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23 janvier 2013

FRANCE-RWANDA : Les "infractions d'Innocent Musabyimana

Innocent Musabyimana, un Rwandais de 40 ans recherché pour génocide et crimes contre l'humanité, a été interpellé en Côte d'Or. Il y suivait une formation de chauffeur-livreur à Longvic, près de Dijon.

Logo Afkrb.pngInnocent Musabyimana "a été arrêté sur demande du parquet général", a déclaré le porte-parole du parquet général de Kigali, Alain-Bernard Mukuralinda, dans l'attente que la justice française se prononce sur la demande d'extradition de Kigali. "Il est accusé d'un certain nombre d'infractions”, selon le procureur général de Dijon, Jean-Marie Beney. Jean-François Dupaquier, journaliste et écrivain, spécialiste du Rwanda, nous livre ici son commentaire.

« Viols, génocide, extermination »… les incriminations ne sont pas anodines contre M. Innocent Musabyimana, un Rwandais de 40 ans qui vivait des jours tranquilles à Longvic, près de Dijon. Même si la présomption d’innocence doit d’office lui être reconnue, les habitants de la région sont en droit de se poser bien des questions. A commencer par celle-ci : le procureur général de Dijon, M. Jean-Marie Beney a déclaré que M. Innocent Musabyimana « est accusé d'un certain nombre d'infractions » C’est la première fois qu’un magistrat qualifie d’infractions des crimes tels que génocide, complicité de génocide, meurtres, viols, adhésion et participation dans un groupe criminel. Infraction est un mot banal. Selon un dictionnaire juridique de référence, il signifie : « Action ou comportement interdit par la loi et passible de sanctions pénales prévues par la loi : amende, peine d'emprisonnement, peines complémentaires ». Ces « infractions » sont qualifiées de crimes, via Interpol, sur le un mandat d’arrêt international qui a été émis.

Un commerçant interrogé par Le Bien Public qui trouve une analogie avec l’Argentine me semble bien plus proche de la vérité historique et morale : après la chute du nazisme, des perpétrateurs de la Shoah ont trouvé refuge en Argentine. Ils savaient que le régime fasciste de Peron refuserait de les livrer. Pour juger Adolf Eichmann, l’un des principaux artisans de la « Solution finale » contre les Juifs, Israël a dû l’enlever clandestinement en mai 1960, pratiquement quinze ans jour pour jour après la capitulation nazie. La honte en a été sur le régime Argentin, pas sur celui d’Israël qui avait incontestablement commis une infraction au droit international.

La France abrite depuis 1994 plus de vingt Rwandais « suspects de génocide ». Ce chiffre ne concerne que des suspects nommément identifiés, car en réalité, plusieurs centaines de criminels rwandais « présumés innocents » se cacheraient en France, la plupart sous de faux noms. Malgré les charges accablantes documentées contre la vingtaine de « présumés innocents » connus, la justice française a toujours refusé les mandats d’extradition émis par le Parquet général du Rwanda. De jugement en arrêt, on nous répète que l’accusation est « politique ».

« Accusation politique » : c’était l’argument récurrent des autorités argentines pour refuser de livrer les criminels nazis, évidemment « présumés innocents ». La justice française n’est pas, elle, l’émanation d’un « régime fasciste » comme le Parquet péroniste. C’est simplement une institution démocratique trop humaine, avec ses faiblesses et ses vertus. Faut-il suggérer de sanctionner le « certain nombre d’infractions » reprochées à Innocent Musabyimana d’une contravention pour stationnement irrégulier en France, la fameuse amende à 17 euros ? Le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994 a causé un million de
 victimes en cent jours. Les tueries furent souvent précédées d’actes d’une cruauté  inouie. Ce troisième génocide du XXe siècle mérite de la considération, et en particulier de bien peser ses mots. Puis agir. Ne pas extrader ou ne pas juger dans un délai raisonnable ces suspects identifiés en France serait une forme de complicité avec le crime des crimes que constitue un génocide.

Jean-François Dupaquier,
Ecrivain, journaliste

15:19 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)

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