03 février 2013
RDC : Les nouveaux rebelles du Sud-Kivu
Une nouvelle rébellion a vu le jour à Bukavu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'Union des Forces Révolutionnaires du Congo (UFRC) se présente comme une coalition de 12 groupes rebelles avec pour objectif "le départ de Joseph Kabila" et "la défense du territoire national". Qui sont-ils ? Portrait.
Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo, depuis l'apparition du M23 en avril 2012, a provoqué la multiplication de nombreux groupes rebelles ou d'auto-défense. Le dernier en date vient de se créer à Bukavu (Sud-Kivu) sous le nom d'Union des Forces Révolutionnaires du Congo (UFRC). Il ne s'agit pas d'un mouvement armé supplémentaire, mais d'une coalition d'une douzaine de groupes déjà constituée.
Renverser Joseph Kabila
Les revendications de l'UFRC sont clairement orientées contre le régime de Joseph Kabila dont la réélection en novembre 2011 est toujours contestées. La coalition demande le départ du président Kabila, l'organisation "d'élections démocratiques", la création "d'organes nationaux de transition" et enfin "la réforme du système de défense et de sécurité". Ce mouvement assure être soutenu "par la Société civile" ainsi que "par d'autres formations politiques". (Voir la déclaration de l'UFRC envoyée aux Nations unies).
Contre la "balkanisation"
Dans la ligne de mire de cette coalition, il a bien sûr le conflit qui oppose la rébellion du M23 (soutenu par le Rwanda) et les autorités congolaises. Mais il y a surtout le rôle du voisin rwandais, une "puissance étrangère" accusée de vouloir "balkaniser" les deux Kivus (Nord et Sud) riches en minerais. Contacté par Afrikarabia, le colonel Maké Silubwe, un des responsables de la coalition, estime que l'UFRC "n'est pas un allié du M23". D'ailleurs une des raisons de la création de cette rébellion, est le nombre "trop important de rwandais" dans les FARDC, l'armée régulière congolaise. Selon Maké Silubwe, il y a "une trentaine d'officiers rwandais au sein des FARDC". On a donc bien compris que si l'UFRC est "anti-Kabila" comme le M23, la comparaison s'arrête là avec les rebelles du mouvement du 23 mars. Maké Silubwe prend la peine de préciser : "il n'y a aucun étranger dans notre mouvement… à la différence du M23".
En contact avec "Gédéon"
A la tête de l'UFRC, on trouve Gustave Bagayamukwe Tadji, le président du comité de coordination. Candidat malheureux à la députation, en novembre 2011 dans la ville de Bukavu, il avait fortement dénoncé la "non-conformité du scrutin". Le colonel Silubwe n'a pas souhaité nous donner un chiffre sur le nombre d'hommes que représente les 12 groupes armés membres de l'UFRC. Selon lui, l'ensemble des groupes armés de la province du Sud- Kivu serait désormais sous commandement de l'UFRC. La coalition regroupe les Raïa Mutomboki dans les territoires de Shabunda, Mwenga et Kalehe ainsi que les Maï-Maï de Bunyakiri, Kalehe, Walikale, Masisi et Lubero. Maké Silubwe nous a ensuite affirmé que son mouvement était en connexion avec le groupe de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, un chef rebelle qui sévit au Nord du Katanga, la province voisine. "Gédéon ne fait pas partie de l'UFRC, mais nous sommes en contact et poursuivons le même objectif, le départ de Joseph Kabila" a précisé le colonel Silubwe. Toujours selon ce responsable de l'UFRC, "si on regroupe notre coalition avec les autres groupes rebelles du Nord-Kivu (M23 excepté, ndlr), on arriverait à un chiffre total de 20.000 hommes". Un chiffre bien sûr invérifiable.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Gustave Bagayamukwe Tadji en campagne électorale en 2011 © DR
22:36 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (18)
2012 : Année noire en RDC
Dans son rapport mondial annuel, Human Rights Watch (HRW) revient sur les faits marquants de l'année 2012 en République démocratique du Congo (RDC). Elections truquées, atteintes aux droits de l'homme, exactions, crimes de guerre, viols de masse, justice sélective… le constat est accablant.
Le portrait de la République démocratique du Congo dressé par l'ONG Human Rights Watch dans son rapport sur l'année 2012 est particulièrement sombre. Les élections frauduleuses, fin 2011, suivies de violences post-électorales, ainsi que la reprise de la guerre à l'Est du pays entre le M23 et l'armée régulière, ont profondément dégradé la situation des droits de l'homme au Congo.
Violences électorales
Les élections présidentielles et législatives de novembre 2011 ont été entachées de nombreuses irrégularités et des soupçons de fraudes massives. Si le président Kabila a été déclaré vainqueur du scrutin, les observateurs internationaux ont dénoncé "le manque de transparence et de crédibilité" du processus électoral.
Human Rights Watch affirme que "les pires violences liées se sont produites dans la capitale, Kinshasa, où au moins 57 partisans ou sympathisants présumés de l'opposition ont été tués par les forces de sécurité, en grande partie par la Garde républicaine de Kabila". L'ONG a recueilli des informations crédibles faisant état "de près de 150 personnes tuées pendant cette période, dont les corps auraient été jetés dans le fleuve Congo, dans des fosses communes dans les banlieues de Kinshasa, ou dans des morgues loin du centre-ville. Des dizaines de personnes accusées de s'opposer à Kabila ont été arrêtées arbitrairement par les soldats de la Garde républicaine et la police. Un grand nombre ont été placées dans des centres de détention illégaux où elles ont été maltraitées et certaines ont été tuées".
Le M23 au banc des accusés
Les rebelles du M23, en lutte contre les autorités congolaises et l'armée régulière (FARDC), sont également la cible de l'ONG. Human Rights Watch dénonce le recrutement forcé "d'au moins 149 personnes, dont au moins 48 enfants, dans le territoire de Masisi, province du Nord-Kivu, en avril et mai 2012" par les troupes du rebelles Bosco Ntaganda. HRW accuse également le Rwanda voisin pour son aide au M23, "notamment dans la planification et le commandement des opérations militaires et la fourniture d'armes et de munitions". Et de préciser : "au moins 600 jeunes hommes et garçons ont été recrutés de force ou sous de faux prétextes au Rwanda pour rejoindre la rébellion". Le Rwanda a toujours nié ces accusations et le M23 s'est également défendu des attaques d'Human Rights Watch en remettant en cause les conditions dans lesquelles ont été recueillis ces témoignages. La rébellion a plusieurs fois demandé à la communauté internationale et aux ONG de venir contrôler la situation des droits de l'homme dans les zones qu'elle administre... en vain.
Human Rights Watch persiste et signe en rappelant que lors de la prise des villes de Goma et Sake par les rebelles, "les combattants du M23 ont commis des crimes de guerre généralisés, notamment des exécutions sommaires, des viols et le recrutement d'enfants : au moins 33 nouvelles recrues et d'autres combattants du M23 ont été exécutés alors qu'ils tentaient de fuir". Toujours selon HRW, des journalistes et des militants des droits de l'homme qui ont rendu compte des exactions du M23 "ont reçu des menaces de mort". "Des combattants du M23 ont tenté de violer une militante des droits humains dans le territoire de Rutshuru et lui ont dit qu'ils l’avaient prise pour cible en raison de son travail. Quand elle a essayé de s'enfuir, ils lui ont tiré dans la jambe", accuse l'ONG.
FDLR, Maï-Maï, LRA… and Co
Le M23 n'a pas le monopole des exactions en République démocratique du Congo. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle en majorité hutu rwandais dont certains membres ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda, ainsi que d'autres groupes armés congolais, "ont augmenté leurs activités militaires, en profitant de la montée des tensions ethniques et du vide sécuritaire créé par la focalisation de l'armée sur le M23", souligne Human Rights Watch. Les groupes d'auto-défense congolais Maï-Maï ont également commis de nombreuses exactions, comme les Raï Mutomboki. "Des centaines de civils ont été tués dans les territoires de Masisi, Walikale, Kalehe et Shabunda dans le Nord et Sud-Kivu", dans des combats entre Raïa Mutomboki, FDLR et alliés congolais. HRW précise que "le M23 a cherché à s'allier avec certains des autres groupes armés, en leur fournissant un soutien périodique ou continu".
L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), de l'ougandais Joseph Kony, continue de semer la terreur dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo. Human Rights Watch signale "273 attaques de la LRA entre octobre 2011 et octobre 2012, au cours desquelles au moins 52 civils ont été tués et 741 autres enlevés".
Justice fantôme
L'ONG pointe également le manque d'impartialité de la justice congolaise, accusée d'être une simple courroie de transmission du régime de Kinshasa. Le procès des assassins du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana, est emblématique des carences de la justice congolaise. Si quatre policiers ont été condamnés à mort et un autre à la réclusion à perpétuité, le général John Numbi, ancien chef de police et impliqué dans l'assassinat, "n'a pas été arrêté et n’a apparemment pas fait l’objet d’une véritable enquête", dénonce le rapport d'HRW. Mais l'affaire Chebeya n'est pas la seule. Le 2 décembre 2011, les autorités judiciaires ont ouvert une enquête sur les violences électorales du 26 et du 28 novembre 2011. Un an plus tard, l'enquête n'a toujours pas avancé.
Human Rights Watch revient aussi sur le cas de Bosco Ntaganda, un des chefs rebelles du M23, accusé d'utiliser des enfants-soldats dans ses troupes. La Cour pénale internationale (CPI) est toujours à sa recherche, et la RDC ne l'a toujours pas arrêté.
Pressions américaines
La dernière partie de l'état des lieux d'Human Rights Watch en RDC est consacré à la communauté internationale. L'ONG rappelle le déploiement américain, en 2011, de 100 membres des forces spéciales dans la région pour lutter contre la LRA. Mais également la mise en place de la loi Dodd-Frank pour endiguer le commerce de minerais de guerre, en provenance de la RDC. Deux initiatives louables, mais qui peinent à prouver leur efficacité. HRW rappelle que les Etats-unis "suspendaient pour la deuxième année le financement militaire étranger, en raison de la continuation par l'armée du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldats". Et d'annoncer que l'administration américaine avait également annoncé qu'elle "ne formerait pas un second bataillon de l'armée jusqu'à ce que la RD Congo ait signé un plan d'action de l'ONU pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats".
Un acteur essentiel n'est pas mentionné dans ce rapport d'HRW. Il s'agit de la Monusco, la mission des Nations unies au Congo. Sous le feu des critiques pour son inaction, la Monusco, forte de 17.000 hommes (dont un peu plus de 5.000 dans les Kivus), peine à trouver sa place dans le conflit. Accusée de suppléer une armée congolaise défaillante et qui n'est pas exempt d'exactions sur la population civile, l'ONU est en quête de solutions pour reprendre la main sur le terrain. Une force d'intervention rapide est à l'étude. Mais ils sont peu nombreux à croire à son efficacité… voir à sa réalité.
Avenir sombre
2013 sera-t-elle une meilleure année pour les Congolais ? Pas si sûr. Les premières ébauches de négociations à Kampala, entre le M23 et le gouvernement, sont au point mort. La majorité des observateurs doutent d'un quelconque accord en Ouganda et misent plutôt sur une reprise des hostilités autour de Goma, où plus au Sud, vers Bukavu, où la tension s'est brusquement accrue. Un nouveau mouvement rebelle a d'ailleurs vu le jour au Sud-Kivu : l'UFRC (Union des Forces Révolutionnaires du Congo). Cette coalition, présidée par Gustave Bagayamukwe Tadji, souhaite l'organisation d'"élections démocratiques" et promet qu'elle va "diriger prochainement" la province "en attendant la démission effective du régime actuel". 2013 commence bien mal.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Kinshasa © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
16:11 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (13)
01 février 2013
RDC : "La violence se déplace" vers le Sud-Kivu, selon le CICR
Depuis le retrait des rebelles du M23 de la ville de Goma, fin novembre 2012, un calme précaire règne autour de la capitale du Nord-Kivu. Selon le Comité international de la Croix Rouge (CICR), «plusieurs dizaines de milliers familles déplacées continuent de souffrir» et «la violence s'est propagée» pour gagner Bukavu et le Katanga.
Pendant que la rébellion du M23 et le gouvernement congolais tentent de négocier à Kampala, la situation sécuritaire reste fragile dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon le CICR la population civile continue de payer un lourd tribut au conflit qui oppose les multiples groupes armés et l'armée régulière. «Que ce soit dans la région du Masisi au Nord-Kivu, où les affrontements entre militaires et groupes armés ont continué, ou dans le Katanga où la violence est toujours présente, de nombreuses personnes, craignant pour leur sécurité, ont été forcées de se déplacer. Des actes de violence à l’égard de la population, pillages, rackets, etc., ont également été commis», explique Franz Rauchenstein, le chef de la délégation du CICR en République démocratique du Congo.
Si la situation reste calme autour de la ville de Goma, depuis le retrait des rebelles du M23, l'insécurité s'est déplacée et gagne désormais le Sud-Kivu, relativement épargné jusque là. Selon Laetitia Courtois, chef de la sous-délégation du CICR de la province, «on observe aujourd'hui un regain d'hostilités entre groupes armés. Les combats se rapprochent de plus en plus de la ville de Bukavu, et des zones très reculées, comme les territoires de Kalehe, au nord de Bukavu, et de Walungu / Shabunda, au sud-ouest, sont également touchées par les affrontements.»
Au Katanga, un peu plus au Sud, la situation «se dégrade», selon le CICR. La violence augmente et les déplacements de populations aussi. Dans la localité de Bunkeya au nord de Likasi, la Croix-Rouge de la RDC «a distribué des articles de première nécessité (casseroles, houes, bâches, habits) à plus de 850 personnes déplacées par les violences plus au nord, dans le territoire de Mitwaba. Mais ces familles ont dû fuir à nouveau en raison d'affrontements à Bunkeya.»
Alors que les négociations de Kampala entre M23 et gouvernement congolais sont toujours dans l'impasse, de nombreux observateurs internationaux craignent le retour des combats à l'Est, avec un risque d'embrasement au Sud-Kivu, au Katanga, mais aussi au plus au Nord, dans le Masisi et en Ituri. Une crainte qui correspond aux inquiétudes du CICR dans ces zones.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
23:50 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
RDC : Le M23 cherche de nouveaux alliés
Alors que la possibilité d'un accord s'éloigne entre les rebelles du M23 et le gouvernement congolais, de nouveaux acteurs font leur entrée dans le conflit du Kivu : l'Afrique du Sud, la Tanzanie et le Congo-Brazzaville. Le M23 compte sur ces pays pour contraindre Kinshasa au compromis politique.
Les deux discours sont toujours irréconciliables. La rébellion du M23 demande un changement de régime à Kinshasa, assorti du départ du président Joseph Kabila, alors que le gouvernement congolais refuse toute "négociation politique" et attend l'arrivée d'une hypothétique force internationale neutre (FIN). Mais au mini-sommet de l'Union africaine ce week-end à Addis-Abeba, la création d'une force neutre s'est peu à peu éloignée… Aucun accord n'a été signé. "Questions de procédures", selon Ban Ki-moon, le patron de l'ONU. En cause : les contours de la force neutre. L'ONU veut l'intégrer au sein de la Monusco, la mission des Nations unies en RDC. Mais la Tanzanie et l'Afrique du sud, susceptibles d'alimenter cette force, refusent. Selon la SADC, l'organisation régionale, dont l'Afrique du Sud et la Tanzanie sont membres, ces pays préféreraient avoir "les mains libres" et "piloter seuls" la force neutre. Résultats : Kinshasa n'est pas prêt de voir une telle force venir s'interposer à l'Est de la RDC entre l'armée congolaise et les rebelles du M23.
L'option sud africaine
Un projet de force neutre qui s'éloigne… et le M23 qui reprend confiance. L'abandon provisoire de cette force est un coup dur pour les autorités congolaises, mais constitue une occasion en or pour la rébellion de se chercher de nouveaux alliés. Une délégation rebelle, avec le député congolais Roger Lumbala à sa tête, aurait décidé de se rendre dans la capitale sud africaine. Accompagné d'Antipas Mbuasa Nyamwisi, ancien ministre des affaires étrangères et de Deogracias Bugera, ancien proche de Laurent Désiré Kabila, Roger Lumbala serait venu défendre la cause du M23 auprès des autorités sud africaines. Prétoria n'a pas été choisie au hasard par les rebelles congolais. L'Afrique du Sud est l'un des poids lourds du continent et a joué, par le passé, plusieurs fois le rôle de médiateur. L'accord de 2002, signé à Sun City, institua le fameux "1+4" (1 président et 4 vices présidents) et a permis d'amorcer une période de transition politique. L'Afrique du sud pourrait constituer un "allié" important du M23 pour les mois suivants, qui s'annoncent délicats… surtout si les événements venaient à mal tourner du côté du Goma. La capitale provinciale du Nord-Kivu est toujours à portée de fusils des rebelles, qui campent à Munigi… à moins de 5 km du centre-ville.
Sassou à la manoeuvre
Après l'Afrique du Sud, la Tanzanie, absente un temps sur le plan régional, chercherait à revenir sur le devant de la scène. Le conflit congolais constituerait une excellente "opportunité" de jouer un rôle régional majeur dans la crise des Grands Lacs. Mais la surprise pourrait venir du Congo-Brazzavile, qui se verrait bien "indispensable" dans un certain nombre de crises, comme la Centrafrique, où Sassou Nguesso à joué les facilitateurs "à poigne" entre Bozizé et la Séléka. L'arrivée de Sassou Nguesso dans le dossier congolais est intervenue en deux temps. Très "distant" avec le président Kabila, il s'est d'abord rapproché de Paul Kagame, le président rwandais, accusé de soutenir les rebelles du M23. En août 2012, alors que le Kivu s'enflammait de nouveau, avec l'offensive du M23 sur l'armée régulière, Sassou et Kagame mettaient en place des "axes de coopérations prioritaires" dans le tourisme, le transport (lignes aériennes), l'environnement et l'habitat. Du côté de Kinshasa, les commentateurs trouvaient cette manoeuvre diplomatique "un peu suspecte" en des temps si troublés. Après une brève rencontre avec le président Kabila, le 19 janvier dernier, Sassou Nguesso, laissé entendre qu'il pourrait organiser "une rencontre à trois", avec Paul Kagame, Joseph Kabila et lui-même, pour "résoudre efficacement la crise sécuritaire" en RDC. Sassou souhaite une sortie de crise "négociée" entre les deux parties et il est fort à parier qu'après l'Afrique du Sud et la Tanzanie, une délégation du M23 débarque à Brazzaville pour plaider sa cause.
L'échec annoncé de Kampala risque donc de donné lieu à un scénario en deux actes : tout d'abord une reprise des affrontements autour de Goma et Bukavu et ensuite, un second round de négociations, où, en plus du Rwanda et de l'Ouganda, on risque de retrouver l'Afrique du Sud, la Tanzanie et le Congo-Brazzaville à la manoeuvre. Mais attention, il n'y aura pas de place pour tout le monde.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
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29 janvier 2013
RDC : Décentralisation à haut risque au Katanga
Adoptée en 2006 dans la constitution, la décentralisation tarde toujours à se concrétiser en République démocratique du Congo. En visite dans la bouillonnante province du Katanga, le ministre le l'intérieur a affirmé que la décentralisation se fera "au rythme de chaque province". Une formule "à la carte" pour tenter de rassurer les Katangais, partagés entre l'envie d'autonomie et la crainte d'éclatement de leur riche province.
Au Katanga, Richard Muyej, le ministre de l'intérieur congolais, marche sur des oeufs. Ici, certains Katangais voient d'un très mauvais oeil le redécoupage provinciale proposé par la constitution de 2006… et toujours pas en vigueur. Le texte prévoit le passage de 11 à 26 provinces. Ce nouveau découpage territorial permettrait aux provinces d'acquérir "une autonomie de gestion en conservant 40 % de leurs recettes" afin de gérer une fonction publique provinciale, des programmes miniers et forestiers et des investissements en infrastructures. L’article 2 de la constitution stipule également que les 26 provinces pourraient être "redécoupées et réunifiées, selon la volonté du peuple"... d'où une certaine inquiétude chez certains Katangais.
Le "Katanga utile"
Le sujet de la décentralisation est particulièrement sensible au Katanga, partagé entre zones minières riches au Sud et agricoles pauvres au Nord. L'actuel Katanga pourrait être morcelé en 4 territoires distincts : le Haut-Katanga, le Haut-Lomami, le Tanganyika et le Lualaba. Les Katangais du Nord craignent d'être les laissés pour compte du Sud, le "Katanga utile". A la tête de l'Assemblée provinciale, le turbulent Gabriel Kyungu, plaide lui pour un fédéralisme "assumé". Avec son parti, l'Unafec, le patron de la province prône un Katanga "fort" et plus "autonome". Ses opposants l'accusent de vouloir renouveler les velléités sécessionnistes de 1960 et de vouloir "balkaniser" la RDC. Pour seule réponse, Gabriel Kyungu a lancé un pétition en faveur du fédéralisme depuis l'été 2012. Son objectif : 100.000 signatures pour faire bouger le pouvoir central. Il en aurait recueilli pour le moment 53.000.
Indépendantistes en embuscade
Véritable serpent de mer en République démocratique du Congo, la décentralisation constitue pourtant l'une des solutions pour sortir le pays des crises à répétition : Nord et Sud-Kivu, Ituri, Equateur, Bas-Congo et… Katanga. Comme pour marquer le passage du ministre de l'intérieur à Lubumbashi, la capitale katangaise, un groupe de miliciens Maï-Maï nommé "Bakata Katanga" a réclamer mardi 29 janvier "l'indépendance de la province". Cette milice sème la terreur depuis plusieurs semaines parmi l'ethnie luba et s'en prend également aux forces de sécurité congolaises. Dimanche 27 janvier, la chefferie de Kikondja situé dans le territoire de Bukama a été le théâtre de violences provoquées par les "indépendantistes" katangais. Bilan : 4 morts côté Maï-Maï et un policier blessé.
D'autres milices sont également actives depuis plusieurs mois au Katanga. Début 2012, le retour de Kyunga Mutanga, alias Gédéon, a sèmé la peur au Katanga. Ce seigneur de guerre avait été condamné à la peine capitale pour crimes contre l’humanité par la justice congolaise. Emprisonné depuis 2006, Gédéon s'est évadé en septembre 2011 de la prison de Lubumbashi… en plein jour. Depuis, l'enquête est au point mort et un vent de panique souffle au Nord-Katanga... On comprend donc pourquoi Kinshasa tarde à mettre en place son nouveau redécoupage provinciale, de peur qu'une partie de son territoire ne lui échappe. Au Nord-Kivu, la rébellion du M23, le lui rappelle tous les jours.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Lubumbashi © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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