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10 janvier 2012

Rwanda : Retour sur l’attentat qui fit un million de morts (6)

Le 6 avril 1994, deux missiles abattaient l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana alors qu’il s’apprêtait à atterrir sur l’aéroport de Kigali. Cet attentat allait servir de prétexte au déclenchement du génocide contre les Tutsi du Rwanda et au massacre politique des Hutu démocrates, causant la mort d’environ un million de personnes en cent jours.

Dans une série d’articles, le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier revient pour Afrikarabia sur le contexte de cet attentat jusqu’aujourd’hui entouré de mystère et sur l’enquête du juge Bruguière, non moins dépourvue de zones d’ombre. Aujourd’hui le sixième volet :

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VI – L’attentat : enquête Bruguière ou instruction Barril ?
 
Lorsque le Falcon 50 du président Habyarimana est abattu le 6 avril 1994, les journalistes du monde entier n’ont pas le temps d’enquêter ni même de gloser. Car aussitôt commencent le génocide des Tutsis et l’extermination des leaders politiques hutus démocrates. En outre, les « spécialistes du Continent noir » couvrent la campagne électorale qui doit permettre à Nelson Mandela de devenir le premier président noir du pays de l’Apartheid. Et au Rwanda, en dépit de proclamations de principe des deux camps sur la nécessité de mener une enquête sur l’attentat, l’urgence de gagner la guerre civile l’emporte sur toute autre considération.
 
Y a-t-il quelque chose à cacher ? Les Forces armées rwandaises (FAR) interdisent aux Casques bleus de la MINUAR l’accès à l’épave de l’avion. Un seul homme, privilégié du fait de sa nationalité française et de son rôle auprès des FAR, sera en mesure d’approcher les débris du Falcon, dispersés dans le jardin de la résidence présidentielle.
 
Un seul investigateur face aux débris du Falcon
 
Le commandant Grégoire de Saint-Quentin, des troupes de Marine, résidait au camp Kanombe qui jouxte l’aéroport. en qualité d'assistant militaire technique à la mission militaire de coopération au Rwanda, poste qu'il occup depuis le 11 août 1992. Il dépendait du ministère de la coopération et son supérieur hiérarchique était le lieutenant colonel Maurin, également des troupes de Marine. Il était responsable de l'entraînement parachutiste auprès du major Aloïs Ndabakuze, chef des parachutistes commandos de l'armée rwandaise.
 
C’est de Saint-Quentin qui a donné l'alerte sur le réseau de sécurité de l'ambassade de France, vers 20 h 45. Sa première mission consista, le soir même du 6 avril, à récupérer les restes des trois Français qui composaient l’équipage du Falcon.
On sait aussi que Saint-Quentin a fait un compte rendu dès 21 h 30 sur le crash de l’avion présidentiel au lieutenant-colonel Maurin. Il a été transmis au Centre opérationnel interarmées (COIA).
 
Récupérer les restes des trois Français de l’équipage
 
Grégoire de Saint-Quentin, actuellement général, commandant la base française du Sénégal avait donc été autorisé à conduire des investigations qui comportent toujours de larges zones d’ombre. Ce n’est pourtant pas faute d’occasions de s’exprimer : il a été auditionné par la mission d'information parlementaire (« Mission Quilès ») le 26 mai 1998.  Il a ensuite fait une première déposition devant le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière, puis, le 7 décembre 2011 devant le juge Yves Trévidic, qui a succédé à Bruguière  Il explique et répète que le 6 avril au soir, il se trouvait à son domicile dans l'enceinte du camp de Kanombe, qui se situe à environ 500 m de la résidence privée du président Habyarimana et à environ 4 km de l'aéroport.
 
« Vers 20 h 30, j'ai nettement entendu de départ de coups, que je peux assimiler à un départ de lance-roquettes. Deux coups de départ très rapprochés l'un de l'autre, mais pas simultanés. Ensuite très rapidement j'ai entendu une explosion plus importante. Je me suis rendu immédiatement à une fenêtre et j'ai vu une boule de feu dans le ciel en direction de l'Est. »
 
Trois témoignages identiques sur les tirs de missiles
 
Ce témoignage est capital. Grégoire de Saint-Quentin reste convaincu que les tireurs se trouvaient au camp Kanombe, un immense terrain militaire dont la partie la plus proche de la résidence des Habyarimana était une sorte de friche servant aux exercices, mais où il aurait été suicidaire au Front patriotique d’introduire un commando, à plus forte raison toute une journée à attendre le retour de l’avion présidentiel.
 
L’officier français estime que le départ des missiles a eu lieu à moins d’un kilomètre de sa résidence, au milieu du camp. Il n’est pas le seul témoin direct à soutenir cette analyse. Le colonel-médecin Massimo Pasuch, un Belge qui habitait à quelques maisons de Grégoire de Saint-Quentin, fournit un  témoignage identique. Il estime que les tireurs se trouvaient tout près, au maximum à 500 mètres. D’autres militaire de la coopération belge installés eux aussi à Kanombe (tout comme le Casque-bleu belge Mathieu Gerlache, qui a été témoin des tirs de missiles), ont confirmé ces dires auprès de l’Auditorat militaire belge, qui a enquêté sur l’attentat dans les semaines suivantes. Le juge français Jean-Louis Bruguière, décidé à démontrer que l’attentat avait été commis par le Front patriotique, a évidemment écarté tous ces témoignages.
 
Ecarter les témoignages innocentant le Front patriotique
 
Outre son rôle d’instructeur, Grégoire de Saint-Quentin était, selon certaines sources, un informateur de la DGSE. Ce qui peut expliquer que ce service de renseignement, dans une série de télex confidentiels, affirme que l’attentat contre l’avion du président Habyarimana avait été commis par les extrémistes hutus de son camp. Ce n’est pas l’avis de la Direction  du renseignement militaire (DRM) créée par Pierre Joxe en 1992, et qui a toujours soutenu que l’attentat était l’œuvre des hommes de Paul Kagame, le chef de l’Armée patriotique.
 
Grégoire de Saint-Quentin raconte que, de sa propre initiative, dès le lendemain 7 avril, il a voulu récupérer la boîte noire du Falcon. Et ajoute : « Je n'ai rien trouvé qui aurait pu ressembler à celle-ci. En outre, il aurait fallu de l'outillage important pour accéder à l'intérieur des débris de cet avion. »

Une « initiative » peu convaincante de Saint-Quentin

Sur ce point, de nombreuses questions restent en suspens. Comment Saint-Quentin savait-il que le Falcon, un avion privé, disposait d’une boîte noire, ce qui est très rarement le cas et n’a été confirmé par le juge Bruguière qu’après bien des difficultés (L’appareil était bien muni de deux enregistreurs de vol, comme tout avion de transport. La société Dassault reconnu seulement le 19 juin 2001 que l’avion était équipé d’un cockpit voice recorder - CVR-) ?
 
Troisième question : comment se fait-il que plusieurs militaires de la Garde présidentielle présents autour de la résidence d’Habyarimana (notamment le sergent major Jean-Marie Vianney Barananiwe, les soldats Grégoire Zigirumugabe et Aloys Tegera, le para-commando Léonard Ntibategera) affirment avoir vu Saint-Quentin revenir à plusieurs reprises, avec précisément du gros matériel mécanique, littéralement dépecer l’épave à la recherche de la boîte noire ? Agathe Habyarimana, veuve de Juvénal Habyarimana, et ses enfants, interviewés le 21 avril 1994 à Paris, prétendent aussi que la « boîte noire » a été trouvée par les militaires français.
Enfin, comment expliquer que cette boîte noire a effectivement disparu après ces recherches prétendument infructueuses ?
 
Une épave dépecée à la recherche de la « boîte noire »
 
Une note du département d’État des États-Unis estime cette découverte probable : « The blackbox from the airplane has probably been recovered by Rwandan government offcials who control led the airport when the plane was shot down, or, according to unconfirmed reports, by French military offcials who later secured the airport and removed the body of the french pilot of Habyarimana’s plane after the crash. »
 
Pourtant ce n’est pas le commandant Grégoire de Saint-Quentin qui tient la vedette concernant l’enquête sur l’attentat. En ce début d’été 1994 à Paris, l’ex-capitaine de gendarmerie Paul Barril fait une entrée tonitruante. Les journalistes et l’opinion publique vont découvrir à cette occasion qu’il joue un rôle important au Rwanda.
 
Entrée en scène fracassante de Paul Barril
 
« Rwanda : l'énigme de la " boîte noire" L'enregistreur de vol de l'avion présidentiel abattu le 6 avril à Kigali est entre les mains de l'ex-capitaine Barril ».
 
Le titre éclate en première page de l'édition du Monde du 28 juin 1994. Fier de ce scoop, Le Monde publie de grandes photographies. On y voit « une petite boîte de métal, à peine plus grosse qu'un livre de poche, rivée à un morceau de tôle ocre et cabossée, que l'on a manifestement arraché à sa carlingue d'origine. Sur la pièce de tôle figurent plusieurs tampons et inscriptions, partiellement effacés. Des séries de chiffres, parfois précédés d'une mention : " F 50 ", comme Falcon 50 ... »
 
Le quotidien Le Monde mobilisé
 
On apprend par la même occasion que « l'ex-capitaine Paul Barril, ancien commandant du GIGN (Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale), un temps familier de la fameuse "cellule" de gendarmes de l'Elysée (...), affirme s'être emparé de la boîte noire du Falcon 50 abattu à Kigali et la tenir "à la disposition des instances internationales" ». Très fier de son information, l’ex-capitaine l’a déjà commentée et illustrée au journal télévisé de 13 heures de France 2. Il présente triomphalement la « boîte noire » aux téléspectateurs.
 
Barril aurait montré cet "enregistreur de vol " - selon le terme technique - à un journaliste du Monde [non nommé, mais il s’agit vraisemblablement de Jacques Isnard, qui se garde bien d’apparaître par la suite]  dès le jeudi 23 juin, dans les bureaux de sa société, Secrets, avenue de la Grande-Armée à Paris. Mais écoutons les journalistes du Monde Hervé Gattegno et Corine Lesnes qui se partagent quelque peu naïvement ce mirobolant scoop servi sur un plateau :
 
« L'ancien officier affirme s'être rendu au Rwanda à deux reprises depuis le crash de l'avion présidentiel, courant avril et début mai, dans le but d'enquêter, à la demande de la famille, sur les circonstances de la mort du chef de l'Etat rwandais (...). Confié par la veuve du président, Agathe Habyarimana, réfugiée en France avec ses enfants, un "mandat d'investigations et de recherches" daté du 6 mai fixe le cadre de sa mission : "Conduire toutes les investigations qu'il jugera utiles à la manifestation de la vérité sur l'attentat", en découvrir "les coupables et tout spécialement les commanditaires", mener "toutes les actions nécessaires auprès des assurances". »
 
Un « mandat d’investigation » d’Agathe Habyarimana
 
Les deux journalistes expliquent  aussi qu’une avocate française, Hélène Clamagirand (qui se trouve être le conseil habituel de Paul Barril dans ses différentes affaires), a été chargée de constituer un dossier afin de déposer "dans les prochaines semaines" une plainte pour assassinat devant la Cour internationale de justice de La Haye."
 
Fascinés par la prétendue "boîte noire", les deux journalistes fantasment sur son décryptage « qui nécessite un matériel spécifique ».  Comme les bandes d'enregistrement de la tour de contrôle de Kigali  « qui doivent contenir les dernières conversations entre l'avion présidentiel et le personnel de la tour, le 6 avril. ». Etc.
 
Le rôle de Me Hélène Clamagirand
 
L’intervention du capitaine dans les médias vise, du moins l’affirme-t-il « à mettre en évidence l'absence de procédure officielle visant à identifier les auteurs de l'attentat contre le Falcon ». Il dit espérer la saisine d'un juge d'instruction « selon le même processus qu'en 1989, après l'attentat commis contre le DC10 d'UTA au-dessus du désert tchadien, dont le dossier fut confié au juge parisien Jean-Louis Bruguière. »
 
Se reconnaissant chargée des intérêts de la famille du président rwandais, Me Hélène Clamagirand ne cache pas, qu'elle souhaite voir plusieurs plaintes se joindre à la sienne afin, là encore, de « briser la loi du silence » autour « d'un acte terroriste sans lequel, probablement, la guerre ne ferait pas rage aujourd'hui au Rwanda... ». Pour faire bonne mesure, les journalistes du Monde discréditent les investigations de l'auditorat militaire belge car, prétendent Hervé Gattegno et Corine Lesnes , « il semble que les fonctionnaires bruxellois ne disposent que de faibles moyens, et qu'ils ne se soient jusqu'ici attachés qu'à obtenir des informations sur le milieu des étudiants hutus en Belgique... »
 
Le juge Bruguière déjà imaginé par  Barril
 
Plus accablant encore pour le Belges selon les deux journalistes, « le 15 avril, une note adressée par le ministère des affaires étrangères du Rwanda à toutes ses missions diplomatiques dans le monde faisait état, elle, de l'arrestation de "trois suspects" issus du "contingent belge", au moment où ceux-ci auraient tenté de "récupérer par la force la "boîte noire" sur l'épave de l'avion "... ».
Derrière des ragots qui semblent colportés par l’ex-gendarme de l’Elysée se dessine déjà une thèse : l’attentat a été commis par le Front patriotique, avec l’aide de Belges.
 
Changement de ton au Monde dix jours plus tard - dans l'édition du 8 juillet - où la rédaction exprime de façon alambiquée ses regrets : « La " boîte noire " n'était pas la " boîte noire ". A l'inverse de ce que nous avions écrit, l'objet métallique, rivé à un fragment de carlingue d'avion, rapporté du Rwanda et présenté à un journaliste du Monde par l'ex-capitaine Paul Barril (le Monde du 28 juin), n'est pas l'enregistreur de vol du Falcon 50 présidentiel abattu le 6 avril au-dessus de Kigali, à bord duquel ont péri les deux chefs d'Etat du Rwanda et du Burundi, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira. Selon plusieurs spécialistes, la pièce détenue par l'ancien chef du GIGN (groupement d'intervention de la gendarmerie nationale) se rapprocherait d'un instrument électronique de navigation ». Etc.
 
Le Monde fait machine arrière
 
Au moins  cette fois le journaliste Hervé Gattegno évite-t-il de « servir la soupe » au capitaine Barril en glissant quelques informations qui lui sont moins favorables: « Depuis son départ de la "cellule", en 1983, les relations de l'ex-capitaine avec l'entourage de François Mitterrand ne sont pas au beau fixe. Selon certaines sources, l'intérêt de Paul Barril pour le Rwanda pourrait en revanche s'expliquer par sa rivalité avec un autre ancien de la "cellule", le commissaire Pierre-Yves Gilleron, ancien de la DST lui aussi reconverti dans la sécurité privée, qui fut un temps conseiller personnel du président rwandais... »
 
Selon le journaliste du Monde, « La présence de ce spécialiste des aventures confuses, sinon douteuses, fut en tout cas fort remarquée lors du dernier sommet de l'OUA (Organisation de l'unité africaine), le 13 juin à Tunis, où l'on parla beaucoup, en coulisses, du Rwanda et du Burundi. Outre l'ancien super-gendarme, la famille du président Habyarimana a, depuis, mandaté un autre spécialiste des affaires africaines réputé encombrant, l'avocat Jacques Vergès, aux côtés de Me Hélène Clamagirand. Me Vergès et sa consoeur sont chargés de déposer devant la justice une plainte pour assassinat afin d'éclaircir les circonstances de l'attentat de Kigali qui, en coûtant la vie à deux chefs d'Etat, à plusieurs dignitaires rwandais et à trois membres d'équipage français, a donné le signal d'une guerre civile en même temps que, selon la Commission des droits de l'homme de l'ONU, d'un "génocide programmé et systématique". »
Le ton a changé du tout au tout, de la part de journalistes furieux de s’être fait rouler.
 
Des journalistes conscients d’avoir été roulés
 
Difficile de comprendre, dès cette époque, que Barril ait pu si facilement manipuler la rédaction du « journal de référence ». Un an plus tôt, l’ex-gendarme a été impliqué dans un scandale d’écoutes téléphoniques illégales dont les journalistes du Monde - à commencer par Edwy Plenel, responsable du service des enquêtes - ont été les premières cibles. 
 
Barril n’est pas un inconnu des services de police et de justice en France, et encore moins des journalistes. A peine avait-il été nommé l’un des responsables de la « cellule anti-terroriste de l’Elysée », chargé de la protection (et des basses oeuvres) du président de la République qu’il s’illustre par une de ces  opérations de manipulation dont il a le secret. Sous prétexte de démanteler une de ces « cellules terroristes » qui inquiètent fort François Mitterrand, il « bidonne » une  perquisition en apportant lui-même les armes et explosifs qui serviront de pièce à conviction contre « les Irlandais de Vincennes ». Pourtant, il ne sera jamais inquiété par la justice, à la différence des autres gendarmes impliqués dans ces arrestations truquées.
 
Le « bidonnage » des Irlandais de Vincennes
 
Plus que tout autre média, Le Monde dénoncera « l'ex-capitaine Paul Barril, auteur notoire du montage qui jeta en prison les trois Irlandais faussement accusés de préparer des attentats en France. »  Et Le Monde d’expliquer « comment, en 1982, une cellule antiterroriste installée à l'Elysée tenta d'asseoir sa crédibilité par un montage présenté comme un coup d'éclat : l'arrestation de trois militants nationalistes irlandais, coupables sur mesure, dans l'appartement desquels les gendarmes trouvèrent opportunément armes, explosifs et munitions. »
 
Beaucoup se sont interrogé sur l’impunité dont a bénéficié Paul Barril dans ce scandale d’Etat. « Le capitaine Barril est un « protégé par la justice » et il le restera longtemps pour des raisons obscures », analyse Le Monde. Selon Paul Bouchet, alors président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, pour éviter tout mise en cause qui semblait inévitable, en 1993 Paul Barril aurait fait fuiter des centaines d'écoutes téléphoniques opérées durant des années par la cellule de l'Elysée. Des écoutes illégales, qui visaient des journalistes, des avocats, des hommes politiques et de simples particuliers. Paul Bouchet émet « l'hypothèse selon laquelle M. Barril a tenté une opération de diversion jugée utile à la défense de ses intérêts ». Un contre-feu qui a parfaitement rempli son office !
 
La méthode du contre-feu
 
A partir de l’affaire des Irlandais de Vincennes, la « méthode Barril » est bien rôdée : menacer les plus importants personnages de l’Etat de « révélations » sur leur « implication » réelle ou supposée dans des opérations à la limite de la légalité réalisées ou « accompagnées » par le fougueux capitaine. A l’ombre de l’Elysée celui-ci a pris la mesure de la couardise de la classe politique et sa propension à étendre à des gens comme lui un réseau complexe assurant l’impunité.
 
Dans cet objectif, Paul Barril bénéficie d’un poisson-pilote qui deviendra aussi un grand ami : Marie François Durand de Grossouvre, né le 29 mars 1918 à Vienne et mort le 7 avril 1994 à Paris.  Cet industriel qui se situe franchement à droite de l’échiquier politique français a été fasciné par le personnage de François Mitterrand, mais aussi par la fougue de Paul Barril.  Ce dernier est à ses yeux, comme lui-même, un « national », un patriote prêt à tout pour défendre l’intérêt supérieur de la France, comme lui un chevalier de l’ombre, un héros méconnu.
 
Sur un point au moins, Grossouvre se trompe :  Paul Barril n’a rien d’un chevalier, mais tout d’un embrouilleur. Ce n’est pas pour rien que ses anciens collègues de la cellule de l’Elysée l’appellent « le roi de l’enfumage ». Il va donner toute sa mesure dans l’instruction de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana . On parlera de « l’enquête Bruguière », mais le flamboyant juge n’est finalement qu’un rouage plutôt terne à côté de Paul Barril, tireur de ficelles d’une procédure judiciaire qui figurera un jour dans les programmes de l’Ecole supérieure de la magistrature au chapitre « les erreurs à ne pas commettre ».
 
Jean-François DUPAQUIER
(à suivre)

Voir aussi les informations de Jacques Morel :
http://jacques.morel67.free.fr/BoiteNoireFalcon.pdf
 
Prochain article : Paul Barril, le roi de l’enfumage
 
Illustration : les restes du Falcon 50 photographiés en 1995, un an après l'attentat. Le mur de la résidence présidentielle avait été reconstruit… Photo (c) Droits réservés - www.afrikarabia.com

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