26 janvier 2013
RDC : Exit la Monusco ?
La création d'une force internationale neutre signifiera-t-elle la fin de la mission des casques bleus dans l'Est de la République démocratique du Congo ? Les pays de la région, réunis au sein de la SADC et de la CIRGL, viennent de demander le remplacement de la Monusco par une force africaine. Une proposition qui pourrait sonner le glas des casques bleus en RDC.
Coup dur pour la Monusco. Critiquée pour son inefficacité, la mission de l'ONU au Congo est depuis quelques semaines la cible des pays africains de la région. Les ministres de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), proposent à l'Union africaine (UA), de remplacer la Monusco par des troupes africaines. La raison avancée : l'échec de la mission de l'ONU dans l'Est de la RDC, en proie à des conflits chroniques et son incapacité à protéger les populations civile.
La Monusco sur la sellette
La charge anti-Monusco est signée par le général Aronda Nyakairima, le ministre ougandais de la Défense. "Nous recommandons que l'Afrique prenne le relais de la Monusco", a précisé le général à une agence de presse chinoise. Selon lui, "les forces africaines peuvent mieux faire que les forces internationales qui viennent de l'extérieur et qui ne ne savent pas ce qu'elles font". Une critique qui tombe après que certains membres de l'ONU se déclarent "contre l'idée de déployer une force internationale neutre pour combattre les forces négatives" en République démocratique du Congo. Ces membres proposaient une "simple" intégration de la force neutre à la Monusco. Proposition inacceptable pour le général ougandais Nyakairima.
1,5 milliards de dollars… pour rien !
Depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années, les casques bleus sont l'objet de nombreuses critiques. La récente prise de la ville Goma par les rebelles du M23 constitue "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase". Pour Godefroid Kä Mana, du pole Institut, sur le site radiozones.com, la mission des Nations unies est coûteuse (1,5 milliard de dollars) pour un résultat inexistant. "Quand le M23 est entré dans la ville de Goma", raconte-t-il, "j'ai beaucoup aimé la justification de l'inertie de la Monusco. Un responsable de l'ONU expliquait qu'ils étaient à Goma pour protéger la population et il n'a pas vu le M23 s'attaquer à la population ! Le deuxième argument était de dire que la Monusco est une force de soutien et d'appui à l'armée congolaise, mais le problème était que l'armée congolaise avait disparu ! ".
Des casques bleus "bunkerisés"
La demande de la SADC et de la CIRGL de remplacer la Monusco par des troupes africaines s'explique par 2 raisons. La première est strictement militaire. Les pays africains estiment, à juste titre, que les troupes "asiatiques" basées à l'Est, venant du Pakistan, de l'Inde ou du Bangladesh, sont inefficaces… et le seront toujours. "Peu impliqués", "refusant de prendre le moindre risque", ces troupes, bunkerisées dans leurs bases du Kivu, n'interviennent que rarement et sont accusés par la population de laisser commettre des exactions "sous leurs propres yeux" et "sans bouger". Si ce constat n'est pas "politiquement correct", la majorité des observateurs le partage. Godefroid Kä Mana, du pole Institut, explique qu'il comprend ces soldats qui souhaitent avant tout "revenir vivants" de leur mission au Congo. La SADC affirme pouvoir venir dans les Kivus avec des troupes plus "motivées" (parce qu'africaines ?) et donc plus "offensives" face aux groupes armés.
Problème africain : solutions africaines ?
La deuxième raison qui justifierai le remplacement de la Monusco par des troupes africaines est "historique". Depuis une dizaine d'année, on assiste en Afrique, à un désengagement progressif de l'ONU et plus largement des troupes occidentales sur le terrain militaire (le Mali étant l'exception qui confirme la règle). Le "sens de l'histoire" voudrait que, petit à petit, les conflits africains soient réglés par les institutions africaines (Union africaine et institutions régionales, CEDEO, SADC, CIRGL… ). A ce propos, le responsable d'International Crisis Group en Afrique centrale, Thierry Vircoulon, nous l'avait expliqué sur Afrikarabia, en précisant que ce "scénario" avait été mis en place il y a 10 ans, "lorsque l'Organisation de l'union africaine est devenue l'Union africaine (UA)" (voir son interview).
Pas de "zone franche" dans les Kivus
La constitution d'une force neutre dans la région des Kivus n'est cependant pas sans risque. Comme le souligne, l'essayiste Gaspard-Hubert Lonsi Koko, "il ne faudrait surtout pas tomber dans le piège qui consiste à installer, à travers cette force internationale neutre, une « zone franche », laquelle préfigurera à court terme la mise en place d’un futur État autonome". Les Congolais, toujours très inquiets sur le risque de "balkanisation" de l'Est du pays par le M23 et leurs alliés rwandais et ougandais, restent donc plutôt septiques sur la mise en place d'une telle force. Quand aux rebelles du M23, la création, très "hypothétique", de cette force, reste pour le moment "une fiction". Car, si le contours de cette force neutre commence à se dessiner, son financement et sa mise en place sera longue. Un spécialiste militaire de la région, nous confiait : "il faudrait 2 ans pour constituer une force efficace dans la région !".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : L'ONU en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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25 janvier 2013
Rwanda-EXCLUSIF : Un autre document implique Paris dans le génocide des Tutsis
Après les révélations du Parisien, Afrikarabia apporte un autre document accablant contre le capitaine de gendarmerie français Paul Barril. Il apparaît plus que jamais comme l’homme de main de Paris dans le génocide contre les Tutsis du Rwanda en 1994.
Le « Contrat d’assistance » retrouvé dans les archives de l’ancien gouvernement génocidaire à Kigali, capitale du Rwanda, est daté du 28 mai 1994. Il est signé du « Capitaine Barril », élisant domicile à sa société SECRETS, 12, avenue de la Grande Armée, dans le XVe arrondissement de Paris, et porte une seconde signature : « Son Excellence Monsieur le Premier Ministre » Jean Kambanda. Ce dernier n’était pas une oie blanche : il purge aujourd’hui une peine de prison à perpétuité pour son rôle dans le génocide des Tutsis et le massacre des Hutus démocrates en 1994.
Bagatelle pour un massacre.
La date n’est pas insignifiante. Au 28 mai 1994, deux mois après le début du génocide, le Rwanda était un charnier à ciel ouvert. Dans ce pays grand comme la Belgique, plus de 900 000 personnes avaient déjà été assassinées, hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards. Les tueurs fanatisés avaient souvent précédé de sévices atroces l’exécution de tous ces civils sans défense, uniquement coupables d’être nés tutsis. Mais l’horreur, ou la simple morale, ne semblaient pas la préoccupation majeure de capitaine en disponibilité Paul Barril. Il « s’engage à fournir une aide sur le plan humain et matériel au Rwanda ». Sur le plan humain, « 20 hommes spécialisés », c’est-à-dire 20 mercenaires. Sur le plan matériel, l’équipement sophistiqué de ces mercenaires, et surtout des cartouches de Kalachnikov et de mitrailleuses, par millions, des obus, des grenades par milliers… A ce niveau, on arrondit la facture : il y en a pour 3 millions de dollars, la moitié payable d’avance. Compte tenu de l’inflation, ça représente en valeur d’aujourd’hui entre 5 et 6 millions d’euros.
Objectif : tuer Paul Kagame
Pour l’occasion, le capitaine de la Gendarmerie française se fait aussi payer le solde d’une précédente facture : 130 000 dollars pour « l’Opération insecticide » engagée par le président rwandais Juvénal Habyarimana un an plus tôt, en 1993. Insecticide est un nom de code que les Rwandais comprennent bien : on qualifie d’insectes (plus précisément de cafards, de blattes), les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), pour la plupart des Tutsis de la diaspora qui veulent forcer le régime à leur retour au pays.
Selon nos informations, « l’Opération insecticide » visait à assassiner Paul Kagame, le leader de la rébellion, dans son QG de Mulindi, une usine à thé abandonnée à l’est du Rwanda.
La question récurrente du rôle de la France dans le génocide
Ce « contrat d’assistance » n’était pas connu de la mission d’information parlementaire française dite « Mission Quilès », du nom de son président, qui voulait documenter le rôle de la France au Rwanda depuis 1990, date du début de la guerre civile. En 1998, Paul Quilès n’avait même pas osé interroger Paul Barril, considéré comme intouchable et trop dangereux.
Le « Rapport Quilès » n’a, en conséquence, livré qu’une analyse édulcorée de l’implication de l’Elysée et du corps expéditionnaire français dans la guerre civile au Rwanda, qui devait aboutir au génocide.
Aussi, depuis 1994, l’implication de hauts responsables politiques et militaires français dans la préparation du génocide des Tutsis est une question qui continue à tarauder les médias et l’opinion publique. Non seulement en France, mais aussi au Rwanda, en Europe, en Afrique. Ainsi que les intellectuels du monde entier. Et le rôle du capitaine Paul Barril semble central.
Revenons au signal déclencheur de ce génocide et du massacre des Hutu démocrates : l’attentat du 6 avril 1994 contre le Mystère-Falcon du président Habyarimana, qui a aussi coûté la vie à l’équipage composé de trois Français. C’est le capitaine Paul Barril qui fut l’instigateur de la plainte de la veuve du copilote français et provoqua ainsi l’enquête confiée en 1998 au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière pour identifier les responsables de l’attentat. Au passage, Barril fournit aux enquêteurs - visiblement sous sa coupe - un ex-espion rwandais avec qui il entretenait des relations d’affaires, Fabien Singaye, qu’il fait promouvoir interprète assermenté. Par le jeu des alliances matrimoniales, Fabien Singaye est lié à la famille Habyarimana, partie civile à l’instruction. Une « curiosité » que les avocats de la famille Habyarimana se sont bien gardés de signaler au juge. Ce ne fut pas la moindre anomalie de la procédure.
Boomerang judiciaire
Reprise et mieux documentée par le juge Marc Trévidic, cette enquête revient en boomerang contre le capitaine de gendarmerie honoraire, qui semble avoir été la cheville ouvrière des autorités française dans le soutien aux forces génocidaires.
Il a fallu beaucoup d’énergie et de temps au juge Marc Trévidic pour progresser. Les documents sont rares, les témoins souvent manipulés. Les archives de l’Elysée furent, selon toute vraisemblance, largement « purgées » avant leur dépôt à la Fondation François Mitterrand, celles de l’ambassade du Rwanda à Paris ont également été « triées » à l’été 1994 avec l’aide de « Services » français. Celles du Quai d’Orsay, de la DGSE et de la DRM restent couvertes par le « Secret Défense ». Bien des hommes qui savaient la vérité sur le rôle de la France et de Barril sont morts. Le lieutenant colonel Ephrem Rwabalinda, correspondant des Français au sein des anciennes Forces armées rwandaises, a été liquidé par ses compagnons d’armes en juillet 1994 au moment où il s’apprêtait à fuir en Europe pour faire des révélations. Le lieutenant colonel Ntahobari, attaché militaire de l’ambassade du Rwanda à Paris durant le génocide, est par malchance (?) décédé en région parisienne au moment où il promettait au juge Bruguière des éléments nouveaux, etc.,
Il faut donc s’en remettre à des fragments de documentation ayant échappé aux « nettoyeurs » pour se faire une idée encore générale de l’implication de Paris dans un génocide qui a provoqué environ un million de morts en trois mois.
Des morts suspectes juste avant repentance
Paul Barril semble avoir joué le rôle d’interface entre l’Elysée et le groupe d’exterminateurs de Tutsi au Rwanda. L’homme est lui-même décrit comme un individu peu contrôlable devenu, après avoir quitté la Gendarmerie nationale, un tueur à sang froid mû uniquement par l’appât du gain. Né le 13 avril 1946 à Vinay, en Isère, lui-même fils d’un gendarme à la carrière honorable, il atteint la notoriété en devenant co-fondateur puis commandant du prestigieux Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) pendant deux ans avant de participer à la création de la cellule antiterroriste de l'Élysée sous le premier septennat de François Mitterrand. Le GIGN lui a permis de cotôyer les services de renseignement français, notamment comme nageur de combat à la base secrète de la DGSE d’Aspretto, en Corse, il fréquente aussi les nationalistes du FLNC. Dans le milieu interlope du renseignement, du trafic d’armes et du terrorisme, le gendarme perd vite ses bases éthiques. Le président de la République a une petite manie qu’exploitent ses courtisans : il adore les ragots, surtout ceux d’alcôve. Il se régale des comptes-rendus d’écoutes téléphoniques, d’apprendre qui couche avec qui dans le Tout-Paris. A la cellule de l’Elysée, véritable police politique du régime Mitterrand, Paul Barril fait merveille : écoutes téléphoniques hors normes, notamment de journalistes, filatures, opérations de désinformation…
Les exploits de « l’enfumeur »
Barril est surnommé « l’enfumeur » par ses collègues gendarmes. Il n’a pas son pareil pour mêler le vrai et le faux, et surtout pour se mettre en scène. Son maître en la matière est François de Groussouvre, conseiller spécial de François Mitterrand pour les affaires de Renseignement… et les affaires de cœur du Président. De Grossouvre est son rabatteur de jolies femmes, surtout il a la haute main sur les services d’espionnage et contre-espionnage. Il protège particulièrement Mazarine, la fille cachée de François Mitterrand, et sa mère Anne Pingeot. Paul Barril deviendra à la fois homme de confiance, confident, occasionnellement garde du corps aussi bien de François de Grosssouvre que de Mazarine et sa mère.
Patatras, François Miterrand le force à quitter la cellule de l’Elysée à la suite d’un retentissant scandale : une affaire de « terroristes irlandais » montée de toutes pièces par Barril et d’autres gendarmes dévoyés. Mais le flamboyant capitaine reste proche de Groussouvre quil l’a introduit auprès du président du Rwanda Juvénal Habyarimana. Pour commencer, Barril lui vend un portique de sécurité et un écran anti-balles. Ensuite, avec l’aide de Fabien Singaye, il s’introduit dans le système de Renseignement rwandais et obtient de juteux contrats.
De juteux contrats
Notre consoeur du Parisien Elisabeth Fleury vient de révéler l’un d’entre eux. Dans le milieu mercenaire, on ne s’embarrasse pas de papier à en-tête. Comme le « Contrat d’assistance » du 28 mai 1994, c’est une lettre de quelques lignes, tapée à la machine, signée par Augustin Bizimana, le ministre de la Défense rwandais. S’adressant « au Capitaine Paul Barril ». Augustin Bizimana (aujourd’hui encore recherché par le Tribunal Pénal International) lui écrit : « Monsieur,… la situation dans mon pays devient de plus en plus critique… Vu l’évolution actuelle du conflit, je vous confirme mon accord pour recruter, pour le gouvernement rwandais, 1000 hommes devant combattre aux côtés des Forces Armées Rwandaises. » La missive est datée du 27 avril 1994, un mois avant le « Contrat d’assistance ». Les soldats des FAR sont plus occupés à tuer et à piller qu’à combattre les troupes du FPR, aussi ils reculent sur tous les fronts.
« Paul Barril, à cette époque, c’est la France »
Le Parisien écrit : « Lorsqu’il est sollicité par le ministre de la Défense rwandais, le capitaine Barril n’est pas n’importe qui. « Paul Barril, à cette époque, c’est la France, résume une source judiciaire. Officiellement, Barril est d’abord chargé d’« une mission d’infiltration » au service du gouvernement rwandais, avant d’être sollicité par la veuve Habyarimana pour enquêter sur les auteurs de l’attentat. Officieusement, son rôle est nettement plus discutable ».
Un vieillard agité de tremblements
Interrogé à trois reprises par l’équipe singulièrement peu performante de la Division nationale antiterroriste, Paul Barril s’était tiré de questions à peine gênants par des pirouettes.
Réinterrogé en juillet dernier par les gendarmes du juge Trévidic, l’homme a perdu de sa superbe. Celui qui se plaisait à faire circuler des photos le représentant un énorme revolver 357 Magnum en mains (une arme dont la balle peut couper un homme en deux), qui se targuait d’être le meilleur tireur d’élite de la Gendarmerie française, apparaît un sexagénaire prématurément vieilli, agité de tremblements, souffrant sans doute de la maladie de Parkinson. Lui qui a si longtemps et si impunément manipulé les journalistes se plaint des médias qui le présentent « injustement » comme un homme impliqué dans l’attentat du 6 avril 1994. Il affirme qu’il ne s’est jamais rendu au Rwanda plus de deux ou trois jours de suite. Il confirme qu’il a été présenté à Habyarimana par Grossouvre « avant 1990 » et qu’il était chargé d’infiltrer « les Tutsi du FPR » pour les retourner. Il reconnaît avoir agi d’abord avec Groussouvre puis avec Fabien Singaye. Il prétend à présent qu’il effectuait des missions ponctuelles au Rwanda sans recevoir d’argent, seulement des billets d’avion et le remboursement de ses frais.
Mais parfois le naturel de « l’enfumeur » reprend le dessus. Paul Barril joue les diplomates de haute volée. Il affirme que c’est à son instigation que Paul Kagame « et quatre personnes dont je ne me rappelle plus les noms » sont venus à Paris en septembre 1991 pour négocier « les accords d’Arusha ». Il se présente comme agissant pour François Mitterrand afin d’aider Habyarimana à assurer la paix. Mais à d’autre moments il présente la guerre au Rwanda comme opposant « les Hutu et les Tutsi » et bien sûr il était dans le camp des Hutu.
Un alibi pour le 6 avril ?
Le plus intéressant est qu’il présente un alibi pour le 6 avril 1994. Curieusement, il s’agit d’une sorte d’attestation d’huissier à qui il aurait montré son visa et les tampons d’entrée et de sortie des Etats-Unis, où il aurait passé une quinzaine de jours missionné par la Garantie Mutelle des Fonctionnaires (GMF). Mais il s’avère aujourd’hui qu’il possédait à l’époque deux passeports français à son nom.
Paul Barril aurait été appelé par Agathe Habyarimana qu’il aurait rencontrée « complètement désemparée » par la mort de son mari pour faire une enquête sur l’attentat. On lui demande s’il ne travaille pas plutôt pour Mobutu. Il esquive en disant qu’il est allé voir aussi Mobutu en venant par Goma, et qu’un hélicoptère Gazelle l’a ensuite emmené au nord du Rwanda près de la frontière, puis à Kigali. Il insiste sur le fait qu’il était seul.
On lui présente ses précédentes dépositions et ses contradictions. Paul Barril élude encore, il ne se souvent plus. Notamment pour les lance-missiles qu’il n’aurait pas eu vraiment dans ses mains. On lui rappelle ses déclarations dans « Guerres secrètes à l’Elysée », un livre de souvenirs où il règle ses comptes après le suicide de Grossouvre, intervenu curieusement le 7 avril 1994, 24 heures après l’attentat.
Une citation accablante
Paul Barril y écrit page 176 : « J'ai appris le décès de celui que je considérais comme le général en chef d'une nouvelle armée de l'ombre, apte à rétablir la France [François de Grossouvre], sur une colline perdue au centre de l'Afrique, au moment où les officiers tutsis du Front patriotique rwandais (FPR), formés et conseillés par la C. I. A., préparaient les premiers mouvements de l'offensive qui devait leur assurer le pouvoir à Kigali, capitale du Rwanda, ainsi que le contrôle de toute la région des Grands Lacs. François Durand de Grossouvre est mort le 7 avril 1994, peu avant 20 heures. Exactement 24 heures avant, le 6 avril à la même heure, l'avion du président rwandais Habyarimana a explosé en plein vol, au-dessus du palais présidentiel de Kigali, frappé traîtreusement par deux missiles soviétiques sol air SAM 16. Leurs numéros de série indiquent qu'ils ont appartenu à l'armée irakienne. Peut-être ont-ils été récupérés par les soldats américains après la guerre du Golfe. Dans ce cas devrait-on y voir une manipulation de la C. I. A. ? Mais pourquoi ? Ou plutôt, afin de ménager les intérêts de qui, à Kigali, et au Rwanda en général ? »
Que faisait Paul Barril à Kigali le 6 ou le 7 avril, selon son propre aveu ? Il répond que le livre était en partie un roman, un « roman-enquête » et que tout n’était pas vrai. Il dit que c’était « pour faire bouger les choses ».
« Des témoignages à l’africaine »
On lui rappelle les « 80 enregistrements de témoins ayant assisté à l’attentat » dont il avait fait grand cas en 1994 dans la presse, notamment le quotidien Le Monde. Non, il n’a pas ces enregistrements, il avait simplement pris des notes », et puis c’était des témoignages « à l’africaine » (?) dont il ne se souvient pas clairement.
On lui demande ses liens avec Singaye. Il dit que c’est lui qui l’a présenté aux enquêteurs du juge Bruguière. Il reconnaît savoir que Singaye était un agent des services de renseignement. Il dit qu’il était très bien renseigné et qu’il l’aidait à enquêter sur l’attentat, « pour la défense des familles des trois militaires français de l’équipage ». On lui demande à quel titre il enquêtait. Il bafouille une vague réponse.
Barril explique que l’avion a été abattu sur ordres de Kagame dont les hommes suivaient l’arrivée par des lunettes infra rouge. Et que les deux tirs sont partis du même endroit du camp militaire des FAR à Kanombe (il avait présenté auparavant une version bien différente, visiblement il a intégré l’expertise balistique communiquée au juge Trévidic en janvier 2012, et qui semble innocenter le FPR).
Des déclarations à géométrie variable
Pressé par ses anciens collègues gendarmes qui « connaissent la musique » , Paul Barril s’énerve progressivement. A la fin, un enquêteur lui indique qu’on va perquisitionner ses différents domiciles (trois résidences en France, dont une en montagne). Il répond qu’il ne peut assister aux perquisitions vu son état de santé. Paul Barril ironise sur l’idée qu’on pourrait demander à perquisitionner sa résidence au Qatar, et que ça n’arrangerait pas les relations entre le Qatar et la France. Humilié et mortifié d’être traité en témoin ordinaire, cet homme qui a fait trembler tant de politiciens français n’est plus que l’ombre de lui-même mais voudrait se donner de l’importance. Il ajoute que puisque c’est comme ça, il ne donnera pas les documents qu’il avait apportés. Et il refuse de signer le procès-verbal d’audition, ce qui est acté.
Récompensé par la République française pour quels services ?
Les perquisitions engagées n’ont pas été sans résultat car si Barril a souvent fait le ménage chez les autres, il avait négligé bureaux et demeures personnels. Les gendarmes ont mis la main sur quelque 800 pages de pièces accablantes, une sorte de « best of » des turpitudes de la Françafrique. L’inusable Barril était de tous les trafics d’armes, de bien des magouilles…On a ainsi découvert la demande de 1000 mercenaires pour aider au génocide contre les Tutsi, et une copie du « contrat d’assistance » passé entre Barril et le gouvernement rwandais daté du 28 mai 1994, dont le premier exemplaire avait été trouvé à Kigali. Selon Le Parisien, le juge Trévidic a réinterrogé le capitaine Barril sur ces documents le 20 décembre dernier. Ce contrat d’assistance « n’a jamais existé », prétend l’intéressé. Les factures? « Cela ne s’est jamais fait. » Il prétend que tout ça tout cela « c’est de la mayonnaise africaine. »
« Une mayonnaise de près d’un million de morts » observe notre consoeur Elisabeth Fleury. En juin 1994, juste après le génocide, Paul Barril a été promu capitaine honoraire de la Gendarmerie française. Pour quels services rendus ?
Jean-François DUPAQUIER
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24 janvier 2013
RDC-M23 : "Un compromis est possible" pour Rucogoza
Le chef de la délégation du M23 calme le jeu à Kampala. Dans une interview exclusive accordée à Afrikarabia, François Rucogoza espère signer un accord avec le gouvernement congolais. Malgré les blocages sur les questions politiques, la rébellion souhaite pouvoir aborder toutes ses revendications avec Kinshasa. Le M23 vient de demander au président ougandais Museveni de jouer les arbitres.
- Afrikarabia : Les tensions sont vives à Kampala entre le M23 et le gouvernement congolais. Les désaccords sont nombreux, notamment sur les questions de politique intérieur. Le facilitateur ougandais, Crispus Kiyonga, a refusé que ces négociations remettent en cause la légitimité du président Kabila. Vous souhaitez le récuser ?
- François Rucogoza : Le récuser ? Non, je ne crois pas. Il y a eu une petite contradiction sur un point de l'ordre du jour (les questions politiques, ndlr), mais je ne crois pas qu'on va le récuser. Nous avons demandé à la facilitation d'informer notre médiateur, le président Museveni, pour que l'on puisse faire quelques précisions. Nous avons sollicité une audience au président ougandais.
- Afrikarabia : On sait que ce sont les revendications politiques et constitutionnelles qui bloquent pour le moment.
- François Rucogoza : C'est vraiment très contradictoire, puisque nous avons déjà signé ces points à l'ordre du jour avec le gouvernement et la facilitation. Le premier point était les accords du 23 mars 2009, le deuxième point, les questions de sécurité et le troisième point concerne les questions politiques. Nous devons donc "vider" les questions politiques, sociales et économiques avec le gouvernement congolais. Personne ne peut donc nous empêcher de dire ce que nous pensons des problèmes du Congo. Nous devons trouver des pistes de solutions à tous les problèmes du Congo.
- Afrikarabia : Lorsqu'un membre de la délégation du M23, Roger Lumbala, déclare sur RFI, qu'il souhaite le départ de Joseph Kabila, vous le suivez sur cette revendication ?
- François Rucogoza : Nous sommes dans des négociations, il y a donc des revendications. Nous devons discuter de cela avec la partie gouvernementale. Mais c'est évident qu'il y a des souhaits et des questions politiques qui se posent. Nous devons examiner le problème des élections contestées de novembre 2011, la "vérité des urnes"…. Si le président doit partir, il partira, si le président doit rester, il restera, mais nous devons examiner la question et trouver un compromis.
- Afrikarabia : Lorsque vous parlez de compromis, est-ce qu'un gouvernement de transition, à l'image de ce qui s'est passé en Centrafrique, est envisageable ?
- François Rucogoza : Oui, toutes les solutions sont possibles. Mais nous devons déjà respecter ce que nous avons signer dans l'ordre du jour. On va ensuite débattre et essayer de trouver un compromis. Mais attention, si nous ne pouvons discuter des questions politiques… cela n'ira pas. Toutes les questions doivent être abordés.
- Afrikarabia : On parle de dissensions au sein du M23 entre les politiques et les militaires, qui sont de plus en plus impatients.
- François Rucogoza : Non pas du tout. Nous sommes un mouvement qui est extrêmement bien organisé et structuré. Si des gens croient à cela... ils se trompent beaucoup.
- Afrikarabia : Si le blocage continue. Si le gouvernement congolais ne veut pas discuter des problèmes de politiques intérieurs avec vous, êtes-vous prêts à reprendre les armes et pourquoi pas la ville de Goma ?
- François Rucogoza : Ce n'est pas notre souhait. Nous avons toujours dit, même avant la prise de Goma, que nous voulions un compromis pacifique. Nous avons toujours voulu discuter avec le gouvernement. Si le gouvernement refuse les voix pacifiques de la négociation… alors les mêmes causes produiront les mêmes effets. Vous avez bien vu que nous avons décrété un cessez-le-feu unilatéral pour laisser une place au dialogue.
- Afrikarabia : On attend dans la région la mise en place une force internationale neutre de 3.000 hommes à l'Est de la RDC. Vous redoutez son arrivée ?
- François Rucogoza : Pas du tout ! C'est une force neutre par rapport à quoi ? Nous sommes avec nos frères congolais en train de dialoguer. Nous avons privilégié ce processus pacifique. Si d'autres choisissent une voix belliqueuse, nous serons en droit de répondre et de se défendre. Mais je ne vois pas comment une force étrangère peut venir traquer une organisation qui est en train de discuter avec un gouvernement.
- Afrikarabia : Vous savez que beaucoup de Congolais redoutent une "balkanisation" de l'Est de la RDC. L'autonomie des Kivus est-il l'un de vos objectifs ?
- François Rucogoza : La "Balkanisation" par rapport à quoi ? Roger Lumbala, qui est avec nous, vient du Kasaï (une province du centre du pays, ndlr). Notre organisation est Congolaise et notre mouvement est national. Tout cela, c'est de la manipulation politique qui n'a pas de sens.
- Afrikarabia : Vous souhaitez toujours que l'opposition politique congolaise vous rejoignent ?
- François Rucogoza : Ce n'est pas seulement l'opposition, mais c'est aussi la diaspora. Nous devons résoudre les problèmes ensemble. Toutes les forces vives de la RDC doivent se retrouver autour de la table.
- Afrikarabia : Vous avez des contacts avec l'UDPS d'Etienne Tshisekedi ou l'UNC de Vital Kamerhe ?
- François Rucogoza : Pas seulement eux… avec tout le monde ! Les problèmes du Congo doivent être résolus avec tous les Congolais.
- Afrikarabia : Vous pensez pouvoir signer un accord à Kampala avec les autorités congolaises ?
- François Rucogoza : Oui, nous devons signer un accord à Kampala avec le gouvernement congolais. Mais pas uniquement par rapport au seul conflit du Nord-Kivu, par rapport aussi aux problèmes nationaux.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : François Rucogoza à Kampala © DR
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23 janvier 2013
FRANCE-RWANDA : Les "infractions d'Innocent Musabyimana
Innocent Musabyimana, un Rwandais de 40 ans recherché pour génocide et crimes contre l'humanité, a été interpellé en Côte d'Or. Il y suivait une formation de chauffeur-livreur à Longvic, près de Dijon.
Innocent Musabyimana "a été arrêté sur demande du parquet général", a déclaré le porte-parole du parquet général de Kigali, Alain-Bernard Mukuralinda, dans l'attente que la justice française se prononce sur la demande d'extradition de Kigali. "Il est accusé d'un certain nombre d'infractions”, selon le procureur général de Dijon, Jean-Marie Beney. Jean-François Dupaquier, journaliste et écrivain, spécialiste du Rwanda, nous livre ici son commentaire.
« Viols, génocide, extermination »… les incriminations ne sont pas anodines contre M. Innocent Musabyimana, un Rwandais de 40 ans qui vivait des jours tranquilles à Longvic, près de Dijon. Même si la présomption d’innocence doit d’office lui être reconnue, les habitants de la région sont en droit de se poser bien des questions. A commencer par celle-ci : le procureur général de Dijon, M. Jean-Marie Beney a déclaré que M. Innocent Musabyimana « est accusé d'un certain nombre d'infractions » C’est la première fois qu’un magistrat qualifie d’infractions des crimes tels que génocide, complicité de génocide, meurtres, viols, adhésion et participation dans un groupe criminel. Infraction est un mot banal. Selon un dictionnaire juridique de référence, il signifie : « Action ou comportement interdit par la loi et passible de sanctions pénales prévues par la loi : amende, peine d'emprisonnement, peines complémentaires ». Ces « infractions » sont qualifiées de crimes, via Interpol, sur le un mandat d’arrêt international qui a été émis.
Un commerçant interrogé par Le Bien Public qui trouve une analogie avec l’Argentine me semble bien plus proche de la vérité historique et morale : après la chute du nazisme, des perpétrateurs de la Shoah ont trouvé refuge en Argentine. Ils savaient que le régime fasciste de Peron refuserait de les livrer. Pour juger Adolf Eichmann, l’un des principaux artisans de la « Solution finale » contre les Juifs, Israël a dû l’enlever clandestinement en mai 1960, pratiquement quinze ans jour pour jour après la capitulation nazie. La honte en a été sur le régime Argentin, pas sur celui d’Israël qui avait incontestablement commis une infraction au droit international.
La France abrite depuis 1994 plus de vingt Rwandais « suspects de génocide ». Ce chiffre ne concerne que des suspects nommément identifiés, car en réalité, plusieurs centaines de criminels rwandais « présumés innocents » se cacheraient en France, la plupart sous de faux noms. Malgré les charges accablantes documentées contre la vingtaine de « présumés innocents » connus, la justice française a toujours refusé les mandats d’extradition émis par le Parquet général du Rwanda. De jugement en arrêt, on nous répète que l’accusation est « politique ».
« Accusation politique » : c’était l’argument récurrent des autorités argentines pour refuser de livrer les criminels nazis, évidemment « présumés innocents ». La justice française n’est pas, elle, l’émanation d’un « régime fasciste » comme le Parquet péroniste. C’est simplement une institution démocratique trop humaine, avec ses faiblesses et ses vertus. Faut-il suggérer de sanctionner le « certain nombre d’infractions » reprochées à Innocent Musabyimana d’une contravention pour stationnement irrégulier en France, la fameuse amende à 17 euros ? Le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994 a causé un million de
victimes en cent jours. Les tueries furent souvent précédées d’actes d’une cruauté inouie. Ce troisième génocide du XXe siècle mérite de la considération, et en particulier de bien peser ses mots. Puis agir. Ne pas extrader ou ne pas juger dans un délai raisonnable ces suspects identifiés en France serait une forme de complicité avec le crime des crimes que constitue un génocide.
Jean-François Dupaquier,
Ecrivain, journaliste
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