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30 août 2013

RDC : "Le spectre d'une guerre régionale est planté" selon Roger Lumbala

L'ancien député d'opposition congolais, Roger Lumbala, désormais membre de la rébellion du M23, s'inquiète des risques d'extension du conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Roger Lumbala estime que l'ONU a commis l'erreur en "transformant une mission de paix en mission de guerre" et redoute "un bain de sang" dans les Kivus. Dans l'interview qu'il a accordé à Afrikarabia, Roger Lumbala se déclare également "candidat à la prochaine présidentielle de 2016" si Etienne Tshisekedi ne se présente pas.

Roger Lumbala filtre 222.jpg- Afrikarabia : Selon vous, pour quelles raisons les combats ont repris entre l'armée congolaise et le M23 à la mi-juillet 2013 ?

- Roger Lumbala : Comme Kinshasa avait obtenu la résolution 2098,  ils attendaient le déploiement de la Brigade d'intervention de l'ONU (FIB). C’est ainsi que dans son double jeu, le gouvernement a attaqué les positions du M23 pour pousser la Brigade à s’engager au combat. Sachant que les FARDC ne sont pas en mesure militairement de déloger les éléments du M23 de leurs positions. En fait, Joseph Kabila veut s’attirer la sympathie des Congolais naïfs et se rapprocher de certains pays qui ont des relations difficiles avec le Rwanda. Après s’être imposé à la tête de la RDC, il veut sortir de son isolement diplomatique et faire oublier sa gestion calamiteuse de la chose publique.

- Afrikarabia : Depuis la reprise des affrontements avez-vous encore un espoir d'une solution politique aux négociations de Kampala que l'on dit au point mort ?
 
- Roger Lumbala : Bien sûr que oui ! Malgré les affrontements, la diplomatie fonctionne. Les émissaires discutent les uns avec les autres. Il y a même Monsieur Martin Kobler (représentant de l'ONU en RDC) qui fait office de président de la RD Congo. Il visite les blessés de guerre, il enterre les morts, il fait de la diplomatie... Il y a  l'espoir d’une solution politique. Il vient de demander au M23 de se replier sur ses positions initiales prévues dans le cadre de la CIRGL. Le M23, comme bon élève, vient d’accepter cette demande. C’est la voie proposée par le Secrétaire général des Nations-unies, par Madame Mary Robinson, ainsi que dernièrement par Monsieur Martin Kobler lui-même. Pour celui qui ne connait pas l’Est de la RDC, il peut vite tomber dans "l’option militariste" mais je crois que c’est évidemment la solution politique qu’il faut privilégier. Dans le cas contraire les conséquences seront incommensurables. Nous tendrons vers une guerre régionale qui va se solder par un nouveau génocide. Qui en seront les responsables? Il y a certains pays qui soufflent sur les braises. Les "pêcheurs en eaux troubles" profitent de la position de faiblesse de Joseph Kabila pour exploiter en désordre les matières premières de notre pays. Je pense qu’ils ont tord.

- Afrikarabia : La participation de casques bleus aux combats, aux côtés de l'armée congolaise contre la rébellion du M23 est une première dans l'histoire de l'ONU. Qu'est-ce que cela change pour le M23 ?
 
- Roger Lumbala : L’engagement des casques bleus n’a rien changé à la détermination du M23 à revendiquer ses droits. Vous savez que la RDC a toujours servi de cobaye dans "les laboratoires du monde". Le pays, potentiellement riche, attire les convoitises de toutes les puissances. Et chacun pense y tirer un quelconque avantage dans cette période de crise financière mondiale. Je crois que c’est une erreur de transformer une mission de la paix en mission de guerre. La situation en RDC est-elle pire que celle de l'Afghanistan, de l‘Irak, de la Syrie, de la Libye ? Les casques bleus deviennent par la résolution 2098 des "casques rouges", donc des ennemis d’une partie de la population congolaise qui revendique leurs droits. Pourquoi existe-il tant de groupes armés en RDC ? Sont-ils tous l’émanation du Rwanda ? Sont-ils tous composés d'éléments rwandophones? Leurs revendications ne sont-elles pas légitimes ? Pourquoi Kabila n’écoutait-il pas les revendications légitimes exprimées pacifiquement par l’opposition politique? Pourquoi depuis plus de 10 années de règne de Joseph Kabila la situation sociale des citoyens ne s’améliore pas? Le problème du Congo c’est Joseph Kabila. Son incapacité a gérer le pays. Mais toutes les puissances reconnaissent que le Congo connait une crise de légitimité. Joseph Kabila n’a pas été élu. Il arrête des membres de l’opposition politique. Le Congo est le premier sur la liste des pays les plus corrompus.  Pour l’indice humain de développement le Congo est le dernier pays.
 
- Afrikarabia :  Kigali accuse Kinshasa d'avoir bombardé son territoire alors que l'ONU vient d'affirmer jeudi 29 août que les obus qui sont tombés provenaient des zones sous contrôle du M23. Le Rwanda peut-il être tenté d'entrer dans le conflit et de traverser la frontière congolaise ?
 
- Roger Lumbala : L’ONU est-elle encore impartiale dans ce conflit en choisissant le camp de l’oppresseur de notre peuple ? Chaque lecteur a sa réponse. A mon humble avis, avec tous les respects que je dois à cette institution, je vois que l’ONU est devenue juge et partie. Ses rapports ne sont plus objectifs. Il y a des bombes qui tombent à Gisenyi. Ces bombes sont  tirées à partir de la RDC. En plus, le monde entier connait les objectifs des FDLR. Nous avons tous établi la coopération entre des éléments FDLR, ADF-NALU et Maï-Maï avec le pouvoir de Kinshasa. Joseph Kabila les organise et les équipe. Ces groupes sont qualifiés de "forces négatives à neutraliser" par la Brigade d’intervention de l'ONU. Mais comment la Brigade fera-t-elle? Un rapport de la Monusco signale la présence de ces éléments aux côtés des FARDC ! Je crois que le spectre d'une guerre régionale est planté. La redistribution des cartes va se faire dans le bain de sang.
 
- Après avoir pris la ville de Goma en novembre 2012, la rébellion du M23 n'a visiblement pas capitalisé sa victoire militaire en victoire politique. Les Congolais sont toujours majoritairement très opposés au M23, qu'ils accusent d'être la marionnette de Kigali. Pour quelles raisons ?
 
- Roger Lumbala : Le M23 n’a pas besoin d’être aimé par tous Congolais, mais il est là pour donner son avis sur la gestion de la chose publique. Le M23 a transformé sa victoire militaire en victoire politique et diplomatique. Il est passé d’un "groupe terroriste", d’une "force négative", en une force avec laquelle il faut discuter et même  céder l’administration d'un territoire... rappelez-vous du retrait des FARDC du territoire de Rutshuru. Cette étape était d’une importance capitale. Dans toutes les réunions régionales la situation de la RDC est traitée en fonction du M23. Kabila organise les concertations nationales aujourd’hui avec l’opposition et les forces vives qu’il avait autrefois méprisées. C’est grâce à la lutte armée menée par le M23. Pour ce qui concerne mes frères Congolais, ils ne savent pas ce qu’ils veulent. La majorité soutient Etienne Tshisekedi. Ils organisent des manifestations pacifiques qui se butent à la répression sanglante des hommes de Kabila. Ils sont incapable de se mobiliser en masse dans la ville de Kinshasa pour chasser Joseph Kabila. Leur haine envers les rwandophones est pour moi inacceptable. Quand les rwandophones, militaires et civils, sont avec Kabila, ils sont Congolais mais quand ils s’opposent à lui, ils deviennent Rwandais. Je suis Luba et j’en sais quelque chose. Joseph Kabila distille à travers ces médias cette haine dans le mental collectif des Congolais. Les puissances occidentales observent, mais se taisent. J’espère que le peuple juif comprends ce danger. Par contre, moi, je serai candidat à la présidence de la République aux prochaines élections de 2016, dans le cas où le Président Etienne Tshisekedi ne se présente pas. Parce que la RDC mérite mieux. Je mettrai toutes mes forces pour réconcilier le peuple Congolais avec lui-même et aussi et surtout la RDC avec ses pays voisins de l’Est, relancer l’économie de notre pays et offrir le bien être social au peuple Congolais. La RDC reprendra alors sa place dans le concert des nations.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Roger Lumbala à Paris en novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

RDC : Roger Lumbala candidat en 2016 ?

Dans une interview accordée à Afrikarabia, Roger Lumbala, ancien député national et membre de la rébellion du M23, affirme vouloir être candidat à la prochaine élection présidentielle de 2016 "dans le cas où Etienne Tshisekedi ne se présente pas". Portrait d'un opposant, passé à la rébellion.

Lumbala photo verticale.jpgLà où on ne l'attend pas. Cela semble être devenu la devise de Roger Lumbala. Son parcours politique est loin d'être rectiligne… et ne manque pas de piment. Président de l'UDPS en France dans les années 90, le parti de Tshisekedi dont il est toujours fidèle, on retrouve Roger Lumbala à la tête d'un groupe rebelle, le RCD/N, pendant la première guerre du Congo. En janvier 2003, son groupe armé sera notamment accusé de crimes de guerre. Puis il devient ministre dans le gouvernement de transition et candidat à la présidentielle de 2006 (0,45% des voix). Il est élu député de la circonscription de Miabi, puis sénateur.

Persona non grata

Début septembre 2012, l'opposant congolais est brièvement arrêté par les services de renseignements burundais à Bujumbura. Soupçonné de conspiration contre le régime de Joseph Kabila et de collaboration avec la rébellion du M23, Roger Lumbala échappe aux officiers de renseignements congolais venus le chercher par avion et réussit à se réfugier dans l'ambassade d'Afrique du Sud. Comme aucune charge ne pèse sur lui au Burundi, Lumbala  regagne finalement Paris le 16 septembre 2012, où il rejoint sa famille.

A la table du M23

Le 1er janvier 2013, leM23, annonce la présence de Roger Lumbala à Bunagana, le fief des rebelles. Son ralliement officiel à la rébellion tombe quelques semaines plus tard où il représente le M23 à la table des négociations de paix de Kampala entre rébellion et gouvernement congolais. Rapidement son immunité parlementaire est levée et son mandat de député national invalidé.

"Caution congolaise"

Roger Lumbala est le seul homme politique d'envergure a avoir rejoint le M23. On le présente souvent à Kinshasa comme la "caution congolaise" de la rébellion, que l'on accuse d'être manipulée et soutenue par le Rwanda voisin. Mais pour le moment la branche politique peine à se faire entendre. Les pourparlers de Kampala sont dans l'impasse et se sont les armes qui parlent aujourd'hui autour de Goma. Le M23 est encore aux mains de la branche militaire, commandée par Sultani Makenga. La mue politique du mouvement n'a pas encore commencé.

Candidat en 2016

Dans une interview accordée à Afrikarabia (à lire dans son intégralité ici), Roger Lumbala déclare vouloir être "candidat à la présidence de la République aux prochaines élections de 2016, dans le cas où le Président Etienne Tshisekedi ne se présente pas". L'ancien député congolais estime que la RDC "mérite mieux" et affirme pouvoir "réconcilier le peuple Congolais avec lui-même et aussi et surtout avec ses pays voisins de l’Est". Fidèle à l'opposant historique, Etienne Tshisekedi, Roger Lumbala dresse un portrait sévère du président Joseph Kabila. "Pourquoi Kabila n’écoutait-il pas les revendications légitimes exprimées pacifiquement par l’opposition politique ? Pourquoi depuis plus de 10 années de règne de Joseph Kabila la situation sociale des citoyens ne s’améliore pas ?", demande Roger Lumbala. "Le problème du Congo c’est Joseph Kabila et son incapacité a gérer le pays", conclut-il.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Roger Lumbala à Paris en novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

27 août 2013

RDC : Justine M'Poyo Kasa-Vubu "réceptive" aux concertations nationales

L'opposante congolaise Justine M'Poyo Kasa-Vubu, se déclare prête à participer aux concertations nationales qui doivent s'ouvrir le 4 septembre en République démocratique du Congo. La présidente du Mouvement des Démocrates (MD) souhaite que ce dialogue national soit "inclusif" et "ne fasse pas l'impasse sur le contentieux électoral de 2011". Enfin, la création d'un gouvernement d'union national à l'issu des concertations serait "logique", selon Justine M'Poyo Kasa-Vubu.

Justine Kasa Vubu filtre.jpg- Afrikarabia : Les concertations nationales doivent débuter le 4 septembre prochain à Kinshasa, êtes-vous favorable à cette initiative du Président Joseph Kabila ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Je voudrais d'abord faire observer que c'est la pression populaire en RDC et dans la diaspora qui a pousser le pouvoir en place à se rendre compte qu'il y avait des problèmes : l'insécurité généralisée, la précarité de la population et enfin le contentieux électoral de 2011. Mais si je suis réceptive à cette initiative, moyennant une représentativité assez large, je crois que cela pose tout de même un problème : celui de la cohésion nationale. Et pour résoudre ce problème de cohésion nationale, je crois qu'on ne peut pas passer outre l'examen du contentieux électoral de la présidentielle de 2011. Dans quelques temps, on va de nouveau inviter la population aux urnes. Nous devons donc prendre nos responsabilités pour redéfinir dans quel cadre le Congo doit se développer et avec quel modèle politique ? Je crois qu'il est bon, à un moment,  que tout le monde puisse marquer une pause, mettre les préjugés de côté pour poser les vrais questions et apporter les bonnes solutions au pays. A condition bien sûr que ce dialogue soit inclusif.

- Afrikarabia : Cela veut dire que vous souhaitez participer à ces concertations ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Si nous recevons une invitation, nous l'examinerons avec une bienveillance positive parce que nous voulons être constructif. Dans le même temps je comprends qu'il puisse y avoir des personnalités comme Etienne Tshisekedi (UDPS) qui ne souhaitent pas y participer. Le Président de l'UDPS a de bonnes raisons et de bons arguments, mais le pays va à la dérive. Je comprends que d'un côté il y a une insatisfaction mais d'un autre côté il faut de la responsabilité et de la conscience nationale pour baliser le terrain afin que demain soit meilleur qu'aujourd'hui.

- Afrikarabia : Les grands partis d'opposition comme l'UDPS, l'UNC ou le MLC  refusent pour le moment de participer à ces concertations. Ils pensent que c'est un piège tendu par le Président Kabila pour retrouver un semblant de légitimité après sa réélection contestée de 2011 ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Vous savez ces élections étaient aussi un piège ! Et Joseph Kabila est toujours là malgré les constatations de fraudes électorales des Nations-unies. Les concertations sont-elles là pour légitimer Kabila ? Moi je pense que cela dépend de la volonté politique des Congolais. Est-ce que nous voulons légitimer Kabila ou voulons-nous mettre en place un pays qui fonctionne ? Le Congo souffre surtout d'une indifférence de la communauté internationale. Le Congo doit se reconstruire dans le respect de tous les Etats, accepter la coopération avec la communauté internationale, mais nous attendons aussi que cette communauté internationale puisse accepter que ce qui est valable en occident au nom du droit, de la démocratie et de la morale, doit pouvoir aussi être valable en République démocratique du Congo. Ce n'est pas le cas pour le moment.

- Afrikarabia : L'un des vice-présidents de ces concertations, Léon Kengo a laissé entendre qu'à l'issu de ce dialogue un gouvernement d'union national pourrait voir le jour. Est-ce une bonne idée ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Cela atteste que le gouvernement actuel est démissionnaire ! Je crois que c'est la déduction que l'on peut en faire. A partir du moment où nous avons un gouvernement démissionnaire, il est bien clair que ce pays doit être gouverné malgré tout. Il faut donc s'attendre à une refonte générale de la direction du pays. C'est logique.

- Afrikarabia : Qu'est-ce que vous reprochez le plus au Président Joseph Kabila ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : D'abord son autisme. Et puis son refus de ce qu'il avait lui-même reconnu après les élections contestées de 2011. Joseph Kabila avait reconnu les irrégularités du scrutin, il y a même des enregistrements qui en témoignent. Il n'en a malheureusement pas tiré toutes les conséquences. Mais j'ai l'impression qu'il n'agissait qu'en sous-traitance et donc Il faudrait peut-être aller voir du côté de  Kigali les tenants et les aboutissants qui font qu'au Congo nous n'avons pas la gouvernance qu'il nous faut. Je crois donc qu'une réévaluation inter-africaine est absolument indispensable sur le sujet.

- Afrikarabia : En 2016, il y a aura de nouvelles élections présidentielles. Vous avez été candidate en 2006. En 2011 vous vous étiez présenté mais votre candidature avait été invalidée. Serez-vous de nouveau candidate lors de la prochaine présidentielle ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : J'attends que les prochaines échéances puissent avoir lieu, mais seulement après avoir obtenu des garanties de la communauté internationale sur la bonne organisation du scrutin…

- Afrikarabia : … avec Justine M'Poyo Kasa-Vubu comme candidate ?

- Justine M'Poyo Kasa-Vubu : Jacques Chirac disait qu'il refusait de faire de la politique-fiction. Moi aussi. Chaque chose en son temps.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Justine M'Poyo Kasa-Vubu à Paris le 27 août 2013 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

22 août 2013

RDC : Les combats reprennent au Nord de Goma

Après un mois de trêve, les affrontements ont repris depuis le mercredi 21 août entre l'armée congolaise et le M23. Les combats se poursuivent aujourd'hui autour de Kibati, Mutaho et Kanyarucinya à 7 km au Nord de Goma. Jeudi après-midi 5 obus sont tombés sur Goma créant un mouvement de panique dans la ville.

Carte zone de sécurité Afrikarabia explosion.jpgLes hostilités ont repris autour de Goma, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) entre l'armée régulière (FARDC) et les rebelles du M23. Comme toujours les deux parties se rejettent la responsabilité du déclenchement des combats. Le M23 affirme que ce sont les FARDC qui ont attaqué leurs positions mercredi 21 août à 19h45 dans le secteur de Kibati et Kanyarucinya à environ 7 km de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Sur son compte Twitter, Bertrand Bisimwa a dénoncé le retour des hostilités "qui semblent vouloir compromettre le processus de paix" de Kampala. Le M23 a également annoncé le bombardement du relais téléphonique Vodacom de Kibumba ainsi que l'approche de troupes gouvernementales sur l'axe de Rwindi-Mabenga et Tongo.

L'armée congolaise a déclaré sur Radio Kivu 1 que le M23 portait la responsabilité des affrontements de ce mercredi. Le Commandant FARDC Mamadou a affirmé, toujours sur la même antenne, que la situation était "sous contrôle" de l'armée régulière. Après une courte accalmie dans la nuit de mercredi à jeudi, les combats ont repris jeudi matin dans les mêmes secteurs, ainsi qu'autour de Mutaho.

La reprise de la guerre autour de Goma intervient après un mois de trêve entre FARDC et M23. Le 14 juillet dernier, l'armée congolaise avait en effet lancé une vaste offensive contre la rébellion avant de stopper son avancée sans avoir réellement fait reculer le M23.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

MISE A JOUR Jeudi 22 août à 17h45

Dans l'après-midi, plusieurs bombes sont tombées sur Goma et ses alentours. Une  première bombe a touché à Munigi dans les quartiers Nord de la ville. Puis trois autres obus sont ensuite tombés sur Goma-ville, selon plusieurs témoins. Le quartier du cimetière et de l'aéroport a été touché par une première bombe, puis une seconde près de l'hôtel Cap Kivu en bordure de lac et une troisième aux abords de l'université dans le quartier de Kinyumba. Des témoins rapportent des scènes de panique. Les magasins et les banques ont fermé leurs portes et le trafic routier était très perturbé.

20 août 2013

RDC : Assassinat d'un défenseur des droits de l'Homme au Katanga

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme dénonce le récent assassinat de Godefroid Mutombo, membre de l'ONG Libertas, en République démocratique du Congo (RDC). L'Observatoire demande "une enquête impartiale" et la garantie de l'intégrité physique des autres membres de Libertas au Katanga.

Afrikarabia logo V2.pngGodefroid Mutombo, membre de l'ONG congolaise des droits de l'Homme  Libertas a été assassiné le 7 août dernier dans le village de Kawakolo près de Pweto au Katanga. Selon l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (1), Godefroid Mutombo a été "sauvagement assassiné par des membres de groupes rebelles qui sèment la terreur" dans le Nord du Katanga depuis 2011. L'Observatoire rappelle que cette ONG avait dénoncé "plusieurs violations des droits de l’Homme perpétrées" dans la région, "qui auraient conduit à la condamnation d'un certain nombre de milices et militaires".

Dans un communiqué l'Observatoire appelle les autorités congolaises "à diligenter une enquête prompte, exhaustive, impartiale et transparente afin d'identifier tous les responsables et de les sanctionner conformément à la loi". L'ONG demande également aux autorités de "garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des autres membres de l'organisation non-gouvernementale Libertas et de tous défenseurs des droits de l'Homme congolais".

L'ONU s'était alarmée en mai dernier de la dégradation des conditions de sécurité dans ce que l'on appelle désormais le "triangle de la mort" au Nord du Katanga, entre les villes de Pweto, Mitwaba et Manono. Selon la porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Elisabeth Byrs, la détérioration de la situation humanitaire et les attaques continues menées par les combattants Maï-Maï avaient contraint plus de 200.000 personnes à fuir leurs foyers depuis avril dernier. Au banc des accusés, on trouve le groupe Maï-Maï du commandant "Gédéon" qui sévit dans la région depuis plus de 10 ans et le nouveau mouvement "indépendantiste" Bakata-Katanga.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

(1) L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme constitue un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

14 août 2013

RDC : Mini-remaniement au M23

5 mois après son arrivée à la présidence du M23, Bertrand Bisimwa a procédé à de nouvelles nominations au sein de l'organigramme politique de la rébellion. Le nouveau président cherche à consolider sa gouvernance en nommant des proches. Portrait et décryptage du nouveau "gouvernement" du M23.

Capture d’écran 2013-08-13 à 23.36.06.pngDepuis mars 2013, Bertrand Bisimwa a pris la tête de l'aile politique de la rébellion du M23. Bisimwa a remplacé Jean-Marie Runiga, un proche de Bosco Ntaganda, qui avait été arrêté au Rwanda après de violents affrontements avec l'autre faction rebelle dirigée par Sultani Makenga. Dans cette guerre fratricide, le camp Makenga a remporté la bataille : Ntaganda s'est livré à la Cour pénale internationale (CPI) et Runiga a été arrêté dans sa fuite par Kigali. Dans ce contexte, il aura fallu 5 mois au nouveau président pour procéder à la réorganisation de la branche politique du M23.

Des proches aux postes clés

Le 6 août 2013, Bertrand Bisimwa a recomposé les différents départements du "gouvernement" de la rébellion (la liste des nominations est consultable ici). Le nombre des départements est passé de 12 sous la présidence de Jean-Marie Runiga à 17 avec Bertrand Bisimwa. Plusieurs éléments sont à noter dans ce mini-remaniement. Bertrand Bisimwa a tout d'abord souhaité affirmer sa présidence en nommant des proches aux postes clés. René Abandi, "l'ami de Bisimwa", a été nommé aux relations extérieures. Une fonction stratégique, lorsque l'on sait que René Abandi représente désormais le M23 aux  négociations en cours avec le gouvernement congolais à Kampala. Idem pour Désiré Rwigema à l'Intérieur et Sendugu Museveni aux Affaires politiques. Ces deux cadres du M23 sont très proches de Bisimwa.

"Congolité"

Autre signe de l'affirmation de la présidence de Bertrand Bisimwa, la création d'un département du Budget en parallèle de celui des Finances. L'argent étant le nerf de la guerre, le nouveau président a préféré adjoindre à Bahati Musanga (réputé proche de Makenga), un département du Budget avec un nouveau venu : Fior Muyinda. Ce transfuge de l'UNC de Vital Kamerhe aura désormais un oeil sur les cordons de la bourse en liaison direct avec Bertrand Bisimwa. Autre atout de Fior Muyinda : il est originaire du Bandundu et assure la "congolité" du mouvement rebelle. Le département de la Justice et des droits humains est également détenu par un nouvel arrivant : Moise Chokwe Chembo, un magistrat katangais, ancien du RCD.

Des Chefs de départements... de Goma

Une femme fait son entrée dans le "gouvernement" du M23 : Eugénie Mubake. Avec Elias Karokoli (Mobilisation des masses) et Joël Malembe (Planification économique), Eugénie Mubake a la particularité d'être originaire de Goma. Une ville dont la rébellion s'est emparée pendant 10 jours en novembre 2012. Un signe sans doute envers la population de la capitale provincilae du Nord-Kivu. Deux nouveaux départements font leur entrée dans l'organigramme politique du M23 : celui de la Sécurité et celui du Développement communautaire, chargé notamment de suivre la demande de "zone sinistrée" faite aux pourparlers de Kampala. Enfin, Stanislas Baleke passe lui de l'Environnement et du Tourisme à l'Education nationale.

Makenga reste le patron

Ces ajustements traduisent la volonté du nouveau président, Bertrand Bisimwa, d'installer ses hommes dans l'organigramme du mouvement et de consolider sa gouvernance après l'épisode de la guerre des clans. Ce remaniement suffira-t-il à transformer le M23 en parti politique "traditionnel" ? Jusque là, la rébellion a toujours eu du mal à transformer ses victoires militaires en victoire politiques. Ses contacts avec l'opposition politique congolaise sont toujours au point mort et les derniers affrontements entre l'armée congolaise (FARDC) et le M23 ont plutôt  galvanisé la population contre la rébellion, accusée d'être "le jouet" du Rwanda voisin et de vouloir "balkaniser" l'Est du pays. Mais pour l'heure, le pouvoir au sein du M23 n'est pas dans les mains des "politiques", mais entre les mains des militaires. Le vrai patron du M23 est toujours Sultani Makenga, le commandant des troupes rebelles sur le terrain.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

10 août 2013

RDC : Des concertations... et un nouveau gouvernement

Les "concertations nationales" voulues par Joseph Kabila doivent s'ouvrir la semaine prochaine à Kinshasa. Objectifs du président congolais : apaiser le climat politique après les élections contestées de 2011 et mettre un terme au conflit à l'Est du pays. Un nouveau gouvernement devrait voir le jour à l'issu des concertations… ce qui pourrait séduire certains membres de l'opposition.

Palais du peuple 2 effet.jpgLe mouvement s'accélère à Kinshasa. Annoncées début 2013 par Joseph Kabila, les concertations nationales débuteront la semaine prochaine en République démocratique du Congo, selon le président du Sénat, Léon Kengo sur Radio Okapi. Ces concertations doivent réunir l'ensemble des institutions publiques, des partis politiques, des autorités coutumières et de la société civile… pour "dialoguer", "débattre" afin "de consolider la cohésion nationale et renforcer l'autorité de l'Etat". Il faut dire que depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en novembre 2011, le retour de la guerre à l'Est de la RDC et les multiples pressions internationales, le climat politique devenait difficilement tenable pour le fragile régime de Joseph Kabila.

Ouverture politique

L'ouverture des concertations donne le coup d'envoi à une opération de séduction et de reconquête de Joseph Kabila. Objectif affiché : ouvrir sa majorité à de nouveaux "partenaires" politiques en vue de consolider sa présidence et pourquoi pas… de se représenter aux élections de 2016. L'opposition congolaise a bien flairé la manoeuvre politique et a refusé en bloc toute participation aux concertations. MLC, UDPS et UNC ont tous décliné l'offre de Joseph Kabila. Certains de ces partis, comme l'UNC, ont tout de même conditionné leur présence. Vital Kamerhe souhaite que la majorité s'engage à ne pas modifier la constitution qui limite le nombre des mandats du président de la République. Un sujet hautement sensible lorsque l'on sait que les rumeurs vont bon train sur la volonté de Joseph Kabila de se représenter pour un troisième mandat. Certains partis veulent également revenir sur la "légitimité" de Joseph Kabila et sa réélection "douteuse", alors que d'autres exigent une médiation africaine ou onusienne.

Un pas vers l'opposition

Sur tous ces différents entre majorité et opposition, un certain flou règne encore. Léon Kengo affirme sur Radio Okapi que "toutes les conditions soulevées, nous les avons rencontrées pour que ces concertations se déroulent dans un climat apaisé". En clair : des efforts ont été faits côté gouvernemental. Le président du Sénat s'est également rendu à Brazzaville pour s'assurer de la coopération de Denis Sassou Nguesso pour "accompagner" le processus. Un bon point pour les organisateurs des concertations puisque le président du Congo-Brazzaville semble faire l'unanimité dans l'opposition pour jouer les bons offices. Quant aux autres points de friction, ils sont toujours en discussion entre le présidium des concertations et l'opposition politique. La plus ou moins grande participation de l'opposition constitue bien entendu la condition sine qua non à la réussite des concertations nationales. Une absence des principaux opposants serait un échec pour Joseph Kabila et transformerait son "dialogue national" en congrès de la majorité présidentielle… du plus mauvais effet aux yeux de la communauté internationale.

Un nouveau gouvernement pour une "nouvelle majorité"

Signe des difficultés pour réunir l'opposition autour de la table, Léon Kengo a dû sortir prématurément un des atouts phares de Joseph Kabila : le remaniement gouvernemental. Un nouveau gouvernement sera donc issu des concertations, avec une équipe "représentative" composée de la "nouvelle majorité" avec "l'actuelle majorité, l'opposition et la société civile". A bon entendeur… la course est donc ouverte pour le poste de Premier ministre et des portefeuilles toujours très convoités. Ce remaniement constitue clairement un appel du pied à tous les leaders de l'opposition qui serait intéressés par la fonction… et on peut supposer qu'ils seront très nombreux.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Palais du peuple Kinshasa © www.afrikarabia.com

05 août 2013

RDC : L'appel des 52 pour un TPI au Congo

52 personnalités féminines viennent de signer un appel demandant la création d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo. Ce Tribunal est présenté comme "une solution incontournable pour la paix et la justice dans la région des Grands Lacs". Parmi les signataires on retrouve Françoise Héritier, Rama Yade, Roselyne Bachelot, Ingrid Betancourt ou Gisèle Halimi.

Capture d’écran 2013-08-05 à 13.05.41.png52 marraines ont signé une déclaration "sur les viols comme arme de guerre et l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo". Selon Maître Hamuly Réty, l'un des Congolais à l'initiative de cet appel, "la création du Tribunal pénal international pour la RDC est l'un des facteurs crédibles de paix dans la région". Cette initiative est soutenue par le Réseau des Ong des droits de l'Homme en RDC (RENADHOC) ainsi que par le docteur Denis Mukwege. Nous publions ici le texte intégral de cet appel :

"- A M. François HOLLANDE, président de la République française
- A M. Barack OBAMA, président des États-Unis d'Amérique
- Au Conseil de sécurité des Nation unies (présidence en exercice)
- A M. BAN-KI-MOON, secrétaire général des Nations unies
- A M. VAN RUMPOY, président de l'Union européenne
- A Mme Nkosazana DLAMINI-ZUMA, présidente de la commission de l'Union africaine
- A M. ABDOU DIOUF, secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie
- A Mme ROBINSON, envoyée spéciale des Nations unie dans la région des Grands lacs

Mesdames, Messieurs,

D'indescriptibles horreurs, répertoriées dans le rapport dit « mapping » des Nations unies, se déroulent sans désemparer, à l'est de la République Démocratique du Congo depuis 1994.

Marraines de cet appel, nous ne pouvons penser aux maux que souffrent les femmes à l'est de ce pays sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur, en nous représentant nos semblables, unies à nous par le triple lien d'humanité, des droits et de la francophonie, être traitées plus durement que ne le sont les bêtes de somme ;

Nous ne pouvons nous persuader qu'on puisse sans se gêner, faire usage de ressources stratégiques de la République Démocratique du Congo, si l'on faisait réflexion qu'elles ont été arrosées du sang et de la dignité de nos semblables, traitées comme si elles étaient quelque « chose » qui ressemble à des humains ;

Craignons avec raison que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes, n'accusent les Français, les Européens et les Américains de ce siécle, d'avoir été complices de barbarie, ce qui contraste avec les valeurs universelles sur lesquelles nous avons voulu fonder notre humanité.

Notre conscience nous dicte par conséquent
De supplier toute conscience humaine, qui réprouve le traitement que subissent ces femmes du Congo, leurs familles et leur peuple, de signer cet appel en cliquant sur ce lien, pour que, de ces victimes, soient restaurés les droits à la vie, à la dignité et à la justice, et que, de leurs bourreaux, soit mis fin à l'impunité et les sanctionner de la manière la plus exemplaire mais aussi, de la manière aussi juste qu'équitable.

Au moment où le Conseil de sécurité ferme les portes du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et celui d'exYougoslavie (TPIY), qui ont considéré dans la jurisprudence Akayezu, ce type de viol, arme de guerre comme constitutif de crime contre l'humanité ou de génocide,

nous demandons:
1) au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu'au secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de mettre en place, sans atermoiement, un Tribunal pénal international pour la ROC, chargé de poursuivre tous les crimes répertoriés dans le « rapport mapping » des Nations unies, en succession du TPIR à Arusha en République unies de Tanzanie.

2) à M. le président Obama, d'honorer son « prix Nobel » en adoptant dans la région, une politique qui prend en compte la dignité et l'humanité de ces femmes,

3) à M. le secrétaire général Abdou Diouf, d'actionner les valeurs de la francophonie que nous avons en partage pour que dans toutes les instances, les francophones défendent en bloc ces victimes en soutenant le présent appel,

4) à Mme la présidente Zuma, de puiser dans la sagesse et l'humanisme africains, la force nécessaire pour condamner et faire condamner l'humiliation et la douleur infligée à ces femmes de l'est du Congo et d'appuyer fortement cette exigence de justice au Conseil de sécurité.

5) à M. le président Van Rumpoy, de recentrer la diplomatie européenne sur les valeurs qui fondent l'Europe - convaincre les États membres de s'abstenir de tout soutien sous quelque forme que ce soit, visant à couvrir ou garantir l'impunité aux bourreaux - et d'inviter les États membres à soutenir le présent appel.

6) à Mme Robinson et M. Ban Ki-moon, d'inscrire parmi les pistes prioritaires de recherche de solution de paix durable dans la région, la succession du TPIR / Arusha par le TPI pour la ROC.

7) aux dirigeantes et dirigeants du monde, quels que soient leur pays et l'institution qu'ils servent, d'arrêter tout encouragement et supprimer tous les avantages, privilèges et immunités consentis aux bourreaux.

8) à M. le président Hollande ainsi qu'aux chefs des États membres du Conseil de sécurité des Nations unies, d'instruire leurs ambassadeurs siégeant au Conseil de sécurité, de porter à l'ordre du jour et de rappeler, semaine après semaine, la question de l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la ROC en succession du TPIR/Arusha.

Ne pas le faire, serait une discrimination à l'égard de la femme congolaise, un déni de justice internationale ainsi qu'un encouragement à commettre le «gynocide » ou « fémicide». Car en effet, après publication du «rapport mapping» et la multitude de rapports sur la situation de ces femmes, nul n'est plus fondé à prétendre n'avoir rien vu, rien su, ni rien entendu".

Parmi les signataires : François Héritier, professeure d'Anthropologie émérite au Collège de France, Mireille Delmas-Marty, professeure émérite de Droit au Collège de France, Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de Droit à l'université Paris Diderot, Gisèle Halimi, avocate, Rama Yade, ancienne ministre, Roselyne Bachelot, ancienne ministre, Ingrid Betancourt, femme politique, François Gaspard, femme politique, Geneviève Fraisse, philosophe, Susan Georges, présidente d'honneur d'Attac… la liste complète des signataires est à consulter ici.

03 août 2013

RDC : La zone de sécurité fait polémique

A peine mise en place, la nouvelle zone de sécurité de l'ONU ne fait pas l'unanimité dans le Nord-Kivu. La population s'étonne que la zone ne couvre pas les régions sous contrôle des groupes armés, alors que certains accusent la Monusco de vouloir "désarmer le peuple face aux rebelles du M23".

Capture d’écran 2013-08-03 à 00.24.32.pngUne journée après la fin de l'ultimatum qui prévoit l'instauration d'une zone de sécurité autour de Goma et le désarmement de "toute personne possédant une arme à feu", le bilan est contrasté. Si le gouvernement congolais estime que cette mesure "va dans le sens de mettre fin au calvaire que subissent les populations", les mécontents font aussi entendre leur voix… et ils sont nombreux.

La Monusco "tape à côté"

A Goma, la population a bruyamment manifesté sa colère contre la zone de sécurité qui "n'englobe même pas les régions sous contrôle des rebelles du M23". "Un comble" selon un Congolais contacté. Un convoi de la Monusco a été "caillassé" vendredi matin à Goma en signe de protestation. Car si l'idée paraît bonne sur le papier pour la plupart des habitants du Nord-Kivu, son efficacité paraît "très incertaine". Les Congolais ont en effet l'impression que la Monusco "tape à côté". Alors q'une vingtaine de groupes armés sévissent dans le Nord et le Sud-Kivu, la zone de sécurité se contente de "sanctuariser" Goma, sa proche banlieue et la ville de Sake, sans s'occuper des régions où sont actifs les rébellions et notamment celle du M23.

Le M23 attend Kampala

Les rebelles du mouvement du 23 mars, dont aucune position n'est concernée par la zone de sécurité, donne dans l'ironie. René Abandi, un responsable du M23, souligne sur le site de "l'agence d'information" que "cette zone est occupée essentiellement par les soldats de l'armée régulière (FARDC) et leurs miliciens alliés des FDLR". Le M23 joue profil bas et déclare rester sur ses positions militaires défensives en attendant des avancées du côté des pourparlers de paix de Kampala, toujours au point mort depuis l'offensive de l'armée gouvernementale du 14 juillet dernier.

"Etendre la zone au-delà de Kibati"

Pour la population du Nord-Kivu, ballotée depuis deux décennies par des guerres à répétition, l'ultimatum de l'ONU et sa zone de sécurité ne va pas assez loin, ni assez vite. L'organisation non-gouvernementale congolaise, Lutte pour le changement (LUCHA), exige que la Monusco étende immédiatement sa zone de sécurité "au-delà de la ligne de Kibati" (région encore tenue par le M23). LUCHA demande également aux casques bleus et à la Brigade de "progresser le plus rapidement possible, sans quoi l'impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité".

La Monusco "désarme le peuple"

Si certains veulent que la Monusco aille plus vite, d'autres trouvent que la création d'une zone de sécurité et le désarmement qui va avec, est une vraie "duperie". Selon Jérôme Kengawe Ziambi, un criminologue, "tout citoyen congolais, habitant cette contrée, a le droit inaliénable de protéger sa vie et celle des siens" et donc d'être armé. En faisant la chasse aux armes à feu dans la zone de sécurité, ce Congolais craint ainsi que l'on désarme "le peuple congolais" qui se défend contre "les agressions étrangères" et le M23.

Attention à "l'escalade de la violence"

Du côté des ONG, on reste aussi très sceptique sur l'efficacité de la zone de sécurité. Oxfam demande aux Nations unies de procéder "avec la plus grande prudence" dans l'opération de désarmement. L'ONG craint une escalade de la violence avec l'entrée en action de la Brigade et demande que les populations civiles soient protégée par l'ONU. "Une priorité absolue" pour Oxfam. Bertrand Perrochet, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) en RDC avait dénoncé il y a quelques semaines (avant la création de la zone de sécurité) la confusion des genres entretenue par les Nations unies entre militaires et humanitaires. Avec un mandat "offensif", les casques bleus ne seront plus "neutres" dans le conflit et imposent ainsi aux ONG de ne plus l'être. Un changement radical dans l'histoire de l'ONU, qui inquiète ce médecin qui affirme "ne pas être un soldat en blouse blanche".

La Monusco "ne fait pas la guerre"

Devant un tel concert d'incompréhension, la Monusco s'est voulue rassurante et pédagogique. "Nous ne faisons pas la guerre aux groupes armés, nous voulons les désarmer et ramener la paix" a martelé la Monusco. L'opération de désarmement sera "progressive" et "le périmètre de la zone de sécurité pourra être étendu". A la question de savoir pourquoi, la Brigade ne s'attaque pas directement aux groupes armés, la Monusco a répondu en conférence de presse qu'elle ne pouvait pas "s'occuper de tous les groupes armés en même temps" et qu'elle commençait donc par sécuriser Goma. Au risque, selon certains analystes, de "sanctuariser" Goma, devenue une forteresse imprenable, au détriment du reste du Nord et du Sud Kivu, en prise direct avec les multiples groupes armés… et leurs exactions.

Offensif ?

Dernière inconnue : le niveau d'engagement de la nouvelle Brigade d'intervention de l'ONU sur le terrain. A la question de savoir si la Monusco utilisera la force pour désarmer dans la zone de sécurité, Félix Basse, le porte-parole de la Monusco a répondu sans hésiter "oui". Mais plus tard, il déclarera que la Brigade n'était pas "offensive" et qu'elle était seulement là "pour protéger les civils"… une mission qu'effectue avec plus ou moins de réussite la Monsuco depuis 13 ans ! Un flou qui n'a pas vraiment rassuré à Goma.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Casque bleu en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com