadership au sein du M23, à la suite de la destitution de Jean-Marie Runiga. Un nouveau président politique du mouvement sera nommé très prochainement, vraisemblablement samedi lors d'une réunion du congrès du M23. En attendant, Sultani Makenga fait office de président par intérim de la rébellion. Selon Jean-Paul Epenge, "les vrais CNDP ont repris la main" sur le M23.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

25 février 2013

RDC : Guerre des chefs au M23 ?

De violents affrontements ont opposé dimanche soir deux courants de la rébellion du M23 à Rutshuru. Des rivalités sont apparus entre le général Sultani Makenga et son chef politique Jean-Marie Runiga, allié au général Bosco Ntaganda. En cause : des divergences sur la reprise d'une possible offensive militaire à Goma.

Capture d’écran 2013-02-25 à 23.27.44.pngQue s'est-il vraiment passé à Rutshuru dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 février 2013 dans le Nord-Kivu ? En début de soirée dimanche, les habitants de la ville entendent des détonations et des tirs d'armes légères. A l'hôpital de Rutshuru, lundi matin, on dénombre 10 morts et 2 blessés. Très rapidement, plusieurs sources parlent de combats entre deux factions du M23. La rébellion contrôle la ville depuis maintenant plusieurs mois. Ces affrontements auraient opposé les partisans du chef militaire du mouvement, le général Sultani Makenga à ceux de Jean-Marie Runiga, le représentant politique de la rébellion, proche du général Bosco Ntaganda. Derrière ces dissensions se joue le leadership du mouvement rebelle entre pro-Makenga et pro-Ntaganda.

Combats entre M23 ou attaque FDLR ?

Certains affirment que le malaise était déjà présent depuis quelque temps à Bunagana, une autre ville contrôlée par le M23, où Jean-Marie Runiga se serait vu privé de ses gardes du corps et de sa jeep de transport. Le malaise au sein de la rébellion porterait en fait sur la stratégie à adopter sur le terrain militaire. Alors que les négociations sont au point mort à Kampala entre la rébellion et le gouvernement congolais, les avis divergent sur la suite des événements. Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénal internationale et par Kinshasa, serait prêt à reprendre les armes, suivi par Jean-Marie Runiga, le chef politique. Makenga, le patron du M23 sur le terrain militaire, voudrait au contraire jouer l'apaisement (ou en tous les cas la montre) pour ne pas être accusé d'avoir relancé les hostilités avec Kinshasa. Le sujet aurait été discuté à Kigali la semaine dernière et Jean-Marie Runiga aurait alors été placé… en "résidence surveillée". Bonne ambiance à Bunagana ! Mais ce lundi, comme pour démentir toute tension au sein du M23, la rébellion a fait prendre un bain de foule à Jean-Marie Runiga en plein coeur de Bunagana. Concernant les affrontements de Rutshuru, le M23 dément aussi les combats entre factions rebelles. Les incidents armés de dimanche seraient en fait une attaque des FDLR, les rebelles hutus rwandais. La rébellion l'assure : tout va bien au M23. Info ou intox ?

Pro-Ntaganda contre pro-Makenga

Si tout n'est pas encore clair sur les événements de Rutshuru, les divergences au sein du mouvement rebelle ne sont pas nouvelles. Pour comprendre les rivalités au coeur du M23, il faut revenir un peu en arrière. En 2009, le leader rebelle s'appelle Laurent Nkunda. Il dirige alors le CNDP, dont le M23 n'est qu'un copié-collé. Sultani Makenga est un proche de Nkunda, mais Bosco Ntaganda aussi, il est alors son bras droit militaire. En janvier, un renversement d'alliance fait tomber Nkunda, arrêté son ancien allié rwandais. Ntaganda prend en main le CNDP et s'allie avec Kinshasa, l'ennemi d'hier. Makenga, qui n'appréciait pas Ntaganda, fini par le détester le qualifiant de "traître". Le M23 apparaît en avril 2012 avec déjà deux têtes : Makenga, chef militaire, et toujours Ntaganda, qui se revendique aussi du mouvement pour échappé à l'arrestation promise par Kinshasa et la Cour pénale internationale (CPI). Les deux frères ennemis se retrouvent désormais liés dans la même aventure, même si Makenga toujours nié que Ntaganda fasse partie du M23. Il y a donc maintenant une ligne : Ntaganda-Runiga et une autre ligne : Makenga-Nkunda, qui même "détenu" au Rwanda, n'attend qu'une chose, c'est de pouvoir revenir dans le jeu congolais.

Cette rivalité exposée au grand jour avec les combats fratricides de Rutshuru ajoute une incertitude supplémentaire quant à l'avenir du Nord-Kivu, avec au bout… la quasi certaine reprise du conflit.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Jean-Marie Runiga à Bunagana le 25 février 2013 © DR

24 février 2013

Accord-cadre (RDC) : 46 ONG exigent "des garanties"

Après la signature ce dimanche d'un accord régional pour tenter de ramener la paix à l'Est de la République démocratique du Congo, un collectif d'ONG espère que ce document recevra les garanties et "l'appui politique nécessaire". Ces ONG souhaitent également voir nommer "des Envoyés spéciaux et accroître l’implication régionale" dans le conflit congolais.

addis 2.pngCe dimanche à Addis-Abeba, plusieurs chefs africains ont signé un accord, sous l'égide de l'ONU, pour mettre fin au conflit meurtrier dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Ce accord régional prévoit "une révision stratégique" du mandat des casques bleus de la Monusco, mais aussi l'envoi d'une brigade d'intervention, dont la forme reste à préciser. L'accord appelle également les pays signataires "à ne pas tolérer ni porter assistance ou soutien à aucune forme de groupes armés". Le Rwanda et l'Ouganda sont particulièrement visés par cette disposition, ces deux pays étant accusés par plusieurs rapports de l'ONU de soutenir les rebelles du M23.

Pour un Envoyé spécial des Nations unies

A la suite de cette signature, 46 ONG congolaises et internationales (voir la liste) ont appelé les pays de la région, ainsi que leurs partenaires internationaux, "à garantir que l'accord-cadre pour la paix, recevra l'appui politique nécessaire pour mettre un terme à la guerre dans l'est de la RDC". Si le collectif salue ce document d'orientation, il suggère également que "l’accord sera vain sans des mesures spécifiques supplémentaires". Ces ONG souhaitent notamment "la nomination d’un ancien chef d’État en qualité d’Envoyé spécial des Nations Unies habilité à servir de médiateur au niveau national et régional ; l’intégration de la société civile congolaise et des principaux partenaires donateurs bilatéraux et multilatéraux de Kinshasa dans le mécanisme de surveillance national ; l’introduction d’une politique de conditionnalité basée sur des critères clairs et convenus et sur une collaboration véritable entre le gouvernement, les donateurs et la société civile".

"S'attaquer aux problèmes profond du Congo"

Le collectif met également l'accent sur les besoins de justice en RDC. "Les accords de paix précédents ont souvent fermé les yeux sur l’impunité, permettant aux criminels de guerre d’être intégrés dans les services de l’armée, la police et la sécurité", souligne le texte. Selon Federico Borello, directeur pour la région des Grands Lacs chez Humanity United, "il est impératif de s’attaquer une bonne fois pour toutes aux problèmes profonds du Congo que sont l’impunité, l’interférence régionale et la faiblesse de l’État. Sans cela, nous passerons à côté de notre meilleure chance de paix."

"Un espoir... mais"

Les 46 ONG souhaitent également que l’Union africaine, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) continuent "d’apporter leur soutien au processus". Une conférence de donateurs pour engager les ressources nécessaires doit être aussi organisé "afin de promouvoir la collaboration économique transfrontalière et la réforme en profondeur des institutions congolaises". Selon Jason Stearns, directeur du projet Usalama pour le Rift Valley Institute, "l’accord-cadre apporte de l’espoir, mais il exige un capital politique et financier considérable pour surmonter les intérêts bien enracinés".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

23 février 2013

RDC : Une ONG confirme la détention au secret d'un officier

Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO) dénonce une vague de répression politique à Kinshasa. L'ONG assure avoir les preuves de la détention illégale du capitaine Désiré Kobo Lisambo par les services de renseignements congolais.

carte RDC Afrikarabia vierge new modèle.jpgLe Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO)  se dit préoccupé par ce qu'il considère comme "une vague de détentions illégales" dans la capitale de la République démocratique du Congo. L'ONG dénonce une "répression politique" qui toucherait actuellement les membres de l'ethnie Ngbandi de la province congolaise de l'Equateur. 

Selon le CODHO, le capitaine Désiré Kobo Lisambo (47 ans) a été enlevé le 11 février vers 14h par des militaires de la Prévôté militaire (PM) et des personnes en civils. Le capitaine Kobo Lisambo a été arrêté avec un cousin, Jean Kongbu, un civil.  Les deux hommes ont été menottés avant d'être amenés à l'Etat-major de la 11e région militaire de Kinshasa.

Jeudi 14 février, une délégation de CODHO est allée rencontrer les autorités  militaires de Kinshasa "pour s’enquérir des conditions et la légalité de la détention Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu". Selon l'ONG, "rien n’a encore transpiré au sujet du motif de cet enlèvement, en violation de la Constitution". Le délai de garde à vue "se prolonge illégalement" et le CODHO s'inquiète "de la santé physique et psychologique de ces détenus dans cette détention au secret".

Sur les raisons de cette arrestation, le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme signale que Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu "sont des ressortissants de la province de l’Equateur". Le capitaine Lisambo est soupçonné d'être un partisan mobutiste. Ce militaire fait en effet partie des anciens officiers qui n'ont pas quitté la RDC (Zaïre à l'époque) après la chute du régime de Mobutu en 1997. L'Equateur a toujours été considéré par le pouvoir central comme une "province rebelle". En 2010, la rébellion de la tribu Enyele a fait douter Kinshasa, après la courte attaque de la vile de Mbandaka, la capitale provinciale de l'Equateur.

Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme demande "de mettre un terme aux actes de répression à caractères politiques et ethniques, notamment contre les ressortissants, civils et militaires de la province de l’Equateur". Mais aussi "de veiller à l’intégrité physique et la santé physique et psychologique des Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu dans leur lieu de détention".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

19 février 2013

Crise en RDC : La carte Sassou Nguesso

A Kinshasa, des voix s"élèvent pour demander une médiation internationale dans la crise politique congolaise et entamer enfin le dialogue national annoncé par Joseph Kabila. Denis Sassou Nguesso pourrait bien faire l'affaire.

Capture d’écran 2013-02-19 à 22.54.08.pngUn dialogue national pour débloquer l'impasse politique en République démocratique du Congo ? L'idée vient du président Joseph Kabila lui-même, lors de ses voeux à la nation. Mal réélu et affaibli après un cycle électoral calamiteux et le retour de la guerre à l'Est, Joseph Kabila a proposé un dialogue inter-congolais avec l'opposition et la société civile pour "recréer la cohésion nationale"  ou … "pour gagner du temps" dit-on chez ses détracteurs. Prévu avant la fin janvier, le dialogue annoncé par Joseph Kabila peine à se mettre en place. "C'est mal parti !" titrait il y a quelques jours la presse kinoise.

Un dialogue national mort-né ?

Pour faire simple ans cette histoire de dialogue national, tout le monde y va à reculons. A commencer par les proches du président, comme Pierre Lumbi. Le leader du MSR ne souhaite effectivement pas que ce débat tourne à la cacophonie et remette en cause la légitimité de Joseph Kabila. Du côté de l'UDPS, le premier parti d'opposition congolais, on refuse carrément de prendre part à la concertation nationale. Le parti d'Etienne Tshisekedi ne reconnaît tout simplement pas la légitimité du président Kabila. Pour l'UNC de Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle, ce sont les  deux initiateurs du dialogue qui posent problème. Evariste Boshab et Aubin Minaku font en effet partie du premier cercle de la majorité présidentielle. Ils seraient juges et parties.

Un médiateur international

Devant autant de "bonnes" volonté, certains politiques proposent alors la désignation d'un médiateur international, comme Jean-Lucien Busa du MLC, le parti de l'opposant Jean-Pierre Bemba. Selon lui, "le chef de l’Etat et sa famille politique sont une partie du problème et ne peuvent pas, par conséquent, être les impulseurs de ce dialogue". Une ONG congolaise des droits de l'homme va même plus loin. Le Renadhoc se dit favorable à un dialogue national organisé "par une personnalité neutre qui encouragerait la participation des toutes les sensibilités politiques congolaises". Sur le site de Radio Okapi, Fernandez Murhola, le secrétaire exécutif de l'ONG, estime que "cela ne servirait à rien de faire un dialogue où il n’y aura pas Tshisekedi, Kamerhe ou Mosengwo. Si nous allons aujourd’hui au dialogue et que les trois premières forces de l’opposition ne participent pas, cela n’aura pas un impact". Selon lui, Denis Sassou Nguessou, le président du Congo voisin, ferait "un bon facilitateur" de par "sa maîtrise parfaite des tous les acteurs politiques de la RDC".

Le "joker" Sassou

Le nom de Denis Sassou Nguesso dans la crise congolaise n'est pas un hasard. Depuis plusieurs mois, le président du Congo-Brazzaville s'est mué en médiateur "tout-terrain" des causes perdues. Sur la crise centrafricaine de décembre 2012, Sassou est intervenu auprès du président Bozizé pour qu'il accepte de négocier avec les rebelles de la Séléka à Libreville. La rébellion était aux portes de Bangui, la capitale, proche de faire sauter le verrou de Damara. Si beaucoup doute de la pérennité des accords de Libreville, les discussions ont tout de même mis fin à l'offensive rebelle et ont permis au président Bozizé de sauver son fauteuil. Sur le dossier congolais, la situation est assez similaire. Joseph Kabila fait face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et peine à trouver une sortie de crise. Les négociations de Kampala piétinent et les rebelles menacent de reprendre la ville de Goma. Dans l'affaire congolaise, Sassou Nguesso a déjà avancé ses pièces depuis plusieurs mois : un rapprochement avec le rwandais Paul Kagame pendant l'été 2012, assorti d'échanges commerciaux, une rencontre avec Kabila en tête à tête et enfin une rencontre avec Kagame le 17 février 2013. Lorsque l'on sait que le Rwanda est accusé, notamment par les experts de l'ONU, de soutenir les rebelles du M23, on imagine que la situation au Nord-Kivu était au menu de la visite du président rwandais dans le village natal de Sassou Nguesso. Selon la formule consacrée, les deux présidents ont "réaffirmé leur volonté de contribuer positivement au retour de la paix dans le Nord-Kivu et la région des Grands Lacs". Paul Kagame a même estimé que "la paix dans la sous-région" était "indispensable". Cela ne veut évidemment pas dire que la Rwanda va brutalement changer sa politique régionale, mais cela donne surtout du crédit à l'hôte de la rencontre, Denis Sassou Nguesso.

Le rôle de Sassou dans le conflit au Nord-Kivu n'est évidemment pas dénué d'arrières pensées. En froid, depuis très longtemps avec Kabila, son rapprochement avec Kagame lui assure un certain leadership régional. Enfin, son rôle de médiateur, fait de lui un élément incontournable aux yeux des institutions régionales (CEEAC, CIRGL, UA… ) et de la communauté internationale... une sorte d'assurance-vie pour ce président qui n'échappe pas aux critiques (régime autoritaire, affaire de biens mal acquis… ). Un rôle de médiateur dans le cadre d'un dialogue politique en République démocratique du Congo ne déplairait certainement pas à Sassou Nguesso. Reste à savoir si Joseph Kabila acceptera de lui ouvrir les portes de son débat national.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo Maison blanche Laurence Jackson © Libre de droits

14 février 2013

Centrafrique (RCA) : Les secrets de la Séléka

Dans un entretien exclusif accordé à Afrikarabia, un des anciens porte-parole de la rébellion a décidé de dévoiler les coulisses du mouvement rebelle qui a menacé de renverser le président François Bozizé. Une interview qui révèle le nom du président "caché" de la Séléka, le double jeu d'Idriss Déby et le soutien d'un ancien officier du Congo-Kinshasa.

séléka + carte.jpgDécembre 2012. En quelques jours, la Séléka, un mouvement rebelle centrafricain méconnu, a réussi à prendre le contrôle de 80% du pays, avant d'être stoppé par les forces tchadiennes de la CEEAC (Communauté économique des états d'Afrique centrale) à 75 km de la capitale, Bangui. Composée d'une mosaïque de 4 groupes rebelles (UFDR, CPJP, FDPC et CPSK), la coalition est toujours apparue comme un mouvement "sans tête", avec autant de porte parole que de commandants militaires. Après un mois de conflit, un accord a pourtant été signé à Libreville début janvier, entre le régime de François Bozizé, la Séléka et l'opposition politique. Le président centrafricain a sauvé sa tête, l'opposition politique a emporté la primature et la rébellion a obtenu le poste de vice-premier ministre et de ministre de la défense, en la personne de Michel Djotodia. Mais la paix reste fragile. L'opposition peine à s'imposer et le camp Bozizé reprend confiance. Beaucoup prédisent une reprise des hostilités, car une partie des rebelles ne se reconnait pas dans les accords de Libreville et pour cause… la rébellion reste plurielle. Pour mieux comprendre ce mouvement nous avons voulu connaître l'histoire de la Séléka.

Jean-Paul Bagaza, est l'un des anciens porte-parole de la coalition et a décidé de nous révéler les dessous du mouvement rebelle. Jean-Paul Bagaza ne fait partie d'aucun des 4 groupes constituant la Séléka, mais de la "coordination" qui a mis en place la coalition rebelle. Il nous livre les secrets du mouvement et les surprises sont de tailles. Voici son témoignage.

Acte I - Bozizé se fâche

"Tout commence au mois de décembre 2011. François Bozizé convoque Sylvain Ndoutingai, le ministre des mines et Firmin Findiro, le ministre de la justice et porte-parole du gouvernement. Francis Bozizé, le fils du président est aussi présent. Au cours d'une réunion familiale, le clan Bozizé avait décidé de présenter le fils, Francis, à la présidentielle, si François Bozizé n'arrivait pas à modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2016. Le président Bozizé avait donc pris la décision de convoquer ces deux proches du régime pour convaincre les membres du parti présidentiel (KNK) de modifier la constitution en faveur d'une nouvelle candidature. Au cours de cette réunion, Firmin Findiro a tenté de dissuader le président de modifier la constitution, compte tenu de l'instabilité politique ambiante et de l'activité de nombreux groupes rebelles. Sylvain Ndoutingai a lui aussi déconseillé au président Bozizé de modifier la constitution, pensant que cette décision créerait des tensions. Ces réponses n'ont visiblement pas plu au président. Il faut dire que François Bozizé suspectait déjà Sylvain Ndoutingai de préparer un coup d'Etat, ou de vouloir  se présenter aux élections présidentielles de 2016. Sylvain Ndoutingai était ministre des mines et avait beaucoup d'influence et de moyens financiers. Firmin Findiro était considéré comme l'intellectuel qui pouvait aider Sylvain Ndoutingai à prendre le pouvoir. François Bozizé et son fils ont alors décidé de se séparer de ces deux ministres en fabriquant de fausses accusations pour les limoger. Le ministre, Firmin Findiro a alors décidé de s'enfuir par la RDC, puis par le Congo-Brazzaville et enfin vers la France avec un passeport d'emprunt. Je suis allé l'accueillir à l'aéroport".

Acte II - Les tchadiens entrent en piste

"En France, nous avons décidé de réagir et de prendre les choses en main. C'est là qu'est née l'idée de la Séléka, c'est à dire de créer une coalition avec tous les mouvements rebelles centrafricains. Pour atteindre cet objectif, nous avons d'abord décidé d'enclencher notre stratégie avec un seul mouvement. En septembre 2012, nous sommes entrés en contact avec  Nourradine Adam du CPJP (Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix), qui était alors au Tchad, à N'Djamena. Nourradine Adam avait de très bons contacts avec Idriss Déby, le président tchadien. En discutant avec Déby, Nourradine constate que les relations entre le Tchad et la Centrafrique se sont fortement détériorées. Selon Déby, Bozizé ne tient plus parole. Beaucoup d'accords commerciaux et militaires n'ont jamais vu le jour. Notamment sur la création d'une force militaire mixte pour contrôler la frontière entre les deux pays. Idriss Déby souhaitait également la construction d'un pipeline pour alimenter en eau le Tchad depuis la rivière Oubangui. Tous ces projets traînaient. L'autre contentieux entre les deux pays concernait le colonel Charles Massi que le Tchad a livré au régime centrafricain. L'opposant a ensuite été assassiné dans les prisons de Bozizé, contrairement aux engagement pris. François Bozizé avait en effet clairement promis à Idriss Déby de ne pas éliminer Charles Massi. Il n'a pas tenu parole. Idriss Déby a été très en colère."

Acte III - Firmin Findiro, président "officieux"

"Le président tchadien et ses proches ont décidé d'écarter Bozizé du pouvoir. Les tchadiens se sont alors appuyés sur Nourradine Adam, qui avait déjà des soldats. Mais pour éviter que cette rébellion ne soit uniquement "musulmane" et taxée d'extrémisme religieux, les tchadiens voulaient trouver "un intellectuel" pour mettre à la tête du mouvement. Début octobre 2012, Nourradine Adam nous a appelé pour nous dire que c'était Firmin Findiro qui allait occuper la direction politique du mouvement et que nous allions rencontrer le général Mahamat Ali Abdallah Nassour à Paris. Ce général tchadien est un proche de Déby, qui avait d'ailleurs aidé François Bozizé à renverser l'ancien président Patassé en 2003. Il connaissait donc très bien Bozizé. Lors de notre rencontre à Paris, le général nous a dit la même chose que Nourradine : "nous ne voulons plus de Bozizé, il ne tient pas parole, il faut qu'il parte…". Il nous a aussi dit que pour la stabilité de la région et des frontières, il fallait se débarrasser du président centrafricain. Mahamat Ali Abdallah nous a mis en contact avec le fils d'Idriss Déby, Zakaria, avant de pouvoir rencontrer le président tchadien à Paris, lors d'une visite prévue en octobre 2012 avec François Hollande. Zakaria Déby nous a ensuite appelé pour nous dire que nous pourrions rencontrer le président tchadien à Paris avant le Sommet de la francophonie d'octobre. Mais le président Déby n'a pas voulu d'une rencontre "officielle", pour éviter d'apparaître dans cette histoire. En fait, le président français a décalé sa rencontre avec Idriss Déby pour la reporter début décembre 2012, ce qui changeait évidemment tous nos plans. Pour déclencher la rébellion, il nous fallait une autorisation au moins "officieuse" de l'opération. On voulait une "bénédiction" avant de déclencher toute attaque. Mais entre temps nous avions déjà fédéré tous les autres groupes rebelles depuis le mois de septembre 2012 et on ne pouvait plus reculer. Dans un premier temps, notre stratégie était que chacune des rébellions mènent ses attaques dans son coin, pour faire croire à des mouvements isolés. Et une semaine après nous devions annoncer la création d'une coalition : la Séléka. Ce qui s'est effectivement passé."

Acte IV - Un conseiller militaire congolais

"En France, nous sommes entrés en contact avec un ancien officier de l'armée congolaise, de l'AFDL (le mouvement de Laurent-Désiré Kabila), qui a fait partie des troupes qui ont renversé Mobutu en 1997. Cet officier s'appelle Gabriel Maindo et a fait office de conseiller militaire du mouvement de la Séléka. Il a élaboré tous les plans militaires pour renverser le plus vite possible le président Bozizé. Mais en contre-partie, la Séléka devait lui laisser une base arrière en Centrafrique pour qu'il prépare une rébellion contre le président Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC). Il devait ensuite se rapprocher de l'opposition rwandaise pour renverser Paul Kagame. Gabriel Maindo voulait, à partir de la Centrafrique, ouvrir un front contre la RDC et un autre contre le Rwanda. C'est pour cette raison que, lorsque le M23 nous avait proposé leurs services pour affronter les troupes tchadiennes qui nous bloquaient à Damara, nous avons refusé cette aide. Gabriel Maindo a même mis son veto à tout soutien du M23. Il a même menacé de tout faire capoter si la Séléka s'alliait au M23. Aujourd'hui, il fait partie de ceux qui s'opposent farouchement aux accords de Libreville."

Acte V - Double jeu

"Gabriel Maindo nous a aussi mis en contact avec le directeur des services de renseignement soudanais. Le Soudan était prêt à nous donner des moyens humains et financiers pour renverser François Bozizé et par la suite renverser aussi Idriss Déby. Avec la chute de Bozizé, la sous-région centrale serait devenue une véritable poudrière. Cet ancien officier congolais (Gabriel Maindo, Ndlr) avait pour objectif d'en finir avec tous ces dictateurs d'Afrique centrale. Il a pointé : le Rwanda, l'Ouganda, le Gabon, la RDC, le Tchad et puis l'Angola. Il fallait profiter, dans un premier temps, du soutien d'Idriss Déby pour renverser Bozizé et lui montrer que la Séléka était à ses côtés. Et dans un deuxième temps, après la chute de Bozizé, nous aurions renversé Déby. A propos de l'échec militaire de la Séléka, nous avons été naïfs. Le président Idriss Déby a joué double jeu avec nous. C'est lui qui a fixé la fameuse "ligne rouge" au niveau de la ville de Damara que nous ne devions pas dépasser. Idriss Déby a menacé Michel Djotodia et Nourradine Adam de vouloir les remplacer à la tête du mouvement s'ils franchissaient Damara. Ce que nous avons compris aujourd'hui, c'est que le président Déby a voulu utiliser la Séléka comme un moyen de pression sur François Bozizé. Le président tchadien a obtenu ce qu'il voulait : il y a maintenant la mise en place d'une brigade mixte et le projet de pipeline avance de nouveau. Aujourd'hui Idriss Déby continue donc de contrôler la République centrafricaine, avec ces 3 enfants. Nous avons tout simplement été instrumentalisés par le Tchad."

Propos recueillis par Christophe RIGAUD © Afrikarabia

13 février 2013

RDC : "Pour un Etat de droit" au Congo

Après les élections contestées de novembre 2011 et la reprise du conflit dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), des acteurs politiques et associatifs congolais, des élus belges et français, des professeurs d'université s'inquiètent de la crise politique "qui fragilise les institutions congolaises". Dans un texte que nous publions, les signataires appellent à l'établissement "d'un Etat de droit" en RDC et avancent quelques pistes de réflexions.

Depuis 1996, la République Démocratique du Congo est le théâtre des affrontements meurtriers entre différentes factions. Nombreuses sont leurs conséquences : inexistence de l’État, menaces sur l’intangibilité des frontières nationales, déstabilisation de la région du Kivu, insécurité, crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, violences sexuelles, enrôlement des enfants par des groupes armés, violations des droits fondamentaux de la personne humaine, impunité en faveur des criminels, ingérence des voisins dans les affaires intérieures... La crise politique, qui fragilise les institutions congolaises depuis les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, hypothèque davantage l’avenir des populations locales : plus de 6 millions de morts, plusieurs milliers de femmes et de filles violées, des milliers d’enfants enrôlés de force par des groupes armés, plus de 2,5 millions de personnes déplacées dans la seule région du Kivu et près de 500 000 Congolais réfugiés dans les pays voisins… Ainsi fragilise-t-elle la cohésion nationale, exposant de facto le Congo-Kinshasa aux visées expansionnistes de quelques pays limitrophes et aux pillages en tous genres.

Nous devons avoir à l’esprit que la paix dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale dépend, en grande partie, de la stabilité de la République Démocratique du Congo. Ainsi est-il urgent que la communauté internationale intervienne efficacement dans la mise en place des mécanismes idoines.

Sur la sécurisation de la région du Kivu, nous préconisons :
- la requalification du mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilité de la République Démocratique du Congo (Monusco), afin de lui permettre d’assister un État souverain qui est confronté aux problèmes à la fois internes et externes ;
- la présence, aux côtés des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), d’une force d’interposition sur la frontière orientale – ne contenant aucun pays présumé soutenir les éléments déstabilisateurs – composée soit de la Monusco, soit d’une force interafricaine, soit de l’Eurofor, soit de l’Africom ;
- l’externalisation des pourparlers de Kampala, le médiateur ne devant être à la fois juge et partie ;
- les condamnations des États voisins qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo.

Sur les violations des droits fondamentaux de la personne humaine, nous demandons :
- l’arrestation et le jugement des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’Humanité par des tribunaux tant nationaux qu’internationaux ;
- l’assistance des victimes de dégâts, aussi bien directs que collatéraux ;
- le retour des personnes déplacées à l’intérieur du pays et celles qui sont déplacées au-delà des frontières nationales après un recensement avec l’aide de la Croix Rouge.

Sur la cohésion nationale, nous proposons :
- l’ouverture d’un dialogue inclusif et républicain, entre les différentes forces vives congolaises, sous la supervision de la communauté internationale ;
- la mise en place d’un gouvernement de salut publique en vue de l’organisation dans un délai raisonnable des élections crédibles et transparentes, auxquelles ne participera pas l’actuel Chef de l’État conformément à la Constitution, ainsi qu’en vue de la consolidation des institutions républicaines.

Sur la paix régionale, nous sommes favorables :
- aux concertations en vue de la gestion commune des ressources frontalières ;
- aux accords de non-agression, en vue de l’indépendance dans l’interdépendance.

Pour l’année 2013, compte tenu des valeurs universelles que nous partageons avec force et vigueur, nous souhaitons vivement que la République Démocratique du Congo devienne enfin un havre de Paix où règneront la Liberté, l’Égalité, la Sécurité et la Prospérité.

Les signataires : Gaspard-Hubert Lonsi Koko (Porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo, Président d’Union du Congo, France), Albert Bourgi (Professeur d’université, France), Erika Cologon Hajaji (Journaliste, Sénégal), Emmanuel Ikabanga (Mouvement de Libération du Congo, France), Jean-Pierre Dozon (Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, France), Alexandre Leupin, (professeur et directeur de mondesfrancophones.com, États-Unis), Joël Asher Lévy-Cohen (Journaliste indépendant, Canada), Laurent Louis (Député fédéral, Belgique), Ferdinand Lufete (Coordonnateur de l’’Alliance pour le Développement et la République, France), Cynthia Mckinney, (ancienne Congressiste, ancienne Candidate du Parti Vert à l’élection présidentielle, États-Unis), Akli Mellouli (Adjoint au Maire de Bonneuil, France), Augustin Mukamba (Président de Troisième Force, Suisse), Marc Mvé Bekale (Maître de conférences, enseignant-chercheur, France), Lamine Ndaw (Conseiller municipal, France), Herman Nzeza Malungidi (Président de l’Alliance Nationale pour le Changement, Angleterre), Els Schelfhout (Sénatrice honoraire, Belgique).

Exclusif - Paul Kagame : "le Rwanda n'est pas à l'origine des problèmes du Congo"

Afrikarabia a interrogé le président rwandais, Paul Kagame, sur les nombreuses critiques congolaises à propos du rôle du Rwanda dans  le conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir la rébellion du M23, ce que Kigali a toujours nié.

Image 1.png- Jean-François DUPAQUIER (Afrikarabia) : Monsieur le Président, en RDC, l’opinion publique semble très hostile au Rwanda et vous-même êtes parfois caricaturé dans les médias comme un nouveau Hitler. Pensez-vous que cette hostilité pourra disparaître dans un avenir prévisible, ou au contraire avez-vous l’impression que cette haine du Rwanda risque de s’enraciner dans l’identité congolaise ?

 - Paul KAGAME : Je pourrais commencer par dire qu’Hitler n’est pas connu pour avoir posé des problèmes  au Congo. Si ces gens avaient un peu de suite dans les idées, on s’attendrait à ce qu’ils me caricaturent en Léopold II. Mais ces gens cherchent des références ailleurs pour raconter l’histoire à leur façon.

Second point, revenons à la réalité. Les problèmes du Congo sont associés à une prétendue responsabilité rwandaise ou du chef de l’Etat rwandais. C’est trop facile d’accuser sans cesse la gouvernance du Rwanda de tous leurs maux. Les Congolais, les leaders du Congo, nous ne leur souhaitons aucun mal. Un bon Congo, un Congo fort, à la bonne gouvernance, voilà la voie que devraient prendre les Congolais pour améliorer leur vie. Sincèrement, le Rwanda rêve de vivre avec un voisin prospère, florissant, nous serions heureux si le Congo faisait des progrès, parce que la traduction du progrès au Congo serait aussi un progrès pour nous, il n’y a aucun doute là-dessus. C’est aussi simple que cela.

Nous souhaitons que les Congolais trouvent  la voie de la bonne gouvernance avec leurs leaders, au lieu de pointer du doigt à  tout moment le Rwanda.

S’ils ont décidé de dire « le Rwanda est notre problème, nous n’avons pas d’autre problème », à eux de voir si c’est vrai ou pas. Franchement, si les problèmes du Congo sont le Rwanda et les leaders du Rwanda, à vous d’en juger. Mais aussi ceci masque les plus graves problèmes du Congo, et alors les problèmes vont durer longtemps. Peu importe ce qu’ils ont à l’esprit, mais plus ils se persuadent que le Rwanda est le problème, plus ils vivront avec leurs problèmes.

Malheureusement, ça les affecte dans leur jugement. Ca devient pathétique de renvoyer les problèmes à leurs voisins. Un autre problème est que des étrangers supposés les aider ne jugent la situation au Congo qu’à l’aune de ce que les Congolais disent : que les problèmes du Congo viennent de l’extérieur, qu’ils n’auraient pas de problèmes intérieurs. Encore une fois, permettez-moi de revenir un peu en arrière sur les Congolais. Je crois comprendre qu’ils sont cinquante ou soixante millions. Est-ce que tous ces Congolais parlent d’une seule voix pour dire que le Rwanda est le problème du Congo et qu’il faut regarder du côté de Kagame… est-ce une opinion ?

Si l’on croit ça, c’est une erreur. Je suis certain que vous avez des gens qui pensent ça, peut-être même qu’ils sont nombreux, mais sont-ils les représentants de l’opinion publique congolaise, accréditant une opinion erronée ? Est-ce vraiment la réalité ? Pour être aussi clair que possible, cette question est intéressante pour apporter une réponse. La question aide-t-elle le Rwanda ou aide-t-elle le Congo ?  Je ne sais pas, mais c’est quelque chose dont les gens peuvent [doivent] parler [C’est un problème qui mérite d’être débattu]. Si la réponse reste la même, le Rwanda restera ce qu’il est : nous faisons des progrès ou nous échouons à faire des progrès, quoi qu’il se passe au Congo, et les problèmes du Congo  resteront ce qu’ils sont.

[NDLR : interrogé par autre journaliste, Paul Kagame a répondu en substance que l’intérêt du Rwanda et l’intérêt du Congo vont de pair. Si la RDC connaît de vrais progrès en matière de gouvernance, en matière économique etc., ce sera bon aussi pour le progrès du Rwanda. Tout le monde sait que le progrès économique passe par la sécurisation des acteurs économiques et par l’ordre public. Il déclare en avoir administré une nouvelle preuve au Rwanda où les investisseurs sont protégés, où la corruption a été éradiquée. Ce n’est pas un hasard si l’augmentation de notre PNB se situe entre 7 et 8% par an depuis longtemps.  Aux Congolais de comprendre si leurs problèmes viennent de ce que des règles de bonne gouvernance sont appliquées au Rwanda. Paul Kagame ajoute n’être pas responsable de l’ordre public en RDC. Si les Congolais comprennent cela, à eux de régler leur problème. C’est simple : les problèmes de la RDC doivent être résolus en RDC. Plus les Congolais auront à l’esprit que l’animosité à l’égard du Rwanda tient lieu de solution, plus leurs problèmes dureront. Leurs problèmes vont rester et même continuer à les affaiblir. ]

- Paul KAGAME : J’entends différentes personnes parler en boucle « des problèmes de l’Est du Congo ». On me pose souvent la question sur « l’Est du Congo ». Ca donne l’impression que dans leur esprit l’Est du Congo serait un pays en soi. Que les problèmes de l’Est du Congo ne sont pas les problèmes du Congo. Je pense qu’ils font une erreur d’analyse. Croient-ils qu’ailleurs au Congo il n’y a pas aussi des gens qui souffrent ? Ne comprennent-ils pas que pas que ce qui arrive dans l’Est du Congo reflète ce qui se passe ailleurs dans cet immense pays ? Parce que le Congo à mes yeux est un seul pays, un seul gouvernement, les mêmes institutions, et ainsi de suite…

La question est : les acteurs voient-ils les choses de la bonne façon, la façon adéquate, alors la réponse est là. Laissez-moi résumer tout ceci : Le Rwanda n’est pas l’origine des problèmes du Congo, c’est plutôt le Congo qui doit prendre en main ses problèmes. La meilleure façon de voir le Rwanda est de comprendre qu’avec le Congo, nous sommes des Africains, des voisins, nous pouvons travailler ensemble pour régler nos problèmes plutôt que de voir l’autre en ennemi. En dépit de ce qui est dit et écrit ici où là, au Rwanda nous percevons la RDC comme un bon voisin, comme des Africains avec qui nous devons entretenir des bonnes relations d’une façon plus positive que ce qui apparaît trop souvent.

Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER pour Afrikarabia

NDLR : Cette version destinée au public francophone de la  déclaration en anglais du Président de la République du Rwanda à Afrikarabia n’est pas une traduction mot à mot, mais une adaptation en français. Pour plus de précision nous invitons les lecteurs à se référer à la version anglaise, seule certifiée conforme au script de l’interview. (cliquez ici)

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Paul Kagame : "Understand Rwanda is not the creator of the problems in Congo"

EXCLUSIVE COVERAGE - Afrikarabia asks Rwandese President Paul Kagame his answer to congolese criticisms these lasts months.

Image 1.png- Jean Francois Dupaquier : Mr. President, in DRC the public opinion seems very unfriendly to Rwanda and yourself sometimes cartooned as a new Hitler. Do you think this hostility may disappear in a foreseeable future or do you feel  it may seem a basic part of  Congolese identity?

- Paul Kagame:  Well, I may start with the fact that Hitler is not known for creating problems in the Congo, maybe they should have talked of King Leopold but they prefer to look for problems somewhere else that tells the story.

The second point is, I wish the reality was that actually Congo’s problems were anyway related closely with Rwanda or with the leader of Rwanda. That would have been the easiest way to deal with, to resolve, we would have resolved this problem long time ago because we don’t wish Congo, the Congolese, the leaders of Congo  any bad luck at all, we don’t wish them any of that. In fact a good Congo, Congo that is strong, that is well governed, whose people are dealing with their problems the way they should and improving their lives, all these are in the interest of Rwanda as well. Rwanda would wish to live with a neighbor that is thriving especially Congo, we would be happy if Congo was making good progress because this translates in good progress for us as well there is no doubt about it, it is as simple as that.

As for the public opinion in Congo, I’m not responsible for what happens in Congo with the public opinion there. If they have decided to say that Rwanda is our problem, we have no other problems, it’s up to you to decide whether this is true or not. Really if Congo’s problems are Rwanda and the leader of Rwanda, it’s up to you to make that judgment but also that also masks the bigger problem of Congo that is not being addressed, the problems will remain for a long time, it doesn’t matter whether they have in their mind, but the more they have it in their mind that Rwanda is the problem, the more the problem will stay with them. So a different problem that is real and is affecting them will remain and therefore they remain where they are and that would be more pathetic but of course the problem, even additional problem is for outsiders who would have been helpful to address the problem to see it also that way, or judge the situation in Congo from what Congolese are saying in this regards; that Congo’s  problems originate from outside and that they don’t have problems inside,  but again let me take you back a little bit, do the Congolese; I’m told now they are about fifty to sixty million people, are all these people united over this problem, that Rwanda is the problem Congo and Kagame is to be seen … is it an opinion?

Again this one is misleading, I’m sure you have people who think like that, maybe they are even many but are they the representative of the Congolese opinion of this population putting aside how erroneous the thinking is, is it really what it is? But for being even a little clear, this question which I think is good in a way to bring that you brought up is the answer to it supposes to help Rwanda or to help Congo? I don’t know but this is something people can talk about. If I answered it and it stays, Rwanda remain what it is; we make progress or we fail to make progress, irrespective of what goes on in Congo and Congo’s problems will remain the way they are.

The other big problem people talk about ; the Eastern Congo, all the time and this is the wrong way of looking at things. Many times I have confronted questions, they ask me about Eastern Congo, actually in their mind and they give this impression widely as if Eastern Congo has turned into another country on its own.   The problems in eastern Congo are not the problems of the whole Congo. But I think and this is the mistake people are making, they don’t know one, they don’t know that people in other parts of that very huge country are suffering, secondly they don’t understand that how and what happens in Eastern Congo carries an image of what happens elsewhere in the country because this is supposed to be one country, you know one government, same institutions and so on and so forth.

Again it goes back to whether people see things the right way, the way they should, there goes the answer. Let me just summarize to say, Rwanda is not the creator of the problems in the Congo, in fact is not the problem, Congo should be looking at their problems, the best way to look at Rwanda as sharing with Congo in addressing that we all face as Africans as neighbors, we can all work together to deal with these problems instead of looking at each other as enemies. Despite what Congo says that you raised their opinion, the opinion of Congolese, we still see Congo as our good neighbors, people as Africans that we need to relate with in a more positive way than the impression that is always given.

Jean-François DUPAQUIER - Afrikarabia

A French version of the interview with Paul Kagame is available here.

10:20 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)

11 février 2013

Rwanda : Manifestation contre l’acquittement des 2 ministres du "gouvernement génocidaire"

Lundi 11 février, les averses n’ont pas découragé les manifestants de Kigali, indignés par l’acquittement de deux anciens ministres rwandais en appel par le Tribunal Pénal International de La Haye.

manif rwanda 3.pngJustin Mugenzi était ministre du Commerce pendant le génocide. Son collègue Prosper Mugiraneza, licencié en droit de l’Université nationale du Rwanda (UNR) de Butare, occupait le poste de ministre de la Fonction publique. Les deux hommes n’étaient pas accusés d’avoir dirigé sur le terrain des bandes de tueurs, mais d’avoir participé au limogeage du préfet de Butare, dans la ville universitaire de Sud du Rwanda, le 17 avril 1994.  Ce préfet, Jean-Baptiste Habyarimana (aucun lien de parenté avec le président Juvénal Habyarimana tué le 6 avril précédent) était le seul préfet tutsi du Rwanda. Le seul à résister obstinément à l’entreprise de destruction des Tutsi engagée le 6 avril au soir, et qui aboutira à l’extermination d’environ les trois quarts des Tutsi du Rwanda. Les génocidaires enrageaient de ne pas parvenir à leurs fins dans le sud du Rwanda.

Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza ont participé le 17 avril à Gitarama, dans le centre du Rwanda, au conseil des ministres qui a décidé de limoger le préfet « rebelle ». Sa révocation fut annoncée le surlendemain dans un stade de Butare, en présence des membres du gouvernement (dont Justin Mugenzi  et Prosper Mugiraneza ) et d’autres responsables tant civils que militaires. Peu après, le préfet Habyarimana fut tué avec toute sa famille et les massacres dans sa préfecture se généralisèrent.

Une révocation pour « des raisons politiques et administratives » ?

En première instance, le 30 septembre 2011, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siégeant à Arusha, en Tanzanie, avait estimé que les preuves contre les deux ministres étaient accablantes.  Ils avaient été déclarés coupables d’entente en vue de commettre et d’incitation directe et publique à commettre le génocide. Outre le conseil des ministres convoqué pour limoger le préfet tutsi, on leur reprochait leur présence lors du discours incendiaire prononcé le 19 avril 1994 à Butare par le président intérimaire Théodore Sindikubwabo, appelant explicitement à l’anéantissement des Tutsi.

Mais le lundi 4 février 2013 à la surprise générale, la chambre d’appel à La Haye, paye (Pays Bas)résidée par le juge américain Theodor Meron, a « infirmé leur condamnation » au titre des deux chefs d’accusation et « ordonné leur libération immédiate ». Selon le jugement d’appel, le limogeage du préfet Habyarimana a certes contribué à la généralisation des massacres mais la décision du gouvernement pourrait avoir été prise pour « des raisons politiques et administratives » et non pas nécessairement pour laisser le champ libre aux tueurs.

Le gouvernement s’était en effet plaint de l’absence du préfet à certaines réunions d’autres responsables de son rang. Les juges ont également suivi le raisonnement des appelants selon lesquels ils ne savaient que le président intérimaire allait prononcer un discours incendiaire.

Pourtant dans son plaidoyer de culpabilité, le Premier ministre intérimaire, Jean Kambanda, condamné à la réclusion à vie, avait reconnu que son gouvernement avait piloté le génocide.

Quatre juges sur cinq

Sur les cinq membres de la chambre d’appel présidée par le juge américain Theodor Meron, quatre ont voté l’acquittement. L'opinion dissidente du Juge Liu a été actée dans l’arrêt d’appel.

Le Procureur général du Rwanda Martin Ngoga a jugé « extrêmement décevant » l’arrêt de la chambre d’appel qui a remis en liberté les deux anciens membres du gouvernement. « C’est une décision extrêmement décevante de la part de la chambre d’appel du TPIR », s’est indigné Martin Ngoga. Les effroyables divergences entre les décisions de première instance et les décisions d’appels dans nombre d’affaires, dont celle-ci, posent de sérieuses questions (…). Les plus récentes décisions de la chambre d’appel tendent à adopter un traitement simpliste des faits et créent une tendance à exonérer les dirigeants politiques ».

De son côté, Jean-Pierre Dusingizemungu, président d’Ibuka, la principale organisation de survivants du génocide des Tutsis, s’est dit « très attristé » par le jugement. Pour lui, cet arrêt « apporte de l’eau au moulin des négationnistes du génocide » des Tutsis.

 Lundi, malgré les averses de la petite saison des pluies, une foule de manifestants a parcouru Kigali pour protester contre le jugement d’appel.

Certains manifestants appelaient à la fermeture immédiate du TPIR. Mais le Conseil de sécurité a déjà voté la fin du TPIR  en 2014. A Arusha, une « structure résiduelle » est chargée des affaires courantes. Il ne reste que la Chambre d'appel du TPIR qui fermera ses portes à son tour le 31 décembre 2014.

La raison de telles incohérences

Reste à expliquer les incohérences fréquentes entre les jugements de première instance et d’appel. Selon un ancien collaborateur du Tribunal Pénal international de La Haye, « les Juges font, à tous niveaux, ce qu'ils veulent, la Chambre d'appel ayant toujours refusé de jouer un rôle harmonisateur, tant sur le fond des jugements que sur le montant des peines ».

Selon un membre du Parquet s’exprimant sous couvert d’anonymat, « ce sont des professeurs de droit très âgés et complètement déconnectés des réalités ». Les incohérentes concernent aussi bien les affaires judiciaires de l’ex-Yougoslavie que celles du Rwanda. S’exprimant aussi sous couvert d’anonymat, l’expert ajoute :  « Leur approche est exclusivement inspirée de la rhétorique juridique et complètement détachée des réalités factuelles, politiques, sociales ou psychologiques : ils sont dans leur bulle, et personne ne peut leur dire qu'il faudrait en sortir afin de ne pas être à côté de la plaque. »

« A côté de la plaque » ?

Cet expert nous livre une anecdote significative : « Je me souviens avoir suggéré, une fois, de façon informelle, que le quantum des peines soit soumis préalablement à leur prononcé à l'appréciation, pour avis, à des connaisseurs du contexte ex-yougoslave, afin de les aider à ajuster voire à prendre en considération l'impact possible qu'aurait leur décision. Le Président du TPIY (Claude Jorda) à qui je suggérais cette approche disons "psycho-sociale" m'a regardé comme si je blasphémais leur sacro-sainte 'indépendance'. »

Le président de chambre d’appel qui a prononcé la relaxe des deux ministre du « gouvernement génocidaire, l’Américain Théodor Meron, est né le 28 avril 1930. Ce rescapé de la Shoah « est en parfaite forme physique et mentale » nous indique un de ses proches. Il s’apprête néanmoins à fêter son 83e anniversaire, et on peut légitimement se demander si l’ONU ne devrait pas fixer une limite d’âge raisonnable au mandat des juge sinternationaux. Son collègue Patrick Robinson, né en 1944, approche les 70 ans. Théodor Meron et Patrick Robinson ne sont pas des exceptions. A La Haye, le Juge du TPIY Arpad Prandler (qui doit partir en juin prochain) a également 82 ans. Dans ce groupe de vieillards, il faut aussi citer Mhemet Güney, de Turquie, qui n’a « que » 76 ans, mais en paraît au moins dix de plus. Il est aussi membre d’une prestigieuse mais contestée chambre d'appel....

Des magistrats hors d’âge ?

Theodor Meron, - qui s’est rendu à la 10e commémoration du massacre de Srebrenica -, ne connaît à peu près rien du Rwanda, ce qui n’est pas forcément un avantage.

L’affaire des deux acquittement a provoqué un vent de colère à Kigali et aggrave le contentieux judiciaire relatif au génocide des Tutsi en 1994. Kigali accuse le Tribunal pénal international pour le Rwanda de pratiquer « la politique de deux poids, deux mesures », et menacé de chasser les observateurs désignés par cette institution pour faire le monitoring d’une affaire renvoyée devant la justice rwandaise.

Le Rwanda exige aussi que la France, à laquelle le TPIR a confié deux affaires fin 2007, fasse également l’objet d’une surveillance de la part du tribunal international.

Fin 2007, le TPIR s’est dessaisi au profit de la France, des dossiers de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, ancien vicaire d’une paroisse de Kigali, et de Laurent Bucyibaruta, ancien préfet de Gikongoro (sud). Mais l’instruction avance à pas comptés en France.

Jean-François DUPAQUIER (avec Agence Hirondelle)

Photo © JF. Dupaquier DR

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RDC - M23 : Accord sur les désaccords

Les impressions peuvent paraître trompeuses à Kampala, où la rébellion du M23 négocie avec le gouvernement congolais. Un texte vient en effet d'être signé entre les deux belligérants, mais les désaccords restent entiers.

Carte Zone M23 HRW 2012.jpgAprès deux mois de laborieuses discussions, un premier texte a été signé entre les rebelles du M23 et le gouvernement congolais. Les deux parties reconnaissent que l'accord de paix du 23 mars 2009 n'a pas été intégralement respecté. Le document paraphé fait partie de la première phase de négociation : le fameux accord du 23 mars 2009 entre la rébellion et le gouvernement congolais, dont le M23 réclame la totale application. Le texte signé à Kampala reconnaît que sur les 35 points de l'accord de 2009, 23 dispositions ont été "pleinement mises en oeuvre" et 12 ont été exécutées "de manière inadéquate ou n’ont pas été exécutées du tout". Chacun des camps fait mine d'avoir remporté une victoire : le M23 parce que le gouvernement reconnaît que l'accord n'a pas été intégralement appliqué et le gouvernement parce qu'au contraire une  partie des dispositions de l'accord à tout de même été mise en oeuvre.

Accord du 23 mars bis ?

Dans le document signé à Kampala en fin de semaine dernière (consultable ici en anglais), plusieurs éléments font craindre que certains points seront difficilement applicables. A commencer par l'intégration des soldats du M23 dans l'armée régulière. Selon le texte, tous les soldats rebelles devront être intégrés avec le grade de major dans l'armée nationale, puis être redéployés sur l'ensemble du territoire. Ce point constituait déjà le principal blocage des accords de 2009 : les rebelles refusaient de s'éloigner des Kivus où ils affirmaient défendre leur communauté menacée (rwandophone). Un accord du 23 mars "réchauffé", selon l'expression d'un membre du M23, serait inacceptable.

Mini-accord sans consistance ?

Autre point d'accroche : les chefs rebelles. Alors que l'on imagine mal Sultani Makenga revenir tranquillement au sein de l'armée régulière après 10 mois de rébellion, les autorités congolaises proposent tout simplement d'arrêter les commandants recherchés par des mandats nationaux ou internationaux. Une solution qui résout certes le problème du retour des chefs rebelles dans l'armée, mais qui sera (on n'en doute pas) rejetée par les principaux intéressés. On imagine difficilement Bosco Ntaganda, Sultani Makenga, Innocent Zimurinda ou Baudouin Ngaruye se rendre pour être jugés par la justice congolaise. Il semble donc peu probable qu'il y ait des avancées sur les accords du 23 mars. Quant aux trois autres points : les problématiques sécuritaires, politiques et sociales, le gouvernement estime depuis le début des négociations, que ces revendications sont illégitimes pour un groupe armé. Le M23 a en effet "élargi" ses revendications et demande aujourd'hui le départ du président Kabila, élu dans des conditions contestables en novembre 2011. Au mieux, les deux parties signeront à Kampala un mini-accord sans consistance, qui sera enterré au premier accrochage militaire sur le terrain. Au pire, rien ne sera signé et les armes parleront prochainement autour de Goma.

A contre-coeur

Depuis le début des pourparlers, il y a maintenant deux mois, la volonté de négocier ne s'est jamais vraiment manifestée, autant du côté gouvernemental, que du côté rebelle. Pressés par les chefs d'Etat de la région des Grands Lacs (CIRGL) de se mettre autour de la table, le M23 et le gouvernement congolais se sont sentis obligés de faire bonne figure et de tenter de s'accorder… en vain. Il a d'ailleurs fallu plus d'un mois pour se mettre s'accord sur le seul contenu des discussions… chacun y allant à contre-coeur, croyant embarrasser l'autre avec ses propres exigences. Pourtant, les deux camps croient pouvoir sortir gagnant des pourparlers de Kampala : le M23 pour s'être retiré de Goma et avoir "prouver sa bonne volonté de dialoguer" et Kinshasa pour avoir gagner un temps précieux en attend la force neutre de 4.000 homme qu'a décidé de mettre en place la SADC, les pays d'Afrique australe. En attendant, le M23 continue de préparer une possible reprise de Goma. Ses hommes sont à quelques kilomètres du centre de la capitale du Nord-Kivu, prêts à bondir de nouveau sur la ville.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : carte de la zone sous contrôle des rebelles du M23 © HRW

05 février 2013

RDC : Les vérités sur le M23 de Joseph Kitenge Mulongoy

Dans une tribune publiée par Afrikarabia le 15 janvier 2013, intitulée "Pourquoi accuser le seul M23 ?", des intellectuels dénoncaient la "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit actuellement dans l'Est de la République démocratique du Congo. Les signataires de la tribune considéraient que "s'acharner contre une seule rébellion" (le M23) ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés. Le député congolais Joseph Kitenge Mulongoy a souhaité répondre à ce texte "erronné", selon lui, et "rétablir la vérité". Voici ses explications.

Afrikarabia logo V2.pngJe viens de lire, via le blog Afrikarabia, la correspondance que vous avez adressée à Son Excellence Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU en rapport avec la situation qui prévaut à l’Est de la RDC, correspondance dans laquelle vous fustigez la mise en accusation de la seule rébellion du M23 par le rapport des experts de l’ONU (le texte de la tribune est accessible ici). Selon vous, il y a « acharnement contre une seule rébellion » alors qu’il y en a plusieurs (que vous énumérez) qui sont même plus anciennes que le M23. Vous mettez ainsi en cause l’impartialité des experts.

                                 Dans le souci de rétablir la vérité, permettez-moi de vous dire que votre lecture de la situation est erronée dans une bonne mesure.  Lorsque vous dites, je cite : « L’irruption du M23 sur la scène du drame congolais est postérieure à la présence de la Monusco et des groupes armés au Congo. Cela veut dire que le M23 est moins la cause qu’une simple conséquence d’une crise régionale aux multiples facettes » vous êtes tout à fait à coté de la plaque. La vérité, en effet, c’est que le M23 est une rébellion vieille de 14 ans révolus qui a commencé depuis 1998 ! En 1998 on l’appelait RCD, ensuite elle est devenue CNDP et aujourd’hui M23. Il vous suffit d’ailleurs de reconsidérer son appellation « M23 » qui se réfère aux accords du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et la rébellion du CNDP pour comprendre sans équivoque que le M23 c’est bien le CNDP. Rien que par là il est erroné de parler aujourd’hui d’une « irruption » comme si le M23 venait de nulle part, alors qu’il est le CNDP rebaptisé.
Cela étant clarifié, il ne reste qu’à vous démontrer que le CNDP est lui-même le relais du RCD (rébellion née en 1998) et ensuite que le RCD est une création du Rwanda, pour vous amener à comprendre par déduction logique que le M23 c’est bien le RCD et que, de ce fait, il est une création du Rwanda. Vous comprendrez alors la pertinence du rapport des experts de l’ONU qui n’a pas mis les groupes armés que vous citez dans le même sac que le M23. Ces autres groupes armés, à l’exception du FDLR, LRA et ADF, ne sont que des mouvements de résistance nés en réponse aux exactions de ces rébellions pro rwandaises contre des civiles sans défense. Que le M23 soit considéré comme une organisation criminelle, cela est juste au regard des dégâts humains que cette rébellion engendre depuis 1998.

                                  Pour mieux appréhender cette situation qui, avouons-le, est très complexe, il faut remonter à 1996 lorsque, deux ans après le génocide rwandais de 1994, l’armée rwandaise escorte Monsieur Laurent Désiré Kabila au pouvoir à Kinshasa. A cette occasion, l’armée rwandaise s’est livrée à la chasse aux génocidaires dont la présence parmi les réfugiés rwandais dans les Kivus constituait une menace. Il s’est fait que dans leur traque des génocidaires hutus les soldats rwandais (presqu’exclusivement tutsis) ont commis des graves erreurs en tuant aussi des hutus congolais (morphologiquement semblables aux génocidaires). Puisque les soldats rwandais étaient seuls maîtres sur le terrain en sorte que personne ne pouvait venir en aide aux populations civiles des Kivus, celles-ci se sont constituées en groupes de résistances sous l’appellation commune de « Mayi-mayi ». Ce ne fut qu’à partir de ce moment que ce mot « Mayi-mayi » commença à être entendu et ce fut aussi le début du désordre dans les Kivus.
 
Ensuite, lorsqu’en 1998 le Président Laurent Désiré Kabila divorce brutalement d’avec l’armée rwandaise en l’accusant de (je cite) « vouloir dominer tout le monde », celle-ci se replie à Goma et commence une rébellion sous l’appellation de « RCD ». Profitant du fait qu’il existe en RDC des tutsis autochtones du Nord-Kivu, ces soldats rwandais devinrent tout simplement des rebelles congolais pour le compte du RCD. Cela radicalisa encore les Mayi-mayi si bien que, pour asseoir sa domination, la rébellion du RCD fut obligée de commettre des graves exactions contre la population civile que vous êtes sensés ne pas ignorer (le massacre de Kiwanja, le massacre de Makobola où plusieurs femmes furent enterrées vivantes, etc.).

A la faveur des accords inter congolais de Lusaka, puis ceux de Sun City, le RCD devint un parti politique et son chef politique devint un des 4 vice-présidents de la République. Il fut convenu que toutes les rebellions (RCD ainsi que le MLC qui opérait à l’Ouest du pays) déversent leurs armées au sein de l’armée nationale et, chose significative, que le commandement de l’armée de terre soit confié au RCD. Il y eut un semblant de paix qui nous a permis d’organiser un référendum constitutionnel et de mettre en place des institutions démocratiques à l’issue des élections générales de 2006. Nous étions alors engagés dans un grand chantier de reconstruction nationale, y compris celle de l’armée. Mais premier bémol : les soldats rwandophones (donc issus du RCD) refusent d’être brassés pour aller servir sous le drapeau dans d’autres provinces de la RDC !  Puisque les rebelles devaient intégrer l’armée et la police nationales avec leurs grades respectifs, la chaîne de commandement dans les Kivus se retrouva presqu’exclusivement sous contrôle des officiers issus du RCD. Dès cet instant, parler de l’armée et de la police nationales dans les Kivus c’est designer les « ex-rebelles » du RCD et donc, c’est designer en réalité l’armée rwandaise. Ce sont donc une FARDC et une PNC qui étaient loin de rassurer les populations civiles qui ne comprenaient pas comment les mêmes soldats étrangers qui les ont massacrées hier peuvent devenir des nationaux protecteurs du jour au lendemain. De l’autre coté « l’armée » et « la police » (hier RCD) demeurent sur le qui-vive face à une population dont ils sont certains qu’elle ne les porte pas, redoutant une attaque dans tout ce qui bouge. Dans ce climat de méfiance proche de la paranoïa de deux cotés, des soldats (ex-RCD) commettront encore beaucoup d’exactions. Ils se mutineront par la suite pour créer une deuxième  rébellion baptisée CNDP toujours sous le parrainage du Rwanda. En conséquence, les groupes Mayi-mayi reprendront aussi de plus belle, considérant les rebelles comme des « occupants ».

Si donc vous appelez ces groupes Mayi-mayi comme étant des rebellions c’est parce que vous êtes piégés par la stratégie de leurs adversaires. En effet, jusqu’aux accords de Sun City les Mayi-mayi combattaient l’occupant et oppresseur rwandais déguisé en « RCD ». Après Sun City ils combattent le même RCD mais qui devient l’Armée et la Police Nationales, et du coup ce sont eux qui passent pour des rebelles ! Lorsque plusieurs fois on a dit : « les Mayi-mayi ont attaqué les positions des FARDC » il faut bien comprendre que les Mayi-mayi ne voyaient pas les FARDC quoique arborant l’insigne du drapeau national ; ils voyaient plutôt (et à juste titre) les occupants RCD (ou CNDP). Car ceux que l’on voit aujourd’hui sous le label « FARDC » ce sont les mêmes qu’on voyait hier sous le label « RCD » ou « CNDP ».

L’autre astuce de Kigali qui piège vos éminences c’est que, depuis la première mutinerie des soldats pro rwandais (CNDP) un bon nombre d’entre eux restent systématiquement dans le camp du Gouvernement (FARDC). C’est encore le cas aujourd’hui avec le M23 où seule une partie de l’ex-CNDP s’est mutinée. Cela fait que lorsque le Gouvernement veut mener une offensive c’est avec les officiers et soldats de la « rébellion » qu’il concocte des plans pour combattre la rébellion. Vous comprenez à présent pourquoi le Gouvernement ne gagne pas de bataille contre les rebellions de l’Est et pourquoi, pour les groupes de résistance à l’Est, entre les rebelles (CNDP ou M23) d’une part et l’armée gouvernementale de l’autre, c’est comme « bonnet blanc » et « blanc bonnet ».

Il suffit que le Rwanda arrête de militariser l’Est de la RDC et que par conséquent le cycle des rébellions s’arrête, que les soldats congolais d’expression rwandophone acceptent de servir sous le drapeau sur l’ensemble de la RDC (2.345.000 km²), et le résultat sera la restauration de l’autorité de l’Etat. Aujourd’hui, du fait de ces yoyos des Kivus et de la tactique d’infiltration du corps de l’armée et de la police par des éléments à la vocation contraire au bienêtre des congolais, cette autorité de l’Etat est très érodée. Pour un pays doté d’aussi importantes ressources minières que la RDC, l’absence de cette autorité laisse un champ libre à la manifestation des convoitises affairistes dans un climat de chao et au mépris des lois.

S’il est légitime pour le Rwanda de se protéger contre les menaces des FDLR, les dirigeants rwandais devraient savoir que c’est avec une RDC stable et militairement efficace qu’ils pourront y parvenir ; pas seuls. En déstabilisant l’Est de la RDC tel que c’est le cas actuellement, le Rwanda ne fait que pérenniser et rendre plus insaisissable  le FDLR. La communauté internationale doit s’y impliquer très rapidement de peur que cette partie de notre pays ne devienne un espace vitale pour les terroristes que personne ne saura plus contrôler, même pas le Rwanda lui-même.

                                  Chers Messieurs et Dames,

                                  Après cette mise au point j’espère que vous adopterez dorénavant une attitude idoine. Personne ne menace les congolais d’expression rwandophone, contrairement à ce que vous prétextez dans votre correspondance. Dans l’histoire de notre pays certains de ces compatriotes ont occupé des très hautes fonctions comme celles du Directeur de Cabinet du Président de la République, d’autres des Sénateurs ou mandataires publics, sans que cela dérange qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’il y a eu génocide des tutsis au Rwanda que les tutsis de la RDC devraient revêtir un statut spécial. Ils sont citoyens au même titre que ceux des autres ethnies, et tous nous devons par conséquent être protégés par les mêmes lois et au même pied d’égalité.

Lorsque vous dites dans votre correspondance qu’une partie des terres rwandaises s’était retrouvée annexée au Congo à la faveur de la conférence de Berlin en 1885, nous comprenons que vous faites une introduction au plaidoyer du Rwanda qui a besoin de récupérer « son morceau ». Nous ne sommes pas dupes ; nous avons commencé à le comprendre dès l’instant où leurs marionnettes du CNDP avaient fait inscrire le découpage de la province du Nord Kivu en deux morceaux parmi leurs revendications du 23 mars 2009. C’est là la stratégie du Rwanda qui consiste à semer la terreur pour décourager nos esprits, à occuper le morceau convoité et à y infiltrer massivement les citoyens rwandais. En martelant sur les soi-disant messages de haine du Gouverneur du Nord-Kivu (sans faire aucunement allusion aux atrocités infligées aux civiles), nous vous voyons préparer l’opinion internationale à légitimer la demande du référendum d’autodétermination qui est la prochaine étape à venir.

Nous exigeons du respect de la part du Rwanda. Les lois internationales doivent être respectées aussi. Il n’y a pas qu’au Rwanda et en RDC où, à l’issue de la Conférence de Berlin de 1885, des ethnies se sont retrouvées à cheval sur deux frontières. Du reste, rien n’indique dans notre cas que c’est un morceau du Rwanda annexé au Congo et pas un morceau du Congo annexé au Rwanda. Tant qu’il y aura des tueries barbares à l’encontre de populations bantoues de l’Est, tant que leurs femmes et leurs filles seront impunément violées, c’est très injuste de leur dénier le droit de se défendre et de dénoncer leurs bourreaux. Il faut donc que les soldats rwandais retournent au Rwanda et que les soldats et policiers tutsis de la RDC acceptent de quitter l’Est pour aller servir le pays ailleurs (s’ils sont réellement congolais) afin de permettre que d’autres viennent assurer la sécurité des biens et des personnes, y compris des tutsis civiles comme ce fut le cas depuis toujours jusqu’en 1996.

Tout en vous remerciant de votre attention, je vous adresse mes salutations distinguées.

Pasteur KITENGE MULONGOY Joseph,
Député National de la RDC

03 février 2013

RDC : Les nouveaux rebelles du Sud-Kivu

Une nouvelle rébellion a vu le jour à Bukavu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'Union des Forces Révolutionnaires du Congo (UFRC) se présente comme une coalition de 12 groupes rebelles avec pour objectif "le départ de  Joseph Kabila" et "la défense du territoire national". Qui sont-ils ? Portrait.

Capture d’écran 2013-02-03 à 22.04.49.pngLe retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo, depuis l'apparition du M23 en avril 2012, a provoqué la multiplication de nombreux groupes rebelles ou d'auto-défense. Le dernier en date vient de se créer à Bukavu (Sud-Kivu) sous le nom  d'Union des Forces Révolutionnaires du Congo (UFRC). Il ne s'agit pas d'un mouvement armé supplémentaire, mais d'une coalition d'une douzaine de groupes déjà constituée.

Renverser Joseph Kabila

Les revendications de l'UFRC sont clairement orientées contre le régime de Joseph Kabila dont la réélection en novembre 2011 est toujours contestées. La coalition demande le départ du président Kabila, l'organisation "d'élections démocratiques", la création "d'organes nationaux de transition" et enfin "la réforme du système de défense et de sécurité". Ce mouvement assure être soutenu "par la Société civile" ainsi que "par d'autres formations politiques". (Voir la déclaration de l'UFRC envoyée aux Nations unies).

Contre la "balkanisation"

Dans la ligne de mire de cette coalition, il a bien sûr le conflit qui oppose la rébellion du M23 (soutenu par le Rwanda) et les autorités congolaises. Mais il y a surtout le rôle du voisin rwandais, une "puissance étrangère" accusée de vouloir "balkaniser" les deux Kivus (Nord et Sud) riches en minerais. Contacté par Afrikarabia, le colonel Maké Silubwe, un des responsables de la coalition, estime que l'UFRC "n'est pas un allié du M23". D'ailleurs une des raisons de la création de cette rébellion, est le nombre "trop important de rwandais" dans les FARDC, l'armée régulière congolaise. Selon Maké Silubwe, il y a "une trentaine d'officiers rwandais au sein des FARDC". On a donc bien compris que si l'UFRC est "anti-Kabila" comme le M23, la comparaison s'arrête là avec les rebelles du mouvement du 23 mars. Maké Silubwe prend la peine de préciser : "il n'y a aucun étranger dans notre mouvement… à la différence du M23".

En contact avec "Gédéon"

A la tête de l'UFRC, on trouve Gustave Bagayamukwe Tadji, le président du comité de coordination. Candidat malheureux à la députation, en novembre 2011 dans la ville de Bukavu, il avait fortement dénoncé la "non-conformité du scrutin". Le colonel Silubwe n'a pas souhaité nous donner un chiffre sur le nombre d'hommes que représente les 12 groupes armés membres de l'UFRC. Selon lui, l'ensemble des groupes armés de la province du Sud- Kivu serait désormais sous commandement de l'UFRC. La coalition regroupe les Raïa Mutomboki dans les territoires de Shabunda, Mwenga et Kalehe ainsi que les Maï-Maï de Bunyakiri, Kalehe, Walikale, Masisi et Lubero. Maké Silubwe nous a ensuite affirmé que son mouvement était en connexion avec le groupe de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, un chef rebelle qui sévit au Nord du Katanga, la province voisine. "Gédéon ne fait pas partie de l'UFRC, mais nous sommes en contact et poursuivons le même objectif, le départ de Joseph Kabila" a précisé le colonel Silubwe. Toujours selon ce responsable de l'UFRC, "si on regroupe notre coalition avec les autres groupes rebelles du Nord-Kivu (M23 excepté, ndlr), on arriverait à un chiffre total de 20.000 hommes". Un chiffre bien sûr invérifiable.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Gustave Bagayamukwe Tadji en campagne électorale en 2011 © DR

2012 : Année noire en RDC

Dans son rapport mondial annuel, Human Rights Watch (HRW) revient sur les faits marquants de l'année 2012 en République démocratique du Congo (RDC). Elections truquées, atteintes aux droits de l'homme, exactions, crimes de guerre, viols de masse, justice sélective… le constat est accablant.

Capture d’écran 2013-02-03 à 15.55.44.pngLe portrait de la République démocratique du Congo dressé par l'ONG Human Rights Watch dans son rapport sur l'année 2012 est particulièrement sombre. Les élections frauduleuses, fin 2011, suivies de violences post-électorales, ainsi que la reprise de la guerre à l'Est du pays entre le M23 et l'armée régulière, ont profondément dégradé la situation des droits de l'homme au Congo.

Violences électorales

Les élections présidentielles et législatives de novembre 2011 ont été entachées de nombreuses irrégularités et des soupçons de fraudes massives. Si le président Kabila a été déclaré vainqueur du scrutin, les observateurs internationaux ont dénoncé "le manque de transparence et de crédibilité" du processus électoral.

Human Rights Watch affirme que "les pires violences liées se sont produites dans la capitale, Kinshasa, où au moins 57 partisans ou sympathisants présumés de l'opposition ont été tués par les forces de sécurité, en grande partie par la Garde républicaine de Kabila". L'ONG a recueilli des informations crédibles faisant état "de près de 150 personnes tuées pendant cette période, dont les corps auraient été jetés dans le fleuve Congo, dans des fosses communes dans les banlieues de Kinshasa, ou dans des morgues loin du centre-ville. Des dizaines de personnes accusées de s'opposer à Kabila ont été arrêtées arbitrairement par les soldats de la Garde républicaine et la police. Un grand nombre ont été placées dans des centres de détention illégaux où elles ont été maltraitées et certaines ont été tuées".

Le M23 au banc des accusés

Les rebelles du M23, en lutte contre les autorités congolaises et l'armée régulière (FARDC), sont également la cible de l'ONG. Human Rights Watch dénonce le recrutement forcé "d'au moins 149 personnes, dont au moins 48 enfants, dans le territoire de Masisi, province du Nord-Kivu, en avril et mai 2012" par les troupes du rebelles Bosco Ntaganda. HRW accuse également le Rwanda voisin pour son aide au M23, "notamment dans la planification et le commandement des opérations militaires et la fourniture d'armes et de munitions". Et de préciser : "au moins 600 jeunes hommes et garçons ont été recrutés de force ou sous de faux prétextes au Rwanda pour rejoindre la rébellion". Le Rwanda a toujours nié ces accusations et le M23 s'est également défendu des attaques d'Human Rights Watch en remettant en cause les conditions dans lesquelles ont été recueillis ces témoignages. La rébellion a plusieurs fois demandé à la communauté internationale et aux ONG de venir contrôler la situation des droits de l'homme dans les zones qu'elle administre... en vain.

Human Rights Watch persiste et signe en rappelant que lors de la prise des villes de Goma et Sake par les rebelles, "les combattants du M23 ont commis des crimes de guerre généralisés, notamment des exécutions sommaires, des viols et le recrutement d'enfants : au moins 33 nouvelles recrues et d'autres combattants du M23 ont été exécutés alors qu'ils tentaient de fuir". Toujours selon HRW, des journalistes et des militants des droits de l'homme qui ont rendu compte des exactions du M23 "ont reçu des menaces de mort". "Des combattants du M23 ont tenté de violer une militante des droits humains dans le territoire de Rutshuru et lui ont dit qu'ils l’avaient prise pour cible en raison de son travail. Quand elle a essayé de s'enfuir, ils lui ont tiré dans la jambe", accuse l'ONG.

FDLR, Maï-Maï, LRA… and Co

Le M23 n'a pas le monopole des exactions en République démocratique du Congo. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle en majorité hutu rwandais dont certains membres ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda, ainsi que d'autres groupes armés congolais, "ont augmenté leurs activités militaires, en profitant de la montée des tensions ethniques et du vide sécuritaire créé par la focalisation de l'armée sur le M23", souligne Human Rights Watch. Les groupes d'auto-défense congolais Maï-Maï ont également commis de nombreuses exactions, comme les Raï Mutomboki. "Des centaines de civils ont été tués dans les territoires de Masisi, Walikale, Kalehe et Shabunda dans le Nord et Sud-Kivu", dans des combats entre Raïa Mutomboki, FDLR et alliés congolais. HRW précise que "le M23 a cherché à s'allier avec certains des autres groupes armés, en leur fournissant un soutien périodique ou continu".

L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), de l'ougandais Joseph Kony,  continue de semer la terreur dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo. Human Rights Watch signale "273 attaques de la LRA entre octobre 2011 et octobre 2012, au cours desquelles au moins 52 civils ont été tués et 741 autres enlevés".

Justice fantôme

L'ONG pointe également le manque d'impartialité de la justice congolaise, accusée d'être une simple courroie de transmission du régime de Kinshasa. Le procès des assassins du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana, est emblématique des carences de la justice congolaise. Si quatre policiers ont été condamnés à mort et un autre à la réclusion à perpétuité, le général John Numbi, ancien chef de police et impliqué dans l'assassinat, "n'a pas été arrêté et n’a apparemment pas fait l’objet d’une véritable enquête", dénonce le rapport d'HRW. Mais l'affaire Chebeya n'est pas la seule. Le 2 décembre 2011, les autorités judiciaires ont ouvert une enquête sur les violences électorales du 26 et du 28 novembre 2011. Un an plus tard, l'enquête n'a toujours pas avancé.

Human Rights Watch revient aussi sur le cas de Bosco Ntaganda, un des chefs rebelles du M23, accusé d'utiliser des enfants-soldats dans ses troupes. La Cour pénale internationale (CPI) est toujours à sa recherche, et la RDC ne l'a toujours pas arrêté.

Pressions américaines

La dernière partie de l'état des lieux d'Human Rights Watch en RDC est consacré à la communauté internationale. L'ONG rappelle le déploiement américain, en 2011, de 100 membres des forces spéciales dans la région pour lutter contre la LRA. Mais également la mise en place de la loi Dodd-Frank pour endiguer le commerce de minerais de guerre, en provenance de la RDC. Deux initiatives louables, mais qui peinent à prouver leur efficacité. HRW rappelle que les Etats-unis "suspendaient pour la deuxième année le financement militaire étranger, en raison de la continuation par l'armée du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldats". Et d'annoncer que  l'administration américaine avait également annoncé qu'elle "ne formerait pas un second bataillon de l'armée jusqu'à ce que la RD Congo ait signé un plan d'action de l'ONU pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats".

Un acteur essentiel n'est pas mentionné dans ce rapport d'HRW. Il s'agit de la Monusco, la mission des Nations unies au Congo. Sous le feu des critiques pour son inaction, la Monusco, forte de 17.000 hommes (dont un peu plus de 5.000 dans les Kivus), peine à trouver sa place dans le conflit. Accusée de suppléer une armée congolaise défaillante et qui n'est pas exempt d'exactions sur la population civile, l'ONU est en quête de solutions pour reprendre la main sur le terrain. Une force d'intervention rapide est à l'étude. Mais ils sont peu nombreux à croire à son efficacité… voir à sa réalité.

Avenir sombre

2013 sera-t-elle une meilleure année pour les Congolais ? Pas si sûr. Les premières ébauches de négociations à Kampala, entre le M23 et le gouvernement, sont au point mort. La majorité des observateurs doutent d'un quelconque accord en Ouganda et misent plutôt sur une reprise des hostilités autour de Goma, où plus au Sud, vers Bukavu, où la tension s'est brusquement accrue. Un nouveau mouvement rebelle a d'ailleurs vu le jour au Sud-Kivu : l'UFRC (Union des Forces Révolutionnaires du Congo). Cette coalition, présidée par Gustave Bagayamukwe Tadji, souhaite l'organisation d'"élections démocratiques" et promet qu'elle va "diriger prochainement" la province "en attendant la démission effective du régime actuel". 2013 commence bien mal.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

01 février 2013

RDC : "La violence se déplace" vers le Sud-Kivu, selon le CICR

Depuis le retrait des rebelles du M23 de la ville de Goma, fin novembre 2012, un calme précaire règne autour de la capitale du Nord-Kivu. Selon le Comité international de la Croix Rouge (CICR), «plusieurs dizaines de milliers familles déplacées continuent de souffrir» et «la violence s'est propagée» pour gagner Bukavu et le Katanga.

filtre DSC02375.jpgPendant que la rébellion du M23 et le gouvernement congolais tentent de négocier à Kampala, la situation sécuritaire reste fragile dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon le CICR la population civile continue de payer un lourd tribut au conflit qui oppose les multiples groupes armés et l'armée régulière. «Que ce soit dans la région du Masisi au Nord-Kivu, où les affrontements entre militaires et groupes armés ont continué, ou dans le Katanga où la violence est toujours présente, de nombreuses personnes, craignant pour leur sécurité, ont été forcées de se déplacer. Des actes de violence à l’égard de la population, pillages, rackets, etc., ont également été commis», explique Franz Rauchenstein, le chef de la délégation du CICR en République démocratique du Congo.

Si la situation reste calme autour de la ville de Goma, depuis le retrait des rebelles du M23, l'insécurité s'est déplacée et gagne désormais le Sud-Kivu, relativement épargné jusque là. Selon Laetitia Courtois, chef de la sous-délégation du CICR de la province, «on observe aujourd'hui un regain d'hostilités entre groupes armés. Les combats se rapprochent de plus en plus de la ville de Bukavu, et des zones très reculées, comme les territoires de Kalehe, au nord de Bukavu, et de Walungu / Shabunda, au sud-ouest, sont également touchées par les affrontements.»

Au Katanga, un peu plus au Sud, la situation «se dégrade», selon le CICR. La violence augmente et les déplacements de populations aussi. Dans la localité de Bunkeya au nord de Likasi, la Croix-Rouge de la RDC «a distribué des articles de première nécessité (casseroles, houes, bâches, habits) à plus de 850 personnes déplacées par les violences plus au nord, dans le territoire de Mitwaba. Mais ces familles ont dû fuir à nouveau en raison d'affrontements à Bunkeya.»

Alors que les négociations de Kampala entre M23 et gouvernement congolais sont toujours dans l'impasse, de nombreux observateurs internationaux craignent le retour des combats à l'Est, avec un risque d'embrasement au Sud-Kivu, au Katanga, mais aussi au plus au Nord, dans le Masisi et en Ituri. Une crainte qui correspond aux inquiétudes du CICR dans ces zones.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

RDC : Le M23 cherche de nouveaux alliés

Alors que la possibilité d'un accord s'éloigne entre les rebelles du M23 et le gouvernement congolais, de nouveaux acteurs font leur entrée dans le conflit du Kivu : l'Afrique du Sud, la Tanzanie et le Congo-Brazzaville. Le M23 compte sur ces  pays pour contraindre Kinshasa au compromis politique.

filtre DSC04014.jpgLes deux discours sont toujours irréconciliables. La rébellion du M23 demande un changement de régime à Kinshasa, assorti du départ du président Joseph Kabila, alors que le gouvernement congolais refuse toute "négociation politique" et attend l'arrivée d'une hypothétique force internationale neutre (FIN). Mais au mini-sommet de l'Union africaine ce week-end à Addis-Abeba, la création d'une force neutre s'est peu à peu éloignée… Aucun accord n'a été signé. "Questions de procédures",  selon Ban Ki-moon, le patron de l'ONU. En cause : les contours de la force neutre. L'ONU veut l'intégrer au sein de la Monusco, la mission des Nations unies en RDC. Mais la Tanzanie et l'Afrique du sud, susceptibles d'alimenter cette force, refusent. Selon la SADC, l'organisation régionale, dont l'Afrique du Sud et la Tanzanie sont membres, ces pays préféreraient avoir "les mains libres" et "piloter seuls" la force neutre. Résultats : Kinshasa n'est pas prêt de voir une telle force venir s'interposer à l'Est de la RDC entre l'armée congolaise et les rebelles du M23.

L'option sud africaine

Un projet de force neutre qui s'éloigne… et le M23 qui reprend confiance. L'abandon provisoire de cette force est un coup dur pour les autorités congolaises, mais constitue une occasion en or pour la rébellion de se chercher de nouveaux alliés. Une délégation rebelle, avec le député congolais Roger Lumbala à sa tête, aurait décidé de se rendre dans la capitale sud africaine. Accompagné d'Antipas Mbuasa Nyamwisi, ancien ministre des affaires étrangères et de Deogracias Bugera, ancien proche de Laurent Désiré Kabila, Roger Lumbala serait venu défendre la cause du M23 auprès des autorités sud africaines. Prétoria n'a pas été choisie au hasard par les rebelles congolais. L'Afrique du Sud est l'un des poids lourds du continent et a joué, par le passé, plusieurs fois le rôle de médiateur. L'accord de 2002, signé à Sun City, institua le fameux "1+4" (1 président et 4 vices présidents) et a permis d'amorcer une période de transition politique. L'Afrique du sud pourrait constituer un "allié" important du M23 pour les mois suivants, qui s'annoncent délicats… surtout si les événements venaient à mal tourner du côté du Goma. La capitale provinciale du Nord-Kivu est toujours à portée de fusils des rebelles, qui campent à Munigi… à moins de 5 km du centre-ville.

Sassou à la manoeuvre

Après l'Afrique du Sud, la Tanzanie, absente un temps sur le plan régional, chercherait  à revenir sur le devant de la scène. Le conflit congolais constituerait une excellente "opportunité" de jouer un rôle régional majeur dans la crise des Grands Lacs. Mais la surprise pourrait venir du Congo-Brazzavile, qui se verrait bien "indispensable" dans un certain nombre de crises, comme la Centrafrique, où Sassou Nguesso à joué les facilitateurs "à poigne" entre Bozizé et la Séléka. L'arrivée de Sassou Nguesso dans le dossier congolais est intervenue en deux temps. Très "distant" avec le président Kabila, il s'est d'abord rapproché de Paul Kagame, le président rwandais, accusé de soutenir les rebelles du M23. En août 2012, alors que le Kivu s'enflammait de nouveau, avec l'offensive du M23 sur l'armée régulière, Sassou et Kagame mettaient en place des "axes de coopérations prioritaires" dans le tourisme, le transport (lignes aériennes), l'environnement et l'habitat. Du côté de Kinshasa, les commentateurs trouvaient cette manoeuvre diplomatique "un peu suspecte" en des temps si troublés. Après une brève rencontre avec le président Kabila, le 19 janvier dernier, Sassou Nguesso, laissé entendre qu'il pourrait organiser "une rencontre à trois", avec Paul Kagame, Joseph Kabila et lui-même, pour "résoudre efficacement la crise sécuritaire" en RDC. Sassou souhaite une sortie de crise "négociée" entre les deux parties et il est fort à parier qu'après l'Afrique du Sud et la Tanzanie, une délégation du M23 débarque à Brazzaville pour plaider sa cause.

L'échec annoncé de Kampala risque donc de donné lieu à un scénario en deux actes : tout d'abord une reprise des affrontements autour de Goma et Bukavu et ensuite, un second round de négociations, où, en plus du Rwanda et de l'Ouganda, on risque de retrouver l'Afrique du Sud, la Tanzanie et le Congo-Brazzaville à la manoeuvre. Mais attention, il n'y aura pas de place pour tout le monde.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com