29 avril 2012
RDC : Quelle armée pour le Congo ?
L'armée congolaise est à reconstruire. Après 15 années d'une guerre sans fin, l'armée régulière est toujours incapable d'assurer la sécurité de la population. Pire, elle se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils. Selon un collectif de 13 ONG locales et internationales, réorganiser le secteur militaire et de la sécurité est une priorité absolue pour le pays. Afrikarabia a rencontré Emmanuel Kabengele, membre de la société civile, pour qui, "une vraie réforme de l'armée est une question de volonté politique".
En République démocratique du Congo (RDC), la réforme du secteur de la sécurité fait toujours office de véritable serpent de mer. Tout le monde en parle, tout le monde promet la réforme, mais rien ne bouge… ou presque. Depuis plus de 15 ans, le pays est ravagé par des conflits successifs. Encore aujourd'hui, une dizaine de groupes armés terrorisent les populations du Nord et de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Désorganisés, mal formés, mal payés, les militaires congolais (FARDC) sont dans l'incapacité de rétablir la sécurité dans ces zones. Ces troupes vieillissantes et non-formées à 70% se retrouvent également accusées des pires atrocités : pillages, viols, meurtres… Résultat : 1,7 million de Congolais sont déplacés dans leur propre pays et 500.000 se sont réfugiés dans les pays voisins.
Un collectif de 13 ONG congolaises, mais aussi internationales, vient de publier un rapport très complet sur la nécessité d'une réforme du secteur de la sécurité. De maigres efforts ont été réalisés par les autorités congolaises, appuyés par la communauté internationale. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Dans ce rapport, ces ONG demandent "un nouvel accord" et un "nouvel engagement du gouvernement congolais" en la matière. Des solutions sont possibles. Mais pour accélérer le mouvement, ces ONG souhaitent que les bailleurs et les pays donateurs de la RDC fassent preuve "d’exigence quant à l’utilisation des montants de l’aide dédiée à la RDC", soit plus de 14 milliards de dollars US entre 2006 et 2010 et conditionnent leur aide, par exemple, au respect des Droits de l'homme au sein de l'armée congolaise.
Ce rapport tombe à point nommé. L'Est du pays menace une nouvelle fois de s'enflammer sous la pression de groupe rebelle et le Président Kabila est toujours en quête de légitimité internationale après les élections très contestées de novembre 2011. La communauté internationale bénéficie donc d'une "fenêtre de tir" idéale pour activer cette réforme de l'armée.
Afrikarabia a rencontré Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ). Ce membre de la société civile a participé au rapport : "RDC : Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité".
- Afrikarabia : Pour quelles raisons l'armée congolaise est-elle incapable d'assurer la sécurité des populations civils et de contrôler son territoire ?
- Emmanuel Kabengele : Il y a des problèmes essentiellement structurels, d'organisation mais il y a surtout un problème d'éthique de responsabilité. Il y a pourtant eu des efforts faits pour une réforme du secteur de la sécurité, notamment sous l'impulsion de la communauté internationale. Le programme de l'Union européenne, EUSEC, est intervenu sur le recensement en réalisant un fichier pratiquement complet des effectifs et un suivi de la chaîne de paiement des salaires et de commandement. Mais ces efforts se sont révélés limités car il n'y avait pas de plan stratégique, ni de vision globale de la réforme de l'armée. Le processus de "brassage" et de "mixage" (la réintégration des mouvements rebelles dans les troupes régulières) pour obtenir une armée réellement unifiée, n'a pas pu aboutir. Sur les 18 brigades qui devraient être réintégrer dans les FARDC, seules 14 ont pu le faire et il y a régulièrement des défections.
- Afrikarabia : Lorsque vous parlez d'éthique, de quoi parlez-vous exactement ?
- Emmanuel Kabengele : Nous parlons d'éthique parce qu'il y a des choses qui se passent en dessous de table. Il y a notamment un certain nombre d'officiers qui tirent profit du contrôle des régions qu'ils dirigent. Un rapport des Nations-Unies a fait état de l'exploitation illégale des richesses dans ces régions. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a une persistance de l'insécurité dans ces territoires.
- Afrikarabia : Le faible salaire des militaires congolais, voire l'absence totale de solde dans certains cas n'explique-t-il pas le pillage des ressources naturelles (minerais, or, diamant) par l'armée régulière ?
- Emmanuel Kabengele : C'est pour cela que je vous ai parlé d'éthique de responsabilité. Le plus souvent, Kinshasa est doté d'un budget, mais pour que cet argent arrive au soldat en bas de l'échelle, il y a des problèmes. C'est ce qu'on appelle des "décaissements frauduleux". Certains officiers garde une partie de la solde qui devait revenir aux soldats. La solde est déjà modique (59$ pour un soldat et 89$ pour un général, ndlr), mais souvent le problème se situe dans l'acheminement de la solde.
- Afrikarabia : Le manque d'argent n'est pas le principal problème ?
- Emmanuel Kabengele : C'est plutôt la redistribution qui pose un réel problème dans la gouvernance sécuritaire. L'argent n'est pas en soi le vrai problème. Le problème, ce sont les détournements. Il faut que la redistribution s'améliore. Des officiers se font construire de gros immeubles et là je me dis : oh mon dieu qu'est-ce que arrive !
- Afrikarabia : Des experts militaires estiment que les effectifs de l'armée congolaise sont trop nombreux par rapport au budget dont dispose l'Etat. Il y a 130.000 hommes au sein des FARDC, certains spécialistes pensent qu'avec 70.000 hommes mieux payés, la situation serait meilleure ?
- Emmanuel Kabengele : Le nombre de soldats n'est pas le problème pour moi. Le problème est d'ordre organisationnel. La RDC est un véritable sous-continent, le pays est immense (5 fois la France, 80 fois la Belgique, ndlr) et il y a plus de 60 millions de Congolais. Pour moi, le nombre des militaires est même un peu petit !
- Afrikarabia : Que faut-il faire ?
- Emmanuel Kabengele : Faire une vraie réforme. Pour moi la réforme n'a pas encore commencé. La preuve : l'insécurité est encore persistante à l'Est du pays. Pour moi, faire un recensement des effectifs, ce n'est pas une réforme. Donner une carte aux militaires, ce n'est pas une réforme…
- Afrikarabia : … cela peut y contribuer ?
- Emmanuel Kabengele : Bien sûr, cela peut y contribuer. Mais pour nous société civile, une réforme c'est un processus de transformation profonde des institutions d'une société. Pour que ces institutions redeviennent crédibles, il faut un réel toilettage, il faut enlever quelques brebis galeuses.
- Afrikarabia : Par quelle mesure cette réforme devrait débuter pour prendre le problème par le bon bout ?
- Emmanuel Kabengele : Il faut d'abord commencer par créer un cadre stratégique global de la réforme de l'armée. Il faut prendre exemple sur la réforme de la police, avec différentes étapes qui doivent être respectées. Cet exemple, qui est pour nous un "demi succès", pourrait avoir un effet d'entraînement sur la réforme de l'armée. La création d'une police de proximité et d'un code de bonne conduite ont amélioré la situation. Concernant l'armée, il faudrait débuter par une réelle démilitarisation progressive de l'Est du pays en élimant les "forces négatives" (les différents groupes rebelles, ndlr). Et si l'armée congolaise n'y arrive pas pour le moment, c'est qu'il y a un vrai problème stratégique à résoudre et un manque de volonté politique. Il n'y a pas de problème insoluble.
- Afrikarabia : Le problème est politique selon vous ?
- Emmanuel Kabengele : Nous avons eu beaucoup de discours. En 2006, les programmes politiques faisaient déjà de la réforme du secteur de la sécurité une priorité et la société civile l'avait salué. En 2011, on a encore fait de la réforme de l'armée une priorité. Et c'est seulement fin 2011 que le parlement adopte une loi sur cette priorité ! Nous, nous disons qu'il y a déficit de volonté politique. Et dans la mise en oeuvre, il y a un retard exagéré ! Ce rapport est là pour que tous ensemble, gouvernement et communauté internationale, on se coordonne selon une logique un peu plus cohérente. C'est une urgence et une nécessité.
Christophe RIGAUD
Photo : Emmanuel Kabengele en avril 2012 à Paris (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
23:07 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
RDC : Kabila "dépolitise" son nouveau gouvernement
Après de longues semaines d'atermoiements, la République démocratique du Congo (RDC) s'est enfin dotée d'un nouveau gouvernement. A défaut d'une ouverture vers l'opposition, le président Kabila a préféré éloigner les caciques du PPRD et nommer une petite équipe de 36 ministres, composée de "techniciens" peu connus du grand public.
Avec la nomination de ce nouveau gouvernement "peu coloré politiquement" et très "technique", le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, espère tourner la page d'une longue séquence post-électorale très embarrassante pour sa propre légitimité. Les élections présidentielle et législatives de novembre 2011ont été fortement contestées par l'opposition, mais aussi par la communauté internationale. Le processus électoral a été entaché de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraudes massives.
Sous pression internationale et à 5 mois du XIVe sommet de la francophonie à Kisnhasa, Joseph Kabila tente une nouvelle fois de calmer la crise politique qui couve en "dépolitisant" son action gouvernementale. Première étape : la nomination d'un nouveau Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, économiste de formation, rompu aux institutions internationales et spécialiste en "stabilisation du cadre macro-économique"… En bref, l'homme idéal pour rassurer les (nombreux) bailleurs de la RDC. Deuxième étape : la nomination d'un gouvernement "resserré" et "technique", débarrassé des "barons" du parti présidentiel. Objectif : calmer le débat avec l'opposition et mettre en place une équipe "moins politique" et censée être plus "efficace" dans les dossiers (seul l'avenir nous le dira).
Dans la nouvelle équipe gouvernementale, le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, garde la haute main sur l'Economie et les Finances avec l'aide d'un ministre délégué, Patrice Kitebi. Deux personnalités peu connus font également leur entrée au gouvernement : il s'agit de Daniel Mukoko Samba, ancien directeur de cabinet adjoint de Matata Ponyo, qui s'occupera du Budget en tant que vice-Premier ministre, et d'Alexandre Lubal Tamu, le nouveau ministre de la Défense.
Six ministres sortants restent tout de même dans la nouvelle équipe : l'inamovible Lambert Mende (Médias), Martin Kabwelulu (Mines), Raymond Tshibanda, (Affaires étrangères), Richard Muyej (Intérieur), Fridolin Kasweshi (Aménagement du territoire) et Justin Kalumba (Transports).
Seule nouveauté à destination de la communauté internationale : la nomination d'une femme, l’avocate Wivine Mumba Matipa, au poste de la Justice et des Droits humains (une première). Les grands absents du nouveau gouvernement sont "les ténors" du PPRD et de la majorité présidentielle, priés de se faire discrets et l'opposition qui ne s'est vu offrir aucun poste. Joseph Kabila n'a donc pas cherché à débaucher des membres de l'opposition en signe d'ouverture et d'apaisement, comme le lui avait demandé la communauté internationale. Joseph Kabila a préféré surprendre avec "du neuf" et renouveler son casting gouvernemental avec des personnalités plus "transparentes" et moins "polémiques".
Christophe RIGAUD
Consultez la liste complète du gouvernement d'Augustin Matata Ponyo ICI.
23:06 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
22 avril 2012
RDC : Elections provinciales reportées en janvier 2013
Après plusieurs reports, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) a annoncé la tenue des élections provinciales pour la fin janvier 2013. Ces élections doivent clorent un long cycle électoral entaché de graves irrégularités et de violences dénoncées par la communauté internationale. Les Congolais devront désigner 690 députés provinciaux.
Fixées au printemps 2012, les élections "provinciales, urbaines, municipales et locales" devraient se dérouler avec 9 mois de retard. En cause, la gestion "anarchique" et "calamiteuse" des élections présidentielle et législatives de novembre 2011. Les multiples irrégularités du scrutin ont fait planer de sérieux doutes sur la crédibilité des résultats. Le régime de Joseph Kabila est sorti affaibli de ces élections, même si le président congolais possède encore une majorité confortable à l'Assemblée nationale.
Fortement remise en cause par les nombreux rapports internationaux sur ses dysfonctionnements, la CENI a été sommée de résoudre ses problèmes logistiques et d'afficher un minimum de transparence dans la publication de ses résultats. Un atelier d'évaluation a été créé afin de prendre en compte les fichiers électoraux, la cartographie et la gestion des résultats. Un "toilettage homéopathique" insuffisant par l'opposition et bons nombres d'organisations congolaises des Droits de l'homme.
En attendant le (probable) scrutin de janvier 2013, les institutions de RDC doivent composer avec ce décalage du calendrier électoral. Interrogé par Radio Okapi, le sénateur d'opposition, Moise Nyarugabo parle de "crise de légitimé". "Comment faire fonctionner une nouvelle Assemblée nationale avec un ancien Sénat ?" se demande Nyarugabo. Certaines situations sont en effet cocasses, comme celle de l’ancien gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, élu député national et qui continue d’être gouverneur "puisse qu’aucune élection n’a été organisée pour désigner son remplaçant".
Christophe RIGAUD
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RDC : Débat à Paris sur le "Processus de démocratisation" le 24 avril
Une conférence sur la situation politique en République démocratique du Congo (RDC) est organisée par Avenir du Congo-Devoir de Mémoire. Ce débat se posera la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?". Le rôle et l'avenir de diaspora congolaise sera également évoquée, notamment autour de la problématique de la double-nationalité.
24 avril 1990 - 24 avril 2012 : 22 ans après "l'ouverture de l'espace politique congolais " par le président Mobutu, le processus de démocratisation sera au centre d'une conférence organisée ce mardi 24 avril, à Saint-Denis, en banlieue parisienne. Plusieurs personnalités sont invitées à ce débat public :
- Professeur Julien CIAKUDIA, Panafricaniste et Lobbyste international, Théologien et Sociologue formé à l'Université de Montréal au Canada,
- Gaspard-Hubert LONSI KOKO, Essayiste, Ecrivain et Homme politique. Candidat député aux élections de 2011 à Madimba au Bas-Congo,
- BABI BALUKUNA, Journaliste, Homme politique, emprisonné par la police avant les élections pour ses idées. Candidat député aux élections de /2011 à Kinshasa.
- Yves MAKABI MUNGWAMA. Ambassadeur des jeunes et candidat aux élections législatives de 2011à Kinshasa,
- Pasteur Philippe KABONGO-MBAYA, Docteur en Théologie, Sociologue, Pasteur de l'Eglise reformée de France. Expert, il a été chargé de mission à l'Alliance réformée mondiale pour les Eglises de l'Afrique francophone en 1992 et il est le représentant de l’Alliance réformée mondiale pour la République démocratique du Congo.
Autour de la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?", d'autres thématiques seront abordées :
-QUE FAUT-IL POUR REMETTRE LA DIASPORA DANS SES DROITS AU CONGO?
-LE DEGRE DE CULTURE POLITIQUE DE L'ELITE CONGOLAISE
-LA PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE. COMMENT LA RESOUDRE?
Le débat sera modéré par Christelle KAVOKA et Alain NDONGISILA.
Cette conférence se tiendra le mardi 24 avril 2012 de 17h45 à 21h30, 2 boulevard de la Libération, 93200 Saint-Denis. Contacts : rdc.devoirdememoire@gmail.com
12:18 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
20 avril 2012
RDC : Kivu, retour en zone grise
Les élections contestées de novembre 2011 ont masqué la dégradation de la situation sécuritaire à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). La tension dans les Kivu a redoublé d'intensité avec les défections de l'armée régulière d'ex-rebelles du CNDP de Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Le régime de Kinshasa se retrouve une nouvelle fois face à une situation qui lui échappe dans un territoire qu'il ne contrôle plus vraiment.
Zone grise : territoire géographique dont l'Etat a perdu le contrôle. Depuis plus de 15 ans, le Nord et le Sud Kivu répondent à ce concept décrit par Gaïdz Minassian dans un récent essai (1). Des guerres sans fin se sont succédées dans ces deux provinces de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). A l'origine des conflits : des tensions ethniques et foncières conjuguées aux soubressauts du génocide rwandais de 1994. Les milices des mouvements impliqués dans le génocide des tutsi traversent la frontière et s'installent dans les Kivu. Deux guerres plus tard et le régime Mobutu renversé, la situation sécuritaire s'améliore peu à l'Est. Un dizaine de milices, congolaises, rwandaises ou ougandaises continuent de semer la terreur au sein de la population civile. Le bilan de ces conflits à répétition est très controversé, mais on parle de 2 à 4 millions de morts. Actuellement, 1,7 millions de réfugiés errent dans l'Est de la RDC en attendant un hypothétique retour dans leurs villages. En toile de fond de ces 15 années de guerre, on trouve toujours cette constante : l'absence de l'Etat et l'incapacité de l'armée congolaise à rétablir la sécurité dans les Kivu.
En 2008, un mouvement politico-militaire, le CNDP de Laurent Nkunda, défendant les intérêts des Tutsi dans la région, lance une opération armée au Nord-Kivu et menace de prendre la ville Goma. Le régime de Joseph Kabila vacille pendant quelques jours. Pour ne pas avoir à partager le pouvoir avec ses opposants, Kabila cherche la victoire militaire, sans y parvenir. Finalement, la paix signée en 2009 ne sera qu'un compromis politique puisqu'elle prévoit l'intégration des rebelles dans l'armée régulière et la mue du CNDP en parti politique en vue de participer à la vie politique congolaise. Mais l'intégration des troupes du CNDP dans l'armée s'opère difficilement et les membres du CNDP sont toujours bloqués aux portes du gouvernement. Depuis Kinshasa, Kabila voit le contrôle des Kivu toujours lui échapper et veut donc à tout prix se débarrasser de Nkunda. Le président Congolais passe alors un accord avec son voisin rwandais. La RDC autorise l'armée de Paul Kagame à venir traquer les rebelles FDLR sur son territoire et en contre-partie le Rwanda "arrête" Laurent Nkunda. Joseph Kabila soutient le "putsch" de Bosco Ntaganda au sein du CNDP. Laurent Nkunda est effectivement interpellé par le Rwanda et Ntaganda est propulsé général dans l'armée régulière congolaise (FARDC). Désormais, le nouvel homme fort des Kivu ne s'appelle plus Laurent Nkunda, mais Bosco Ntaganda. Au cours de l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée, certains prétendent que c'est l’armée congolaise qui est intégrée au CNDP et non l'inverse… c'est tout dire.
A cette période (après l'arrestation de Nkunda en 2009), le tour de passe-passe réalisé par Joseph Kabila donne l'impression de porter ses fruits. La situation sécuritaire s'améliore (légèrement) dans l'Est de la RDC et les ex-CNDP de Ntaganda (maintenant intégrés dans l'armée régulière) se font discrets. Pourtant, la rébellion tutsi contrôle toujours la région et ses nombreuses zones minières. En 2011, Joseph Kabila croit même pouvoir se servir de l'ex-rébellion pour "sécuriser" et "pousser" sa réélection à la présidence en novembre. Et ça marche. Même si quelques éléments du CNDP grincent des dents à devoir "servir" Kabila, l'ennemi d'hier, il semble que contre monnaie sonnante et trébuchante, les ex-rebelles soutiennent la candidature du "raïs" dans l'Est (Kabila y réalisera d'ailleurs "d'excellents" score).
Enter 2009 et 2012, la carte Ntaganda s'avère payante pour le leader congolais. Kabila peut afficher une (toute) relative stabilité à l'Est et se targuer de ses bonnes relations avec son voisin rwandais. Un accord avec son encombrant voisin, qui cache mal la faiblesse politique et militaire de l'Etat congolais dirigé par Kabila. Mais le mariage de raison entre Kabila et Kagame passe par Ntaganda et Bosco va alors se révéler un allié très embarrassant.
Début 2012, la Cour pénale internationale (CPI) prononce la culpabilité du chef de guerre congolais Thomas Lubanga. Cet ancien "collègue" de Bosco Ntaganda est accusé de crimes de guerre et d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans. Dans la foulée de la condamnation de Lubanga, la CPI demande l'arrestation immédiate de Ntaganda, accusé du même chef d'inculpation. Jusque là, Joseph Kabila avait toujours refusé de livrer Ntaganda à la CPI. Pour le chef de l'Etat congolais, Ntaganda a toujours garanti "la paix dans les Kivu" et son arrestation risquerait de relancer la guerre à l'Est. Mais après sa réélection douteuse, Joseph Kabila est impatient de donner des gages de bonnes volonté à la communauté internationale. L'arrestation de Ntaganda est donc devenu "chose possible" pour Joseph Kabila, même si le président congolais ne le livrera pas à la CPI, mais souhaite le juger au Congo (il faut dire que Ntaganda connaît de nombreux secrets sur les accords en la RDC le Rwanda).
Après ce retournement de situation de Joseph Kabila, Bosco Ntaganda décide de montrer ses muscles en demandant à ses soldats (environ 3.000 hommes) de quitter l'armée régulière et en menaçant de reprendre la rébellion. Au risque d'embraser de nouveau les Kivu. Pour Joseph Kabila, c'est "retour à la case départ", comme en 2008. L'Est rebascule en "zone grise" et le problème ne s'appelle plus Nkunda, mais Ntaganda.
Dans une analyse très complète sur la situation à l'Est, le chercheur Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group (ICG) relève les effets pervers des accords de 2009 et note que "l'intégration du CNDP dans l'armée a ouvert la voie à une prise de contrôle silencieuse d’une grande partie des Kivus, aussi bien militaire (commandement parallèle, refus d’être déployé en dehors des Kivus) qu’économique (prédation sur les populations, contrebande de matières premières et accaparement de terres)". Thierry Vircoulon remarque également que la disparition de l'éminence grise de Kabila, Katumba Mwanke, a profondément ébranlé le régime de Kinshasa, en créant "un vide du pouvoir". Pour ce chercheur, "au-delà du cas personnel de Ntaganda", c'est "la représentation politique du CNDP et des Tutsi congolais qui est en jeu". On notera l'absence de membres du CNDP dans les différents gouvernements, depuis l'accord de 2009, mais aussi lors des élections législatives de novembre 2011. Thierry Vircoulon souligne l'annulation des élections législatives dans le Masisi (le fief du CNDP) pour cause de fraude. Une annulation qui remet en cause le fragile équilibre des communautés au Nord-Kivu. Pour le chercheur d'ICG, "seules de nouvelles élections peuvent permettre de trancher la question du contrôle politique dans cette province."
La situation est donc extrêmement préoccupante dans l'Est de la RDC et le risque de voir ressurgir les vieux démons de la guerre sont bien réelles. Comme souvent, l'avenir de la région passe par Kigali. Pour le moment, rien ne filtre sur l'attitude que le président rwandais adoptera avec son voisin congolais. Ntaganda est une pièce importante pour Kagame sur l'échiquier congolais. Arrêter Ntaganda ferait ressurgir les anciens du "CNDP-Historique", fidèles à Laurent Nkunda… et pourquoi pas Laurent Nkunda lui-même Et cela, ni Kinshasa, ni Kigali ne le souhaite.
Christophe RIGAUD
(1) "Zone grise : quand les états perdent le contrôle" de Gaïdz Minassian. Ed. Autrement 2011.
(2) L'article de Thierry Vircoulon est accessible ICI.
00:21 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (2)
19 avril 2012
RDC : Matata Ponyo, un techno à la primature
Joseph Kabila joue la normalisation avec la nomination d'Augustin Matata Ponyo comme nouveau Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC). 5 mois après des élections contestées, l'arrivée de Matata Ponyo à la primature vise avant tout à rassurer les bailleurs de la RDC. Ce technocrate de 47 ans constitue le nouvel atout économique de Joseph Kabila et disposera d'une importante marge de manoeuvre à la tête de son gouvernement.
Le "survivant" Augustin Matata Ponyo revient de loin. Le 12 février 2012, Matata Ponyo était ministre des finances de RDCet se trouvait à bord de l'avion Katanga Express qui s'est brisé dans un ravin sur la piste de l'aéroport de Bukavu. L'accident fait 6 morts, dont l'éminence grise de Joseph Kabila, Augutin Katumba Mwanke. Depuis ce jour, son nom était de plus en plus souvent cité au Palais pour la primature. Car, au-delà de sa nouvel aura de "survivant", Matata Ponyo possède plusieurs atouts pour la président Kabila.
Après un cycle électorale calamiteux, entaché de nombreuses irrégularités, Joseph Kabila se devait de rassurer la communauté internationale et principalement les multiples bailleurs de la RDC. Le pays vit en effet depuis plus de 15 ans sous perfusion de l'aide internationale. Augustin Matata Ponyo a l'avantage de connaître parfaitement les grands équilibres macroéconomiques, ainsi que les principales institutions internationales. Formé en économie monétaire et internationale à l'Université de Kinshasa, où il a été professeur assistant, il a ensuite suivi une carrière au sein de la Banque Centrale du Congo (BCC) et a été plusieurs fois conseiller économique du ministère des finances.
Arrivé au poste de Ministre de finances en 2010, Matata Ponyo stabilise l'économie nationale et obtient une réduction de la dette de la RDC de 12,3 milliards de dollars. Un tour de force dont les Congolais ne verront pas vraiment les effets : les prix augmentent, les salaires stagnent et 80% de la population vit toujours avec moins de 2 dollars par jour.
Sur le plan politique, le choix d'Augustin Matata Ponyo à la primature constitue un compromis intéressant pour le président Kabila. Entre les "purs et durs" du PPRD (le parti présidentiel) et "l'ouverture" à l'opposition (dont Kabila ne voulait pas), le choix d'un "techno" s'imposait. Avec Matata Ponyo, Kabila joue l'apaisement avec la communauté internationale et pourra toujours "débaucher" quelques personnalités issues de l'opposition dans le nouveau gouvernement pour afficher une "ouverture" de façade. Dernier élément concernant le nouveau premier ministre congolais : Matata Ponyo sera sûrement le premier à ce poste à disposer d'une marge de manoeuvre aussi importante à la tête du gouvernement congolais (depuis Gizenga et Muzito)… encore faudra-il qu'il en fasse quelque chose ?
Christophe RIGAUD
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16 avril 2012
RDC : L'urgence d'une réforme militaire
Un rapport mené par 13 ONG internationales et congolaises demandent de toute urgence "un nouvel accord sur la réforme du secteur militaire" en République démocratique du Congo 'RDC). Alors qu'à l'Est du pays, les bruits de bottes se font de nouveau entendre sous la menace des soldats de Bosco Ntaganda, l'absence d'une réforme du secteur de la sécurité "mettrait en péril non seulement l'impact des millions de dollars d’aide internationale accordée à la RDC, mais aussi la stabilité du pays".
Dans un rapport intitulé, "Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité", 13 organisations internationales, mais aussi congolaises, s'inquiètent de l'absence d'une armée et d'une police congolaises efficaces, qui "n'assurent plus la sécurité" et qui "s'en prend activement à la population". Selon Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ), "de nombreux problèmes liés au conflit en RDC, qui demeuraient apparemment insolubles, peuvent être imputés à des dysfonctionnements l’armée, de la police et des tribunaux. Le gouvernement congolais n’a toujours pas entrepris d’action concrète pour réformer ces institutions cruciales".
Le rapport dénonce également la passivité de la communauté internationale. Pour Emmanuel Kabengele, "la communauté internationale a continué de soutenir le gouvernement en investissant des montants et des efforts importants, sans pour autant obtenir de résultats. Il est grand temps que les donateurs exigent du gouvernement congolais qu’il lance une véritable réforme de l’armée". Les auteurs du rapports estiment que "la principale raison de l’échec de la réforme de l’armée en RDC est le manque de volonté politique de certains membres du gouvernement congolais – notamment ceux qui profitent de la corruption endémique".
Le rapport souligne enfin "le rôle essentiel que la communauté internationale doit jouer". "En cinq ans, les pays donateurs ont à eux seuls investi plus de 14 milliards de dollars US en RDC. Pourtant, seul un pour cent de cette somme, soit 140 millions de dollars US, a été consacré à la réforme du secteur de la sécurité. L’aide internationale représente désormais près de la moitié du budget annuel de l’Etat congolais. Les donateurs peuvent donc avoir une influence considérable sur le pays. Or, malgré cet investissement colossal, la RDC a régressé : le pays occupe actuellement la dernière place du classement de l’ONU en termes de développement humain". Aux premiers rangs des donateurs internationaux en RDC, on trouve les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni, la France et la Belgique, mais aussi la Chine, l’Afrique du Sud ou l’Angola.
"Le nouveau gouvernement doit saisir l'opportunité de recentrer son action sur la mise en œuvre d’une réforme de la sécurité effective et durable", note Pascal Kambale de l’Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA). "Il est temps pour la communauté internationale et le gouvernement congolais d’œuvrer à une réforme de la police et de l’armée qui permette au Congo de protéger ses propres civils".
Le rapport propose un certain nombre de recommandations, comme :
- "exclure des postes à responsabilités les individus qui entravent cette réforme, et au besoin les traduire en justice",
- "instaurer un organe de coordination efficace dédié à la réforme de l’armée",
- "lancer un forum de haut niveau sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en RDC",
- "élargir l’actuel Groupe de contact pour les Grands Lacs afin qu’il intègre d’autres partenaires clés, tels que l’Angola, l’Afrique du Sud et la Chine",
- "élaborer des critères permettant de mesurer les progrès réalisés en matière de RSS, par exemple s’agissant du respect des droits humains par l’armée".
Et enfin le plus important : "faire du respect de ces critères l’une des conditions à l’octroi d’un soutien financier", ce qui n'a jamais été le cas en RDC.
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RDC : "Ntaganda doit être arrêté"
L'ONG américaine Human Rights Watch (HWR) demande au président Joseph Kabila "d'ordonner immédiatement l'arrestation du général Bosco Ntaganda et de le transférer sans tarder à La Haye pour qu'il soit jugé". Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Allié au régime de Kinshasa, Ntaganda est désormais persona non grata pour le président Kabila, qui souhaite son arrestation, mais son jugement en RDC et non par la CPI.
Dans une déclaration publique prononcée dans l'Est de la RDC le 11 avril 2012, le président Kabila a indiqué qu'il envisageait de faire arrêter Ntaganda. La visite éclair de Joseph Kabila dans cette région survenait dans le contexte d'un retour de l'insécurité dans le Nord Kivu et le Sud Kivu, après que des soldats fidèles à Ntaganda eurent tenté de se mutiner. La déclaration du président a paru signaler un revirement important dans l'attitude du gouvernement congolais vis-à-vis du général Ntaganda, qu'il considérait auparavant comme indispensable à la poursuite du processus de paix dans le pays.
« Le président Kabila a mis clairement l'arrestation de Ntaganda à l'ordre du jour, ce qui constitue un pas très important vers la justice au Congo », selon Anneke Van Woudenberg, chercheuse de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les propos du président Kabila devraient être suivis rapidement d'une arrestation menée en bonne et due forme, d'une manière qui garantisse le transfert immédiat de Ntaganda à La Haye et qui soit sans danger pour les civils. »
La CPI a émis un mandat d'arrêt sous scellés contre Bosco Ntaganda en 2006, l'accusant de crimes de guerre pour avoir recruté des enfants soldats et les avoir fait participer à des combats en 2002-2003 dans le district de l'Ituri, dans le nord-est de la RDC. A l'époque, il était le chef des opérations militaires de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice armée congolaise. Les scellés du mandat d'arrêt ont été levés en avril 2008.
En dépit de ce mandat d'arrêt de la CPI, Bosco Ntaganda a été intégré dans l'armée gouvernementale congolaise et promu général en 2009. Il a pu se déplacer librement dans l'est du Congo sous les yeux de responsables du gouvernement congolais, de Casques bleus des Nations Unies et de diplomates étrangers. Le gouvernement congolais a affirmé que Ntaganda était un partenaire important pour la paix et que l'arrêter ne ferait que compromettre le processus de pacification. Les organisations de la société civile congolaises ont à plusieurs reprises dénoncé sa promotion et réclamé son arrestation.
Au cours de la dernière décennie, Human Rights Watch a fréquemment documenté le rôle qu'a continué à jouer Bosco Ntaganda dans d'atroces violations des droits humains, dont des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture, ainsi que le recrutement d'enfants soldats. La politique du gouvernement consistant à récompenser des commandants impliqués dans des violations, comme Ntaganda, en les nommant à des postes hiérarchiques dans l'armée, démontre un mépris cruel pour les victimes de leurs atrocités, a affirmé Human Rights Watch.
« Ntaganda s'est promené effrontément dans les restaurants et sur les terrains de tennis de Goma, arborant son impunité comme une médaille tout en se livrant à d'impitoyables violations des droits humains », a ajouté Anneke Van Woudenberg. « Les Nations Unies et d'autres devraient prêter leur concours à son arrestation en bonne et due forme, qui n'a que trop tardé, et ainsi apporter un peu de soulagement à ses nombreuses victimes. »
En mars, la CPI a déclaré Thomas Lubanga, le co-accusé de Ntaganda, coupable de crime de guerre pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats, dans un jugement qui constituait son premier verdict. A la suite de ce verdict, le procureur de la CPI a annoncé qu'il allait ajouter les chefs d'accusation de viol et de meurtre dans le dossier à charge ouvert à l'encontre de Ntaganda, en rapport avec ses activités en Ituri.
Le verdict de la CPI à l'encontre de Lubanga a mis en lumière l'impunité dont continuait à bénéficier Ntaganda et a accru les pressions en faveur de son arrestation, a souligné Human Rights Watch. Craignant l'imminence d'une action contre lui, Bosco Ntaganda a encouragé ses troupes à quitter les rangs de l'armée congolaise. Mais sa manœuvre s'est retournée contre lui car quelques centaines d'hommes seulement se sont ralliés à lui, dont beaucoup ont par la suite de nouveau rejoint l'armée régulière ou ont été arrêtés quelques jours plus tard.
Dans son discours de Goma, Joseph Kabila a dénoncé ces défections et l'indiscipline dans l'armée et a déclaré: « Cela nous donne des raisons d'arrêter n'importe quel officier, à commencer par Bosco Ntaganda. »
Joseph Kabila a également évoqué la possibilité que Ntaganda soit jugé en RD Congo, plutôt que transféré devant la CPI après son arrestation.
« Nous n'avons pas besoin d'arrêter Bosco pour le livrer à la CPI », a-t-il dit. « Nous pouvons l'arrêter nous-mêmes, et nous avons plus d'une centaine de raisons pour le faire, et le juger ici, et si ce n'est pas possible, ailleurs, par exemple à Kinshasa [la capitale], ou encore ailleurs. Nous ne manquons pas de raisons. »
Cependant, le gouvernement congolais a lui-même saisi la CPI de la situation dans le pays, en 2004. En tant qu'État partie au traité ayant constitué la CPI, la RD Congo est légalement tenue de coopérer avec la Cour et de suivre ses procédures, y compris d'exécuter le mandat d'arrêt lancé contre Ntaganda.
Si le gouvernement congolais souhaitait juger Ntaganda en RD Congo, il devrait déposer un recours devant les juges de la CPI, contestant l'admissibilité du dossier et démontrant que le système de justice congolais est réellement désireux et capable de poursuivre Ntaganda pour les mêmes crimes, dans le cadre d'une procédure équitable et crédible. Il reviendrait finalement aux juges de la CPI de décider si un procès national organisé en RD Congo pourrait s'imposer comme une meilleure solution que ses propres procédures.
Le système judiciaire en RD Congo a fait la preuve de ses faiblesses lorsqu'il s'est agi de faire rendre des comptes aux responsables de violences généralisées, a rappelé Human Rights Watch. Très peu d'officiers de haut rang ou de chefs de groupes armés ont été amenés à répondre de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, malgré le grand nombre de crimes graves commis au cours des récents conflits armés en RD Congo. Les tribunaux militaires souffrent d'un manque de moyens, sont souvent handicapés par des ingérences politiques et beaucoup de leurs procédures sont loin de respecter les critères internationaux en matière de procès équitable. Certaines des personnes qui ont été condamnées ont réussi à s'évader de prison.
« Ntaganda a à répondre de beaucoup de crimes mais ce n'est pas le moment pour la RD Congo de revenir sur ses obligations juridiques vis-à-vis de la CPI », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Sans d'importants investissements et des réformes, le système judiciaire de la RD Congo sera incapable de statuer de manière équitable sur les crimes internationaux dont Ntaganda est accusé. Quand il sera arrêté, il devrait être transféré dans les plus brefs délais à La Haye, afin que ses victimes puissent être enfin entendues par la justice. »
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13 avril 2012
RDC : Aubin Minaku prend le perchoir
Sans surprise, Aubin Minaku, cadre du PPRD, a été élu nouveau président de l'Assemblée nationale en République démocratique du Congo (RDC). Il s'agit du premier changement institutionnel en RDC depuis les élections contestées de novembre 2011. L'opposition a boycotté le vote.
Aubin Minaku était seul en lice pour représenter la Majorité présidentielle au perchoir de l'Assemblée nationale congolaise, il a donc été logiquement élu au perchoir. Responsable du PPRD, le parti du président Joseph Kabila, Aubin Minaku devra jongler avec les 340 députés de la Majorité présidentielle et la soixantaine de partis qui la compose. Il devra également faire face à quelques 120 députés de l'opposition, une première en RDC où l'opposition se limitait à la portion congrue. A 46 ans, ce député du Bandundu et juriste de formation est présenté comme un fin tacticien et un bon connaisseur de l'arène politique congolaise. Aubin Minaku avait piloté la campagne électorale de Joseph Kabila au sein de la Majorité présidentielle : un atout essentielle pour "tenir" une majorité très "éclatée".
Pour l'élection du bureau de l'Assemblée nationale, l'opposition a dénoncé "des tricheries" et accuse la majorité de s'être "ingérée dans les affaires de l'opposition" en imposant ses propres candidats d'opposition (très différents de ceux proposés par les partis). L'UDPS et le MLC avaient en effet désigné d'autres candidats que ceux proposé et élu au poste de 2e vice-président et de rapporteur adjoint (des postes réservés à l'opposition). Pour protester contre cette "sélection" des opposants par la majorité, les députés du MLC et de l'UDPS ont quitté la salle au moment du vote.
Après l'élection du président de l'Assemblée nationale, le président Kabila devrait prochainement nommer son prochain Premier ministre. Côté PPRD, Evariste Boshab tient toujours la corde, mais le président Kabila pourrait être tenté par une ouverture (timide) vers l'opposition où Léon Kengo et François Muamba (ex-MLC) essayent de se positionner.
Christophe RIGAUD
17:50 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (2)
RDC : 33 députés sont exclus de l'UPDS
Le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, avait promis de radier les députés de son parti qui siégeraient à l'Assemblée nationale... c'est chose faite depuis le 10 avril. Etienne Tshisekedi, qui ne reconnaît pas les résultats des dernières élections présidentielle et législatives, avait opté pour le boycott de l'Assemblée au risque d'isoler son parti de la scène politique congolaise. 33 députés de l'UDPS ont décidé de siéger et se retrouvent désormais sans étiquette politique.
Etienne Tshisekedi a donc mis ses menaces à exécution : 33 députés du parti d'opposition ont été "auto-exclus" par les instances de l'UDPS. Les 33 fautifs n'avaient pas respecté la règle de boycott imposée par Etienne Tshisekedi. Candidat malheureux à l'élection présidentielle de République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2011, le patron de l'UDPS conteste la réélection de Joseph Kabila et les résultats des élections législatives. De nombreuses organisations internationales avaient pointé les irrégularités et les soupçons de fraudes massives, sans effets sur les résultats définitifs des élections.
Alors que les autres partis d'opposition ont tous décidé de siéger à l'Assemblée, Etienne Tshisekedi est resté campé sur sa position : le boycott de toutes les institutions issues des élections "frauduleuses". Cette décision passe mal auprès de nombreux cadres de l'UDPS qui craignent d'être marginalisés et inaudibles dans l'espace politique congolais. Selon eux, la stratégie du boycott (maintes fois utilisée par Tshisekedi) "n'a jamais payé par le passé". Divisée, l'UDPS risque l'éclatement, comme après chacune de ses défaites électorales. Lassés par l'irrédentisme d'Etienne Tshisekedi, certains cadres ont déjà rejoint d'autres formations politiques, comme l'UNC de Vital Kamerhe. Des départs pour l'instant marginaux.
Préférant parler "d'auto-exclusion constatée" plutôt que de radiation, l'UDPS a communiqué la liste des 33 radiés, le 10 avril dernier. Voici les personnalités concernées par ces exclusions : cliquez ici.
Christophe RIGAUD
12:31 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
12 avril 2012
18e commémoration en France du génocide contre les Tutsis
Plusieurs cérémonies ont été organisées en France dans le cadre de la commémoration du génocide contre les Tutsis au Rwanda. Mais les rescapés dénoncent une réunion provocatrice organisée le 7 avril à Rouen par le réseau négationniste en présence de suspects de génocide réfugiés en France.
Comme chaque année, la commémoration du génocide contre les Tutsis du Rwanda fait l’objet d’une série de cérémonies en France, notamment à Paris. Du 7 avril au 4 juillet 1994, le génocide contre les Tutsis et le massacre politique des Hutus démocrates a fait plus d'un million de victimes dont, selon les autorités rwandaises 934 218 nommément identifiées. Plus de la moitié des victimes étaient des enfants et des jeunes, depuis les nouveaux-nés jusqu’à 24 ans. Entre 75 et 80% des Tutsis qui vivaient au Rwanda ont été exterminés. Parmi les survivants du génocide et massacre politique des Hutus démocrates, plus de 600 000 orphelins, 60 000 veuves, et des milliers de handicapés. En juillet 1994, lorsque la victoire du Front patriotique a fait cesser le carnage, les collines du Rwanda étaient jonchées de cadavres. Aujourd'hui encore, les restes d’un grand nombre de disparus n'ont pas été retrouvés.
La première commémoration organisée par la section française d’Ibuka (“Souviens-toi”) avait lieu samedi 7 avril devant le Mur de la Paix au Champ de Mars. A cette occasion le maire de Paris a fait lire un message où il s’engage à trouver un lieu pour recevoir un mémorial du génocide contre les Tutsis, une demande exprimée depuis longtemps par la communauté rwandaise de France. Un seul lieu de cette nature existe aujourd’hui en France : une Stèle commémorative à Cluny, inaugurée en 2011. C’est à Cluny que se tiendra d'ailleurs la cérémonie de clôture de la 18e commémoration, samedi 30 juin 2012.
Jacques Kabale, l'Ambassadeur de la République du Rwanda en France a organisé une cérémonie du souvenir le 11 avril à Paris en présence de représentants du gouvernement français, de la présidence de la République, des membres du corps diplomatique et des représentants de nombreuses associations, dont Ibuka France.
Tout en reconnaissant les avancées réalisées dans le cadre de la coopération judiciaire bilatérale entre la France et le Rwanda, Jacques Kabale, a déploré le fait qu’aucun génocidaire n’ait été, jusqu’à ce jour, jugé en France et que de ce fait la France devenait ainsi un havre de paix pour ceux-ci. Il a toutefois salué la création du « Pôle Génocide et Crime contre l’Humanité » qui permettra d’extrader des génocidaires présumés vers le Rwanda et le cas échéant de les traduire devant les juridictions françaises et de les juger.
Mme Elisabeth Barbier, représentante du ministère des Affaires étrangères et européennes, a au contraire proclamé la détermination du gouvernement français à poursuivre et à traduire devant la justice les coupables du génocide où qu’ils se trouvent et à lutter contre toute forme de négationnisme. « La France est engagée aux côtés des juridictions pénales internationales et le restera », a-t-elle souligné. Madame Barbier a terminé en précisant que la France souhaitait accompagner le Rwanda dans son développement et souhaitait aussi renforcer les liens d’amitié et de coopération avec le peuple rwandais.
Cependant un évènement est venu ternir le programme des cérémonies : une réunion négationniste a pu être organisée à Rouen (Seine Maritime) le 7 avril à l'initiative de Théogène Rudasingwa, un Rwandais actuellement sous le coup d'un mandat d'arrêt international en suite d'une condamnation par contumace pour atteinte à la sécurité de l'Etat rwandais
Selon l’ambassade du Rwanda à Paris, "cette réunion regroupait un certain nombre de personnes présumées avoir participé au génocide contre les Tutsis du Rwanda d'avril à juillet 1994, dont Charles Twagira et Claude Muhayimana contre lesquels des procédures sont actuellement en cours devant les juridictions françaises”.
La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Rouen avait émis le 29 mars dernier un avis favorable à l'extradition de Claude Muhayimana vers le Rwanda pour y être jugé, tout en assortissant sa liberté provisoire d’un contrôle judiciaire strict.
“La date symbolique retenue pour cette rencontre coïncide très exactement avec la commémoration du début du génocide des Tutsis perpétré au Rwanda et est de nature à porter le trouble parmi les nombreux rescapés résidant en France”, a indiqué l’ambassadeur du Rwanda dans un communiqué qui “ ne peut que constater avec regret ce sérieux incident qui n'aurait pas du échapper aux forces de l'ordre au regard des conventions internationales”.
Capitale du département de Seine Maritime, Rouen abrite le principal réseau de Rwandais négationnistes et de suspects de génocide en France.
10:07 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)
10 avril 2012
RDC : Pourquoi Kabila ne lâchera pas Ntaganda
Recherché par la Cour pénale internationale (CPI) et menacé d'être interpellé par Kinshasa, le général Bosco Ntaganda a démontré sur le terrain que ses hommes pouvaient relancer le conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une entretien accordé à Afrikarabia, le représentant du CNDP en France, le Colonel Jean-Paul Epenge, affirme que Kinshasa n'a "ni intérêt, ni les moyens d'arrêter Bosco Ntaganda". Selon lui, le voisin Rwandais veille à garder son influence à l'Est et le rapport de force militaire reste favorable aux troupes fidèles à Ntaganda. Jusqu'à quand ?
Depuis la condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), les rumeurs autour d'une possible arrestation de Bosco Ntaganda vont bon train à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Comme Lubanga, Ntaganda est accusé par la CPI d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans en Ituri et d'avoir participé au conflit à l'Est de la RDC. Mais contrairement à Thomas Lubanga, Bosco Ntaganda a rejoint une autre rébellion en 2000, le CNDP de Laurent Nkunda. Il devient alors le chef d'Etat-major du mouvement et participe à la guerre que lance Laurent Nkunda contre le régime de Joseph Kabila dans les Kivu. Mais en 2009, une renversement d'alliance surprise s'opère au sein du CNDP : Ntaganda rallie Joseph Kabila et Nkunda est arrêté par son ancien allié rwandais. Les ex-CNDP de Ntaganda conclu un accord de paix avec Kinshasa et s'intègre dans les rangs de l'armée régulière (FARDC). Un fragile équilibre entre Kabila et Ntaganda permet un retour au calme relatif dans les Kivu et les ex-CNDP soutiennent même le candidat Kabila aux dernières élections de novembre 2011 dans leur zone d'influence. Ce statu-quo arrange tout le monde : Kabila, qui a étouffer le conflit à l'Est, Ntaganda qui a évincé Laurent Nkunda et le Rwanda qui conserve la haute main sur l'Est du Congo-Kinshasa.
L'embarrassant général Ntaganda
Depuis son ralliement à Kinshasa, Ntaganda s'est vu nommer général et coordonne même les opérations militaires contre les rebelles FDLR avec les casques bleus de l'ONU. Kinshasa estime que l'intégration de l'ancien rebelle au sein de l'armée régulière constitue un gage de stabilité dans l'Est du pays, secoué depuis plus de 15 ans par une guerre sans fin. La condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale a réactivé la machine judiciaire et remis Bosco Ntaganda sur le devant de la scène médiatique. Un coup de projecteur qui embarrasse Kinshasa, accusée de protéger Ntaganda.
Car l'affaire Ntaganda tombe au plus mal pour le président Kabila. Le président de la République démocratique du Congo cherche depuis plusieurs mois à retrouver sa légitimité auprès de la communauté internationale. Le pays a traversé une période électorale trouble, entachée de nombreuses irrégularités et de soupçons de fraudes massives. Kabila aimerait bien donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale et à ses bailleurs. Pendant ce temps, le procureur de la CPI pousse le régime de Kinshasa à arrêter Ntaganda. La rumeur enfle à l'Est et des soldats fidèles à Ntaganda désertent l'armée régulière pour rejoindre le maquis et en profitent pour effectuer une démonstration de force dans les rues de Goma. La population prend peur et craint le retour de la guerre dans la région.
"Que veut la communauté internationale ? Que l'Est s'embrase ?"
Afin de savoir si Kinshasa prendra le risque d'arrêter Ntaganda, nous avons interrogé le Colonel Jean-Paul Epenge, le représentant du CNDP en France. Pour ce légaliste pro-Nkunda, qui n'a donc jamais soutenu la scission provoquée par Bosco Ntaganda, Joseph Kabila n'a pour l'instant aucun intérêt à lâcher le responsable du CNDP et rallumer la guerre à l'Est. Jean-Paul Epenge "ne pense pas et ne souhaite pas" que Kinshasa arrête Bosco Ntganda. Pour ce responsable du CNDP, les défections des soldats de Ntaganda sont l'expression "d'un fort mécontentement" vis à vis du pouvoir central. Les officiers de l'ex-CNDP avaient en effet adressés un mémo au président Kabila le 23 septembre 2010 en dénonçant le manque de moyens mis à leur disposition pour traquer les rebelles FDLR, les détournements de salaires et le tribalisme qui régnait au sein des FARDC (l'armée régulière congolaise). Selon Jean-Paul Epenge, "nous n’avons rien obtenu, ne fusse qu’un simple regard de la part de Kinshasa" et de préciser : "tant que ces revendications fondées ne seront pas prises en compte, il y aura toujours quelques sursauts d’orgueil et des défections".
Concernant la possible arrestation de Bosco Ntaganda, Jean-Paul Epenge, rappelle l'accord passé entre Kabila et Ntaganda : la paix contre l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée. Pour Jean-Paul Epenge : "il est temps que les fils du Congo soient jugés chez eux. Par exemple, les nouvelles autorités libyennes ont refusé de livrer Seïf al-Islam Kadhaffi à la CPI, bien que ce dernier soit leur pire ennemi. Bosco Ntaganda est un général des FARDC, coordonateur adjoint des opérations Amani-Leo qu’il assure avec brio, malgré le manque des moyens." Et de conclure : "il est abject que d’une part cette fameuse communauté internationale travaille en symbiose avec le général Bosco Ntaganda pour une paix définitive dans les Kivu et d’une autre, ils brandissent un mandat d’arrêt contre lui. C’est hypocrite et dangereux. Que veut la communauté internationale ? Que l’Est de la RDC s’embrase encore? Non, les Congolais doivent faire très attention à toutes ces manipulations. Le président Kabila veut la paix, les Congolais aussi, y compris le général Bosco Ntaganda".
"Le Rwanda ne l'acceptera pas"
Joseph Kabila n'a donc aucun intérêt à livrer Ntaganda à la CPI, au risque de rallumer la poudrière des Kivu. Bosco constitue une pièce maîtresse dans le fragile équilibre qui lie Kinshasa et son turbulent voisin rwandais. D'ailleurs, selon Jean-Paul Epenge, les FARDC rencontreraient de réelles difficultés si elles devaient procéder à l'arrestation de Bosco Ntaganda dans son fief de l'Est. Pour ce colonel du CNDP : "le rapport de force est en notre faveur". Avant de rajouter : "de toute façon, le Rwanda ne l'acceptera pas".
Pour l'instant, Kinshasa et Ntaganda se regardent en chien de faïence : chacun attendant un geste de l'autre. Sur le terrain, le gouvernement congolais se veut rassurant sur le retour à la normale dans les contingents de l'armée régulière et promet d'envoyer des renforts… au cas où. Selon nos informations, les défections des soldats ex-CNDP continueraient au sein des FARDC. Le gouvernement aurait donné jusqu'au 12 avril pour que la situation se régularise à l'Est.
Christophe RIGAUD
Photo : JP Epenge © DR www.afrikarabia.com
07:22 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
03 avril 2012
SciencesPo fait la leçon aux médias sur le Rwanda
De Ouest-France au Figaro en passant par Le Monde, La Croix et Libération, tous en ont pris pour leur grade à la conférence organisée par l’Ecole de journalisme et l’Ecole des relations internationales de SciencesPo sur les « révélations du rôle de la France dans le génocide ».
« C'est parce que l'effet génocide lui-même est emboîté dans l'effet Shoah... ». Rony Brauman, l’un des « patrons » de l’Ecole des affaires internationales de SciencesPo, résume à sa façon les racines de ce qu’il qualifie de « dérive des médias ». Point de fixation : la « couverture » par les quotidiens français de l’expertise balistique sur l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, attentat qui avait donné le signal du génocide des Tutsis du Rwanda. Tous les grands médias ont rendu hommage en janvier 2012 à ce rapport d’expertise commandé par le juge antiterroriste Trévidic, et qui anéantit la théorie de tirs de missiles de la colline Masaka où le Front patriotique (la rébellion majoritairement tutsie) aurait introduit un commando. Une conférence conjointe avec Mme Agnès Chauveau, directrice de l'école de journalisme de SciencesPo et Mme Claudine Vidal, universitaire spécialiste du Rwanda, a conduit à fustiger les quotidiens français. Il était néanmoins interdit de filmer ou enregistrer cette conférence qui prétendait donner des leçons de transparence et de déontologie aux journalistes (lire encadré : une dérive sectaire à SciencesPo).
Interdiction de filmer ou enregistrer la conférence
L’annonce de cette conférence avait pourtant été largement diffusée sur internet avec une adresse mail (psia.events@SciencesPo.fr). Rendez-vous était pris pour le mercredi 28 mars à l’Amphithéâtre Eugène d’Eichtal, 27 rue Saint Guillaume à Paris 75007. La conférence-débat était intitulée « Rwanda : quelles « révélations » sur le rôle de la France dans le génocide ».
Le projet était ainsi affiché : « La publication du rapport d’expertise sur l'attentat contre l’avion du président Habyarimana en avril 1994 a donné lieu à de vives réactions dans la presse. Pour l'essentiel, et sans que le contenu du rapport le permette, les auteurs des articles concluaient à la confirmation de l'hypothèse d'un complot provenant de l'entourage du président assassiné. Les journalistes dressaient un tableau de la scène des intervenants français sur cette question ne mettant en présence que deux camps déterminés par leurs affiliations politiques : d'une part celui des défenseurs du Hutu Power, acteurs ou complices du génocide, d'autre part celui des victimes et de leurs porte-parole aux côtés de l'actuel régime rwandais. Nulle place n'y était accordée à ceux qui dissocient les responsabilités de l'attentat et celles du génocide, proposant une analyse plus complexe. Ils ont été d'emblée rejetés dans le camp des tueurs. Quelles sont les logiques médiatiques et politiques à l'oeuvre dans ce phénomène ? Quel rapport entre le génocide des Rwandais tutsis et l'impunité politique dont bénéficie le président Paul Kagame en dépit des exactions de masse commises sous son autorité au Rwanda comme en RDC? Grâce à des conférences données par d’éminents invités, PSIA crée un forum propice au débat des affaires internationales. »
Des thèmes ambitieux, des annonces parfois alambiquées, qui méritaient qu’on s’y intéresse de près.
« Ils ont été d'emblée rejetés dans le camp des tueurs »
Ayant été empêché de filmer et/ou d’enregistrer la conférence, j’ai été contraint de prendre des notes au vol. Pour des raisons déontologiques évidentes, je rédigerai donc mon compte-rendu à la première personne, et j’indique ne pouvoir en raison de cette double interdiction garantir entièrement la reproduction littérale des propos échangés, la présente transcription se voulant la plus fidèle possible. Par ailleurs on avait oublié de me dire que la conférence était déplacée à l’Ecole des Affaires Internationales, 28 rue des Saints-Pères. Je n’y suis donc arrivé que vers 17 h 10 dans une petite salle comble. Claudine Vidal venait de commencer à s’exprimer et j’avais visiblement raté le mot d’introduction de Rony Brauman.
Eléments de compte-rendu
Claudine Vidal explique que ce n'est pas faute pour elle d'avoir demandé une enquête sur l'attentat du 6 avril 1994. « Au Tribunal pénal international, une équipe spéciale avait commencé à enquêter mais le procureur Louise Arbour a enjoint aux enquêteurs d'arrêter leur travail et donc on ne sait rien de plus. Dans le rapport de la mission d'information parlementaire sur le Rwanda en France il y a un chapitre sur l'attentat mais pas de conclusion. (...) Ensuite, il y a une "fuite" le 30 janvier 2004 par Le Monde. »
Claudine Vidal évoque l'ordonnance du juge Bruguière du 17 novembre 2006 qui demande la mise en cause de Paul Kagame et se traduit par neuf mandats d'arrêt internationaux contre ses proches. Elle indique que cette ordonnance a entraîné le 24 novembre 2006 la rupture des relations diplomatiques à l'initiative du Rwanda. Elle évoque l'arrestation en Allemagne de Rose Kabuye le 9 novembre 2008. Elle revient alors en arrière pour indiquer qu'à l'initiative des autorités de Kigali, une commission d'enquête sur l'implication de la France dans le génocide a été instituée. Enfin, elle évoque la publication du rapport d'expertise balistique commandée par le juge Trévidic et rendu public le 10 janvier 2012 dans des conditions qu’elle ignore.
Rony Brauman : « Effectivement, c’est curieux, on ne sait pas comment ce rapport est apparu ! »
Claudine Vidal : « La presse hexagonale a repris sans critique le discours des avocats du FPR. Ceux-ci ont organisé une conférence de presse l'après-midi du 10 janvier de 14 à 18 heures. Or les journaux ont immédiatement réagi, bien qu'ils n'aient pas pu avoir connaissance du rapport ni même de la conférence de presse. Par exemple sur le site du Nouvel Observateur à 16 heures 33. Libération a publié le 11 janvier une « Une » spectaculaire titrée "génocide rwandais, irréfutable". Une information reprise par Politis le 12 janvier, Ouest-France le 11 janvier. (...) Un seul journal met un bémol le 12 janvier en disant que "le rapport balistique ne clôt pas le dossier" ».
« Un seul journal met un bémol »
Claudine Vidal lit alors un florilège tiré de la presse écrite française dans les heures et les jours qui ont suivi la publication du rapport d'expertise. Ouest-France, Le Monde, La Croix, aucun média n’échappe à sa verve. Par exemple cette citation de Libération qui semble l'avoir particulièrement choquée : "Des experts, des journalistes et des responsables français doivent être mal à l'aise". Elle commente : « D'où sort ce discours de certitude et ce discours de dénonciation ? »
Claudine Vidal rend alors hommage à Denis Sieffert, directeur de la revue Politis (présent dans la salle) : « Trois jours après sur Internet, Denis Sieffert publie un article intitulé "Rwanda, de la nécessité de ne pas écrire trop vite". Je le signale, parce que ça démontre que dans les cas très rares, des journalistes acceptent de reconnaître qu'ils ont pu se tromper ou être trompés. Et ce rapport d'expertise je l'ai lu, toutes ces considérations techniques, ça me passe au-dessus de la tête, mais on peut voir ce qu'il [le rapport d’expertise] ne dit pas. (...) Comment expliquer cet élan de la presse ? J’interviens ici avec mon métier. Comment faire dire à un rapport qu'on n'a pas lu ce qu'il ne dit pas ? C'est qu'il existe un récit bloqué. Jamais on ne cite les avocats du FPR comme source, sauf l'AFP. Comme si les journalistes tiraient de leur manche un récit manipulateur. Depuis 1994, journalistes et publicistes, on ne voit un mélange des deux professions. » [Catherine Vidal se lance alors dans une définition du mot "publiciste" qui serait apparu selon elle au XIXe siècle pour caractériser essentiellement des écrivains ou journalistes qui critiquent l'État français. Son explication étant assez alambiquée, je n'entre pas dans les détails].
« Il existe un récit bloqué. Jamais on ne cite les avocats du FPR comme source »
Claudine Vidal : « Il faut comprendre pourquoi ce récit bloqué a existé et pourquoi il a eu un tel succès. Il s'agit de décharger le rôle du FPR dans l'attentat. Le fond de ce récit bloqué est d’accuser la France d'être impliquée dans le génocide. Déjà en décembre 1998, peu avant la publication du rapport de la mission d'information parlementaire française, on a vu ce récit bloqué accuser Paul Quilès de chercher à dissimuler la responsabilité des autorités françaises dans le génocide. En 2004, il y a eu relance des accusations par Patrick de Saint-Exupéry, journaliste et publiciste qui a publié un réquisitoire contre la politique de la France, ce qui a donné lieu à l'ouverture de ce qui s'est appelé "Enquête citoyenne". L'efficacité de ce récit, c'est qu'il vient une constellation de déterminants hétérogènes. Premièrement, le génocide des Tutsis a suscité une émotion authentique. Deuxièmement, l'échec de la France officielle a offert un boulevard aux révélations africaines, conspirationnistes, etc.. Rony, moi-même et d'autres personnes avons protesté dans La Croix en 2004. Ce discours bloqué cherche à nourrir le soupçon d'une affaire d'État qui voudrait cacher que la France est impliquée dans le génocide. On traite de négationnistes du génocide des Tutsis ceux qui disent que Kagamé a été le commanditaire de l'attentat. L'incrimination de Paul Kagamé tend à le rendre responsable des massacres suscités après cet attentat. Il faut accepter le pluralisme des points de vue. On peut considérer que l'hypothèse de l'implication de Paul Kagamé dans l'attentat n'exonère absolument pas les responsabilités politiques de la France. »
« L'efficacité de ce récit, c'est qu'il vient une constellation de déterminants hétérogènes »
Agnès Chauveau prend alors la parole : « Je vais examiner comment fonctionne un récit médiatique. Je ne suis pas une spécialiste du Rwanda. Je vais parler du discours de vérité. La recherche de la vérité, c'est le mot juste qui doit s'imposer aux journalistes. Il figure dans la bible du journalisme "The Elements of analysis » de Rosenfeld. Le journalisme est une éthique du comportement il ne doit pas faire référence à l’idée de produire des opinions. Le journalisme, c'est la garantie de l'authenticité des faits. C’est être au service de la vérité. On dit la vérité au public avec une exigence de vérification. Les médias sont un forum de critiques et de débat public. Ces règles ont été adaptées dans différentes chartes. Si on applique celles-ci au cas du Rwanda, on voit combien la déontologie du journalisme n'a pas été respectée ! »
« On voit combien la déontologie du journalisme n'a pas été respectée ! »
Agnès Chauveau poursuit : « Dans cette profession il y a des dérives et elles s'expliquent. Je voudrais produire ici une série de pistes de réflexion et d'analyse. Dans beaucoup de cas, la presse est victime de propagande. Toute l'histoire des conflits armés porte son lot de propagandes et de désinformation. Les médias sont victimes de désinformation et de propagande. Pourquoi cela s'amplifie ? Dans un monde médiatisé, le travail de journaliste est extrêmement difficile. Le travail du journaliste est de déjouer les phénomènes de propagande. Or les journalistes se font des relations dans différentes administrations. L'instrumentalisation des médias est de plus en plus l'objectif des belligérants. La seule façon de ne pas être instrumentalisé est de pouvoir recouper ses sources. C'est un travail de décryptage et d'analyse. Il faut y appliquer un appareil critique. Souvent, parce que le journaliste est d'abord un généraliste, il est piégé par la communication. »
« Disons que la thèse du gouvernement rwandais et des avocats du FPR a été reprise sans distance, dans une fuite en avant. Il faudrait publier avec une distance critique contextualisant l'information. L'erreur, elle vient de là, d'un manque de recul, de distance. Et il y a des associations très puissantes, qui arrivent à convaincre les médias. Les médias s'inscrivent dans des considérations plus larges. Il y a des liens de connivence avec certains des informateurs. Le temps de ces éléments inter-réagit. »
Agnès Chauveau : « Dans cette profession il y a des dérives et elles s'expliquent »
Agnès Chauveau : « Deuxièmement, la presse est victime de la précipitation. On voit bien dans cette affaire la concurrence que se livrent les médias. Sur le Rwanda, c'est particulièrement vrai. Manipulation, précipitation ne suffisent pas à tout expliquer, en particulier l'unanimisme de la presse. Pourquoi existe-t-il déjà un récit bloqué ? Sur le Rwanda, si la presse a unanimement fonctionné sur un récit, c'est bien parce que ce récit révèle notre conscience sur le rôle de la France au Rwanda. Dans la conscience collective des Français il y a un sentiment de culpabilité fort. La France est rendue responsable de bien des conflits armés, notamment en Afrique. Le discours manque de nuances.
La presse est à la recherche du secret d'État et du complot. Révéler les secrets d'État fait partie de l'idéologie du journaliste. Il faut donner du crédit à des thèses conspirationnistes. C'est comme le livre de Saint-Exupéry lorsqu'il cherche à montrer le rôle de la France dans le génocide… quand on mène ce type d'enquête, on apporte des preuves tangibles ! »
« Révéler les secrets d'État fait partie de l'idéologie du journaliste »
Agnès Chauveau : « La presse est aussi victime du copié conforme. Il faut absolument prendre parti, être présent. Il y a une grille de lecture qui s'impose et souvent on s'aperçoit qu'il y a une sorte de hurlement général avant de chercher les faits. La presse est aussi victime de la compassion et de l'émotion. Le journaliste a tendance à mettre en scène une émotion collective. On ne parle pas des faits. Et quand il y a une erreur, la presse française a beaucoup de mal à reconnaître ses erreurs. D'où l'intérêt du titre de Politis, "Ne pas écrire trop vite". Ce n'est pas très glamour mais c'est un beau recul médiatique.
Les différentes enquêtes ne permettent pas de reconnaître l'auteur de l'attentat. Lorsque j'ai vu la « Une » de Libération du 11 janvier [NDLA : j'écris ce premier segment de phrase de mémoire, car il ne figure pas dans mes notes], vous n'avez jamais vu une « Une » comme ça dans la presse ! Ce n'est pas parce qu'il y a unanimité dans la presse qu'on peut conclure que c'est une opération concertée car la presse est fondamentalement individualiste. Enfin je voudrais dire un mot sur le terme de publiciste car je ne me suis pas tout à fait d'accord avec Claudine Vidal. L'idée que des journalistes seraient qualifiés de publicistes parce qu'ils prennent fait et cause, cela peut aussi s'appliquer aux leaders d'opinion.
Je conclurai en disant qu'il faut s'interroger sur l'efficacité et l'influence de ces récits médiatiques. »
« Libération… vous n'avez jamais vu une « Une » comme ça dans la presse ! »
Rony Brauman donne alors la parole à Denis Sieffert.
Denis Sieffert explique qu'il avait ouvert depuis peu de temps un blog sur lequel il avait publié ses premières impressions du rapport technique sur l'attentat en se fiant à la presse quotidienne. « Celui qui est fautif, c’est le blog. Je suis assez fier d'avoir commis cette erreur mais beaucoup plus de l'avoir reconnu. La France a une mauvaise réputation en Afrique, à juste titre. Mais l'esprit de système, il faut aussi le combattre. Je ne le suis pas spécialiste du Rwanda au premier degré mais au deuxième degré, en fonction de ce que m'ont dit mes amis, Rony Brauman, Catherine Vidal et André Guichaoua. Je dois dire aussi que chaque média est attendu. On a une dépendance par rapport au lectorat. La majorité des lecteurs de Politis sont proches des associations qui dénoncent la Françafrique. Politis est attendu sur la dénonciation de Mitterrand. À la suite de nos articles [prenant du recul par rapport à l'opinion générale sur l'expertise Trévidic], nous avons subi des pressions énormes. Rony Brauman a partagé cet épisode. Je reçois des mails d'insultes inouïs. »
Denis Sieffert : « Je reçois des mails d'insultes inouïs. »
Rony Brauman : « C'est parce que l'effet génocide lui-même est emboîté dans l'effet Shoah... »
[La parole est donnée à un journaliste de l'AFP dont je n'ai pas retenu le nom mais seulement le prénom, Jean-Pierre.]
Jean-Pierre : « J'ignore toujours qui, dix-huit ans après, a dézingué l'avion d'Habyarimana, même après ce rapport. Ça peut très bien être le FPR, aussi le Hutu Power, j'espère le savoir un jour. En janvier, il s'est produit un événement très curieux. Quand j'ai vu la Une de Libération, je me suis dit "on sait tout"…
Rony Brauman : « Le doute n'est pas une information ! »
Le journaliste de l'AFP : « … Il y a quand même, de la part de certaines associations, une dénonciation lancinante de la France. »
« Une dénonciation lancinante de la France. »
La parole est donnée à Renaud Girard, du Figaro.
Renaud Girard : « Je suis venu parce que j'ai connu le génocide du Rwanda. Je crois que j'ai été le premier journaliste à rentrer au Rwanda. Je suis passé par le Burundi. J'ai dû acheter une voiture car le propriétaire refusait de la louer. Nous sommes remontés vers Kigali. Nous avons croisé en route l'intégralité du corps humanitaire qui, tous drapeaux déployés, se retirait. Je ne sais pas qui a abattu l'avion. L'idée assez simple est que Kagame l'ait abattu parce que Habyarimana était un obstacle à sa prise de pouvoir. Tout le monde a conscience de la guerre médiatique menée par Kigali. Kagamé a la qualité intellectuelle d'un Bonaparte. C'est un homme très impressionnant, je l'ai rencontré à plusieurs reprises. Pour son régime, il faut vendre une histoire plus sexy où la France est dans le complot [de l'attentat]. Ça ferait un bon film pour Hollywood. Ce n'est effectivement pas le cas. J'ai vu le documentaire de Raphaël Glucksmann diffusé à une heure de grande écoute sur France 3. Ça m'est apparu comme étant très orienté. Deux éléments ont été évacués. On ne précise pas que M. Kagamé avait été chef des services secrets de Museveni. D'autre part, il n'y avait plus de confiance entre les Tutsis et les Hutus depuis ce qui s'est passé au Burundi voisin où l'armée a toujours été tutsie. Au Burundi il y a eu des élections démocratiques. Le président élu était forcément hutu puisque les Hutus composent 80 % de la population. Or en octobre 1993 un militaire tutsi a tué le président hutu et depuis cette date il n'y avait plus de confiance entre les Hutus et les Tutsis. Il est faux de dire qu'il y a eu un complot à l'Élysée pour commettre le génocide des Tutsis du Rwanda. »
« Le président élu était forcément hutu puisque les Hutus composent 80 % de la population »
[Depuis un bon moment j'ai levé la main pour intervenir. Après un petit aparté entre Claudine Vidal et Rony Brauman, ce dernier me fait signe.]
Rony Brauman : « C'est à votre tour de parler mais je vous demande de faire court car l’heure avance ».
« Je m'appelle Jean-François Dupaquier. J'ai 66 ans, je suis journaliste depuis 1967, cela fait 45 ans.
Je voudrais d'abord remercier les organisateurs de ce débat, M. Rony Brauman et Mme Agnès Chauveau, qui ont choisi un thème très intéressant. Je suis venu de loin pour les écouter.
J'ai été témoin expert pour le Parquet au Tribunal pénal international pour le Rwanda, j'ai également participé ou rédigé plusieurs livres sur le génocide. On a entendu ici un discours sur le discours. Je propose de revenir à des considérations plus prosaïques. Un journaliste doit exercer son métier dans des conditions normales. Cela veut dire tout simplement savoir où il se rend, être correctement accueilli et pouvoir rendre compte. Je suis étonné qu'on ne m’ait pas informé tout d'abord du changement de salle lorsque j'ai pris la peine de téléphoner encore hier à l'école de journalisme de SciencesPo. Je n'ai donc pas pu trouver une place assise ni participer au début de la conférence-débat et pas davantage parler avec les organisateurs pour demander l'autorisation d'utiliser un appareil d'enregistrement. Je dois dire à Mme Agnès Chauveau, directrice de l'école de journalisme de SciencesPo mon étonnement de sa façon de faire et plus encore par son indifférence lorsqu'on m’a interdit d'utiliser un caméscope et même un simple enregistreur. C’est rare. Depuis 45 ans que j'exerce mon métier, ce doit être la cinquième fois que ça m'arrive. Ca va me poser des problèmes pour rendre compte de ce débat. Je sais, ce sont des considérations très prosaïques, mais quand on est directrice de la prestigieuse école de journalisme de SciencesPo, au milieu d'étudiants en journalisme, on devrait faire prévaloir les conditions de travail des journalistes. Mme Chauveau, j'ai donc été choqué par votre indifférence ».
« Mme Chauveau, j'ai été choqué par votre indifférence »
J.-F. D. : « Seconde remarque, je m'étonne que dans un débat concernant le génocide de 1994 au Rwanda et sa "couverture" par les médias français, ne se trouvent à la tribune ni un Rwandais, ni un journaliste, mais seulement des Blancs spécialistes du discours sur le discours. C'est une situation qui me paraît inacceptable, y compris de la part de la directrice de l'école de journalisme de SciencesPo, qui vient de donner un point de vue très critique sur le fonctionnement de la presse et la distance que l'on doit prendre par rapport à l'événement. Je pense que Mme Chauveau pourrait s'appliquer à elle-même les principes qu'elle professe.
Troisièmement, je suis étonné de ce qui a été dit à la tribune sur le rapport d'expertise commandée par le juge Trévidic. Au cours de mon exercice professionnel, il m'a été donné de consulter de nombreuses expertises judiciaires, souvent couvertes par le secret de l'instruction, sur les sujets les plus divers. Celle qui est connue depuis le 10 janvier 2012 à l'initiative du juge Marc Trévidic constitue à mon avis un modèle du genre, par sa compétence, sa qualité pédagogique, sa modération. Elle me semble tout simplement exemplaire. Je n'ai pas compris comment les orateurs pouvaient faire l'impasse sur ce rapport, le minimiser ou prétendre qu'ils ne le comprenaient pas. Ce rapport, le voici [je le brandis]. Je l'avais emmené dans le train pour le relire. Comme vous le voyez, il représente un lourd classeur. Je vous invite tout simplement à aller le lire sur Internet. Les étudiants en journalisme présents dans cette salle comprendront alors que la présentation de ce rapport par les orateurs n'est pas conforme à la réalité ». (véhémentes protestations dans la salle du colonel Michel Robardey et de Hervé Bradol, huées).
Jean-François Dupaquier : « M. Brauman, Mme Chauveau, vous êtes les organisateurs de cette conférence-débat je vous demande de faire en sorte que je puisse m'exprimer sans être interrompu, comme les autres débatteurs… »
Rony Brauman : « Oui, mais achevez vite votre intervention. »
« Je propose que l'on aille à la source »
Jean-François Dupaquier : « Je ne comprends pas que ma suggestion provoque un tollé. Je propose que l'on aille à la source. C'est ce que prétend enseigner Mme Chauveau à ses étudiants en journalisme. Je précise à cette occasion que la publication du rapport d'expertise n'a rien de mystérieux, contrairement à ce qu'a annoncé M. Rony Brauman tout à l'heure. Ce rapport a été mis en ligne sur le site personnel de M. Jean-Luc Habyarimana durant trois jours, avant qu'il se rende compte de son erreur. Lorsqu'il l’a retiré, il était trop tard, le fichier avait été transféré sur de nombreux sites. Les étudiants en journalisme qui sont présents dans cette salle le trouveront facilement…
Sur la question de l'attentat, l’expertise technique ne dit pas - comme vous l'avez relevé - l’identité des auteurs de l'attentat. Comment les experts le pourraient-ils ? Au terme d'une démonstration très serrée, les experts indiquent que les missiles sont partis du camp Kanombe où se trouvaient des éléments de la garde présidentielle et le bataillon paracommando. Il est difficile de croire que le Front patriotique aurait réussi à s'introduire de nuit au milieu de ce camp, à tirer des missiles et à repartir ensuite sans être inquiété. Il y a quand même un problème de vraisemblance ».
Michel Robardey se dresse : « C'est absolument faux, vous êtes un désinformateurs bien connu. J'ai lu ce rapport. Il ne dit pas que les tirs sont partis du camp Kanombe ».
« Vous êtes un désinformateur bien connu »
Jean-François Dupaquier : « Eh bien, que chacun aille à la source. Nous n'avons pas la même lecture de ce rapport, et alors ? Encore une fois, chacun est en mesure de se faire une opinion car on peut facilement trouver le rapport sur Internet et le jauger sans être un spécialiste du Rwanda. »
Rony Brauman : « Vous avez fini ? »
Jean-François Dupaquier : « Je voudrais faire une autre observation. On dit que les journalistes peuvent se tromper et devraient le reconnaître. Évidemment. Moi-même j’ai fait des erreurs dans ma carrière. Le reconnaître ne fait pas de moi un héros. Mais nous ne sommes pas les seuls. On peut même trouver une chercheuse émérite du CNRS qui a commis des erreurs. Par exemple un livre entier qui constitue une énorme "boulette". Je n'ai pas besoin d'en dire plus. Simplement, lorsqu'on commet des erreurs, il faut un peu modestie au lieu de faire sans cesse la leçon aux autres. À ce sujet, j'ai entendu les éloges qui ont été adressés à M. Denis Sieffert. Personnellement, je ne les partage pas. J'ai lu sur le site de Politis, après la parution d'un article franchement négationniste sur l’attentat et le génocide, que le magazine se proposait de publier des avis divergents. J'ai adressé un article très court de trois feuillets tout à fait modéré à M. Denis Sieffert. Il ne l'a pas publié. Il ne m'en a même pas accusé réception. Visiblement, il utilise sa position déterminante dans son magazine pour ne diffuser que les thèses les plus contestables sur le génocide des Tutsis. Je m'inscris donc en faux contre les propos tenus tout à l'heure pour lui rendre hommage ».
« Je m’inscris en faux contre l’hommage à Denis Sieffert »
Rony Brauman : « Nous ne sommes pas ici pour régler des comptes personnels. Ce n'est pas le lieu. »
Jean-François Dupaquier : « … Ni pour encenser les copains. Ce n'est pas moi qui ai mis sur le tapis les éloges adressés à votre ami M. Denis Sieffert. Je le droit de donner aussi mon opinion. J’en ai fini ».
La parole est donnée au colonel Michel Robardey :
Michel Robardey : « Je vous suggère de lire l'ouvrage « Génocide et de propagande » de Edward Hermann et David Peterson [NDR : un ouvrage très contestable préfacé par Noam Chomski dont on connaît le goût pour la provocation]. Il a été publié en anglais, mais on est en train de le traduire dans différents pays d'Europe. Tout est dit. Très rapidement, les conséquences de la désinformation sont à mes yeux beaucoup plus lourdes que vous avez bien voulu le dire. En 1992, j'ai arrêté les massacres du Bugesera. J'y étais. Il nous a fallu plusieurs jours pour y parvenir. Il est vrai qu'environ 300 Tutsis ont été massacrés. Les médias en ont beaucoup parlé. En revanche, quelques mois plus tard à Byumba, des milliers de Hutus ont été tués par le FPR, mais ce massacre, on n’en parle jamais. Les conséquences de l'attentat, on n'en parle que dans un seul sens. Je vous remercie d'être revenus sur toutes ces contraintes qui pèsent sur la presse. »
« En 1992, j'ai arrêté les massacres du Bugesera »
[On donne alors la parole à un Rwandais qui se présente comme un journaliste en exil et qui critique à son tour "l'histoire officielle" telle que véhiculée par le Front patriotique. Il est un peu loin de moi et je ne parvient pas à transcrire ses propos. Visiblement ils agacent Rony Brauman qui lui demande d'achever car « l'heure est passée ».]
Rony Brauman : « Il faut rendre la salle. Il me reste à dire que dans quelques jours, le 6 avril, on va commémorer le génocide pour la dix-huitième fois… »
Catherine Vidal : « Le 7 avril… »
Rony Brauman : « Oui, le 7 avril. Ce sera sûrement pour retrouver dans la presse ce dont nous avons parlé aujourd’hui. »
[Il donne une dernière fois la parole à Mme Chauveau]
Agnès Chauveau : « Je conclurai en disant que ce qui compte, c'est la quête de la vérité. Les chartes de déontologie définissent et encadrent les missions du journaliste. »
[ Il est 19 h 15. J’observe que la dernière question annoncée au programme, « Quel rapport entre le génocide des Rwandais tutsis et l'impunité politique dont bénéficie le président Paul Kagame en dépit des exactions de masse commises sous son autorité au Rwanda comme en RDC? » n’a jamais été abordée. Et que les débats ne reflètent pas même le titre de la conférence. Le seul souci des intervenants et de leur « claque » était à l’évidence de tenter de disqualifier le rapport d’expertise et l’appréciation des médias sur ce document. Les étudiants de l’Ecole de journalisme de SciencesPo, assez nombreux dans la salle, y ont gagné un intéressant sujet de réflexions.]
Jean-François Dupaquier
Une dérive sectaire à SciencesPo ?
Ce n’est pas la première fois que les positions très controversées de M. Rony Brauman sur le génocide au Rwanda posent problème. L’ancien président de Médecins sans frontières, écrivain aux opinions estimées sur l’action humanitaire, s’est persuadé que Paul Kagame porte une importante responsabilité du génocide des Tutsi car le carnage était prévisible et il aurait dû tout faire pour l’empêcher. L’idée que l’actuel président du Rwanda a donné l’ordre d’abattre l’avion de son prédécesseur depuis la colline de Masaka s’est enracinée dans son logiciel de compréhension de la tragédie de 1994. Il n’est pas le seul universitaire dans ce cas. Madame Vidal, Monsieur Guichaoua, monsieur Reyntjens ont partagé cette opinion, tout comme monsieur Péan. L’expertise balistique et technique sur l’attentat du 6 avril 1994 a anéanti la théorie mettant Masaka à l’épicentre des opérations de tir de missile comme le soutenait le juge Bruguière dans son ordonnance de soit communiqué. D’où le malaise clairement perceptible chez ceux qui pendant dix-huit ans ont prétendu le contraire. Ils auraient pu se remettre en question à la suite de cet événement. Ce n’est pas la route choisie par eux. Ils préfèrent minimiser la portée du rapport et éluder le débat ouvert depuis quelques années sur le manque de crédibilité du travail du juge Bruguière. M. Rony Brauman et ses amis tentent de décrédibiliser les journalistes qui ont démontré l’imposture de la « théorie Masaka ». Avec ses lourdes conséquences historiques, morales et idéologiques.
Ce qui pose problème, ce ne sont pas les opinions de M. Brauman, pour paradoxales qu’elles soient sur le Rwanda et d’autres crises internationales. C’est la façon dont il use de la réputation de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de ses filiales pour avancer sa cause.
Le 8 février 2006, Roni Brauman avait déjà organisé une conférence sous l’égide de SciencesPo sur le thème « Terreur au Rwanda, les enjeux d’une controverse » se proposant de comparer « l’histoire officielle et l’histoire secrète », une allusion transparente au titre d’un livre porté à bouts de bras par ses amis André Guichaoua et Claudine Vidal qui l’avaient préfacé et post facé. Sous le titre « Rwanda, histoire secrète », un Rwandais exfiltré par les « Services », le « lieutenant » (?) Abdul Ruzibiza prétendait être le témoin direct du tir des missiles depuis la colline de Massaka. Il a été prouvé que Monsieur Ruzibiza n’était ni à Kigali ni à Massaka au moment des événements et l’intéressé a même reconnu avoir endossé fallacieusement l’habit du témoin direct sur recommandation des enquêteurs français. Au moment de la tenue de cette conférence, Ruzibiza n’apparaissait pas encore pour ce qui se révéla bientôt après des rétractations à géométrie variable : un affabulateur manipulé par quelqu’officine de la Françafrique. Malgré leur agitation auprès des médias pour « remonter la pente » - y compris avec l’assistance de M. Brauman -, les deux universitaires y ont laissé quelques plumes de leur réputation scientifique.
La conférence du 8 février 2006 sous l’égide de Sciences Po présente un double intérêt. D’une part, elle mettait en vedette trois universitaires, Claudine Vidal, André Guichaoua et Filip Reyntjens, qui ont joué un rôle important (on veut croire par naïveté) dans le dévoiement de l’enquête du juge Bruguière sur l’attentat du 6 avril 1994 et les fausses pistes suivies. Tous trois ont échangé entretiens téléphoniques, mails, et témoigné dans le cabinet des juges ou de leur enquêteur principal, le commissaire Pierre Payebien, en crédibilisant l’hypothèse Masaka, qui tombe en ruines désormais. En échange, c’est le commissaire Payebien qui a livré à André Guichaoua et Claudine Vidal les coordonnées de leur faux témoin Abdul Ruzibiza.
Second intérêt de cette conférence sous l’égide de Sciences Po : elle n’est plus référencée dans l’historique de l’institution. Le compte-rendu officiel de cette table ronde qui était consultable aux adresses : http://www.peacecenter.sciences-po.fr/pdf/rwanda-cr.pdf et
www.peacecenter.sciences-po.fr/rwanda-ip-brauman....... a disparu des écrans. Effacé. On ose espérer que ce n’est pas le résultat d’un souci d’oublier une conférence embarrassante.
On a vu le mercredi 27 mars 2012 comment celui qui se présente « professeur associé à l’IEP Paris » ou encore « « PSIA Scientific Advisor, Master in Human Rights and Humanitarian Action » » a interdit les enregistrements aussi bien vidéo qu’audio de la réunion dans l’enceinte de l’Ecole des affaires internationales de Sciences Po. Les participants ont pu aussi comprendre que Mme Agnès Chauveau, directrice de l’école de journalisme de Sciences Po, a été embarquée dans cette opération opaque sans en comprendre les tenants et aboutissants. Ne connaissant - de son propre aveu - rien du Rwanda, il est aussi apparu clairement qu’elle n’avait pas lu le rapport, d’expertise dont il était question d’un bout à l’autre des débats.
En sortant de la conférence de mercredi, nous avons dit à Rony Brauman qu’il serait équitable que les conférences organisées à SciencesPo sur le Rwanda fassent aussi appel à des intervenants qui ne partagent pas ses thèses. Il a simplement répondu :
« Tant que je serai ici, ça se passera comme ça ».
Nous pensons que l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, généralement chouchouté par les médias pour ses initiatives novatrices, ne peut être tenu pour responsable de la dérive sectaire d’un seul de ses membres.
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RDC : Les heures comptées de la CENI
5 mois après des élections entachées de nombreuses irrégularités, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) se retrouve sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l'ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de personnes pour défendre l'organisation chaotique des élections de novembre 2011. Le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda sera sans doute le premier fusible à sauter.
Partis politiques, ONG, société civile, bailleurs de fonds, Union européenne, église catholique tirent à boulet rouge sur la CENI. La Commission électorale semble aujourd'hui cristalliser tous les malaises de la société congolaise. Il faut dire que l'institution électorale a longtemps été présentée par Kinshasa comme le symbole de l'évolution démocratique du pays.
Mais très rapidement les doutes sont apparus. A commencer par la nomination d'un proche du président Kabila, Daniel Ngoy Mulunda, à la tête de la Commission électorale. Les choses se sont gâtées avec la composition du bureaux : l'opposition est sous-représentée et la société civile complètement absente. L'indépendance de la CENI est immédiatement remis en question par l'opposition et de nombreuses ONG.
Concernant le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l'étendu des dégâts : "les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées". La mission de l'UE note les multiples dysfonctionnements du scrutin : "l'absence d'audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d'électeur de 3,2 millions d'électeurs, de multiples incidents de fraude et de bourrages d'urnes lors du vote le 28 novembre, ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence". L'Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent "la restructuration de la CENI en y incluant la société civile" et souhaite un audit complet du fichier électoral.
Du côté de l'opposition, l'ensemble des partis exigent la démission pure et simple de la Commission dans la perspective des prochaines élections locales et provinciales dont la date n'est toujours pas fixée. Devant le tollé provoqué par les "ratés des élections", les autorités congolaises paraissent décidées à faire un geste. Selon Charles Mwando, le médiateur nommé par le président Kabila pour "dégeler" la crise politique avec l'opposition et trouver une coalition gouvernementale, "la restructuration de la CENI, à défaut de sa recomposition, constituerait la seule alternative", d'après les différents partis consultés, "pour sauver le processus électoral en cours".
Pour donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale, Kinshasa n'a pas d'autre choix que de trouver un terrain d'entente avec l'opposition sur la composition d'une CENI deuxième version, un peu plus indépendante... ou moins dépendante. Le président Joseph Kabila sait que sa crédibilité et son retour sur la scène internationale se jouera sur la bonne tenue des prochains scrutins. Pour l'instant, l'incertitude plane sur les dates des élections provinciales et sénatoriales (prévues pourtant en mars et en juillet 2012)... et les bailleurs de fonds commencent à hausser (timidement) le ton. Le président contesté de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, pourrait faire les frais du fiasco électoral de novembre. Résultat : à Kinshasa aujourd'hui, plus personne n'ose défendre publiquement le bilan de Ngoy Mulunda.
Christophe RIGAUD
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