Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29 novembre 2012

Le Docteur Mukwege : portrait d'un Juste qui répare les femmes violées du Congo

Un livre de Colette Braeckman rend hommage à cet homme aussi compétent que courageux, rendu encore plus vulnérable par l’incurie de la communauté internationale.

Capture d’écran 2012-11-28 à 22.01.13.pngLa scène se passe le 25 octobre 2012 à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu (République démocratique du Congo) au domicile du médecin-gynécologue congolais Denis Mukwege. Cinq hommes armés se sont introduits, ont maîtrisé la famille, les boys, le gardien.  En embuscade, ils attendent le retour du maître de maison. Quelques jours plus tôt, le Dr Mukwege a une nouvelle fois dénoncé les viols massifs commis dans la région, en toute impunité, par les diverses factions armées qui veulent ainsi terroriser les populations. L’enjeu de ces viols innombrables :  bien plus que la satisfaction de pulsions brutales, le contrôle des énormes richesses du sous-sol : or, diamant, cassitérite...

La RDC, un quasi camp de concentration

Le docteur Mukwege, lui, répare les énormes lésions vaginales provoquées par des violeurs particulièrement vicieux, rassure les populations et, surtout, dénonce inlassablement les viols comme arme de guerre. Mauvais pour le bizness des chefs des bandes armées parmi lesquelles des groupes « rebelles », mais aussi des éléments des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo), 200 000 soudards qui, dans les régions troublées, « se payent sur la bête ». Les militaires des FARDC ont presque des excuses : pointant le canon  de leurs Kalashnikov rouillées, il copient, de façon individuelle et grossière, les prédations généralisées de ce qui s’appelle l’administration et « l’élite politique » de la RDC. Autant dire la direction de ce quasi-camp de concentration qu’est devenu la RDC pour les non-prédateurs.

Denis Mukwege fait partie de cette dernière catégorie. On a jusqu’alors toléré ses incartades, mais il vient de franchir la ligne rouge en dénonçant depuis la tribune de l’ONU la situation épouvantable faite aux habitants et tout particulièrement aux femmes. C’est grave : la communauté internationale risque de se réveiller…

Les  « boules Quies » de la MONUSCO

Cette communauté internationale entretient à l’Est du Congo la plus grande force initialement dite « de maintien de la  paix » depuis la guerre de Corée : 20 000 Casques bleus qui lui coûtent 1,5 milliard de dollars par an pour pas grand-chose.  Pas grand chose ? Ca dépend du point de vue. Le Casque bleu, généralement issu d’une région pauvre du monde, peut se construire une belle maison au pays avec la partie de la solde que son propre gouvernement ne confisque pas, en y ajoutant divers trafics locaux. Etre Casque bleu au Congo « démocratique », c’est une rente, un peu comme traider à New-York, en infiniment plus petit et moins stressant. La nuit, les Casques bleus se retranchent dans leur camp. Le jour, les Casques bleus se retranchent dans leurs blindés dont il faut bien faire un peu tourner le moteur. Lorsque parfois, la nuit ou le jour, des Casques bleus de la MONUSCO entendent les hurlements d’une femme violée à qui en plus on coupe le clitoris, les seins, les lèvres (quand les violeurs n’achèvent pas leur « travail » en lui tirant une rafale dans le vagin), les Casques bleus de la MONUSCO dégainent leur arme de réaction massive : les boules Quies [prononcer Quiès]*. La MONUSCO  a des excuses : le mandat de l’ONU n’autorise que l’autodéfense !

Il faudrait être fou pour s’attaquer aux hommes de l’ONU, à leurs mitrailleuses lourdes, leurs blindés, leurs hélicoptères. Ceux qui pratiquent le viol comme arme de destruction massive ne sont pas des fous, c’est leur façon de protéger leurs petites et grosses affaires. Il faut croire qu’elles prospèrent car depuis que les Casques bleus sont là, on a violé et souvent mutilé environ 500 000 femmes. Alors, dix de plus ou dix de moins… Bon, j’exagère, mais à peine.

 L’ONU ? De la pub’.

C’est en 1999 qu’a été lancée la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC). Pour dissimuler son bilan lamentable en terme de paix, on l’a rebaptisée en 2010 MONUSCO (Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo). Comme si on versait de la piquette dans une bouteille de champagne pour la « stabiliser ». Visiblement, ce n’est que de la pub’.

Des familles détruites par les viols publics

Comme gynécologue, le docteur Denis Mukwege fait en RDC un travail de Titan : il a soigné plus de 30 000 femmes qui ont été violées au nez et à la barbe de la MONUSCO. En rend compte un livre admirable de la journaliste belge Colette Braeckman (L'Homme qui répare les femmes. Violences sexuelles au Congo. Le combat du Dr Mukwege). On y lira que le médecin a été bien plus loin. Ce philanthrope a obtenu des crédits de certains gouvernements occidentaux sensibles à la compassion pour organiser des maisons d’accueil de ces femmes afin qu’elles échappent à leurs bourreaux et, dans la mesure du possible, réussissent à se reconstruire. Dans sa biographie du docteur Mukwege, Colette Braeckman n’est pas prolixe sur les horreurs qu’elles ont subi, mais en dit assez pour que chacun comprenne. On découvre le raffinement sadique de ces viols pour détruire la société, abolir toute norme civique et morale, transformer des populations en masses d’esclaves. Les mères sont violées devant leurs enfants, qui en restent traumatisés à vie. Devant leurs maris qui en sont détruits à leur façon, définitivement humiliés, dorénavant sexuellement impuissants.

A l’évidence, à Kinshasa, « on s’en fout ».

Pour les criminels qui ont mis la province du Nord-Kivu et ses alentours en coupe réglée (avec, pour le moins, l’abstention coupable du régime de Joseph Kabila), abattre le docteur Mukwege devenait une priorité. Déjà l’objet de cinq tentatives d’assassinat par le passé, il fallait procéder de façon plus « professionnelle ». D’où ce commando qui l’attendait le 25 octobre dernier à son domicile de Bukavu.

Au moment où les tueurs lui avaient braqué une arme sur la tempe, Mukwege a été sauvé par son gardien qui s’est interposé. Le gardien n’était pas un Casque bleu, c’était simplement un brave homme et un homme brave. Il a été abattu, la rafale n’a pas touché le médecin et dans la confusion, les tueurs se sont enfuis. Le Dr Mukwege a compris que sa vie ne valait plus rien en RDC. Il s’est réfugié à l’étranger, espérant bientôt revenir. Mais revenir dans quelles conditions ? Le régime de Kabila n’a même pas répondu à ses requêtes, aucune enquête sur cette tentative d’assassinat n’a été engagée. A l’évidence, à Kinshasa, « on s’en fout ».

Kabila, potentat infréquentable

Le Congo « démocratique » est dans son ensemble un pays abusé par ses élites, par les compagnies minières, par la communauté internationale, par de nombreux acteurs nationaux ou étrangers c’est-à-dire finalement par tout le monde, vous, moi… qui n’allons pas hurler notre indignation à la porte de nos gouvernants. Et pourtant ce pays magnifique produit des héros risque-tout, comme Albert Prigogine Ngezayo, assassiné à Goma le 13 mars 2008 sur les directives de dignitaires du pouvoir congolais ou Floribert Chebeya, fondateur de l’ONG La Voix des sans-voix, liquidé sur ordre d’un général congolais – qui n’a pas été inquiété - en juin 2010 (le procès des assassins « de base » tourne à une farce monumentale). La tentative d’assassinat du Dr Mukwege s’inscrit dans cette logique de gang qui a remplacé l’Etat. En RDC, héros rime avec tombeau. Sauf que le dernier complot contre le Dr Mukwege est l’histoire de trop pour le régime Kabila, potentat disqualifié, discrédité, falsificateur d’élections, infréquentable.

Des ONG comme autant de mouches à merde

De nombreux journalistes expérimentés et influents ont exprimé leur admiration au Dr Mukwege et exprimé leur dégoût de l’impunité de la dernière tentative d’assassinat. Mais aucun n’a eu l’intelligence et la profondeur historique de Colette Braeckman. Son livre « L'Homme qui répare les femmes. Violences sexuelles au Congo. Le combat du Dr Mukwege » ne constitue pas, comme certains l’ont écrit un peu vite, une biographie. Il s’agit d’une fresque de l’abomination. Il ne suffit pas de proclamer Bukavu « capitale mondiale du viol ». Il ne suffit pas, pour répondre au sentiment d’une conscience universelle outragée, de faire de cette tragédie un « fromage humanitaire » qui fait prospérer, comme des mouches à merde, quelque quatre cents ONG devenues en quelques années « spécialistes de la femme violée » en recyclant de jeunes chômeurs européens balancés « logisticiens » sur le terrain du Kivu.

Le problème est de savoir qui est responsable de ce désastre. Et une nouvelle fois, il faut parler du rôle de la France dans la région et du génocide des Tutsi du Rwanda. Car le viol massif comme moyen de guerre totale n’a pas été inventé au Kivu. C’est une stratégie importée par les génocidaires rwandais, comme le relève Colette Braeckman, aussi bien dans son livre comme dans ses articles du quotidien Le Soir et sur son blog.

Responsabilité ou irresponsabilité française

Le Rwanda d’avant-génocide, tenu à bout de bras par les militaires français de l’opération Noroît puis Turquoise qui trouvaient le régime Habyarimana si sympathique et défendable (revoir les livres des généraux Lafourcade, Tauzin, du colonel de réserve Hogard),  dissimulait sous un vernis saint-sulpicien une condition souvent abjecte faite aux femmes. Le viol y était dissimulé et inavouable mais fréquent, et l’impunité des violeurs à peu près totale  (Cf. le livre « L’Agenda du génocide », Ed. Karthala). Le recours à des viols massifs et à des mutilations sexuelles à grande échelle contre les femmes tutsi durant le génocide n’était pas le résultat d’une quelconque invention de masse. Dans son journal extrémiste (Ikinani) censuré dès sa sortie d’imprimerie en 1993, le capitaine Pascal Simbikangwa se réjouissait par exemple que la Première ministre de l’époque, Agathe Uwilingiyimana, avait été, étudiante,  l’objet d’un viol collectif dans le dortoir de son internat de Butare. Elle n’était pas la seule en ce cas. Sous Habyarimana, les « femmes libres » périodiquement raflées par policiers et militaires étaient généralement « sermonnées » au moyen de viols collectifs. Tout comme la plupart des femmes arrêtées en 1990 à Kigali et ailleurs comme « complices » ( ?) après l’attaque du Front patriotique rwandais.

La France a-t-elle participé à l’armement des auteurs de viols massifs ?

L’Opération « militaro-humanitaire » Turquoise, en permettant à l’armée rwandaise et aux miliciens interahamwe de se retirer au Zaïre en bon ordre, a durablement déstabilisé la région. Les « génocidaires » n’ont pas tardé à mettre le Kivu en coupe réglée en se servant du viol et des mutilations sexuelles  comme arme de destruction massive. Comme l’explique si bien Colette Braeckman, ils ont propagé cette méthode à leurs alliés du moment contre le Rwanda, tels les miliciens Maï-Maï, les militaires des Forces armées congolaises ou d’autres groupes armés.

Les anciennes Forces armées rwandaises (FAR), rebaptisées Armée de libération du Rwanda (ALIR) puis Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) ont poursuivi ces crimes sexuels de masse qui leur permettaient d’exploiter à leur profit et en toute impunité les ressources minières du Kivu. Pour ce qui est du gouvernement français, il n’est pas inutile de rappeler que lorsque les enquêteurs de l’ONU ont voulu, en 2008, documenter les ramifications des FDLR en France, on leur a même été refusé d’identifier les 21 destinataires de communications qui ressortaient des écoutes téléphoniques menées par les services de l’ONU au Kivu (1). Sans pouvoir en fournir des preuves écrites, la Commission d'enquête citoyenne française et la journaliste Colette Braeckman ont eu des informations selon lesquelles la France aurait contribué à leur armement. Ce qui est par contre certain, c’est que les dirigeants politiques des FDLR coulent des jours paisibles en région parisienne, malgré les soupçons très documentés qui pèsent sur certains d’avoir participé au génocide des Tutsi.

« Les FDLR se sont dotés à l'étranger d'une structure politique "propre" (non impliquée dans le génocide) »

Le 12 mars 2008, lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU s’est intéressé aux groupes armés hutus rwandais opérant dans l'est de la République démocratique du Congo, c’est la France qui a rédigé la résolution 1804 qui "exige que tous les membres des FDLR, ex-FAR/Interahamwe et autres groupes armés rwandais qui opèrent dans l'est de la RDC déposent immédiatement les armes. » Contre ces propagateurs de violences sexuelles de masse, Paris a ainsi fait preuve d’une duplicité remarquable. Comme l’écrivait le quotidien Le Monde dans son édition du 26 novembre 2009, « un rapport d'experts mandatés par l'ONU a mis en évidence l'important réseau international sur lequel ils [les FDLR] s'appuient. Le texte, examiné à huis clos par le Conseil de sécurité, mercredi 25 novembre, n'a pas été rendu public. Selon une copie dont Le Monde a possession, il montre l'étendue du réseau à l'étranger de la rébellion hutue rwandaise. Celle-ci a été créée autour d'un noyau de miliciens et d'ex-soldats impliqués dans le génocide rwandais de 1994. Avec le temps, ces "génocidaires" ont été rejoints par de nouvelles recrues dans l'est de la RDC, où ils ont longtemps opéré.

Parallèlement, les FDLR se sont dotés à l'étranger d'une structure politique "propre" (non impliquée dans le génocide), de réseaux de soutien et de financement dans une vingtaine de pays décrits par les experts mandatés par les Nations unies. » La France apparaissant au premier rang dans l’échelle de complicité.

On comprend que le Dr Mukwege, homme qui témoigne et dénonce, dérange bien des autorités, pas seulement à Kinshasa mais aussi accessoirement en France, un pays qui souffre d’avoir une des classes politiques les plus futiles, les plus engagées dans le soutien au génocide des Tutsi et des plus cyniques du monde occidental.

C’est un volet qui n’apparaît guère dans l’ouvrage par ailleurs excellent de Colette Braeckman. On le résumera en observant que notre consoeur documente parfaitement  l’incurie générale devant les violences sexuelles au Congo. Il y a tout lieu de penser que Denis Mukwege, médecin chef à l’hôpital de Panzi (Sud Kivu), soignera à nouveau gratuitement des femmes victimes de violences sexuelles, vagins détruits et âmes mortes. Mukwege n’a pas fini de parcourir le monde pour témoigner de la souffrance de ces femmes et expliquer comment, au Congo, le viol est utilisé comme arme de guerre, pour démoraliser, humilier et finalement soumettre une population. La solution de son problème personnel de survie ne tient pas à la présence de gardes du corps, ni même d’une escouade de Casques bleus. S’il est tellement en danger, c’est que sa voix se perd dans l’incurie de la communauté internationale.

 Jean-François DUPAQUIER

(1) Extrait du Rapport intermédiaire des experts de l’ONU sur la RDC S/2009-253 : « The Group calculated 21 phone numbers in France that have been in contact with FDLR military satellite phones between September 2008 and August 2009. The Group has made several requests to the French government since September 2008 to ask for these numbers to be identified, but is still waiting for relevant feedback. In particular, the Group notes that it was unable to obtain any relevant information from the French authorities regarding Mr Mbarushimana, who was designated by the Committee in March 2009. The Group also notes that Emmanuel Ruzindana and Ngirinshuti Ntambara, reportedly the Political Affairs and Foreign Affairs commissioners of the FDLR’s executive commission, are – among others still being identified by the Group - also resident in France. The Group stresses the importance of obtaining access to relevant information from the French authorities in order to exclude the conclusion that France is being used as a base for the activities of FDLR leaders and supporters in the diaspora. »

* Pour ceux qui l’ignoreraient, la « boule Quies » (célèbre marque déposée, mais dénomination générique) est un bouchon souple qu’on se glisse dans l’oreille pour ne plus entendre les bruits extérieurs

Colette Braeckman, L'Homme qui répare les femmes. Violences sexuelles au Congo. Le combat du Dr Mukwege, André Versaille éditeur, 160 p., 14,90 €.

25 novembre 2012

RDC : Rendez-vous manqué à Kampala

On attendait une rencontre ce dimanche entre Joseph Kabila et la M23. Elle n'est finalement pas venue. L'entrevue s'était tenue furtivement samedi, en marge du Sommet de Kampala. Et chacun des protagonistes a campé sur ses positions. Kinshasa demande le retrait de Goma avant de négocier et le M23 exige des négociations avant tout retrait.

carte RDC Afrikarabia GomaV2.jpgUn Sommet pour rien ? Certainement. Les 11 chefs d'Etat de la région, réunis à Kampala pour trouver une issue au conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), n'ont rien pu faire pour amorcer le dialogue entre le M23 et le président Joseph Kabila. Une courte rencontre a cependant eu lieu samedi, avec la promesse de se retrouver dimanche pour entamer les négociations, et puis… plus rien. Dimanche, Joseph Kabila a rejoint Kinshasa dans l'après-midi, sans rencontrer Jean-Marie Runiga, le patron de l'aile politique de la rébellion.

Une "force neutre"… à définir

Pendant ce temps, les 11 chefs d'Etat de la région (sans Paul Kagame) ont formulé des voeux pieux dans une déclaration commune (à lire ici). Le Sommet de Kampala demande aux rebelles du M23 de stopper la guerre, de quitter Goma et de se retirer à 20 km de la ville sous 2 jours. Pour sécuriser l'aéroport de la capitale provinciale du Nord-Kivu, la déclaration de Kampala souhaite voir déployer une "force composite", comprenant les FARDC (l'armée régulière), le M23 (bonjour l'ambiance sur le tarmac) et une "force neutre" qui reste à définir… Autant dire qu'avec un tel attelage improbable, le succès de l'opération est loin d'être assuré. Pour compléter le tout, les casques bleus de la Monusco serait chargés d'occuper une sorte de "zone tampon" entre Goma et les nouvelles positions occupés par le M23. Dernier sujet d'étonnement de la déclaration de Kampala : le point numéro 9, dans lequel il est expliqué que le processus serait supervisé par les responsables de la défense du Rwanda et de l'Ouganda. Petit souci, ces deux pays sont accusés de soutenir le M23 dans le dernier rapport de l'ONU, publié il y a quelques jours seulement.

Retour à la case départ

Depuis le rendez-vous manqué de dimanche entre Kabila et Runiga, les recommandations du Sommet de Kampala paraissent bien illusoires. Kabila est retourné à Kinshasa et le M23 (toujours à Kampala) semble bien décidé à ne pas quitter Goma avant de négocier avec le président congolais. La situation paraît donc bloquée. Seule avancée, une "reconnaissance" par les chefs d'Etat de la région des Grands Lacs, de certaines revendications "légitimes" du M23 (notamment les accords du 23 mars 2009). La société civile du Nord-Kivu s'est déclarée très contrariée par ces déclarations, qui ne font que "légitimer" et "brader" la souveraineté du Congo à leurs yeux.

Objectif Bukavu

Pendant de temps, la situation militaire est toujours figée autour de Goma. Le M23 tient également la ville de Sake et l'armée régulière est encore stationnée un peu plus au Sud, entre Minova et Kalehe sur la route de Bukavu. Le prochaine objectif militaire de la rébellion est clairement affiché depuis quelques jours : la prise de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. La chute de cette ville, après celle de Goma le 20 novembre dernier, pourrait sérieusement menacer le régime de Joseph Kabila que souhaite faire tomber le M23. La bataille que se livrent en ce moment les rebelles et l'armée loyaliste le long du lac Kivu est donc décisive.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

La situation à l'Est en direct sur le compte Twitter d'Afrikarabia : @afrikarabia

RDC : Que négociera le M23 avec Kabila ?

Après 7 mois de conflits, le président Joseph Kabila a fini par accepter de négocier avec la rébellion du M23. Le président du mouvement rebelle, Jean-Marie Runiga, affirme avoir eu l'assurance de Joseph Kabila d'entamer dès dimanche 25 novembre des négociations à Kampala. Pour négocier quoi ? Voici quelques pistes.

carte RDC Afrikarabia Kampala V2.jpg"Négocier avec un groupe rebelle ? Jamais !", avait souvent répondu Joseph Kabila. Mais depuis la chute de Goma, tombée aux mains du M23 mardi 20 novembre et la prise de Sake le lendemain, le président congolais n'avait plus guère le choix. Pour se sortir de l'ornière, Joseph Kabila ne peut plus compter sur son armée, qui n'a (pour le moment) jamais été en mesure d'inquiéter les rebelles puisqu'elle fuit pratiquement sans combattre, ni compter sur les casques bleus (Monusco) qui ont assisté à la prise de Goma… les bras croisés.

"L'obligation" de négocier

Samedi à Kampala, les chefs d'Etat de la région des Grands Lacs ont tenté de trouver une solution au conflit dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les participants du Sommet ont exigé le retrait des rebelles de Goma sous 2 jours et ont appeler le gouvernement congolais à entamer des négociations avec le M23. Les rebelles avaient prévenu qu'ils ne se retireraient pas de Goma avant d'avoir négocié avec le président Kabila. Tout convergeait donc pour que Jean-Marie Runiga, le président du M23 et Joseph Kabila se retrouvent autour d'une table.

Appliquer les accords du 23 mars

Négocier quoi ? Il est étonnement difficile d'y répondre, tant les revendications du M23 ont évolué depuis la création de la rébellion en avril 2012.  Au coeur des discussions, nous trouverons évidemment les fameux accords du 23 mars 2009 (qui ont donné leur nom au M23). Dans ces accords, la rébellion de l'époque, le CNDP (dont sont issus les membres du M23), demandaient l'incorporation des rebelles dans l'armée régulière (FARDC) et l'intégration politique de leur mouvement dans les institutions congolaises. Pour les rebelles, ces deux exigences n'ont été pas été correctement respectés par Kinshasa. Ils accusent notamment le président Kabila d'avoir voulu éloigner ses soldats de leurs fiefs du Kivu et de ne pas avoir maintenu tous les officiers dans leur grade. Concernant le Kivu, le M23 a deux raisons de ne pas s'en éloigner. La première parce que la région est richement pourvue en minerais divers, or, coltan, cassitérite… qui  constituent la principale source de financement de leur mouvement. La deuxième raison est ethnique. Le M23 entend défendre la communauté tutsie, souvent réprimée et menacée, notament par la milice hutue des FDLR. Côté politique, l'ex-CNDP, devenu M23, n'a jamais pu avoir accès aux institutions politiques de RDC.

Le cas Ntaganda

A la table des négociations, le M23 évoquera sans doute la situation du général Bosco Ntaganda, inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Intégré dans l'armée régulière en 2009, Ntaganda a d'abord fait le jeu de Joseph Kabila, en se retournant d'abord contre Laurent Nkunda, le patron du CNDP, en 2009 et ensuite en assurant une forte "victoire" dans les Kivus du candidat Kabila aux élections frauduleuses de novembre 2011. Mal élu, Joseph Kabila a décidé d'arrêter Bosco Ntaganda, en avril 2012, afin de donner de redorer son blason aux yeux de la communauté internationale. La fuite de Ntaganda a donné lieu à la création du M23. Il est donc fort probable que Jean-Marie Runiga veulent protéger Ntaganda de toute tentative d'arrestation.

Chasser Joseph Kabila

Loin de ces revendications "corporatistes", le M23 s'est rapidement doté d'une branche politique, affirmant des ambitions plus grandes. Un "cabinet fantôme" a été créé pour administrer les territoires occupés par la rébellion : le poste-frontière de Bunagana et la ville de Rutshuru. Très vite, le M23 a revendiqué "la vérité des urnes" à propos des élections chaotiques de novembre 2011. Le terme même de "vérité des urnes" provient du candidat malheureux à l'élection présidentielle, Etienne Tshisekedi, qui a toujours contesté la réélection de Joseph Kabila et a même déclaré sa "victoire". Le M23 pourrait-il faire alliance avec Tshisekedi ? Pour l'instant les contacts n'ont rien donné et l'UDPS est très réticente face à cette rébellion dont tout le monde sait que le Rwanda est derrière. Du côté du M23, on affiche aujourd'hui clairement la couleur : la chute du président Kabila. La rébellion en a-t-elle les moyens ? Militairement, pas complètement. Pour aller jusqu'à Kinshasa, les rebelles devront avoir l'aide direct d'un pays tiers. On voit mal, pour le moment, le Rwanda voisin ou l'Ouganda se lancer dans l'invasion de la RDC. Trop risqué diplomatiquement. Selon des observateurs, seule "une révolution de palais" pourrait débarquer le président Kabila.

Que peut lâcher Kabila ?

Difficile à dire, tant la situation militaire est versatile. Tant que le président Kabila n'arrive pas à reprendre la main sur le terrain militaire (et c'est actuellement le cas), il sera dans l'obligation de faire quelques concessions sur l'application des accords du 23 mars (localisation des soldats intégrés dans les Kivus, grades, versements des soldes… ). Au niveau politique, Joseph Kabila pourrait peut-être concéder une intégration politique au niveau provincial du M23 et, pourquoi pas, un poste au gouvernement. On parle également à Kinshasa de la possibilité de former un "gouvernement d'unité nationale" qui permettrait à Joseph Kabila de pratiquer une "ouverture politique" qui lui permettrait toutefois de se maintenir à la présidence. Mais dans le jeu de poker menteur des négociations dans la région des Grands Lacs, seule la situation militaire donnera l'avantage à l'une des deux parties. Pour l'instant, l'avantage militaire tourne au M23, mais depuis samedi, des renforts de l'armée régulière sont annoncées dans la zone, notamment autour de Bukavu, la prochaine cible annoncée des rebelles.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

23 novembre 2012

RDC : Le M23 contrôle toujours Sake et se dirige vers Bukavu

Les combats autour de la ville de Sake, ce jeudi, ont tourné à l'avantage des rebelles du M23 qui affirment ce soir à Afrikarabia "contrôler entièrement la ville". Kinshasa avait annoncé la reprise de Sake dans l'après-midi, mais selon le M23, l'armée régulière aurait été repoussée vers Minova, en direction de Bukavu. Le M23 déclare vouloir poursuivre jusqu'à Bukavu.

Capture d’écran 2012-11-23 à 00.26.09.pngAprès la prise de Goma, mardi 20 novembre, par les rebelles du M23, c'est au tour de Sake d'être au centre de toutes les attentions ce jeudi. Cette ville de 17.000 habitants, située à 25 km de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, constitue la porte d'accès vers Bukavu. La rébellion tenait Sake depuis mercredi, après le retrait des FARDC, l'armée régulière congolaise, qui recule systématiquement devant les offensives du M23.

Jeudi, de violents combats ont opposé les rebelles à l'armée congolaise, soutenue par une milice locale, les Maï-Maï Nyatura. En fin d'après-midi, le gouvernement congolais affirmait avoir repris Sake et félicitait ses "vaillants militaires pour la bravoure dont ils font preuve". Le porte-parole du gouvernement ajoutait même : "perdre Goma, n'est pas perdre la guerre".

Dans la soirée de jeudi, la situation devenait plus confuse sur le terrain. Vers 23h15, le M23 affirmait à Afrikarabia "contrôler entièrement la ville" après avoir repoussé une attaque des "FARDC, soutenu par des FDLR et l'APLCS". Les troupes loyalistes auraient été "poussées sur la route de Minova", un axe routier stratégique qui mène à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. Bukavu constitue-t-elle la prochaine cible du M23 ? A la question d'Afrikarabia de savoir si les rebelles "avançaient vers Bukavu", le colonel Jean-Paul Epenge, du M23, répondait laconiquement : "oui ! Talk and fight". Sur Twitter, la correspondante allemande du Tageszeitung, Simone Schlindwein, affirmait que les soldats congolais qui venaient de perdre la bataille de Sake étaient à Minova "complètement ivres".

Côté négociations, le chef politique du M23, Jean-Marie Runiga s'est rendu jeudi à Kampala rencontrer le président ougandais Museveni. Une réunion de la CIRGL devrait réunir samedi à Kampala tous les protagonistes du conflit : les présidents rwandais Kagame et Museveni, accusés tous les deux par l'ONU de soutenir le M23, et le président congolais Joseph Kabila. Avant de partir à Kampala ce jeudi, Jean-Marie Runiga avait annoncé qu'il "poursuivrait l'offensive" du M23 dans les Kivus "jusqu'à ce que le président Kabila accepte de négocier".

Informations mises en ligne vendredi 23 novembre à 01h 25.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

20 novembre 2012

RDC : Prise de Goma… et après ?

Joseph Kabila a perdu Goma. La capitale du Nord-Kivu est tombée mardi presque sans combats aux mains des rebelles du M23. La rébellion contrôle entièrement la ville et les postes frontières avec la ville rwandaise voisine de Gisenyi. L'armée congolaise s'est repliée vers Saké à 20 km à l'ouest de Goma. Que va faire le M23 de cette victoire ? Il y a pour l'instant plus de questions que de réponses.

Capture d’écran 2012-11-20 à 23.23.16.pngGoma est tombée à 11h33 ce mardi. Il aura fallu 6 jours d'offensives aux rebelles du M23 pour prendre la capitale du Nord-Kivu. La ville est tombée comme un fruit mûr, l'armée congolaise ayant préféré fuir vers l'Ouest. Le M23 a aussi pris le contrôle des 2 postes frontières avec la ville rwandaise de Gisenyi… tout un symbole, le Rwanda est accusé de soutenir le M23.

Tenir la ville

Si la chute de Goma est un coup dur pour le président Kabila, les difficultés commencent pour les rebelles. Car après avoir pris la ville, le M23 va devoir la garder. La capitale provinciale du Nord-Kivu compte 300.000 habitants sur un territoire de 75 km2. Le M23 n'a jamais dévoilé le nombre de ses hommes, mais en comptant 2 à 3.000 soldats, quadriller la ville et en contrôler l'accès ne sera pas chose facile. La rébellion administre plusieurs territoires autour de Bunagana et Rutshuru, qui nécessite déjà une forte présence militaire.

Risques d'exactions

Deuxième élément, il faudra éviter les pillages, les règlements de comptes, sans parler des risques de provocations. Sur ce plan, le M23 a souvent fait preuve d'une certaine "discipline". Discipline toute relative si l'on écoute les ONG des droits de l'homme et l'ONU qui ont noté plusieurs cas d'exactions. Dans une note rédigé aujourd'hui, International Crisis Group s'inquiète des "risques de représailles, d'exécutions extrajudiciaires ciblée", notamment "envers les autorités et les activistes de la société civile qui ont pris position contre le M23". Il faudra donc gagner la confiance des habitants de Goma.

Vers une guerre régionale ?

Troisième inquiétude : les risques de généralisation du conflits dans la région des Grands Lacs. International Crisis Group (ICG) craint une "nouvelle guerre régionale" qui risquerait de relancer "une dynamique de guerre entre la RDC et le Rwanda" voisin. Il faut dire que depuis 1994, Kigali a déjà envahi par deux fois le Congo (1996 et 1998). Le Rwanda est également accusé par 2 rapports de l'ONU de soutenir le M23, ce qu'il récuse. Pour éviter l'embrasement régional, il faudrait, toujours selon ICG, une plus grande implication de la communauté internationale et notamment de la Monusco, la mission de l'ONU en RDC. Il y a environ 6.700 casques bleus au Nord-Kivu, qui ont assisté en simples "spectateurs" à la prise de la ville. Une situation "absurde" pour Laurent Fabius, le Ministres des Affaires étrangères français, qui a réclamé une révision du mandat des casques bleus déployés en RDC.

Kigali et Kampala

Si le problème est régional, la solution l'est aussi. On sait que l'Ouganda et le Rwanda, deux voisins 'turbulents" de la RDC, sont fortement soupçonnés d'aider militairement la rébellion. Il semblerait que le président Joseph Kabila, qui a notamment appelé la population congolaise "à se mobiliser" et à se "défendre", est déjà parti à Kampala, pour discuter avec les présidents ougandais et rwandais de la situation. Difficile de prévoir ce qui pourra en sortir. Seule indication : si Joseph Kabila, possède encore une "légitimité internationale", il sort très affaibli de sa défaite à Goma.

Trois scénarios

Que va faire le M23 de la prise de Goma ? Il est clairement trop tôt pour le dire. Mais il existe au moins trois scénarios. Le premier : pousser Joseph Kabila à négocier et à faire des concessions. Après avoir demandé la reconnaissance des accords du 23 mars, concernant l'intégration des ex-rebelles dans l'armée et à l'intégration politique de leur mouvement, le M23 a élargi ses revendications. Il parle maintenant d'un changement de gouvernement et de revenir sur les élections "truquées" de 2011. Que peut lâcher Joseph Kabila ? Sans doute pas grand chose. Deuxième scénario : le M23 poursuit son avancé et s'emparant d'autres villes… et pourquoi pas faire route sur Kinshasa. Beaucoup de rebelles ne cachent plus leur volonté de voir le président Kabila "partir". Et il ne partira que par la force. Troisième scénario : le pourrissement. Le M23 "s'enferme" dans Goma, qu'il administre pour continuer d'avoir la main sur cette région riche ressources minières. Le Nord-Kivu deviendrait alors une simple annexe du Rwanda voisin. En attendant, la situation du M23 reste "confortable" militairement. L'armée congolaise est en "débandade" à une vingtaine de km de Goma et la Monusco n'a pas opposé de résistance.

100.000 réfugiés

Pour l'heure, la situation s'est "détendue" à Goma dans l'après-midi de mardi. La vie a timidement repris. Le seul bilan des combats disponible est celui noté par l'AFP sur place : 37 personnes blessées par balles, dont 12 enfants. Seul point noir, les réfugiés. Ils étaient plus de 100.000 décomptés par Médecins sans Frontières, "sans abris, sans eau et sans nourriture" et certains "porteurs du choléra". Les civils paient le prix fort de la chute de Goma.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

RDC : La bataille de Goma a commencé

Tombera ou tombera pas ? Le sort de la ville de Goma semble désormais appartenir aux rebelles du M23 qui campent depuis 2 jours à la périphérie de la capitale provinciale du Nord-Kivu. Après le refus du président Joseph Kabila de négocier avec la rébellion, le M23 affirme vouloir "repousser" l'armée congolaise "le plus loin possible" de ses positions.

carte RDC Afrikarabia GomaV2.jpgGoma prête à tomber aux mains de la rébellion, le scénario était prévisible. Depuis la création du M23 en avril dernier, le rapport de force ne s'est jamais inversé : les rebelles avancent et l'armée congolaise recule. A deux reprises seulement, et pour de très courtes durées, Kinshasa a pu reprendre du terrain sur l'ennemi, mais c'était sans compter l'aide des casques bleus de la Monusco, ou plutôt de leurs hélicoptères. Depuis 7 mois, le M23 mène donc la danse face à une armée fantôme, qui déserte le plus souvent ses positions. Pas étonnant de retrouver aujourd'hui le M23 dans les faubourgs de la ville de Goma, prêt à en découdre.

1996, 1998... 2012 ?

Ville symbole de toute une région, le Nord-Kivu, Goma est déjà tombée deux fois face aux rebelles. Une première fois en 1996 avec l'AFDL, soutenue par le Rwanda et une deuxième fois en 1998 avec le RCD, toujours soutenu par le Rwanda. La ville pourrait donc tomber une troisième fois... et toujours avec l'aide du Rwanda, accusé de soutenir le M23. L'ONU l'a déjà dénoncé dans plusieurs rapports d'experts, dont le dernier en date devrait sortir dans quelques jours. Le soutien rwandais constitue d'ailleurs la meilleure excuse de Kinshasa pour expliquer la déroute de ses militaires.

Infiltrés dans Goma

4 jours après l'offensive du M23, la bataille de Goma paraît inévitable. Les troupes rebelles du colonel Mukenga se tiennent depuis dimanche soir aux alentours de l'aéroport et du camp Munigi à 3 km du centre ville. Deux sources différentes nous ont confirmé que plusieurs groupes de rebelles seraient déjà infiltrés dans plusieurs quartiers. Ces mouvements de troupes ont poussé une partie de la population à fuir la zone, vers l'Est au Rwanda ou vers l'Ouest vers la ville de Saké. Une source nous indiquait que l'aéroport de Goma avait été déserté par la Garde républicaine, chargée de sa sécurité. L'information n'est pas confirmée pour l'instant. Idem sur la présence de l'armée régulière au centre ville. Beaucoup nous disent que les FARDC ont déjà quitté le centre et parlent de "déroute", alors que le gouverneur de la province, Julien Paluku, affirme le contraire. Des chars ont été vus dans Goma centre et des renforts de l'armée régulière sont attendus en provenance de Bukavu.

Prêt pour l'assaut final

Ce lundi, les rebelles ont lancé un ultimatum aux autorités congolaises, leur demandant de démilitariser la ville et d'ouvrir des négociation. Quelques heures plus tard, le gouvernement a annoncé qu'il ne négociera pas avec le M23. Après ce refus, dans l'après-midi, les rebelles semblaient prêt à lancer l'assaut final… une question d'heures nous affirmait-on. Les affrontements se sont donc poursuivis toute la journée de lundi dans plusieurs zones autour du quartier Munigi, et notamment autour de l'aéroport, qui apparaît être la prochaine cible du M23. Les rebelles, qui expliquent que leurs offensives ne sont que des "réponses" aux attaques des FARDC, ont affirmé lundi vouloir "repousser" l'armée congolaise "le plus loin possible" de ses positions. Reste la Monusco (les casques bleus). Le M23 nous a affirmé qu'elle ne faisait que "reculer". La bataille de Goma a donc bel et bien commencé.

MISE A JOUR : Lundi 19 novembre dans la soirée le M23 est brièvement entré la ville de Goma.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

18 novembre 2012

RDC : Le M23 à 2 km de Goma

Dimanche matin, les rebelles du M23 affirment se tenir à 2 km de la ville de Goma. Après avoir repris la ville de Kibumba à l'armée congolaise (FARDC) dans la journée de samedi, la rébellion a continué sa route vers la capitale provinciale du Nord-Kivu et stationne maintenant près du camp de Munigi et de l'aéroport.

L'aéroport de Goma est actuellement désert, alors qu'il est censé être défendu par la Garde républicaine. Le M23 a déclaré ne pas souhaiter prendre Goma, mais seulement "éloigner" l'armée congolaise. Autorités provinciales et militaires se seraient déjà repliées vers Bukavu au Sud-Kivu. La situation est restée calme cette après-midi à Goma. Pas de coups de feu, ni d'incidents.


Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Matata Ponyo (RDC) : Opération séduction à Paris

En visite en France pendant 3 jours, le Premier ministre de République démocratique du Congo a dressé un premier bilan économique de son gouvernement et demande "un peu de temps" pour mesurer les effets de sa politique.

Matata Ponyo filtre 1.jpgLe président Joseph Kabila n'avait jamais connu un si bon VRP. Un curriculum vitae irréprochable, le ton calme, les propos mesurés, "l'économiste" Matata Ponyo a tout pour rassurer. Spécialiste de politique monétaire et  budgétaire, le Premier ministre est venu pour vanter les "progrès" réalisés par la République démocratique du Congo, mais aussi pour faire oublier les tensions du Sommet de la Francophonie. Missions délicates.

Indicateurs économiques au beau fixe

Sur le plan macro-économique, Matata Ponyo affiche de bons résultats : un taux d'inflation "en dessous de 3%", un Franc congolais "stable" avec l'euro et un taux de croissance en progression pour l'année 2012 (7,2%)… Seul souci, ces bons chiffres ne semblent toujours pas bénéficier à la population congolaise dont presque 70% vit encore sous le seuil de pauvreté (- de 2$ par jour). Pour inverser la tendance, Matata Ponyo compte sur le secteur privé pour être "le moteur de l'économie" congolaise et sur les investisseurs étrangers pour venir faire des affaires en RDC. Là encore, il y a deux problèmes récurrents : la corruption quasi endémique, que l'opération "tolérance zéro" n'a pas endigué, et le retour de la guerre à l'Est du pays qui auraient plutôt tendance à faire fuir les projets d'investissement.

Un peu de patience...

Les bonnes intentions sont là, mais la route paraît bien tortueuse pour le Premier ministre congolais. L'année écoulée a vu reculer la RDC dans le classement Doing Business 2013. Le Congo se retrouve classé à la 181ème place sur… 185. Mais Matata Ponyo a rappelé qu'en avril dernier, la RDC avait adhéré à l'OHADA, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires et que des progrès étaient en cours, comme la mise en place (un peu chaotique) de la TVA, le nouveau code des douanes ou le renforcement de la sécurité juridique et judiciaire pour les entreprises. Le Premier ministre espère bien que ces réformes porteront leurs fruits dès 2013. Matata Ponyo demande donc un peu de temps et de patience pour mesurer les effets positif de sa politique. Son gouvernement est en effet au commande depuis depuis seulement 6 mois. Mais avec un budget lilliputien de 8 milliards de dollars, la marge de manoeuvre de Matata Ponyo apparaît très limitée.

Aucun contrat de signé

Au cours de sa visite de 3 jours en France, le Premier ministre conoglais a rencontré Jean-Marc Ayrault, son homologue français, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, Pierre Canfin et Yamina Benguigui chargés du Développement et de la Francophonie, mais aussi les patrons du MEDEF. Matata Ponyo a affirmé "qu'aucun contrat n'était en cours", mais a confirmé l'intérêt de la société Total dans le secteur des hydrocarbures à l'Est de la RDC. Un bémol cependant, la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour dans la région, avec la reprise des combats entre les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et l'armée régulière autour de la ville de Goma.

Clin d'oeil à la diaspora

Comme souvent dans ce genre de déplacement à l'étranger, le Premier ministre congolais a souhaité s'adresser à la diaspora congolaise, très présente en France. Matata Ponyo a donc insisté pour que ces Congolais investissent de nouveau au pays. Pour le Premier ministre, les Congolais de l'extérieur ne doivent plus hésiter à venir "faire des affaires en RDC". Pas sûr qu'un tel message soit complètement entendu par la diaspora congolaise de France, majoritairement hostile au régime de Joseph Kabila.

Droits de l'homme et démocratie

Les deux points noirs de la situation en République démocratique du Congo restent le conflit qui agite l'Est du pays depuis plus de 15 ans et la situation des droits de l'homme et de la démocratie. Sur ces sujets, le Premier ministre est moins convaincant (ou moins convaincu, lui-même par la politique qu'il doit défendre). Sur le processus de démocratisation, qui "doit se poursuivre", selon lui, le Premier ministre reconnaît "des erreurs" pendant les élections très controversées de 2011. Mais la Commission électorale (CENI) à la base des fraudes est toujours en place et peine à se réformer. Comme preuves des progrès démocratiques de la RDC, Matata Ponyo note la présence de "150 députés de l'opposition à l'Assemblée nationale"… un argument un peu faible pour justifier les nombreuses irrégularités des dernières élections.  "Quelques soient les erreurs et les insuffisances, l'expression démocratique s'est affirmée", insiste le Premier ministre. Pas un mot sur les arrestations arbitraires d'opposants politiques ou sur l'affaire Chebeya, qui tourne à la parodie de justice, depuis que l'on sait que le principal suspect, John Numbi, ne sera pas jugé.

Concernant la situation sécuritaire au Nord-Kivu, le Premier ministre a confirmé que le rapport final des experts de l'ONU mettait en cause des "officiels rwandais" dans le soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Matata Ponyo a indiqué avoir reçu "une oreille attentive" des autorités françaises sur le sujet et souhaite voir renforcer le mandat des casques bleus de la Monusco (voir vidéo).


Conférence de presse d'Augustin Matata Ponyo à... par ChristopheRigaud

Si Matata Ponyo reste le meilleur atout de Joseph Kabila pour rassurer la communauté internationale et les nombreux bailleurs du Congo, sa seul présence ne suffit pas à faire oublier les nombreux errements du régime. Depuis les élections chaotiques de novembre 2011 qui ont fortement affaibli l'autorité de Joseph Kabila et le retour des combats au Nord-Kivu, la RDC entre de nouveau dans une zone de forte turbulence. Si Matata Ponyo demande un peu de patience aux Congolais pour voir la situation s'améliorer… le temps presse.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Matata Ponyo à Paris - Novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

17 novembre 2012

RDC : L'armée rwandaise impliquée au Nord-Kivu ?

Le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) dénonce ce samedi la participation de l'armée rwandaise (RDF) aux côtés des rebelles du M23. Kinshasa affirme que "3.500 éléments M23 et RDF" ont repris la ville de Kibumba "en passant par la frontière de Ruashi". Le M23 et le Rwanda démentent ces informations.

carte RDC Afrikarabia Kibumba V2.jpgAprès 3 mois de statu quo, les armes ont de nouveau parlé au Nord-Kivu. Depuis le 15 novembre, les combats ont donc repris entre les rebelles du M23 et l'armée régulière congolaise (FARDC). Le Sommet de la Francophonie en octobre et les élections américaines début novembre avaient calmé les ardeurs guerrières. Mais les infructueuses palabres de Kampala ont eu raison de la patience des belligérants. Qui a déclenché les hostilités ? Impossible de le dire pour le moment tant la situation est confuse autour de Goma. Le M23 accuse l'armée régulière (FARDC) d'avoir attaqué les premiers, alors que Kinshasa affirme le contraire. Seule certitude, depuis environ deux semaines, les positions du M23 avaient été fortement renforcées.

Au centre des combats, la localité de Kibumba. Jeudi 15 novembre au matin, les autorités congolaises affirment qu'un millier de combattants du M23 attaquent la ville. Quelques heures plus tard, l'armée congolaise repousse le M23, causant la morts de 113 rebelles. Toujours selon le gouvernement, le 17 novembre à 4 heures du matin, "3.500 éléments M23 et RDF" (l'armée régulière rwandaise, ndlr) ont repris la Kibumba "en passant par la frontière de Ruashi".

Ce samedi, les autorités congolaises ont clairement accusé le Rwanda voisin d'être derrière la victoire militaire de Kibumba. Kinshasa affirme que les défaites successives de l'armée congolaise ne peuvent s'expliquer que par une implication "massive" d'une "armée étrangère". Ce que dément formellement Kigali et le M23.

Le Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, tout juste de retour de Paris, a tenu aujourd'hui une réunion extraordinaire du Conseil des ministres. Le gouvernement a apporté de nouveaux éléments de la présence de l'armée rwandaise dans les combats du Nord-Kivu. Selon Kinshasa, "3 bataillons" de l'armée rwandaise (RDF) commandés par le général Ruvusha, "2 unités spéciales" et "1 unité d'artillerie lourde commandé par le général Gatama Kasumba" auraient participé aux combats dans la bataille de Kibumba.

Le gouvernement congolais révèle ensuite qu'un sergent de l'armée rwandaise, Claude Rugamba, aurait été capturé par les FARDC. KInshasa indique également que "sur la dépouille mortelle du lieutenant-colonel Maombi, un officier des RDF, a été retrouvé un appareil de communication avec un SMS : " ce plan a échoué. Repliez-vous avec vos hommes. On va monter un autre plan".

Il est bien sûr impossible, pour l'instant, de vérifier ces informations. Le M23 affirme avoir été attaqué par les FARDC et Kigali dément catégoriquement la présence "d'un seule de ses hommes" au Nord-Kivu. La situation est encore très floue sur le terrain où il est très difficile de reconnaître un rebelle du M23 d'un soldat rwandais puisqu'ils portent le même uniforme. L'aveu provient d'un officier congolais.

Selon les dernières informations disponibles, la Monusco, la mission de l'ONU présente sur place, aurait lancé une attaque sur les positions du M23, au moyen d'hélicoptères (Mise à jour samedi 17 novembre à 22h10).

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

14 novembre 2012

RDC : Les 4 vérités de Roger Lumbala

Dans une longue interview accordée à Afrikarabia, l'opposant Roger Lumbala dénonce la responsabilité de Joseph Kabila dans le retour de la guerre à l'Est de la République démocratique du Congo. Roger Lumbala l'accuse également de financer l'opposant rwandais Faustin Kayumba pour s'affranchir de la tutelle de Paul Kagame. Un jeu dangereux qui plonge, selon lui, la RDC dans un nouveau conflit.

Roger Lumbala 2 filtre.jpgRoger Lumbala revient de loin. Début septembre, l'opposant congolais est brièvement arrêté par les services de renseignements burundais à Bujumbura. Soupçonné de conspiration contre le régime de Joseph Kabila et de collaboration avec la rébellion du M23, Roger Lumbala échappe aux officiers de renseignements congolais venus le chercher par avion et réussit à se réfugier dans l'ambassade d'Afrique du Sud. Comme aucune charge ne pèse sur lui au Burundi, Lumbala  regagne finalement Paris le 16 septembre 2012, où il rejoint sa famille. Le député Lumbala est ensuite convoqué par l'Assemblée nationale congolaise pour venir s'expliquer. Il demande à Kinshasa de garantir sa sécurité… en vain. Persuadé d'avoir échappé au pire, Roger Lumbala vit maintenant en exil à Paris, où nous l'avons rencontré.

- Afrikarabia : Dans une lettre adressée à l'Assemblée nationale congolaise (consultable ici) vous tenez pour responsable Joseph Kabila de l'insécurité qui règne en République démocratique du Congo. Vous dites même, que selon vous, il a organiser l'instabilité du pays. De quels éléments disposez-vous pour dire cela ?

- Roger Lumbala : On dit que assumer des responsabilités dont on a pas la compétence est un crime. Aujourd'hui Joseph Kabila n'est pas en mesure d'imposer l'autorité de l'Etat et d'assumer ses responsabilités. Il a une responsabilité toute particulière dans ce qui se passe à l'Est de la République démocratique du Congo. Au mois d'avril, Bosco Ntaganda m'appelle pour me solliciter et me demande d'aller discuter avec lui à Goma. Il s'agit d'une vielle connaissance lorsque nous étions au RCD-N. Il y avait à l'époque Laurent Nkunda, Makenga et les autres… ils nous respectaient beaucoup. Il m'appelle et je réponds positivement, car à l'époque il se passait déjà des choses à l'Est. Etant républicain, j'ai tenté d'appeler le président de l'Assemblée nationale (Aubin Minaku, ndlr), qui n'a pas répondu. Le nouveau ministre de l'intérieur n'est pas mon ami (Richard Muyej, ndlr). Je ne peux donc pas aller vers lui pour lui raconter de telles confidences. J'ai donc appelé Adolphe Lumanu, l'ancien ministre de l'intérieur, en présence de Bosco Ntaganda par téléphone, pour qu'il écoute l'entretien. Lumanu m'a dit qu'il devait appeler le président de la République pour lui exposer le problème car il s'agissait d'une mission délicate. Le chef de l'Etat lui a déconseillé et a demandé à Lumanu de me dire de ne pas aller à Goma. J'ai trouvé cela un peu bizarre. C'est ensuite Ntaganda qui m'appelle pour me dire que Joseph Kabila l'a appelé pour lui demander de ne pas me recevoir. Etrange ? Si on revient un peu en arrière : Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Joseph Kabila déclare que pour des raisons de sécurité et de paix en RDC, il ne peut pas livrer Ntaganda. Et donc, il laisse Ntaganda dans le territoire de Rutshuru, là où celui-ci avait ses hommes. Voilà comme Joseph Kabila a renforcé Bosco Ntaganda. Ntaganda avait déjà prit de l'argent à la banque centrale de Goma. Il a ensuite arrêté un avion qui allait chercher de l'or avec de vrai-faux dollars… personne n'a rien dit… pas même le chef de l'Etat. Voilà comment Joseph Kabila alimente Bosco Ntaganda en argent, en armes et en munitions.

- Afrikarabia : Vous dites que Joseph Kabila joue double-jeu ?

- Roger Lumbala : Non, il est complice ! Sachant que Bosco Ntaganda est recherché par la CPI, Joseph Kabila refuse de le livrer, ne veut pas le déplacer, le maintient dans son fief avec ses soldats et l'alimente en argent ! Après sa réélection très controversée de novembre 2011, la pression internationale s'est accrue sur Joseph Kabila : "tu dois livrer Bosco Ntaganda", lui dit-on. Kabila prend contact et se retrouve avec Bosco Ntaganda et Paul Kagame (le président du Rwanda voisin, ndlr). Kabila expose son problème et explique qu'il a "une chape de plomb sur la tête". Il propose de ne pas arrêter Bosco Ntaganda pour le livrer à la Cour pénale internationale, mais de le garder pour le juger en République démocratique du Congo. Paul Kagame dit "non" et Bosco Ntaganda dit "non" en disant que "ce n'était pas cela le contrat". Et c'est donc à partir de ce moment là que débute les hostilités au Nord-Kivu. C'est pour cela que je dis que Joseph Kabila est responsable de ce qui se passe à l'Est de la République démocratique du Congo.

- Afrikarabia : Dans votre lettre à l'Assemblée nationale, vous dites aussi que Joseph Kabila financerait l'opposition rwandaise, en versant de l'argent au général rwandais Faustin Kayumba, actuellement en exil en Afrique du Sud ?

- Roger Lumbala : Joseph Kabila joue au jeu du chat et de la souris. Depuis 2003, Joseph Kabila verse une "prime de guerre" à Paul Kagame par l'intermédiaire de Katumba Mwamke (son plus proche conseiller, décédé le 12 février 2012, ndlr). C'est une prime pour l'aide de Kagame dans la résolution de la crise de 2003 : 25 millions de dollars chaque année. Aujourd'hui, Kabila cherche à se débarrasser de Kagame et surtout ne veut plus payer cette somme. Que fait-il ? Il décide de soutenir l'opposition rwandaise. C'est pour cela qu'Augustin Katumba Mwamke entre en contact avec le général Faustin Kayumba Nyamwasa, qui a d'ailleurs échappé à un attentat en Afrique du Sud (le 19 juin 2010, ndlr). Ils se sont rencontrés plus de 5 fois. Joseph Kabila veut donc rééquilibrer ses relations avec Kagame en soutenant l'opposition rwandaise. Joseph Kabila est aussi en "alliance" avec le pouvoir hutu du président burundais Nkurunziza. Dans cette région, on sait qu'il y a une animosité viscérale entre hutu et tutsi. C'est pour cette raison que Kayumba, qui est hutu, est soutenu pour Nkurunziza, qui est lui aussi hutu, contre Kagame le tutsi. Joseph Kabila est aussi en relation avec Agathon Rwasa (des FNL, en lutte contre le pouvoir burundais, ndlr) et Pascaline Kampayano… on n'y comprend plus rien, tout cela fait de la "bouillabaisse".
Cela explique tout de même la position du Rwanda qui pense que, lorsque vous êtes avec ses ennemis, vous devenez son ennemi. C'est ainsi que le Rwanda… (ça je ne sais pas si on peut le dire, car eux-mêmes ne le disent pas,  c'est comme cela qu'ils)… tolère (voila l'expression que je peux utiliser), c'est pourquoi le Rwanda tolère le va et vient du groupe de Bosco Ntaganda (le M23, ndlr) à sa frontière.

- Afrikarabia : On peut dire que le président Joseph Kabila essaie aujourd'hui de s'affranchir de la tutelle rwandaise ?

- Roger Lumbala : C'est exactement cela. En faisant du Rwanda le diable agresseur, Kabila peut faire oublier au peuple congolais qu'il a été mal élu. Le peuple est tombé dans ce panneau là, avec la communauté internationale. Cette communauté internationale qui peut d'une certaine manière reconnaître le régime de Joseph Kabila, par le simple fait que son pays est agressé par le Rwanda. Alors que c'est Joseph Kabila qui est à l'origine de ces troubles.

- Afrikarabia : Le gouvernement vous a soupçonné de "haute trahison"  et de travailler avec les rebelles de M23. Etes-vous proche de cette rébellion ?

- Roger Lumbala : Est-ce que le gouvernement m'accuse d'empêcher les FARDC de se battre ? Je ne suis ni chef d'Etat major des forces congolaises, ni ministre de l'Intérieur, ni celui des Renseignements. Dans le cas où j'aurais été en relation avec le M23, qui a empêché les FARDC de se battre ? Je ne suis qu'un élément de "distraction". Ma chaîne de télévision a été incendiée (RLTV, ndlr), le signal des deux chaînes a été coupé, on a tiré sur ma résidence à Mbuji Mayi… tout cela montre à quel point le régime de monsieur Kabila cherche à abattre Roger Lumbala. Toutes ces accusations qui sont portées contre moi… c'est parce que je suis de l'opposition.
Pour répondre à votre question, je n'ai pas aujourd'hui de relations directes ou indirectes avec le M23. Cela ne veut pas dire que je ne connais pas les acteurs du M23. Je connais beaucoup de monde, Joseph Kabila le sait très bien. Je connais Paul Kagame, James Kabarebe (ministre rwandais de la défense, ndlr)… j'ai travaillé avec eux de 1998 à 2003 (lors de la deuxième guerre congolaise, ndlr). Mais je ne me suis intéressé aux problèmes de l'Est qu'après l'appel téléphonique de Bosco Ntaganda (en avril 2012, ndlr).

- Afrikarabia : Le gouvernement congolais vous accuse également de soutenir la rébellion du colonel John Tshibangu au Kasaï-Oriental. Quelles sont vos relations avec John Tshibangu ?

- Roger Lumbala : Est-ce que John Tshibangu est en rébellion ou bien a fait défection ?

- Afrikarabia : Il a d'abord fait défection de l'armée régulière avec certains de ses hommes le 16 août 2012, puis a ensuite été accusé par Kinshasa d'être entré en rébellion…

- Roger Lumbala : … mais il n'a jamais fait la rébellion ! John Tshibangu n'a jamais pris un iota de territoire…

- Afrikarabia : A un moment donné, on a entendu dire qu'il avait pris la ville de Kabeya Kamwanga ?

- Roger Lumbala : Non, il n'a jamais rien pris. Rien n'a jamais été confirmé. Concernant John Tshibangu, il faut faire la différence entre la rébellion et la défection. Combien de militaire congolais font défection chaque jour en République démocratique du Congo ? Des milliers. Pourquoi la défection de Tshibangu intéresse beaucoup plus le pouvoir ? Parce que cela se passe dans le Kasaï… chez Etienne Tshisekedi… et chez Roger Lumbala (tous les deux sont originaires de cette province et dans l'opposition politique, ndlr). Une fois de plus, le pouvoir fait de la "distraction" pour masquer son incompétence sur le terrain.

- Afrikarabia : En cherchant sur internet, on trouve des personnes qui disent que vous étiez à Bujumbura pour chercher des armes pour John Tshibangu. Est-ce vrai ?

- Roger Lumbala : Il y a beaucoup d'extrapolation. Quand je suis allé à Bujumbura, je suis allé ensuite à Uvira et à Fizi (au Sud-Kivu, ndlr) puis je suis en revenu à Bujumbura. A aucun moment, les autorités burundaises n'ont déclaré que j'avais des armes. Sinon, j'aurais été arrêté par les autorités burundaises.

- Afrikarabia : Quelles sont vos relations avec John Tshibangu, que vous connaissez ?

- Roger Lumbala : John Tshibangu, je le connais effectivement très bien. Il était avec nous au  RCD. Monsieur Tshibangu est le commandant en second de la 5ème région militaire au Kasaï. Il se trouve qu'il vient à Kinshasa avec sa femme qui avait une grossesse difficile. Personne n'a voulu l'aider à l'Etat major général. Tshibangu vient me voir et me dit : "grand frère, si tu ne m'aides pas mon épouse va mourir". Je lui ai donné 2000$ et lui m'a donné en gage un document d'une parcelle qui lui appartenait. Monsieur Tshibangu a donc pu soigner son épouse. A partir de ce moment là, il y a eu cassure avec l'autorité militaire et John Tshibangu. L'autorité qui n'arrive pas à lui donner de l'argent pour soigner sa femme lui demande d'aller se battre à l'Est ! Au Kasaï, Tshibangu rencontre un autre problème. Il s'agit du général Obed, un militaire d'expression rwandophone, comme on dit (tutsi, ndlr). Les hommes d'Obed sont les mieux équipés, les mieux nourris, les mieux payés par rapport aux FARDC (armée régulière, dont les hommes d'Obed, d'ex rebelles sont censés faire partie, ndlr). Les hommes d'Obed vivent en vase clos, sont bien nourris, font des fêtes et reçoivent les visites presque quotidiennes du général, alors que John Tshibangu, son second, n'a même pas accès au campement… Qu'est-ce que cela veut dire ?

- Afrikarabia : Vous dites que c'est l'une des raisons de sa défection en août dernier ?

- Roger Lumbala : John Tshibangu a fait beaucoup de rapports là-dessus… et personne ne l'a jamais écouté ! Quand Obed apprend que Tshibangu fait des rapports, il fait lui aussi son propre rapport et Kinshasa exige alors qu'Obed ramène Tshibangu à Kinshasa, manu militari !

- Afrikarabia : Le M23, John Tshibangu et Roger Lumbala, s'ils ne collaborent pas ensemble, ont un objectif commun : pousser au départ le président Joseph Kabila. Vous pourriez vous retrouver tous les 3 si les événements venaient à mal tourner pour le président congolais ?

- Roger Lumbala : Non, pas du tout. Je suis dans une démarche démocratique. Je suis élu (Roger Lumbala est député national, ndlr), même réélu. Mais l'article 64 de notre constitution dit que le peuple congolais doit faire barrage à l'individu ou le groupe d'individus qui s'impose par la force...

- Afrikarabia : … c'est exactement ce que dit John Tshibangu pour justifier sa défection.

- Roger Lumbala : Si John Tshibangu, qui est militaire, veut utiliser l'armée pour faire barrage à Joseph Kabila… il est dans la constitution.

- Afrikarabia : On sait très bien qu'après les militaires, vient toujours le temps de la politique. Vous serez de ceux-là ?

- Roger Lumbala : Je suis un politique en vue... parmi les autres. Par mon travail, je me distingue. Je fais une politique active. On dit souvent que, quand l'arbre monte, il attrape beaucoup de vent…

- Afrikarabia : Aujourd'hui, vous êtes en exil à Paris car votre sécurité n'est pas assurée à Kinshasa. Comment envisagez-vous votre avenir politique ? Que comptez-vous faire ?

- Roger Lumbala : L'opposition. Je vais continuer dans l'opposition jusqu'à ce que le peuple congolais pousse Kabila à partir.

- Afrikarabia : Depuis Paris ?

- Roger Lumbala : Je suis à Paris, mais cela ne m'empêche pas d'aller dans d'autres pays pour aller solliciter des soutiens. Moi, je veux que le peuple congolais prenne ses responsabilités. Je ne veux pas que ce soit Roger Lumbala, le M23 ou John Tshibangu… je veux que le peuple congolais puisse faire comprendre à monsieur Joseph Kabila qu'il n'a pas été élu. D'ailleurs, nous sommes satisfait du comportement affiché par le président François Hollande, qui a bien montré à Joseph Kabila qu'il ne pouvait pas le considérer comme son homologue.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Roger Lumbala à Paris - Novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

12 novembre 2012

RDC : Une coordination pour soutenir John Tshibangu

A Bruxelles, le Front du peuple congolais pour le changement et la démocratie (FPCD) propose de trouver des "appuis financiers et diplomatiques" à la rébellion du colonel John Tshibangu. Ce haut gradé de l'armée congolaise a fait défection le 16 août dernier au Kasaï-Oriental avec plusieurs de ses hommes. Si le gouvernement congolais a lancé une importante traque dans la région pour arrêter Tshibangu, aucune information officielle n'a filtré sur l'état de cette rébellion. Afrikarabia a interrogé André Kadanda Kana, le responsable du FPCD.

André Kabanda Kana 2.jpgAlors que l'attention médiatique et diplomatique se focalise sur la rébellion du M23 qui sévit au Nord-Kivu, un colonel de l'armée congolaise (FARDC) a fait défection depuis le 16 août dernier, avec une partie de ses hommes. Retranché au Kasaï-Oriental, Tshibangu et sa troupe auraient mis en déroute, début octobre, l'armée régulière dans la localité de Kabeya Kamwanga. Le gouvernement congolais ne la jamais confirmé (voir l'article d'Afrikarabia) et la ville est aujourd'hui toujours sous le contrôle de l'armée régulière.

Depuis l'entrée en dissidence de John Tshibangu, l'armée congolaise (FARDC) s'est lancée dans une véritable traque au colonel dissident dans la région du Kasaï où il s'est retranché. Le 5 novembre, Tshibangu, qui se présente maintenant comme lieutenant général, a dénoncé les exactions de l'armée régulière dans le territoire de Dibaya où les FARDC le cherche.

Sur le plan politique, John Tshibangu revendique la victoire d'Etienne Tshisekedi (UDPS) aux dernières élections très contestées de novembre 2011 et souhaite le départ du président Joseph Kabila. Avec une rébellion à l'Est, menée par le M23, plutôt "pro-tutsi" et soutenue par le Rwanda, Tshibangu escompte créer un deuxième front "anti-Kabila" au Kasaï. Et à la différence du M23, la coordination politique du FPCD se revendique comme un mouvement "100% congolais", ne bénéficiant d'aucun soutien extérieur. André Kabanda Kana, responsable de la branche politique de John Tshibangu a répondu à nos questions depuis Bruxelles.

- Afrikarabia : Pourquoi avoir créé une coordiantion politique pour soutenir John Tshibangu ?

- André Kabanda Kana : John Tshibangu a décidé de mettre sur pied une "armée du peuple" dont la revendication est "la vérité des urnes". Il a estimé que pour mener correctement son action, il avait besoin de soutiens. Nous avons donc organisé ce front, qui est une coordination civile qui s'occupe de l'aspect politique et diplomatique du mouvement. Nous sommes aussi chargés de trouver les appuis financiers pour la réussite de son action.

- Afrikarabia : Les revendications de John Tshibangu sont politiques ?

- André Kabanda Kana : Les revendications militaires ne peuvent être soutenues  que par des revendications politiques. John Tshibangu l'a dit dès le début, il revendique "la vérité des urnes". Il y a donc une vision politique derrière.

- Afrikarabia : "La vérité des urnes", cela signifie, selon vous, que c'est Etienne Tshisekedi qui a gagné les élections ?

- André Kabanda Kana : Ce n'est pas moi qui le dit. A l'issue des élections de novembre 2011 et après les fraudes, la plupart des observateurs ont dit qu'Etienne Tshisekedi était le gagnant des élections...

- Afrikarabia : ... ce n'est pas vraiment cela. Après les nombreuses irrégularités du scrutin, l'Union européenne et le Centre Carter ont plutôt dit que les résultats étaient jugés "non crédibles", sans déterminer de vainqueur ?

- André Kabanda Kana : Il doit tout de même y avoir un vainqueur de ces élections non ? Ce n'est donc pas celui qui dirige le pays qui peut prétendre avoir été élu. Nous savons qu'une grande partie des procès verbaux originaux issus des bureaux de vote montrait clairement qu'Etienne Tshisekedi était devant Joseph Kabila. Et ensuite, les fraudes et le désordre ont profité à celui qui a triché.

- Afrikarabia : John Tshibangu soutient donc clairement Etienne Tshisekedi ?

- André Kabanda Kana : Nous soutenons Etienne Tshisekedi de manière indirecte. Nous le soutenons parce que c'est lui qui a été élu par "la vérité des urnes". Si cela avait été quelqu'un d'autre, nous l'aurions également soutenu. Joseph Kabila dirige aujourd'hui par défi et a pris le pouvoir par la force. La constitution congolaise donne le droit de s'opposer à celui qui s'impose par la force. L'action de John Tshibangu est donc parfaitement justifiée.

- Afrikarabia : Quelle est la situation dans la province du Kasaï-Oriental ?

- André Kabanda Kana : Ce que je peux vous dire, c'est que certains villages sont envahis par les militaires du gouvernement de Kinshasa (FARDC, ndlr). Ces villages sont pillés et les femmes sont violées par les militaires de Joseph Kabila. On envoie l'armée congolaise pour soit disant traquer John Tshibangu et on constate que ces soldats sèment le trouble et la désolation au sein de la population civile.

- Afrikarabia : Sait-on de combien d'hommes dispose John Tshibangu ? Sur une radio congolaise, John Tshibangu parlait lui-même de 3 bataillons ?

- André Kabanda Kana :  Je lui laisse la liberté de ses déclarations militaires. Je ne suis pas militaire. Moi ce qui m'intéresse c'est le résultat auquel il va arriver.

- Afrikarabia : Mi-septembre, l'Apareco, le mouvement d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller à la sécurité de Mobutu, affirmait que John Tshibangu se ralliait à lui (voir l'article d'Afrikarabia). Aujourd'hui John Tshibangu possède sa propre branche politique, qu'en est-il de vos relations avec l'Apareco ?

- André Kabanda Kana :  John Tshibangu et Honoré Ngbanda ont eu à traiter ensemble. Mais ce n'est pas ma préoccupation. Aujourd'hui, il y a une coordination politique qui soutient John Tshibangu et notre préoccupation est de faire en sorte que tous les Congolais travaillent avec nous pour poursuivre notre objectif commun… Honoré Ngbanda et les autres.

- Afrikarabia : Que pensez-vous de la situation à l'Est du pays et de la rébellion du M23 ?

- André Kabanda Kana : Je n'appellerai pas le M23 une rébellion. Le M23 est constitué d'anciens membres du CNDP (une ancienne rébellion dirigée par Laurent Nkunda en 2008, ndlr). Ils sont soutenus par des forces étrangères, c'est ce que dit un rapport de l'ONU en citant le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi. Tout cela pour organiser la désolation et le pillage du Congo. Pour moi, le M23 n'est pas une rébellion.

- Afrikarabia : Pour simplifier, on peut dire que vous considérez votre mouvement comme beaucoup plus "congolais" que le M23 ?

- André Kabanda Kana : Ce mouvement est purement congolais. John Tshibangu est un Congolais 100% et tous ceux qui sont avec lui sont Congolais. La branche politique est composée exclusivement de Congolais et nous prétendons n'avoir le soutien d'aucun pays. C'est l'élan patriotique qui nous a poussé à faire cela.

- Afrikarabia : Votre mouvement est-il en contact avec Roger Lumbala, actuellement en exil à Paris et accusé par Kinshasa de vouloir aider la rébellion de John Tshibangu ?

- André Kabanda Kana : Je vous donnerais la même réponse que pour l'Apareco d'Honoré Ngbanda. Robert Lumbala est un patriote qui a fait beaucoup de chose pour ce pays. Pour cela, Roger Lumbala doit avoir été en contact avec John Tshibangu à un certain moment. Il a certainement travaillé avec lui. Roger Lumbala possède son propre parti politique, mais nous sommes avec ceux qui travaillent pour le même objectif et la recherche de la paix.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : André Kabanda Kana © DR

08 novembre 2012

Le Renaudot pour l’écrivaine franco-rwandaise Scholastique Mukasonga

Le prix Renaudot 2012, l’un des principaux prix littéraires français, a été décerné mercredi 7 novembre à l’écrivaine Scholastique Mukasonga pour  son roman Notre Dame du Nil  (Ed. Gallimard), roman qui a pour toile de fond un lycée de jeunes filles au Rwanda, dont les pensionnaires sont dressées à rester vierges jusqu'au mariage.

Scholastique.jpgScholastique Mukasonga, née au Rwanda en 1956, avait déjà reçu le prix Seligmann contre le racisme  2008 pour son livre La femme aux pieds nus (Ed. Gallimard/Continents Noirs), qui raconte la tragédie de sa mère, tuée durant le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Ce prix lui avait été remis le 8 janvier 2009 par le maire de Paris Bertrand Delanoë, entouré de Françoise Seligmann et Patrick Gérard recteur de l'académie de Paris, chancelier.

Fidèlement soutenue par Gallimard, Scholastique Mukasonga  qui avait aussi publié Inyenzi ou les cafards (Gallimard/Continents Noirs, Paris, 2006) et L'Iguifou « la famine » ), un recueil de nouvelles (Gallimard/Continents Noirs, Paris, 2010) trempait sa plume  dans des souvenirs personnels liés aux massacres de Tutsi au Rwanda depuis 1959. Les lecteurs de Scholastique Mukasonga ont bien perçu l'ancienneté des tentatives génocidaires contre les Tutsi du Rwanda, qu’elle commence à subir à l’âge de 3 ans.  Rappelons que les Tutsi ont été persécuté et périodiquement massacrés depuis 1959 avec le soutien actif ou tacite d’une partie de la hiérarchie catholique qui avait construit un « Etat clérical » ubuesque fondé sur la dictature de la « race » hutu. La « purification ethnique » ayant abouti au génocide de 1994 contre les Tutsi n’a constitué une surprise au Rwanda que pour les personnes aveugles.

Scholastique 2.jpgDans sa postface de Inyenzi ou les Cafards, l’ écrivain et critique congolais Boniface Mongo-Mboussa observe que l'écriture de Scholastique Mukasonga émane du « désir manifeste de donner aux disparus une digne sépulture de mots à la fois pour apaiser les vivants et sanctifier les morts ».

Avec son roman Notre Dame du Nil, Scholastique Mukasonga s’engage dans la fiction, toujours dans une langue française très raffinée qu’elle magnifie de ses interactions avec le kinyarwanda, la langue poétique du Rwanda. Cette langue très douce, allusive et imagée avait déjà irrigué la célèbre trilogie du journaliste/écrivain français Jean Hatzfeld et lui avait valu le prix Fémina/Essai 2003.

Franco-Rwandaise, Scholastique Mukasonga avait déjà obtenu pour Notre Dame du Nil le Prix Ahmadou Kourouma, décerné au Salon du livre de Genève, qui récompense un ouvrage, essai ou fiction, consacré à l'Afrique noire.

Jean-François DUPAQUIER

Photos :
- Scholastique Mukasongwa et Françoise Seligmann © JF Dupaquier
- Un groupe de danseuses franco-rwandaises lors de la remise du prix Seligmann à la mairie de Paris © JF Dupaquier

10:49 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)

04 novembre 2012

RDC : Les errements d'Etienne Tshisekedi

"Président" autoproclamé de République démocratique du Congo depuis les élections frauduleuses de novembre 2011, l'opposant Etienne Tshisekedi s'est peu à peu enfermé dans ses fonctions fictives. Une étrange stratégie qui cache mal les errances et l'isolement de son leader.

Capture d’écran 2012-11-02 à 14.18.49.pngOù va l'UDPS ? Bien malin celui qui pourrait définir le cap choisi par son président, Etienne Tshisekedi. A 79 ans, "l'opposant historique", comme le nomme la presse congolaise, semble avoir fait le vide autour de lui. Beaucoup accusent le patron de l'UDPS de s'être muré dans son rôle de "président" virtuel, après les élections contestées de novembre 2011 et de nier la réalité de la situation politique. D'autres critiquent son manque de compromis et ses diktats, menant le plus souvent à l'exclusion politique, puis à la scission.

Enième ramaniement

Dernier événement en date : la réorganisation du parti après l'éviction de son secrétaire général, Jacquemain Shabani, accusé d'avoir détourné 300.000 dollars. L'UDPS vient de nommer Bruno Mavungu au poste de numéro 2 du parti. Même si le parquet général a lavé Shabani de tout soupçon, le divorce semble bel et bien consommé entre Tshisekedi et son ancien secrétaire général. Résultat : à Kinshasa, on parle déjà de la naissance d'une "aile Mavungu" et d'une "aile Shabani".

Exclusion et scission, les épisodes se suivent… et se ressemblent à la tête de l'UDPS. Peu avant les élections présidentielles de 2011, François-Xavier Beltchika, un ancien leader de l'aile Righini de l'UDPS, avait claqué la porte pour créer son propre parti. Dans un texte publié par Congo Tribune, Beltchika dénonçait "la léthargie et la paralysie totale du parti", condamné selon lui "au naufrage".

Candidature en solo

Pendant le cycle électoral de 2011, là encore, Tshisekedi ne compose pas. Sûr de son aura et de sa victoire, le "sphinx de Limete" choisi de jouer en solo : aucune alliance ne sera passée avec un autre parti d'opposition. Problème : l'élection présidentielle à un seul tour nécessite une candidature unique de l'opposition pour être en mesure de contrer le président sortant, Joseph Kabila. Tshisekedi, Kamerhe et Kengo (les autres candidats d'opposition) se renvoient la responsabilité de l'échec. Résultat : Tshisekedi arrive en deuxième position... et perd.  La fraude électorale est dénoncée de toutes parts, mais Tshisekedi annonce tout de même "sa" victoire et s'autoproclame "président de la République démocratique du Congo". Seul souci : si Kabila n'apporte pas la preuve de sa victoire (des milliers de Procès verbaux de l'élection ont disparu), Thsisekedi n'est pas plus en mesure de prouver le contraire. La "cérémonie d'investiture" de Tshisekedi se déroulera dans sa résidence privée, entouré seulement de quelques proches… dans l'indifférence générale. Certains proches du mouvement regrettent que Tshisekedi n'ai pas anticipé la fraude électorale (prévisible) et préparé une contre-offensive plus pertinente à la victoire annoncée de Joseph Kabila.

Exclusion de 33 députés

L'isolement de l'UDPS continue après les résultats des élections législatives, elles aussi frauduleuses, puisque se déroulant le même jour que la présidentielle. Considérant (à juste titre) la nouvelle Assemblée nationale "illégitime", Etienne Tshisekedi demande à ses candidats de boycotter l'institution. Mais la majorité des députés UDPS refusent  le "jusqu'au boutisme" de leur patron et estiment que la voix de l'opposition sera plus audible au sein l'Assemblée qu'en dehors (sans oublier les 7.000 $ de traitement !). Résultat : les 33 députés UDPS sont exclus et place en orbite un nouveau "dissident", Samy Badibanga, comme président du groupe UDPS/FAC et candidat au poste de porte-parole de l'opposition à l'Assemblée. Là encore, le duo "exclusion-scission" fonctionne à plein régime.

Vidéo surréaliste

Plus inquiétant enfin, a été le dernier point presse tenu par Etienne Tshisekedi après sa rencontre avec François Hollande, lors du XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Sur le coup, je n'avais lu que les dépêches d'agences relatant l'entrevue entre les deux hommes. Tshisekedi s'y déclarait "satisfait" de sa conversation avec le président français qu'il considérait comme "un frère de l'Internationale socialiste"… rien que de très banal. Je lisais cependant que la rencontre avait quelque peu décontenancé les conseillers de François Hollande… sans savoir pourquoi. Mais dernièrement, on me conseille de visionner l'intégralité de ses déclarations au sortir de l'entrevue. Et là, je comprends soudain l'embarras des diplomates français. On entend en effet Tshisekedi répondre à un journaliste lui parlant de son statut d'opposant : "je ne suis pas opposant, c'est moi qui suis au pouvoir au Congo. Ce sont les autres qui sont opposants !" Ou encore cette déclaration, comme s'il était effectivement au pouvoir : "je lui ai demandé (à François Hollande) de renforcer la coopération entre la République démocratique du Congo et la République française". La discussion devient quasi surréaliste concernant la situation au Kivu, où la rébellion du M23 se bat contre l'armée congolaise, Tshisekedi répond : "Il ne faut pas qu'il s'en fasse (il parle de François Hollande), dès que j'ai l'effectivité du pouvoir, 24 heures après il n'y aura plus de problème au Kivu, c'est la paix la plus totale !" (voir la vidéo tournée par Congo Mikili ci-dessous).


Déclaration d'Etienne Tshisekedi après la... par ChristopheRigaud

Les errements du leader de l'UDPS commencent à inquiéter la base du mouvement, surtout dans la diaspora à l'étranger. Les sorties tonitruantes d'Etienne Tshisekedi déstabilisent un bon nombre de militants et désorientent quelque peu les chancelleries occidentales. Certains affirment que la personnalité de Tshisekedi avait "refroidi" la communauté internationale sur sa capacité à prendre la succession de Joseph Kabila. A l'extérieur du parti, on n'hésite pas à déclarer Tshisekedi "hors jeu". Au sein des autres structures de l'opposition congolaise, l'entêtement du "vieux" à se considérer comme "le président élu" est qualifié de "farce tragi-comédie".

Pourtant, pour beaucoup, Tshisekedi représente encore l'image d'un opposant intègre. Le début de sa campagne électorale et son retour après 3 années "d'exil médical" en Belgique avaient été bien accueillis par les Congolais. Mais très vite, son positionnement s'est crispé autour de la candidature unique à la présidentielle. Tshisekedi a tout de suite fermé la porte aux négociations avec les autres candidats, estimant sa candidature comme "légitime" et donc non-négociable.

Depuis la fin de l'épisode électoral, le leader de l'UDPS a perdu beaucoup de sa crédibilité... Une crise de leadership qui commence à lasser une bonne partie de ses soutiens. Problème : aucune personnalité d'opposition n'a émergé des dernières élections de 2011 et l'opposition n'a pas encore trouvé son homme providentiel.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Etienne Tshisekedi en 2011 à Bruxelles © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com