30 octobre 2012
"Sur la piste des tueurs rwandais" : Un livre-enquête de Maria Malagardis
Accusés de génocide au Rwanda, une vingtaine de suspects rwandais coulent des jours paisibles en France, en toute impunité. Dans son livre, Maria Malagardis, raconte le combat pour la justice de Dafroza et Alain Gauthier. Depuis 2001, ce couple franco-rwandais exemplaire se bat pour que ces rwandais soient enfin jugés. Un récit à la fois serein et porté par une indignation maîtrisée, qui laisse apparaître l'incurie judicaire française, ainsi que la responsabilité de la France dans le génocide rwandais.
Après le génocide des Tutsis du Rwanda en 1994, ses organisateurs se sont généralement enfuis à l'étranger, hors de portée de la justice de leur pays. En dix-huit années, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), institué par l'organisation des Nations unies dès le mois de novembre 1994, est parvenu laborieusement à mettre la main sur une soixantaine des principaux suspects et à les juger. Mais beaucoup d'autres courent toujours, notamment des personnes que l'on peut classer "de rang moyen", celles qui n'auraient ordonné "que" (!) des massacres de quelques centaines ou quelques milliers de personnes.
Le TPIR n'a ni les ressources ni la vocation de tous les juger. Pour que justice se fasse, ces "suspects de génocide" devraient donc se voir extradés vers le Rwanda, ou bien être jugés dans leur pays d'accueil. Certains Etats européens estiment que les standards judiciaires au Rwanda ne permettaient pas l'extradition, bien que la peine de mort y ait été abolie. En Belgique, en Suisse, en Norvège, au Canada, etc., des fugitifs rwandais contre qui pesaient de très lourdes charges ont été interpellés, jugés et condamnés. Au total, une dizaine de pays occidentaux se sont engagés dans ces processus judiciaires qui permettent de faire comparaître les auteurs présumés du "crime des crimes", au nom des principes universels adoptés par les Etats depuis la Seconde Guerre mondiale. Et le cas échéant de les sanctionner.
Une garantie d’impunité à la française : « Ni juger, ni extrader »
Dans ce concert des nations, la France, généralement empressée à s'autoglorifier "le Pays des droits de l'Homme", fait bande à part. C'est en France que se sont réfugiés la plupart des responsables rwandais soupçonnés d'avoir planifié et dirigé des crimes de masse épouvantables ou d’y avoir participé. Et pourtant l'État français et son ministère de la Justice se sont longtemps gardé de mettre en oeuvre les procédures appropriées, lorsqu’ils ne se sont pas évertués à ralentir sournoisement ces procédures. On pourrait résumer ainsi cette garantie d’impunité à la française : « Ni juger, ni extrader ». L’Argentine ne procédait pas autrement avec les Nazis en fuite.
Le substitut d’« enquêtes préliminaires » que le Parquet « oubliait » d’ordonner.
En 1994, Maria, Malagardis rendait compte dans La Croix du génocide des Tutsi et du massacre politique des Hutu démocrates (au total entre 800 000 et 1 million de morts en cent jours). Auteur de plusieurs livres sur le génocide[1], dorénavant journaliste à Libération, elle relate dans un ouvrage à la fois serein et porté par une indignation maîtrisée le combat pour la justice d'un couple franco-rwandais exemplaire, Dafroza et Alain Gauthier. Beaucoup de membres de leur famille rwandaise ont été assassinés en 1994. Pour en finir avec l’impunité, Dafroza et Alain réfléchissaient au moyen de pousser la justice française à sortir de sa léthargie. Ils ont fini par créer en 2001 une association, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) qui a engagé les premières investigations sur des suspects repérés en France et justifié des dépôts de plaintes. En quelque sorte le substitut d’« enquêtes préliminaires » que le Parquet « oubliait » d’ordonner.
Le docteur Munyemana a constitué son fan-club, comme le Père Munyeshyaka
Si Alain et Dafroza ont constitué des dossiers sur une vingtaine de suspects rwandais qui semblent couler des jours paisibles en France, Maria Malagardis concentre son récit sur la traque de quelques personnages emblématiques. A titre personnel, nous connaissons bien le cas de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, exfiltré d’un camp de réfugié au Zaïre par deux évêques français. Aujourd’hui prêtre coopérateur et aumônier des scouts à Gisors, dans l’Eure, cet homme accusé notamment d’avoir violé à l’église Sainte-Famille à Kigali des paroissiennes qui voulaient sauver leur vie et persécuté les hommes tutsi n’hésite pas à appeler la gendarmerie locale lorsqu’il voit poindre un journaliste. D’accusé il se fait volontiers accusateur et trouve des âmes simples pour le portraiturer en héros. Il est vrai que son dossier comporte aussi des témoins de moralité comme s’il en pleuvait.
Autres personnages que l’on dirait pittoresques si le fond du décor n’était creusé de charniers, deux médecins. D’abord le docteur Eugène Rwamucyo, secrétaire de rédaction du magazine extrémiste Kangura qui au Rwanda de 1990 à 1994 préparait les esprits à la transgression du « tu ne tueras point » et attisant la haine « raciale » contre les Tutsis. « Un génocide ne survient jamais sans prévenir, sans signes annonciateurs. Bien plus, il s’affirme par étapes : on teste les réactions aux violences », observe Maria Malagardis.
Prêtres, religieuses, instituteurs, médecins : le creuset de haine où se concoctait le génocide faisait appel aux intrants socio-professionnels les plus inattendus, et souvent les plus doués, les plus manipulateurs. Résultat de presque dix-huit ans d’inertie judiciaire, le docteur Sosthème Munyemana, médecin gynécologue du côté de Toulouse, qui aurait organisé des tueries, récuse tout. Il a constitué son fan-club, comme le Père Munyeshyaka. Pourtant son dossier serait aujourd’hui le plus étayé, et il n’est pas impossible qu’un rendez-vous lui soit accordé devant une cour d’assises en 2013. Il sera plus difficile de réunir des « preuves », au sens classique du terme, contre Agathe Habyarimana, « la veuve noire », soupçonnée d’avoir orchestré au plus haut niveau la préparation du génocide. Même les enquêteurs du TPIR ont baissé les bras devant l’opacité du réseau de l’Akazu (la maisonnée présidentielle) qu’elle ne régentait qu’oralement. On entend des vérité chuchotées, on comprend aussi l’indiscible à la lecture de « Sur la piste des tueurs rwandais », ce n’est pas le moindre mérite de l’auteur.
Maria Malagardis évoque d’autres personnages sombres et inquiétants. Elle-même domine cette seconde tragédie de l’incurie judiciaire française d’une plume magnifique, frémissante et trempée d’espoir. Si l’Etat français porte une lourde responsabilité dans le génocide des Tutsi, et si les réseaux omniscients de la « Françafrique » ont pris le relais, réussissant durablement à maintenir en échec la vérité, la morale et la justice, le combat d’Alain et Dafroza Gauthier et de quelques autres a fini par porter. Pour comprendre le génocide de 1994 et accepter de porter notre part de croix, il faut lire et faire lire « Sur la piste des tueurs rwandais ».
Jean-François DUPAQUIER
Maria MALAGARDIS, Sur la piste des tueurs rwandais, Ed Flammarion.
[1] Maria MALAGARDIS, Rwanda, le jour d'après, Ed. Somogy, 1995 ; Maria MALAGARDIS, Des héros ordinaires, Ed. Les Arènes, 2009.
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28 octobre 2012
RDC : Les groupes armés prolifèrent au Nord-Kivu
Depuis la création de la rébellion du M23 et le retour de la guerre à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), de nouveaux groupes armés ont fait leur apparition. Une trentaine de rébellions sévissent actuellement dans les Kivus. La dernière en date se nomme l'URDC, Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo.
Chaque semaine qui passe aux Kivus, voit la création d'un nouveau groupe armé. Depuis la mutinerie du M23, en guerre contre l'armée régulière de Kinshasa, les rébellions se multiplient à l'Est de la RDC. On compte actuellement une trentaine de mouvements rebelles dans la région, allant de quelques centaines d'hommes à quelques milliers. Les alliances varient avec le temps et les circonstances. La majorité de ces mouvements ont pourtant un "ennemi" en commun : les FARDC, l'armée régulière congolaise. Les victimes de ces groupes sont toujours les mêmes : la population civile, prise entre deux feux. Pillages, vols, viols, les exactions de ces milices ont jeté sur les routes et dans les camps, des milliers de réfugiés. Depuis le mois de mai et la création du M23, les combats ont fait plus de 300.000 déplacés dans l'Est du pays.
URDC, Raïa Mukombozi...
Le dernier né de ces groupes s'appelle l'URDC, l'Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo. Ces rebelles se trouvent à Beni, au Nord-Kivu et sont basés dans les collines de Ruwenzori et Graben. Selon la radio onusienne Okapi, un des responsables du groupe serait le colonel Jacques Tahanga Nyolo, un officier déserteur de l'armée régulière (comme la plupart des rebelles), issu d'une branche du RCD-KML. Comme bon nombre de nouvelles rébellions, l'URDC se dit "en contact" avec le M23, le "mouvement-phare" du Nord-Kivu. Le RCD-KML a rejeté la paternité du groupe et a toujours nié tout rapprochement avec le M23, formé de déserteurs de l'armée et soutenu par le Rwanda voisin. L'URDC revendique "la réhabilitation de la démocratie et de la vérité des urnes", entendez le départ de Joseph Kabila.
Le semaine dernière, un autre groupe armé a vu le jour dans le territoire de Shabunda au Sud-Kivu : les Raïa Mukombozi, un groupe d'auto-défense Maï-Maï issu des Raïa Mutomboki, qui contrôlent de nombreux sites miniers. Ce nouveau mouvement, entré en dissidence il y a quelques semaines, souhaite combattre les Raïa Mutomboki et s'emparer de leurs territoires, riches en minerais. Le contrôle des ressources naturelles du sous-sol congolais constitue l'une des causes du conflit au Nord et Sud-Kivu. S'il ne constitue pas le moteur de la guerre, il en est assurément le principal carburant.
Une armée congolaise en décomposition
La focalisation de la communauté internationale et des médias sur la rébellion du M23, cache une réalité plus complexe sur le terrain. La prolifération de ces mouvements révèle avant tout les carences de l'Etat dans les provinces et particulièrement l'absence d'une armée digne de ce nom. Faute de moyens, de paie et d'un véritable commandement, les FARDC, sont toujours incapables d'assurer la sécurité de la population. Pire, l'armée régulière se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils.
Une trentaine de factions se battent désormais dans les Kivus depuis l'apparition du M23. Le retour de la guerre a favorisé la création de nouvelles rébellions qui profitent du chaos ambiant pour régner en maître sur les territoires... et leurs richesses. Des alliances se sont créées entre ces mouvements, souvent contre-nature. Le M23, dont le nombre d'hommes oscillerait entre 1000 et 2000 hommes a été rejoint par plusieurs groupes d'auto-défense, comme les Pareco, les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Raïa Mutomboki. Au Sud-Kivu, on trouve les Maï-Maï Yakutumba, les Maï-Maï Nyatura et les Mudundu 40. En Ituri, les FRPI, du chef milicien Cobra Matata règnent sur la région, contrôlent les taxes et l'argent du Trésor. Au Kasaï-Oriental, le colonel Tshibangu a fait défection de l'armée régulière et a tenté une offensive début octobre.
FDLR : supplétifs de l'armée congolaise ?
Face à ces multiples rébellions hostiles à Kinshasa, on trouve d'autres rebelles : les FDLR. Le plus grand groupe armé présent à l'Est, est composé aujourd'hui d'environ 3000 hommes (contre 7000 il y a encore quelques années). Ce mouvement rassemble des Hutus rwandais et des Congolais, opposés au régime rwandais de Paul Kagame, depuis la fin du génocide de 1994. Défendant les intérêts hutus et combattant les minorités tutsies congolaises (défendues par le M23) les FDLR ont été longtemps utilisés comme supplétifs à l'armée régulière. Aujourd'hui encore, le M23 accuse le gouvernement congolais d'utiliser les FDLR pour les combattre au Nord-Kivu.
Objectif commnun : le départ de Joseph Kabila
Dans ce chaos permanent depuis presque 20 ans, les deux Kivus restent le "terrain de jeu" idéal des "aventuriers" divers et des "apprentis rebelles". Si chacun de ces mouvements ne représentent tout au plus qu'une centaine d'hommes, des alliances se nouent et se coordonnent de plus en plus. Pour l'instant leurs znoes d'influences ne dépassent pas quelques territoires. Mais dans ces mouvances rebelles, seul le M23, toujours installé aux portes de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, est en mesure d'ébranler le régime de Joseph Kabila. Signe des temps et de la montée en puissance du mouvement : la majorité des nouveaux groupes armés se sont rapprochés du M23. Le Mouvement du 23 mars peut désormais compter sur ces alliés (certes de circonstances) pour gagner des régions, les placer sous contrôle et fragiliser ainsi l'autorité de Kinshasa. Car cet assemblage hétéroclite de rébellions partage au moins un objectif commun : le départ du président Joseph Kabila.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : © Ch. Rigaud - Kinshasa 2006 - www.afrikarabia.com
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27 octobre 2012
Burundi : Vers une dérive autoritaire ?
A la veille de la conférence de Genève des partenaires au développement du Burundi, International Crisis Group (ICG) s'inquiète de la dérive autoritaire du gouvernement et du retour de la violence politique. ICG accuse Bujumbura d'avoir mis en coupe réglée les institutions et rompu le dialogue avec l'opposition. Une dégradation politique qui "risque de compromettre la préparation des élections de 2015".
Les 29 et 30 octobre prochains, se tiendra à Genève une conférence des donateurs du Burundi. L'objectif affiché par les autorités burundaises est de permettre aux potentiels investisseurs "de saisir les enjeux et les opportunités liés au développement futur du Burundi". Le président Nkurunziza souhaite par la même occasion, financer le CSLPII, le cadre stratégique pour la lutte contre la pauvreté. Mais le contexte est délicat.
Au Burundi, la situation politique ne s'est toujours pas normalisée depuis les élections de 2010. Le boycott du scrutin par l'opposition et la "mainmise du gouvernement sur les institutions" avaient généré des violences "alimentées aussi bien par le pouvoir que l'opposition". Plusieurs responsables de l'opposition se sont exilés, les groupes armés ont fait leur retour, la répression et l'intimidation aussi.
Le dernier rapport d'International Crisis Group (ICG) dénonce le "monopartisme de fait" du CNDD-FDD, le parti majoritaire du président Nkurunziza. Un parti omniprésent dans les institutions burundaises, caractérisé par "la fin du dialogue" entre l’opposition et la majorité. Selon ICG, "le système de partage du pouvoir conçu à Arusha", aurait été "vidé de sa substance" et se traduit par "le retour de la violence politique"… de bien mauvaise augure pour les prochaines élections fixées en 2015.
Selon International Crisis Group, la seule porte de sortie de la crise qui couve à Bujumbura passe par la reprise d'un "dialogue inclusif", le respect de la minorité politique et la garantie du pluralisme. Le gouvernement burundais doit également "mettre l'accent sur le retour des dirigeants de l'opposition" actuellement en exil. A l'opposition, ICG demande également de prendre ses responsabilités et de "renoncer à la violence" et à ne pas "remettre en cause les résultats des élections de 2010". Crisis Group dénonce enfin les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse au Burundi. Les responsables de médias et les journalistes proches de l'opposition sont régulièrement convoqués par le parquet. ICG souhaite que la communauté internationale et en particulier les Etats-Unis, l'ONU et l'Union européenne, prennent "publiquement position pour la dépénalisation des délits de presse" et favorisent "le pluralisme des médias".
Les autorités burundaises n'ont pas tardé à répondre au rapport du think tank. Bujumbura rejette en bloc les accusations d'ICG. Sur le respect des accords d'Arusha, le gouvernement qualifie l'analyse du centre de recherche d'"anachronique" et explique que "l’environnement des négociations a évolué, en même temps que les acteurs". Selon Bujumbura, "les équilibres prônés par ces accords tant sur le plan ethnique que du genre sont rigoureusement respectés au niveau de toutes les institutions". Alors qu'International Crisis Group demande aux bailleurs de faire pression et de veiller au retour du dialogue politique au Burundi, le gouvernement souhaite que ses partenaires "tiennent compte des véritables avancées du Burundi dans son programme de reconstruction".
Après deux ans d'impasse politique et une opposition "affaiblie", le Burundi est à la croisée des chemins. Le rapport d'ICG tente de montrer qu'une "ouverture est possible" et que la préservation des acquis d'Arusha est une nécessité pour réussir une véritable "consolidation de la paix"… les futurs donateurs et investisseurs de la conférence de Genève sont désormais prévenus.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Le rapport complet d'International Crisis Group est téléchargeable ici.
23:16 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)
25 octobre 2012
Doing Business 2013 : La RDC à la traîne
Classée 181ème pays sur 185, la République démocratique du Congo (RDC) peine à améliorer son climat des affaires. La RDC perd une place dans le nouveau classement de la Banque mondiale. Corruption et mauvaise gouvernance expliquent les mauvais résultats de la RDC. Le gouvernement congolais promet que les réformes en cours porteront leurs fruits sur le classement 2014.
Cantonnée au fond du classement Doing Business depuis plusieurs années, la République démocratique du Congo recule d'une place dans l'édition 2013. La RDC est placée à la 181ème position sur 185. Le classement de la Banque mondiale est basé sur dix indicateurs : la création des entreprises, l'octroi des permis de conduire, le raccordement à l'électricité, le transfert des propriétés, l'obtention des prêts, la protection des investisseurs, le paiement des impôts, le commerce transfrontalier, l'exécution de contrat et le règlement de l'insolvabilité.
Les raisons du mauvais climat des affaires qui règne en RDC sont connues depuis longtemps : corruption et mauvaise gouvernance. En République démocratique du Congo, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique. Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.
Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.
Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite dernièrement à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. "Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat", a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.
Pourtant, le gouvernement congolais affirme avoir fait de nombreux efforts. Plusieurs réformes ont été lancées récemment : un nouveau code des douanes, la mise en place récente de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ainsi qu'un "remodelage" du code minier de 2002. Les autorités congolaises ont également mis en place récemment un Comité de pilotage pour l'amélioration du climat des affaires et des investissements (CPACAI). En avril, la RDC a aussi adhéré à l'OHADA, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Le Comité de pilotage estime que la RDC est "sur la bonne voie" et que "le rapport Doin Business 2014 sera totalement différent. Des réformées courageuses ont été initiées". Prenons donc rendez-vous pour l'année prochaine. Mais, pour ne parler que du code des douanes, sa réforme était déjà en cours en 2005, lors de mon premier voyage en RDC, sous la houlette du ministre des finances de l'époque, André-Philippe Futa. Et depuis cette date… peu de progrès ont été réalisés.
Paradoxe du classement, le Rwanda voisin est classé dans les 3 pays d'Afrique les mieux placés. Le Rwanda est également cités en exemple par la Banque mondiale pour sa réussite économique. Kigali est surtout accusé par un rapport des Nations-unies de soutenir la rébellion du M23 à l'Est et de "s'approvisionner" en matières premières dans les Kivus, riches en minerais… ceci explique peut-être cela.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Le rapport Doing Business est téléchargeable ici.
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22 octobre 2012
RDC : Le M23 élargit ses alliances militaires
Le mouvement rebelle M23 a réorganisé ce week-end sa branche armée. L'Armée nationale congolaise (ANC), l'aile militaire de l'ex-CNDP a été rebaptisée Armée révolutionnaire du Congo (ARC). Un changement de nom qui officialise les nouvelles alliances du M23 avec d'autres groupes armés comme les Pareco ou les Raïa Mutomboki.
Les changements de sigles des mouvements rebelles sont légions en République démocratique du Congo (RDC). Une habitude qui traduit les multiples renversements d'alliances entre groupes armés, mais aussi la volonté de brouiller les pistes quand les circonstances l'exigent. Rien de tout cela dans la transformation de l'ANC (Armée nationale congolaise) en ARC (Armée révolutionnaire du Congo), mais la nuance est subtile et mérite une explication. Même la dépêche de l'AFP annonçant la nouvelle, se prend les pieds dans le tapis en affirmant que "le M23 devient l'Armée révolutionnaire du Congo". Renseignements pris auprès du M23, le Mouvement du 23 mars garde bien son nom, seule sa branche militaire est rebaptisée.
L'ANC était en effet le "bras armé" de l'ex-CNDP, une ancienne rébellion dont est issu le M23. Les rébellions ont toujours eu un malin plaisir à dissocier les branches militaires et politiques de leurs mouvements, même si le politique est le plus souvent une simple marionnette aux mains des militaires. Si le M23 est essentiellement composé d'ex-membres du CNDP, son aile militaire, l'ANC, n'était plus représentative des nombreuses alliances liées par le M23 avec les autres groupes armés du Nord-Kivu. La création de l'ARC ce week-end répond donc à une nouvelle donne militaire. L'Armée révolutionnaire congolaise, la nouvelle structure, prend donc en compte les nouveaux alliés du M23. Dans cette liste non exhaustive on trouve de nombreux groupes d'autodéfense congolais, comme les Pareco (Patriotes Résistants Congolais), les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Maï-Maï Mutomboki. Si l'alliance de ces groupes hétéroclites peut paraître "de circonstance", ils ont tous au moins un point commun : la lutte contre le régime de Joseph Kabila et la volonté de le renverser.
Autre nouveauté au sein du M23. Samedi à Bungana, en plein fief rebelle, le président du mouvement, Jean-Marie Runiga, a également annoncé la nomination du colonel Sultani Makenga au rang de "général de brigade". Une manière d'officialiser le leadership de Makenga sur les autres groupes armés, commandés de nombreux "colonels".
La création de l'ARC et l'élévation de Makenga au grade de général de brigade constituent deux signaux forts en direction de Kinshasa, alors que les négociations ne sont toujours pas entamées à Kampala. Premier signal : le M23 possède des alliés capables de le suivre au cas où les choses tourneraient mal sur le terrain militaire. Deuxième signal : Sultani Makenga et les "militaires" du mouvement sont bien les maîtres de la rébellion et sont visiblement prêts à en découdre avec Kinshasa. Depuis 3 mois, le M23, qui contrôle une partie du Nord-Kivu, attendait une avancée diplomatique ou un geste de Kinshasa, qui n'est finalement jamais venue. Un officier rebelle nous confiait qu'il s'agissait de "3 mois perdus" et cachait mal son impatience. Au Nord-Kivu, la situation militaire est toujours figée. Jusque quand ? Le M23 campe à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma, qu'ils menacent de prendre. Dans un communiqué, les autorités congolaises ont dénoncé samedi de nouveaux mouvements de troupes de l'armée régulières rwandaises à Rutshuru, un des fiefs du M23. Le porte-parole du gouvernement accuse le Rwanda de venir en aide aux rebelles et de préparer une nouvelle attaque dans cette zone. Le Rwanda a de nouveau été accusé par un rapport de l'ONU de soutenir le M23. Il est donc fort à parier que le statu quo ne tiendra pas longtemps.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Site internet du M23 © DR
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17 octobre 2012
Affaire Chebeya : la piste Kabila
Un policier congolais, témoin de l'assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, a affirmé sur Radio France Internationale (RFI), que le meurtre aurait été commandité par le président congolais Joseph Kabila lui-même. Une accusation qui relance l'affaire Chebeya, à moins d'une semaine de la reprise du procès.
Revoilà Paul Mwilambwe. Témoin clé dans l'affaire de l'assassinat du célèbre militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, Mwilambwe précise ses accusations au micro de RFI. Ce Major de la police, ancien agent de renseignement et chargé de la sécurité des locaux où Chebeya, avait déjà témoigné dans le film du cinéaste Thierry Michel, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?". Dans ce documentaire, Mwilambwe accusait le chef de la police congolaise, John Numbi, d'avoir ordonné l'élimination de Chebeya. John Numbi fait partie du premier cercle des proches du président Joseph Kabila. Mwilambwe avait également révélé le mobile du meurtre. Selon le policier, Chebeya avait en sa possession des documents accablants pour les autorités congolaises concernant la répression des membres du Bundu Dia Kongo (BDK) en 2007 et 2008. Les policiers du Bataillon Simba seraient à l'origine des massacres dans la province du Bas-Congo. Et toujours d'après Mwilambwe, Chebeya tenait ces documents de l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, un ancien bras droit de Kabila passé à l'opposition.
Concernant l'assassinat de Floribert Chebeya, Paul Mwilambwe affirmait que le militant des droits de l'homme avait été étouffé à l'aide d'un sac plastique et de scotch. Il déclarait avoir vu le corps de Fidèle Bazana, le chauffeur de Chebeya, qui n'a jamais été retrouvé. Au cinéaste Thierry Michel, Mwilambwbe avait même donné le lieu exact de son inhumation, dans une ferme d'un officier proche de John Numbi à Kinshasa. Quelques jours plus tard, le policier avait été enlevé par la police, de peur qu'il ne parle. Mwilambwe a réussi à s'évader et se cache actuellement dans un pays d'Afrique.
Dans la nouvelle interview, diffusée ce mercredi sur RFI, Paul Mwilambwe va plus loin et précise ses accusations. Pour le policier, il y a un donneur d'ordre derrière John Numbi et il se nomme : Joseph Kabila. Un des policiers, ayant participé au meurtre de Chebeya et Bazana, le "Major Christian" aurait affirmé à Mwilambwe : "j’ai reçu l’ordre du président de la République (Joseph Kabila, ndrl) par le canal du général Numbi". Avec la mise en accusation de Joseph Kabila, Paul Mwilambwe relance donc l'affaire Chebeya, qui deviendrait donc réellement "un crime d'Etat", si on reprend le titre du film de Thierry Michel.
En 2011, la justice congolaise a condamné à mort le colonel Mukalay, numéro 2 de la police, ainsi que les 3 policiers en fuite, jugés par contumace. Un autre policier a été condamné à la prison à perpétuité et trois autres ont été acquittés. Pour l'instant le général Numbi, suspendu de ses fonctions depuis l'affaire, n'a toujours pas été interrogé par la justice congolaise. Un "scandale" selon les parties civiles, qui le considèrent comme le suspect numéro 1. La Cour devrait rendre son avis sur le "cas Numbi" le 23 octobre lors de la reprise du procès.
Après la diffusion de l'interview de Paul Mwilambwe sur RFI, les autorités congolaises ont dénoncé "un lynchage médiatique" par un témoin qui a "fuit la justice de son pays et qui ne se confie qu'à des médias français". Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, Mwilambwe "aurait vu quelqu’un qui aurait vu le général Numbi, qui aurait dit que le président Kabila aurait donné les ordres. Même devant un petit juge de quartier, cela ne tient pas la route".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Floribert Chebeya © DR
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15 octobre 2012
RDC : Un Sommet pour rien ?
Le 14ème Sommet de la Francophonie s'est clôturé dimanche 14 octobre à Kinshasa. Sans surprise, Paris et Kinshasa ont joué leur partition : François Hollande défendant les "valeurs de la Francophonie" et les droits de l'homme et Joseph Kabila, droit dans ses bottes, et "pas du tout complexé par le niveau de démocratie" de son pays. A l'heure des bilans, que doit-on retenir du ce Sommet ?
La tension était au rendez-vous samedi à Kinshasa. Poignée de main pas vraiment franche, sourires crispés, François Hollande et Joseph Kabila ont joué à fleuret moucheté par discours interposés. François Hollande avait pris soin de "déminer" le terrain quelques jours avant son arrivée en déclarant que "la situation en RDC était tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l'opposition". A Kinshasa, les propos ont été plus "mesurés", diplomatie oblige. Mais François Hollande a gardé le cap : "tout dire" au président Kabila. En retour, le président français a eu droit à un discours très ironique de Joseph Kabila : "nous pratiquons la démocratie dans ce pays par conviction. Conviction, et non pas par contrainte". Voilà pour les paroles.
Quelles sont les leçons de ce Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), outre la libération "surprise" de Diomi Ndongala, un opposant détenu au secret depuis 4 mois et "mystérieusement" relâché 24 heures avec le Sommet, la visite de François Hollande a été porteuse de 3 bonnes nouvelles. La première est que le président français "a brisé le consensus du silence des Occidentaux sur le régime congolais". Selon ce chercheur, François Hollande a été "clair et sans ambiguïté, contrairement à d'autres diplomaties européennes qui sont en permanence dans l'ambiguïté et soutiennent à la fois l'oppresseur et l'opprimé". Deuxième bon point pour le président français : l'accent mis sur "la nécessité du soutien à la société civile qui est fondamentale pour la démocratisation de la RDC". Et enfin, toujours d'après Thierry Vircoulon, François Hollande "a été moteur pour l'adoption de la recommandation de l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) concernant l'adoption de sanctions par l'ONU à l'encontre de tous ceux qui soutiennent des groupes armés dans l'Est de la RDC".
Les paris gagnés et perdus de Joseph Kabila
Le Mali mis à part (la Francophonie a soutenu le principe d'une intervention armée), les sanctions ciblées contre les responsables d’exactions, ainsi que la poursuite en justice des criminels de guerre au Nord-Kivu, ont été l'une des résolutions prises à Kinshasa. Cette décision constitue d'ailleurs la principale "victoire" de Kinshasa au Sommet.
Pour François Muamba, ancien ministre du MLC de Jean-Pierre Bemba et aujourd'hui président de son propre parti, l'ADR (Alliance pour le Développement et la République), la condamnation de l'agression à l'Est est trop timide. Le Sommet était "une opportunité, pour la RDC, d'obtenir un engagement fort de la Communauté francophone à l'aider à dégager de son sol les forces négatives". François Muamba dénonce les "résolutions polies (…) laissant seule la partie congolaise résoudre l'agression extérieure dont elle est victime". "Il est vérifié qu'aucun pays au monde ne peut trouver de salut, s'il est dans l'obligation de sous-traiter sa défense et sa sécurité" estime-t-il. Côté politique, François Muamba est plus positif. Selon lui, force est de constater que le président Kabila a gagné plusieurs paris. Pari sécuritaire et logistique, mais surtout politique Selon François Muamba, qui rappelons-le est toujours dans l'opposition, Joseph Kabila a su montrer aux caméras du monde entier, que "les affres électoraux de l'année dernière appartenaient désormais au passé". François Muamba note que le fait que "François Hollande ait pu défendre les thèses soutenues par l'opposition congolaise à Kinshasa" sans ouvrir de crise diplomatique entre la France et la RDC est "un hommage de démocrate de François Hollande rendu à Joseph Kabila".
Les droits de l'homme au coeur de la Francophonie
Depuis Paris, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, responsable d'opposition du RDPC, est avant tout satisfait que "la démocratie et les droits fondamentaux aient occupé une place prépondérante". Favorable à la tenue du Sommet à Kinshasa, contrairement à la majorité de l'opposition qui demandait sa délocalisation, Lonsi Koko a beaucoup apprécié la position du président français sur le risque de balkanisation de la RDC. Pour François Hollande, les "frontières héritées de la colonisation sont intangibles", prenant ainsi le contre-pied de Nicolas Sarkozy qui souhaitait un "partage des richesses congolaises" avec le Rwanda. Depuis plus de 6 mois, l'Est du pays est en effet en proie à une rébellion qui menacent de prendre le contrôle du Nord-Kivu.
Même son de cloche pour Paul Nsapu, défenseur des droits de l'homme. Le secrétaire général de la FIDH (Fédération international des droits de l'homme)s'estime lui aussi satisfait de la visite du président Hollande, "les droits de l'homme ayant été au centre du déplacement présidentiel". Pour autant, Paul Nsapu reste sur sa fin concernant les promesses du gouvernement congolais. Kinshasa n'a pas donné suite à la demande de libération de prisonniers politiques et pendant le Sommet de la Francophonie, "il y a eu des violations des droits de l'homme" (des manifestants de l'UDPS ont été violemment dispersés lors de manifestations). Ce qui est positif pour Paul Nsapu, c'est que maintenant, "la communauté internationale sera plus regardante sur le procès Chebeya en cours". Depuis l'assassinat du défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya en juin 2010, un proche du président Kabila, John Numbi, soupçonné d'être le principal commanditaire du meurtre, n'est toujours pas sur le banc des accusés. Le 23 octobre prochain la Cour militaire doit statuer sur son sort.
Quelles seront les retombées du Sommet ?
Pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group, "on peut s'attendre à deux changements". Et d'abord un changement "du discours occidental à l'égard de Kinshasa". Selon le chercheur, "le président français a été suivi par le premier ministre canadien qui a insisté sur la bonne gouvernance en RDC et a souhaité que les sommets de l'OIF se tiennent dans des démocraties". Une position commune franco-canadienne qui "tranche avec le silence assourdissant de la Belgique et de la Suisse" note Thierry Vircoulon. "Mais elle est sans doute le prélude à une libération de la parole du côté des chancelleries occidentales qui, jusqu'à présent, se contentaient de dire tout bas ce que les Congolais de la rue disent tout haut", poursuit-il. Enfin, Thierry Vircoulon entrevoit également un changement dans le domaine des aides à la RDC. Selon lui, "les bailleurs occidentaux vont sans doute réévaluer la manière dont ils "aident" la RDC et consacrer plus d'attention à la société civile".
Notons enfin, que les multiples pressions des ONG, des opposants politiques, de certains médias, qui demandaient à François Hollande, de ne pas se rendre à Kinshasa pour ne pas cautionner le régime de Joseph Kabila, ont fini par payer. Le président français a durcit ses positions dans les dernières semaines avant l'ouverture du Sommet. Une demi-victoire, en espérant que la France continue de garder un oeil sur l'avancée des droits de l'homme à Kinshasa.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Présidence © DR
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14 octobre 2012
RDC : La "Congo Week" s'ouvre à Paris
Du 14 au 20 octobre 2012, plusieurs grandes villes participeront à la "Congo Week", de Paris à New-York, en passant par Ottawa, Tokyo, Johannesburg, Kisangani ou Goma. Cette semaine est destinée à sensibiliser et informer le grand public sur le conflit meurtrier qui sévit depuis plus de 16 ans en République démocratique du Congo. Au programme à Paris : conférences, projections de films et même une "Journée sans portable" le 17 octobre.
Depuis 2006, le collectif "Friends of thé Congo" organise une "Congo Week" à travers le monde. Cette année, Paris sera au rendez-vous de cet événement . Au programme : une semaine de rencontres, de débats, de conférences, de projections de films pour dénoncer un conflit méconnu du plus grand nombre. Depuis plus de 16 ans, la République démocratique du Congo est secouée par des guerres à répétition à l'Est du pays. Bilan : plusieurs millions de morts et un silence assourdissant de la communauté internationale. Voici le programme parisien de cette semaine de sensibilisation, qui se déroulera à la "Maison de l'Afrique", 7 rue des Carmes dans le 5ème arrondissement :
- Mercredi 17 octobre, la "Congo Week" propose une "Journée sans portable". Pour protester contre le financement du conflit par les trafics de minerais destinés à la fabrication de nos mobiles, la "Congo Week" appelle à éteindre son téléphone toute la journée et à laisser un message au répondeur qui explique son geste.
- Jeudi 18 octobre de 18h30 à 20h30: Conférence, "Histoire des indépendances du Congo et de ses voisins des Grands-Lacs et Introduction à l'Histoire récente du Congo". Avec Klara Boyer-Rossol Klara, Jordane Bertrand, journaliste et auteur de "Histoire des Indépendances africaines et de ceux qui les ont faites" et Anicet Mobe, journaliste et historien congolais.
- Vendredi 19 octobre de 18h30 à 20h30: "L'enjeu des ressources naturelles, le Congo, un pays central pour l'économie mondiale" Première partie: Projection du film "Du sang dans nos portables" Deuxième partie: Conférences avec Kerwin Mayizo, Journaliste congolais, Anicet Mobe, Historien congolais, Thierry Téné, co-fondateur de l'Institut Afrique RSE, Jean-Paul Mvogo, économiste et Saïd Abass Ahmed, doctorant Sorbonne Paris 1, spécialiste RDC. Modérateur: Hervé LADO, diplômé des Sciences-po.
- Dimanche 21 octobre de 14h00 à 20h00: "Le rôle des ONG, des associations et des artistes de la diaspora". Modératrice: Rebecca Kabongo, activiste congolaise des droits de l'Homme.
Avec :
14h00-15h30: Patrick Helmininger et Mme Mossi de l'Amnesty International (Sous resèrve), Maitre Réty, ancien avocat de la défense au tribunal international d'Arusha et président du CRID, Jean-Louis Tshimbalanga de l'association "Convergence pour l'émergence du Congo" et auteur de "L'impératif d'une culture démocratique en RD Congo";
15h45-16h30: Présentation des Firends Of The Congo et projection du film "La crise au Congo, la vérité dévoilée";
16h45-17h30: Intervention d'Elsa Vumi sur la marche mondiale des femmes au Kivu en Octobre 2010; Témoigange de l'association Femmes du Kivu;
17h45: Le travail des journalistes en temps de guerre avec Anastasie Mutoka suivi du rôle des artistes avec Olivier Tshimbalanga et Alain Ndongisila.
Toutes les informations sont sur le site de la "Congo Week" : congoweekparis.blogspot.fr
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13 octobre 2012
RDC : L'échec de la stabilisation des Kivus dénoncé par ICG
Dans son dernier rapport, International Crisis Group (ICG) revient sur les raisons de l'impossible retour de la paix dans les Kivus, en proie à une nouvelle flambée de violence depuis avril 2012. ICG dénonce la responsabilité des autorités congolaises, rwandaises, des rebelles, mais aussi "l'impuissance" et "la politique à géométrie variable" de la Monusco. Pour "résoudre le conflit" et sortir de la simple "gestion de crise", le think tank demande aux bailleurs "d'exercer des pressions sur Kigali et Kinshasa".
Dans maintenant plus de 5 mois, la rébellion du M23, affronte les forces gouvernementales dans le Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles tiennent la ville frontière de Bunagana, administrent plusieurs localités dont celle de Rutshuru, et menacent de prendre Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Véritable "copier-coller" de la rébellion du CNDP de 2008, l'apparition du M23 signe un nouveau constat d'échec des multiples programmes de "stabilisation" pour ramener la paix dans la région.
Dans son rapport, "l'Est du Congo : pourquoi la stabilisation a échoué", International Crisis Group (ICG) explique pourquoi "les problèmes d’aujourd’hui sont les problèmes d’hier". Le think tank rappelle que "l’application de l’accord du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) a été un jeu de dupes au cours duquel les autorités congolaises ont fait semblant d’intégrer politiquement le CNDP, tandis que celui-ci a fait semblant d’intégrer l’armée congolaise". Pour ICG, la nouvelle crise des Kivus, "met en lumière les paramètres du problème de cette région : la mauvaise gouvernance de Kinshasa, l’ingérence du voisin rwandais et l’inefficacité des outils internationaux de réponse à la crise (Monusco et CIRGL).
Les "faux semblants" de l'application des accords du 23 mars
Après la crise de 2008, le conflit qui opposait le CNDP de Laurent Nkunda au gouvernement congolais, s'était réglé par un accord de paix signé à Goma le 23 mars 2009. Les principes de l'accord reposaient sur l'intégration des rebelles du CNDP au sein de l'armée congolaise (FARDC) et la transformation de la rébellion en formation politique. Sur ces aspects de l'accord, ICG note que "le gouvernement et le CNDP l’ont tous deux instrumentalisé et ont rivalisé de mauvaise foi". Sur l'intégration politique du CNDP, ICG estime que "Kinshasa a gardé la main", le mouvement ayant été cantonné au "niveau provinciale" Sur l'intégration militaire, c'est par contre le CNDP qui aurait "gardé la main". L'intégration aurait "achoppé sur 3 éléments : la reconnaissance des grades, l'attribution des postes et le lieu de déploiement". International Crisis Group révèle que l'ex-rebelle Bosco Ntaganda, nommé commandant de l'opération "Amani Leo" en a profité pour "imposer ses fidèles aux postes de commandement et étendre son influence" du Sud au Nord-Kivu. Le rapport estime qu'alors, "ce n’est pas l’armée congolaise qui a absorbé les
combattants du CNDP mais le CNDP qui a absorbé l’armée congolaise". Selon ICG, "le CNDP est parvenu à conserver la haute main sur une bonne partie de l’appareil militaire dans les Kivus, ce qui n’a cessé de générer un fort ressentiment
dans les rangs des FARDC".
Une armée "prédatrice"
Le rapport dénonce ensuite les mauvaises pratiques au sein de l'armée congolaise : "compte-tenu du manque de discipline et du double système de commandement, (…) les FARDC ont surtout étendu leurs activités de prédation" (la région est riche en minerais de toutes sortes). Les différents plans de reconstruction de l'armée congolaise (STAREC et ISSSS) n'ont visiblement pas donné les résultats escomptés, ICG parle de "non-réforme" de l'armée.
L'échec de la Monusco
Crisis Group insiste particulièrement sur "l'impuissance" des casques bleus en RDC. Comme en 2008, la Monusco "apparait incapable d’empêcher l’émergence d’une nouvelle rébellion". ICG note que les casques bleus disposent "en permanence de 6 bataillons à Goma". Pourtant plus nombreuse que le M23, "la Monusco ne parvient toujours pas à appliquer l’élément essentiel de son mandat : la protection des populations". Le centre de recherche dénonce "une politique à géométrie variable" concernant Bosco Ntaganda et pointe les incohérences de sa stratégie. La Monusco refusait d'arrêter Bosco Ntanganda alors qu'il se promenait librement dans Goma, mais se dit maintenant prête "à contribuer à son arrestation après le revirement des autorités congolaises". Pour ICG, "l'inaction de la Monusco" s'explique par "le refus de recourir à l'usage de la force contre les groupes armés, conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies". Résultat : des massacres sont commis sous les yeux des casques bleus, comme à Mijembe, à Wilikale ou à Pinga.
La "fausse solution" d'une force neutre
Concernant la "force neutre" décidée par la CIRGL, International Crisis Group n'est guère enthousiaste. Cette force, dont on ne connait ni le contours ni le financement devrait surveiller la frontière avec le Rwanda, accusé par les experts de l'ONU de soutenir les rebelles du M23. La Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL) s'est réunie plusieurs fois… sans grand succès. Pour ICG, la "force neutre" est une "fausse solution" : comment 4 000 hommes supplémentaires feraient "ce que n’ont pas fait 18 000 Casques bleus et 30 000 soldats congolais".
Pour résoudre le conflit, "au lieu de le geler pour deux ans", International Crisis Group demande la poursuite des "auteurs de crimes de guerre, d’appliquer les réformes de gouvernance définies depuis longtemps, d’ouvrir l’espace politique aux acteurs légitimes et de sanctionner les ingérences étrangères". Pour cela "les bailleurs doivent exercer des pressions sur Kigali et Kinshasa", ce qui n'est pas encore le cas… ou pas assez.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
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11 octobre 2012
RDC : Réapparition "surprise" de Diomi Ndongala
L'opposant congolais, Diomi Ndongala, porté disparu depuis 4 mois, a été retrouvé vivant dans la nuit de mercredi à jeudi. Accusé de viol sur mineures par les autorités congolaises, ses proches accusaient Kinshasa de le détenir au secret. La "libération" de Ndongala ne doit pourtant rien au hasard. Elle intervient moins de 24 heures avant l'ouverture du Sommet de la Francophonie ce vendredi à Kinshasa.
La ficelle est un peu grosse. Quelques heures avant le lancement du 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa, l'opposant politique Diomi Ndongala, a retrouvé la liberté. Selon Radio Okapi, le leader de la Démocratie Chrétienne a été retrouvé dans la nuit de mercredi à jeudi sur la route de Matadi, dans un quartier de Kinshasa. Sa "disparition" en juin dernier avait suscité la condamnation de l'opposition congolaise et des proches de Ndongala. Pour eux, l'opposant se trouvait enfermé au secret dans les locaux de l'Agence nationale du Renseignement (ANR). Pour les autorités congolaises, Ndongala était en "fuite" après une accusation pour "viol sur mineures".
Dernièrement, Amnesty International affirmait avoir des informations récentes sur l'opposant congolais. Plusieurs sources indiquaient qu'il se trouvait d'abord au camp militaire de Tchatchi, puis à la troisième direction des services nationaux du renseignement, à Kinshasa, où il aurait été détenu jusqu'au 2 août. ". Amnesty, comme certains de ses proches, affirmaient que le parlementaire était "en mauvaise santé et aurait perdu beaucoup de poids car il a manqué de nourriture et a été privé des soins nécessaires au traitement de ses pathologies chroniques".
Depuis ce matin et sa découverte sur la route de Matadi, on sait donc que Diomi Ndongala n'était visiblement pas en fuite, mais plus vraisemblablement détenu par les forces de sécurité congolaise quelque part à Kinshasa. Selon ses proches, le leader de la Démocratie Chrétienne (DC) est actuellement très fatigué et reste placé sous perfusion. Il devrait rapidement pouvoir s'expliquer sur ses 4 mois de "disparition", mais déjà, les responsables de la CD n'hésitent pas à parler de mauvais traitements.
La "libération" de Diomi Ndongala, ne doit rien au hasard. Dans moins de 24 heures s'ouvrira le 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa. Le cas de la "disparition" de Ndongala constituait une affaire "embarrassante" pour Kinshasa, accusée par de nombreuses ONG de persécuter ses opposants politiques. Sa réapparition "surprise" tombe à pic autorités congolaises, qui s'apprêtent à recevoir samedi François Hollande. Le Président français avait dernièrement tancé Kinshasa sur la situation des droits de l'homme en RDC... visiblement le message a été reçu 5 sur 5.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
17:22 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (8)
10 octobre 2012
RDC : Hollande joue gros à Kinshasa
La tension est montée d'un cran entre Paris et Kinshasa, à 2 jours de l'ouverture du Sommet de la Francophonie. François Hollande a durcit le ton contre le régime de Joseph Kabila en jugeant la situation "tout à fait inacceptable sur le plan des droits de l'homme". En critiquant Kinshasa et en ne boycottant pas le Sommet, comme le demandait l'opposition, le président français a fini par mécontenter tout le monde. Sa marge de manoeuvre sera extrêmement étroite, samedi à Kinshasa.
La controverse sur la venue de François Hollande à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie qui doit débuter le 12 octobre n'en finit pas de faire des vagues. La dernière polémique en date émane du président français lui-même. Mardi dernier, dans d'une conférence de presse commune avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, François Hollande a déclaré que la situation en République démocratique du Congo (RDC) était "tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition".
François Hollande avait beaucoup hésité à se rendre à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie. Les élections frauduleuses de novembre 2011, les nombreuses violations des droits de l'homme, les arrestations arbitraires d'opposants politiques et la reprise de la guerre à l'Est avaient fini par jeter le trouble sur l'opportunité d'organiser le prochain Sommet en République démocratique du Congo.
L'opposition politique avait prôné la "délocalisation" du Sommet dans un autre pays comme cela avait été le cas pour Madagascar en 2010. Les opposants affirmaient que la seule présence du président français, légitimait le pouvoir en place et validait par la même occasion la réélection très contestable de Joseph Kabila. La dernière déclaration tonitruante de François Hollande contre le régime Kabila vise sans doute à rassurer l'opposition congolaise, très en colère contre la venue du président français. Cela suffira-t-il à calmer les esprits contestataires ? Sans doute pas. L'UDPS, le premier parti d'opposition a, certes, mis de l'eau dans son vin en modérant ses appels à manifester, mais le parti d'Etienne Tshisekedi lance tout de même une "occupation des rues et des boulevards". L'UDPS demande à ses sympathisants d'"accompagner" son leader à son tête à tête avec le président français, prévu le 13 octobre à l'ambassade de France de Kinshasa.
Si la venue de François Hollande n'était pas souhaitée par l'opposition, les autorités congolaises sont elles aussi mécontentes par les propos présidentiels. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende a estimé ce mardi que la déclaration du président français, qui a jugé "tout à fait inacceptable" la situation de la démocratie dans le pays, ne reflétait "aucune réalité". Avec humour, Lambert Mende a répliqué au président français que si sa déclaration "concernait la situation dans l'Est en proie à un regain d'instabilité", alors "nous sommes tout à fait d'accord: la situation des droits de l'homme est tout à fait inacceptable".
Si l'opposition et les autorités congolaises attendent de pieds fermes François Hollande, avec "quelques reproches à formuler", seul le M23 salue la condamnation du président Hollande sur la situation des droits de l'homme en RDC. Le mouvement rebelle, en guerre contre l'armée régulière au Nord-Kivu, se félicite de la déclaration française : "il n'y a pas de démocratie, ni de droits de l'homme et l'opposition est marginalisée" approuve le M23. "La communauté internationale commence à reconnaître et à découvrir les vraies réalités de notre pays. C'est parmi les causes de notre lutte armée", conclut le porte-parole de la rébellion à l'AFP.
François Hollande devra donc faire preuve d'habileté politique et de tact diplomatique lors de sa visite express dans le "chaudron congolais", où, mis à part le M23, personne ne semble complètement se satisfaire de sa simple venue. En août dernier, nous avions intitulé notre article sur la présence du président français à Kinshasa : Hollande dans le piège de Kinshasa. En réussissant, pour l'instant, à mécontenter tout le monde, François Hollande continue de s'enfermer patiemment dans une situation très inconfortable. Pour s'en sortir, le président devra en quelques heures "briller" à Dakar dans un discours "humaniste" au continent africain et devra ensuite "montrer les dents" à Kinshasa face au président Joseph Kabila.Si tel est le cas, nous pourrons mesurer après cette première sortie présidentielle, le poids de la France en Afrique centrale… et même en Afrique tout court.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:38 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
07 octobre 2012
Kivu (RDC) : Kamerhe a-t-il la solution ?
Le président de l'UNC, Vital Kamerhe, a présenté le 5 octobre son "plan de sortie de crise" du conflit qui secoue l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ancien président de l'Assemblée nationale révèle que Kinshasa et le M23 négocient déjà "sous l'égide du président ougandais Museveni" et appelle au dialogue avec le Rwanda. Kamerhe demande également au président Kabila d'ouvrir un débat national avec l'ensemble des partis politiques, de la société civile et de la diaspora congolaise. Si le "plan Kamerhe" semble avancer des évidences, il a au moins le mérite de briser un tabou : la nécessité de réunir tous les protagonistes autour d'une table.
"La nation est en danger". Pour Vital Kamerhe, l'ancien bras droit de Joseph Kabila, passé à l'opposition depuis 2010, "le péril, ce sont ces guerres récurrentes qui déstabilisent notre pays depuis bientôt deux décennies". Depuis avril 2012, un nouveau conflit agite le Nord-Kivu et oppose la rébellion du M23 aux forces gouvernementales. Le M23, n'est que le "copier-coller" d'un autre mouvement rebelle, le CNDP, qui avait lui aussi affronté Kinshasa dans la même région, en 2008.
Comment "arrêter la guerre" ?
Selon Kamerhe, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), ce conflit a de sérieux risques de s'étendre "vers le Sud (Sud-Kivu et Nord-Katanga) et vers le Nord (Ituri), au vu de la multiplicité des acteurs impliqués et des groupes armés". Le "plan Kamerhe" propose "d'arrêter la guerre". Pour cela, "Kigali et Kinshasa doivent se parler sincèrement et conclure une vraie paix des braves autour de (…) la sécurité commune des frontières, des groupes armés, du trafic illicite des minerais du Congo". Dans son "plan de sortie de crise", Kamerhe révèle un "secret de polichinelle" en affirmant que "le gouvernement de la RDC est déjà en discussion avec le M23, sous l’égide du Président Yoweri Museveni qui préside la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs".
Pour l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise, Joseph Kabila doit ouvrir un grand débat avec les acteurs de la société congolaise et "associer tous les leaders politiques et de la Société civile de tous bords, ainsi que la diaspora congolaise, à la recherche d’une solution durable à ce problème". Le président de l'UNC, veut récréer "la cohésion nationale" indispensable au retour de la sécurité en RDC. Selon lui, "aucune opération militaire, y compris les opérations conjointes avec l’Ouganda et le Rwanda sur le territoire congolais, n’a apporté la solution escomptée, à savoir l’anéantissement des rebellions et des groupes armés". A son "humble avis", toutes ces solutions "se sont plus attaquées aux effets qu’aux causes réelles de l’insécurité dans la sous-région des grands lacs".
Un geste vers Tshisekedi et Bemba
Sur le plan national, Vital Kamerhe demande à Joseph Kabila de tendre la main à l'opposition et recommande "une visite surprise à Monsieur Etienne Tshisekedi, l’écouter le rassurer et lever le cordon sécuritaire qui entoure sa résidence. Il ne mérite pas le traitement humiliant qu’il subit actuellement". Le président de l'UNC souhaite également que la Cour pénale internationale (CPI) clôture officiellement le dossier concernant Jean-Pierre Bemba (en prison depuis 5 ans, après sa défaite face à Joseph Kabila, lors de l'élection présidentielle de 2007). Kamerhe demande aussi un geste d'apaisement concernant les "détenus d'opinions" comme Chalupa, Kuthino ou Mokia, mais veut aussi rassurer d'autres opposants comme Mbusa Nyamuisi, Diomi Ndongala (dont la famille dénonce sa détention par le régime) et Roger Lumbala.
Crédible ?
Si le "plan Kamerhe" énonce un certain nombre d'évidences pas vraiment originales, il recèle quelques qualités. La première : briser le tabou autour du terme de "négociation", que Kinshasa ne veut prononcer sous aucun prétexte. Il semble en effet évident qu'à un moment ou un autre, les autorités congolaises et le M23 se mettront autour d'un table… alors pourquoi attendre ? (surtout que d'après Kamerhe, c'est déjà fait). Deuxième qualité : "le plan Kamerhe" est la seule sortie de crise proposée par l'opposition qui ne met pas comme préalable le départ du pouvoir du président Joseph Kabila. Pour la grande majorité des autres partis d'opposition (comme l'UDPS) : le principale problème étant Joseph Kabila lui-même, rien ne doit être fait, avant son départ, et surtout pas de négocier avec le M23. Cette position se discute, mais elle possède un important désavantage : le temps file et rien ne se passe (et déjà plus de 6 mois de crise).
Comme pour la campagne présidentielle de 2011, pendant laquelle Vital Kamerhe avait publié un livre programme : "Les fondements de la politique transatlantique de la RDC", son "plan de sortie de crise" a le mérite de coucher sur le papier son projet "noir sur blanc". Il est vrai que l'on attend toujours le programme électoral d'Etienne Tshisekedi ou de Joseph Kabila pendant la dernière présidentielle… et encore plus leurs stratégies pour ramener la paix à l'Est. Mais pour être crédible, le "plan Kamerhe" devra franchir de nombreux obstacles et tout d'abord celui de la légitimité. L'ancien directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006 a toujours du mal à se faire accepter dans "le camp de l'opposition". Avant, pendant et après les élections de 2011, nombreux sont ceux qui doutaient de sa franchise. Beaucoup pensent encore que Vital Kamerhe doit faire ses preuves d'opposant au régime, lui qui a servi pendant si longtemps l'actuel président Kabila. Pendant la campagne électoral, certains l'on accusé de "taupe" du régime chargé de faire perdre Thsisekedi (Kamerhe est arrivé en troisième place à la dernière présidentielle). Un câble diplomatique secret, révélé par Wikileaks, donnait un portrait "nuancé" du patron de l'UNC : "Kamerhe recourt fréquemment au mensonge pour s'assurer un gain politique. (…) Nos informateurs nous rapportent que son ambition aveugle de devenir un jour président a compromis son jugement"… des propos qui ne rassurent personne à Kinshasa sur les intentions réelles de l'ancien président de l'Assemblée nationale. Dernier obstacle : Vital Kamerhe vient de l'Est, de Bukavu au Sud-Kivu. Ce qui pourrait apparaître comme un atout, car il connaît bien la région et les causes du conflit, devient un handicap pour convaincre, conquérir et s'imposer politiquement dans le reste des provinces congolaises. Une chose est sûre : avec son "plan de sortie de crise", Vital Kamerhe entend s'imposer sur l'échiquier politique congolais et rester un interlocuteur de premier ordre dans le conflit du Kivu, aux yeux de la communauté internationale. Pour cela au moins, le "plan Kamerhe" a déjà réussi.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe le 5 oct 2012 © UNC
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04 octobre 2012
RDC : Thierry Michel gagne en justice face à John Numbi
La justice belge a autorisé mercredi 3 octobre l'affiche du film de Thierry Michel sur l'affaire Chebeya. L'ancien chef de la police congolaise demandait son interdiction pour l'utilisation de sa photo qui le présente comme le commanditaire de l'assassinat de ce militant des droits de l'homme. Thierry Michel estime qu'il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse".
Un cas d'école. L'affaire de l'affiche du documentaire de Thierry Michel sur l'assassinat du défenseur de droits de l'homme congolais, Floribert Chebeya, fera date dans l'histoire du droit à l'image et à l'information. Le général John Numbi avait en effet intenté un procès en référé au cinéaste Thierry Michel afin d'interdire la diffusion de l'affiche du documentaire sur laquelle figure sa photo à côté de celle de Floribert Chebeya. Selon John Numbi, cette image le présente comme le commanditaire de l'assassinat, alors qu'il n'est toujours pas poursuivi par la justice congolaise. Tout le travail de Thierry Michel, dans son film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" consiste justement à démontrer que toutes les pistes convergent vers John Numbi,qui serait le probable "donneur d'ordre" de l'assassinat du célèbre militant des droits de l'homme. Dans le film, le cinéaste a recueilli le témoignage d'un policier, jugé par contumace, qui met en cause directement Numbi. Très proche de l'actuel président Joseph Kabila, John Numbi a été suspendu de ses fonctions en attendant son éventuelle comparution devant les tribunaux congolais. Visiblement, le film de Thierry Michel dérange au plus haut point le pouvoir en place à Kinshasa, qui a toujours cherché à éviter un procès à son ancien chef de la police. L'affaire de l'interdiction de l'affiche a sonné comme une ultime pression de Numbi sur le cinéaste.
Mercredi à Liège, bien loin de Kinshasa, la justice belge a tranché et a débouté John Numbi. Le tribunal a estimé que l'affiche constituait bien une information sur l'affaire Chebeya et ne visait pas à exploiter commercialement l'image de John Numbi. La photo incriminée avait d'ailleurs été reprise par les principales agences de presse, ainsi que la plupart des médias internationaux. La justice a ensuite fait remarqué que le titre du documentaire, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", avec son point d'interrogation, présentait "un équilibre acceptable". Le juge belge a donc déclaré la demande d'interdiction de l'affiche "non fondée" et condamné John Numbi verser la somme de 1.320 euros à Thierry Michel et à la société de production "Films de la Passerelle".
Pour le cinéaste, il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse et de la liberté d'expression sur le droit à l'image d'un personnage public (John Numbi, ndlr) dans l'exercice de ses fonctions". Thierry Michel s'inquiète tout de même de "l'intimidation", qui "est bien là vis-à-vis de la presse congolaise" et notamment "avec la déclaration du conseiller juridique de John Numbi qui annonce qu'il poursuivra en diffamation toute personne de la presse nationale ou internationale qui associera l'image du Général à l'Affaire Chebeya !"
Quant à l'affaire sur l'assassinat de Floribert Chebeya, jugée en ce moment à Kinshasa, la prochaine audience du procès en appel des policiers accusés, a été reportée au 23 octobre, quelques jours après le Sommet de la Francophonie qui se déroulera en République démocratique du Congo (RDC). La Haute cour militaire devra notamment se prononcer sur la comparution du général Numbi... peut-être la prochaine victoire pour Thierry Michel.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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02 octobre 2012
RDC : John Tshibangu tente une offensive au Kasaï
L'Apareco, le mouvement de l'opposant Honoré Ngbanda a annoncé depuis Paris, que le colonel John Tshibangu venait de lancer une offensive militaire au Kasaï-Oriental. Les troupes de ce colonel dissident se seraient emparées dimanche 30 septembre de la ville de Kabeya Kamwanga. Le bilan serait de 3 morts parmi les soldats de l'armée régulière (FARDC). Pour l'instant, les autorités congolaises n'ont pas confirmé l'information.
Dans un communiqué publié à Paris, l'Apareco, un mouvement d'opposition au régime de Joseph Kabila, a annoncé la prise de la ville de Kabeya Kamwanga par les hommes du colonel John Tshibangu. Ce colonel de l'armée congolaise avait fait défection et pris le maquis en août 2012 avec une partie de ses hommes. Soupçonné d'abord par Kinshasa d'être proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y placer Etienne Tshisekedi, "le seul vainqueur du scrutin" et faire ainsi respecter "la vérité des urnes". La réélection de Jopseph Kabla avait été fortement contestée par l'opposition congolaise.
Depuis l'entrée en dissidence de Tshibangu, Kinshasa s'était lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où ses troupes s'étaient regroupés. Le 29 août dernier, "des hommes en uniformes lourdement armés" avait investi le village d'Etienne Tshisekedi, Kabeya Kamwanga. Selon l'UDPS : "ces soldats avaient procédé à la fouille systématique de toutes les maisons dont la résidence privée du président au motif qu'ils étaient à la recherche d'armes ainsi que du Colonel dissident John Tshibangu".
Ce serait donc dans cette même ville, Kabeya Kamwanga, que les soldats de Tshibangu auraient lancé une attaque dimanche 30 septembre, dans la matinée et auraient pris le contrôle de la localité. Selon le communiqué de l'Apareco, qui annonce le début d'une "marche pour la libération totale de la République Démocratique du Congo". "Beaucoup d’armes et de munitions appartenant aux forces ennemies ont été saisies et plusieurs officiers et soldats congolais des FARDC ont rejoint les forces patriotiques", précise de mouvement d'Honoré Ngbanda. Un premier bilan ferait état de 3 morts du côté de l'armée congolaise, qui aurait ensuite quitté la ville. Pour l'instant ces informations sont à prendre au conditionnel, Kinshasa n'ayant pas encore confirmé l'attaque de la ville de Kabeya Kamwanga.
Début septembre, le Colonel Tshibangu avait rejoint l'Apareco, le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda, l'ex "monsieur sécurité" du maréchal Mobutu. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'était placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda, avec pour objectif, le "départ du président Kabila". Depuis l'attaque de Kabeya Kamwanga, l'Apareco estime que "la tenue du Sommet de la Francophonie dans un tel contexte nuirait gravement aux intérêts du peuple congolais puisqu’elle vise clairement à renforcer le régime criminel et d’imposture" du président Joseph Kabila. L'Apareco demande donc "aux pays membres de l’OIF et à la France en particulier pour qu’ils renoncent tous à la tenue de ce Sommet indécent".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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