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10 septembre 2011

RDC : Bemba ne sera pas candidat

Ce n'est une surprise pour personne. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) vient de reconnaître que son président, Jean-Pierre Bemba, ne pourra pas représenter son parti à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Détenu en prison par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye depuis 2008, Jean-Pierre Bemba avait toujours entretenu le suspens sur son éventuelle candidature à la magistrature suprême. On ne sait toujours pas si MLC présentera un candidat aux élections ou s'alliera avec un autre parti d'opposition.

Image 8.pngLe secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC)  avait déjà vendu la mèche sur Radio Okapi jeudi 8 septembre. Thomas Luhaka avait en effet déclaré "qu'à trois jours de la fin du délai de dépôt des candidatures, la situation nous préoccupe. Il apparaît difficile pour nous de présenter notre président national à l’élection de 2011". C'est désormais officielle : Jean-Pierre Bemba sera absent de la présidentielle de 2011. L'ancien vice-président congolais est toujours détenu à La Haye depuis 3 ans pour "crimes de guerre et crimes contre l’humanité" commis par ses troupes en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003.

Jean-Pierre Bemba espérait bien pouvoir obtenir une libération provisoire pour pouvoir enregistrer sa candidature à Kinshasa. Mais la CPI n'a pas autorisé Jean-Pierre Bemba à sortir de prison et surtout, le gouvernement congolais n'a pas répondu à la demande du MLC pour garantir la sécurité du "chairman" en RD Congo. En attendant, la stratégie du MLC pour la présidentielle n'est toujours pas arrêtée. Soit le parti présente un autre candidat que le sénateur Bemba et dans cette hypothèse, Thomas Luhaka, le secrétaire général du parti (après la récente éviction de François Muamba) serait candidat. Soit le parti du "chairman" s'allie avec un autre candidat d'opposition et dans cette configuration, le nom de Vital Kamerhe (UNC) est le plus souvent cité.  Un vrai dilemme pour le MLC, qui avait tout de même réalisé en 2006, avec la candidature Bemba, 42% des suffrages et obtenu 65 députés nationaux. Reste donc les élections législatives comme lot de consolation pour le MLC, avec l'espoir de peser encore fortement sur l'Assemblée nationale et de rester incontournable sur l'échiquier politique. C'est une question de survie pour ce parti… et d'avenir politique, pour ne pas dire d'avenir tout court pour Jean-Pierre Bemba.

Christophe Rigaud

RDC : Le RDPC renonce à la présidentielle

Candidat à l'élection présidentielle en RDC sous l'étiquette du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC), Gaspard-Hubert Lonsi Koko a finalement décidé de ne pas présenter. Favorable à un candidat unique de l'opposition, le RDPC renonce "pour ne pas hypothéquer la possibilité d’une alternative politique". Gaspard-Hubert Lonsi Koko se présentera toutefois à la députation dans la province du Bas-Congo.

Capture d’écran 2011-09-10 à 10.44.18.pngPour ne pas rajouter à la division dans l'opposition, Gaspard-Hubert Lonsi Koko a donc décidé de ne pas participer à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), le 28 novembre prochain. Favorable à une candidature unique de l’opposition, Gaspard-Hubert Lonsi koto "déplore les différentes attitudes n’ayant pas permis une réelle osmose autour d’un programme commun". Joint par AFRIKARABIA à Kinshasa, le porte-parole du RDPC nous a confié qu'à titre personnel il soutiendra Etienne Tshisekedi (UDPS), le candidat "qui a le vent en poupe".

Mais le RDPC ne sera pas complètement absent de ces élections, puisqu'il présentera des candidats aux législatives sous l'étiquette "indépendant" pour le moment. Gaspard-Hubert Lonsi Koko se présentera à la députation dans sa région d'origine, au Bas-Congo, dans le territoire de Madimba. Sa candidature a été enregistrée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) jeudi 8 septembre.

Christophe Rigaud

07 septembre 2011

RDC : Kamerhe toujours prêt à des alliances

C'est officiel, Vital Kamerhe (UNC) a déposé ce mercredi 7 septembre sa candidature à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), fixée le 28 novembre. Vital Kamerhe est le troisième candidat de la l'opposition à faire enregistrer sa candidature, après Etienne Tshisekedi (UDPS) et Nzanga Mobutu (UDEMO). Kamerhe se dit toujours ouvert au dialogue avec les autres candidats d'opposition.

Capture d’écran 2011-09-07 à 22.07.38.pngVital Kamerhe  s'est rendu ce mercredi au siège de la Commission électorale nationale  indépendante (Ceni) pour déposer sa candidature à la présidentielle en RD Congo au nom de l'UNC. Une candidature qui intervient 2 jours après celle d'un autre candidat d'opposition, "l'historique" Etienne Tshisekedi pour l'UDPS. Il n'y aura donc pas de candidat unique de l'opposition face au président sortant Joseph Kabila, le 28 novembre prochain. Une élection qui a la particularité de n'avoir qu'un seul tour de scrutin… donc favorable au sortant.

Dans son discours, à la sortie de la Ceni, Vital Kamerhe a expliqué avoir "à plusieurs reprises, tenté de se rapprocher" d'Étienne Tshisekedi. Et malgré le refus du candidat de l'UDPS, Vital Kamerhe s'est engagé "à poursuivre ces efforts de pourparlers jusqu’au bout". Vital Kamerhe entend aussi poursuivre les discussions avec ses deux partenaires, avec qui il a signé un programme commun d'opposition, Jean-Pierre Bemba pour le MLC et Léon Kengo pour l'UFC. Des partenaires qui ne se sont pas encore prononcés sur leur propre candidature. Le président de l'UNC compte enfin engager des pourparler avec deux autres candidats déclarés : Nzanga Mobutu (UDEMO) qui a déposé sa candidature ce matin et Mbusa Nyamwisi, président du RDC-KML. Alors qu'il reste jusqu'au 11 septembre aux autres candidats pour se déclarer, Vital Kamerhe ne ferme donc aucune porte pour de futures alliances.

Christophe Rigaud

Photo (c) UNC

Kagame-Sarkozy : la rencontre de deux pragmatismes ?

Les 12 et 13 septembre prochains, le président rwandais, Paul Kagame,  sera à Paris pour une première visite d'Etat. Une visite très controversée, voulue par Nicolas Sarkozy. Jean-François Dupaquier, journaliste, écrivain (1) et expert auprès du Tribunal pénal  international pour le Rwanda (TPIR) décrypte pour AFRIKARABIA les difficiles relations franco-rwandaises. Dernier volet d'une série de trois entretiens.

Photo Jean-François Dupaquier.png- AFRIKARABIA :  Jean-François Dupaquier, nous abordons la dernière partie de cette interview sur la situation actuelle au Rwanda. Et sur les attentes – ou les craintes – que suscite la visite de Paul Kagame à Paris dans quelques jours.

- Jean-François DUPAQUIER : Concernant les craintes - réelles ou feintes -  j’observe que les sempiternels débats autour du « Rapport Mucyo » ont été remis sur le tapis par l’association France Turquoise. Alors que depuis la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali en février 2010, les Rwandais évitent ce sujet de discorde. La visite « de courtoisie » de Kagame à Paris sera plutôt l'occasion d’imaginer comment la France et le Rwanda peuvent   travailler ensemble, en particulier dans le business, en s'appuyant sur les progrès que le Rwanda a fait dans les dix-sept dernières années et l’argent qu’il peut investir. Qui voudrait sérieusement empêcher les entreprises incarnant l’excellence française comme Total, Orange, Bouygues, Dassault, etc., de reprendre pied dans un pays qui est en train de devenir un “petit dragon” d’Afrique. Et à travers le Rwanda, quelles entreprises françaises répugneraient à améliorer leurs positions dans l’immense marché d’Afrique de l’Est et du Centre

- AFRIKARABIA :  “Petit dragon d’Afrique”, le Rwanda ?

- Jean-François DUPAQUIER : Pas encore, mais ce n’est pas une surprise pour tous ceux qui fréquentent le Rwanda, mais un projet méconnu en France. Par exemple, à l’exception d’Afrikarabia, je n’ai rien lu sur la rencontre des présidents de l’Ouganda et du Rwanda le 30 juillet et leur alliance stratégique qui devrait profondément marquer la géopolitique de l’Afrique centrale et de l’Est.

- AFRIKARABIA : Cet accord stratégique porte sur quoi ?

- Jean-François DUPAQUIER : L’un des points essentiels va vous surprendre : l’accès du Rwanda au haut débit. Depuis plusieurs années on a installé la fibre optique un peu partout, dans l’espoir de promouvoir des emplois dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et pour améliorer le niveau des connaissances. Or aujourd’hui à Kigali le débit reste faible, au point de rendre le téléchargement de « pièces jointes » de facto impossible. Le problème vient de l’Ouganda, où il manque une vingtaine de kilomètres de câbles à très haut débit pour faire la soudure avec la côte de l’Océan indien, elle-même reliée au câble sous-marin.

- AFRIKARABIA :  Pourquoi personne ne signale l’enjeu des NTIC pour un pays comme le Rwanda ?

- Jean-François DUPAQUIER : Visiblement, parler des NTIC au Rwanda est supposé ne pas intéresser le public français. On préfère resservir une énième version de la « querelle Hutu-Tutsi » et ses avatars. Or cette question du haut débit est presque vitale pour un pays dont Kagame conduit la modernisation à marches forcées, et qui vise mieux que l’augmentation annuelle du PNB de 7 à 8% - augmentation constatée ces dernières années et au premier semestre 2011.
A terme, le haut débit peut augmenter encore le PNB du Rwanda de 1 à 3 points annuels. Il rejoindrait alors la Chine et Singapour dans le peloton de tête de la croissance annuelle. Déjà internet est au Rwanda un enjeu majeur. Sait-on que le plus modeste agriculteur rwandais déclare déjà par internet ses revenus au “Rwanda Revenue Authority”, l’administration fiscale qui s’est elle-même totalement informatisée ?

- AFRIKARABIA : Dix-sept ans après, le Rwanda a-t-il tourné la page du génocide ?

- Jean-François DUPAQUIER : Parlons de son président et de son volontarisme. On voit bien qu’il aimerait tourner cette page, sans y parvenir.  C’est un problème évoqué ouvertement, y compris lors des sermons du dimanche dans les églises.

- AFRIKARABIA :  – Qui est Paul Kagame ?

- Jean-François DUPAQUIER : On évoque souvent « l’intransigeance de Kagame ». Il n’est pas un démocrate. Combien de chefs d’Etat le sont en Afrique ? Ce n’est pas non plus un  séducteur. Il préfère agir par la force et par le mystère qu’il cultive. Son autoritarisme, sa part d’ombre, fascinent l’opinion. En 1994, par un tour de force il a conduit à la victoire l’armée rebelle et ainsi mis fin au génocide. Le journaliste américain Philippe Gourevitch l’appelle « un autoritaire sans complexes ». L'écrivain sénégalais Boubacar Diop dit : « Il a du caractère, et son leadership a été décisif après le génocide. Si certains le haïssent de manière aussi irrationnelle, c'est parce qu'ils attendent d'un chef d'Etat africain qu'il soit jouisseur, corrompu et surtout docile. Kagame ne correspond en rien à cette image. »
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est l’intransigeance de Paul Kagame sur la nécessité du développement. Tout le reste y est subordonné et la pression sur la population, énorme. Chacun doit « mouiller sa chemise » pour moderniser le Rwanda, à commencer par le président lui-même, un véritable « malade du travail ».

- AFRIKARABIA : Vous évoquez la pression qui s’exerce sur la population. Beaucoup observent que la « société civile » est réduite à sa plus simple expression, de même que l’espace démocratique ?

- Jean-François DUPAQUIER : La pression  s’exerce sur tous, à commencer par les fonctionnaires, les militaires, les policiers. Ils ont été profondément professionnalisés. La corruption a disparu, ou alors elle est invisible et très subtile. Les fonctionnaires sont soumis à un examen d’évaluation annuel. Celui qui le rate est limogé. Aussi la plupart enchaînent les cours du soir après le bureau. Le dimanche 14 août, les fonctionnaires ont travaillé pour « rattraper » le 15 août - qui reste férié comme le veut l’Eglise. Kagame, qui déclarait urbi et orbi que prier est une perte d’énergie et de temps, évite à présent de se mettre l’Eglise à dos.

- AFRIKARABIA : Effectivement, ce n’est pas l’image du Rwanda en France, où on ne parle que du génocide et des polémiques qu’il continue de susciter ?

- Jean-François DUPAQUIER : Ce qui frappe, c’est qu’étudiants, fonctionnaires ou employés du secteur privé, tous les Rwandais travaillent avec acharnement. Ce qui permet de financer des avancées sociales : la scolarité a été rendue gratuite durant les sept premières années, pratiquement tous les enfants vont à l’école, filles comme garçons. Tous les Rwandais bénéficient d’une mutuelle de santé moyennant environ 1 euro par mois (gratuit pour les indigents), et le système de santé est devenu vraiment performant.

- AFRIKARABIA : La famine frappe la Corne de l’Afrique à moins de mille kilomètres du Rwanda. Le pays est-il autosuffisant sur le plan alimentaire ?

- Jean-François DUPAQUIER : La famine était endémique sous Habyarimana à la fin des années 1980. Il se justifiait en disant que le pays était surpeuplé. Depuis, la population a presque doublé mais la famine a disparu grâce à une meilleur gestion des cultures.
Tout ceci ne justifie évidemment pas l’absence de libertés politiques, mais constitue le fondement d’un essor sans précédent. Un peu comme la Chine et Singapour qui présentent le même déficit démocratique sans susciter la campagne passionnée dont le régime de Kagame est la cible, en France particulièrement.

- AFRIKARABIA : Le surpeuplement pose néanmoins problème ?

- Jean-François DUPAQUIER : Evidemment, mais même le surpeuplement peut être géré. Prenons le cas du cadastre. Depuis l’indépendance, il n’y avait pas d’autre référence cadastrale que les cartes belges conservées à Tervuren et numérisées. On disait le cadastre impossible. Or d’ici trois ans, la totalité de la surface du pays sera couverte par un relevé cadastral. Ce dossier n’est pas pittoresque mais simplement crucial. Dans un pays rural surpeuplé, l’absence de cadastre entretient des conflits fonciers qui ont contribué, en 1994, à l’acharnement des tueurs dans les campagnes. Le cadastre, c’est donc la pacification de la société. Evitons l’énumération en nous contentant d’observer que le projet global « Rwanda 2020 » est très ambitieux. Même si la crise financière mondiale va certainement le ralentir.

- AFRIKARABIA : Le régime que vous décrivez doit plaire à Nicolas Sarkozy ?

- Jean-François DUPAQUIER : Paul Kagame et Nicolas Sarkozy ont bien des points communs dans la volonté de changer les lignes, dans l’ambition pour leur pays. Au Rwanda, la politique africaine traditionnelle de la France, celle des réseaux obscurs, du mélange des genres, du copinage et de l’affairisme sur le dos des peuples africains, ça ne marche plus. Sarkozy, qui n’a de toute évidence aucun complexe dans ce domaine – malgré le « discours de Dakar, il est plutôt un pragmatique -, l’a bien compris. Même s’il ne crache pas, ailleurs, sur la “Françafrique” et ses rentes.

- AFRIKARABIA : Kagame a très récemment déclaré à Jeune Afrique à propos de la Côte d'Ivoire : « Le fait que, cinquante ans après les indépendances, le destin du peuple ivoirien, mais aussi son économie, sa monnaie, sa vie politque, soient encore contrôlés par l'ancienne puissance coloniale pose problème. Plus je regarde [les Ivoiriens], et plus je vois l'ombre d'un metteur en scène étranger. » Ca ne va pas provoquer un couac ?

- Jean-François DUPAQUIER : Le chef de l’Etat rwandais est-il vraiment prisonnier de son nationalisme ombrageux ? Paul Kagame a aussi soutenu l’intervention de la France et de l’Otan en Libye, à la différence de Museveni et de bien d’autres en Afrique noire..

- AFRIKARABIA : Que peut apporter la visite du président rwandais à Paris les 12 et 13 septembre ?

- Jean-François DUPAQUIER : Malgré certains propos arrogants, il est clair que l’Etat rwandais attend beaucoup de cette visite sur un plan économique. Dans le cadre d’intérêts réciproques il semble s’apprêter à proposer à la France de renforcer sa présence au Rwanda.

- AFRIKARABIA : Quel intérêt pour la France ?

- Jean-François DUPAQUIER : Nous avons des atouts technologiques que les Rwandais recherchent. Par exemple en matière de géothermie, pour fabriquer de l’électricité. Une ressource abondante dans ce pays volcanique.
Les ingénieurs français apparaissent aussi parmi les plus compétents pour résoudre l’énorme problème du gaz méthane dans le lac Kivu. Son eau renferme une concentration inquiétante de gaz qui s’accumule au fond, ce qui pourrait déboucher sur une tragédie humaine et écologique majeure, bien pire que l’éruption limnique du lac Nyos au Cameroun en 1986. Récupérer le gaz donnerait aussi au Rwanda une plus grande indépendance énergétique. Des Français travaillent déjà sur ce dossier.
Dans la téléphonie, un secteur où les sociétés françaises brillent en Afrique mais sont très concurrencées par l’Afrique du Sud et la Chine, le Rwanda offre des opportunités. On parle d’une entrée d’Orange dans le capital de Rwandatel...

- AFRIKARABIA : Parmi les reproches entendus en France, le Rwanda aurait “trahi” la francophonie en intégrant le Commonwealth ?

- Jean-François DUPAQUIER : C’est un dossier épineux. Entre 2006 et 2009, profitant de la rupture des relations diplomatiques, certains dignitaires rwandais revenus d’Ouganda parlaient d’éradiquer le français. A Paris, il y a aussi des irrédentistes qui assimilent la francophonie au Rwanda à une prétendue “cause hutue”. Ce sont des excès que des rencontres de chefs d’Etat peuvent bloquer. Car la perte d’influence du français n’est pas une fatalité. La réouverture complète du Centre culturel franco-rwandais est très attendue à Kigali. Elle bute aujourd’hui sur des problèmes fonciers subalternes et un tragique dénuement budgétaire. Cela fait partie des dossiers qui ne trouveront leur solution que si Nicolas Sarkozy secoue sa part de pesanteurs bureaucratiques, et si les Rwandais cessent de faire des histoires autour de titres de propriété égarés.
Enfin, relativisons la querelle de la francophonie. La langue nationale au Rwanda, aujourd’hui comme hier, c’est le kinyarwanda, ce n’était pas le français et ce n’est pas l’anglais. Et la monnaie nationale, c’est toujours... le Franc !

- AFRIKARABIA : Quels avantages diplomatiques la France peut-elle tirer de la venue de Paul Kagame à Paris ?

- Jean-François DUPAQUIER : D’abord, tourner la page du génocide, n’en déplaise aux irréductibles. Paris peut espérer rebattre à son avantage les cartes diplomatiques dans toute la région, et en tirer des avancées pour de grandes sociétés françaises. Même si rien n’a filtré concernant la RDC, il est évident que “l’accord stratégique” conclu le 1er août entre Kagame et Museveni consolide des ambitions communes sur le Kivu.

- AFRIKARABIA : C’est une question très sensible en RDC à la veille de l’élection présidentielle. Avez-vous des informations plus précises sur le jeu que le Rwanda et l’Ouganda entendent mener au Kivu ?

- Jean-François DUPAQUIER : Quel que soit le nationalisme - légitime - des Congolais, ils ne doivent pas s’aveugler : une partie du Kivu appartenait aux franges de la monarchie rwandaise avant que les grandes puissances ne réduisent la surface du Rwanda - d’un bon quart - au profit de l’Ouganda et du Congo belge après 1918. Cette question était flagrante le 30 juillet dernier, lorsque le président Museveni, après avoir participé aux cotés de Kagame à l’Umuganda (les travaux communautaires) à l’école primaire du camp Kanombe à Kigali, s’est adressé aux participants en kinyankole une langue qu’il parle couramment, très proche du kinyarwanda.

- AFRIKARABIA : Au delà des discours, quelles conséquences prévisibles pour le Kivu ?

- Jean-François DUPAQUIER : Depuis toujours, et pour des raisons géographiques évidentes, les échanges extérieurs du Kivu Nord et du Kivu Sud passent prioritairement par l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie. Très dynamique, la communauté d’Afrique de l’Est (East African Community) tire vers elle toute la richesse humaine, minière, économique du Kivu. La bonne gouvernance constatée au Rwanda et en Ouganda est aussi un modèle lorgné au Kivu, deux provinces livrées à la violence des bandes armées et laissées en deshérence par Kinshasa. L’élection  présidentielle en RDC, si elle ne fonde pas une légitimité renforcée pour le futur président et une réforme en profondeur des services et équipements publics peut conduire à une balkanisation du Congo, avec, dans le meilleur des cas, un  fédéralisme qui donnera aux provinces une quasi autonomie. Dans cette perspective, les régimes rwandais et ougandais jouent aujourd’hui sur un registre infiniment plus subtil que lors de la seconde guerre du Congo. S’ils réussissent à conquérir l’opinion publique au Kivu,  cette province basculera vers l’East African Community. Le projet de chemin de fer Kivu-Kigali-Tanzanie y contribue déjà.

- AFRIKARABIA : Pourtant les mouvements rebelles, aussi bien les FDLR que la LRA, sont souvent apparus de mèche avec le Rwanda et l’Ouganda pour se partager la rente du pillage des minerais précieux de RDC. Pourquoi cette situation ambigüe changerait-elle ?

- Jean-François DUPAQUIER : En réalité, les mouvements rebelles ont largement joué des dissensions entre Kagame et Museveni pour avancer leurs propres pions et écouler alternativement le produit de leurs pillages via Kigali et Entebbe en y laissant une part du butin. Ils ont toutes les raisons de s’inquiéter de probables volets secrets de l’accord stratégique du 1er août. Car s’il n’y avait qu’un seul point d’accord entre les deux chefs d’Etat, ce serait leur volonté d’en finir définitivement avec les rébellions. Pour Kagame, depuis l’alliance improbable entre les FDLR et des officiers félons de l’Armée patriotique rwandaise, c’est même une priorité absolue.

- AFRIKARABIA : En quoi cette stratégie peut-elle changer le pillage de la RDC ?

- Jean-François DUPAQUIER : Ne rêvons pas que des Rwandais ou des Ougandais cesseront gentiment de se servir dans les richesses minières de RDC. Dernièrement, on a inauguré à Kampala la « Victoria Gold Star ». Une raffinerie à capitaux russes avec une capacité de 60 kilos d’or fin par jour,. Et en annonçant aussitôt qu’était lancée une extension des installations, le tout sans rapport avec les capacités d’extraction en Ouganda même. Le pillage des richesses du Congo, que l’on  reproche au Rwandais et aux Ougandais en oubliant plus d’un siècle de prédations européennes et aujourd’hui chinoises, n’est pas seulement le fait de la rapacité. Il est aussi induit par la bonne  gouvernance, qui garantit la sécurité publique et la bonne fin  des investissements. Qui irait construire une usine d’affinage de l’or en RDC !

- AFRIKARABIA : A vous entendre, le Rwanda et l’Ouganda seraient, au regard de leurs voisins, un havre pour les investisseurs ?

- Jean-François DUPAQUIER : Le Rwanda dispose d’un atout : la sécurité publique y est une obsession, pas seulement à cause du génocide. Il n’y a pratiquement aucun risque de se voir voler sa voiture ou d’être agressé dans la rue, ou encore cambriolé, ce qui est un privilège rare en Afrique. On voit des Occidentaux qui font leur footing tard le soir seuls dans la rue. Policiers et militaires sont courtois et “réglos” mais omniprésents et très vigilants.
Résultat, Kigali accueille toutes sortes de réunions internationales. On y construit nombre d’hôtels de luxe et des palaces. L’argent des colloques et séminaires coule à flot. En contrepartie, le régime doit maintenir cet effort sécuritaire qui mobilise énormément de personnels civils et militaires.

- AFRIKARABIA : La sécurité juridique et commerciale est-elle aussi bien assurée ?

- Jean-François DUPAQUIER : C’est un point faible. Par exemple les transactions immobilières sont interminables, très bureaucratisées. Il manque des officiers publics  comme les notaires, qui garantiraient sur leurs biens personnels la bonne fin des transactions, aussi bien envers l’Etat qu’entre particuliers. Un récent scandale immobilier a mis en cause un intermédiaire sans scrupule qui a gardé l’argent des cessions, ruinant les accédants à la propriété. Il y a encore beaucoup à faire pour garantir la transparence et la sécurité des transactions.

(1) Jean-François Dupaquier est notamment l'auteur de "L'agenda du génocide", Ed. Karthala, Paris, 29 euros.

Vous pouvez lire les deux premières interviews de Jean-François Dupaquier :

http://afrikarabia.blogspirit.com/archive/2011/08/31/kaga...

http://afrikarabia.blogspirit.com/archive/2011/09/03/visi...

RDC : La France condamne les violences à Kinshasa

Dans un communiqué, le Quai d'Orsay vient de condamner "toute forme de violence" dans le cadre de la campagne électorale en République démocratique du Congo (RDC). Après le saccage de différents sièges de partis politique (UDPS et PPRD) et la mort d'un militant de l'opposition, la France souhaite "un dialogue renforcé" entre les différents partis politiques.

Image 2.pngAprès deux jours d'incidents à Kinshasa, la France souhaite "qu’aux motifs de tension réponde un dialogue renforcé entre la Commission Electorale Nationale Indépendante CENI) et les forces politiques en compétition et souligne l’importance que revêtent les discussions sur le code de bonne conduite". Dans son communiqué, le Quai d'Orsay appelle "l’ensemble des acteurs à préparer les échéances électorales dans un climat apaisé, autour de l’objectif commun de scrutins libres et crédibles attendus des citoyens congolais". La France prend également note "de l’enregistrement des principales candidatures à l’élection présidentielle" prévue le 28 novembre 2011.

RDC : L'UDPS accuse les "milices du PPRD" de l'attaque de sa permanence

La tension monte en République démocratique du Congo (RDC) à l'approche des élections législatives et présidentielle de novembre prochain. Après le saccage du siège de l'UDPS à Kinshasa, le parti du candidat d'opposition Etienne Tshisekedi accuse les "milices du PPRD de Joseph Kabila" d'être à l'origine de l'attaque. Le parti présidentiel dément formellement sur RFI : "faux et archi-faux, il n'y a pas de milice au PPRD", répond André Kimbuta.

logo afkrb.pngDrôle d'ambiance à Kinshasa au lendemain du dépôt de candidature du principal candidat d'opposition, Etienne Tshisekedi, à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Mardi 6 septembre, des coups de feu son tirés aux abords du siège de l'UDPS dans le quartier de Limete. Des partisans d'Etienne Tshisekedi s'étaient rassemblés devant le quartier-général du parti après son saccage durant la nuit. La police a tiré sur la foule. Bilan : 1 mort et 2 blessés.

Aujourd'hui, l'UDPS contre-attaque dans un communiqué et accuse le PPRD, le parti présidentiel, d'avoir "ourdi un complot (...) pour attaquer la permanence de l'UDPS". Toujours selon l'UDPS, le parti de Joseph Kabila tente d'intimidé l'opposition "dans leurs revendications d’un processus électoral réellement libre, transparent et démocratique". A la suite de ces incidents, l'UDPS "constate la grande fragilité politique et le profond désarroi de Mr. Joseph KABILA KABANGE, complètement aux abois et qui recoure lâchement à la seule pratique dont il a l’expertise : la force brutale et sauvage, totalement inacceptable en démocratie pour régler les divergences politiques". Le parti d'Etienne Tshisekedi en profite pour réitérer ses demandes à la Commission électorale (CENI) : "l’accès direct de ses experts et de ceux de l’opposition responsable au serveur central de la CENI et
la publication immédiate de la cartographie et de la liste complète des bureaux de vote par provinces et par circonscription électorale sur l’ensemble du pays".

Côté présidentiel, le démenti est cinglant : " Archi-faux, archi-faux ! Il n’y a pas de milice au PPRD, c’est faux ! » répond le gouverneur de Kinshasa et cadre du PPRD, André Kimbuta à RFI. Le gouverneur en profite pour condamner les "actes inciviques" et le président de l'Assemblée nationale, Evariste Boshab "nvite tous les militants du PPRD à ne pas céder à la provocation". Ambiance... à seulement 2 mois et demi de l'élection présidentielle.

Christophe Rigaud

06 septembre 2011

RDC : Kamerhe officialise sa candidature

Il n'y aura finalement pas de candidat unique de l'opposition à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Avec la candidature de Vital Kamerhe (UNC), prévue ce mercredi à 15h, il y aura donc au moins 2 candidats de l'opposition pour se disputer le siège du président sortant Joseph Kabila.

Capture d’écran 2011-09-06 à 21.54.02.pngVital Kamerhe, le président national de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC)procèdera au dépôt de sa candidature à la magistrature suprême ce mercredi 7 septembre 2011 au Bureau de réception et traitement des candidatures (BRTC) de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à Kinshasa vers 15h00.

Avec Etienne Tshisekedi (UDPS), qui a déposé sa candidature lundi, Vital Kamerhe sera le deuxième candidat (de poids) de l'opposition à se présenter aux élections de novembre prochain. Une manière pour l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise de prendre de l'avance sur ses deux autres concurrents, avec qui il a pourtant signer un programme commun : Jean-Pierrre Bemba (MLC) et Léon Kengo (UFC).

La candidature de Vital Kamerhe vient donc sonner le glas de la candidature unique de l'opposition à la prochaine présidentielle en RDC. Une candidature unique indispensable pour pouvoir rivaliser avec le président sortant Joseph Kabila, dans un scrutin présidentiel à un seul tour. Mais rien n'est joué. Des alliances peuvent encore se créer. Et surtout, personne ne connaît le réel poids électoral des différents candidats, notamment en ce qui concerne Vital Kamerhe et Léon Kengo, récemment arrivés sur l'échiquier politique congolais.

Christophe Rigaud

RDC : Violences pré-électorales à Kinshasa

Kinshasa est-elle entrée dans un nouveau cycle de violences ? Quelques heures après le dépôt de candidature d'Etienne Tshisekedi (opposition) à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), plusieurs incidents graves se sont produis à Kinshasa. Le siège du parti présidentiel (PPRD) a été vandalisé, les bureaux de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi ont été incendiés et un militant du même parti a été tué ce mardi lors de violents affrontements.

élections RD.pngDepuis le 5 septembre 2011, Etienne Tshisekedi est officiellement candidat à la prochaine élection présidentielle en République démocratique du Congo, prévue le 28 novembre 2011. Principal opposant à la réélection du président sortant Joseph Kabila, Etienne Tshisekedi a en effet déposé à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) sa candidature, soutenue par plus de 80 partis d'opposition. Mais au même moment, le siège de l'UDPS, le parti d'Etienne Tshisekedi, a été vandalisé et en partie incendié par des "gens en uniforme", selon l'un des responsables de l'UDPS. Peu de temps après, c'est une station de télévision, proche du parti d'opposition, qui est à son tour incendiée. La police congolaise émet des "réserves" sur l'identité des auteurs de ces violences et note que des partisans d'Etienne Tshisekedi en ont profité pour commettre "des actes de dégradation" au siège du PPRD, le parti du président Joseph Kabila.

Ce mardi, les violences ont repris non loin du siège de l'UDPS, dans le quartier de Limete à Kinshasa. La police congolaise a dispersé les militants de l'UDPS au gaz lacrymogène. Le premier bilan fait état d'1 mort et de 2 blessés. La victime aurait été tuée par de jeunes délinquants, des "pombas", selon un témoignage recueilli par l'AFP sur place.

Depuis plusieurs semaines, l'UDPS manifeste régulièrement devant la Commission électorale (Ceni) pour dénoncer les nombreuses irrégularités du processus électoral en cours. Le parti d'opposition réclame plus de transparence et l'accès aux fichiers et aux serveurs informatiques afin d'éviter toute fraude. Toutes ces manifestations ont été violemment réprimées par la police.

A moins de 3 mois du scrutin, ces violences inquiètent bons nombres d'observateurs à Kinshasa. De nombreuses ONG tirent la sonnette d'alarme depuis  plusieurs mois sur les risques de troubles post-élections en cas de contestations des résultats... ce qui devrait malheureusement être le cas.

Christophe Rigaud

04 septembre 2011

RDC : L'appel de Tshisekedi aux Congolais

Lundi 5 septembre 2011, le président national de l' Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, déposera sa candidature à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), fixée le 28 novembre. Dans un long message adressé aux Congolais, Etienne Tshisekedi appelle de ses voeux "un temps nouveau pour le Congo" et définit son "action pour demain", "à la recherche de la paix et de la réconciliation". Voici l'intégralité de son texte :

Capture d’écran 2011-09-04 à 12.44.14.png"Mes très chers Compatriotes,

Dans peu de temps, notre pays connaîtra un grand moment de son histoire contemporaine. S'il plaît à Dieu, chacun d'entre vous sera amené à choisir celles et ceux qui présideront à la direction de cette grande Nation.

Comme vous le savez, j'ai décidé de me porter candidat à l'élection à la Présidence de la République; non pas pour accomplir une quelconque ambition personnelle, mais parce que j'estime que l'avenir de cette nation ne peut être indéfiniment laissé entre les mains de ceux qui, de façon notoire et répétée, se distinguent par la duplicité de leur langage politique, leur goût effréné pour le gain facile, leur mépris total de la vie humaine et de la souffrance de leurs semblables.

1° Une si longue lutte

La lutte pacifique que nous menons ensemble pour retrouver notre dignité d'êtres humains a pu paraître interminable, car elle nous a conduit sur un long chemin parsemé d'épines, d'embûches et de privations, ayant souvent causé l'amertume, la douleur et le deuil.

Au cours de ma longue route, j'ai perdu des amis, des partisans ou simples sympathisants, dont le seul tort avait été de partager cet idéal de liberté et de progrès humain.

J'ai également été profondément marqué par le départ de certains de mes amis, de mes intimes, avec qui je n'étais pas seulement lié politiquement mais aussi personnellement. Ils ont estimé que la voie de la rigueur morale à laquelle je m'étais astreint n'était peut-être
pas la bonne. Ils ont choisi des voies différentes en cédant à des compromis qui sont vite devenus des compromissions. D'autres, qui furent aussi de mes proches compagnons, animés par je ne sais quelle force des ténèbres, ont mis toute leur énergie à creuser la division et la haine entre différentes communautés de la nation, reniant aussi fortement cet idéal de changement que nous avions pourtant partagé.

D'autres encore, qui ne faisaient pas partie de ma famille politique, mais avec qui nous avions si vaillamment vaincu les forces avilissantes du statut quo au sein de la Conférence Nationale
Souveraine, sont très vite revenus à leur ancienne nature, dès qu'ils se sont aperçus qu'ils ne pourraient pas tous siéger au gouvernement qui m'avait été confié par le peuple réuni en conférence nationale souveraine.

Mais parce que nous savions que la voie de la justice et du progrès social était un chemin long et étroit, nous n'avons pas cédé aux sirènes de la facilité par lesquelles, fort malheureusement, notre pays en est arrivé à sa décadence actuelle.

J'ai certainement commis des erreurs, voire des fautes, pour lesquelles je demande votre pardon. Et je pense moi aussi avoir reçu ma part d'enseignements et de sagesse à la suite de ce douloureux parcours. Mais en dépit de l'extrême dureté des épreuves, mon ardeur à défendre, à temps et à contretemps, la justice et l'honnêteté politique, est demeurée ferme.

2° A la recherche de la paix et de la réconciliation

L'option de la non violence qui a toujours inspiré l'UDPS, se justifie par le fait que le raccourci de la guerre reproduit toujours des germes d'autodestruction et d'arbitraire. Vous avez tous vécu, hier et aujourd'hui encore, la rapidité avec laquelle, telle une métastase,
nos politiciens ont trouvé en la rébellion de 1996 un modèle d'accession facile au pouvoir et à l'enrichissement personnel illicite.

Cependant, il m'a souvent été reproché une intransigeance excessive qui ne permettrait ni la réconciliation politique, ni la reconstruction. J'ai toujours affirmé que mon combat n'a jamais visé un homme, quel qu'il soit, mais plutôt un système, où le mensonge est érigé en vérité, l'obscurité en lumière et la force en droit. Je vous dois ici quelques explications susceptibles de vous édifier quant à mon profond attachement à la réconciliation nationale et à l'ouverture.

Au plus fort de la guerre dite de libération, en novembre 1996, je me suis rendu à Cap Martin en France, pour y rencontrer le Président Mobutu malade, pour obtenir de sa part qu'il comprenne la réalité des enjeux de l'époque, qu'il organise son retrait de façon honorable et qu'il permette aux forces réelles de l'opposition politique que je représentais, d'organiser des négociations avec les rebelles afin d'éviter des morts inutiles et la fragilisation de notre souveraineté nationale. Ma démarche avait été incomprise, sinon méprisée ou vilipendée.

Rappelez-vous également de mes propositions faites en mars 1997, lorsque, face au désespoir du à l'avancée des rebelles, le Président Mobutu s'était résolu à me laisser diriger le gouvernement suivant la volonté du peuple. Tout en suggérant sa neutralisation à la tête de
l'Etat, j'avais proposé la mise sur pied d'un gouvernement d'union regroupant paritairement l'opposition politique et les rebelles.

J'avais également demandé que fût suspendu le Parlement de Transition qui n'avait manifestement plus de justification politique avec l'occupation aux ¾ du territoire par les rebelles et les forces étrangères. Là aussi, mes propositions ont été balayées par ceux-là même à qui nous voulions offrir une sortie acceptable et ordonnée, en prélude à la réconciliation à venir. Ils ont préféré être emportés quelques semaines plus tard par la force du fusil, dans l'humiliation la plus totale. Nombre d'entre eux se sont ensuite convertis à leur tour en pseudo libérateurs, entraînant dans leur élan d'avidité, l'érosion de la souveraineté nationale et les guerres à répétition, dont les victimes se comptent en millions de morts.

Souvenez-vous également de ma visite à notre frère Laurent Désiré Kabila, après sa prise de pouvoir par les armes en mai 1997. Il me paraissait urgent de discuter avec lui, en ma qualité de chef de file de l'opposition, des moyens et modalités à envisager en vue de légaliser et de légitimer son pouvoir qui était encore arbitraire.
J'ai reçu une fin de non recevoir et il a préféré m'assigner à résidence. La suite a été non seulement douloureuse pour lui, mais elle a surtout conduit à l'effondrement total des bases de notre société.

Enfin je voudrais vous rappeler Sun City, où tout a été mis en œuvre par les belligérants pour marginaliser et mépriser la vraie opposition politique dont nous étions sans nul doute les principaux représentants, au profit d'individualités peu représentatives ou issues en réalité des belligérants. Et pourtant l'implication de la vraie opposition politique a permis d'éviter la balkanisation du Congo, face aux tentatives de deux composantes belligérantes de vouloir à elles seules aboutir à un accord qui allait consacrer une partition de fait de notre pays.

L'expérience du gouvernement de transition issu de Sun City, et plus encore celle de la première législature de la troisième république, ont prouvé très clairement que nous ne pouvions y trouver notre place. Certes, cette période a aussi révélé de nombreuses individualités de talent au sein de ces institutions, y compris au sein de l'Alliance pour la Majorité Présidentielle de triste mémoire, des personnes qui seront appelées à jouer des rôles importants dans le Congo de demain. Mais globalement, les hommes et les institutions n'ont traduit ni une volonté réelle de paix et de réconciliation, ni une volonté de changement, mais une volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix par la ruse et le crime, pour poursuivre la rapine en toute impunité et perpétuer la perte de notre souveraineté.

En effet, en dépit de la propagande creuse sur les embellies économiques, la pauvreté continue de frapper près de 8 congolais sur 10 et la perception d'injustice sociale a atteint des niveaux jamais égalés dans l'histoire de ce pays. On nous annonce à longueur de journées que les soi-disant 5 chantiers sont la grande nouveauté du siècle qui apportera le salut au peuple Congolais. Que les choses soient claires : nous ne sommes pas contre les tentatives d'amélioration des infrastructures auxquelles nous assistons actuellement. Mais nous dénonçons l'opacité dans la réalisation, le coût et le financement des 5 chantiers ainsi que l'agencement des priorités. Les Congolais ne sont plus dupes. Les 5 chantiers sont devenus un écran de fumée, mieux, de la poudre jetée aux yeux des congolais pour cacher les monstrueux crimes économiques et de sang qui constituent le fondement même de ce régime. L'AMP, devenue MP depuis peu, oublie que le MPR, à qui elle aspire tant à ressembler, avait en son temps, dans des délais et conditions similaires, réalisé bien plus d'infrastructures. Ces deux formations politiques n'ont cependant jamais su donner aux congolais ce qui leur a le plus manqué depuis la disparition du Président Kasa-vubu, à savoir, une direction éthique et
morale fondée sur le respect du bien commun, la justice sociale et l'Etat de droit. En outre, manquant d'expérience et de perspective historique, l'AMP a renié ses propres engagements constitutionnels en matière de décentralisation, qui devrait être le moteur de la pérennisation des infrastructures, par une appropriation et une responsabilisation adéquate à la base.

Aujourd'hui, 14 ans après son avènement, le pouvoir AFDL-PPRD-AMP nous offre un tableau des plus désastreux en matière de droits de l'homme ; en plus de ses 5 millions de morts résultant de divers conflits, la RDC est devenue une triste référence en matière de violences faites aux femmes.

En définitive, le principal enjeu de ce processus électoral est de doter la République Démocratique du Congo d'un programme et d'hommes susceptibles : (i) d'affirmer l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue de la République et de garantir l'intégrité du territoire ; (ii) de
marquer une rupture avec les antivaleurs qui ont conduit le pays dans un cycle aggravé de dévoiement de la règle de droit, de conflits armés, de répression meurtrière, de prédation économique et de corruption généralisée, et, (iii) de renforcer l'élan de croissance économique et de coopération internationale sur une base plus responsable et plus équitable, en vue d'accélérer le développement humain et le bien être des populations.

3° Un temps nouveau pour le Congo

Si nous avons pu surmonter le poids de l'histoire en faisant des anciennes puissances colonisatrices nos principaux alliés d'aujourd'hui, pourquoi ne mettrions-nous pas notre énergie à forger cette alliance entre nous, filles et fils d'une même nation, pour que triomphent la liberté et la dignité, et que nos faiblesses ne conduisent plus à notre asservissement.

Aujourd'hui arrive un temps nouveau pour le Congo, un temps de grâce et de rafraîchissement. L'heure du pardon a sonné. La réconciliation nationale et la reconstruction que nous souhaitons exigent de tous les acteurs politiques et de l'ensemble de la nation un véritable dépassement de soi. Si nous ne reconnaissons pas nos fautes et n'accordons pas notre pardon à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont inutilement fait coulé le sang ou dépossédé le pauvre et l'indigent, nous ne serons pas meilleurs qu'eux. Pire, nous aurons failli à nos responsabilités devant l'histoire et serons coresponsables de la poursuite de la déchéance nationale.

Le pardon que nous nous devons mutuellement ne doit pas être un pardon naïf, sans contrepartie. Pour qu'il soit porteur d'espoir et de changement, il doit être assorti de l'expression d'un acte de repentance, individuelle ou collective, et de la mise en place d'un
système nouveau, où la toge remplace réellement le fusil, où l'arbitraire, le pillage et le crime n'ont plus droit de cité. Aussi, ce pardon ne doit pas se priver de justice, notamment pour les crimes les plus graves qui ont été commis au cours de ces dernières années, car bien que pardonné, le coupable ne peut être tenu pour innocent.

Si vous m'accordez votre confiance, je me consacrerai à concrétiser ce besoin de réconciliation en mettant ensemble toutes les parties prenantes, y compris les pays étrangers qui sont notoirement impliqués dans nos déboires et nos succès, afin qu'ensemble, dans un esprit constructif, nous mettions en place un code de conduite susceptible de permettre la préservation de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la dignité de la RDC, tout en assurant à tous la pleine participation à la vie de la nation sur des bases nouvelles.

Notre pays est assez grand et riche pour permettre à chaque congolais d'y trouver le bonheur, dans le respect du droit et de la dignité humaine. De même, s'agissant du développement économique, depuis sa création il y a plus d'un siècle, notre pays a toujours offert des possibilités de commerce aux nations. C'est à nous Congolais d'imposer aux nations notre dignité, et de leur offrir en retour toutes les possibilités d'échange économique dans nos intérêts réciproques.

4° Une indispensable vigilance électorale

Aujourd'hui plus qu'hier, au regard de l'élan de soutien que vous avez manifesté à l'endroit de ma candidature, je mesure que ces longues années de sacrifice collectif n'ont pas été vaines ; elles ont façonné la maturité et la culture politique du vaillant peuple congolais, plus que jamais déterminé à mettre un terme au mensonge, à la tricherie et aux falsifications de plus en plus élaborées, qui ont élu domicile au sommet de notre pays.

Je mesure également la portée du sacrifice consenti par les pays partenaires et l'ONU qui, depuis la mise en place de la Mission des Nations Unies au Congo, veulent contribuer à l'édification d'un pays plus stable et plus prospère. Au-delà de l'intérêt économique et
politique pour l'Afrique et le monde de voir la RDC rompre avec une gestion prédatrice et liberticide, nous voulons que l'effort de nos partenaires constitue un réel acte d'humanisme et de solidarité auxquels je crois, et que la crédibilité du scrutin à venir honore les sacrifices des contribuables occidentaux et la mémoire des martyrs congolais.

Cependant, bien que vous ayez été nombreux à manifester votre soutien à ma candidature, beaucoup de doutes ont été exprimés ici et là sur la transparence, la crédibilité et surtout l'équité du processus électoral. Comment ne pas douter lorsque l'on assiste à l'utilisation éhontée des deniers du peuple congolais par les acteurs et candidats du pouvoir PPRD/AMP, qui prétendent faire divers dons aux populations abusées et spoliées. Ils monopolisent les médias d'Etat et battent impunément campagne en déniant à l'opposition le libre accès aux moyens publics. Nous ne sommes pas à notre première expérience de déni de démocratie de la part du pouvoir PPRD/AMP. Les congolais ont encore en mémoire le traumatisme des élections de plusieurs gouvernements provinciaux, tronquées par la corruption et l'intimidation, et face auxquelles les contestations populaires légitimes ont été réprimées
dans une sanglante barbarie. N'ayant pas d'autre objectif que de se maintenir à tout prix au pouvoir, ils ont unilatéralement décidé de changer les règles du jeu démocratique qu'ils avaient eux-mêmes fixées, et ce à quelques mois de l'échéance électorale.

Enfin, je lance un appel pressant à toutes les forces démocratiques, de changement et de progrès social, nationales et internationales, au-delà des clivages politiques ou idéologiques, à unir leurs énergies et leurs moyens autour de ma candidature, pour barrer la route à l'imposture, par une grande mobilisation populaire et une vigilance tous azimuts sur le déroulement des prochains scrutins. C'est ici le lieu de renouveler mon appel à chaque congolais, de se sentir personnellement concerné, en s'assurant que son vote sera réellement comptabilisé, et de faire échec à toute tentative de tricherie, d'où qu'elle vienne, le jour du scrutin.

5° Notre action demain

Je vous ai demandé de m'accorder votre confiance. Je mesure l'ampleur des défis et de la tâche qui nous attendent sur les plans politique, sécuritaire, économique et social. Avec l'aide de Dieu qui m'a toujours fermement soutenu et préservé pendant ma longue lutte, je me consacrerai à restaurer l'espoir et la confiance entre nous et avec l'extérieur.

Au plan politique et de la gouvernance, j'ai pris le ferme engagement de gouverner avec l'ensemble des forces politiques qui ont fait le choix de l'alternance autour de ma candidature. Par ailleurs, j'ouvrirai un espace à toutes les forces politiques actuelles qui
renonceront à la ruse, à l'opportunisme et au crime, et adhéreront à notre projet de paix, de réconciliation, de consolidation de la démocratie et de lutte contre la corruption.

Je créerai un environnement où seules les personnes consacrées et réellement engagées trouveront plaisir à s'adonner à la gestion de la chose publique, où l'espace politique cessera d'être un repère d'opportunistes, de criminels et de vagabonds politiques en tout genre.

En matière économique et sociale, je favoriserai la création d'un climat nouveau, propice à la créativité et l'émulation, susceptible d'attirer et de retenir massivement de nouveaux investisseurs, et de remettre les Congolais au travail, grâce à un climat des affaires
nettement amélioré et une confiance durablement rétablie.

J'ouvrirai des perspectives nouvelles de coopération et d'échanges avec nos principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux, afin de permettre une croissance économique porteuse d'emplois et un développement humain accéléré en faveur de nos populations. J'approfondirai nos relations fraternelles et complémentaires avec nos pays voisins, avec lesquels nous sommes condamnés, par la géographie, l'histoire et la sociologie, à avoir des rapports réellement fraternels, pacifiques, responsables et constructifs. Ma vision en ce qui concerne nos relations avec ces pays est de substituer des rapports de méfiance et de conflits par des intérêts économiques partagés, profonds et durables, grâce notamment aux cadres d'intégration existants. Pour la paix et le développement humain de nos populations, l'Afrique a le devoir de se montrer à la hauteur des enjeux de l'histoire, comme ont su le faire avant nous l'Europe et d'autres parties du monde.

Mon programme pour le quinquennat, élaboré par l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social, ainsi que les autres membres de la plate forme qui soutient ma candidature, a été développé dans le document propositions pour changer le Congo. Je vous invite à vous en imprégner. C'est ensemble que nous le réaliserons, dans l'ouverture et le dialogue constructif.

Le Congo sera ce que les Congolais veulent qu'il soit. J'en appelle à la conscience et au sens des responsabilités de tous. Nous avons une communauté de destin. Le moment est venu de porter notre bien commun, la RDC, vers de nouveaux horizons ; des horizons de justice et de paix, de liberté et de prospérité. Nous le devons à la Providence, à nos enfants et aux générations futures.

Que chaque Congolais donne le maximum et le meilleur au Congo; devenu grand et fort, il nous le rendra plusieurs fois !

Mes chers amis,

Partagez mon message autour de vous, dans vos familles, vos cellules, vos quartiers ou villages' Soyez toujours en paix et ne cédez pas à la provocation. Je m'organise pour venir à la rencontre du plus grand nombre d'entre vous à travers tout le pays. Comme vous le savez, nos moyens sont limités. Mais grâce à chacun d'entre vous et à votre participation volontaire, notre force est la plus grande. Et je sais pouvoir compter sur votre volonté de changement et votre détermination à vaincre, pour faire la différence.

Que Dieu bénisse notre Nation.

Fait à Kinshasa, le 01 septembre 2011.

Etienne TSHISEKEDI"

03 septembre 2011

Visite du président Kagame en France : démêler le vrai du faux

La visite du président rwandais Paul Kagame en France les 12 et 13 septembre est une étape importante dans le rapprochement entre les deux pays. Pourtant en France , des militaires hauts gradés, anciens du Rwanda, proclament leur opposition à cette visite qui provoquerait selon eux  « l'humiliation de l'armée et à travers elle, celle de la France. ». Journaliste et écrivain, Jean-François Dupaquier, par ailleurs expert auprès du Tribunal Pénal  international pour le Rwanda (TPIR), poursuit le décryptage de ces oppositions avant d’évoquer la nature du régime rwandais dans le prochain et troisième volet de cette interview.

Afrikarabia logo.png- AFRIKARABIA : Avant d’aborder la situation au Rwanda aujourd’hui, pouvons-nous revenir sur les déclarations les plus polémiques du moment ? Dans une interview au quotidien Sud-Ouest, le général Tauzin déclare que si génocide des Tutsi a eu lieu en 1994, il fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’observe que la liberté d'expression est un droit fondamental dans notre société, et j’espère que personne ne conteste ce droit au général Tauzin, dans la mesure où il ne s’adonnerait pas à l’invective ou à l’injure. Néanmoins, les mots ne sont pas des jouets. Ils ont de l’importance. Ils peuvent notamment blesser la mémoire de rescapés ou inciter à la haine.

- AFRIKARABIA : Quel est le pouvoir des mots dans un génocide?

- Jean-François DUPAQUIER : Le professeur George P. Fletcher de l’Université Columbia (Etats-Unis), souligne qu’aussi bien sur la négation de l’Holocauste que sur le génocide arménien, « les mots sont devenus un champ de bataille ». Il ne connaissait pas le génocide contre les Tutsi qui pose les mêmes questions. A ce sujet il faut rappeler que la Radio des Mille collines (RTLM) qui a joué un rôle crucial dans la passage au crime massif se définissait comme « l’état-major des mots ». Les génocidaires rwandais, et tous les enragés ralliés à leur cause, ne cessent de jouer sur les mots, sans souci de blesser les rescapés et les autres victimes.

- AFRIKARABIA : En jouant comment sur les mots ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dans son livre « Je demande justice pour la France et ses soldats », le général Tauzin, je crois l’avoir déjà relevé, met généralement entre guillemets le mot génocide, lorsqu’il s’agit des Tutsi, pour montrer qu’il doute de la réalité de ce génocide. Dans son interview à Sud-Ouest voici quelques jours, il ajoute que ce génocide n’aurait fait que 200 000 victimes. C’est un des argument habituels des négationnistes que de minimiser le nombre des victimes, pour ensuite tenter de disqualifier l’événement lui-même. L’historien Pierre Vidal Naquet, qui avait en son temps dénoncé les crimes de l’armée française en Algérie, a suffisamment analysé les acrobaties intellectuelles des négationnistes pour qu’il soit nécessaire ici d’y revenir en détail. Que de hauts gradés français enfourchent aujourd’hui ce cheval de bataille fourbu n’apporte rien qui contribue à leur gloire ni à leur honneur. Et moins encore à l’œuvre de justice.

- AFRIKARABIA : Pourquoi des hauts gradés français sombreraient-ils dans le négationnisme ?

- Jean-François DUPAQUIER : On sait à présent par de nombreux Rwandais, mais aussi par des témoins directs belges, suisses ou français, que lors de l’opération Turquoise, des responsables militaires français sur le terrain ont  fait passer la consigne qu’ils venaient empêcher l’extermination des Hutu par les Tutsi. C’était déjà l’ordre de conduite secret de l’opération Noroit, entre 1990 et 1993. C’est là qu’il faut chercher l’origine de leur négationnisme actuel et les ambiguïtés, pour ne pas dire plus, de l’opération dite « militaro-humanitaire » Turquoise. C’est aussi pourquoi, pendant trois jours, en pleine opération Turquoise, les rescapés tutsi de Bisesero ont été abandonnés à leurs tueurs par les militaires français. Avec pour effet que la moitié d’entre eux ont été exterminés. On a vu à Bisesero comment des directives militaire fallacieuses aggravent le carnage.

- AFRIKARABIA : Et quand le général Tauzin dit que le génocide contre les Tutsi fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dire que ce génocide fut « spontané » participe de la même imposture intellectuelle, car par principe un génocide est un crime d’Etat et n’a rien de « spontané ». Prétendre qu’il était spontané revient à dire que le mot génocide serait inapproprié. C’était déjà l’argument des négationnistes du génocide des Arméniens, puis de la Shoah. Le négationnisme de l’Holocauste tente de démontrer par la présentation d’arguments fallacieux et de falsifications historiques que l’Holocauste n’a pas eu lieu. Pour le Rwanda, c’est le refrain  des organisateurs du génocide contre les Tutsi, dans leurs divers écrits et lorsqu’ils comparaissent devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Un argument qui ne tient pas : beaucoup ont déjà été condamnés.

- AFRIKARABIA : Mais ce thème de la « colère populaire spontanée » en 1994 au Rwanda est repris par bien d’autres que le général Tauzin.

- Jean-François DUPAQUIER : Oui, car c’est un autre élément important de l’argumentaire négationniste. Il s’agit de faire croire que tout le monde tue tout le monde, qu’il n’y a pas de coupables, pas d’innocent, et donc pas de justice possible : « Tous des sauvages, pas d’autre issue que de passer l’éponge… ». En quelque sorte une « noire fureur ». Quel mépris pour la vérité des faits et plus encore pour les victimes ! Vidal Naquet a écrit que “les assassins de la mémoire ont bien choisi leur objectif : ils veulent frapper une communauté sur les mille fibres encore douloureuses qui la relient à son propre passé. Ils lancent contre elle une accusation globale de mensonge et d'escroquerie”. Rien de nouveau, hélas.

- AFRIKARABIA : Le général Tauzin, dans son interview à Sud-Ouest, affirme pourtant que le Tribunal pénal international pour le Rwanda n'a relevé à ce jour « aucune organisation, aucune préparation » des tueries de 1994.

- Jean-François DUPAQUIER : Personne pour ordonner les tueries de Tutsi ? On a entendu les mêmes sornettes concernant la Shoah. Le négationniste emblématique Faurisson s’était rendu célèbre par cette formule : « Jamais Hitler n'a ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion ».
Tauzin n’a évidemment pas la même pointure. Ses déclarations à l’emporte-pièce laissent penser qu’il n’a rien lu de sérieux sur le génocide contre les Tutsi du Rwanda, qu’il n’est pas bien informé. En tout cas, il ferait mieux de ne pas citer le Tribunal pénal international dont les jugements n’ont rien à voir avec ce qu’il affirme. Dans un  célèbre arrêt, le TPIR a déclaré le génocide des Tutsi « un  fait avéré ». Pour le TPIR, il y a eu un seul génocide, sans guillemets, celui des Tutsi du Rwanda, n’en  déplaise aux propagandistes de la thèse du « double génocide ».

- AFRIKARABIA : Vous n’avez pas complètement répondu à la question : quel a été le degré de préparation du génocide de 1994 contre les Tutsi ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il n’est pas possible dans le cadre d’une interview d’énumérer tous les témoignages, tous les document qui attestent de la préparation méticuleuse du génocide depuis fin-1992, début-1993. Lisez plutôt « Aucun Témoin ne doit survivre », résultat de la monumentale enquête de la FIDH et de Human Rights Watch, ou « Les Médias du génocide » ou encore mon livre, « L’Agenda du génocide », tous parus aux éditions Karthala. Le témoignage du général Dallaire, dans son autobiographie « J’ai serré la main du diable » (Ed. Libre Expression), est éclairant. Et bien d’autres. On ne peut pas faire le tour de cette question épineuse en quelques phrases. Rappelez-vous qu’on débat aujourd’hui encore des conditions dans lesquelles a été décidée par Hitler et sa clique l’extermination des Juifs d’Europe. Soixante-dix ans plus tard. Pour les Arméniens de Turquie, le débat fait rage depuis presque un siècle !

- AFRIKARABIA : Pourtant, l’historien français Bernard Lugan, qui a été témoin-expert de la défense dans le procès Bagosora, a déclaré dans la revue « Médias » de septembre 2009 à propos du procès Bagosora et du procès Zigiranyirazo : « Ces deux jugements bouleversent (…) la perspective historique de ce génocide. Ils établissent que celui-ci n’a pas été prémédité (…).  Aucun des quarante éléments présentés par l’accusation pour tenter de prouver la planification du génocide n’a en effet été considéré comme probant par les juges qui ont estimé que le procureur n’a pas établi le bien-fondé de sa thèse » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il est navrant  d’entendre ce genre d’argument  de la bouche d’un général en retraite, qui est tout sauf un intellectuel et qui, visiblement, répète ce qu’il a entendu ici ou là. Mais je pose à mon tour une question ; comment qualifier les contrevérités proférées par un historien, supposé plus rigoureux dans sa démonstration. ?

- AFRIKARABIA : En quoi s’agit-il de contre-vérités ?

- Jean-François DUPAQUIER : Excusez-moi  d’être un peu long, mais je vais citer quelques paragraphes ce fameux arrêt rendu par le TPIR en première instance le 18 décembre 2008 condamnant à la perpétuité le colonel Bagosora et consorts :
(...) La Chambre reconnaît sans conteste que certains faits peuvent être interprétés comme établissant l’existence d’un plan visant à commettre le génocide, en particulier lorsqu’on tient compte de la rapidité avec laquelle les meurtres ciblés ont été perpétrés immédiatement après que l’avion du Président eut été abattu. (...)  Cela étant, elle estime que le Procureur n’a pas établi au-delà de tout doute raisonnable que la seule conclusion raisonnable qui puisse être dégagée des éléments de preuve produits est que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres, pour commettre le génocide, avant le 7 avril, date à partir de laquelle il avait commencé à se perpétrer. La Chambre les a acquittés du chef d’entente [en vue de commettre le génocide].
(...) La Chambre considère qu’elle ne saurait exclure la possibilité qu’avant le 6 avril, il y ait eu en fait des plans visant à commettre le génocide au Rwanda. Elle relève que comme le fait valoir le Procureur, il ressort des éléments de preuve dont elle a été saisie certains signes propres à établir l’existence d’un plan ou d’une entente préétablie visant à perpétrer un génocide (...) Une campagne secrète visant à armer et à entraîner des miliciens civils avait également été lancée et des démarches avaient été entreprises à l’effet de mettre en place un système de « défense civile » fondé sur la mise sur pied de groupes de « résistants » (III.2.6.2). La Chambre a conclu que Bagosora, Nsengiyumva et Kabiligi ont participé, à divers degrés, à certaines de ces initiatives. Elle relève en particulier que dès le début de l’année 1993, dans le cadre de réunions tenues au Ministère de la défense après que le FPR eut repris les hostilités et commencé à progresser vers Kigali, Bagosora avait déjà consigné dans son agenda les grandes lignes des éléments fondamentaux du système de défense civile envisagé. Elle fait observer en outre que des listes principalement conçues pour identifier les complices présumés du FPR et les opposants au régime de Habyarimana ou au parti MRND avaient été confectionnées et tenues à jour par l’armée (III.2.5). Elle estime toutefois que dans le contexte de la guerre menée à l’époque contre le FPR, ces éléments de preuve ne démontrent pas invariablement que l’armement et l’entraînement de ces civils ou la confection de listes avaient forcément pour but de tuer des civils tutsis.

(...) La Chambre relève qu’à la suite de la mort du Président Habyarimana, les instruments sus-évoqués ont manifestement été utilisés pour faciliter la perpétration de tueries. Elle fait observer que lorsqu’on prend le soin de replacer ces éléments de preuve dans le contexte des meurtres ciblés et des massacres à grande échelle qui ont été perpétrés par des assaillants civils et militaires entre avril et juillet 1994, de même que dans celui des cycles de violence antérieurs, on comprend facilement qu’ils prennent un sens nouveau pour bon nombre de personnes, et qu’elles y voient la preuve de l’existence d’une entente préétablie visant à commettre le génocide. Elle considère qu’il est manifeste que ces préparatifs pouvaient clairement entrer dans le cadre d’un plan visant à commettre le génocide. [mais] lorsqu’une Chambre de première instance est saisie de preuves circonstancielles, elle n’est habilitée à rendre un verdict de culpabilité que pour autant que cette conclusion soit la seule qui puisse raisonnablement être dégagée.”

- AFRIKARABIA : D’où tirez-vous ces citations ?

- Jean-François DUPAQUIER : De le condamnation en première instance du colonel Bagosora et de deux de ses co-accusés. C’est un arrêt très long et très documenté, qui représente près de mille pages pour sa version en français, que l’historien Bernard Lugan n’a pas pu ne pas lire car n’importe qui peut le télécharger sur internet, même le général Tauzin. Ce que disent les juges, c’est que les enquêteurs du TPIR n’ont pas démontré de façon irréfutable “l’entente en vue de commettre le génocide”. Peut-être que les enquêteurs du TPIR n’ont pas fait preuve de suffisamment de compétence et d’opiniâtreté, ou que l’accusation n’a pas été conduite correctement.
A l’occasion de l’affaire DSK, le public français a pu se familiariser récemment avec le droit anglo-saxon et comprendre comment la présomption d’innocence bénéficie à l’accusé s’il subsiste une interrogation “au delà du doute raisonnable”. Ca n’a rien à voir avec l’intime conviction pratiquée en France. La question de la conspiration du génocide contre les Tutsi du Rwanda a été traitée dans le cadre de ce droit anglo-saxon, qui inspire le TPIR à Arusha, en Tanzanie, siège du Tribunal international.

- AFRIKARABIA : Est-ce à dire q’on ne pourra jamais prouver devant une cour de justice, que le génocide contre les Tutsi aurait été le résultat d’un complot ?

- Jean-François DUPAQUIER : Bien au contraire. Je vais vous citer un autre passage du même jugement “Bagosora” du 18 décembre 2008 :
“La Chambre fait observer qu’il est possible que l’accès à d’autres informations, la découverte de faits nouveaux, les procès à venir ou l’histoire permettent un jour de démontrer l’existence d’une entente en vue de commettre le génocide antérieure au 6 avril et à laquelle seraient parties les accusés. Elle souligne toutefois que son domaine d’intervention est limité par des normes de preuve et des règles de procédure strictes, ainsi que par les éléments de preuve versés au dossier dont elle est saisie et par les actes des quatre accusés sur lesquels elle se doit de centrer son attention. Elle signale que pour parvenir à sa conclusion sur l’entente, elle a pris en considération l’ensemble des éléments de preuve produits en l’espèce, tout en faisant observer qu’une fondation solide ne peut se bâtir sur la base de briques fracturées. En conséquence, la Chambre affirme qu’elle n’est pas convaincue que le Procureur a établi au-delà de tout doute raisonnable que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres en vue de commettre le génocide, préalablement à son déclenchement le 7 avril 1994.”
Vous voyez ainsi que sur cette question essentielle, l’historien Bernard Lugan ne dit pas la vérité en affirmant que le jugement Bagosora ETABLIRAIT que le génocide «  n’a pas été prémédité ». Il alimente lui aussi l’argumentaire négationniste.

- AFRIKARABIA : Le mot négationniste n’est-il pas « mis à toute les sauces », au Rwanda et ailleurs ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’ai entendu au Rwanda certaines personnes qualifier de « négationnistes » tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame. Comme le mot génocide, celui de négationniste est trop précieux pour servir à des calculs politiciens et se retrouver vidé de sens pas sa banalisation ou son instrumentalisation politique. Il n’empêche que le négationnisme est la poursuite du génocide par les mots, une façon de tenter d’effacer la mémoire des victimes, après le martyr du groupe-cible. Ces « Eichmann de papier », pour reprendre l’expression de Pierre Vidal-Naquet, sont très dangereux.

- AFRIKARABIA : Tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame ne sont donc pas des négationnistes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Evidemment. Et le régime de Paul Kagame n’est pas parfait, loin s’en faut.

A suivre...

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02 septembre 2011

RDC : L'opposition à l'heure des choix

Dans moins de 10 jours, les candidatures seront clauses pour se présenter à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Si le Président sortant, Joseph Kabila, a décidé de se représenter, l'opposition apparaît plus divisée que jamais, avec au moins 3 candidats. Si Etienne Tshisekedi a réussi à fédérer derrière lui 80 partis d'opposition, Vital Kamerhe, Léon Kengo et Jean-Pierre Bemba hésitent encore.

élections RD.pngDepuis le début de cette pré-campagne électorale, Etienne Tshisekedi prend régulièrement de court l'ensemble de l'opposition. Le leader de l'UDPS a été le premier à se déclarer candidat, le premier tenir d'imposants meetings, le seul à manifester dans la rue contre les nombreuses irrégularités du processus électoral, le seul à rencontrer sereinement la diaspora à l'étranger... Avec en permanence une longueur d'avance sur les autres candidats de l'opposition, Tshisekedi continue de dérouler une stratégie offensive. Une stratégie simple. Sachant que pour gagner des élections à un seul tour, l'opposition doit s'avancer unie devant les Congolais, Tshisekedi n'avait que deux alternatives : négocier avec ses concurrents ou bien démontrer qu'il était le seul candidat légitime en mesure de battre Joseph Kabila et attendre leurs ralliements. C'est visiblement cette seconde stratégie qu'Etienne Tshisekedi a choisi, sans pour autant fermer la porte du dialogue avec le reste de l'opposition. Dernière preuve en date de la "stratégie Tshisekedi", la désignation le 23 août dernier du "Sphinx de Limete" par 80 partis d'opposition congolais comme candidat commun. Si Bemba, Kamerhe et Kengo manquent à l'appel de cet accord, une fois de plus Tshisekedi impose son tempo et oblige ses 3 autres concurrents à se positionner rapidement.

Pas de "1+4" à l'envers

En adoptant cette posture, le patron de l'UDPS tente d'échapper au principal écueil de cette élection : être obligé, une fois au pouvoir, de tout devoir à une multitude de personnalités hétéroclites (une dizaine de candidats se réclament de l'opposition). Il réitérerait ainsi une sorte de "1+4" à l'envers, avec un pouvoir trop morcelé pour être efficace. Car deux candidats sont fraîchement arrivés dans le cercle des opposants : Vital Kamrehe (ancien directeur de campagne du Président Kabila) et Léon Kengo wa Dondo (Président du Sénat), qui n'avait jamais indiqué jusque là faire partie de l'opposition à la Majorité présidentielle (MP).  Car qui y-a-t-il en commun entre "Tshisekedi-Kamerhe-Bemba-Kengo" si ce n'est la volonté de voir partir Joseph Kabila ? Même sur le plan idéologique on peut déceler de nombreuses divergences, avec une UDPS plutôt sociale-démocrate et un Bemba ou un Kamerhe plutôt ultra-libéraux.

10 jours pour choisir

"Laisser venir à lui ses concurrents, plutôt que d'aller les chercher", est un pari risqué pour Etienne Tshisekedi. Car en cas d'échec, la multitude de candidatures opposantes rend mathématiquement impossible toute victoire de l'opposition. Par contre, si cette stratégie se révèle gagnante, le bénéfice pour le nouveau Président de la république congolaise, Etienne Tshisekedi, sera de taille : partager "à minima" son pouvoir et gouverner ainsi les mains libres.

Il reste donc moins de 10 jours à l'opposition pour assumer ses choix. Du côté de la troïka "Kamerhe-Bemba-Kengo", deux candidats bataillent ferme pour s'imposer. José Makila (ex-gouverneur de l'Equateur) et Florentin Mokonda de l'ICN (Initiative pour un Congo Nouveau) tentent d'appuyer la candidature de Léon Kengo, le président du Sénat congolais. Alors que Clément Kanku, un proche de Bemba, penche plutôt pour Vital Kamerhe. Sans accord avec Tshisekedi, il pourrait donc y avoir 3 candidats de l'opposition... largement assez pour assurer la réélection de Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

01 septembre 2011

RDC : La marche de l'UDPS violemment dispersée

Pour la troisième fois, l'UDPS a organisé une manifestation pour demander la transparence du processus électoral en République démocratique du Congo (RDC). Le parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi a déploré une fois de plus les violences policières qui ont émaillé cette marche. Une vingtaine de manifestants ont été blessés.

Afrikarabia logo.pngLa police congolaise a fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser la marche organisée par l'UDPS à Kinshasa le 1er septembre. Plusieurs centaines de manifestants de l'opposition souhaitaient se rendre devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour protester contre le manque de transparence du processus électoral en cours en RDC. Des élections présidentielle et législatives sont prévues le 28 novembre 2011 et l'opposition craint des "fraudes massives" lors de ce scrutin.

La marche a été stoppé avec de pouvoir arriver devant la Ceni par un important barrage policier. Selon Jacquemain Shabani, le secrétaire général de l'UDPS joint par l'agence chinoise Xinhua, "il est difficile pour l'instant d'établir un bilan de ces affrontements, la marche continue jusqu'à ce que nous allons déposer le mémorandum",  Un manifestant, sous couvert d'anonymat, a fait état de plus de 20 personnes blessées, alors que d'autres sources avaient donné le bilan d'une cinquantaine de blessés.

Christophe Rigaud