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27 septembre 2012

Kivu (RDC) : Le calme avant la tempête ?

Si le front militaire est encore calme entre les rebelles du M23 et l'armée régulière, la situation sécuritaire se tend autour de la ville de Goma. Une série d'attaques depuis le début de la semaine fait craindre une reprise des combats dans la région, une fois le sommet de la CIRGL et le Sommet de la Francophonie passés. L'aile militaire du mouvement rebelle semble prête à l'épreuve de force.

filtre DSC02372.jpgDepuis le mois d'avril, l'armée régulière de la République démocratique du Congo (FARDC) affronte les rebelles du M23, qui contrôlent maintenant le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Cet été, le mouvement rebelle a installé une administration parallèle dans ces zones et menace toujours de prendre la ville de Goma, la capitale provinciale. Depuis plusieurs semaines, un calme précaire était revenu pendant que la diplomatie essayait de trouver une porte de sortie au conflit. Mais pour le moment aucune initiative ne semble porter ses fruits. L'ONU hésite à condamner trop fermement le Rwanda, accusé de soutenir la rébellion et la République démocratique du Congo refuse toujours de négocier avec les rebelles. Une «force neutre» pourrait se mettre en place entre la frontière congolaise et rwandaise, mais ses contours et son financement demeurent très incertains. Au mieux, elle se mettra en place dans plusieurs mois, ce qui laisse encore du temps au M23 pour s'installer et progresser.

Sur le terrain militaire, le calme devrait tenir encore quelques jours, ou quelques semaines. Deux rendez-vous internationaux mobiliseront l'attention des différents protagonistes du conflit : la rencontre des chefs d'Etats de la région, le 8 octobre à Kampala, au cours de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et enfin le Sommet de la Francophonie, prévu à Kinshasa du 12 au 14 octobre prochain. Après ? Personne ne peut prédire l'avenir, mais les militaires du M23 risquent fort de reprendre la main sur l'aile politique du mouvement. Selon une source, les soldats du M23 sont convaincus qu'il «faut aller plus loin». Car depuis plusieurs semaines, la simple revendication des accords du 23 mars (d'où le nom de M23) ne suffit plus. Les revendications sont devenues plus «globales» et résoluement «anti-Kabila». D'après l'aile militaire de la rébellion, «il y a eu trop de morts, trop de populations déplacées pour continuer à faire confiance au président Joseph Kabila. On ne peut plus se retrouver dans cette armée là». A la question «que ferez-vous par la suite ?», la réponse est claire : «on avance !».

Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, il est donc fort à parier que la situation sécuritaire risque de se dégrader après la mi-octobre. En début de semaine, plusieurs attaques de nuit ont déjà agité la ville de Goma. Selon les autorités provinciales, 12 personnes seraient mortes des suites de nombreuses fusillades et d'attaques à la grenade. Le porte-parole de la région du Nord-Kivu, Ernest Kyaviro, a précisé à l'agence Reuters qu'il s'agissait sans doute «d'une infiltration de rebelles du M23». L'information est difficile de vérifier, d'autant que depuis la réactivation de la guerre dans la région, de nombreux groupes armés ont repris du service et terrorisent régulièrement la population. Une chose est sûre, la «poudrière des Kivus» ne demande qu'une étincelle pour s'enflammer de nouveau.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

26 septembre 2012

RDC : Thierry Michel toujours sans visa

Le réalisateur du documentaire "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" attend toujours son visa pour participer au Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC). Après son expulsion de Kinshasa en juillet dernier, Thierry Michel avait pourtant reçu l'assurance du Premier ministre congolais et de Yamina Benguigui que la RDC lui délivrerait bien un visa. Le 20 septembre, l'ambassade a refusé sa demande. Le réalisateur belge vient également d'être cité en référé devant le tribunal de Liège par John Numbi, chef de la police congolaise, mis en cause dans son film.

Capture d’écran 2012-09-26 à 22.01.07.pngLe cinéma documentaire est un sport de combat et le réalisateur Thierry Michel est particulièrement bien placé pour le savoir. Depuis la sortie de son film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", Thierry Michel enchaîne les parcours d'obstacles. Son documentaire, particulièrement réussi, raconte la chronique du procès des assassins de Floribert Chebeya, un activiste des droits de l'homme éliminé par l'appareil sécuritaire congolais. En filigrane du film, est évoqué la responsabilité du chef de la police, John Numbi, un proche du président Joseph Kabila. Cité en témoin, John Numbi est pourtant absent du boxe des accusés, alors que toutes les pistes le désignent comme le commanditaire du meurtre. La thèse de Thierry Michel est partagée par l'ensemble les ONG congolaises et internationales sur le sujet : il s'agit bien d'un assassinat politique.

Promesse non tenue

C'est à la sortie du film que les ennuis commencent pour Thierry Michel. Le documentaire est d'abord interdit (sans surprise) par Kinshasa, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une carrière clandestine en RDC. En juillet dernier, Thierry Michel se fait ensuite expulser du Congo, dès sa sortie d'avion. La ministre française, Yamina Benguigui, monte au créneau et promet que le cinéaste obtiendra son visa pour le Sommet de la Francophonie prévu les 12, 13 et 14 octobre prochain à Kinshasa. Yamina Benguigui tient même sa promesse du Premier ministre congolais lui-même. Rassuré, Thierry Michel dépose son passeport le 17 septembre, accompagné d'une lettre d'invitation à l'ambassade de RDC en Belgique. Le 20 septembre, la sentence tombe : visa refusé. Thierry Michel se demande donc s'il pourra participer, comme prévu, au XIVème Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre prochain.

Témoin surprise

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Juste après avoir été refoulé de l'aéroport de Kinshasa, le 8 juillet dernier, Thierry Michel relance l'affaire Chebeya avec un témoignage inédit. Le cinéaste recueille l'interview de Paul Mwilambwe, un policier qui dit avoir assisté à l'assassinat de Floribert Chebeya. Pour Paul Mwilambwe, le "donneur d'ordre" de l'assassinat s'appelle John Numbi. Celui-ci aurait promis 500.000 dollars au major Christian Ngoy en échange de l'élimination de Chebeya. Le témoignage de Mwilambwe, que nous avons pu lire, est circonstancié, précis et vérifiable. Thierry Michel s'étais dit prêt à "transmettre à la justice" l'entretien filmé avec le policier, aujourd'hui en fuite à l'étranger. Depuis, plus personne ne semble s'y intéresser.

Mauvaise publicité

Capture d’écran 2012-09-26 à 20.45.22.pngCeux-ci expliquant peut-être cela, le réalisateur de  "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?",  vient d'être dernièrement cité en référé devant le Tribunal de 1ère instance de Liège, par le Général John Numbi, chef de la police congolaise au moment de l'assassinat de Chebeya. Motif : John Numbi souhaite faire interdire la diffusion de l'affiche du documentaire sur laquelle figure son image, à côté d'une photographie de la victime, Floribert Chebeya. Numbi réclame 5.000 euros d'amende au réalisateur Thierry Michel et sa productrice pour chaque affiche publiée.

Pour le  cinéaste, "il s'agit bien d'une atteinte au droit de la presse et à la liberté d'expression de la part du Général Numbi". Et de s'étonner : "John Numbi, lors de sa comparution devant la Cour militaire, a été photographié par les nombreux photographes présents. Ces photos ont été diffusées dans de nombreux médias nationaux et internationaux depuis plus de 16 mois déjà. A ce jour, sur Internet, John Numbi est cité 715.000 fois dans le cadre de l'assassinat et du procès Chebeya, et très souvent avec sa photo". Selon Thierry Michel, "l'affiche du film est publique depuis les avant premières organisées en novembre 2011 et janvier/février 2012 et le film est sorti dans les salles de cinéma en Belgique en mars 2012 et en France en avril 2012". L'audience en référé aura lieu mercredi 3 octobre au tribunal de Liège et le jugement sera prononcé le jour même.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Pour en savoir, plus vous pouvez consulter le site du film :  www.chebeya-lefilm.com

25 septembre 2012

RDC : Service minimum pour François Hollande à Kinshasa

Visite au pas de course pour le président français au Sommet de la Francophonie de Kinshasa le 13 octobre prochain. François Hollande devra rencontrer le président Joseph Kabila, puis les ONG et l'opposition politique en quelques heures, avant de prononcer un discours de 7 minutes au Sommet de la Francophonie. Expéditif, mais stratégique. Explications.

Image 2.pngLes multiples controverses autour de la venue du François Hollande à Kinshasa ont visiblement poussé l'Elysée à contourner les obstacles. Résultats des courses : le président français fera le service minimum au XIVème Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre en République démocratique du Congo (RDC). L'opposition avait demandé la délocalisation du Sommet pour ne pas légitimer le régime de Joseph Kabila et cautionner les élections frauduleuses de novembre 2011. De nombreuses ONG dénonçaient également les violations des droits de l'homme, les assassinats, les arrestations arbitraires de membres de l'opposition. Un contexte plutôt embarrassant pour le président français.

François Hollande avait pourtant prévenu qu'il "réaffirmerai que la Francophonie n’est pas simplement une langue en partage mais aussi une communauté de principes et d’idéaux dont le rappel à chaque occasion est nécessaire". Le président français avait également voulu rassurer l'opposition en rappelant qu'il parlerait "de tout" lors de sa visite à Kinshasa.

Visiblement, c'est la stratégie de l'évitement qui a été choisie par l'Elysée. Selon le site de RFI, 1 heure et 30 minutes a été prévu pour rencontrer le président Kabila, les ONG et l'opposition politique, le tout agrémenté d'un discours de 7 minutes au Palais du peuple de Kinshasa.

Pour en arriver à ce programme minimum, l'Elysée a dû trouver une bonne excuse pour limiter la présence du président français en RDC. L'excuse, en l'occurrence, se nomme Dakar. Le 12 octobre François Hollande fera donc une halte rapide dans la capitale sénégalaise pour y rencontrer Macky Sall, le président fraîchement élu. Avantage de cette escale : les élections sénégalaises se sont déroulées démocratiquement, en toute transparence, à l'inverse des élections congolaises. Autre avantage, cela permettra au président français de prononcer "son" discours de Dakar sur sa vision de l'Afrique, en référence au discours de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, prononcé en 2007. Au final une seule petite journée a donc été prévue sur le sol congolais.

Plusieurs écueils attendaient le président français à Kinshasa. Le premier écueil concernait la visite en tête à tête avec Etienne Tshisekedi, le leader de l'opposition. Si l'UDPS affirme être en contact avec l'Elysée pour caler le rendez-vous, la visite expéditive de François Hollande risque fort de faire l'impasse sur une rencontre avec Tshisekedi. Deuxième écueil : la présence du Rwanda, accusé de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa à l'Est du pays. On imaginait mal Paul Kagame et François Hollande sur la même tribune, alors que la autorités congolaises font le forcing sur Paris pour que le président français condamne fermement Kigali. Là encore, la visite express de François Hollande permet de se sortir de ce mauvais pas.

Un seul point d'interrogation sur cette visite express : la teneur des 7 minutes de discours au palais du peuple... autant dire que nous avons hâte.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

24 septembre 2012

RDC : Timide début de réforme pour la CENI

La réforme de la Commission électorale (CENI) de République démocratique du Congo avance à petits pas. Le gouvernement vient de proposer d'augmenter de 7 à 11 le nombre des membres de la Commission et réserve 2 sièges à la société civile. Le débat se poursuivra au Parlement où le sort du très controversé président de la CENI sera scellé.

CENI.png10 mois après les élections contestées de novembre 2011, la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l'ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle, encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de monde pour défendre l'organisation chaotique des dernières élections présidentielle et législatives.

Fiasco

Pour évaluer le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l'étendu des dégâts. "Les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées", note les observateurs de l'Union européenne. La mission de l'UE dénonce les multiples dysfonctionnements du scrutin : "l'absence d'audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d'électeur de 3,2 millions d'électeurs, de multiples incidents, des fraudes et des bourrages d'urnes ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence". L'Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent depuis lors "la restructuration de la CENI en y incluant la société civile" et souhaite un audit complet du fichier électoral.

Sous pression, les autorités congolaises viennent d'enclencher un timide début de réforme, en proposant plusieurs modifications de la CENI. Le gouvernement propose de faire passer le nombre des membres de la Commission de 7 à 11 et d'y inclure la société civile. 2 sièges seront donc réservés à la société civile, curieusement absente de la CENI pour les élections de 2011. Le poids de l'opposition sera également renforcé "au prorata de la configuration politique de l'Assemblée nationale". Après les propositions du gouvernement, ce sera à l'Assemblée nationale et au Sénat que reviendra la lourde tâche de présenter un projet de loi définitif.

Un projet de réforme existe déjà

A l'Assemblée nationale, un député d'opposition du Kasaï oriental, Emery Okundji, a déposé, depuis le 5 juin, une proposition de réforme plus complète. Emery Okundji propose une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres (et non 11 comme le souhaite le gouvernement), avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.

La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).

Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.

Le cas Mulunda

Pour de nombreux observateurs de la politique congolaise, ces propositions présentent une "base de discussion intéressante", mais doivent être complétées "par un meilleur contrôle financier" et par "une réforme de la Cour suprême de justice" qui a montré ses lacunes lors du contentieux électoral de novembre 2011. Autre souci : le calendrier électoral des scrutins locaux qui n'est toujours pas fixé, demeure très flou et sans financement. Enfin, problème majeur à régler par le Parlement : le sort du très contesté président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda. Pour l'opposition, ce proche du président Kabila doit faire les frais du fiasco électoral de novembre et être débarqué. L'éviction du président de la CENI constitue également un des "gages" souhaité par Paris pour la participation de François Hollande au Sommet de la Francophonie, le 12 octobre prochain à Kinshasa. On voit donc mal comment Daniel Ngoy Mulunda pourrait se maintenir à la tête de la CENI. Mais pour l'instant le président Kabila semble hésiter à le lâcher.

Ces modifications du gouvernement, "a minima", sur le fonctionnement de la CENI sont donc loin de répondre à toutes les attentes de la classe politique congolaise et de la Communauté internationale. Seul le Parlement pourra y apporter les correctifs nécessaires et redonner un peu de légitimité à cette institution.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Rectificatif : Pas de censure de TV5 Monde sur la Francophonie

logo afkrb.pngNous avons relayé jeudi dernier l'inquiétude de l'association "Convergence pour l'émergence du Congo" qui avait noté la "disparition" d'une dépêche AFP du site internet de TV5 Monde. La dépêche AFP concernait "la demande de délocalisation du Sommet de la Francophonie". Après quelques jours, la dépêche disparaissait et le lien n'était plus accessible. L'association se demandait si TV5 Monde n'avait pas censuré cette information "très sensible" à quelques semaines du rendez-vous de Kinshasa. Après avoir attendu en vain les explications du service "interactivité" de la chaîne, la réponse nous est finalement parvenu ce lundi du service relations presse.

TV5 Monde nous a expliqué que le "fil d'informations de l'AFP n'était pas archivé" et que les dépêches les plus récentes "chassaient" les plus anciennes. Il n'y avait donc rien d'anormal, selon la chaîne à ce que cette information disparaisse du site après quelques jours de visibilité. TV5 Monde nous a assuré qu'il n'y avait "aucune censure" de leur part concernant le Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Dont acte. Toutes nos excuses à TV5 Monde ainsi qu'à nos lecteurs.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

18 septembre 2012

RDC : Négociations en vue avec le M23 à Kampala ?

Les autorités congolaises seraient en passe de négocier avec la rébellion du M23 sous l'égide de l'Ouganda. Les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale pourraient être mis à contribution. Kinshasa dément, pour l'instant, cette information en provenance du M23.

logo afkrb.pngQui croire ? Les nombreuses déclarations du M23 sur l'ouverture prochaine de négociations avec le gouvernement congolais sont régulièrement démenties par Kinshasa. Moyen de faire pression sur Joseph Kabila ? Sûrement. Il n'empêche que depuis quelques jours une solution négociée serait à l'étude par l'Ouganda, après le mini sommet de Kampala du 9 septembre.

Yoweri Museveni, le président de l'Ouganda "aurait pris contact avec les deux parties pour entamer des négociations", selon le coordonateur politique du M23, Jean-Marie Runiga, cité par un journal congolais. Toujours selon le M23, une délégation du mouvement rebelle serait toujours à Kampala et attendrait une délégation congolaise de haut niveau. Si Kinshasa a aussitôt démenti, on parle des deux présidents du Parlement de la République démocratique du Congo (RDC). Léon Kengo, le président du Sénat et Aubin Minaku, président de l'Assemblée nationale ont effectivement mis sur pied une cellule de "diplomatie parlementaire" en vue de mettre fin au conflit qui secoue l'Est de la RDC.

Jusqu'à ce jour, le président congolais, Joseph Kabila, a toujours refusé de négocier directement avec les rebelles. Il a déclaré vouloir résoudre la crise au Nord-Kivu "par 3 voies : politique, diplomatique et militaire". Pour le moment, la voie militaire n'est pas un succès pour Kinshasa puisque le M23 contrôle toujours quelques localités du Nord-Kivu et menace toujours de prendre Goma, la capitale régionale. La diplomatie, dans un premier efficace, patine sur l'envoi d'une "force neutre", reportée de plusieurs mois et sans financement. Reste le politique et la sortie de crise négociée, que réclament les rebelles. Visiblement Kinshasa y pense de plus en plus.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

16 septembre 2012

RDC : Les foyers d'instabilité se multiplient

La reprise de la guerre au Nord-Kivu focalise les craintes de la communauté internationale et l'attention des médias. Mais d'autres régions sont également le théâtre de rébellions, de défections de soldats ou de mouvements sécessionnistes. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Province orientale, au Kasaï ou au Bas-Congo, l'Etat peine à imposer son autorité. La République démocratique du Congo est-elle au bord de l'éclatement ?

DSC04006.jpgDepuis le mois d'avril 2012, les regards sont tournés vers le Nord-Kivu, une province de l'Est de la République démocratique du Congo, en proie aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin. A juste titre, la communauté internationale et les médias se sont portés au chevet de la "poudrière des Kivus", qui menace le fragile équilibre de la région des Grands lacs. Kinshasa se mobilise comme elle peut pour tenter d'endiguer l'avancée des rebelles… en vain. L'armée congolaise, qui n'est plus que l'ombre d'elle même recule sans se battre. Mal payés, mal commandés, l'armée régulière ne réussit pas à s'imposer… même avec l'appui (timide) des casques bleus de la Monusco. Le M23 contrôle maintenant une partie du Nord-Kivu dont la ville-frontière de Bunagana et Rutshuru, nouvelle "capitale" de la rébellion. Mais si la situation au Nord-Kivu inquiète, d'autres foyers d'instabilités secouent le reste de la RDC. Au Katanga, au Sud-Kivu, en Ituri, au Kasaï, en Equateur ou au Bas-Congo, les rébellions et les nombreuses défections de soldats font craindre un embrasement général des provinces.

Katanga, province très "indépendante"

A Lubumbashi, le sécessionnisme semble être inscrit dans les gènes des Katangais. Depuis l'indépendance du Congo en 1960, la province a toujours revendiqué sa volonté d'indépendance. Et les mouvements sécessionnistes sont légions. Depuis l'ère Kabila (père, puis fils), le Katanga a toujours apporté un soutien inconditionnel au régime en place. Lubumbashi a constitué un "réservoir de voix" important pour Joseph Kabila aux élections de 2006, puis  en 2011. Mais depuis plusieurs mois, la province gronde. "Marre de payer pour Kinshasa" entend-on dans les rues de la capitale du cuivre. Au coeur de la discorde : la non rétrocession des 40% de l'Etat  à la province, prévue par la loi sur la décentralisation de 2006. Plusieurs fois, l'aéroport de Lubumbashi a été la cible d'attaques mystérieuses "d'hommes en armes". A chaque fois, on croit à un coup de force d'éléments sécessionnistes. A chaque fois, l'affaire ne va pas plus loin, mais l'inquiétude gagne à Lubumbashi. Les sécessionnistes gagnent du terrain.

A la manoeuvre, on trouve Gabriel Kyungu et son parti politique, l'Unafec. Cet été il a recueilli plus de 50.000 signatures pour demander un référendum en faveur du fédéralisme, d'ici 2016. Objectif : obtenir plus de 100.000 signatures. En parallèle, le poids du président Joseph Kabila s'est écorné par le choix du président d'imposer son frère, Zoé, à la tête de la province, à la place du charismatique Moïse Katumbi. L'arrivée du jeune frère passe mal dans la population.

Côté milice, le retour de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, sème la peur au Katanga depuis le début 2012. Ce seigneur de guerre a été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s'est évadé en septembre 2011 de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l'enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga. "La région est en train de sombrer dans la violence, la psychose et la peur. Il y en a beaucoup qui se cachent en brousse", indique Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga.

Le Kasaï se réveille

Autre province aux avant postes de la contestation : le Kasaï. D'habitude plutôt calme, ce fief de l'opposant Etienne Tshisekedi, connait lui aussi des soubresauts. Depuis le mois d'août 2012, le chef d’état-major de la région, le colonel John Tshibangu a fait défection et mis en place son propre groupe armé pour "chasser Kabila du pouvoir". La traque infructueuse de Kinshasa n'a toujours pas permis de mettre la main sur Tshibangu, qui vient d'annoncer son ralliement à l'Apareco d'Honoré Ngbanda, un ancien mobutiste en exil.

Province-orientale, Sud-Kivu, Maniéma, Bas-Congo… la colère monte

En août, c'est au tour du colonel Mandro Mazelo de faire défection pour rejoindre le maquis dans le Maniema, une province proche du Nord-Kivu. La Province orientale connait elle aussi un regain de violence. Les groupes d'auto-défense Maï-Maï sèment de nouveau la terreur. Près de la frontière ougandaise, le groupe de Paul Sadala, alias "Morgan" a tué 15 okapis en juin 2012 et continue, depuis, de terroriser la population. Au Sud-Kivu, le commandant Yakutumba a pris le maquis et collabore notamment avec Agathon Rwasa des FNL (Forces pour la Libération Nationale), une rébellion burundaise en lutte contre Bujumbura. Là encore Yakutumba prône clairement le départ de Joseph Kabila.

Au Bas-Congo, une province de l'Ouest du pays, les tensions entre la population et le pouvoir central se sont ravivées avec la "disparition", ou "l'enlèvement" (selon ses proches) d'Eugène Diomi Ndongala, le patron de la Démocratie chrétienne. Accusé par Kinshasa de "viol sur mineures", les autorités le disent en "fuite", alors que sa famille dénonce un "enlèvement" par les services de renseignements congolais (ANR). En 2007 et 2008 la province du Bas-Congo avait été le théâtre d'une violente répression contre les membres du Bundu Dia Kongo (BDK), un parti politico-religieux, interdit depuis. L'opposition avait dénoncé le "massacre" de 150 personnes par les forces de sécurité congolaises. En octobre 2012, les élections des gouverneurs du Bas-Congo et de la province orientale se dérouleront donc sous haute tension avec des risques de fraudes, comme en 2007. Hasard du calendrier, ces élections auront lieu en même temps que le Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé du 12 au 14 octobre 2012.

Dernier foyer d'instabilité : la discrète province de l'Equateur, au Nord de la RDC. Cette zone a toujours tenu tête à Kinshasa, depuis la création du MLC de Jean-Pierre Bemba en 1998. En 2010, la rébellion de la tribu Enyele déstabilise le pouvoir central et fait douter Kinshasa, après la courte prise de Mbandaka, la capitale provinciale. Depuis, la situation s'est calmée, mais l'Equateur "la rebelle", pourrait refaire parler d'elle, si l'autorité de Kinshasa venait à vaciller.

Depuis avril 2012 et le naissance du M23, le pouvoir central est de nouveau mis à mal. L'instabilité fait tâche d'huile aux quatre coins de la RDC. La reprise du conflit à l'Est a remis en lumière l'absence de l'Etat congolais et son incapacité à imposer son autorité sur l'intégralité de son territoire. Cette situation constitue une opportunité dans laquelle tente de s'engouffrer rebelles, hommes politiques, militaires frustrés et aventuriers de tout poil. Pour l'instant, tous ces mouvements sont trop disparates et trop peu coordonnés pour déstabiliser à eux seuls Kinshasa. Chacun de ces groupes représentent quelques dizaines d'hommes, quelques centaines tout au plus. Pas assez, pour le moment, pour marcher sur la capitale et ébranler le pouvoir central.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

14 septembre 2012

RDC : John Tshibangu rallie Honoré Ngbanda

L'opposant congolais Honoré Ngbanda, président de l'Apareco, annonce avoir "accepté de travailler" avec le Colonel dissident John Tshibangu. Depuis plusieurs mois, l'Apareco s'est rapproché de différents mouvements armés en lutte contre le régime du président Joseph Kabila : l'ARP du général Munene et les hommes du Commandant Yakutumba.

Image 5.pngNouveau ralliement pour l'Apareco. Après l'ARP du général Munene, le Colonel Tshibangu, rejoint le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'est désormais placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda. Le Colonel John Tshibangu et ses hommes ont fait défection des FARDC, l'armée régulière congolaise, le 16 août 2012. Depuis cette date, Kinshasa s'est lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où les troupes de Tshibangu ont pris le maquis. Soupçonné par Kinshasa d'être d'abord proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y installer Etienne Tshisekedi.

Le ralliement annoncé de John Tshibangu à Honoré Ngbanda chance la donne. L'Apareco affirme vouloir d'abord "libérer le Congo". Candide Okeke, la conseillère d'Honoré Ngabanda affirme que l'accord avec Tshibangu s'est scellé autour d'un seul mot d'ordre : "Kabila doit partir". Quant à Etienne Tshisekedi : "la question n'est pas d'actualité". L"Apareco dénonce le risque de "balkanisation" de la RDC par le Rwanda et "l'imposture" du régime de Joseph Kabila.

Le ralliement de Tshibangu n'est pas le premier pour Honoré Ngbanda. Le 14 juin dernier, l'Apareco s'était déjà rapproché de l'ARP du général Munene, un autre dissident à Kinshasa, actuellement en résidence surveillée au Congo-Brazzaville. Avec Munene à Brazzaville (et des hommes un peu partout en RDC), Tshibangu au Kasaï et Yakutumba au Sud-Kivu, l'Apareco entend fédérer un front armé anti-Kabila capable de faire basculer le pouvoir central. Pour Honoré Ngbanda, l'ancien monsieur sécurité de Mobutu et féroce opposant à Joseph Kabila, le moment est venu d'entrer en "résistance". Sur le site de l'Apareco, un numéro de téléphone et une adresse mail permettent d'entrer en contact avec le mouvement. Selon Candide Okeke, les appels n'ont jamais été aussi nombreux.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo extraite du site internet de l'Apareco

12 septembre 2012

Francophonie : Kinshasa joue la montre

L'audience du procès Chebeya et la réforme de la Commission électorale (CENI) attendront la fin du Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre en République démocratique du Congo (RDC). Pour la venue de François Hollande, Paris avait pourtant souhaité voir des avancés sur ces deux dossiers. Kinshasa préfère botter en touche.

logo afkrb.pngDeux nouvelles en provenance de Kinshasa font grincer des dents à Paris. La première concerne l'audience du procès Chebeya, prévue mardi 11 septembre et reportée au 23 octobre. La deuxième est connue depuis plusieurs semaines, il s'agit de l'ouverture d'un débat à l'Assemblée nationale sur la réforme de la CENI avant le 15 octobre. Ces deux dossiers, très sensibles à Kinshasa avaient été mis dans la balance par Paris pour la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie en RDC. Problème : le Sommet est prévu du 12 au 14 octobre 2012, il n'y aura donc aucune avancée sur ces deux affaires avant la rencontre de Kinshasa.

La venue de François Hollande en République démocratique du Congo pour le Sommet de la Francophonie a été l'objet de nombreuses controverses. L'opposition congolaise souhaitait le boycott du Sommet ou sa délocalisation dans un autre pays afin que la visite de François Hollande ne "cautionne pas" la réélection contestée du président Joseph Kabila en novembre 2011. Les missions d'observation de l'Union européenne et du Centre Carter avaient dénoncé les irrégularités du scrutin et les fraudes massives. Devant les levés de bouclier de l'opposition, le 9 juillet, François Hollande avait demandé aux autorités congolaises de "montrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l'état de droit". En clair, Paris demandait une réforme de la CENI, la Commission électorale, qui est accusée de complaisance avec le président Kabila et d'avoir "couvert" la fraude massive. L'annonce d'un débat à l'Assemblée nationale sur la CENI et le débarquement possible de son président, avant le 15 octobre, n'a pas vraiment rassuré. Dans les rangs de l'opposition on s'étonne du calendrier : "le Sommet de la Francophonie est prévu du 12 au 14 octobre au Palais du Peuple de Kinshasa , c'est-à-dire dans les lieux mêmes où siège l'Assemblée nationale" fait-on remarquer. Il paraît donc improbable qu'une quelconque décision sur ce dossier interviennent avant la tenue du Sommet.

Sur le dossier Chebeya, Kinshasa semble également jouer la montre. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion. Sur ce dossier, Paris avait également souhaité que toutes les pistes soient envisagée et notamment la comparution du principal suspect, le général John Numbi, un proche de Joseph Kabila, accusé par certains témoins d'être le véritable commanditaire du meurtre. Ce report du procès au 23 octobre, après le Sommet de la Francophonie, permet à Kinshasa de botter en touche. Selon Dolly Ibefo, de l'ONG la Voix dans sans voix (VSV), ce report cherche uniquement  "à protéger le général John Numbi pour qu'il ne soit pas inculpé" a-t-il déclaré à l'AFP. Il accuse les juges d'avoir repoussé "à dessein l'audience après le Sommet de la Francophonie".

Pour l'opposition congolaise, ces décisions montrent que "Joseph Kabila se moque de François Hollande". Sur RFI, mardi, Pouria Amirshahi, secrétaire national du PS à la Coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme, continue de penser que François Hollande doit aller à Kinshasa pour "tout dire au président Joseph Kabila". A la question de Christophe Boisbouvier, de savoir ce qu'ont fait les autorités congolaises depuis la déclaration  du 9 juillet de François Hollande, sa réponse est sans équivoque : "à ma connaissance... rien !".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

09 septembre 2012

RDC : Le M23 plaide sa cause en Europe

Une semaine pour convaincre. Une délégation de la rébellion du M23 vient d'effectuer une tournée de 8 jours à travers les capitales européennes pour tenter d'expliquer le bien fondé de son mouvement. Les rebelles défendent la "bonne gouvernance" des territoires qu'ils administrent et leur volonté de négocier avec Kinshasa. Rencontre à Paris avec le chef de la délégation, Stanislas Baleke.

Stanislas Baleke filtre final.jpgParis, Bruxelles, Londres et l'Allemagne… le M23 soigne son image aux quatre coins de l'Europe. Une délégation de la rébellion congolaise, en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa depuis avril 2012, s'est rendue dans les principales capitales européennes. Objectif : expliquer et si possible convaincre une communauté internationale et une opinion publique généralement frileuses aux mouvements armés. Le M23 a en envoyé en Europe la branche politique du mouvement. Et pour faire dans la pédagogie, rien de mieux qu'un professeur pour délivrer le message. Le chef de la délégation s'appelle Stanislas Baleke, docteur en Sciences-sociales et en philosophie.

- Afrikarabia : Quelle est la raison de votre présence en Europe ?

- Stanislas Baleke : Nous sommes ici pour expliquer notre lutte contre le gouvernement de Kinshasa. Nous voulons aussi clarifier tout ce qui est dit sur le M23 qui n'est en général que diffamation. Toutes les affabulations de Kinshasa n'ont rien à voir avec la réalité. Nous invitons tout ceux qui veulent connaître la vérité à venir voir sur le terrain ce qui se passe vraiment.

- Afrikarabia : Vous avez l'impression que votre mouvement n'est pas bien compris ici en Europe ?

- Stanislas Baleke : Nous ne sommes pas bien compris parce qu'il n'y a qu'une seule voix qui se fait entendre : celle du gouvernement congolais. Quand il y a deux acteurs, je crois qu'il n'est pas mauvais d'écouter tout le monde. Nous avons l'impression que l'opinion congolaise et internationale se trompent sur le M23.

- Afrikarabia : Les troupes du M23 contrôlent de nombreuses localités au Nord-Kivu dont Bunagana et Rutshuru. Dans quelles conditions vit la population dans ces territoires que vous administrez ?

- Stanislas Baleke : Notre objectif est de montrer au peuple congolais qu'il est possible de vivre en sécurité. Dans les zones contrôlées par le M23, la population peut dormir avec les portes ouvertes, on peut circuler librement sans se faire inquiéter. Jamais on entendra parler de viols ou de pillages dans les zones que nous contrôlons. Jamais on ne verra de milices FDLR (rebelles hutus rwandais qui sévissent dans l'Est de la RDC depuis la fin du génocide rwandais, ndlr). C'est cet exemple là que nous voudrions donner au reste du pays.

- Afrikarabia : On accuse la rébellion du M23 d'avoir créé un regain de violence à l'Est de la République démocratique du Congo et surtout d'avoir réactivé tous les autres groupes armés, comme les groupes d'auto-défense Maï-Maï ou même les FDLR ?

- Stanislas Baleke : Les personnes qui portent ces accusations ne connaissent l'histoire récente de la RDC. Celui qui créé la violence ce n'est pas le M23. Le 26 novembre 2011, lorsque Etienne Tshisekedi (1) a voulu faire sa campagne électorale, il y a eu des arrestations, violences, plus de 140 morts… ce n'est pas une violence ça ? Qui a tué Floribert Chebeya ? (2), ce n'est pas un violence ? Qui a tué Armand Tungulu ? (3), ce n'est pas une violence ? Tous ces journalistes tués, toutes ces arrestations d'opposants… Tous ces groupes armés dont vous parlez existaient bien avant l'apparition du M23 (en avril 2012, ndlr). On sait très bien qui arme ces groupes armés : la RDC. Il faut chercher les causes de la violence. Le président Olusegun Obasanjo (Nigéria, ndlr) l'a d'ailleurs bien dit : "les causes de la violences se trouvent en RDC et la solution se trouve en RDC". Le M23 n'a fait que réagir, de façon musclée certes, parce que nous avons un gouvernement autiste ! Kinshasa est incapable d'entendre la voix de la raison. En France, vous pouvez faire une conférence contre le président Hollande, il ne va rien vous arriver. En RDC, vous serez enlevé avant la fin de la conférence ! Il est impossible de manifester librement en RDC. Lorsqu'il n'y a aucun moyen d'expression, aucun espace pour s'exprimer, vous faites quoi ? Le M23 a compris qu'il faut répondre avec les mêmes armes que le gouvernement. Voilà pourquoi nous avons pris les armes.

- Afrikarabia : Vous demandez à négocier avec Kinshasa, notamment sur le respect et l'application des accords de paix du 23 mars 2009. Le gouvernement refuse et dit ne pas vouloir négocier avec des rebelles. Ces négociations avec Kinshasa vous paraissent inévitables ?

- Stanislas Baleke : C'est notre volonté. Il faut savoir que militairement, nous avons montré de quoi nous sommes capables (les soldats du M23 se trouvent à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma qu'ils disent vouloir prendre si le gouvernement refuse toujours de négocier, ndlr). Chaque fois que l'armée congolaise apprend que le M23 arrive, ses soldats ne prennent même pas la peine de se battre… ils s'enfuient. Militairement, nous sommes donc capables d'atteindre notre objectif, quand nous le souhaitons.

- Afrikarabia : Le M23 revendique l'application des accords du 23 mars 2009, mais l'opposition estime que le contenu de cet accord a été "délibérément caché par Joseph Kabila aux institutions et à la population". Elle demande la mise en accusation pour "haute trahison" du président Kabila. L'opposition congolaise a-t-elle raison ?

- Stanislas Baleke : Au-delà de l'application des accords du 23 mars, nous demandons également la clarté et la transparence des élections présidentielles du 28 novembre 2011 qui ont vu l'élection d'Etienne Tshisekedi à la présidence de la république congolaise (4). Mais revenons aux accords du 23 mars. Le président de l'Assemblée nationale été "démissionné" pour avoir dénoncé cette façon peu cavalière de traiter cette affaire. Constitutionnellement, l'Assemblée nationale devait autoriser le président à signer cet accord avec le Rwanda. Elle ne l'a pas fait. L'entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais a en effet été traitée en toute opacité. La RDC a accordé l'entrée des soldats rwandais au Congo alors qu'elle savait qu'à maintes reprises le Rwanda avait été condamné par la communauté internationale pour avoir pénétré illégalement sur le sol congolais. Tout cela a donc été fait en toute opacité. C'est donc une preuve palpable de "haute trahison". L'opposition a tout à fait raison de l'accusé de "haute trahison", c'est légitime. Le problème c'est que Kinshasa a oublié que, quand on signe un accord on le respecte.

- Afrikarabia : Est-ce-que le M23 compte parmi ses soutiens le colonel John Tshibangu qui a fait défection au Kasaï et que le gouvernement accuse de vous avoir rallié ?

- Stanislas Baleke : Tshibangu ne constitue pas un soutien au M23. Cependant, il se trouve que Tshibangu a travaillé au Nord-Kivu et connait très bien les officiers du M23 et on travaille en parfaite collaboration. On partage la même analyse, c'est à dire : rétablir l'Etat de droit au Congo.

- Afrikarabia : La situation militaire sur le terrain semble figée. Comment voyez-vous la suite des événements ?

- Stanislas Baleke : Nous essayons de donner la chance à la paix en invitant le gouvernement congolais à revenir à la raison. Il faut que l'on puisse discuter de la non-application des accords du 23 mars, mais aussi du déroulement des élections du 28 novembre. Je pense que la situation militaire n'est pas figée : il s'agit d'une occasion que l'on donne au gouvernement pour qu'il puisse se ressaisir. S'il refuse, nous en tireront les conséquences.

- Afrikarabia : Vous êtes prêts à avancer de nouveau militairement sur le terrain ?

- Stanislas Baleke : Bien sûr. On va avancer s'il n'y a pas de négociation. Et si ils nous attaquent, on va se défendre.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Regardez l'interview de Stanislas Baleke à propos de la situation dans les territoires que contrôlent le M23 et de la manière dont il voit l'évolution du conflit dans les prochaines semaines :


Interview Stanislas Baleke Porte-parole du M23 par ChristopheRigaud

(1) Leader de l'UDPS et candidat d'opposition face à Joseph Kabila. L'UDPS conteste la réélection du président sortant.
(2) Militant des droits de l'homme assassiné en 2010 et dont John Numbi, che f de la police congolaise et proche de Joseph Kabila, apparaît comme le principal suspect.
(3) Jeune Congolais mort en 2010 dans des circonstances mystérieuses en détention, après avoir caillassé le véhicule du président Kabila.
(4) Etienne Tshisekedi s'est en effet autoproclamé président de la république après les élections contestées de novembre. La réélection de Joseph Kabila a en effet été jugée "non-crédible" par les observateurs de l'Union européenne et du Centre Carter. De nombreuses fraudes et irrégularités ont entâché le scrutin. On ne pas pas affirmer pour autant que la victoire revient à Etienne Tshisekedi puisque toutes les preuves (procès-verbaux notamment) ont disparu.

Photo : Stanislas Baleke le 6 sept. 2012 à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

07 septembre 2012

RDC : Rencontre Hollande-Tshisekedi en suspend

L'opposant congolais Etienne Tshisekedi rencontrera-t-il François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa ? L'UDPS est en colère contre le président français qui légitime par sa présence le régime "autoritaire et contesté" de Joseph Kabila. Si François Hollande a prévu de rencontrer les partis d'opposition, des voix s'élèvent pour demander à Etienne Tshisekedi de boycotter François Hollande.

ET.jpgLa venue de François Hollande au XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa en octobre prochain, n'en finit pas d'enflammer l'opposition congolaise. L'UDPS, le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi avait vivement critiqué la décision de François Hollande de participer au Sommet. "Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains" dénonçait un communiqué du parti. L'UDPS, qui conteste toujours la réélection de Joseph Kabila en novembre 2011, estime que la venue du président français cautionne "la fraude électorale", "la violente répression des opposants politiques", "les disparitions" et "les assassinats". Le parti d'Etienne Tshisekedi, ainsi que la grande majorité de l'opposition congolaise, avaient milité pour le boycott, puis la délocalisation du Sommet dans un autre pays. A l'annonce de la venue du président français, l'UDPS cachait mal sa déception :  "la culture française contenue dans la Déclaration des Droits de l'Homme ne peut rayonner dans le monde en cautionnant la tricherie électorales ainsi que les violences et autres crimes."

A Paris, le président français, avait un tout autre agenda en tête. Pour François Hollande, le Sommet de la Francophonie est l'occasion d'établir "une nouvelle donne" avec l'Afrique. François Hollande souligne que l'enjeu est important pour la France : "en 2050, 80% des Francophones seront africains, 700 millions de femmes et d'hommes". Concernant la polémique sur sa venue, le président français a assuré qu'il y rencontrerait "l'opposition politique, les militants associatifs, la société civile. C'est le sens de la nouvelle politique africaine de la France: tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait".

La question est maintenant de savoir si l'opposition ne sera pas tentée de rendre au président français "la monnaie de sa pièce" en boycottant François Hollande ? Si du côté des cadres du parti, on prône plutôt l'apaisement, les militants affichent une réelle hostilité à cette rencontre : "Tshisekedi n'a rien à gagner en rencontrant Hollande", "qu'est-ce que cela changerait au statu quo actuel ?", "pourquoi légitimer Hollande qui vient lui-même légitimer Kabila ?", "cette rencontre n'aurait aucun impact"… les critiques sont nombreuses.

Au siège de l'UDPS à Kinshasa, on affirme ne pas avoir eu de contact officiel avec l'Elysée sur une éventuelle rencontre entre les deux hommes. Concernant un hypothétique boycott, le secrétaire adjoint du parti chargé de la communication, Augustin Kabuya est clair : "je pense que s'il y a une demande de rencontre, Etienne Tshiesekedi ne peut pas refuser" a-t-il affirmé à Afrikarabia. "Aucune décision n'est encore prise. Etienne Tshisekedi n'a encore rien décidé", précise Augustin Kabuya,"tout dépendra de la manière dont cela sera organisé sur place. Pour l'instant on n'en connaît pas encore les modalités". On sait notamment que l'UDPS dénonce le fait que son président est "bloqué", en "résidence surveillée" dans sa maison du quartier de Limete.

Certains cadres qui plaident pour une rencontre entre les deux hommes, assure qu'un tête à tête entre Etienne Tshisekedi et François Hollande aurait plus d'impact médiatique qu'un boycott. A l'UDPS, on attend aussi de voir si les "gages" de bonne volonté demandés par la France pour la venue de François Hollande seront honorés : "promouvoir la démocratie et l'Etat de droit". En clair : réforme de la CENI (Commission électorale) et déroulement du procès Chebeya dans de meilleures conditions (comparution du suspect n°1, John Numbi par exemple).

Pour l'instant, les rumeurs les plus folles courent à Kinshasa autour de la venue de François Hollande. On parle d'une grande manifestation d'organisée par l'opposition le long de la route de la l'aéroport de Kinshasa en guise de "comité d'accueil". D'autres évoquent même l'accueil de François Hollande par Tshisekedi lui-même ! (on peine à le croire). Une chose est sûre, la manière dont sera reçu le président français et la listes des personnalités d'opposition qu'il rencontrera donnera sans aucun doute le ton de ce voyage sous haute tension.

Christophe RIGAUD

Photo : E. Tshisekedi à Bruxelles en 2011 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

04 septembre 2012

RDC : Quand Mende "débrief" Kabarebe

Nouvelle passe d'armes entre Kinshasa et Kigali. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, est revenu sur les déclarations de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Dans un entretien, James Kabarebe avait nié le soutien de Kagali aux rebelles du M23 et avait violemment attaqué l'armée et le gouvernement congolais. La réponse n'a pas tardé.

Afrikarabia logo.pngDans une interview au journal Le Soir, le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe avait fermement réfuté tout soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Un récent rapport de l'ONU avait accusé Kigali de fournir des hommes et des armes au M23, qui se bat contre l'armée congolaise à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kabarebe affirmait que "chaque fois que quelque chose ne va pas au Congo, on désigne le Rwanda". Au sujet de l'armée congolaise et de son gouvernement, les attaques étaient nettement plus virulentes : "au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide". Ou encore concernant l'armée : "ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre. Dans les conditions où ils se trouvent, ils ne tueraient même pas un rat…".

Propos "arrogants"

Dans sa conférence de presse du 3 septembre, le ministre de l'information de RDC, Lambert Mende en a prfité pour "débrief" l'interview de Kabarebe : "les propos arrogants et discourtois du ministre rwandais à l’encontre du leadership congolais sont révélateurs d’un état d’esprit malsain dans les hautes sphères du pouvoir au Rwanda à l’égard de la RDC et de son peuple". Selon Lambert Mende, "le gouvernement rwandais s’agite parce qu’il digère mal son échec diplomatique dans la énième crise qu’il a suscitée chez nous". Et de s'étonner : "pourquoi de tous les neuf voisins de la RDC, seul le Rwanda souffrirait des conséquences de cette prétendue mauvaise gouvernance ?"

Contre-feu

Lambert Mende en a également profité pour immédiatement lancer un contre-feu concernant la polémique sur le retrait de plus de 300 soldats rwandais du territoire congolais. Vendredi, Kigali annonçait en grande pompe le départ de quelques centaines d'hommes de RDC, provoquant une vive controverse dans l'opinion congolaise qui croyait ces soldats partis depuis... 2009 ! L'annonce de Kigali était visiblement destinée à mettre dans l'embarras les autorités congolaises au sujet de la présence "officieuse" de troupes rwandaises chez lui. Pour Lambert Mende, l'opération de retrait menée par Kigali prouve l'existence de soldats rwandais à l'Est de la RDC (ce que Lambert Mende ne dit pas c'est si Kinshasa était courant) et donc validerait le "soutien" de Kigali aux rebelles du M23, qui se trouvent être dans la même zone. Le porte-parole du gouvernement accuse également Kigali d'avoir profité de ce retrait pour "exfiltrer" certains de ses hommes qui "soutenaient" le M23. Selon Lambert Mende, les soldats rwandais ont "préféré rentrer au Rwanda par une zone sous contrôle de la pseudo-mutinerie du M23. Pire, Kigali a refusé toute présence de la Monusco au titre de témoin international de ce mouvement de retrait"... preuve de l'ambiguïté sur la mission de ces soldats rwandais.

Double-jeu ?

L'ambiance s'est donc nettement tendue entre la RDC et Rwanda. Les alliés d'hier se sont lancés dans une course aux invectives qui ne fait (pour l'instant) que renforcer le sentiment violemment anti-rwandais qui prédomine en RDC et principalement dans la capitale, Kinshasa. Il faut dire que depuis 2009, les autorités congolaises avaient déjà toutes les peines du monde à essayer de convaincre son opinion de l'intérêt de son rapprochement avec Kigali. Car jusqu'à l'arrestation du rebelle Laurent Nkunda, le 23 janvier 2009, le Rwanda était alors soupçonné de soutenir la rébellion tutsie du CNDP (comme aujourd'hui avec le M23). Avec l'arrestation de Nkunda, Kagame et Kabila se sont rapprochés, jusqu'à mettre en place des opérations armées conjointes congolo-rwandaises à l'Est du pays. Aujourd'hui, alors qu'une nouvelle rébellion agite le Nord-Kivu, le Rwanda est de nouveau pointé du doigt. Les Congolais ont donc un peu de mal à croire leur gouvernement, lorsque, la main sur le coeur, il dénonce le plan machiavélique de Kigali pour "balkaniser" les Kivus. L'opposition croit plutôt que le pouvoir est toujours sous influence de Kigali et joue double jeu.

Haute Trahison ?

Le 4 septembre, une vingtaine de partis d'opposition demande une mise en accusation pour "haute trahison" du président Joseph Kabila. En cause : la guerre dans les Kivus. Selon les signataires du texte, Joseph Kabila est responsable du fameux accord du 23 mars, dont la rébellion du M23 revendique l'application. Pour l'opposition, "le contenu de cet accord a été délibérément caché, tant aux institutions qu'à la population congolaise". Sous-entendu : l'accord donnait trop de place aux rebelles du CNDP (devenu M23 aujourd'hui). Le texte de cette coalition d'opposition estime "totalement établie la complicité du pouvoir (Kinshasa, ndlr) avec les agresseurs (Kigali, ndlr)". En attendant, le gouvernement congolais compose un numéro d'équilibriste, qui sera de plus en plus difficile à tenir avec le temps.

Christophe RIGAUD

02 septembre 2012

RDC : Kigali contre-attaque

Accusé de soutenir la rébellion du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda passe à l'offensive. Médiatique tout d'abord, avec l'interview fleuve de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Militaire ensuite, en retirant un bataillon de RDC, qui opérait "officieusement" avec l'armée congolaise. Dans les deux cas, l'objectif est le même : embarrasser et gêner Kinshasa sur la scène internationale, voir l'humilier.

filtre DSC02394.jpgDepuis avril 2012, les rebelles du M23 mènent la vie dure aux soldats de l'armée congolaise au Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). En quelques semaines, la rébellion s'est emparée des plusieurs localités et menace aujourd'hui la ville de Goma, la capitale provinciale. L'armée congolaise, mal payée, mal préparée, mal encadrée et peu motivée, cède du terrain, presque sans combattre. Très rapidement, le Rwanda voisin est pointé du doigt. Un rapport de l'ONU soupçonne Kigali de soutenir et de fournir en hommes et en armes le M23. Le Rwanda dément, mais le rapport fait grand bruit et embarrasse Paul Kagame, le maître de Kigali.

Dans un premier temps, Kigali se défend timidement en apportant une réponse écrite aux allégations des experts de l'ONU. Le rapport serait "biaisé", les sources "peu fiables" et certaines informations "invérifiables". Les explications sont jugées peu convaincantes par l'ONU. Kigali décide donc de contourner l'obstacle... en attaquant Kinshasa. L'opération se passe en deux temps. Premier acte : interview-explication de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Deuxième acte : retrait des dernières troupes rwandaises de RDC, alors que tout le monde les croyait parties depuis 2009 et la fin de l'opération "Umoja Wetu".

Acte I L'explication

Dans une interview fleuve, menée par Colette Braeckman, James Kabarebe, ministre de la défense du Rwanda, se lance dans une explication de texte périlleuse dans laquelle il tente de prouver que Kigali n'a jamais soutenu le M23. Spécialiste ès Congo, Kabarebe connaît bien le dossier. Il était aux côtés de Laurent-Désiré Kabila en 1997 lors de la prise de Kinshasa et a même occupé le poste de ministre de la défense de la RDC jusqu'en 1998, avant de revenir au Rwanda.

Selon Kabarebe, le Rwanda a toujours joué les bons offices entre les autorités congolaises et les officiers congolais "futurs M23", à l'époque proche de Bosco Ntaganda, que Kinshasa voulait capturer. Kabarebe explique les différentes navettes entre les officiers congolais et Kigali pour trouver un terrain d'entente. Concernant le rapport des experts de l'ONU, le ministre de la défense y trouve de nombreuses incohérences. Par exemple au sujet des renforts rwandais au M23 à Runyonyi : "J’ai connu cette région autrefois. Runyonyi ne se trouve pas sur la frontière, marcher depuis la frontière rwandaise jusque Runyonyi, cela prend au moins onze heures de marche, il faut traverser la forêt car il n’y a pas de routes, il n’y a aucun lien entre Runyonyi et le Rwanda. Toute cette histoire de soutien que le Rwanda aurait apporté est une manipulation." Au sujet des soldats du M23, trouvés avec des cartes d'identités rwandaises :  "alors que nous nous trouvions à Goma pour une réunion, le chef de l’intelligence militaire congolaise vint me voir dans ma chambre et, à propos de l’histoire de ce capitaine, il me dit « nous commettons une grande erreur en fabriquant ce genre d’histoires contre le Rwanda, cela nous a déjà coûté tellement cher…Ce capitaine Saddam appartient l’armée congolaise, mais c’est Kalev qui a décidé de fabriquer une fausse carte d’identité rwandaise et d’envoyer ce témoignage truqué aux Nations unies…Comment imaginer que des décisions soient prises sur de telles bases ?". Concernant, la présence de soldats rwandais au sein du M23 : "Nous avons de grosses ambassades au Rwanda, et elles ont les moyens de faire du renseignement. Elles surveillent certainement les mouvements de troupes, de logistique, les mouvements vers la frontière. Or depuis les six dernières années au moins, il n’y a aucun mouvement vers la frontière…Comment le Rwanda pourrait il combattre en RDC sans qu’aucun mouvement ne soit visible ?". Au final, si les arguments avancés par Kabarebe sont plausibles, le contraire l'est aussi et le catalogue de preuves du groupe d'experts de l'ONU laisse peu de place aux doutes. Retenons seulement qu'avant le début des hostilités et la création du M23, Kabarebe explique que Kigali a été à la manœuvre pendant toutes les discussions préalables entre Kinshasa, Ntaganda, les officiers mutins et les futurs M23. Toutes les réunion se passaient à Kigali ou au Rwanda. On peut donc s'avancer sans se tromper, qu'au moins une partie de la solution de la guerre du Kivu se trouve... à Kigali.

Tout aussi intéressant, certaines réponses de Kabarebe traduisent bien la tonalité des rapports entre Kigali et Kinshasa : exécrables, voir désobligeants. Dans son interview, Kabarebe n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur l'armée congolaise (qu'il a bien connu) et le gouvernement de Kinshasa. "Au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide", explique Kabarebe. "Le mauvais management des troupes est au cœur du problème" poursuit-il, "comment pouvez vous envoyer des troupes en opération en leur donnant seulement une poignée de haricots secs ! Au lieu de leur envoyer de la nourriture, vous leur donnez un sac de haricots, sans eau, sans sel, sans riz, sans casserole ni bois de feu… C’est impossible". Et de conclure : "on ne peut pas dire que l’armée congolaise a échoué à battre le M23, car le M23 était soutenu par le Rwanda. Non. Ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre, dans les conditions où ils se trouvent. Ils ne tueraient même pas un rat…".

Acte II L'humiliation

Après l'interview assassine de James Kabarebe au journal belge Le Soir, le deuxième acte se déroule deux jours plus tard sur le terrain militaire. Le 31 août, le Rwanda annonce le retrait d'environ 280 de ses hommes de l'Est du Congo. Problème : tout le monde croyait les soldats rwandais partis. Les opérations conjointes entre les deux armées congolaises et rwandaises avaient pris fin en 2009 avec l'opération baptisée "Umoja Wetu". La présence de soldats rwandais sur le sol congolais, alors même que l'on accuse Kigali de soutenir une rébellion à l'Est du pays, jette un trouble à Kinshasa. Selon Thierry Vircoulon, directeur pour l'Afrique centrale de l'International Crisis Group, qui s'exprimait sur RFI : "Kigali a voulu montrer qu'elle avait eu l'autorisation par le passé d'avoir des troupes présentes au Nord-Kivu pour lutter contre les FDLR. Et ceci avait été agréé par Kinshasa, sans bien sûr en informer son opinion publique". Un bon moyen donc, pour le Rwanda d'embarrasser son voisin congolais aux yeux de la communauté internationale. Kinshasa s'est en effet souvent drapé des habits de la victime face au méchant Rwanda. Kigali a voulu ainsi se venger en révélant ses accords secrets avec Kinshasa, qui autorisaient la présence de soldats rwandais sur son sol.

Redorer l'image écornée du Rwanda et gêner Kinshasa étaient donc les deux objectifs de l'offensive médiatique de Kigali. Dans son interview, James Kabarebe désigne pour terminer les deux "responsables" de la crise actuelle au Nord-Kivu : l'Occident qui voulait arrêter Bosco Ntaganda et Kabila qui voulait le faire pour faire plaisir à la communauté internationale après sa réélection douteuse. "Tout cela a engendré un grand chaos" conclut Kabarebe. Sur ce dernier point, on ne peut pas le contredire.

Christophe RIGAUD

Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com