14 février 2013
Centrafrique (RCA) : Les secrets de la Séléka
Dans un entretien exclusif accordé à Afrikarabia, un des anciens porte-parole de la rébellion a décidé de dévoiler les coulisses du mouvement rebelle qui a menacé de renverser le président François Bozizé. Une interview qui révèle le nom du président "caché" de la Séléka, le double jeu d'Idriss Déby et le soutien d'un ancien officier du Congo-Kinshasa.
Décembre 2012. En quelques jours, la Séléka, un mouvement rebelle centrafricain méconnu, a réussi à prendre le contrôle de 80% du pays, avant d'être stoppé par les forces tchadiennes de la CEEAC (Communauté économique des états d'Afrique centrale) à 75 km de la capitale, Bangui. Composée d'une mosaïque de 4 groupes rebelles (UFDR, CPJP, FDPC et CPSK), la coalition est toujours apparue comme un mouvement "sans tête", avec autant de porte parole que de commandants militaires. Après un mois de conflit, un accord a pourtant été signé à Libreville début janvier, entre le régime de François Bozizé, la Séléka et l'opposition politique. Le président centrafricain a sauvé sa tête, l'opposition politique a emporté la primature et la rébellion a obtenu le poste de vice-premier ministre et de ministre de la défense, en la personne de Michel Djotodia. Mais la paix reste fragile. L'opposition peine à s'imposer et le camp Bozizé reprend confiance. Beaucoup prédisent une reprise des hostilités, car une partie des rebelles ne se reconnait pas dans les accords de Libreville et pour cause… la rébellion reste plurielle. Pour mieux comprendre ce mouvement nous avons voulu connaître l'histoire de la Séléka.
Jean-Paul Bagaza, est l'un des anciens porte-parole de la coalition et a décidé de nous révéler les dessous du mouvement rebelle. Jean-Paul Bagaza ne fait partie d'aucun des 4 groupes constituant la Séléka, mais de la "coordination" qui a mis en place la coalition rebelle. Il nous livre les secrets du mouvement et les surprises sont de tailles. Voici son témoignage.
Acte I - Bozizé se fâche
"Tout commence au mois de décembre 2011. François Bozizé convoque Sylvain Ndoutingai, le ministre des mines et Firmin Findiro, le ministre de la justice et porte-parole du gouvernement. Francis Bozizé, le fils du président est aussi présent. Au cours d'une réunion familiale, le clan Bozizé avait décidé de présenter le fils, Francis, à la présidentielle, si François Bozizé n'arrivait pas à modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2016. Le président Bozizé avait donc pris la décision de convoquer ces deux proches du régime pour convaincre les membres du parti présidentiel (KNK) de modifier la constitution en faveur d'une nouvelle candidature. Au cours de cette réunion, Firmin Findiro a tenté de dissuader le président de modifier la constitution, compte tenu de l'instabilité politique ambiante et de l'activité de nombreux groupes rebelles. Sylvain Ndoutingai a lui aussi déconseillé au président Bozizé de modifier la constitution, pensant que cette décision créerait des tensions. Ces réponses n'ont visiblement pas plu au président. Il faut dire que François Bozizé suspectait déjà Sylvain Ndoutingai de préparer un coup d'Etat, ou de vouloir se présenter aux élections présidentielles de 2016. Sylvain Ndoutingai était ministre des mines et avait beaucoup d'influence et de moyens financiers. Firmin Findiro était considéré comme l'intellectuel qui pouvait aider Sylvain Ndoutingai à prendre le pouvoir. François Bozizé et son fils ont alors décidé de se séparer de ces deux ministres en fabriquant de fausses accusations pour les limoger. Le ministre, Firmin Findiro a alors décidé de s'enfuir par la RDC, puis par le Congo-Brazzaville et enfin vers la France avec un passeport d'emprunt. Je suis allé l'accueillir à l'aéroport".
Acte II - Les tchadiens entrent en piste
"En France, nous avons décidé de réagir et de prendre les choses en main. C'est là qu'est née l'idée de la Séléka, c'est à dire de créer une coalition avec tous les mouvements rebelles centrafricains. Pour atteindre cet objectif, nous avons d'abord décidé d'enclencher notre stratégie avec un seul mouvement. En septembre 2012, nous sommes entrés en contact avec Nourradine Adam du CPJP (Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix), qui était alors au Tchad, à N'Djamena. Nourradine Adam avait de très bons contacts avec Idriss Déby, le président tchadien. En discutant avec Déby, Nourradine constate que les relations entre le Tchad et la Centrafrique se sont fortement détériorées. Selon Déby, Bozizé ne tient plus parole. Beaucoup d'accords commerciaux et militaires n'ont jamais vu le jour. Notamment sur la création d'une force militaire mixte pour contrôler la frontière entre les deux pays. Idriss Déby souhaitait également la construction d'un pipeline pour alimenter en eau le Tchad depuis la rivière Oubangui. Tous ces projets traînaient. L'autre contentieux entre les deux pays concernait le colonel Charles Massi que le Tchad a livré au régime centrafricain. L'opposant a ensuite été assassiné dans les prisons de Bozizé, contrairement aux engagement pris. François Bozizé avait en effet clairement promis à Idriss Déby de ne pas éliminer Charles Massi. Il n'a pas tenu parole. Idriss Déby a été très en colère."
Acte III - Firmin Findiro, président "officieux"
"Le président tchadien et ses proches ont décidé d'écarter Bozizé du pouvoir. Les tchadiens se sont alors appuyés sur Nourradine Adam, qui avait déjà des soldats. Mais pour éviter que cette rébellion ne soit uniquement "musulmane" et taxée d'extrémisme religieux, les tchadiens voulaient trouver "un intellectuel" pour mettre à la tête du mouvement. Début octobre 2012, Nourradine Adam nous a appelé pour nous dire que c'était Firmin Findiro qui allait occuper la direction politique du mouvement et que nous allions rencontrer le général Mahamat Ali Abdallah Nassour à Paris. Ce général tchadien est un proche de Déby, qui avait d'ailleurs aidé François Bozizé à renverser l'ancien président Patassé en 2003. Il connaissait donc très bien Bozizé. Lors de notre rencontre à Paris, le général nous a dit la même chose que Nourradine : "nous ne voulons plus de Bozizé, il ne tient pas parole, il faut qu'il parte…". Il nous a aussi dit que pour la stabilité de la région et des frontières, il fallait se débarrasser du président centrafricain. Mahamat Ali Abdallah nous a mis en contact avec le fils d'Idriss Déby, Zakaria, avant de pouvoir rencontrer le président tchadien à Paris, lors d'une visite prévue en octobre 2012 avec François Hollande. Zakaria Déby nous a ensuite appelé pour nous dire que nous pourrions rencontrer le président tchadien à Paris avant le Sommet de la francophonie d'octobre. Mais le président Déby n'a pas voulu d'une rencontre "officielle", pour éviter d'apparaître dans cette histoire. En fait, le président français a décalé sa rencontre avec Idriss Déby pour la reporter début décembre 2012, ce qui changeait évidemment tous nos plans. Pour déclencher la rébellion, il nous fallait une autorisation au moins "officieuse" de l'opération. On voulait une "bénédiction" avant de déclencher toute attaque. Mais entre temps nous avions déjà fédéré tous les autres groupes rebelles depuis le mois de septembre 2012 et on ne pouvait plus reculer. Dans un premier temps, notre stratégie était que chacune des rébellions mènent ses attaques dans son coin, pour faire croire à des mouvements isolés. Et une semaine après nous devions annoncer la création d'une coalition : la Séléka. Ce qui s'est effectivement passé."
Acte IV - Un conseiller militaire congolais
"En France, nous sommes entrés en contact avec un ancien officier de l'armée congolaise, de l'AFDL (le mouvement de Laurent-Désiré Kabila), qui a fait partie des troupes qui ont renversé Mobutu en 1997. Cet officier s'appelle Gabriel Maindo et a fait office de conseiller militaire du mouvement de la Séléka. Il a élaboré tous les plans militaires pour renverser le plus vite possible le président Bozizé. Mais en contre-partie, la Séléka devait lui laisser une base arrière en Centrafrique pour qu'il prépare une rébellion contre le président Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC). Il devait ensuite se rapprocher de l'opposition rwandaise pour renverser Paul Kagame. Gabriel Maindo voulait, à partir de la Centrafrique, ouvrir un front contre la RDC et un autre contre le Rwanda. C'est pour cette raison que, lorsque le M23 nous avait proposé leurs services pour affronter les troupes tchadiennes qui nous bloquaient à Damara, nous avons refusé cette aide. Gabriel Maindo a même mis son veto à tout soutien du M23. Il a même menacé de tout faire capoter si la Séléka s'alliait au M23. Aujourd'hui, il fait partie de ceux qui s'opposent farouchement aux accords de Libreville."
Acte V - Double jeu
"Gabriel Maindo nous a aussi mis en contact avec le directeur des services de renseignement soudanais. Le Soudan était prêt à nous donner des moyens humains et financiers pour renverser François Bozizé et par la suite renverser aussi Idriss Déby. Avec la chute de Bozizé, la sous-région centrale serait devenue une véritable poudrière. Cet ancien officier congolais (Gabriel Maindo, Ndlr) avait pour objectif d'en finir avec tous ces dictateurs d'Afrique centrale. Il a pointé : le Rwanda, l'Ouganda, le Gabon, la RDC, le Tchad et puis l'Angola. Il fallait profiter, dans un premier temps, du soutien d'Idriss Déby pour renverser Bozizé et lui montrer que la Séléka était à ses côtés. Et dans un deuxième temps, après la chute de Bozizé, nous aurions renversé Déby. A propos de l'échec militaire de la Séléka, nous avons été naïfs. Le président Idriss Déby a joué double jeu avec nous. C'est lui qui a fixé la fameuse "ligne rouge" au niveau de la ville de Damara que nous ne devions pas dépasser. Idriss Déby a menacé Michel Djotodia et Nourradine Adam de vouloir les remplacer à la tête du mouvement s'ils franchissaient Damara. Ce que nous avons compris aujourd'hui, c'est que le président Déby a voulu utiliser la Séléka comme un moyen de pression sur François Bozizé. Le président tchadien a obtenu ce qu'il voulait : il y a maintenant la mise en place d'une brigade mixte et le projet de pipeline avance de nouveau. Aujourd'hui Idriss Déby continue donc de contrôler la République centrafricaine, avec ces 3 enfants. Nous avons tout simplement été instrumentalisés par le Tchad."
Propos recueillis par Christophe RIGAUD © Afrikarabia
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13 février 2013
RDC : "Pour un Etat de droit" au Congo
Après les élections contestées de novembre 2011 et la reprise du conflit dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), des acteurs politiques et associatifs congolais, des élus belges et français, des professeurs d'université s'inquiètent de la crise politique "qui fragilise les institutions congolaises". Dans un texte que nous publions, les signataires appellent à l'établissement "d'un Etat de droit" en RDC et avancent quelques pistes de réflexions.
Depuis 1996, la République Démocratique du Congo est le théâtre des affrontements meurtriers entre différentes factions. Nombreuses sont leurs conséquences : inexistence de l’État, menaces sur l’intangibilité des frontières nationales, déstabilisation de la région du Kivu, insécurité, crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, violences sexuelles, enrôlement des enfants par des groupes armés, violations des droits fondamentaux de la personne humaine, impunité en faveur des criminels, ingérence des voisins dans les affaires intérieures... La crise politique, qui fragilise les institutions congolaises depuis les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, hypothèque davantage l’avenir des populations locales : plus de 6 millions de morts, plusieurs milliers de femmes et de filles violées, des milliers d’enfants enrôlés de force par des groupes armés, plus de 2,5 millions de personnes déplacées dans la seule région du Kivu et près de 500 000 Congolais réfugiés dans les pays voisins… Ainsi fragilise-t-elle la cohésion nationale, exposant de facto le Congo-Kinshasa aux visées expansionnistes de quelques pays limitrophes et aux pillages en tous genres.
Nous devons avoir à l’esprit que la paix dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale dépend, en grande partie, de la stabilité de la République Démocratique du Congo. Ainsi est-il urgent que la communauté internationale intervienne efficacement dans la mise en place des mécanismes idoines.
Sur la sécurisation de la région du Kivu, nous préconisons :
- la requalification du mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilité de la République Démocratique du Congo (Monusco), afin de lui permettre d’assister un État souverain qui est confronté aux problèmes à la fois internes et externes ;
- la présence, aux côtés des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), d’une force d’interposition sur la frontière orientale – ne contenant aucun pays présumé soutenir les éléments déstabilisateurs – composée soit de la Monusco, soit d’une force interafricaine, soit de l’Eurofor, soit de l’Africom ;
- l’externalisation des pourparlers de Kampala, le médiateur ne devant être à la fois juge et partie ;
- les condamnations des États voisins qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo.
Sur les violations des droits fondamentaux de la personne humaine, nous demandons :
- l’arrestation et le jugement des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’Humanité par des tribunaux tant nationaux qu’internationaux ;
- l’assistance des victimes de dégâts, aussi bien directs que collatéraux ;
- le retour des personnes déplacées à l’intérieur du pays et celles qui sont déplacées au-delà des frontières nationales après un recensement avec l’aide de la Croix Rouge.
Sur la cohésion nationale, nous proposons :
- l’ouverture d’un dialogue inclusif et républicain, entre les différentes forces vives congolaises, sous la supervision de la communauté internationale ;
- la mise en place d’un gouvernement de salut publique en vue de l’organisation dans un délai raisonnable des élections crédibles et transparentes, auxquelles ne participera pas l’actuel Chef de l’État conformément à la Constitution, ainsi qu’en vue de la consolidation des institutions républicaines.
Sur la paix régionale, nous sommes favorables :
- aux concertations en vue de la gestion commune des ressources frontalières ;
- aux accords de non-agression, en vue de l’indépendance dans l’interdépendance.
Pour l’année 2013, compte tenu des valeurs universelles que nous partageons avec force et vigueur, nous souhaitons vivement que la République Démocratique du Congo devienne enfin un havre de Paix où règneront la Liberté, l’Égalité, la Sécurité et la Prospérité.
Les signataires : Gaspard-Hubert Lonsi Koko (Porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo, Président d’Union du Congo, France), Albert Bourgi (Professeur d’université, France), Erika Cologon Hajaji (Journaliste, Sénégal), Emmanuel Ikabanga (Mouvement de Libération du Congo, France), Jean-Pierre Dozon (Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, France), Alexandre Leupin, (professeur et directeur de mondesfrancophones.com, États-Unis), Joël Asher Lévy-Cohen (Journaliste indépendant, Canada), Laurent Louis (Député fédéral, Belgique), Ferdinand Lufete (Coordonnateur de l’’Alliance pour le Développement et la République, France), Cynthia Mckinney, (ancienne Congressiste, ancienne Candidate du Parti Vert à l’élection présidentielle, États-Unis), Akli Mellouli (Adjoint au Maire de Bonneuil, France), Augustin Mukamba (Président de Troisième Force, Suisse), Marc Mvé Bekale (Maître de conférences, enseignant-chercheur, France), Lamine Ndaw (Conseiller municipal, France), Herman Nzeza Malungidi (Président de l’Alliance Nationale pour le Changement, Angleterre), Els Schelfhout (Sénatrice honoraire, Belgique).
21:30 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (12)
Exclusif - Paul Kagame : "le Rwanda n'est pas à l'origine des problèmes du Congo"
Afrikarabia a interrogé le président rwandais, Paul Kagame, sur les nombreuses critiques congolaises à propos du rôle du Rwanda dans le conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir la rébellion du M23, ce que Kigali a toujours nié.
- Jean-François DUPAQUIER (Afrikarabia) : Monsieur le Président, en RDC, l’opinion publique semble très hostile au Rwanda et vous-même êtes parfois caricaturé dans les médias comme un nouveau Hitler. Pensez-vous que cette hostilité pourra disparaître dans un avenir prévisible, ou au contraire avez-vous l’impression que cette haine du Rwanda risque de s’enraciner dans l’identité congolaise ?
- Paul KAGAME : Je pourrais commencer par dire qu’Hitler n’est pas connu pour avoir posé des problèmes au Congo. Si ces gens avaient un peu de suite dans les idées, on s’attendrait à ce qu’ils me caricaturent en Léopold II. Mais ces gens cherchent des références ailleurs pour raconter l’histoire à leur façon.
Second point, revenons à la réalité. Les problèmes du Congo sont associés à une prétendue responsabilité rwandaise ou du chef de l’Etat rwandais. C’est trop facile d’accuser sans cesse la gouvernance du Rwanda de tous leurs maux. Les Congolais, les leaders du Congo, nous ne leur souhaitons aucun mal. Un bon Congo, un Congo fort, à la bonne gouvernance, voilà la voie que devraient prendre les Congolais pour améliorer leur vie. Sincèrement, le Rwanda rêve de vivre avec un voisin prospère, florissant, nous serions heureux si le Congo faisait des progrès, parce que la traduction du progrès au Congo serait aussi un progrès pour nous, il n’y a aucun doute là-dessus. C’est aussi simple que cela.
Nous souhaitons que les Congolais trouvent la voie de la bonne gouvernance avec leurs leaders, au lieu de pointer du doigt à tout moment le Rwanda.
S’ils ont décidé de dire « le Rwanda est notre problème, nous n’avons pas d’autre problème », à eux de voir si c’est vrai ou pas. Franchement, si les problèmes du Congo sont le Rwanda et les leaders du Rwanda, à vous d’en juger. Mais aussi ceci masque les plus graves problèmes du Congo, et alors les problèmes vont durer longtemps. Peu importe ce qu’ils ont à l’esprit, mais plus ils se persuadent que le Rwanda est le problème, plus ils vivront avec leurs problèmes.
Malheureusement, ça les affecte dans leur jugement. Ca devient pathétique de renvoyer les problèmes à leurs voisins. Un autre problème est que des étrangers supposés les aider ne jugent la situation au Congo qu’à l’aune de ce que les Congolais disent : que les problèmes du Congo viennent de l’extérieur, qu’ils n’auraient pas de problèmes intérieurs. Encore une fois, permettez-moi de revenir un peu en arrière sur les Congolais. Je crois comprendre qu’ils sont cinquante ou soixante millions. Est-ce que tous ces Congolais parlent d’une seule voix pour dire que le Rwanda est le problème du Congo et qu’il faut regarder du côté de Kagame… est-ce une opinion ?
Si l’on croit ça, c’est une erreur. Je suis certain que vous avez des gens qui pensent ça, peut-être même qu’ils sont nombreux, mais sont-ils les représentants de l’opinion publique congolaise, accréditant une opinion erronée ? Est-ce vraiment la réalité ? Pour être aussi clair que possible, cette question est intéressante pour apporter une réponse. La question aide-t-elle le Rwanda ou aide-t-elle le Congo ? Je ne sais pas, mais c’est quelque chose dont les gens peuvent [doivent] parler [C’est un problème qui mérite d’être débattu]. Si la réponse reste la même, le Rwanda restera ce qu’il est : nous faisons des progrès ou nous échouons à faire des progrès, quoi qu’il se passe au Congo, et les problèmes du Congo resteront ce qu’ils sont.
[NDLR : interrogé par autre journaliste, Paul Kagame a répondu en substance que l’intérêt du Rwanda et l’intérêt du Congo vont de pair. Si la RDC connaît de vrais progrès en matière de gouvernance, en matière économique etc., ce sera bon aussi pour le progrès du Rwanda. Tout le monde sait que le progrès économique passe par la sécurisation des acteurs économiques et par l’ordre public. Il déclare en avoir administré une nouvelle preuve au Rwanda où les investisseurs sont protégés, où la corruption a été éradiquée. Ce n’est pas un hasard si l’augmentation de notre PNB se situe entre 7 et 8% par an depuis longtemps. Aux Congolais de comprendre si leurs problèmes viennent de ce que des règles de bonne gouvernance sont appliquées au Rwanda. Paul Kagame ajoute n’être pas responsable de l’ordre public en RDC. Si les Congolais comprennent cela, à eux de régler leur problème. C’est simple : les problèmes de la RDC doivent être résolus en RDC. Plus les Congolais auront à l’esprit que l’animosité à l’égard du Rwanda tient lieu de solution, plus leurs problèmes dureront. Leurs problèmes vont rester et même continuer à les affaiblir. ]
- Paul KAGAME : J’entends différentes personnes parler en boucle « des problèmes de l’Est du Congo ». On me pose souvent la question sur « l’Est du Congo ». Ca donne l’impression que dans leur esprit l’Est du Congo serait un pays en soi. Que les problèmes de l’Est du Congo ne sont pas les problèmes du Congo. Je pense qu’ils font une erreur d’analyse. Croient-ils qu’ailleurs au Congo il n’y a pas aussi des gens qui souffrent ? Ne comprennent-ils pas que pas que ce qui arrive dans l’Est du Congo reflète ce qui se passe ailleurs dans cet immense pays ? Parce que le Congo à mes yeux est un seul pays, un seul gouvernement, les mêmes institutions, et ainsi de suite…
La question est : les acteurs voient-ils les choses de la bonne façon, la façon adéquate, alors la réponse est là. Laissez-moi résumer tout ceci : Le Rwanda n’est pas l’origine des problèmes du Congo, c’est plutôt le Congo qui doit prendre en main ses problèmes. La meilleure façon de voir le Rwanda est de comprendre qu’avec le Congo, nous sommes des Africains, des voisins, nous pouvons travailler ensemble pour régler nos problèmes plutôt que de voir l’autre en ennemi. En dépit de ce qui est dit et écrit ici où là, au Rwanda nous percevons la RDC comme un bon voisin, comme des Africains avec qui nous devons entretenir des bonnes relations d’une façon plus positive que ce qui apparaît trop souvent.
Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER pour Afrikarabia
NDLR : Cette version destinée au public francophone de la déclaration en anglais du Président de la République du Rwanda à Afrikarabia n’est pas une traduction mot à mot, mais une adaptation en français. Pour plus de précision nous invitons les lecteurs à se référer à la version anglaise, seule certifiée conforme au script de l’interview. (cliquez ici)
11:24 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)
Paul Kagame : "Understand Rwanda is not the creator of the problems in Congo"
EXCLUSIVE COVERAGE - Afrikarabia asks Rwandese President Paul Kagame his answer to congolese criticisms these lasts months.
- Jean Francois Dupaquier : Mr. President, in DRC the public opinion seems very unfriendly to Rwanda and yourself sometimes cartooned as a new Hitler. Do you think this hostility may disappear in a foreseeable future or do you feel it may seem a basic part of Congolese identity?
- Paul Kagame: Well, I may start with the fact that Hitler is not known for creating problems in the Congo, maybe they should have talked of King Leopold but they prefer to look for problems somewhere else that tells the story.
The second point is, I wish the reality was that actually Congo’s problems were anyway related closely with Rwanda or with the leader of Rwanda. That would have been the easiest way to deal with, to resolve, we would have resolved this problem long time ago because we don’t wish Congo, the Congolese, the leaders of Congo any bad luck at all, we don’t wish them any of that. In fact a good Congo, Congo that is strong, that is well governed, whose people are dealing with their problems the way they should and improving their lives, all these are in the interest of Rwanda as well. Rwanda would wish to live with a neighbor that is thriving especially Congo, we would be happy if Congo was making good progress because this translates in good progress for us as well there is no doubt about it, it is as simple as that.
As for the public opinion in Congo, I’m not responsible for what happens in Congo with the public opinion there. If they have decided to say that Rwanda is our problem, we have no other problems, it’s up to you to decide whether this is true or not. Really if Congo’s problems are Rwanda and the leader of Rwanda, it’s up to you to make that judgment but also that also masks the bigger problem of Congo that is not being addressed, the problems will remain for a long time, it doesn’t matter whether they have in their mind, but the more they have it in their mind that Rwanda is the problem, the more the problem will stay with them. So a different problem that is real and is affecting them will remain and therefore they remain where they are and that would be more pathetic but of course the problem, even additional problem is for outsiders who would have been helpful to address the problem to see it also that way, or judge the situation in Congo from what Congolese are saying in this regards; that Congo’s problems originate from outside and that they don’t have problems inside, but again let me take you back a little bit, do the Congolese; I’m told now they are about fifty to sixty million people, are all these people united over this problem, that Rwanda is the problem Congo and Kagame is to be seen … is it an opinion?
Again this one is misleading, I’m sure you have people who think like that, maybe they are even many but are they the representative of the Congolese opinion of this population putting aside how erroneous the thinking is, is it really what it is? But for being even a little clear, this question which I think is good in a way to bring that you brought up is the answer to it supposes to help Rwanda or to help Congo? I don’t know but this is something people can talk about. If I answered it and it stays, Rwanda remain what it is; we make progress or we fail to make progress, irrespective of what goes on in Congo and Congo’s problems will remain the way they are.
The other big problem people talk about ; the Eastern Congo, all the time and this is the wrong way of looking at things. Many times I have confronted questions, they ask me about Eastern Congo, actually in their mind and they give this impression widely as if Eastern Congo has turned into another country on its own. The problems in eastern Congo are not the problems of the whole Congo. But I think and this is the mistake people are making, they don’t know one, they don’t know that people in other parts of that very huge country are suffering, secondly they don’t understand that how and what happens in Eastern Congo carries an image of what happens elsewhere in the country because this is supposed to be one country, you know one government, same institutions and so on and so forth.
Again it goes back to whether people see things the right way, the way they should, there goes the answer. Let me just summarize to say, Rwanda is not the creator of the problems in the Congo, in fact is not the problem, Congo should be looking at their problems, the best way to look at Rwanda as sharing with Congo in addressing that we all face as Africans as neighbors, we can all work together to deal with these problems instead of looking at each other as enemies. Despite what Congo says that you raised their opinion, the opinion of Congolese, we still see Congo as our good neighbors, people as Africans that we need to relate with in a more positive way than the impression that is always given.
Jean-François DUPAQUIER - Afrikarabia
A French version of the interview with Paul Kagame is available here.
10:20 Publié dans Afrique, Rwanda | Lien permanent | Commentaires (0)
11 février 2013
Rwanda : Manifestation contre l’acquittement des 2 ministres du "gouvernement génocidaire"
Lundi 11 février, les averses n’ont pas découragé les manifestants de Kigali, indignés par l’acquittement de deux anciens ministres rwandais en appel par le Tribunal Pénal International de La Haye.
Justin Mugenzi était ministre du Commerce pendant le génocide. Son collègue Prosper Mugiraneza, licencié en droit de l’Université nationale du Rwanda (UNR) de Butare, occupait le poste de ministre de la Fonction publique. Les deux hommes n’étaient pas accusés d’avoir dirigé sur le terrain des bandes de tueurs, mais d’avoir participé au limogeage du préfet de Butare, dans la ville universitaire de Sud du Rwanda, le 17 avril 1994. Ce préfet, Jean-Baptiste Habyarimana (aucun lien de parenté avec le président Juvénal Habyarimana tué le 6 avril précédent) était le seul préfet tutsi du Rwanda. Le seul à résister obstinément à l’entreprise de destruction des Tutsi engagée le 6 avril au soir, et qui aboutira à l’extermination d’environ les trois quarts des Tutsi du Rwanda. Les génocidaires enrageaient de ne pas parvenir à leurs fins dans le sud du Rwanda.
Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza ont participé le 17 avril à Gitarama, dans le centre du Rwanda, au conseil des ministres qui a décidé de limoger le préfet « rebelle ». Sa révocation fut annoncée le surlendemain dans un stade de Butare, en présence des membres du gouvernement (dont Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza ) et d’autres responsables tant civils que militaires. Peu après, le préfet Habyarimana fut tué avec toute sa famille et les massacres dans sa préfecture se généralisèrent.
Une révocation pour « des raisons politiques et administratives » ?
En première instance, le 30 septembre 2011, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siégeant à Arusha, en Tanzanie, avait estimé que les preuves contre les deux ministres étaient accablantes. Ils avaient été déclarés coupables d’entente en vue de commettre et d’incitation directe et publique à commettre le génocide. Outre le conseil des ministres convoqué pour limoger le préfet tutsi, on leur reprochait leur présence lors du discours incendiaire prononcé le 19 avril 1994 à Butare par le président intérimaire Théodore Sindikubwabo, appelant explicitement à l’anéantissement des Tutsi.
Mais le lundi 4 février 2013 à la surprise générale, la chambre d’appel à La Haye, paye (Pays Bas)résidée par le juge américain Theodor Meron, a « infirmé leur condamnation » au titre des deux chefs d’accusation et « ordonné leur libération immédiate ». Selon le jugement d’appel, le limogeage du préfet Habyarimana a certes contribué à la généralisation des massacres mais la décision du gouvernement pourrait avoir été prise pour « des raisons politiques et administratives » et non pas nécessairement pour laisser le champ libre aux tueurs.
Le gouvernement s’était en effet plaint de l’absence du préfet à certaines réunions d’autres responsables de son rang. Les juges ont également suivi le raisonnement des appelants selon lesquels ils ne savaient que le président intérimaire allait prononcer un discours incendiaire.
Pourtant dans son plaidoyer de culpabilité, le Premier ministre intérimaire, Jean Kambanda, condamné à la réclusion à vie, avait reconnu que son gouvernement avait piloté le génocide.
Quatre juges sur cinq
Sur les cinq membres de la chambre d’appel présidée par le juge américain Theodor Meron, quatre ont voté l’acquittement. L'opinion dissidente du Juge Liu a été actée dans l’arrêt d’appel.
Le Procureur général du Rwanda Martin Ngoga a jugé « extrêmement décevant » l’arrêt de la chambre d’appel qui a remis en liberté les deux anciens membres du gouvernement. « C’est une décision extrêmement décevante de la part de la chambre d’appel du TPIR », s’est indigné Martin Ngoga. Les effroyables divergences entre les décisions de première instance et les décisions d’appels dans nombre d’affaires, dont celle-ci, posent de sérieuses questions (…). Les plus récentes décisions de la chambre d’appel tendent à adopter un traitement simpliste des faits et créent une tendance à exonérer les dirigeants politiques ».
De son côté, Jean-Pierre Dusingizemungu, président d’Ibuka, la principale organisation de survivants du génocide des Tutsis, s’est dit « très attristé » par le jugement. Pour lui, cet arrêt « apporte de l’eau au moulin des négationnistes du génocide » des Tutsis.
Lundi, malgré les averses de la petite saison des pluies, une foule de manifestants a parcouru Kigali pour protester contre le jugement d’appel.
Certains manifestants appelaient à la fermeture immédiate du TPIR. Mais le Conseil de sécurité a déjà voté la fin du TPIR en 2014. A Arusha, une « structure résiduelle » est chargée des affaires courantes. Il ne reste que la Chambre d'appel du TPIR qui fermera ses portes à son tour le 31 décembre 2014.
La raison de telles incohérences
Reste à expliquer les incohérences fréquentes entre les jugements de première instance et d’appel. Selon un ancien collaborateur du Tribunal Pénal international de La Haye, « les Juges font, à tous niveaux, ce qu'ils veulent, la Chambre d'appel ayant toujours refusé de jouer un rôle harmonisateur, tant sur le fond des jugements que sur le montant des peines ».
Selon un membre du Parquet s’exprimant sous couvert d’anonymat, « ce sont des professeurs de droit très âgés et complètement déconnectés des réalités ». Les incohérentes concernent aussi bien les affaires judiciaires de l’ex-Yougoslavie que celles du Rwanda. S’exprimant aussi sous couvert d’anonymat, l’expert ajoute : « Leur approche est exclusivement inspirée de la rhétorique juridique et complètement détachée des réalités factuelles, politiques, sociales ou psychologiques : ils sont dans leur bulle, et personne ne peut leur dire qu'il faudrait en sortir afin de ne pas être à côté de la plaque. »
« A côté de la plaque » ?
Cet expert nous livre une anecdote significative : « Je me souviens avoir suggéré, une fois, de façon informelle, que le quantum des peines soit soumis préalablement à leur prononcé à l'appréciation, pour avis, à des connaisseurs du contexte ex-yougoslave, afin de les aider à ajuster voire à prendre en considération l'impact possible qu'aurait leur décision. Le Président du TPIY (Claude Jorda) à qui je suggérais cette approche disons "psycho-sociale" m'a regardé comme si je blasphémais leur sacro-sainte 'indépendance'. »
Le président de chambre d’appel qui a prononcé la relaxe des deux ministre du « gouvernement génocidaire, l’Américain Théodor Meron, est né le 28 avril 1930. Ce rescapé de la Shoah « est en parfaite forme physique et mentale » nous indique un de ses proches. Il s’apprête néanmoins à fêter son 83e anniversaire, et on peut légitimement se demander si l’ONU ne devrait pas fixer une limite d’âge raisonnable au mandat des juge sinternationaux. Son collègue Patrick Robinson, né en 1944, approche les 70 ans. Théodor Meron et Patrick Robinson ne sont pas des exceptions. A La Haye, le Juge du TPIY Arpad Prandler (qui doit partir en juin prochain) a également 82 ans. Dans ce groupe de vieillards, il faut aussi citer Mhemet Güney, de Turquie, qui n’a « que » 76 ans, mais en paraît au moins dix de plus. Il est aussi membre d’une prestigieuse mais contestée chambre d'appel....
Des magistrats hors d’âge ?
Theodor Meron, - qui s’est rendu à la 10e commémoration du massacre de Srebrenica -, ne connaît à peu près rien du Rwanda, ce qui n’est pas forcément un avantage.
L’affaire des deux acquittement a provoqué un vent de colère à Kigali et aggrave le contentieux judiciaire relatif au génocide des Tutsi en 1994. Kigali accuse le Tribunal pénal international pour le Rwanda de pratiquer « la politique de deux poids, deux mesures », et menacé de chasser les observateurs désignés par cette institution pour faire le monitoring d’une affaire renvoyée devant la justice rwandaise.
Le Rwanda exige aussi que la France, à laquelle le TPIR a confié deux affaires fin 2007, fasse également l’objet d’une surveillance de la part du tribunal international.
Fin 2007, le TPIR s’est dessaisi au profit de la France, des dossiers de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, ancien vicaire d’une paroisse de Kigali, et de Laurent Bucyibaruta, ancien préfet de Gikongoro (sud). Mais l’instruction avance à pas comptés en France.
Jean-François DUPAQUIER (avec Agence Hirondelle)
Photo © JF. Dupaquier DR
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RDC - M23 : Accord sur les désaccords
Les impressions peuvent paraître trompeuses à Kampala, où la rébellion du M23 négocie avec le gouvernement congolais. Un texte vient en effet d'être signé entre les deux belligérants, mais les désaccords restent entiers.
Après deux mois de laborieuses discussions, un premier texte a été signé entre les rebelles du M23 et le gouvernement congolais. Les deux parties reconnaissent que l'accord de paix du 23 mars 2009 n'a pas été intégralement respecté. Le document paraphé fait partie de la première phase de négociation : le fameux accord du 23 mars 2009 entre la rébellion et le gouvernement congolais, dont le M23 réclame la totale application. Le texte signé à Kampala reconnaît que sur les 35 points de l'accord de 2009, 23 dispositions ont été "pleinement mises en oeuvre" et 12 ont été exécutées "de manière inadéquate ou n’ont pas été exécutées du tout". Chacun des camps fait mine d'avoir remporté une victoire : le M23 parce que le gouvernement reconnaît que l'accord n'a pas été intégralement appliqué et le gouvernement parce qu'au contraire une partie des dispositions de l'accord à tout de même été mise en oeuvre.
Accord du 23 mars bis ?
Dans le document signé à Kampala en fin de semaine dernière (consultable ici en anglais), plusieurs éléments font craindre que certains points seront difficilement applicables. A commencer par l'intégration des soldats du M23 dans l'armée régulière. Selon le texte, tous les soldats rebelles devront être intégrés avec le grade de major dans l'armée nationale, puis être redéployés sur l'ensemble du territoire. Ce point constituait déjà le principal blocage des accords de 2009 : les rebelles refusaient de s'éloigner des Kivus où ils affirmaient défendre leur communauté menacée (rwandophone). Un accord du 23 mars "réchauffé", selon l'expression d'un membre du M23, serait inacceptable.
Mini-accord sans consistance ?
Autre point d'accroche : les chefs rebelles. Alors que l'on imagine mal Sultani Makenga revenir tranquillement au sein de l'armée régulière après 10 mois de rébellion, les autorités congolaises proposent tout simplement d'arrêter les commandants recherchés par des mandats nationaux ou internationaux. Une solution qui résout certes le problème du retour des chefs rebelles dans l'armée, mais qui sera (on n'en doute pas) rejetée par les principaux intéressés. On imagine difficilement Bosco Ntaganda, Sultani Makenga, Innocent Zimurinda ou Baudouin Ngaruye se rendre pour être jugés par la justice congolaise. Il semble donc peu probable qu'il y ait des avancées sur les accords du 23 mars. Quant aux trois autres points : les problématiques sécuritaires, politiques et sociales, le gouvernement estime depuis le début des négociations, que ces revendications sont illégitimes pour un groupe armé. Le M23 a en effet "élargi" ses revendications et demande aujourd'hui le départ du président Kabila, élu dans des conditions contestables en novembre 2011. Au mieux, les deux parties signeront à Kampala un mini-accord sans consistance, qui sera enterré au premier accrochage militaire sur le terrain. Au pire, rien ne sera signé et les armes parleront prochainement autour de Goma.
A contre-coeur
Depuis le début des pourparlers, il y a maintenant deux mois, la volonté de négocier ne s'est jamais vraiment manifestée, autant du côté gouvernemental, que du côté rebelle. Pressés par les chefs d'Etat de la région des Grands Lacs (CIRGL) de se mettre autour de la table, le M23 et le gouvernement congolais se sont sentis obligés de faire bonne figure et de tenter de s'accorder… en vain. Il a d'ailleurs fallu plus d'un mois pour se mettre s'accord sur le seul contenu des discussions… chacun y allant à contre-coeur, croyant embarrasser l'autre avec ses propres exigences. Pourtant, les deux camps croient pouvoir sortir gagnant des pourparlers de Kampala : le M23 pour s'être retiré de Goma et avoir "prouver sa bonne volonté de dialoguer" et Kinshasa pour avoir gagner un temps précieux en attend la force neutre de 4.000 homme qu'a décidé de mettre en place la SADC, les pays d'Afrique australe. En attendant, le M23 continue de préparer une possible reprise de Goma. Ses hommes sont à quelques kilomètres du centre de la capitale du Nord-Kivu, prêts à bondir de nouveau sur la ville.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : carte de la zone sous contrôle des rebelles du M23 © HRW
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