14 janvier 2012
RDC : Les experts américains jettent l'éponge ?
La mission d'experts internationaux chargée d'apporter une aide technique à la Commission électorale (CENI) de République démocratique du Congo (RDC) a-t-elle quitté le pays ? C'est ce qu'affirme le site Congo Forum depuis ce matin. Ces experts électoraux auraient arrêté leur mission "faute d'avoir accès aux données". Pour l'instant, cette information n'est pas confirmée par Kinshasa.Dans un très court article, le site internet Congo Forum affirme "de source généralement bien informée" que "les experts US en affaires électorales des organisations NDI et IFES ont arrêté leur mission et quitté la République Démocratique du Congo". Pour Congo Forum, les experts "n'ont pas eu accès aux données, qui en sont plus disponibles" et ont donc décidé "qu'ils n’avaient plus de raisons de rester". Ils auraient quitté la RDC le 13 janvier 2012. Cette information n'a pas été confirmée par les autorités congolaises.
Depuis le 5 janvier, un petit groupe d'experts électoraux internationaux de deux ONG américaines(NDI et IFES) sont en RDC pour tenter d'apporter une aide technique à la CENI. Une "aide" qui intervenait après les nombreuses critiques sur le manque de transparence et de crédibilité du processus de compilation des résultats dans de nombreuses circonscriptions du pays. L'opposition congolaise accuse en effet le président Joseph Kabila de fraudes massives.
Prévue le vendredi 13 janvier, l'annonce des résultats des élections législatives congolaises a été reportée de 7 jours pour l'ensemble des 165 circonscriptions des provinces congolaises et de 14 jours pour la ville de Kinshasa.
MISE A JOUR : Lundi 16 janvier, on nous confirme que les experts de NDI ont en effet quitté Kinshasa. Par contre, ceux de IFES continuent leur travail auprès de la CENI.
Christophe RIGAUD
20:42 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (16)
12 janvier 2012
RDC : L'église catholique conteste les élections
Un mois après la réélection contestée de Joseph Kabila, l'église catholique entre dans le débat post-électoral en fustigeant l'action de la Commission électorale congolaise (CENI). L'église catholique, qui avait déployé 30.000 observateurs pendant le scrutin, demande à la CENI de "de corriger impérativement les graves erreurs" ou de "démissionner".Les irrégularités et les soupçons de fraudes massives des élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RDC) continuent de faire débat. Après les rapports des missions d'observation électorales du Centre Carter ou de l'Union européenne (tous très critiques sur la crédibilité du scrutin), c'est au tour de l'église catholique de donner son avis sur le déroulement des élections. Et le constat est sévère.
Dans son rapport, la Conférence épiscopale nationale (CENCO) estime que la Commission électorale (CENI), "doit avoir le courage de se remettre en question et de corriger impérativement les graves erreurs qui ont entamé la confiance de la population en cette institution… sinon de démissionner". Un message on ne peut plus clair. La CENCO note que "le processus électoral s'est déroulé dans un climat chaotique" avec de nombreuses "défaillances" et "des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées", ainsi qu'un "climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes". L'église catholique note également que "la compilation des résultats des élections législatives est inacceptable"… "une honte pour notre pays".
Le rapport de l'église catholique congolaise sur ces élections controversées était très attendu, pour deux raisons. Tout d'abord, par le poids de l'église catholique qui représente entre 60 et 70% de la population congolaise… une influence très forte. Deuxième raison : le nombre important de ces observateurs le jour du scrutin. L'église catholique avait en effet dépêché plus de 30.000 observateurs dans les 64.000 bureaux de vote de RDC. Il s'agit de la mission la plus importante et la plus présente sur le terrain… ce qui lui donne une certaine valeur.
Réputé proche de l'opposition, le cardinal Laurent Monsengwo avait déjà fustigé le bilan de la CENI en déclarant que "les résultats de l’élection présidentielle en RDC ne sont conformes ni à la vérité ni à la justice". Le rapport de la Conférence épiscopale nationale ne vient confirmer cette déclaration.
Le candidat malheureux et opposant au président Kabila, Etienne Thsisekedi, qui s'est autoproclamé "président élu de la RDC", compte sur une mobilisation populaire pour faire plier Joseph Kabila. L'église catholique vient, par ce rapport, de lui apporter un soutien implicite. Pas sûr que seulement soit suffisant à faire descendre les Congolais dans la rue.
Pendant ce temps, la CENI a annoncé un rapport de l'annonce des résultats des législatives, prévu le 13 janvier. Les résultats seront donnés "aux comptes gouttes", dans une semaine "environ".
Christophe RIGAUD
Pour lire l'intégralité du rapport de la CENCO, cliquez ici.
Photo (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
23:17 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (30)
Rwanda : L'expertise Trévidic met KO les négationnistes
Me Lev Forster et Me Bernard Maingain : comme avocats des accusés dans l’affaire de l’attentat contre Habyarimana, nous ne disons pas "on a gagné", mais "la vérité a gagné". Mercredi 11 janvier 2012, les deux avocats ont organisé une conférence de presse pour commenter le rapport d’expertise commandé par les juges d’instruction Marc Trévidic et Nathalie Poux sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana. Comme on le sait depuis peu, ce rapport signé de sept experts écarte l’hypothèse d’un tir depuis la colline Masaka où aurait pu – très difficilement - s’infiltrer un commando du Front patriotique, pour pointer le camp militaire Kanombe, qui hébergeait le bataillon paracommando des Forces armées rwandaises ainsi que des éléments de la Garde présidentielle. Nous publions ci-dessous les principales déclarations des deux avocats.
Me Lef FORSTER : « Ma pensée va avant tout aux victimes. Lorsque nous sommes sortis de la notification du rapport d'expertise, j'étais extrêmement ému car je savais avec certitude que pour beaucoup de familles des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, cet acte judiciaire sonnait comme une réhabilitation ».
« Ces victimes ont douloureusement subi la thèse révisionniste selon laquelle, si les Tutsi du Rwanda ont été exterminés en 1994, c'était à la suite d'un cynique calcul du Front patriotique pour s'emparer du pouvoir par le biais d’un commando infiltré à Masaka. Cette thèse qui prétend faire des Tutsis les artisans de leur propre génocide se croit accablante, elle est indigne. Les rescapés du génocide et leurs familles ont subi pendant dix-sept ans cette infamie propagée par des « assassins de la mémoire », pour reprendre l’expression du regretté Pierre Vidal-Naquet.
« Il s'agit d'un processus négationniste hélas classique qui se met en place pour justifier chaque génocide. Pour le génocide des Arméniens de Turquie, on a déjà invoqué leur prétendue "trahison nationale". Pour le génocide des juifs, on avait ressorti la « conspiration des Sages de Sion ». Et pour le génocide des Tutsi, dont que les vrais responsables seraient les Tutsi, le commando infiltré à Masaka.
« Cette thèse qui prétend faire des Tutsis les artisans de leur propre génocide est une infamie »
« L’attentat du 6 avril 1994 n’est pas la cause du génocide. Ce dernier était préparé depuis longtemps, peut-être depuis 1990 ou 1991. L’attentat a servi de prétexte à la liquidation de l’élite hutue démocrate et au génocide des Tutsis. En criant sur tous les toits que l’attentat était forcément la preuve de la duplicité des Tutsis, que « Paul Kagame a sacrifié les Tutsis » par la voie de l’attentat, les négationnistes ont défini leur enjeu : Masaka. L’expertise commandée par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux leur revient comme un boomerang.
« Ce sont les négationnistes eux-mêmes qui ont fait de l’attentat « sur ordre de Kagame » contre l’avion de Habyarimana le fondement de leur idéologie. Après le rapport d'expertise, il est plus clair que jamais que le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 avait été programmé, que l’attentat contre l’avion présidentiel était la première phase d’un coup d'État pour que les accords de paix d’Arusha ne soient pas appliqués. Ce génocide a été déclenché sur tout le territoire du Rwanda de façon simultanée juste après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana. Mais le génocide contre les Tutsi est bien réel, indépendamment de l’instruction. L’expertise ne sert pas à dire s’il y a eu génocide ou pas. Je me permet d’insister sur ce point, car j’ai constaté une certaine confusion ici où là…
« les négationnistes ont défini leur enjeu : Masaka. L’expertise commandée par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux leur revient comme un boomerang. »
« Les assassinats commis par la garde présidentielle dans les heures qui ont suivi l'attentat contre les leaders hutus démocrates et les Tutsis visaient à démanteler toute capacité de redressement institutionnel. Le Rwanda devait présenter l’image de l’anarchie en raison d’une « colère populaire spontanée », alors que cette « anarchie » était soigneusement encadrée. Le génocide des Tutsis n’a rien eu de spontané. Le juge Bruguière, à l’évidence, ne l’a pas compris.
« Nous avons été confrontés à une instruction étrange, elle même initiée par une plainte intervenue très tardivement : trois ans après l'attentat et le génocide.
On s'aperçoit dès le départ que la démarche du juge d'instruction n'est absolument pas contradictoire. Dans l'enquête sur l'attentat contre le Boeing d'UTA, Bruguière s’était présenté comme un magistrat courageux, n’hésitant pas à s'approcher de la Libye sur un navire militaire. Il n'a pas fait preuve du même courage concernant l'enquête sur l'attentat du 6 avril 1994 puisqu'il a toujours refusé de se rendre au Rwanda, prétendant que sa vie était menacée. Il aurait pu demander à des experts d’enquêter sur le terrain sans y aller lui-même. Il ne l’a pas fait non plus. Il n’a pas jugé utile une enquête balistique. Il n'a pas essayé de comprendre les conditions matérielles de cet attentat.
« Le génocide des Tutsis n’a rien eu de spontané. Le juge Bruguière, à l’évidence, ne l’a pas compris »
« On a aussi vu que des écrivains ou journalistes chargés de populariser cette enquête univoque n'ont pas davantage eu le souci de mettre les pieds au Rwanda. Certains livres défendant la même thèse que Bruguière n’avaient d’autre but que la stigmatisation des Tutsis et du gouvernement actuel du Rwanda. Je ne peux pas me départir d'une certaine ironie devant ces gens qui prétendent que les Tutsis sont par nature des menteurs et que les Hutus le sont « par imprégnation » : lorsqu'on voit tous les mensonges qui ont été déversés dans l'enquête Bruguière, les manipulations les plus grossières….
« Je tiens à rendre hommage aux juges d’instruction qui ont repris le dossier Bruguière. Philippe Coirre qui a rejoint le juge Marc Trévidic, le juge Trévidic lui-même, naturellement et Nathalie Poux qui s'est jointe à lui par la suite. Lorsque nous avons sommes intervenus pour la défense des accusés, M. Trévidic avait au départ une analyse très négative du dossier. Ce dossier représentait environ 20 000 pages de procédure et le juge qui avait remplacé Jean-Louis Bruguière se trouvait à trois semaines de clôturer l'instruction. Or il a accepté de remettre à plat l’enquête.
« Je tiens à rendre hommage aux juges d’instruction qui ont repris le dossier Bruguière »
« C'est ainsi que depuis trois ans l'instruction judiciaire s'est faite sous le signe du professionnalisme, sans la moindre concession, avec une enquête à charge et à décharge, avec la vérification de toutes les déclarations antérieures, et notamment leur crédibilité. Par ailleurs nous avions demandé au juge de se rendre sur le terrain car les cartes d'état-major ne peuvent pas rendre compte de la complexité du paysage. Le juge Trévidic a décidé qu'il se rendrait au Rwanda avec des personnes susceptibles de réaliser une expertise technique et scientifique, alors que le juge Bruguière ne se basait que sur des témoignages non vérifiés.
« Le juge Trévidic a voulu mettre les témoignages en relation avec des observations techniques et scientifiques. Il a mené des investigations totalement indépendantes pour examiner dans quelles conditions l'avion avait été abattu, par quel type de missile, à la suite de quels trajets précis de l'avion et vérifié, sur cette base, ce que les témoins pouvaient réellement voir entendre. L'expertise devrait également déterminer le lieu des postes de tir.
« Le juge Bruguière ne se basait que sur des témoignages non vérifiés »
« Au total, 56 types de missiles ont été étudiés et progressivement écartés les uns après les autres compte tenu de l'analyse du terrain et d'autres paramètres scientifiques. Finalement, il est apparu que le Falcon 50 du président Habyarimana a été abattu par un missile SA 16 de fabrication soviétique. Cette conclusion a été tirée de l'analyse des experts et des possibilités de tir
« Il faut signaler que les sept experts sont issus de cabinets différents. Ils confrontaient continuellement leurs analyses. Le rapport qu’ils ont rendu a été rédigé à l’unanimité, ce qui est rare ».
« Ils ont examiné quelles pouvaient être les positions de tir. Six positions ont été étudiées compte tenu de la trajectoire retenue des missiles. Deux position dans la vallée de Masaka, trois positions dans le camp de Kanombe et enfin une position qui se serait située entre les deux précédentes au lieu-dit « la porcherie ».
« Les sept experts sont issus de cabinets différents. Leur rapport a été rédigé à l’unanimité, ce qui est rare »
« En définitive, les experts ont écarté la possibilité que le tir ait été effectué à Masaka pour des raisons techniques et scientifiques.
- Il était impossible de tirer un missile depuis Masaka compte tenu de l'endroit où l'avion a été atteint.
- Il a été tenu le plus grand compte des témoignages de deux militaires européens qui se trouvaient dans le camp Kanombe et ont entendu le souffle du départ des missiles. Les militaires sont toujours très attentifs au souffle des projectiles car selon leurs observations, ils doivent ou non se protéger. Leur familiarité avec les différents types de missiles ou d'armes lourdes leur permet aussi d'évaluer la distance par rapport au bruit du souffle.
« Compte tenu de ces éléments et les témoignages de militaires belges et français, les deux endroits retenus comme postes de tir se situent à l'intérieur du camp militaire de Kanombe, l'un dans le cimetière, une autre dans un lieu proche du cimetière.
« Deux militaires européens dans le camp Kanombe ont entendu le souffle du départ des missiles »
« Si les experts avaient déterminé la vallée de Masaka et où la colline de Masaka comme l'endroit d'où provenaient les tirs, cela ne m'aurait pas gêné car le Front patriotique ne pouvait pas davantage y introduire un commando et surtout pas lui permettre de s'exfiltrer en toute sécurité après l'attentat. La chose apparaît impossible. Déjà pour se rendre à Masaka, dans la banlieue de Kigali, à dix kilomètres du bâtiment du CND où était cantonné le bataillon du FPR, il fallait franchir 7 barrages de militaires. Aussitôt après l'attentat, le nombre des barrages a été encore multiplié. L'exfiltration du commando aurait été impossible.
« En outre à l'époque de l'attentat, la vallée était occupée par un champ de papyrus. Beaucoup de gens l'ignorent à commencer par le juge Bruguière, mais un champ de papyrus, ça veut dire un mètre d'eau au dessus d’une épaisseur de vase. On imagine mal trois hommes dans l'eau qui leur arrive au moins jusqu'à la taille pendant des heures, à attendre l’avion. Qui plus est, près d'une source où tous les habitants d'un village voisin viennent puiser de l'eau.
« Si les experts avaient déterminé Masaka comme l'endroit d'où provenaient les tirs, cela ne m'aurait pas gêné »
« La thèse que les tireurs étaient positionnés au camp Kanombe est une évidence. Elle est apparue comme telle aux expert, un pilote de Falcon, des experts en missiles, en explosifs et en acoustique, qui se sont mis d'accord et ont cosigné le rapport d'expertise.
« Aujourd’hui que le Rwanda est en paix, le camp Kanombe est protégé et nous-mêmes avons eu du mal à y entrer malgré nos autorisations. Que dire alors de son verrouillage en période de guerre. Un commando du Front patriotique ne pouvait en aucun cas s'infiltrer dans le camp, y rester plusieurs heures et ensuite s'en exfiltrer sans qu’aucun des militaires présents – y compris des Français et des Belges - s'en aperçoive.
« Un commando du Front patriotique ne pouvait en aucun cas s'infiltrer dans le camp Kanombe »
« Au terme de l'opinion unanime des expert et des centaines de pages d'analyse du rapport désignant le camp de Kanombe comme le seul endroit possible pour les tirs sur l'avion, comme avocats des accusés, nous ne disons pas "on a gagné", mais "la vérité a gagné".
« En effet pour les avocats des victimes de l'attentat il me semble devoir rappeler que le seul intérêt est de déterminer qui sont les coupables. Les parties civiles ont été induites en erreur pendant des années. Au terme de ces trois dernières années de vérification, si des témoignages supplémentaires sont apportés émanant de personnes qui ne se seraient jamais signalées pendant les 17 années d'instruction, il faudra parler non pas de scoop mais de nécessité de confronter tout nouveau témoignage à la réalité de l'expertise. Cette expertise est indépassable car elle n'est pas subjective.
« Il me semble que le seul intérêt est de déterminer qui sont les coupables »
« Les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux nous ont donné à tous trois mois pour relire et analyser les centaines de pages du dossier d’expertise, et fournir nos commentaires. Ceci constitue un délai pertinent pour l'ensemble des parties.
Nous pouvons déjà indiquer que nous solliciterons une mesure technique de dissociation concernant nos clients, afin qu'ils puissent bénéficier d'un non-lieu sans que l'instruction s'interrompe
« Nos clients nous demandent de porter plainte pour tentative d'escroquerie au jugement en bande organisée. En effet certaines personnes ont fourni au juge Bruguière des témoignages, de prétendues expertises et des documents dans la seule intention de manipuler l'instruction, d'orienter le dossier dans une mauvaise direction, dans le seul but de favoriser la déstabilisation du régime rwandais et de stigmatiser les victimes par une thèse abjecte qui en ferait les responsables de leur propre génocide.
« Nos clients nous demandent de porter plainte pour tentative d'escroquerie au jugement en bande organisée »
« La thèse soutenue par le juge Bruguière est devenue progressivement la base de l'idéologie négationniste du génocide des Tutsis. Je dois ici remercier le site « lemonde.fr » qui m'a permis de m'exprimer sur les problèmes soulevés par l'extension de la loi sanctionnant le négationnisme.
En 1996 j’étais un des avocats des Arméniens contre le négationniste Lewis. J'estime que le législateur n'a pas à choisir parmi les génocides ceux qui seraient reconnus comme tels et donc parmi les négationnistes, ceux à sanctionner ou pas. Dans le même temps, faut-il laisser toutes les proclamations négationnistes continuer de se répandre ?
« Faut-il laisser toutes les proclamations négationnistes continuer de se répandre ? »
« Un crime ou un délit doit être jugé par un tribunal et non par le Parlement. Tout négationnisme devait être sanctionné, telle est à mon avis la bonne approche plutôt qu’un empilement de lois « mémorielles ».
« Bernard Maingain a consacré des années de sa vie à la cause des victimes et non pas à la cause d'un régime. Je tiens à lui rendre hommage.
(fin de l’intervention de Me Lef FORSTER)
Me Bernard MAINGAIN : - C'est une chouette défense qu'on a faite à deux, en parfaite harmonie, alors que le monde du Barreau est riche de conflit de narcissisme.
« Dans ce dossier, ce qui est en train de se produire, c'est le retour de deux vertus :
- le respect. Nous aimons croire à des magistrats sans concession. Nous avons croisé ces magistrats sans concession. Ils ont accepté de faire droit à nos demandes calmement et efficacement. C'est le retour du respect des avocats, des uns et des autres. Dans la région des Grands Lacs cette justice exemplaire mérite d'être connue.
- deuxièmement, c'est le retour sur le discours de la méthode avec l'acceptation de reprendre un dossier qui est en cours.
« Dans ce dossier, ce qui est en train de se produire, c'est le retour du respect »
« Prenons le cas du livre du « lieutenant » Abdul Ruzibiza préfacé par Mme Catherine Vidal et postfacé par M. André Guichaoua, qui entend démontrer qu’un commando du FPR infiltré à Masaka a abattu l’avion du président Habyarimana. Un bouquin soi-disant accablant. Mais Ruzibiza, ce prétendu participant à l'attentat contre l'avion, n'apporte dans son gros livre aucune précision factuelle sur la façon dont il aurait agi.
« Dans un dossier sur un événement aussi grave, un attentat qui a été le déclencheur d’un génocide, n'importe quel juge d'instruction aurait pris des mesures de bon sens : d'une part, demander au témoin Ruzibiza de rester à sa disposition, éventuellement le mettre en garde à vue ; d'autre part, se rendre sur le terrain et demander au témoin de commenter sur place les éléments d'information qu'il prétend apporter. Ca s’appelle une reconstitution. Or cette mesure n'a jamais été mise en œuvre ni même, semble-t-il, envisagée.
« Prenons le cas du livre d’Abdul Ruzibiza préfacé par Mme Catherine Vidal et postfacé par M. André Guichaoua… »
« Bien au contraire, lorsque le témoin Ruzibiza intervient, il bénéficie d’égards surprenants. L'enquêteur principal, un commandant de police, n'hésite pas à organiser un contact du témoin avec les soi-disant experts de l'instruction, M. Guichaoua et Mme Vidal. Quel est le fondement de cette intervention ? Eh bien ces prétendus experts vont servir à crédibiliser scientifiquement le témoignage de M. Ruzibiza. Il faut relire la préface de madame Vidal à son bouquin. C'est un grand moment d'anthropologie scientifique.
« Deuxièmement, le même enquêteur écrit une lettre pour soutenir sa demande du statut de réfugié politique en Norvège. Dans le même document le policier français accuse le gouvernement rwandais de multiples crimes contre l'humanité. Ce policier s'ingère dans la « protection » du témoin en violation des règles de procédure.
« Ces prétendus experts vont servir à crédibiliser scientifiquement le témoignage de M. Ruzibiza »
« Les violations de procédure sont légion Ainsi M. Paul Barril, ex-capitaine de la gendarmerie nationale entre visiblement en contact avec M. Payebien, alors chef de la Division nationale anti-terroriste (DNAT) mais aucun procès-verbal ne rend compte de ces contacts. À un certain moment, M. Barril conseillera de recruter M. Fabien Singaye comme interprète et traducteur dans le cadre du dossier.
« Or M. Singaye est un acteur de la tragédie rwandaise que chacun peut connaître car la presse a déjà parlé d'anomalies le concernant dès 1994. C'est nous, partie civile, qui allons devoir prouver que M. Singaye a été un agent des services de renseignement du président Habyarimana, en poste à Berne. Que ce titulaire d’un passeport diplomatique de deuxième conseiller d’ambassade n’en a pas moins été été expulsé de Suisse à l'été 1994 en raison de ses liens avec le gouvernement du génocide. A l’époque, la presse l’a mentionné. Comment peut-il être introduit parmi l'équipe d'enquêteurs du juge Bruguière ?
« M. Singaye est un acteur de la tragédie rwandaise. Comment peut-il être introduit parmi les enquêteurs de Bruguière ? »
« On peut s'interroger sur le fait que la famille Habyarima, partie civile connaît parfaitement M. Fabien Singaye qui a été à son service. Pourtant, les parties civiles n'en disent pas un mot au juge Bruguière. Les avocats des parties civiles ne pouvaient pas davantage ignorer le passé de M. Singaye. Pourquoi les personnes connaissant M. Singaye comme partie prenante dans le harcèlement des Tutsis réfugiés en Europe avant le génocide, puis son rôle dans l’exfiltration d’un des acteurs présumés du génocide, M. Félicien Kabuga, acceptent qu’il devienne interprète-traducteur assermenté et expert de justice de M. Bruguière ?
« C'est nous, avocats des accusés, qui devront déposer chez le magistrat la preuve de la proximité totale entre Jean-Luc Habyarimana, le fils du président assassiné, et M. Fabien Singaye. Il y a entre eux une proximité familiale, mais également une proximité affairiste. M. Singaye devient ensuite conseiller du président centrafricain Bozize et consultant du groupe AREVA. Comment est-il possible que l'enquête n'ait pas révélé avant notre intervention le passé de ce monsieur et comment les avocats des parties civiles soucieux de déontologie n’ont-ils pas posé directement la question au magistrat instructeur ?
« Nous avons la preuve de la proximité totale entre Jean-Luc Habyarimana, le fils du président assassiné, et M. Fabien Singaye »
« On a utilisé pour l'enquête un individu particulièrement controversé et sa présence ne pouvait manquer de poser à terme d'énormes problèmes de procédure. Pourtant la famille Habyarimana savait tout cela. Ses avocats savaient tout cela et ils n'ont rien fait. Mais l'intrusion de M. Singaye dans la procédure n'est qu'une des nombreuses et très graves anomalies qui l’ont entachée.
« Le cas de M. Filip Reyntjens comme « expert » de Bruguière est également significatif. J'ai découvert que M. Filip Reyntjens était considéré comme un des experts principaux du juge Bruguière et qu'à ce titre il a même échangé des mails et des SMS avec le chef enquêteur, M. Pierre Payebien. Pourquoi ces mails et ces courriels ne figurent-ils pas dans l'enquête ? Comment peut-on accepter qu’aucun procès-verbal n'en fournisse le contenu ? C’est le B.A.-ba des règles de l'instruction. Il n'est pas acceptable que M. Filip Reyntjens et M. Payebien puissent échanger des informations hors procès-verbal. Cette intrusion et d’autres renforcent le sentiment qu'il y a là un univers parallèle qui fonctionne hors dossier et un dossier « officiel » qui se construit de façon très bizarre. Le capitaine Barril, Fabien Singaye et Jean-Luc Habyarimana constituent un trio qui a profondément orienté l'instruction.
« Le cas de M. Filip Reyntjens comme « expert » de Bruguière est également significatif »
« Comment le juge Bruguière et son équipe ont-ils négligé de vérifier le passé et les intérêts de M. Filip Reyntjens au Rwanda ? Comment pouvaient-ils ignorer que M. Filip Reyntjens a participé à l'élaboration de la Constitution qui a avalisé le système d’apartheid au Rwanda durant la période du régime Habyarimana ?
« Mais M. Reyntjens a eu aussi des comportements que j'estime parfaitement inacceptables en Belgique dans le traitement de la guerre civile au Rwanda. En 1992, avec un autre avocat, nous avions organisé à Bruxelles l'accueil d'une délégation d'opposants politiques au président Habyarimana et de militants du Front patriotique. Ca se passait au palais de justice pour de raisons de confidentialité.
« Or nous avons la preuve que M. Filip Reyntjens a démarché deux des participants pour leur faire rencontrer le président Habyarimana pendant la période 1992-1994. Les réunions que nous avions organisé pouvant favoriser le processus de paix au Rwanda exigeaient que soient respectée la confidentialité des propos échangés. Elles étaient couvertes par le secret professionnel. Le fait d'en extraire des témoins et de les mettre entre les mains de M. Habyarimana et ses amis a été une initiative extrêmement choquante. Dois-je rappeler que la plupart des participants à cette rencontre ont été assassinés pendant les premiers jours du génocide ? Est-ce que M. Reyntjens est bien conscient du rôle qu'il a joué ?
« Est-ce que M. Reyntjens est bien conscient du rôle qu'il a joué ? »
« M. Filip Reyntjens a transmis au juge Bruguière un document où M. Bagosora, par l’intermédiaire de son avocat, prétendait identifier les tubes lance-missiles déposés dans la vallée de Masaka à titre de « preuve ». Qui ignore que le colonel Théoneste Bagosora est considéré comme l’architecte du génocide ? Etait-ce le rôle d'un expert d’accréditer cette manipulation ?
« De même nous ne connaissons toujours pas le rôle exact de M. Guichaoua -, qui se répand depuis des années dans les médias pour affirmer que le FPR est l’auteur de l’attentat - et de Mme Vidal. Pas plus que le rôle du capitaine Barril.
« Nous ne connaissons toujours pas le rôle exact de M. Guichaoua, de Mme Vidal ni du capitaine Barril »
« Nous ne savons pas qui a tiré les missiles contre l'avion Falcon 50 du président Habyarimana. Compte tenu du lieu du tir, dans le camp Kanombe, le temps d'acquisition de la cible était extrêmement court. Il fallait que les tireurs de missiles soient très expérimentés.
« Les dernières investigations menées notamment en Pologne ont permis de comprendre qu'il faut au moins cent heures d'entraînement aux tireurs de missiles SA 16 Igla 1 pour être capables de la "performance" réalisée le 6 avril 1994 à Kigali. Cette capacité n'était pas celle du premier venu.
« Selon les constatations des experts, il a fallu, bien avant l'attentat, un repérage très précis de tout le secteur entre Masaka et Kanombe pour déterminer les postes de tirs les plus pertinents. Selon les experts, il aurait été plus facile d'abattre l'avion depuis la colline de Masaka qu’à Kanombe dont la topographie contraignait à un temps d'acquisition de la cible plus court. Il y a donc des raisons de penser qu'avant même l'attentat les conspirateurs avaient décidé d'en faire porter la responsabilité au Front patriotique et de désigner faussement la colline de Masaka comme la zone crédible de départ des missiles. C'est dans ce dessein que les deux tubes lance-missiles y ont été déposées et soi-disant découverts par hasard par des paysans.
« Il y a des raisons de penser qu'avant même l'attentat les conspirateurs avaient décidé d'en faire porter la responsabilité au Front patriotique »
« Sur cette question des missiles, nous constatons que l’enfumage complet de ce dossier vient de l'ex-capitaine Paul Barril et de ses amis, et qu’il est protégé de l’instruction. On voit l’ex-capitaine Barril dans la région des Grands Lacs autour du 6 avril. Des témoins l’aperçoivent le 4 avril à l'aéroport de Kigali mais ensuite on perd sa trace. Il se présente comme le conseiller de Mme Habyarimana.
« À aucun moment lors de ses trois interrogatoires par l'équipe Bruguière on ne lui demande où il se trouvait le 6 avril au soir. Au mois de juin 1994 il présente aux médias français une fausse boîte noire et prétend posséder 80 témoignages vidéo en insinuant que le Front patriotique est l'auteur de l'attentat. Mais personne ne verra par la suite ces soi-disant témoignages vidéo.
« L’enfumage complet de ce dossier vient de l'ex-capitaine Paul Barril et de ses amis »
« L’enfumage se poursuit sans discontinuer avec la prétendue boîte noire trouvée dans un placard de l'ONU à New York en 2004. Au cours des investigations il apparaîtra que cette boite noire est celle d'un avion Concorde d'Air France. Sa « présence » à New York vise à accréditer un prétendu complot pour cacher la responsabilité du Front patriotique dans l'attentat. Naturellement, il y a des questions à se poser. Comment cette boite noire a-t-elle été « récupérée » dans un hangar de la société Air France à Roissy ? Comment est-elle arrivée à New York ? Or le juge Bruguière choisit de ne pas engager d’investigations.
« Autre question : que deviennent les deux tubes lance-missiles dont on brandira les photographies pour assurer qu'ils incriminent le Front patriotique. On nous raconte qu'ils ont été envoyés au Congo à la demande de Mobutu, dont le capitaine Barril est également le consultant en sécurité. Ils auraient été remis à des généraux congolais et curieusement ces pièces à conviction disparaissent dans les profondeurs du Congo sans que M. Bruguière s’en étonne.
« Que deviennent les deux tubes lance-missiles dont on brandira les photographies ? »
« Est-ce que M. Barril a fait l'objet d'une mise sous écoute téléphonique ? Jamais. A-t-il été mis sous surveillance ? À aucun moment. A-t-il été soumis à contrôle judiciaire ? Pas le moins du monde. A-t-on perquisitionné son domicile, sa société ou ses ordinateurs ? Non plus. Il a été entendu comme un simple témoin.
« Nous pensons qu’un ancien capitaine gendarme du GIGN de la carrure de M. Barril, disposant de preuves si évidentes, aurait eu la présence d'esprit de confier ces pièces à conviction – qu’il dit à un moment avoir eu en main – à des services secrets ou des diplomates de pays occidentaux aptes à protéger les tubes lance-missiles et faire en sorte qu'ils soient confiés à des enquêteurs indépendants. Qu’a retenu M. Barril de sa carrière de gendarme ?
« Qu’a retenu M. Barril de sa carrière de gendarme ? »
« Il faudra un jour avoir une explication sur l’enfumage de l'affaire Ruzibza. Voici un homme qui a été transféré en France par les soins des attachés militaires et les services de renseignement français basés à Kampala et Dar-es-Salaam. Ruzibiza était à cette époque très proche du mouvement des FDLR, les restes des anciennes Forces armées rwandaises transformées en mouvement rebelle et qui ont mis en coupe réglée l'est du Congo.
« On attend aussi des explications sur les témoignages de Messieurs Marara et Musoni soi-disant participants à la préparation de l'attentat. Nous avons apporté la preuve que M. Marara a été recruté par l'Armée patriotique rwandaise au mois de mai 1994 et qu'il a été considéré comme opérationnel à la fin de l'année 1994. Bien après l’attentat auquel il prétend avoir participé ! Quant à M. Musoni, lorsque le juge Trévidic demande à le réentendre, il refuse et déclare "j'ai rendu assez de services à la France". J'aimerais qu’il s’explique sur ceux qui se sont présentés à lui comme « la France ». Que les faux témoins s’expliquent vraiment !
« Que les faux témoins s’expliquent ! »
« Tous ces gens ont glosé sur le supposé mystérieux « Network commando » du FPR qui aurait organisé l’attentat depuis Masaka. Mais je ne vois qu’un mystérieux « network » : celui qui en France a enfumé le dossier Bruguière. J’en profite pour dire ici à ceux qui pensent qu'on peut jouer avec la justice : vous me trouverez sur votre route. Et j’adressee un message particulier à M. Péan qui se dit le spécialiste de « la culture du mensonge des Tutsis » sans s'être jamais rendu au Rwanda. Le top de la culture du mensonge, je ne l'ai pas trouvé à Kigali mais ici à Paris. Le top de la manipulation judiciaire, je l'ai également trouvé à Paris.
« J’ adresse un message particulier à M. Péan qui se dit le spécialiste de "la culture du mensonge des Tutsis" »
« Pour ma part, j'estime que la justice a droit au respect. J’espère que tous ceux qui ont participé à la manipulation de l'enquête Bruguière payeront un jour le prix judiciaire de leur action. À cet effet, je voudrais adresser un message à tout témoin qui surgirait dix-sept ans après les faits alors qu'il ne se serait jamais fait connaître auparavant : son témoignage devra s'inscrire dans la logique du dossier et de l’expertise judiciaire. Pendant dix-sept ans on nous a seriné que les auteurs de l'attentat se trouvaient à Masaka. On nous a détaillé un prétendu "Network commando" et présenté de prétendus témoins qui ont fourni six ou sept versions avec des participants différents de ce « network ».
« Nous défendons sept personnes accusées de faits précis. Nous constatons qu'il a été démontré que ces faits précis n’existent pas. À notre demande les juges d'instruction Marc Trévidic et Nathalie Poux se sont rendus à Kigali. Ils ont demandé des expertises. Nous en avons parlé à nos clients. Il faut imaginer la confiance de nos clients de s'en remettre à une énième expertise après l'accumulation de faux témoignages, de manipulation de prétendus experts depuis tant d'années auprès du juge Bruguière et de ses enquêteurs. Nos clients ont cependant accepté cette nouvelle expertise.
« J’espère que tous ceux qui ont participé à la manipulation de l'enquête Bruguière payeront un jour »
« J'ajoute que les services de renseignement belge avaient enquêté de façon approfondie dans les semaines qui ont suivi l'attentat à du 6 avril 1994. Cette enquête était motivée par le fait que les extrémistes hutus, dès l'attentat, en ont accusé les Belges. Dix para commandos belges ont été assassinés au camp Kigali par des soldats surexcités à qui on avait prétendu que ces Belges avaient participé à l'attentat contre le président Habyarimana. Les témoignages sont abondants.
« Cette désinformation sur l'attentat a d'abord occasionné la mort de dix jeunes Belges et je pense aujourd'hui à leur familles qui attendent aussi la vérité sur l'attentat. Le « rapport » Bruguière était quelque part une insulte à la mémoire de ces gens. Si l'on relit le document qui s'appelle "soit communiqué" qui résumait l'instruction du juge Bruguière et qui a été diffusé à partir de 2006, il n'est nulle part mentionné que les para commandos belges, assassinés sur la foi de rumeurs les désignant comme complices de l'attentat, n'y étaient pour rien. Il faut comprendre que ces dix para commandos ont été sacrifiés délibérément par les extrémistes hutus dans le cadre d'une savante desinformation sur les auteurs de l'attentat qui n'a pas été improvisée après l'attentat, mais en quelque sorte scénarisée beaucoup plus tôt.
« Cette désinformation sur l'attentat a d'abord occasionné la mort de dix jeunes Belges »
« Depuis des mois, comme l'ont démontré différents documents, les extrémistes hutus voulaient provoquer le départ du contingent belge des casques bleus. Par ailleurs la désignation de la colline ou de la vallée de Masaka comme lieu des postes de tir d'un commando infiltré de l'Armée patriotique rwandaise n'était pas le fait du hasard.
« Comme les experts des juges Trévidic et Poux l'ont constaté, le choix de la colline ou de la vallée de Masaka pour abattre l'avion était le meilleur possible et sans doute ceux qui préparaient l'attentat l'avait-t-il identifié comme tel. Mais l'endroit était très fréquenté et il leur était impossible de dissimuler les postes de tir durant des heures, d'où l’option du camp Kanombe.
« Il est donc logique de déduire que, bien avant l'attentat lui-même, les conjurés avaient décidé d'organiser une très subtile manoeuvre de désinformation qui désignerait la vallée de Masaka comme l'origine des tirs et de prétendre que le Front patriotique il y avait infiltré un commando. Or l'impact du missile a été très clairement repéré au niveau de l'aile gauche du Falcon 50, à côté du réservoir. C'est le côté gauche de l'avion qui a été brûlé par l'impact, ce qui permet aux experts de déterminer également l'endroit d'où a été tiré le missile.
« Le choix de Masaka pour abattre l'avion était le meilleur possible »
« L'enquête de l'auditorat militaire belge a clairement incriminé les extrémistes hutus dans la perpétration de l'attentat. Les services de renseignement américain avaient conclu de même que les missiles étaient partis du camp Kanombe. Le rapport de la commission Mutsinzi, après l’audition de centaines de témoins, a également conclu que les missiles venaient du camp Kanombe. Les experts de l'Académie militaire de Londres ont conclu que les tireurs de missiles se trouvaient au camp Kanombe.
« Je rappelle ces différents éléments pour que chacun prenne la dimension des manipulations du dossier Bruguière et de la souffrance des familles belges également meurtries et blessées par des accusations dont on mesure enfin l'inanité.
« Chacun doit prendre la dimension des manipulations du dossier Bruguière »
« Les experts ont retenu l'hypothèse que les missiles tirés étaient d'origine soviétique compte-tenu de nombreux éléments. Ils ont identifié ces missiles comme des SA 16 IGLA 1. Ils ont établi que le premier missile a manqué son objectif - sans doute parce que le tireur n'était pas suffisamment expérimenté - mais que le deuxième missile a atteint sa cible. Nous ignorons d'où venaient ces missiles. À cette époque, il y en avait beaucoup qui transitait par la Pologne ou la Tchécoslovaquie. Je rappelle que dans le dossier de l'Angola, qui date aussi de 1994 on a identifié certains des protagonistes des trafics de missiles.
« Les experts désignés par le juge d'instruction se sont rendus en Pologne pour vérifier comment fonctionnait ce type de missile. C'est alors qu'on leur a démontré qu'il fallait des heures d'entraînement pour les mettre en oeuvre et qu'on ne peut absolument pas s'improviser tireur de ce type de missiles.
« Dans le dossier de l'Angola de 1994 on a identifié certains des protagonistes de trafics de missiles »
« J'entends déjà de nouvelles tentatives de désinformation pour brouiller le message de l'expertise auprès de l'opinion publique. Pendant dix-sept ans, personne n'a contesté que si les missiles étaient partis du camp Kanombe, ils n'auraient pu être tirés que par des extrémistes hutus, des membres de l'Akazu ou leurs stipendiés.
« Et voilà qu'aujourd'hui, pour la première fois, certains reviennent sur cette évidence pour prétendre que si les missiles ont été tirés depuis le camp qui abritait les paracommandos et des éléments de la garde présidentielle, c'est qu'un commando du Front patriotique s'y serait installé tranquillement pour abattre l'avion du président et ensuite disparaître dans la nature.
Cette nouvelle théorie abracadabrante ne démontre qu’une seule chose : la détermination de certains à continuer d’enfumer le dossier, plutôt qu’à identifier les véritables auteurs de l’attentat qui a servi de déclencheur au génocide.
(fin de l’intervention de Me Bernard MAINGAIN)
Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER pour AFRIKARABIA. Photo (c) Tous droits réservés.
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10 janvier 2012
Attentat Habyarimana : Les expertises innocentent le Front patriotique (FPR)
C’est un tsunami judiciaire qui a emporté mardi après-midi l’enquête menée par le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière sur l’attentat ayant visé l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. Du monstrueux empilement de témoignages à charge qui avait abouti en 2006 à neuf mandats d’arrêt contre les hauts gradés de l’Armée patriotique rwandaise, il ne reste pratiquement rien debout.
Les expertises balistiques et phoniques commandées par ses successeurs les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux démontrent que les deux missiles qui ont abattu l'avion le 6 avril 1994 vers 20 h 30 n’ont pu être tirés par un commando du Front patriotique infiltré sur la colline de Masaka. Les tireurs se trouvaient au camp Kanombe sévèrement contrôlé par les Forces armées rwandaises. Ce camp était sous le contrôle du major Aloïs Ndabakuze, chef des parachutistes commandos de l'armée rwandaise, condamné en première instance par le Tribunal pénal international à la prison à vie pour son rôle crucial dans le génocide.
Sous le contrôle du major Aloïs Ndabakuze
Les experts ont porté une grande attention aux témoignages du commandant français Grégoire de Saint-Quentin et au médecin-colonel belge Massimo Pasuch, qui habitaient le camp Kanombe et ont entendu le départ des missiles non loin (voir Afrikarabia)
Les experts estiment aussi que les tireurs étaient très expérimentés, relançant l’hypothèse de l’intervention de spécialistes étrangers des missiles, qu’il s’agisse d’agents secrets ou de mercenaires.
Des agents secrets ou des mercenaires
En avril 2010, les juges antiterroristes Marc Trévidic et Nathalie Poux avaient désigné cinq experts, géomètre, balistique, explosifs et incendie, rejoints plus tard par un acousticien, pour déterminer les lieux possibles des tirs ayant abattu l'avion présidentiel, considéré comme l'acte déclencheur du génocide rwandais.
Vingt mois plus tard et après un déplacement au Rwanda en septembre 2010 pour essayer de reconstituer les conditions de l'attentat, juges et experts dévoilaient mardi après-midi leurs conclusions aux parties concernées par l'enquête. Une vidéo en 3D réalisée sous le contrôle des experts a également été montrée. Elle synthétise les éléments confirmés par les spécialistes en balistique et en propagation des sons.
Une vidéo en 3D explicite
La connaissance du lieu de tir des missiles, déterminante pour identifier les tireurs, désigne clairement des éléments extrémistes des Forces armées rwandaises, comme Afrikarabia le laissait entendre ces derniers jours.
L'enquête du juge Jean-Louis Bruguière avait pourtant désigné en 2006 un commando du Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion majoritairement tutsie dirigée en 1994 par l'actuel président Paul Kagame. L’émission des neufs mandats d’arrêt internationaux avait provoqué la rupture par Kigali des relations diplomatiques avec la France. Il aura fallu beaucoup de patience à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, et beaucoup de détermination au président Nicolas Sarkozy, en butte aux critiques d’irréductibles hauts-gradés français qui poursuivent une guerre médiatique contre Kagame, pour les rétablir.
L’aveuglement du juge Bruguière
Selon le juge Bruguière, les hommes du FPR se seraient infiltrés depuis le parlement rwandais à travers le dispositif des Forces armées rwandaises (FAR, loyalistes) sur la colline de Massaka, qui surplombe l'aéroport à l'est de la piste. De prétendus membres du commando ont accrédité cette thèse avant de se rétracter.
A l'inverse, un rapport d'enquête rwandais (dit « Rapport Mutsinzi »), fondé sur près de 600 témoignages, a documenté la piste de tirs partis depuis le camp militaire de Kanombe, importante base des FAR, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est, où il est "impossible d'imaginer" que le FPR ait pu s'infiltrer.
Les faux témoins du juge antiterroriste
La thèse rwandaise, devenue aujourd’hui la thèse Trévidic, impute la responsabilité de l'attentat aux extrémistes hutus des FAR, qui auraient voulu se débarrasser du président Habyarimana, jugé trop modéré, pour faciliter un coup d'Etat.
Aux experts, les juges français avaient demandé de reconstituer la trajectoire du Falcon 50 présidentiel, d'évaluer sa position au moment où il a été touché, de déterminer le type de missile utilisé, mais également les modes opératoires possibles, et de confronter le tout avec les témoignages et données topographiques.
Ces experts ont définitivement démontré que les tirs ne pouvaient partir que du camp des Forces armées rwandaises dit « camp Kanombe ».
Habyarimana liquidé par les extrémistes de son camp
« Nous attendons maintenant qu’un non-lieu soit prononcé en faveur de nos clients », ont déclaré les avocats des mis en examen, Mes Bernard Maingain et Léon-Lef Forster, en quittant le cabinet du juge Marc Trévidic, ajoutant que « la mise en cause du FPR est dorénavant inimaginable".
Du côté des parties civiles, l'avocat de la veuve du président rwandais Agathe Habyarimana, Me Philippe Meilhac, a manifesté un certain embarras. Selon lui, il n’est pas imaginable que les FAR aient disposé de spécialistes des missiles du niveau requis.
L’embarras de l’avocat d’Agathe Habyarimana
Maîtres Léon-Lef Forster et Bernard Maingain, avocats de sept Rwandais toujours mis en examen organiseront une conférence de presse ce mercredi à Paris. Ils reviendront sur les conclusions des experts mandatés par les deux magistrats français, et comptent exposer les nombreuses manipulations et irrégularités qui ont entaché cette information judiciaire pendant la décennie où celle-ci était conduite par le juge Jean-Louis Bruguière.
Le gouvernement rwandais a salué hier le rapport des experts mandatés par les juges français Marc Trévidic et Nathalie Poux. Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement a déclaré : « Les résultats présentés aujourd'hui constituent la confirmation de la position tenue de longue date par le Rwanda sur les circonstances qui entourent les événements du mois d’avril 1994. Grâce à la vérité scientifique ainsi établie, les juges Trévidic et Poux ferment avec éclat le chapitre de ces 17 années de campagne visant à nier le génocide et à faire porter aux victimes la responsabilité de leur sort. Pour tout le monde, il est désormais établi que l’attentat contre l’avion faisait partie d’un coup d’état mené par des éléments extrémistes hutu assistés de leurs conseillers, qui détenaient le contrôle du camp militaire de Kanombe ».
Satisfaction à Kigali
Louise Mushikiwabo a ajouté : « Pour le peuple du Rwanda, le rapport d'aujourd'hui résulte d'une enquête de grande qualité, requise par des magistrats français aux références irréprochables et réalisée par des experts de renommée internationale. Il rend justice à ceux qui ont été faussement accusés d’avoir abattu l’avion, mettant une fin définitive aux mensonges et aux théories du complot qui ont, trop longtemps, essayé de détourner l’attention du monde loin des auteurs véritables des crimes abominables perpétrés au Rwanda pendant le génocide.
La Ministre Mushikiwabo a conclu par ces mots : « Les Rwandais saluent ces conclusions qui apportent un meilleur éclairage sur un chapitre vital de l’histoire de notre pays. Sans fléchir ni nous laisser distraire, nous poursuivons la tâche capitale de reconstruction du pays pour les générations à venir ».
Lire également sur le sujet : Attentat Habyarimana, le florilège de "l'enquête" Bruguière.
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Attentat Habyarimana : Le florilège de « l’enquête » Bruguière
Depuis sa saisine en 1998 jusqu’à son remplacement par le juge Marc Trévidic en 2007, le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière a mené une instruction entièrement à charge pour démontrer la responsabilité du Front Patriotique dans l’attentat du 6 avril 1994 à Kigali. L’Ordonnance qu’il diffusait ou laissait diffuser en 2006 constituait une réécriture de l’histoire du Rwanda pour rendre le mouvement rebelle, majoritairement tutsi, responsable du génocide des Tutsis dont l’attentat a été le déclencheur.
A présent que les expertises réduisent à néant cette thèse, il n’est pas inutile de rassembler un florilège des citations les plus significatives du dossier Bruguière…
« Des témoignages enregistrés, il ressort que cet acte meurtrier a été l'oeuvre de rebelles du « Front patriotique rwandais» (FPR ) placé sous l'autorité de M. Paul Kagamé, chef d'état-major de l'armée ougandaise » 15 septembre 1999, note au juge Bruguière de l’inspecteur général Marion, chef de la division nationale antiterroriste.
« Sans posséder d'informations précises et de témoignages, je suis cependant en mesure de dire que cet attentat ne peut être que l'oeuvre du FPR. » Le 26 octobre 1998, interrogatoire de Faustin Twagiramungu par le juge Bruguière
« C'est le FPR infiltré qui nous a tiré dessus » Catherine Mukamusoni, sœur d’Agathe Habyarimana, lettre de plainte le 5 juillet 1994.
« La conviction de Robert Debré rendant le Front patriotique rwandais responsable de l'attentat s'était forgée à la lecture des télégrammes du Quai d'Orsay, des notes de service français (surtout !) et des journaux de l'époque » (cote 65 du dossier Bruguière et lors de son audition devant la « Mission Quilès » le 2 juin 1998 (procès-verbal numéro 144/16))
« La responsabilité du FPR , sans être prouvée, est beaucoup plus vraisemblable (que celle des proches du président Habyarimana ». Note de l'ambassadeur de France au Rwanda Jean-Michel Marlaud, rédigée à Paris le 25 avril 1994
« L'hypothèse d'un attentat organisé par des extrémistes hutu de l'entourage du président Habyarimana qui auraient voulu donner un coup d'arrêt au processus de paix ne semble pas tenir à l'analyse ». Citation d’une « Fiche en possession du ministère de la Défense tendant à démontrer que le FPR avec la complicité de l'Ouganda est responsable de l'attentat ». Direction du Renseignement Militaire français, avril 1994 (document vraisemblablement rédigé par le colonel Bernard Cussac).
« Je récuse totalement que cet attentat ait pu être l'oeuvre des FAR ou de l'entourage du président ou des extrémistes hutus » Audition le 14 juin 2000 de Bernard Cussac, attaché de défense et chef de la mission militaire de coopération au Rwanda de juillet 1991 à avril 1994
« La procureur du TPIR ou tout autre organe désigné par le Conseil de sécurité de l'ONU, doit mener une enquête sur l'assassinat du président Habyarimana et sur la responsabilité du FPR, pour mettre fin aux spéculations inacceptables » Lettre des détenus du TPIR au secrétaire général des Nations unies au sujet de l'enquête sur l'assassinat du président Habyarimana.
« J’exclue toute éventualité d'un coup d'Etat de la part du mouvement hutu extrémiste » Résumé par commissaire principal Philippe Frizon, chef de la division nationale antiterroriste par intérim, de la déposition d'Aloys Ntabakuze le 7 juillet 2000.
« Le responsable sur le terrain des deux postes de tir de missile était ce soir-là le sous-lieutenant Joseph Kayumba, chargé de la section missiles au Front patriotique rwandais ». Déposition en prison d’Hassan Ngeze (directeur du journal extrémiste Kangura, condamné par le TPIR, résumée par le commissaire principal Philippe Frizon, 7 juillet 2000.
« Le lendemain de l'attentat le 7 avril 1994, il avait eu entre midi et 14 heures, un message émanant du Front patriotique rwandais capté à Gisenyi par les Forces armées rwandaises dans lequel Paul Kagamé « félicitait les gens qui avaient réussi le coup de l'attentat contre l'avion présidentiel avec l'apport de leurs amis belges ». Théoneste Bagosora, directeur de cabinet du ministre de la Défense en 1994, déposition résumée par le commissaire principal Philippe Frizon, 7 juillet 2000.
« Le FPR avait mis en place une cellule autonome chargée d'abattre Habyarimana. (...) c'est tout ce que je suis en mesure de vous dire en affirmant la sincérité des informations que j'ai obtenues auprès de Messieurs Seth Sendashonga et Claude Dusaidi. Je cite volontairement mes sources aujourd'hui, car ils sont décédés tous deux ». 4 août 2000, déposition de Stephen Smith, responsable de l'Afrique au quotidien Libération.
« En tout cas, Kagamé et son entourage étaient très fiers de l'avoir descendu ». Paul Barril, interrogé par l’équipe Bruguière le 20 juin 2000
« (Mon) enquête, sur place, de même qu'une centaine de témoignages recueillis au Rwanda, dans plusieurs pays d'Afrique de l'Est et en Europe, fait ressortir, en l'absence de preuves matérielles, comme la plus plausible des différentes hypothèses, une monstrueuse présomption que le Front patriotique rwandais, le mouvement représentant les Tutsi minoritaires du Rwanda, ait pu commettre l'acte entraînant le génocide de ses partisans. » Stephen Smith, Libération, 29 juillet 1994.
« Les missiles utilisés pour l'attentat avaient été transportés à Kigali par Kagamé et l'opération en question était dirigée par le colonel Charles Kayonga, lequel était accompagné de Rosa Kabuye, laquelle était chargée de l'installation des membres du commando ». Christophe Hakizabera, interrogé sur commission rogatoire en Italie à la suite de son rapport « l'ONU dans l'étau des lobbies du FPR » Note envoyée par fax à la Direction nationale antiterroriste le 26 juin 2000
« Si l'on pense que l'attentat ait pu être l'oeuvre des extrémistes, il ne faut pas oublier que le chef de ceux-ci Elie Sagatwa se trouvait dans l'avion présidentiel » Déposition d’Alphonse Higaniro, ami du président Habyarimana devant le commissaire Payebien le 5 octobre 2000.
« Les sources ont toutes confirmé que le network, sous le commandement du général Paul Kagamé avait planifié et exécuté l'attentat à la roquette contre le président Habyarimana.». Dépositions de Michael Hourigan, ancien chargé d’enquête au TPIR.
« Ma conviction personnelle est que le FPR avait très bien préparé son coup. Une infiltration, même de jour, à partir du CND dans la plaine de Masaka était tout à fait réalisable par une équipe aguerrie. » Audition le 22 juin 2001 du colonel Jean-Jacques Maurin, adjoint à l'Attaché défense et adjoint opérationnel conseiller du chef d'état-major de l'armée rwandaise du 24 avril 1992 jusqu'au 14 avril 1994.
« J'avais été chargé de la sécurité extérieure d'une salle de réunion du quartier général de l'APR à Mulindi (...)., j'ai distinctement vu et entendu le colonel Nyamwasa Kayumba prononcer cette phrase : « Qu'il n'y avait pas d'autre façon de faire que de tirer sur son avion » faisant explicitement référence à l'avion du président Habyarimana. » Évariste Mussoni, ex soldat du FPR, interrogatoire par Jean-Louis Bruguière le 29 août 2001.
« J'ai été amené à être le témoin de trois réunions au cours desquelles il a été envisagé puis arrêté la décision d'assassiner le président Juvénal Habyarimana ». Innocent Marana, dit avoir été le chauffeur personnel de Paul Kagamé interrogatoire par Jean-Louis Bruguière le 29 août 2001
« J'ai entendu Paul Kagamé dire à James Kabarebe d'expliquer aux officiers présents le plan retenu pour assassiner le président Habyarimana. James Kabarebe a détaillé qu'il avait déjà sélectionné des hommes de confiance de son unité pour commettre l'attentat. Je n'ai pas entendu clairement en détail ce qui a été dit mais j'ai saisi le mot "missile" ». Déposition d’Innocent Marara réentendu par le lieutenant de police Frédéric Piwowarczyk, le 3 septembre 2002.
« J'ai vu le colonel Nyamwasa Kayumba prendre la parole et dire "qu'il n'y a pas d'autre façon de faire que de tirer sur son avion". C'est la seule fois où j'ai entendu des propos ayant un lien avec l'attentat commis contre l'avion du président Habyarimana le 6 avril 1994. » Évariste Mussoni, ex soldat du FPR, réinterrogé le 4 septembre 2001 avec comme interprète Fabien Singaye.
« (Par le) capitaine Jimmy Mwesige, membre du DMI et ancien membre des services de renseignements ougandais (...), j'ai appris que le matériel ayant servi pour commettre l'attentat était venu du quartier général de Mulindi et que cet armement antiaérien qui servait à la défense du quartier général de Paul Kagamé provenait de l'Ouganda. (...) Il m'a été indiqué que les militaires du commando impliqué dans l'opération faisaient partie d'une unité qui avait été entraînée en Ouganda à l'utilisation du matériel anti aérien. » Audition de Sixbert Musangamfura, ancien responsable du service civil de renseignement du Rwanda, par le juge Bruguière, le 14 juin 2002.
« Anatole Nsengiyumva faisait remarquer que les membres de la "Coalition pour la défense de la république CDR) ou "extrémistes hutus" était des civils et il ne voyait pas ceux-ci utilisant des missiles sol air. » Déposition de Gratien Kabiligi, chef du bureau G3 des Far en 1994, résumée par l’équipe Bruguière, cote 6479
« Ce Network Commando avait également pour mission (...) la reconnaissance de la zone de Masaka, Kanombe, située dans le secteur d'approche de l'aéroport de Kigali pour préparer un attentat contre l'avion présidentiel dans sa phase d'approche. (...) Nous avons rejoint chacun notre emplacement prévu. (...) Sur le terrain, l'avion du président Habyarimana a été identifié aux alentours de 20 h 30. Le premier missile a été tiré par Éric Hakizimana mais a manqué sa cible, l'avion étant toutefois déséquilibré. Franck Nziza a tiré le missile quatre ou cinq secondes plus tard et l'avion a été détruit ». « Lieutenant » Abdul Ruzibiza par Jean-Louis Bruguière 4 juillet 2003.
« En ce qui concerne la participation des FAR à un coup d'Etat contre le président Habyarimana, je l'exclus totalement. (...) J'ai constaté que le colonel Bagosora était perdu, voire isolé et il se demandait ce qu'il fallait faire » Lieutenant-colonel Marcel Bivugabagabo interrogé par Jean-Louis Bruguière, cote 6667.
« Le projet qui m'a été présenté consistait à trouver un site de tir pour abattre l'avion présidentiel avec des missiles. Je précise que j'étais sous-officier et plus exactement sergent et chef d'un groupe de six hommes. Abdul Ruzibiza nous a donné des instructions pour nous répartir en protection sur le site de tir à Masaka. (...) Je n'ai pas vu qui étaient les tireurs et c’est plus tard que j'ai appris qu'il s'agissait du sous-lieutenant Franck Nziza et du caporal Éric Hakizimana. » Audition par Jean-Louis Bruguière de Emmanuel Ruzigana, ex militaire du FDPR, le 29 mars 2004.
« Lizinde a lu le rapport à Kagamé. Après la lecture du rapport, Kagamé a dit à l'adresse des personnes présentes qu'il fallait monter l'opération le jour où arriverait l'avion du président, ajoutant que si on ne passait pas à l'action, la guerre ne s'arrêterait jamais. » Déposition d’Aloys Ruyenzi, ancien militaire du FPR, avec M. Fabien Singaye comme interprète en langue kinyarwanda, en présence de Jean-Louis Bruguière, le 25 mai 2004.
Sélection de citations par Jean-François DUPAQUIER
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Rwanda : Retour sur l’attentat qui fit un million de morts (6)
Le 6 avril 1994, deux missiles abattaient l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana alors qu’il s’apprêtait à atterrir sur l’aéroport de Kigali. Cet attentat allait servir de prétexte au déclenchement du génocide contre les Tutsi du Rwanda et au massacre politique des Hutu démocrates, causant la mort d’environ un million de personnes en cent jours.
Dans une série d’articles, le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier revient pour Afrikarabia sur le contexte de cet attentat jusqu’aujourd’hui entouré de mystère et sur l’enquête du juge Bruguière, non moins dépourvue de zones d’ombre. Aujourd’hui le sixième volet :
VI – L’attentat : enquête Bruguière ou instruction Barril ?
Lorsque le Falcon 50 du président Habyarimana est abattu le 6 avril 1994, les journalistes du monde entier n’ont pas le temps d’enquêter ni même de gloser. Car aussitôt commencent le génocide des Tutsis et l’extermination des leaders politiques hutus démocrates. En outre, les « spécialistes du Continent noir » couvrent la campagne électorale qui doit permettre à Nelson Mandela de devenir le premier président noir du pays de l’Apartheid. Et au Rwanda, en dépit de proclamations de principe des deux camps sur la nécessité de mener une enquête sur l’attentat, l’urgence de gagner la guerre civile l’emporte sur toute autre considération.
Y a-t-il quelque chose à cacher ? Les Forces armées rwandaises (FAR) interdisent aux Casques bleus de la MINUAR l’accès à l’épave de l’avion. Un seul homme, privilégié du fait de sa nationalité française et de son rôle auprès des FAR, sera en mesure d’approcher les débris du Falcon, dispersés dans le jardin de la résidence présidentielle.
Un seul investigateur face aux débris du Falcon
Le commandant Grégoire de Saint-Quentin, des troupes de Marine, résidait au camp Kanombe qui jouxte l’aéroport. en qualité d'assistant militaire technique à la mission militaire de coopération au Rwanda, poste qu'il occup depuis le 11 août 1992. Il dépendait du ministère de la coopération et son supérieur hiérarchique était le lieutenant colonel Maurin, également des troupes de Marine. Il était responsable de l'entraînement parachutiste auprès du major Aloïs Ndabakuze, chef des parachutistes commandos de l'armée rwandaise.
C’est de Saint-Quentin qui a donné l'alerte sur le réseau de sécurité de l'ambassade de France, vers 20 h 45. Sa première mission consista, le soir même du 6 avril, à récupérer les restes des trois Français qui composaient l’équipage du Falcon.
On sait aussi que Saint-Quentin a fait un compte rendu dès 21 h 30 sur le crash de l’avion présidentiel au lieutenant-colonel Maurin. Il a été transmis au Centre opérationnel interarmées (COIA).
Récupérer les restes des trois Français de l’équipage
Grégoire de Saint-Quentin, actuellement général, commandant la base française du Sénégal avait donc été autorisé à conduire des investigations qui comportent toujours de larges zones d’ombre. Ce n’est pourtant pas faute d’occasions de s’exprimer : il a été auditionné par la mission d'information parlementaire (« Mission Quilès ») le 26 mai 1998. Il a ensuite fait une première déposition devant le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière, puis, le 7 décembre 2011 devant le juge Yves Trévidic, qui a succédé à Bruguière Il explique et répète que le 6 avril au soir, il se trouvait à son domicile dans l'enceinte du camp de Kanombe, qui se situe à environ 500 m de la résidence privée du président Habyarimana et à environ 4 km de l'aéroport.
« Vers 20 h 30, j'ai nettement entendu de départ de coups, que je peux assimiler à un départ de lance-roquettes. Deux coups de départ très rapprochés l'un de l'autre, mais pas simultanés. Ensuite très rapidement j'ai entendu une explosion plus importante. Je me suis rendu immédiatement à une fenêtre et j'ai vu une boule de feu dans le ciel en direction de l'Est. »
Trois témoignages identiques sur les tirs de missiles
Ce témoignage est capital. Grégoire de Saint-Quentin reste convaincu que les tireurs se trouvaient au camp Kanombe, un immense terrain militaire dont la partie la plus proche de la résidence des Habyarimana était une sorte de friche servant aux exercices, mais où il aurait été suicidaire au Front patriotique d’introduire un commando, à plus forte raison toute une journée à attendre le retour de l’avion présidentiel.
L’officier français estime que le départ des missiles a eu lieu à moins d’un kilomètre de sa résidence, au milieu du camp. Il n’est pas le seul témoin direct à soutenir cette analyse. Le colonel-médecin Massimo Pasuch, un Belge qui habitait à quelques maisons de Grégoire de Saint-Quentin, fournit un témoignage identique. Il estime que les tireurs se trouvaient tout près, au maximum à 500 mètres. D’autres militaire de la coopération belge installés eux aussi à Kanombe (tout comme le Casque-bleu belge Mathieu Gerlache, qui a été témoin des tirs de missiles), ont confirmé ces dires auprès de l’Auditorat militaire belge, qui a enquêté sur l’attentat dans les semaines suivantes. Le juge français Jean-Louis Bruguière, décidé à démontrer que l’attentat avait été commis par le Front patriotique, a évidemment écarté tous ces témoignages.
Ecarter les témoignages innocentant le Front patriotique
Outre son rôle d’instructeur, Grégoire de Saint-Quentin était, selon certaines sources, un informateur de la DGSE. Ce qui peut expliquer que ce service de renseignement, dans une série de télex confidentiels, affirme que l’attentat contre l’avion du président Habyarimana avait été commis par les extrémistes hutus de son camp. Ce n’est pas l’avis de la Direction du renseignement militaire (DRM) créée par Pierre Joxe en 1992, et qui a toujours soutenu que l’attentat était l’œuvre des hommes de Paul Kagame, le chef de l’Armée patriotique.
Grégoire de Saint-Quentin raconte que, de sa propre initiative, dès le lendemain 7 avril, il a voulu récupérer la boîte noire du Falcon. Et ajoute : « Je n'ai rien trouvé qui aurait pu ressembler à celle-ci. En outre, il aurait fallu de l'outillage important pour accéder à l'intérieur des débris de cet avion. »
Une « initiative » peu convaincante de Saint-Quentin
Sur ce point, de nombreuses questions restent en suspens. Comment Saint-Quentin savait-il que le Falcon, un avion privé, disposait d’une boîte noire, ce qui est très rarement le cas et n’a été confirmé par le juge Bruguière qu’après bien des difficultés (L’appareil était bien muni de deux enregistreurs de vol, comme tout avion de transport. La société Dassault reconnu seulement le 19 juin 2001 que l’avion était équipé d’un cockpit voice recorder - CVR-) ?
Troisième question : comment se fait-il que plusieurs militaires de la Garde présidentielle présents autour de la résidence d’Habyarimana (notamment le sergent major Jean-Marie Vianney Barananiwe, les soldats Grégoire Zigirumugabe et Aloys Tegera, le para-commando Léonard Ntibategera) affirment avoir vu Saint-Quentin revenir à plusieurs reprises, avec précisément du gros matériel mécanique, littéralement dépecer l’épave à la recherche de la boîte noire ? Agathe Habyarimana, veuve de Juvénal Habyarimana, et ses enfants, interviewés le 21 avril 1994 à Paris, prétendent aussi que la « boîte noire » a été trouvée par les militaires français.
Enfin, comment expliquer que cette boîte noire a effectivement disparu après ces recherches prétendument infructueuses ?
Une épave dépecée à la recherche de la « boîte noire »
Une note du département d’État des États-Unis estime cette découverte probable : « The blackbox from the airplane has probably been recovered by Rwandan government offcials who control led the airport when the plane was shot down, or, according to unconfirmed reports, by French military offcials who later secured the airport and removed the body of the french pilot of Habyarimana’s plane after the crash. »
Pourtant ce n’est pas le commandant Grégoire de Saint-Quentin qui tient la vedette concernant l’enquête sur l’attentat. En ce début d’été 1994 à Paris, l’ex-capitaine de gendarmerie Paul Barril fait une entrée tonitruante. Les journalistes et l’opinion publique vont découvrir à cette occasion qu’il joue un rôle important au Rwanda.
Entrée en scène fracassante de Paul Barril
« Rwanda : l'énigme de la " boîte noire" L'enregistreur de vol de l'avion présidentiel abattu le 6 avril à Kigali est entre les mains de l'ex-capitaine Barril ».
Le titre éclate en première page de l'édition du Monde du 28 juin 1994. Fier de ce scoop, Le Monde publie de grandes photographies. On y voit « une petite boîte de métal, à peine plus grosse qu'un livre de poche, rivée à un morceau de tôle ocre et cabossée, que l'on a manifestement arraché à sa carlingue d'origine. Sur la pièce de tôle figurent plusieurs tampons et inscriptions, partiellement effacés. Des séries de chiffres, parfois précédés d'une mention : " F 50 ", comme Falcon 50 ... »
Le quotidien Le Monde mobilisé
On apprend par la même occasion que « l'ex-capitaine Paul Barril, ancien commandant du GIGN (Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale), un temps familier de la fameuse "cellule" de gendarmes de l'Elysée (...), affirme s'être emparé de la boîte noire du Falcon 50 abattu à Kigali et la tenir "à la disposition des instances internationales" ». Très fier de son information, l’ex-capitaine l’a déjà commentée et illustrée au journal télévisé de 13 heures de France 2. Il présente triomphalement la « boîte noire » aux téléspectateurs.
Barril aurait montré cet "enregistreur de vol " - selon le terme technique - à un journaliste du Monde [non nommé, mais il s’agit vraisemblablement de Jacques Isnard, qui se garde bien d’apparaître par la suite] dès le jeudi 23 juin, dans les bureaux de sa société, Secrets, avenue de la Grande-Armée à Paris. Mais écoutons les journalistes du Monde Hervé Gattegno et Corine Lesnes qui se partagent quelque peu naïvement ce mirobolant scoop servi sur un plateau :
« L'ancien officier affirme s'être rendu au Rwanda à deux reprises depuis le crash de l'avion présidentiel, courant avril et début mai, dans le but d'enquêter, à la demande de la famille, sur les circonstances de la mort du chef de l'Etat rwandais (...). Confié par la veuve du président, Agathe Habyarimana, réfugiée en France avec ses enfants, un "mandat d'investigations et de recherches" daté du 6 mai fixe le cadre de sa mission : "Conduire toutes les investigations qu'il jugera utiles à la manifestation de la vérité sur l'attentat", en découvrir "les coupables et tout spécialement les commanditaires", mener "toutes les actions nécessaires auprès des assurances". »
Un « mandat d’investigation » d’Agathe Habyarimana
Les deux journalistes expliquent aussi qu’une avocate française, Hélène Clamagirand (qui se trouve être le conseil habituel de Paul Barril dans ses différentes affaires), a été chargée de constituer un dossier afin de déposer "dans les prochaines semaines" une plainte pour assassinat devant la Cour internationale de justice de La Haye."
Fascinés par la prétendue "boîte noire", les deux journalistes fantasment sur son décryptage « qui nécessite un matériel spécifique ». Comme les bandes d'enregistrement de la tour de contrôle de Kigali « qui doivent contenir les dernières conversations entre l'avion présidentiel et le personnel de la tour, le 6 avril. ». Etc.
Le rôle de Me Hélène Clamagirand
L’intervention du capitaine dans les médias vise, du moins l’affirme-t-il « à mettre en évidence l'absence de procédure officielle visant à identifier les auteurs de l'attentat contre le Falcon ». Il dit espérer la saisine d'un juge d'instruction « selon le même processus qu'en 1989, après l'attentat commis contre le DC10 d'UTA au-dessus du désert tchadien, dont le dossier fut confié au juge parisien Jean-Louis Bruguière. »
Se reconnaissant chargée des intérêts de la famille du président rwandais, Me Hélène Clamagirand ne cache pas, qu'elle souhaite voir plusieurs plaintes se joindre à la sienne afin, là encore, de « briser la loi du silence » autour « d'un acte terroriste sans lequel, probablement, la guerre ne ferait pas rage aujourd'hui au Rwanda... ». Pour faire bonne mesure, les journalistes du Monde discréditent les investigations de l'auditorat militaire belge car, prétendent Hervé Gattegno et Corine Lesnes , « il semble que les fonctionnaires bruxellois ne disposent que de faibles moyens, et qu'ils ne se soient jusqu'ici attachés qu'à obtenir des informations sur le milieu des étudiants hutus en Belgique... »
Le juge Bruguière déjà imaginé par Barril
Plus accablant encore pour le Belges selon les deux journalistes, « le 15 avril, une note adressée par le ministère des affaires étrangères du Rwanda à toutes ses missions diplomatiques dans le monde faisait état, elle, de l'arrestation de "trois suspects" issus du "contingent belge", au moment où ceux-ci auraient tenté de "récupérer par la force la "boîte noire" sur l'épave de l'avion "... ».
Derrière des ragots qui semblent colportés par l’ex-gendarme de l’Elysée se dessine déjà une thèse : l’attentat a été commis par le Front patriotique, avec l’aide de Belges.
Changement de ton au Monde dix jours plus tard - dans l'édition du 8 juillet - où la rédaction exprime de façon alambiquée ses regrets : « La " boîte noire " n'était pas la " boîte noire ". A l'inverse de ce que nous avions écrit, l'objet métallique, rivé à un fragment de carlingue d'avion, rapporté du Rwanda et présenté à un journaliste du Monde par l'ex-capitaine Paul Barril (le Monde du 28 juin), n'est pas l'enregistreur de vol du Falcon 50 présidentiel abattu le 6 avril au-dessus de Kigali, à bord duquel ont péri les deux chefs d'Etat du Rwanda et du Burundi, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira. Selon plusieurs spécialistes, la pièce détenue par l'ancien chef du GIGN (groupement d'intervention de la gendarmerie nationale) se rapprocherait d'un instrument électronique de navigation ». Etc.
Le Monde fait machine arrière
Au moins cette fois le journaliste Hervé Gattegno évite-t-il de « servir la soupe » au capitaine Barril en glissant quelques informations qui lui sont moins favorables: « Depuis son départ de la "cellule", en 1983, les relations de l'ex-capitaine avec l'entourage de François Mitterrand ne sont pas au beau fixe. Selon certaines sources, l'intérêt de Paul Barril pour le Rwanda pourrait en revanche s'expliquer par sa rivalité avec un autre ancien de la "cellule", le commissaire Pierre-Yves Gilleron, ancien de la DST lui aussi reconverti dans la sécurité privée, qui fut un temps conseiller personnel du président rwandais... »
Selon le journaliste du Monde, « La présence de ce spécialiste des aventures confuses, sinon douteuses, fut en tout cas fort remarquée lors du dernier sommet de l'OUA (Organisation de l'unité africaine), le 13 juin à Tunis, où l'on parla beaucoup, en coulisses, du Rwanda et du Burundi. Outre l'ancien super-gendarme, la famille du président Habyarimana a, depuis, mandaté un autre spécialiste des affaires africaines réputé encombrant, l'avocat Jacques Vergès, aux côtés de Me Hélène Clamagirand. Me Vergès et sa consoeur sont chargés de déposer devant la justice une plainte pour assassinat afin d'éclaircir les circonstances de l'attentat de Kigali qui, en coûtant la vie à deux chefs d'Etat, à plusieurs dignitaires rwandais et à trois membres d'équipage français, a donné le signal d'une guerre civile en même temps que, selon la Commission des droits de l'homme de l'ONU, d'un "génocide programmé et systématique". »
Le ton a changé du tout au tout, de la part de journalistes furieux de s’être fait rouler.
Des journalistes conscients d’avoir été roulés
Difficile de comprendre, dès cette époque, que Barril ait pu si facilement manipuler la rédaction du « journal de référence ». Un an plus tôt, l’ex-gendarme a été impliqué dans un scandale d’écoutes téléphoniques illégales dont les journalistes du Monde - à commencer par Edwy Plenel, responsable du service des enquêtes - ont été les premières cibles.
Barril n’est pas un inconnu des services de police et de justice en France, et encore moins des journalistes. A peine avait-il été nommé l’un des responsables de la « cellule anti-terroriste de l’Elysée », chargé de la protection (et des basses oeuvres) du président de la République qu’il s’illustre par une de ces opérations de manipulation dont il a le secret. Sous prétexte de démanteler une de ces « cellules terroristes » qui inquiètent fort François Mitterrand, il « bidonne » une perquisition en apportant lui-même les armes et explosifs qui serviront de pièce à conviction contre « les Irlandais de Vincennes ». Pourtant, il ne sera jamais inquiété par la justice, à la différence des autres gendarmes impliqués dans ces arrestations truquées.
Le « bidonnage » des Irlandais de Vincennes
Plus que tout autre média, Le Monde dénoncera « l'ex-capitaine Paul Barril, auteur notoire du montage qui jeta en prison les trois Irlandais faussement accusés de préparer des attentats en France. » Et Le Monde d’expliquer « comment, en 1982, une cellule antiterroriste installée à l'Elysée tenta d'asseoir sa crédibilité par un montage présenté comme un coup d'éclat : l'arrestation de trois militants nationalistes irlandais, coupables sur mesure, dans l'appartement desquels les gendarmes trouvèrent opportunément armes, explosifs et munitions. »
Beaucoup se sont interrogé sur l’impunité dont a bénéficié Paul Barril dans ce scandale d’Etat. « Le capitaine Barril est un « protégé par la justice » et il le restera longtemps pour des raisons obscures », analyse Le Monde. Selon Paul Bouchet, alors président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, pour éviter tout mise en cause qui semblait inévitable, en 1993 Paul Barril aurait fait fuiter des centaines d'écoutes téléphoniques opérées durant des années par la cellule de l'Elysée. Des écoutes illégales, qui visaient des journalistes, des avocats, des hommes politiques et de simples particuliers. Paul Bouchet émet « l'hypothèse selon laquelle M. Barril a tenté une opération de diversion jugée utile à la défense de ses intérêts ». Un contre-feu qui a parfaitement rempli son office !
La méthode du contre-feu
A partir de l’affaire des Irlandais de Vincennes, la « méthode Barril » est bien rôdée : menacer les plus importants personnages de l’Etat de « révélations » sur leur « implication » réelle ou supposée dans des opérations à la limite de la légalité réalisées ou « accompagnées » par le fougueux capitaine. A l’ombre de l’Elysée celui-ci a pris la mesure de la couardise de la classe politique et sa propension à étendre à des gens comme lui un réseau complexe assurant l’impunité.
Dans cet objectif, Paul Barril bénéficie d’un poisson-pilote qui deviendra aussi un grand ami : Marie François Durand de Grossouvre, né le 29 mars 1918 à Vienne et mort le 7 avril 1994 à Paris. Cet industriel qui se situe franchement à droite de l’échiquier politique français a été fasciné par le personnage de François Mitterrand, mais aussi par la fougue de Paul Barril. Ce dernier est à ses yeux, comme lui-même, un « national », un patriote prêt à tout pour défendre l’intérêt supérieur de la France, comme lui un chevalier de l’ombre, un héros méconnu.
Sur un point au moins, Grossouvre se trompe : Paul Barril n’a rien d’un chevalier, mais tout d’un embrouilleur. Ce n’est pas pour rien que ses anciens collègues de la cellule de l’Elysée l’appellent « le roi de l’enfumage ». Il va donner toute sa mesure dans l’instruction de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana . On parlera de « l’enquête Bruguière », mais le flamboyant juge n’est finalement qu’un rouage plutôt terne à côté de Paul Barril, tireur de ficelles d’une procédure judiciaire qui figurera un jour dans les programmes de l’Ecole supérieure de la magistrature au chapitre « les erreurs à ne pas commettre ».
Jean-François DUPAQUIER
(à suivre)
Voir aussi les informations de Jacques Morel :
http://jacques.morel67.free.fr/BoiteNoireFalcon.pdf
Prochain article : Paul Barril, le roi de l’enfumage
Illustration : les restes du Falcon 50 photographiés en 1995, un an après l'attentat. Le mur de la résidence présidentielle avait été reconstruit… Photo (c) Droits réservés - www.afrikarabia.com
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09 janvier 2012
Rwanda : Retour sur l’attentat qui fit un million de morts (5)
Le 6 avril 1994, deux missiles abattaient l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana alors qu’il s’apprêtait à atterrir sur l’aéroport de Kigali. Cet attentat allait servir de prétexte au déclenchement du génocide contre les Tutsi du Rwanda et au massacre politique des Hutu démocrates, causant la mort d’environ un million de personnes en cent jours.
Dans une série d’articles, le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier revient pour Afrikarabia sur le contexte de cet attentat jusqu’aujourd’hui entouré de mystère et sur l’enquête du juge Bruguière, non moins dépourvue de zones d’ombre. Aujourd’hui le cinquième volet :
V - 6 avril 1994, heure par heure
Pour le président Juvénal Habyarimana et son staff, ça n’avait pas été une mince affaire d’obtenir pour le 6 avril, dans l’urgence, une réunion des chefs d’Etat de la région, compte tenu de l’agenda de chacun et des problèmes de protocole. Mal entretenu, le Falcon 50 de Cyprien Ntayiramira, le jeune président du Burundi, était en panne. Pour le convaincre de venir, Habyarimana avait promis de lui envoyer son propre avion le matin du 6 avril, de bonne heure. Il le déposerait à Dar-es-Salaam avant de revenir à Kigali. Et comme l’autre hésitait, le président rwandais avait prétendu que l’ordre du jour portait conjointement sur les problèmes du Burundi et du Rwanda. A cet effet, Habyarimana avait fait rédiger un ordre du jour ambigu.
Un ordre du jour ambigu à dessein
Heureusement, l’équipage français ne s’était pas insurgé contre ce surplus de travail : Kigali-Bujumbura-Dar-es-Salaam-Kigali-Dar-es-Salaam. Pas loin de 3800 kilomètres dans la matinée avec quatre atterrissages. Le copilote Jean-Pierre Minaberry, le plus stressé, avait posé comme seule condition que le retour sur Kigali se fasse avant 18 heures – la tombée de la nuit. Habyarimana l’avait rassuré.
Un mois plus tôt, le 3 mars 1994, le copilote français confiait ses inquiétudes à Madame Epin, sa correspondante à la SATIF - la filiale de la DGSE qui l’employait. Après des considérations plutôt niaises sur la situation politique dans la région, il concluait : « Ils veulent tout ! ! [NDLR / le FPR.] Nous savons qu'ils ont des missiles et nous étudions les départs à basse altitude (comme à l'armée) et des arrivées soit à basse altitude ou à très haute altitude. Bref nous ne sommes pas tranquilles. »
Jean-Pierre Minaberry ne faisait que répéter ce que lui disait le colonel Sagatwa, un extrémiste hutu avéré, dont il appliquait les instructions.
Le copilote français : « Nous ne sommes pas tranquilles »
A présent qu’il se méfiait de tout le monde, le président Juvénal Habyarimana ne voulait pas laisser à Kigali qui que ce soit susceptible de fomenter un coup d’Etat. Pour la première fois, il avait donc ordonné au général major Déogratias Nsabimana, chef d'Etat-major de l’armée rwandaise, de l’accompagner. La présence à bord du colonel Elie Sagatwa, son secrétaire particulier et l’un des principaux leaders extrémistes, contribuait aussi à le rassurer. D’une certaine façon, il avait placé à ses côtés des personnalités qui seraient les otages de sa sécurité.,
Habyarimana était très à cheval sur le protocole. Son propre déplacement posait bien des problèmes car il exigeait, même pour quelques heures, la présence d’une forte équipe. A commencer par un détachement de sa propre garde présidentielle pour lui rendre les honneurs à son arrivée comme au retour. Le Nord-Atlas des Forces armées rwandaises, un avion très lent au faible rayon d’action qui servait habituellement au largage de parachutistes, a dû partir le matin du 6 avril vers 4 heures avec un peloton de la GP. Il lui fallait un ravitaillement en carburant à mi-chemin. Il n’est arrivé à Dar-es-Salaam que vers 11 heures, après le président.
Trois avions pour un déplacement présidentiel
D’autres collaborateurs du président se sont entassés dans l’unique Twin Otter d’Air Rwanda. Comme Ermenegilde Bizige, qui était directeur général au ministère des affaires étrangères et servait d’interprète avec les anglophones.
Le Twin Otter, un appareil à turbo propulseur relativement lent, transportait également le ministre de l'intérieur, le ministre des affaires étrangères, le professeur Runyinya Barabwiliza, conseiller à la présidence pour les relations extérieures et la coopération, Justin Munyemana, conseiller à la présidence pour les affaires juridiques, Jean-Marie Mwulirwenanade, conseiller pour l'information, Jean-Baptiste Kalisa, chef du service des affaires extérieures du premier ministre, et plusieurs journalistes de la radio et de la télévision du Rwanda. Les passagers du Twin Otter sont partis la veille et ont tous logés à l'hôtel Kilimandjaro où devait se tenir la réunion.
Une foule d’accompagnateurs
Habyarimana est accueilli à sa descente d’avion par le facilitateur du processus d’Arusha, le président tanzanien Ali Hassan Mwinyi.
Nord-Atlas, Tween Otter, Falcon 50… le management de cette mini escadrille n’avait pas permis à Habyarimana d’arriver à l’heure à Dar-es-Salaam, mais au moins n’était-il pas le dernier : on attendait Joseph Désiré Mobutu. Evidemment, lorsqu’on est président, on ne tue pas le temps pas comme le commun des mortels, les bras ballants devant le panneau d’information de l’aéroport. La salle du sommet des chefs d’Etat se trouvant à l’hôtel Kilimandjaro, c'est dans les plus belles suites de cet établissement que les présidents ont attendu qu'un membre du protocole vienne les chercher pour les conduire à la réunion. « Je me souviens que le président Habyarimana s'était impatienté, car de temps à autre, il ouvrait sa porte pour demander ce qui se passait, raconte Ermenegilde Bizige. Ce n'est que vers midi environ que la réunion a commencé et c'est là que j'ai constaté l'absence du président Mobutu. »
Mobutu fait faux bond
Le président Museveni avait pris son mal en patience en se faisant livrer de bonnes bouteilles d’alcool, trinquant familièrement avec ses collaborateurs et échangeant avec eux des blagues comme d’habitude. Habyarimana, lui, stupéfait par la défection et la mufflerie de Mobutu, cachait difficilement son angoisse. A midi, il était pratiquement KO debout lorsqu’il s’assit à la table des négociations et subir les remontrances des autres participants.
Comme le relata plus tard un observateur, le démarrage de la réunion a été laborieux. Il a fallu tout d'abord enlever les sièges et les emblèmes du Zaïre qui se trouvaient sur la table de conférence et alors que la réunion venait de commencer, il y a eu une panne technique dans les cabines des interprètes de telle sorte que les traductions simultanées ont été interrompues entre 15 et 20 minutes.
Série de contretemps
Des années plus tard, le juge Jean-Louis Bruguière et d’autres lancèrent l’idée que le président Museveni aurait fait traîner les débats pour obliger le président Habyarimana à rentrer de nuit à Kigali, afin de faciliter l’attentat. Une belle fable à la mesure de la volonté de diabolisation du chef de l’Etat ougandais et de ses « complices » tutsis.
La réalité est tellement banale qu’il faut la raconter. Rendu passablement pompette par ses libations, le président Museveni se crut obligé de communiquer au président Mwinyi le résultat de ses cogitations du matin sur le « problème Hutu-Tutsi » de son voisin Habyarimana. Cette histoire « tribale » était un sujet à la fois de perplexité et de moquerie des chefs d’Etat voisins, car ils ne comprenaient toujours pas en quoi les Hutus et les Tutsis pouvaient former des tribus (?) antagonistes, alors qu’ils parlaient la même langue, avaient exactement la même culture et la même religion, et sur ce point, se comportant aussi bien les uns que les autres comme des grenouilles de bénitier.
Museveni légèrement alcoolisé
Euphorique, Museveni se rengorgea sur la cohabitation paisible des tribus d’Ouganda, évidemment due à sa bonne gouvernance. Vexé, le président de Tanzanie répliqua sur la façon dont les populations pouvaient cohabiter. Selon l’interprète Ermenegilde Bizige, « chacun défendait sa théorie, l'un disant que la meilleure façon de régler le problème était en quelque sorte de « coudre les deux morceaux de tissu » et l'autre faisant référence « à la broderie » ou « au tricotage ». Et Bizige ajoute : Ce qui m'a paru étrange, c'est qu’à ce stade les autres participants ne sont pas intervenus dans ce dialogue ».
Habitué à considérer avec un immense respect les chefs d’Etat, l’interprète évite de mettre en cause des contingences trop humaines. Les autres participants étaient tout simplement consternés par la tournure du débat, attendant que Museveni se calme et qu’on passe aux choses sérieuses.
Des chefs d’Etat consternés
Interpellé sur les Accords d’Arusha, le président Habyarimana fut forcé de reconnaître que les tergiversations n’avaient que trop duré. Il promit que la mise en place du Parlement et du gouvernement de transition aurait lieu dès le surlendemain 8 avril. Chacun avait préparé un petit discours et c'est ainsi que toutes les délégations ont pu s'exprimer. Cette réunion a pris fin vers 17 heures. Il était déjà trop tard pour espérer rentrer à Kigali avant la nuit.
Comme à chaque sommet de chef d’Etat, un communiqué devait être rédigé en français et en anglais, ce qui nécessitait un certain délai. Pour meubler cette attente, le président tanzanien a invité tous les participants à une collation dans l'hôtel. Ce contribuait encore à différer le départ de la délégation rwandaise.
Une collation avant le départ
D'après le protocole, le président Habyarimana, qui était le doyen d'âge, devait partir le premier. Il est arrivé à l'aéroport peu avant 19 heures, heure de Tanzanie, soit 18 heures à Kigali. Il faisait nuit noire. Les services du protocole tanzanien n'avaient pas informé l'équipage de l'heure du départ du président, aussi le Falcon 50 se trouvait sur un parking. Le pilote a tenté d’expliquer au président Habyarimana qu’il vaudrait mieux repartir le lendemain, mais il a été vite rembarré, d’un ton sans réplique. Et toujours le fichu protocole : il a fallu préparer l'avion et l’amener de son aire de stationnement jusque devant le salon d'honneur. Impeccable, la GP rwandaise s’est mise au garde-à-vous.
Le président Habyarimana avait proposé au président du Burundi de l’emmener avec lui, afin de le faire déposer à Bujumbura après l’escale de Kigali. Dans le Falcon 50 ont donc pris place le Président Juvénal Habyarimana Juvénal, le général major Déogratias Nsabimana, chef d'Etat-major de l’armée rwandaise, l'ambassadeur Juvénal Renzaho, conseiller à la présidence, le colonel Elie Sagatwa, secrétaire particulier du président, le docteur Emmanuel Akingeneye, médecin du président, le major Thaddée Bagaragaza, officier d'ordonnance.
Coté burundais, le président Cyprien Ntaryamira est accompagné des ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi. Même les strapontins sont occupés.
Un Falcon 50 archi-plein
L'équipage est composé du major Jacky Héraud, pilote, du colonel Jean-Pierre Minaberry copilote et de l’adjudant-chef Jean Marie Perrine.
Au terme d’une enquête très détaillée, la “Commission Mutsinzi” relève un élément troublant : « Alors que le président Habyarimana est déjà à bord, il remarqua l’absence dans l’avion du chef d’état-major de l’armée, le général Nsabimana, qui était resté sur le tarmac avec le Dr Akingeneye, ne voulant pas embarquer. Le président Habyarimana ressortit aussitôt de l’appareil et leur intima immédiatement l’ordre de monter dans l’avion avec lui. »
Le Cpl Senkeri, témoin direct de la scène explique : « D’ordinaire, quand nous voyagions avec le Président, il entrait dans l’avion en dernier lieu, et c’est comme cela que ça s’est passé quand nous étions à Dar-es-Salam. Lorsqu’il est arrivé dans l’avion, il a constaté que le général Nsabimana et le Dr Akingeneye manquaient. Ces derniers se cachaient près de l’une des ailes de l’avion. Le président Habyarimana est sorti de l’avion, ce qui n’arrivait jamais, et a dit à haute voix : ‘Où est Akingeneye ?’ Celui-ci s’est manifesté. ‘Où est Nsabimana ?’ Il s’est également manifesté. Puis, il leur a demandé : ‘Pourquoi vous n’entrez pas dans l’avion ?’ Ils ont répondu qu’ils croyaient qu’il n’y avait plus de places parce qu’on y avait mis des Burundais. Le président Habyarimana leur a alors dit : ‘Entrez vite et on y va’. Ils sont entrés et l’avion a décollé ».
Justin Munyemana, interprète, interrogé le 9 novembre 2000 à la direction centrale de la police judiciaire française dans le cadre de « l’enquête Bruguière », a confirmé que l'avion présidentiel a décollé à 18 h 30 - heure de Kigali.
Exactement deux heures plus tard, à 4 km de la tour de contrôle de Kigali, le Falcon était touché par deux missiles et explosait en vol. Cet attentat allait servir de signal déclencheur du génocide des Tutsis et du massacre des Hutus démocrates. Mais qui l’avait commis ?
Jean-François DUPAQUIER
(A suivre)
Prochain article :
Enquête Bruguière ou enquête Barril ?
Illustration : Le président Habyarimana au milieu de ses soldats
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