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10 janvier 2012

Attentat Habyarimana : Les expertises innocentent le Front patriotique (FPR)

C’est un tsunami judiciaire qui a emporté mardi après-midi l’enquête menée par le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière sur l’attentat ayant visé l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. Du monstrueux empilement de témoignages à charge qui avait abouti en 2006 à neuf mandats d’arrêt contre les hauts gradés de l’Armée patriotique rwandaise, il ne reste pratiquement rien debout.
 
Afrikarabia logo.pngLes expertises balistiques et phoniques commandées par ses successeurs les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux démontrent que les deux missiles qui ont abattu l'avion le 6 avril 1994 vers 20 h 30 n’ont pu être tirés par un commando du Front patriotique infiltré sur la colline de Masaka.  Les tireurs se trouvaient au camp Kanombe sévèrement contrôlé par les Forces armées rwandaises. Ce camp était sous le contrôle du major Aloïs Ndabakuze, chef des parachutistes commandos de l'armée rwandaise, condamné en première instance par le Tribunal pénal international à la prison à vie pour son rôle crucial dans le génocide.
 
Sous le contrôle du major Aloïs Ndabakuze
 
Les experts ont porté une grande attention aux témoignages du commandant français Grégoire de Saint-Quentin et au médecin-colonel belge Massimo Pasuch, qui habitaient le camp Kanombe et ont entendu le départ des missiles non loin (voir Afrikarabia)

Les experts estiment aussi que les tireurs étaient très expérimentés, relançant l’hypothèse de l’intervention de spécialistes étrangers des missiles, qu’il s’agisse d’agents secrets ou de mercenaires.
 
Des agents secrets ou des mercenaires
 
En avril 2010, les juges antiterroristes Marc Trévidic et Nathalie Poux avaient désigné cinq experts, géomètre, balistique, explosifs et incendie, rejoints plus tard par un acousticien, pour déterminer les lieux possibles des tirs ayant abattu l'avion présidentiel, considéré comme l'acte déclencheur du génocide rwandais.
 
Vingt mois plus tard et après un déplacement au Rwanda en septembre 2010 pour essayer de reconstituer les conditions de l'attentat, juges et experts dévoilaient mardi après-midi leurs conclusions aux parties concernées par l'enquête. Une vidéo en 3D réalisée sous le contrôle des experts a également été montrée. Elle synthétise les éléments confirmés par les spécialistes en balistique et en propagation des sons.
 
Une vidéo en 3D explicite
 
La connaissance du lieu de tir des missiles, déterminante pour identifier les tireurs, désigne clairement des éléments extrémistes des Forces armées rwandaises, comme Afrikarabia le laissait entendre ces derniers jours.
 
 L'enquête du juge Jean-Louis Bruguière avait pourtant désigné en 2006 un commando du Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion majoritairement tutsie dirigée en 1994 par l'actuel président Paul Kagame. L’émission des neufs mandats d’arrêt internationaux avait  provoqué la rupture par Kigali des relations diplomatiques avec la France. Il aura fallu beaucoup de patience à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, et beaucoup de détermination au président Nicolas Sarkozy, en butte aux critiques d’irréductibles hauts-gradés français qui poursuivent une guerre médiatique contre Kagame, pour les rétablir.
 
L’aveuglement du juge Bruguière
 
Selon le juge Bruguière, les hommes du FPR se seraient infiltrés depuis le parlement rwandais à travers le dispositif des Forces armées rwandaises (FAR, loyalistes) sur la colline de Massaka, qui surplombe l'aéroport à l'est de la piste. De prétendus membres du commando ont accrédité cette thèse avant de se rétracter.
 
A l'inverse, un rapport d'enquête rwandais (dit « Rapport Mutsinzi »), fondé sur près de 600 témoignages, a documenté la piste de tirs partis depuis le camp militaire de Kanombe, importante base des FAR, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est, où il est "impossible d'imaginer" que le FPR ait pu s'infiltrer.
 
Les faux témoins du juge antiterroriste
 
La thèse rwandaise, devenue aujourd’hui la thèse Trévidic, impute la responsabilité de l'attentat aux extrémistes hutus des FAR, qui auraient voulu se débarrasser du président Habyarimana, jugé trop modéré, pour faciliter un coup d'Etat.
 
Aux experts, les juges français avaient demandé de reconstituer la trajectoire du Falcon 50 présidentiel, d'évaluer sa position au moment où il a été touché, de déterminer le type de missile utilisé, mais également les modes opératoires possibles, et de confronter le tout avec les témoignages et données topographiques.
 
Ces experts ont définitivement démontré que les tirs ne pouvaient partir que du camp des Forces armées rwandaises dit « camp Kanombe ».
 
Habyarimana liquidé par les extrémistes de son camp
 
« Nous attendons maintenant qu’un non-lieu soit prononcé en faveur de nos clients », ont déclaré les avocats des mis en examen, Mes Bernard Maingain et Léon-Lef Forster, en quittant le cabinet du juge Marc Trévidic, ajoutant que « la mise en cause du FPR est dorénavant inimaginable".
 
 Du côté des parties civiles, l'avocat de la veuve du président rwandais Agathe Habyarimana, Me Philippe Meilhac, a manifesté un certain embarras. Selon lui, il n’est pas imaginable que les FAR aient disposé de spécialistes des missiles du niveau requis.
 
L’embarras de l’avocat d’Agathe Habyarimana

Maîtres Léon-Lef Forster et Bernard Maingain, avocats de sept Rwandais toujours mis en examen organiseront une conférence de presse ce mercredi à Paris. Ils reviendront sur les conclusions des experts mandatés par les deux magistrats français, et comptent exposer les nombreuses manipulations et irrégularités qui ont entaché cette information judiciaire pendant la décennie où celle-ci était conduite par le juge Jean-Louis Bruguière.

Le gouvernement rwandais a salué hier le rapport des experts mandatés par les juges français Marc Trévidic et Nathalie Poux. Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement a déclaré : « Les résultats présentés aujourd'hui constituent la confirmation de la position tenue de longue date par le Rwanda sur les circonstances qui entourent les événements du mois d’avril 1994. Grâce à la vérité scientifique ainsi établie, les juges Trévidic et Poux ferment avec éclat le chapitre de ces 17 années de campagne visant à nier le génocide et à faire porter aux victimes la responsabilité de leur sort. Pour tout le monde, il est désormais établi que l’attentat contre l’avion faisait partie d’un coup d’état mené par des éléments extrémistes hutu assistés de leurs conseillers, qui détenaient le contrôle du camp militaire de Kanombe ».

Satisfaction à Kigali

Louise Mushikiwabo  a ajouté : « Pour le peuple du Rwanda, le rapport d'aujourd'hui résulte d'une enquête de grande qualité, requise par des magistrats français aux références irréprochables et réalisée par des experts de renommée internationale. Il rend justice à ceux qui ont été faussement accusés d’avoir abattu l’avion, mettant une fin définitive aux mensonges et aux théories du complot qui ont, trop longtemps, essayé de détourner l’attention du monde loin des auteurs véritables des crimes abominables perpétrés au Rwanda pendant le génocide.
La Ministre Mushikiwabo a conclu par ces mots : « Les Rwandais saluent ces conclusions qui apportent un meilleur éclairage sur un chapitre vital de l’histoire de notre pays. Sans fléchir ni nous laisser distraire, nous poursuivons la tâche capitale de reconstruction du pays pour les générations à venir ».

Lire également sur le sujet : Attentat Habyarimana, le florilège de "l'enquête" Bruguière.

20:58 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

"Les forces imprudentes s´écroulent sur leur propre poids", Horace, Ode IV, 65. L´ombre de l´obscurité de la nuit sous la lueur de la lune est double, parfois triple, l´un étant l´ombre de lui-même par réverbération sombre. Le génocide rwandais, encore du "noeud gordien!!!". Plusieurs générations auront besoin de ce noeud pour escalader les murs de la haine avec l´espoir un jour de les surmonter. Il y a des signes de bon augure, n´est-ce pas. Le Rwanda a changé de "look" pour un avenir radieux, pourvu que l´histoire soit rééscrite par les rwandais eux-mêmes sans militance radicale ni racisme noir, ni encore vengeance aveugle. La mort tragique du président Habyarimana et de tous ces illustres personnages, le 06 avril 1994...servira-t-il de leçons afin que leur sang comme le sang de milliers qui ont pérí brutalement et injustement soit la "semence d´une Afrique sans haine, ni corruption, ni injustice, ni dictature, ni scandale de comportement sale des dirigeants, ni abandon des jeunes à leur propre sort? Il y a de quoi méditer!

Écrit par : San-Gala | 12 janvier 2012

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