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30 juin 2013

RDC : Les révélations du nouveau rapport de l'ONU

Le prochain rapport intermédiaire du groupe d'experts de l'ONU sur la situation en République démocratique du Congo a été divulgué ce week-end par Inner City Press. Dans ce  rapport plus contrasté que le précédent, l'ONU révèle que le soutien du Rwanda au M23 est désormais "limité" et que l'armée régulière (FARDC) "collabore" avec le groupe armé des FDLR.

Rapport de l'ONU illustration.pngLe tout nouveau rapport préliminaire du groupe d'experts de l'ONU sur la République démocratique du Congo daté du 20 juin 2013 a fuité ce dimanche et été mis en ligne en exclusivité par Inner City Press (rapport accessible en anglais ici). Le rapport final 2012 avait suscité une vive polémique l'an passé en accusant le Rwanda et l'Ouganda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre le gouvernement congolais à l'Est de la RDC. Selon ce précédent rapport, "les leaders du M23 avaient reçu des ordres militaires directs du chef de l’armée rwandaise et Kigali avait fourni armes lourdes, conseils militaires et politiques aux rebelles"… une petite bombe diplomatique qui avait plongé Kigali dans l'embarras.

Rwanda : "soutien continu mais limité au M23"

Le nouveau rapport 2013 du groupe d'expert était donc très attendu, tant par Kigali, que par Kinshasa et l'ensemble de la communauté internationale. Ce dimanche, le rapport préliminaire était opportunément disponible sur internet. Il est plus nuancé et contrasté que le précédent, notamment sur l'implication des pays voisins dans l'aide à la rébellion du M23. Le groupe d'experts note qu'il ne dispose à ce jour "d'aucune indication de soutien de l'Ouganda aux rebelles" et a "recueilli des preuves d'un soutien continu - mais limité - au M23 en provenance du Rwanda". Le rapport explique ensuite, qu'après les combats au sein du M23 entre pro-Makenga et pro-Ntaganda en mars 2013, la fuite de Bosco Ntaganda et de 788 de ses hommes a considérablement affaibli la rébellion "incapable de contrôler l'ensemble de son territoire". Les experts estiment que le M23 de Sultani Makenga est actuellement composé de (seulement) 1.500 soldats répartis sur une superficie de 700 km2. La rébellion continuerait donc à recruter au Rwanda, selon l'ONU, et enrôlerait des soldats rwandais démobilisés.

Le Rwanda lâche Ntaganda et se rapproche de Makenga

Autre élément important révélé par le rapport préliminaire du groupe d'expert : le Rwanda (vraisemblablement sous pression internationale) aurait fait sérieusement le ménage dans ses relations avec la rébellion du M23. Les experts expliquent que les autorités rwandaises ont arrêté un colonel rwandais, Jomba Gakumba, "en raison de ses liens étroits avec Bosco Ntaganda". Le 10 Mars 2013, les autorités rwandaises ont également arrêté Gafishi Semikore et Theo Bitwayiki, alors "qu'ils tentaient d'aider Bosco Ntaganda au Rwanda en lui fournissant des munitions". Le Rwanda s'est donc visiblement très vite détourné de Ntaganda, devenu infréquentable, pour venir en aide à son rival Sultani Makenga. "Deux membres et un collaborateur du M23 ont confirmé que des groupes de soldats rwandais démobilisés s'étaient infiltrés en RDC au cours des deux semaines de combats pour aider Makenga", selon le rapport. Autre information intéressante de l'ONU : les centres de commandement de la rébellion se seraient déplacés : le siège administratif du M23 se situerait à Rumangabo et le quartier général militaire serait à Chanzu.

Collaboration FARDC-FDLR

Concernant les FDLR, ce groupe armé hutu rwandais en lutte contre Kigali et que combat le M23,le rapport de l'ONU indique "qu'ils ont continué de s'affaiblir au cours du premier semestre 2013". Les FDLR serait actuellement au nombre de 1.500 miliciens, dont la majorité est déployée au Nord-Kivu et le reste dans le Sud-Kivu. Le groupe d'experts note que la diminution de la capacité de nuisance des FDLR serait principalement due à un taux de désertion élevé, à de divisions internes et à une hiérarchie très affaiblie. Enfin, autre information, et non des moindres : la "collaboration entre certaines unités des FARDC et les FDLR dans des zones proches des territoires contrôlés par le M23". Le groupe d'experts a notamment interrogé 10 soldats des FARDC à Tongo, au Nord-Kivu, qui ont déclaré que "les FARDC et les FDLR se réunissaient régulièrement et échangeaient des informations opérationnelles". Ces mêmes sources ont déclaré que les soldats des FARDC fournissaient des munitions aux FDLR. Devant une telle collusion entre l'armée régulière et ce groupe armé, l'ONU a envoyé une lettre le 12 Juin 2013 au gouvernement congolais "pour demander des éclaircissements sur ce soutien et attend une réponse".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

27 juin 2013

Centrafrique : 9 ONG inquiètes de la gravité de la crise humanitaire

3 mois après le coup d'Etat des rebelles de la Séléka en Centrafrique, un groupe d'ONG s'alarment de l'instabilité politique et de la crise humanitaire qui frappe la population. Ces ONG demandent aux gouvernements internationaux de financer les 60 millions d'euros d'aide humanitaire manquants.

Carte RCA.pngOubliée des médias internationaux depuis le renversement de François Bozizé, la Centrafrique s'enfonce dans un chaos inquiétant. 9 ONG (1) se sont regroupées pour lancer un appel à l'aide commun. Selon ces organisations, il y a urgence à venir en aide à la Centrafrique à l'approche de la saison des pluies : "plus de 60 000 enfants et familles souffrent d’une grave pénurie alimentaire et plus de 200 000 enfants et familles ont été forcés de fuir leur domicile au cours des six derniers mois".

Le groupe d'ONG dresse un portrait particulièrement sévère de la Centrafrique du nouveau président Michel Djotodia, visiblement débordé par l'ampleur de la tâche et handicapé par son manque de leadership. Selon le communiqué, "la plupart des centres de santé du pays sont fermés depuis plus de 6 mois, près d’un million d’enfants n’iraient plus à l’école et la population est privée des services les plus élémentaires". "L’insécurité prévaut dans l’ensemble du pays", expliquent les humanitaires, "les enfants, et en particulier les filles, sont exposés à un grand nombre d’abus, notamment des violences sexuelles et des mariages précoces". Des milliers d’enfants font partie des groupes et forces armés. Sur place, la présence internationale est réduire à son strict minimum : "il n’existe aucune présence régulière de l’ONU en dehors de Bangui". Seul une quarantaine d'agents des Nations unies sont encore présents dans la capitale centrafricaine.

Selon l'Archevêque de Bangui, qui signe également ce communiqué, "la crise humanitaire actuelle est la pire qu’ait connue le pays". Dieudonné Nzapalainga demande que "la communauté internationale apporte des fonds pour accroître rapidement l’aide et ainsi sauver des vies". Les 9 ONG souhaitent que "les gouvernements internationaux interviennent sur-le-champ pour financer les 60 millions d’euros d’aide humanitaire manquants". Pour l'Archevêque de Bangui, il y a urgence, "ce pays est frontalier de six des nations les plus fragiles d’Afrique : il y a un risque fort de déstabilisation sur toute l’Afrique centrale".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

(1) Les 9 ONG signataires sont les suivantes : Action contre la Faim (ACF), Cordaid, International Medical Corps, International Rescue Committee, Mercy Corps, Merlin, Save the Children, Secours Catholique - Caritas France, War Child, , l'Archevêque de Bangui Mgr. Dieudonné Nzapalainga.

26 juin 2013

Rwanda : Premier procès d’un "génocidaire" à Paris prévu en février-mars 2014

Arrêté en octobre 2008 à Mayotte pour trafic de faux papiers, l’ex capitaine Pascal Simbikangwa sera jugé du 4 février au 28 mars 2014 par la cour d’assises.

Afrikarabia logo V2.pngDepuis le génocide des Tutsi en 1994, la France est, de tous les pays occidentaux, celui qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés rwandais suspects d’actes de torture, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Pourtant aucun procès n’y a encore été organisé à la différence d’une dizaine de pays occidentaux, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, etc..  Alain Gauthier, président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda[i] (CPCR) estime à plus d’une centaine le nombre de « génocidaires » résidant légalement dans notre pays. Aussi le premier procès audiencé à la veille de la XXe commémoration du génocide des tutsi du Rwanda fera date.

Pascal Simbikangwa a été une douteuse célébrité dans son pays avant sa fuite en 1994. On l’appelait « Le tortionnaire » à cause du plaisir sadique qu’il trouvait à animer, depuis son fauteuil roulant (séquelle d’un accident de la circulation), des séances de tortures dont peu de Rwandais sont sortis vivants. La salle de torture du « fichier central » était située à moins de 30 mètres du bureau du président Juvénal Habyarimana, dans le centre de Kigali, et sans doute le chef de l’Etat pouvait-il deviner, aux cris des supliciés, que le travail était bien fait…

Le capitaine Pascal Simbikangwa avait le pouvoir de déclarer « suspect » n’importe quel Rwandais accusé du seul «crime» d’avoir critiqué son patron, le général Habyarimana ou pire encore, d’avoir la mention ethnique «Tutsi» sur sa carte d’identité et de s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Les tortures infligées par Simbikangwa au journaliste Boniface Ntawuyirushintege ont fait l’objet de caricatures acerbes dans la presse démocratique de l’époque, avant d’être confirmées par le Père blanc Guy Theunis, à l’époque un ami et correspondant à Kigali de Robert Ménard, le fondateur de Reporters sans Frontières…

Les témoins des exaction de Pascal Simbikangwa sont légion. L’ancien directeur de l’Office rwandais d’informations (ORINFOR) Christophe Mfizi a écrit dans son rapport « Le réseau zéro, fossoyeur de la démocratie et de la république au Rwanda (1975-1994) », comment le capitaine Pascal Simbikangwa l’avait menaçé. Le juriste belge Filip Reyntjens dans une note déposée comme preuve dans l’affaire Rutaganda (au TPIR) le présente comme un membre des « escadrons de la mort » . Il était connu en particulier pour exécuter les ordres de son beau-frère, le colonel Elie Sagatwa membre éminent de l'Akazu, la « maisonnée présidentielle ».

Le 27 mars 1992, l’ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen le désigna, dans un télex adressé à son ministre de tutelle Willy Claes, comme étant membre d’un « état-major secret chargé de l’extermination des Tutsis du Rwanda afin de résoudre définitivement, à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d’écraser l’opposition hutue intérieure» (Commission d'enquête parlementaire concernant les évènements du Rwand-Sénat de Belgique). Le « Rapport de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993)» évoque le capitaine Simbikangwa comme un tortionnaire. L’ONG américaine Human Right Watch rapporte dans son bilan de l’année 1993 au Rwanda que Monique Mujawamariya, une militante rwandaise des droits de l’homme « a été menacée de mort par le Capt. Pascal Simbikangwa connu pour avoir torturé plusieurs personnes détenues par les services secrets ». Les auteurs de l’excellent ouvrage « Les médias du génocide » nous racontent l’épisode de la création du journal « L’indomptable Ikinani».

Le 23 mars 1994, Joseph Kavaruganda, président de la cour de cassation, alertait le président Habyarimana sur les menaces de mort du capitaine Pascal Simbikangwa à son encontre. Joseph Kavaruganda sera assassiné 18 jours plus tard, le 7 avril 1994, par des membres de la garde présidentielle. Simbikangwa a été très actif dans le génocide contre les Tutsi et dans le massacre des Hutu démocrates, distribuant des armes et encouragent les tueurs.

« Le tortionnaire » s’est livré dans deux livres « L’homme et sa croix » (1989) et « La guerre d’octobre » (1991). Il écrit notamment : « Un pistolet 9mm dont j’allais bientôt maîtriser les secrets, une mitraillette Uzi qui commençait à me devenir un compagnon de choix, débarquer ou embarquer dans une voiture roulant à grande vitesse avec possibilité de me recueillir et me défendre aisément, et ma volonté farouche des VIP, tout cela me faisait revivre les temps héroïques de mes ancêtres.» […] « Je suis né guerrier et je devrais le rester tant que je vivrais, car cette lutte, ce combat sans merci que la survie (sic), je la mène avec détermination et dans un idéal de toujours chercher à mieux faire. Je suis donc guerrier et je ne le suis d’ailleurs que trop car dans l’acceptation de ma vie où je dois faire preuve de mon sang froid, de courage exceptionnel aux yeux de l’environnement qui ne cesse de s’en étonner malgré ce terrible 28 juillet 1986 [jour de son accident qui l’a laissé à demi-paralysé]»

Dans son acte d’accusation publié le 3 mars 2008, le procureur général du Rwanda l’accuse de « génocide, complicité de génocide, complot de génocide, assassinat et extermination », pour des actes qu’il aurait commis à Kigali et à Gisenyi à partir d’avril 1994.

« L'inarrrêtable » capitaine Pascal Simbikangwa a été arrêté le 28 octobre 2008 à Mayotte sous une fausse identité : Safari Sedinawara. Condamné pour....trafic de faux papiers, il fallait le renvoyer devant la cour d’assises pour génocide, crime contre l'humanité, torture, viol, meurtre, avant qu’il achève la peine qui sanctionnait son simple délit. Ce premier procès d’un génocidaire réfugié en France est le résultat de la création en 2011 d’un pôle « génocides et crimes contre l'humanité » au Tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

« Patrie des droits de l'Homme, la France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité » promettaient Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice et Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Christiane Taubira, qui est depuis longtemps sensibilisée au génocide de 1994 et à ses conséquences, a poursuivi cette action. La promesse sera bientôt tenue concernant le « Tortionnaire », mais la file d’attente sera longue à résorber pour les autres « clients » rwandais du pôle génocide.

Jean-François DUPAQUIER

[i] Le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) a été créé en novembre 2001. Voir son site :
www.collectifpartiescivilesrwanda.fr

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Rwanda : Une plainte contre Paul Barril pour complicité de génocide

La Fédération internationale des associations de défense des droits de l’Homme (FIDH), et d’autres associations ont déposé déposé plainte auprès du Tribunal de grande instance de Paris contre l’ancien “gendarme de l’Elysée” Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda.

Capture d’écran 2013-06-26 à 16.15.06.pngLa FIDH, la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie ont déposé lundi 24 juin 2013 une plainte contre Paul Barril  du chef de complicité de génocide. L’ancien chef adjoint de la « cellule des gendarmes de l’Elysée » de triste mémoire est notamment convaincu d’avoir contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec Jean Kambanda, Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais (GIR). Le Conseil de sécurité des Nations Unies, par la résolution n°918 du 17 mai 1994, avait notamment adopté un embargo sur les armes interdisant la vente et la livraison « d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions ». Paul Barril ne pouvait ignorer qu’il violait ainsi l’embargo sur les armes décrété par l’ONU, et surtout qu’il favorisait les crimes de guerre et crimes contre l’humanité - imprescriptibles - du “gouvernement génocidaire”. Sous l’autorité de Jean Kambanda, environ un million de Tutsi et Hutu démocrates rwandais ont été exterminés en cent jours.

 Chassé de l’Elysée à la demande de François Mitterrand pour divers “dérapages”, le capitaine de gendarmerie honoraire Paul Barril s’était reconverti dans le domaine de la sécurité “haut de gamme”.  Il a soutenu durant près de deux années l’armée de Saddam Hussein dans la guerre Irak/Iran, période où il a appris à se servir de missiles anti-aériens d’origine soviétique. Paul Barril a ensuite conseillé différents chefs d’Etats africains, et plus particulièrement Juvénal Habyarimana au Rwanda. Il avait été appuyé auprès du président rwandais par Fabien Singaye, un maître-espion rwandais basé à Berne (Confédératon helvétique), gendre et fondé de pouvoir de Félicien Kabuga, le “financier du génocide”, toujours en fuite.
Paul Barril renverra l’ascenseur à Singaye en le faisant embaucher par le juge “antiterroriste” Jean-Louis Bruguière comme interprète assermenté dans le dossier de l’attentat du 6 avril 1994.

Barril avait fondé plusieurs sociétés, dont SECRETS ainsi que le groupe GPB – Groupe Privé Barril. C’est dans ce cadre que Paul Barril a conclu, le 28 mai 1994, le contrat d’assistance qui porte sa signature ainsi que celle du Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais de l’époque. La FIDH, la LDH et Survie dénoncent la conclusion et l’exécution partielle par Paul Barril de ce contrat de fourniture d’armes et de munitions, et de formation et d'encadrement, alors même que le Rwanda était en plein génocide et que la communauté internationale dénonçait ouvertement les crimes massifs commises dans le pays.

« Paul Barril, qui entretenait des relations privilégiées et de longue date avec les autorités rwandaises, était un fin connaisseur du contexte géopolitique rwandais de l’époque. Il ne pouvait dès lors ignorer les conséquences d’un tel accord permettant d’alimenter les crimes perpétrés au Rwanda durant cette période », précisent les auteurs de la plainte dans un communiqué. Ils ajoutent que « l’Instruction devrait permettre de savoir si Paul Barril est seul en cause ou si d’autres responsables français ou d’une autre nationalité doivent être mis en cause ».

Bien d’autres questions sont posées sur le rôle de Paul Barril et de son équipe de mercenaires français embauchés par le “gouvernement génocidaire” et présents au Rwanda durant le génocide.  Plusieurs d’entre-eux semblent s’être trouvés sur les collines de Bisesero à la mi-mai 1994 pour conseiller l’extermination des Tutsi qui s’y étaient rassemblés au nombre d’environ 50 000  et qui menaient une défense désespérée. Un des mercenaires de l’équipe, peut-être révolté par le “travail” qui lui était assigné, a été tué par un milicien interahamwe le 20 ou 21 juin 1994. Le milicien a été convoqué par le Premier ministre Jean Kambanda, peut-être moins pour le sermonner que pour lui imposer le silence sur cet “accident professionnel”. Les sites français de mercenaires qui prétendent “rendre hommage aux nôtres tués au combat” se sont bien gardés de citer son nom et les circonstances de son décès.

Dans son livre “Guerres secrètes à l’Elysée”, Paul Barril affirme avoir été présent au Rwanda le 7 avril, juste après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (attentat qui a servi de détonateur au génocide organisé de longue date). Interrogé par le juge Marc Trévidic (qui a succédé au juge Bruguière) sur ce point, il a prétendu avoir menti et présenta un passeport qui attestait de sa présence à Washington de la fin mars à la mi-avril 1994. Mais son alibi a fait long feu. L’enquête de police a démontré qu’il possédait au moins deux passeports à la date du 6 avril 1994, ce qu’il s’était bien gardé de dire au juge.

La plainte de la FIDH, de la LDH et de l’ONG Survie devrait permettre d’ouvrir plus grande  encore la boîte de Pandore du déroulé de l’attentat et du génocide des Tutsi du Rwanda.

Jean-François DUPAQUIER

Voir aussi l’excellent article du journaliste Mehdi BA sur Jeune Afrique

16:21 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)

23 juin 2013

RDC : Lubumbashi sous pression Maï-Maï

Depuis 3 mois, la ville de Lubumbashi vit sous la menace d’une milice indépendantiste, les Bakata Katanga. Après avoir brièvement envahi la riche ville minière en mars dernier, ce groupe armé Maï-Maï multiplie les attaques. Dans la nuit de samedi à dimanche, les Bakata Katanga se sont lancés à l’assaut de la prison de la ville. Sans succès. Mais la fièvre indépendantiste gagne la ville.


katanga 1.jpgNouvelle attaque Maï-Maï à Lubumbashi dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 juin 2013. La cible du groupe sécessionniste Bakata Katanga était cette fois-ci la prison de la Kasapa. Selon Radio Okapi, "les miliciens se dirigeaient vers la porte d’entrée de la prison lorsqu’ils ont été interpelés par les gardiens (...) Après vingt minutes d’affrontements, les assaillants ont été repoussés sans réussir à pénétrer dans la prison". En septembre 2011, ce même groupe armé avait déjà attaqué la prison de Lubumbashi avec plus de réussite : leur chef, Kyungu Mutanga Gédéon, en avait profiter pour s'évader. Depuis, il sème la terreur au Nord de la province.

Attaques en série

Depuis quelques mois les attaques Maï-Maï se multiplient au Katanga. Le 23 mars dernier, ce sont environ 300 hommes du groupe indépendantiste  qui ont envahi brièvement Lubumbashi. Le groupe a fondu sur le centre ville en quelques minutes sans rencontrer de réelle résistance des forces de sécurité congolaises. C'est la Monusco, la Mission des Nations unies au Congo qui a négocié leur rédition. 200 Maï-Maï  été ensuite été transférés à Kinshasa. Bilan officiel : 23 morts. Le 1er juin, l'ONU révèle que 16 personnes ont été brûlées vives par des éléments Maï-Maï Bakata Katanga lors de l'attaque du village de Lwela, au centre du Katanga. Peu de temps après, le dimanche 16 juin,  des affrontements ont opposé l'armée congolaise (FARDC) et les Bakata Katanga à Shindaika, à 20 km de Lubumbashi. 7 personnes auraient été tuées.

Fièvre sécessionniste

Quel sens donner aux attaques répétées des Bakata Katanga ? Tout d'abord, la province a toujours été secoué par des velléités sécessionnistes. Le Katanga, est la plus riche province de la République démocratique du Congo et depuis l'indépendance en 1960, beaucoup sont nombreux à penser que le Katanga aurait tout avantage à acquérir son indépendance plutôt que de contribuer "à fonds perdus" aux maigres finances du pays. Le projet de décentralisation voulu par le président Kabila a également contribué à faire renaître le sentiment indépendantiste de la province. Avec ce projet, le Katanga serait découpé en quatre régions : deux provinces riches au Sud et deux autres plus pauvres au Nord. Certains hommes politiques katangais, surtout issus du Nord comme le président de l'Assemblée povinciale, Gabriel Kyungu, voient d'un très mauvais oeil ce "saucissonnage" entre le Sud "utile" et le Nord "inutile". La manne financière du cuivre resterait au Sud. Plusieurs ONG soupçonne donc des politiciens locaux de "manipuler" les Bakata Katanga à des fins politiques pour faire pression sur Kinshasa.

L'indépendance, mais pas la guerre

A Lubumbasi, le cas des Bataka Katanga inquiète les Congolais. Et le sentiment est unnanime : l'indépedance oui, mais la guerre pour obtenir l'indépendance, non ! Le sentiment indépendantiste et pourtant resté très fort dans la province. Pour bon nombre de Congolais, "Kinshasa est loin" et le Katanga est toujours sollicité pour ces ressources financières, "sans rien en retour". L'état central "n'apporte rien" m'explique un Congolais de Lubumbashi : "pas de routes, pas de trains, pas d'électricité, pas de sécurité". Mais pour autant, aucun ne souhaite le retour de la guerre pour obtenir cette indépendance tant désirée, d'où une certaine méfiance dans la mouvance Bakata Katanga. Certain croit à la méthode douce : "l'ONU avait promis en 1960 que le Katanga pourrait avoir accès à son autonomie 50 ans après l'indépendance du Congo" me confie un autre Congolais. "Le moment est venu, nous sommes en 2013 et nous avons déjà perdu 3 ans".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Lubumbashi 22 juin 2013 (c) Ch. Rigaud

21 juin 2013

RDC : John Numbi, portrait d'un homme de l'ombre

John Numbi est sans doute l'un des personnages les plus troubles du régime de Joseph Kabila. Accusé d’être l’un des instigateurs du meurtre du célèbre défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya, en juin 2010, John Numbi a rapidement été suspendu de ses fonctions de chef de la police nationale congolaise. Après avoir été placé en résidence surveillée pour les besoins d’enquête, il s'est réfugié, sans être inquiété par les autorités congolaises, dans le nord Katanga. On l'accuse aujourd'hui d'attiser le groupe armé sécessionniste "Bakata Katanga". Clément Boursin, responsable pour l'Afrique d'ACAT-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), nous en dresse le portrait.

numbi l'affaire.jpgDe milicien katangais à piètre militaire

John Numbi est né en 1962 dans le Haut-Lomami, au nord Katanga. En 1983, il décroche un diplôme en électronique à l’Institut supérieur pédagogique technique de Likasi. Sa première rencontre avec Laurent-Désiré et Joseph Kabila, le père et le fils, remonte à 1989, à Pweto, au Katanga.
John Numbi émerge sur la scène publique au début des années 90 lorsqu’il devient le chef de la milice de l'Union des fédéralistes et républicains indépendants (JUFERI), groupe de jeunes katangais aux méthodes violentes, dont le gouverneur de la province de l’époque, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, se sert ouvertement pour terroriser ses adversaires politiques de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) dont le chef - Etienne Tshisekedi - est originaire du Kasaï. Son nom est lié aux pogroms anti-kasaïens  - soupçonnés de soutenir l’UDPS - de 1992-1993, qui font plusieurs centaines de mort et un demi-million de déplacés au Katanga . Des plaintes ont d’ailleurs été introduites auprès des autorités judiciaires contre John Numbi, mais elles n’ont jamais été traitées et ont depuis lors disparues. En 1992, il sympathise avec le jeune Joseph Kabila . En 1996, soupçonné d’entretenir des liens avec des adversaires politiques du Maréchal Mobutu Sese Seko, il est arrêté à Lubumbashi et envoyé en détention à Kinshasa. Il réussit toutefois à s’échapper de prison et se réfugie dans l’enclave angolaise du Cabinda, où il fait la rencontre de gendarmes katangais, qui eux aussi y ont trouvé refuge après l’échec de la sécession katangaise de 1960. En mai 1997, après la chute du régime Mobutu, John Numbi rentre à Kinshasa avec les gendarmes katangais.
Laurent-Désiré Kabila, le nouveau président de la République, fait de John Numbi - qui appartient au même groupe ethnique : les Luba du Katanga plus couramment appelés les « Lubakat » - un militaire. Il commence comme chargé de la communication dans une compagnie, puis dans une brigade. Il devient ensuite directeur des transmissions de l’armée et commandant de la 50ème brigade chargée de la sécurité de la ville de Kinshasa. Son ascendance est fulgurante. C’est à cette époque qu’il fait la connaissance de James Kabarebe, officier rwandais, alors chef d’État-major de l’armée congolaise.
En août 1998, il est nommé chef d’État-major opérationnel à Kindu, dans le Maniema. Préférant se livrer au commerce que de préparer la défense de la ville, il est remplacé un mois plus tard. En octobre la ville est conquise par le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), groupe d’opposition armé au gouvernement Kabila. En 1999, il est nommé Brigadier général avec comme responsabilité le commandement militaire de la région n°4 du Katanga. Il travaille alors avec Joseph Kabila, alors chef de la Force terrestre. En décembre 2000, leurs hommes perdent la bataille de Pweto contre l’armée rwandaise. Le 14 janvier, John Numbi est remercié par Kabila père et envoyé au Zimbabwe pour suivre une formation militaire. Deux jours plus tard, Laurent-Désiré Kabila est assassiné à Kinshasa dans des conditions qui n’ont jusqu’à ce jour jamais été établies. Devenu président, Joseph Kabila nomme John Numbi chef d’état-major de l’armée de l’air en mars 2001. Au cours de la même année, ce dernier arme les Maï-Maï de Gédéon, à Mitwaba, en échange d’or et de pierres précieuses . Dans le même temps, il donne l’ordre aux FARDC de quitter le territoire Malemba Nkulu, au nord Katanga, et permet ainsi à son oncle Makabe, chef Maï-Maï local, de prendre le contrôle de ce territoire et de ses ressources naturelles en usant de la violence.

L’homme de confiance du président Joseph Kabila

John Numbi, après avoir été fait militaire de carrière par le père Kabila, s’installe confortablement dans le premier cercle du fils Joseph en compagnie d’autres Katangais. Il a un accès direct au chef de l’État et se voit confier les missions les plus délicates en matière de maintien de l’ordre et de sécurité du territoire. À deux reprises ses hommes font le coup de feu à Kinshasa contre les hommes de Jean-Pierre Bemba, le principal opposant du président Joseph Kabila. En août 2006, dans l’attente des résultats du premier tour des élections présidentielles, John Numbi est à la manœuvre lorsque la garde républicaine affronte à Kinshasa les gardes de Bemba dans la capitale. En mars 2007, ses hommes pilonnent la résidence de Bemba, dans la capitale, alors que des diplomates étrangers sont présents dans la demeure.
Homme de confiance de Joseph Kabila, John Numbi est également amené à gérer des dossiers secrets en ce qui concerne la situation dans l’est de la RDC. Fort de ses liens noués avec James Kabarebe à la fin des années 90, John Numbi négocie secrètement à Kigali avec le chef rebelle congolais Laurent Nkunda, en janvier 2007, afin d’intégrer les hommes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein de l’armée régulière, ce qui échoue une première fois. De novembre 2008 à janvier 2009, John Numbi est de retour au Rwanda pour négocier avec les plus hautes autorités rwandaises et Bosco Ntaganda l’éviction de Laurent Nkunda du CNDP et le lancement au nord-Kivu d’une opération militaire conjointe rwando-congolaise contre les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). John Numbi prend la tête de cette opération appelée « Umoja Wetu » (notre unité en swahili) ; opération qui fera de nombreux morts au sein des populations civiles et qui ne résoudra en rien la présence des FDLR dans la sous-région.

Une responsabilité directe dans des crimes contre l’humanité au Bas-Congo

Le 11 juin 2007, trois jours après avoir fait bloquer tous les avions à l’aéroport de Kinshasa-Ndjili, dont des avions de compagnies internationales, John Numbi perd son poste de chef d’État-major de l’armée de l’air, mais récupère la tête de la police : il devient inspecteur général de la police nationale congolaise.
Un an plus tard, il doit gérer une insurrection politico-religieuse dans le Bas-Congo qui est perçue comme une humiliation par le clan Kabila. À la suite d’élections locales frauduleuses ayant permis à un membre du régime en place d’être élu en lieu et place d’un homme politique local, les adeptes du Bundu Dia Kongo (BDK) prennent le contrôle de plusieurs localités, tuant des policiers et saccageant des bâtiments administratifs. Le drapeau du BDK est même hissé à la place de celui de la RDC à certains endroits de la province. À Kinshasa, qui ne se trouve qu’à environ 200 kilomètres, les autorités préparent la riposte. Alors que le pays s’apprête à rentrer dans la période électorale en vue du premier tour des élections présidentielles de juillet 2006, le régime veut montrer à l’opinion comme à ses adversaires politiques qu’il est maître de son territoire et qu’une telle situation ne peut perdurer. Le 26 février 2008, John Numbi rencontre à Kinshasa le ministre de l’Intérieur, Denis Kalume, et le président de la République, Joseph Kabila. Deux jours plus tard, 600 militaires et policiers sont envoyés dans le Bas-Congo depuis Kinshasa afin de mater le BDK. Il s’agit d’une véritable opération militaire visant à punir cette secte.

Dans un rapport de 13 pages , publié en mars 2008, l’organisation de la Voix des sans-voix (VSV) établit un bilan terrible de cette opération en termes de violations des droits de l’homme. Le bilan officiel est de 27 morts dont 3 policiers. Mais en réalité au moins 100 personnes ont été tuées d’après les Nations unies qui ont également entrepris une enquête . Plus de 150 membres du BDK sont arrêtés et la plupart torturés et plus de 200 édifices de partisans du BDK sont détruits par incendie. Selon la VSV, « des consignes auraient été données aux militaires et policiers de tout mettre en œuvre pour qu’il n’y ait pas de prisonniers ». Il fallait restaurer l’autorité de l’État bafouée par le BDK et cela au prix du sang des adeptes de cette secte et des populations civiles complices. Outre les massacres commis dans les villages reconquis et la chasse à l’homme de tout adepte ou sympathisant du BDK, il importait également d’effacer toute preuve de crimes. Les volontaires de la Croix-Rouge ne sont pas autorisés à avoir accès aux victimes. Les cadavres sont rapidement embarqués dans des véhicules militaires puis disparaissaient. Des corps éventrés – pour ne pas flotter – sont retrouvés sur les bords du fleuve Congo. Selon la VSV, les auteurs de ces crimes feraient partie de trois entités des forces de défense et de sécurité : la police d’intervention rapide (PIR) – à l’époque formée en partie par la France –, l’unité de la police intégrée (UPI) et la Garde Républicaine. Le rapport concluait : « Le massacre des adeptes du BDK constitue un acte de génocide. Les actes commis sur la population dans la province du Bas-Congo sont allés de la préméditation jusqu’à la volonté de détruire le mouvement politico-religieux du BDK à travers des tueries ciblés ». Parmi les recommandations effectuées auprès du gouvernement congolais figurait celle-ci : la nécessité de « poursuites judiciaires contre le ministre de l’Intérieur, Denis Kalume Numbi, le gouverneur et le gouverneur adjoint de la province du Bas-Congo, Mbatshi Mbatshia et Déo Nkusu, les généraux Raus Chalwe et John Numbi ». Les responsables de ces crimes n’ont bien entendu jamais été poursuivis devant la justice congolaise.

Une responsabilité directe dans l’assassinat de Floribert Chebeya

Face à l’impunité persistante, le président de la VSV, Floribert Chebeya, continue ses enquêtes et se procure des documents accablants pour les autorités congolaises, notamment auprès de l’ancien président de l’assemblée nationale Vital Kamerhe, un ancien bras droit de Kabila devenu opposant.
Sur la base de ces documents, il prend contact avec un avocat en Belgique en vue de préparer une communication destinée à la Cour pénale internationale (CPI). Il devient alors un témoin gênant pour les responsables du massacre du Bas-Congo. Le 1er juin 2010, Floribert Chebeya est invité à rencontrer John Numbi à son bureau, à l’Inspection générale de la police nationale congolaise (PNC), pour un motif qui devait lui être communiqué sur place. Il s’y rend avec son chauffeur Fidèle Bazana. Le lendemain, le président de la VSV est retrouvé mort dans sa voiture et son chauffeur est porté disparu. Il ne réapparaitra plus jamais. Le 5 juin, John Numbi est suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, par arrêté ministériel, et il est placé en résidence surveillée pour besoins d’enquête.

Malgré l’existence de sérieux soupçons quant à son implication dans ces meurtres, les autorités saisissent la Cour militaire de justice, juridiction qui n’est pas en mesure de juger John Numbi du fait de son grade supérieur à ceux des juges militaires. Seule la Haute cour militaire est compétente en la matière. John Numbi n’est donc entendu qu’en tant que « simple témoin ». Les relevés téléphoniques retracés pour les besoins de l’enquête montrent pourtant que John Numbi était en contact régulier avec l’ensemble des prévenus tout au long de l’opération ayant conduit au double assassinat. La justice impute finalement la mort des deux défenseurs des droits de l’homme à cinq officiers et sous-officiers qui travaillent sous les ordres directs de John Numbi. Le 23 juin 2011, les avocats de la partie civile interjettent appel de l’arrêt de la Cour afin que l’affaire soit jugée au niveau de la Haute cour militaire et que John Numbi puisse enfin être jugé. Un mois plus tard, une tentative d’arrestation peu médiatisée de John Numbi aurait eu lieu à Lubumbashi, au Katanga. Mais après deux jours de détention, il aurait eu une longue conversation avec Joseph Kabila et aurait été relâché .
Le 17 octobre 2012, Paul Mwilambwe, policier congolais en charge de la sécurité à l’IGPNC, condamné par contumace pour le meurtre de Chebeya, témoigne sur Radio France internationale (RFI) avoir assisté au meurtre de Floribert Chebeya. Il indique que le meurtre aurait été commandité par le président Joseph Kabila par l’entremise de John Numbi . Il s’agirait donc d’un crime d’État. Manque de chance, l’enregistrement vidéo de la caméra de surveillance qui aurait capté la scène du kidnapping de Chebeya, selon Paul Mwilambwe, a disparu peu après le drame. Aujourd’hui, en restituant le parcours de John Numbi ces dernières années, on comprend mieux pourquoi il n’a jamais été réellement inquiété dans cette affaire comme dans les précédentes. Le 23 octobre 2012, la Haute cour militaire a refusé d’examiner le rôle joué par le général John Numbi dans l’affaire Chebeya-Banzana. Quant à la plainte déposée contre John Numbi par la veuve Chebeya, elle n’a jusqu’à ce jour reçu aucune suite, ni classement, ni poursuites…

L’ombre de John Numbi au Katanga

John Numbi est donc toujours en liberté, au Katanga, où il vit dorénavant dans les « affaires » de coltan et autres minerais. Pourtant, selon plusieurs organisations de la société civile du Katanga , John Numbi serait l’un des responsables de l’insécurité qui prévaut actuellement dans la province. Selon elles, « jeudi 21 mars 2013, un groupe de Maï-Maï Kata Katanga qui s’était évadé de l’Agence nationale de renseignements (ANR) se serait réfugié dans la ferme nommée Beijing appartenant au Général John Numbi. Quelques jours plus tard, le samedi 23 mars, il y a eu assaut de la ville de Lubumbashi ». Ces Maï-Maï, armés de lance-roquettes, d’une trentaine de fusils AK47, de lances et de flèches ont brièvement affronté l’armée congolaise faisant 33 morts dont 26 Maï-Maï.
Le 8 septembre 2011, leur chef, Gédéon, avait pu s’échapper de la prison de Kasapa, à Lubumbashi, grâce à un commando armé. Il y purgeait une peine de prison à vie pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans les territoires katangais de Mitwaba, Pweto et Manono entre 2003 et 2006. Des accusations avaient été portées à cette époque contre John Numbi, parrain de Gédéon au début des années 2000.
Beaucoup considèrent John Numbi comme le premier sponsor des indépendantistes katangais ; une manière de rappeler au président Joseph Kabila sa force de nuisance au Katanga, dans le cas d'une éventuelle mise en examen dans le procès Chebeya.

Clément BOURSIN - Responsable pour l'Afrique d'ACAT-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) www.acatfrance.fr

photo extraite du documentaire de Thierry Michel, "l'Affaire Chebeya, un crime d'Etat ?"

16 juin 2013

RDC : L'accord ou la guerre

La reprise du conflit est-elle inévitable entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise à l'Est de la RDC ? Les négociations de paix de Kampala devraient reprendre ce mardi sans réel espoir de compromis. Alors que le M23 cherche à affirmer ses revendications politiques, le gouvernement souhaite en éviter le piège et compte sur l'entrée en action de la brigade d'intervention de l'ONU pour clôturer les pourparlers.

Capture d’écran 2013-06-16 à 23.22.00.pngPeut-on encore attendre un dernier miracle des négociations de Kampala entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais ? Après 7 mois de discussions stériles sans avancée aucune, on en doute. Pourtant la donne a changé dans les Kivus depuis l'annonce de l'arrivée de la brigade d'intervention de l'ONU, chargée de "neutraliser et désarmer les groupes armés", avec un mandat plus "offensif". Dans cette perspective, les rebelles du M23 ont changé leur fusil d'épaule. Après un coup de pression militaire avant la venue de Ban Ki-moon à Goma (que le M23 attribue aux FARDC et aux FDLR) la rébellion joue désormais l'apaisement et la carte politique. Objectif des rebelles : démontrer leur bonne volonté de voir se régler le conflit pacifiquement alors que la communauté internationale est prête à montrer ses muscles dans la région. Le M23, n'a en effet intérêt, ni à la confrontation armée, ni à être désigné comme le seul fauteur de trouble dans l'Est de la RDC.

Devant la volonté "offensive" de l'ONU d'"imposer la paix", le M23 a décidé de reprendre l'offensive diplomatique en retournant aux pourparlers de Kampala avec le gouvernement congolais le 9 juin dernier. Un retour stratégique, validé par cette étonnante déclaration de la Monusco qui affirmait que "si les rebelles du M23 retournaient effectivement à Kampala pour continuer les négociations, la brigade d'intervention de l'ONU n'irait pas les attaquer là où ils sont". Une bonne nouvelle pour le M23 qui reste à l'abri de la brigade tant que les négociations sont en cours.

"Des progrès au niveau politique"

Le retour des revendications politiques du M23 se trouve validé par la récente déclaration de Mary Robinson, l'envoyée spéciale et l'ONU dans la région, qui affirme que la fameuse brigade sera "une force de dissuasion" (et non plus "offensive" ?) et souhaite "que l’on fasse plutôt des progrès au niveau politique". Le M23 avait déjà cherché par le passé à élargir ses revendications, qui n'étaient, dans un premier temps que catégorielles (intégration des rebelles au sein de l'armée, respect des grades… ). La rébellion avait alors affiché des revendications plus générales, destinées à séduire l'opposition congolaise : annulation des élections contestées de 2011, remise en cause des institutions, bonne gouvernance... sans succès auprès d'une opposition divisée et hostile aux rébellions venus de l'Est.

Le M23 parle maintenant d'une seule voix

Après son retour annoncé aux négociations de Kampala, le M23 a continué de jouer la carte politique. Sur internet, on évoque "la mue du M23 en parti politique" et la volonté d'évoquer de nouveaux les problèmes de bonne gouvernance du président Joseph Kabila. Dans ce sens, les sorties tonitruantes de Roger Lumbala, un soutien politique du M23, se font de plus en plus fréquentes. Lumbala affiche clairement sa volonté de "chasser Joseph Kabila du pouvoir", car "il n'a jamais été élu". Enfin, au sein même du M23, la ligne politique est plus cohérente. Depuis l'implosion du mouvement en mars 2013, la victoire de Makenga et la défaite de Ntaganda et Runiga, la rébellion semble désormais parler d'une seule voix. Avec l'arrivée de Bertrand Bisimwa à la tête de M23, la cohérence paraît totale entre le militaire et le politique. Jusque là, le M23 était séparé en deux clans : les pro-Ntangada et les pro-Nkunda, l'ancien patron du CNDP, ancêtre du M23. Désormais, seuls les pro-Nkunda sont aux manettes de la rébellion : Sultani Makenga, est l'ancien bras droit militaire de Nkunda et Bertrand Bisimwa, l'ancien porte-parole du CNDP.

Joseph Kabila compte sur la brigade

En allant sur le terrain de la politique intérieure congolaise, le M23 tente de brouiller les pistes et de placer le gouvernement devant ses responsabilités. Autant sur le terrain militaire, Kinshasa, n'a pas vraiment son mot à dire au vu de l'inefficacité de l'armée congolaise, autant sur le terrain politique, le gouvernement serait en mesure de faire quelques concessions. Pour ne pas tomber dans le piège des revendications politiques du M23, le président Joseph Kabila s'accroche à l'arrivée de la brigade de l'ONU annoncée pour mi-juillet. Une défaite militaire de la rébellion sonnerait la fin des ennuis pour le chef de l'Etat et lui éviterait toute remise en cause de sa légitimité. Si le M23 résiste à la brigade, Joseph Kabila peut aussi compte sur la mise en place prochaine du "dialogue national inter-congolais". Objectif : se renforcer politiquement, faire de nouvelles alliances et contre-balancer la pression du M23. Joseph Kabila espère créer autour de lui l'union nationale capable d'isoler le M23. Seule condition : que l'opposition accepte de créer l'union sacrée autour du président congolais… ce qui est peu probable.

"Je ne vois pas comment le M23 peut réintégrer l'armée congolaise"

En attendant, le M23 affiche un certain optimisme. Selon Stanislas Baleke, l'un des responsables politiques de la rébellion, "un accord est possible à Kampala, seulement si le gouvernement de Kinshasa est un peu plus responsable". "Le gouvernement doit nous écouter nos revendications légitimes, comme cela a été demandé par les chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la région de Grands lacs (CIRGL)", explique ce membre du M23. Mais pour le moment, le facilitateur ougandais a proposer un texte qui ne semble pas répondre aux exigences de la rébellion. "Ce texte nous demande de mettre à disposition nos troupes et de nous cantonner", note Stanislas Baleke, "et je ne vois pas comment le M23 peut réintégrer l'armée congolaise (FARDC), qui travaille sur le terrain avec les FDLR, qui sont des forces négatives, c'est impossible". Sur le plan militaire, ce responsable politique du M23 estime que les attaques des FARDC de fin mai ne sont qu'un trompe l'oeil. "Ces attaques sont présentées par Kinshasa comme des victoires, mais c'est le M23 qui a gagné en reprenant 3 positions aux FARDC, notamment Mutaho et une partie de Muja".

Clôturer Kampala

Côté gouvernemental, on attend avec impatience l'agenda de la suite des travaux. Le porte-parole, Lambert Mende, campe sur ses positions et souhaite avant tout que le M23 dépose les armes. Sur les revendications politiques du mouvement, il estime que ces points ont déjà été discutés lors du précédent dialogue et que c'est une tactique "pour gagner du temps". Pour François Muamba, le coordonnateur du mécanisme de suivi de l’accord d’Addis-Abeba, "il ne s’agit pas de retourner à Kampala pour faire des discussions interminables. Il serait bon que la médiation nous propose une bonne formule pour clôturer cette affaire". La ligne est donc claire pour Kinshasa : clore les discussions... au plus vite.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © centre des négociations de Kampala

13 juin 2013

RDC : Des militaires impliqués dans le commerce de minerais

Global Witness révèle dans un récent rapport l'implication de militaires de haut rang dans le commerce de minerais dans l'Est de la République démocratique du Congo. Selon l'ONG, les minerais seraient "blanchis" en transitant par le Rwanda et le Burundi, avant d'être exportés vers Dubaï.

Image 3.pngDu Congo à Dubaï, en passant par... le Burundi. Global Witness a pu remonter la filière du commerce de l'or en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG affirme que "les tonnes d’or produites dans l’Est du Congo profitent aux rebelles et à des officiers hauts gradés des armées gouvernementales congolaise et burundaise". L'enquête explique que l’or est blanchi en passant par le secteur aurifère national burundais pour être ensuite exporté vers Dubaï. Aucun contrôle sérieux ne semble être effectué par les acheteurs locaux ou par les négociants internationaux. D'importantes quantités d'or sont donc vendues sur le circuit international, alors qu'elles financent la guerre à l'Est de la RDC.

Pour d'autres minerais, Global Witness affirme que "la plus grande partie de l’étain, du tantale et du tungstène produits dans le Nord et le Sud-Kivu profite aux rebelles et à des membres de l’armée gouvernementale (FARDC)". Là encore, les minerais transitent via le Burundi, mais aussi le Rwanda avant d'être exportés. Au Rwanda, l'ONG explique que "l’étain et le tantale introduits clandestinement sont blanchis à travers le système d’étiquetage national rwandais et exportés en tant que produits rwandais propres". Global Witness rappelle enfin que les populations locales du Nord et du Sud-Kivu sont les premières "à faire les frais d’un long conflit marqué par les meurtres, les pillages, les viols massifs et les déplacements de population".

Global Witness estime que le moment est "crucial" pour le commerce des minerais en République démocratique du Congo. La pression doit donc s'accentuer sur les entreprises internationales du secteur. L'ONG affirme que les sociétés "visées par la Section 1502 de la Loi Dodd Frank (une loi américaine qui cherche à empêcher que le commerce des minerais de la région ne finance le conflit), sont dans leur première année de présentation de rapports et qu'elles sont tenues de publier pour mai 2014 des informations détaillées sur les efforts qu’elles déploient pour contrôler leurs chaînes d’approvisionnement". Et de rappeler aussi que l'Union européenne (UE) doit jouer un rôle majeur dans la réglementation du commerce des minerais. En mars 2013, une concertation publique sur les minerais du conflit, pourrait déboucher sur l’introduction d’une réglementation européenne. Mais le temps presse..

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : A L'Est de la RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

09 juin 2013

RDC : Les exactions continuent contre les Congolais expulsés d'Angola

Depuis plusieurs années, l'Angola procède à des expulsions massives de Congolais installés illégalement sur son territoire. En trois semaines, 52.231 Congolais ont traversé la frontière à Kamonia en RDC. Des expulsions souvent violentes, que dénoncent Médecins du Monde, seule ONG présente sur place et l'ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.

Capture d’écran 2013-06-09 à 21.48.00.pngL'Angola accentue la pression sur les Congolais en situation irrégulière. En avril,  les autorités angolaises leur ont lancé un ultimatum pour quitter le territoire. Mais selon Médecins du Monde (MDM), présent à la frontière, ces "retours", volontaires ou non, se déroulent dans des conditions difficiles. 52.231 personnes ont en effet quitté l'Angola en seulement trois semaines. "Un afflux massif de réfugiés" qui s'effectue souvent dans la violence, selon l'ONG internationale. C'est désormais un scénario connu pour chaque expulsion massive : dépossessions de biens, fouilles poussées, arrestations arbitraires, violences sexuelles… Au banc des accusés : les forces de sécurité angolaises. Médecins du Monde demande d'ailleurs à l'Angola "de respecter ses engagements internationaux, à la communauté internationale de se pencher sur ces violences et aux acteurs humanitaires de se mobiliser".

L'eldorado angolais se termine souvent mal pour les Congolais qui tente l'aventure de l'autre côté de la frontière. Ils sont en effet nombreux à venir chercher "un avenir meilleur en allant travailler dans le secteur minier", explique Médecins du Monde (MDM). "Leur quête se termine souvent par leur exploitation, la violence et la peur. Des milliers d’entre eux sont arrêtés pour être déportés et atterrir dans les cachots situés à la frontière angolaise. Là, ils sont souvent violentés, avant d’être expulsés vers la RDC", s'inquiète l'ONG. Et la situation humanitaire devient critique à la frontière. "D’avril à mai, le nombre de patients a triplé dans nos centres de santé, deux-tiers sont des expulsés", explique Félicité Remadji, responsable du programme de MDM. "et nous avons besoin de renforcer nos capacités".

L'ACAT-France, l'Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, qui suit le dossier congolais, est également préoccupée par la recrudescence des violences chez les expulsés. L'ACAT relaie l'inquiétude de la coordination civile du territoire de Kasongo-Lunda qui affirme que sur 5.000 congolais expulsés, entre le 8 et le 16 mai 2013, "107 femmes et jeunes filles ont été victimes de violences sexuelles". Selon l'hôpital de Kapanga, 48 femmes violées se sont également présentées pour obtenir des soins depuis mai 2013. L'ACAT-France s'étonne de la persistance des exactions à l'encontre des expulsés congolais, alors que "les autorités angolaises s'étaient au contraire engagées auprès des instances des Nations-unies à améliorer les conditions d'expulsion des ressortissants congolais et à enquêter sur les allégations de violences". Ces événements interviennent dans un contexte particulier. Le Conseil des droits de l'homme des Nations-unies examinera prochainement lors de sa 23ième session", le dossier angolais. L'ACAT-France a par ailleurs tenu à alerter Catherine Ashton, la Haute représentante de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères, sur la situation des expulsés congolais.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

07 juin 2013

RDC : Le retour stratégique de Malu-Malu à la CENI

L'Abbé Apollinaire Malu-Malu revient aux affaires. Après avoir présidé l'ancienne CEI entre 2003 et 2011, l'ecclésiaste prend la tête de la nouvelle Commission électorale nationale et indépendante (CENI). En ligne de mire, la réforme d'une institution controversée, l'organisation des élections locales et la présidentielle de 2016 où l'on prête au président Joseph Kabila le souhait de se représenter.

Capture d’écran 2013-06-07 à 22.47.25.pngContre la volonté de l'église congolaise (CENCO)… et du Vatican, l'Abbé Malu-Malu rempile à la présidence de la Commission électorale (CENI). Une fonction qu'il connaît bien pour avoir organisé les premières élections "démocratiques" de 2006 à la tête de la défunte CEI. Qualifié "d'expert" par le clan gouvernemental pour avoir réussi la transition du "1+4" ainsi que le processus électoral de 2006, Apollinaire Malu-Malu revient avec plusieurs missions aux commandes d'une institution clé de la République démocratique du Congo. Fin 2007, il a également été chargé des travaux préparatoires de la Conférence de Goma en vue d'une issue à la guerre du Kivu. Une expérience intéressante pour Joseph Kabila, alors que la guerre a repris à l'Est entre les rebelles du M23 et le gouvernement.

Depuis le départ d'Apollinaire Malu-Malu de la CEI, en 2011, et la nomination du  sulfureux Daniel Ngoy Mulunda, la Commission électorale n'a cessé d'être sous le feu des critiques. Du fichier électoral douteux, en passant par l'enrôlement chaotique des électeurs jusqu'au scrutin calamiteux de novembre 2011, la CENI a été tenue pour responsable des nombreux dysfonctionnements, irrégularités et soupçons de fraudes qui ont pesé sur la dernière présidentielle et législative de 2011. La Commission électorale a surtout souffert d'un manque cruel d'indépendance. L'opposition a accusé l'institution d'être au ordre du président Joseph Kabila et surtout de ne pas être en mesure d'organiser un scrutin impartial correspondant aux normes internationales. Au centre de la polémique : Daniel Ngoy Mulunda réputé très proche du chef de l'Etat. Il fallait donc changer la tête.

Les chantiers de la nouvelle CENI sont colossaux. Le fichier électoral est à revoir et les élections locales, sans cesse reportées, devront bien avoir lieu… un jour. Mais l'opposition prête au nouveau président une autre mission plus officieuse : préparer la prochaine présidentielle de 2016. Normalement le président Joseph Kabila ne devrait pas se représenter après 2 mandats, comme l'exige la Constitution. Mais à Kinshasa, de mauvaises langues affirment que le chef de l'Etat pourrait être tenté par un troisième mandat, après un "toilettage" constitutionnel comme ce fut déjà le cas début 2011 pour faire passer l'élection présidentielle de 2 tours à 1 seul tour… à quelques mois seulement du scrutin. L'ouverture prochaine d'un possible "dialogue national inter-congolais" pourrait d'ailleurs préparer le terrain au clan présidentiel pour trouver de nouveaux alliés pour 2016. La désignation de l'Abbé Malu-Malu à la présidence de la CENI constitue donc une nomination hautement stratégique… une question de survie politique pour le président Kabila.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Composition de la nouvelle CENI : Président: Abbé Apollinaire Malumalu, V/Prés.: André Mpungwe, Rapp.: Jean-Pierre Kalamba, Rapp/adjt.: Onésime Kukatula, Questeur: Chantal Ngoyi Quest/adjt.: Micheline Bie Bongenge, Membres: Keta Lokondjo, Bangala basila, Elodie Tamuzinda, Gustave Omba, Jean Baptiste Ndundu, ;aputu Ngombo, Augustin Ngangwele.

06 juin 2013

RDC : Une Brigade "offensive"... mais pas trop

La Brigade d'intervention attaquera-t-elle le M23 ? Non "si les rebelles reprennent les négociations à Kampala", affirme le porte-parole de la Monusco, Penangini Touré. Hasard ou coïncidence, le M23 vient d'annoncer hier, le retour de sa délégation aux pourparlers de paix pour le dimanche 9 juin.

Image 5.pngOn pensait la nouvelle Brigade d'intervention de l'ONU prête à en découdre avec les groupes armés qui sévissent à l'Est de la République démocratique du Congo, mais un communiqué de la Monusco tempère les ardeurs guerrières de cette nouvelle Brigade. Selon Penangini Touré, porte- parole civile de la Mission de l'ONU pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO), "si les rebelles du M23 retournent effectivement à Kampala pour continuer les négociations, la Brigade d'intervention de l'ONU n'ira pas les attaquer là où ils sont". Une dépêche de l'agence de presse chinoise Xinha, rapporte même ces propos étonnants : "s'ils restent cantonnés là où ils se trouvent et ne dérangent personne, je ne vois pas pourquoi la Brigade d'intervention ou la force de la Monusco chercherait à les déloger". En clair, si les groupes armés restent sur leur zone, sans s'en prendre à la population civile, la Brigade n'aura aucune action offensive. L'arrivée de cette Brigade "gèlerait" donc la situation sécuritaire en l'état... sans chercher à "imposer la paix", comme le déclarait le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, lors de sa visite à Goma.

Opportunément, les rebelles du M23 ont annoncé quasiment au même moment, le retour de leur délégation aux négociations de paix de Kampala avec le gouvernement congolais. Une reprise des pourparlers qui empêcherait donc toute action armée de la fameuse Brigade, si 'on en croit Penangini Touré. Une déclaration qui peut étonner au moment où l'ONU annonce qu'un tiers de la Brigade est déjà positionné à Goma. Au total, elle comptera un peu plus de 3.000 soldats, venant d'Afrique du Sud, du Malawi et de Tanzanie. Certains casques bleus patrouillent déjà dans Goma avec des membres de la Monusco, pour reconnaître le terrain.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud

05 juin 2013

RDC : Une leader femme pygmée ministre au Sud-Kivu

Remaniement au sein du gouvernement provincial du Sud-Kivu. Le gouverneur Marcellin Chisambo, vient de nommer 3 nouveaux ministres. Au poste de l'environnement et de l'agriculture vient d'être nommée Adolphine Byaywuwa Muley. A 42 ans, cette activiste engagée dirige depuis 13 ans une organisation pour l’émancipation des femmes pygmées et twa (UEFA) au Sud-Kivu. Kris Berwouts, analyste indépendant sur la région des Grands Lacs nous en dresse le portrait.

Image 1.pngLe 5 juin 2013, le gouverneur, Marcellin Chisambo, a annoncé un remaniement du  gouvernement de la province congolaise du Sud-Kivu. Il y a un peu plus d'un mois, trois ministres avaient perdu la confiance de l’Assemblée provinciale. Un des nouveaux ministres est  Adolphine Byaywuwa Muley, 42 ans. Le gouverneur lui a confié le ministère de l’environnement et de l'agriculture. Adolphine Muley dirige depuis 2000 une organisation locale pour l’émancipation des femmes pygmées et twa : l’Union pour l’émancipation de la femme autochtone (UEFA). Particularité d'Adolphine Muley : elle est née à Bunyakiri, dans le nord de la province, et est originaire d’une famille dont les racines se trouvent partiellement dans la communauté twa.

Défendre les forêts congolaises

UEFA travaillait initialement dans les domaines humanitaires et dans le développement  mais ’association a rapidement démarré des activités de plaidoyer. D’abord dans le cadre de la lutte contre des violences faites aux femmes, et plus tard aussi sur la problématique d’une exploitation équilibrée et transparente des forêts congolaises. La forêt joue un rôle décisif dans la  survie quotidienne et dans le maintien de la culture pygmée.

En tant que secrétaire-générale d’UEFA, Adolphine Muley a occupé plusieurs mandats dans des plates-formes nationales d’organisations pygmées en RDC et dans des forums de consultations entre le gouvernement et la société civile sur les thèmes de l’environnement, des problématiques forestières et du climat. Au niveau international, elle a participé à des nombreuses rencontres des peuples autochtones aux quatre coins du globe. Ces dernières années, elle est également devenu de plus en plus active dans le plaidoyer international sur le changement climatique.

Le choix de la politique

En 2006, elle a décidé d’entrer dans l’arène politique. Elle a participé aux élections provinciales comme candidate indépendante. Malgré son score élevé (plus de 9.000 voix), elle n’était pas élu.   Le système électoral favorisait essentiellement les candidats qui se présentaient sur les listes des partis politiques. Il était donc très difficile pour un candidat indépendant de se faire élire. 

Pour augmenter ses possibilités à se faire entendre dans le débat politique, elle a décidé en 2009 de se préparer pour le scrutin de 2011 comme membre d’une famille politique. Après consultation avec la communauté de Bunyakiri et ses chefs coutumiers, elle a décidé de joindre le parti du président Joseph Kabila, le PPRD. Elle s’est présentée comme candidate aux élections chaotiques et contestées de  novembre 2011, mais elle n’a pas été élue. Elle est aujourd'hui récompensée pour
son expertise et son engagement avec ces responsabilités ministérielles au Sud-Kivu

"Démocratie d’en bas"

Depuis plusieurs années, les organisations de la société civile congolaise plaident pour la consolidation de qu'elle appelle "la démocratie d’en bas", à travers la décentralisation et l’organisation des élections locales. Les élections locales, prévues dans le calendrier électorale de 2006, n’ont jamais été organisées, ce qui a réduit l’architecture institutionnelle de la démocratie au Congo à une infrastructure avec un toit.. mais sans mur. Ce qui, comme chaque architecte le confirmera, n’est pas une construction solide. Seules des élections libres et transparentes au niveau local peuvent fournir ces murs. La gouvernance participative peut restaurer la crédibilité de l’Etat et contribuer à un renouvèlement du paysage politique s’il s’agit d’un processus mené "du bas vers le haut".

Il est difficile de prédire de quelle espace Adolphine Muley bénéficiera pour établir sa propre politique et réaliser son propre impact. Coopter des militants de la base dans le gouvernement en soi ne réalise pas le rêve de la "démocratie d’en bas". Au point où nous sommes, c'est sans doute un bon début. Mais seulement si des élections locales crédibles suivront comme prévues.

Kris BERWOUTS

Kris Berwouts est analyste et spécialiste de la région des Grands Lacs. Il a travaillé pendant 25 ans pour des ONG belges et internationales œuvrant sur la construction de la paix, la réconciliation, la sécurité et les processus démocratiques. Jusqu’en 2012, il était directeur du réseau des ONG européennes pour le plaidoyer sur l’Afrique centrale, EurAc. Depuis un an, il travaille comme expert indépendant sur cette même région.

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03 juin 2013

RDC : Une agence d'information contre la "désinformation"

La presse est-elle partiale dans le conflit qui oppose les rebelles du M23 au gouvernement congolais dans l'Est de la RDC ? Oui, selon Michel Sitbon qui vient de créer à Paris l'"Agence d'information" (AI), une agence de presse destinée à lutter contre  "les fausses informations" qui circulent sur la guerre du Kivu.

Photo Michel Sibon 2.jpgDans le conflit des Kivus, "la presse ne remplie pas ses fonctions". C'est le sentiment de Michel Sitbon, éditeur et auteur, notamment, de "Rwanda, 6 avril 1994, un attentat français ?". "Les problèmes de cette région sont souvent complexes et parfois mal expliqués", explique-t-il. Avec le journaliste spécialisé Luigi Elongui, Michel Sitbon a donc décidé de créer une agence de presse pour lutter contre ce qu'il considère comme de la désinformation.

Au point de départ de cette initiative : la création par les Nations-unies d'une Brigade d'intervention spéciale, avec un mandat offensif, pour lutter contre les groupes armés en RDC. Une résolution "historique", selon Michel Sitbon, dont les médias internationaux n'ont visiblement pas mesuré les conséquences. "La résolution 2098 créée un précédent unique dans l'histoire : l'ONU instaure désormais une sorte de gouvernement mondial en pouvant intervenir militairement n'importe où dans le monde", dénonce-t-il. Autre anomalie pour Michel Sitbon : "seul le M23 est nommément cité dans la résolution, alors qu'il y a une quarantaine de groupes armés à l'Est du Congo".

Le M23 est-il maltraité par les média occidentaux ? C'est en creux la seconde question que semble poser Michel Sitbon. Il y répond également par l'affirmative. Selon lui, on assiste à la "technique de l'accusation en miroir". "A chaque accusation de viols attribuée à l'armée régulière congolaise (FARDC)", explique-t-il, "on accuse immédiatement le M23 des mêmes crimes... en en rajoutant même un peu plus !". Autre exemple : le bombardement du camp de réfugiés de Mugunga, le 21 mai dernier. Rapidement, une journaliste allemande, Simone Schlindswein du Tageszeitung, relaie les propos d'un casque bleu qui lui explique que le tirs viennent des positions du M23. L'information fait le tour du monde. Pour Michel Sitbon, il s'agit de désinformation pure : "le M23 n'avait d'abord aucune raison de bombarder ce camp et en plus, les positions des rebelles se trouvaient à 50 km du camp... hors de portée des canons du M23". "Le pire", dénonce Michel Sitbon, "c'est que cette information a été reprise et validée par la Monusco". Ecoutez ses explications :

La mission de l'"Agence d'information" (AI), le nom de cette nouvelle structure sera de vérifier les informations en provenance de l'Est de la RDC en faisant du fact checking. Mais aussi en produisant des dépêches à destination des journalistes spécialisés. Autre fonction de l'Agence : reprendre les nombreux rapports internationaux (ONG, ONU... ) sur la région et y dénoncer "les informations mensongères". L'Agence sera basée à Paris, avec un correspondant dans la région des Grands Lacs à la mi-juillet (date de l'entrée en fonction opérationnelle de la Brigade) et un autre à New-York auprès des Nations-unies.

On l'aura compris, l'"Agence d'information" affiche clairement ses positions : contre l'intervention de la Brigade de l'ONU, contre la désignation du seul M23 et du Rwanda comme responsables de la guerre aux Kivus. Luigi Elongui assume pleinement l'engagement de l'Agence. "On n'y échappera pas, mais nous ferons un travail sérieux et professionnel", conclut-il. Nous suivrons avec attention les premiers pas de cette agence, espérant que cette structure ne tombe pas dans la dénonciation systématique et partisane, qui domine allègrement sur internet dans le conflit dans les Kivus et ne rajoute pas de la désinformation à la désinformation... ce serait un comble.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

MISE AU POINT : Après la publication de cet article nous avons reçu plusieurs précisions concernant le bombardement du camp de Mugunga. Tout d'abord venant de la journaliste Mélanie Gouby qui travaille depuis longtemps à Goma pour Reuters, AFP, AP ou Le Figaro. Mélanie Gouby note que les positions du M23 ne se trouvaient pas à 50 km du camp comme l'affirme Michel Sitbon, mais "à moins de 15 km" et donc "parfaitement atteignables avec le genre d'armes que possèdent les rebelles". Et de préciser : "Ndosho et Mugunga se trouvent juste derrière les positions des FARDC. Bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé". La journaliste affirme ensuite avoir vérifié l'information auprès du M23. Avant de conclure que "l'information ne se vérifie pas de Paris, mais sur place". Un autre internaute travaillant dans les camps de déplacés de Goma, nous a également fait part de ses doutes sur la version de Michel Sitbon. Selon lui, "les positions du M23 se trouvent à Kibati et Buvira", soit à 10 km des camps. Ce témoin confirme que "le M23 a répondu aux tirs des FARDC qui tiraient de derriere les camps vers la ligne de front". Dont acte.

Michel Sitbon nous a également adressé ce commentaire. Voici son texte : "Je découvre ces commentaires et dois d'abord m'excuser auprès des correspondantes sur place, Mélanie Gouby qui aura pris la peine de s'adresser à moi par l'entremise de ce site, et Simone Schlindwein, à qui j'avais pu faire allusion sans la nommer, puisqu'elle était, ainsi que c'est confirmé là, avec Mélanie Gouby donc, à la source de cette information diffusée mondialement suivant laquelle le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».

Rappelons que cette information s'est inscrite dans une séquence de temps où l'information précédente était qu’après six mois de trêve, les forces génocidaires (FDLR) et l'armée congolaise (FARDC) se confrontaient au M23, dans une bataille qui aura duré trois jours. Le fait que le M23, principale cible désignée de l’opération onusienne qui s’engage, soit attaqué, pour commencer, par un adversaire aussi clairement identifié comme criminel que les FDLR aurait mérité d’être relevé.

L’appui massif de l’armée « loyaliste » congolaise, dont ces FDLR bénéficient, pose également problème. On sait aussi que nombre de ces génocidaires se sont incorporés depuis longtemps dans les FARDC qui se trouvaient là, naturellement pourrait-on dire, en soutien des FDLR, leur parti. Or, ces FARDC bénéficient aussi du soutien de l’ONU, et la nouvelle brigade d’intervention entend bien agir en appui des FARDC, l’armée officielle de l’Etat congolais.

C’est au milieu de cette bataille, alors que ces divers sujets de préoccupation étaient escamotés, qu’on apprendra que le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».

Cette information ne pouvait que surprendre tant ce n’est certainement pas l’objet du M23 que de bombarder des camps de réfugiés, une population, pour l’essentiel rwandophone, dont il se sent plutôt solidaire. Remercions Mélanie Gouby de reconnaître elle-même ici que « bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé ».

Simone Schlindwein aussi confirme dans un tweet que si ces tirs provenaient du M23 cela serait « accidentellement » qu'ils auraient atteint les camps de réfugiés faisant un mort et seize blessés. Elle précise que le caractère accidentel de tels tirs est confirmé par l'ONU.

Entretemps était diffusée l'information suivant laquelle ces tirs ne pouvaient être attribués au M23, son artillerie se trouvant à 50km de là, et n'aurait d'aucune façon pu atteindre Goma ou le camp de réfugiés de Mugunga. Mélanie Gouby objecte ici que rien n’interdit que de tels tirs soient partis des lignes avancées du M23 à « moins de quinze kilomètres » de Goma.

On sait toutefois que l'hypothèse a été avancée que de tels tirs  aient pu être effectués à partir d'hélicoptères des FARDC. En effet, tout le monde convient que cela ne correspondait pas à ce qu'on sait de l'action du M23, et que donc, même s'il en était à l'origine cela ne pourrait avoir été intentionnel. Les officiers de la Monusco qui imputent ces tirs au M23 confirment d'ailleurs que celui-ci ne visait pas les civils « délibérément ».

Sans être dans un salon, mais à distance en effet, on pourrait s'accorder sur le caractère crédible de cette assertion apparemment non partisane, puisqu’elle dédouane le M23 de toute intention criminelle. La question se pose néanmoins de savoir si la Monusco ne préfère pas attribuer ces tirs à une erreur du M23 – un tir intentionnel étant manifestement invraisemblable – plutôt qu'aux FARDC auxquelles elle est associée.

Nous n'avions évoqué cette question lors de la de présentation de notre agence d'information qu’en tant qu’exemple de comment l'information mondiale peut être biaisée dès lors qu'il est question du M23. Ainsi, nous aurons bien reçu le message que le M23 « bombardait les camps de réfugiés », répercuté par toutes les agences de presse et l'ensemble des médias qui l'auront repris. Or, tout le monde convient qu'au pire il se serait agi d'un « tir mal calculé », selon la formule de Mélanie Gouby.

A l'heure où l'ONU mobilise pour la première fois de son histoire une force militaire offensive dirigée explicitement contre ce M23, il serait bon que les informations le concernant gagnent en précision, et qu'on en finisse avec la propagande qui coule à robinet ouvert depuis des mois. On aimerait que les correspondants sur place, par exemple, ne diffusent pas des informations de façon systématiquement orientée, tendant à diaboliser le M23 au-delà de toute mesure.

Quant au rectificatif aussitôt publié par Christophe Rigaud d’Afrikarabia, il est à craindre qu’il ajoute à la confusion. D’une part, quoiqu’il en soit des faits, on ne peut que s’accorder à dénoncer l’affirmation reprise par l’ensemble des média, suivant laquelle le M23 « bombardait » aussi bien la ville de Goma qu’un camp de réfugiés, puisque toutes les sources de cette information admettent elles-mêmes que loin de l’action agressive que constitue un « bombardement », il se serait agi, selon elles, d’erreurs de tir.

Aussi superficielle qu’ait pu être notre intervention, elle était donc, en tout état de cause, largement fondée à critiquer un effet de diabolisation du M23, alors même que celui-ci était aux prises avec les forces génocidaires, un fait autrement plus signifiant qu’une « erreur de tir ».

De telles distorsions de l’information sont particulièrement pernicieuses au moment où se constitue une brigade offensive de l’ONU chargée d’intervenir sur le terrain a priori pour désarmer des « forces négatives ». Encore faudrait-il que celles-ci soient correctement identifiées.

Quant à l’affirmation de Mélanie Gouby selon laquelle le M23 aurait reconnu avoir commis ces tirs, on aimerait bien en connaître la source, car il se trouve qu’au contraire celui-ci l’a constamment démenti.

Cette polémique aura eu au moins la vertu de nous inciter à en savoir plus, et, de ce que l’on peut savoir des faits, il semblerait que nous ne nous soyons en fait pas tant égarés.

Selon nos sources sur le terrain, les troupes du M23 qui se sont battues à Mutaho et à Kibati contre les FARDC ne disposaient pas du genre de roquettes qui sont tombées à proximité du camp de Mugunga, qui se trouve à une douzaine de kilomètres du théâtre des affrontements. Ces armes se trouvaient dans le camp militaire du M23 de Rumangabo, situé, lui, à 50 kilomètres de Mugunga.

Les soldats du M23 qui ont été attaqués le 20 mai à Mutaho par les FDLR, puis par les FARDC, n'avaient aucune raison de se promener avec des armes de ce calibre en période de trêve de facto.

Par contre, les hélicoptères M25 des FARDC, qui ont essayé de contourner les positions du M23, se sont pour cela trouvés en face de Mugunga et auraient pu atteindre le camp.

Quant à Mélanie Gouby, si nous acceptons volontiers sa recommandation de prudence, qu’elle nous permette de lui en suggérer autant. Unique correspondante de la presse parisienne sur place, elle n’est pas pour rien dans le flux d’informations déversées depuis des mois au sujet du M23. Ce travail sera parvenu à provoquer rien de moins que l’engagement d’un certain nombre de personnalités, en tête desquelles Jacques Chirac et Valérie Trierwieler, dans une pétition dont les énoncés à l’emporte-pièce n’honoraient certes pas ses signataires.

C’est d’ailleurs ce qui aura suscité notre engagement personnel dans ce dossier : que d’aussi éminentes figures puissent ainsi s’égarer à dire n’importe quoi nous aura semblé particulièrement alarmant.

On peut même relever que c’est dans le mouvement de cette pétition, qui se plaignait de l’inefficacité des forces onusiennes, qu’aura été prise la résolution 2098, décidant de la création d’une brigade offensive pour la première fois dans l’histoire de cette organisation internationale.

C’est précisément pour éviter qu’un tel engagement se fasse en dépit du bon sens que nous aurons constitué l’Agence d’information, du fait du déficit d’informations sérieuses sur ce conflit, tel que même les habitants de la région sont souvent aussi désorientés que peuvent l’être les personnalités pétitionnaires ou le Conseil de sécurité lui-même".

Photo : Michel Sitbon et Luigi Elongui à Paris le 31 mai 2013 © Ch. Rigaud

02 juin 2013

RDC : Une ONG demande l'arrestation d'un policier à Likasi

L'Association africaine de défense des droits de l'homme (ASADHO) appelle l'auditeur de la garnison de Likasi à arrêter un commandant de police du commissariat de Kikula (Katanga). L'ONG accuse ce policier de viol sur une étudiante en droit détenue dans son commissariat.

Afrikarabia logo V2.pngDans un communiqué, l'ASADHO affirme qu'une étudiante en droit de l'université de Lubumbashi, arrêtée et détenue dans un cachot du commissariat de Kikula, du 16 au 23 mai 2013, aurait été violée à plusieures reprises par le commandant Alain Basele.

L'ONG rapporte qu'après avoir porté plainte contre le commandant du commissariat, l'auditeur de la garnison a refusé d'ouvrir une instruction. L'ASADHO dénonce également l'attitude du maire de Likasi, qui se serait opposé à l'arrestation du commandant Basele "au motif que la victime aurait déposé sa plainte sous l’instigation d'une organisation de défense des droits de l’homme, alors qu’elle n’avait pas la volonté de le faire". L'ONG congolaise rappelle que de nombreux auteurs de violences sexuelles jouissent de "l'impunité des autorités politiques, judiciaires ou de la Police Nationale Congolaise". L'ASADHO souhaite que le commandant Basele soit rapidement entendu par l'auditeur de la garnison de Likasi et demande au maire de la ville de s'bstenir de toute "obstruction aux actions de la justice".

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

MISE AU POINT : A la suite de cet article, le maire de Likasi nous a communiqué un démenti formel de toute "obstruction aux actions de la justice" et précise que le dossier du capitaine Basele est bien en cours d'instruction par le 1er Substitut de l'Auditeur, le Major Oscar Matonge. Le maire de Likasi précise également que "la porte de son bureau reste ouverte à toute personne cherchant à obtenir les informations exactes sur une situation prévalant au sein de la ville". L'intégralité du droit de réponse du miare de Likasi est accessible ici.