24 février 2013
Accord-cadre (RDC) : 46 ONG exigent "des garanties"
Après la signature ce dimanche d'un accord régional pour tenter de ramener la paix à l'Est de la République démocratique du Congo, un collectif d'ONG espère que ce document recevra les garanties et "l'appui politique nécessaire". Ces ONG souhaitent également voir nommer "des Envoyés spéciaux et accroître l’implication régionale" dans le conflit congolais.
Ce dimanche à Addis-Abeba, plusieurs chefs africains ont signé un accord, sous l'égide de l'ONU, pour mettre fin au conflit meurtrier dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Ce accord régional prévoit "une révision stratégique" du mandat des casques bleus de la Monusco, mais aussi l'envoi d'une brigade d'intervention, dont la forme reste à préciser. L'accord appelle également les pays signataires "à ne pas tolérer ni porter assistance ou soutien à aucune forme de groupes armés". Le Rwanda et l'Ouganda sont particulièrement visés par cette disposition, ces deux pays étant accusés par plusieurs rapports de l'ONU de soutenir les rebelles du M23.
Pour un Envoyé spécial des Nations unies
A la suite de cette signature, 46 ONG congolaises et internationales (voir la liste) ont appelé les pays de la région, ainsi que leurs partenaires internationaux, "à garantir que l'accord-cadre pour la paix, recevra l'appui politique nécessaire pour mettre un terme à la guerre dans l'est de la RDC". Si le collectif salue ce document d'orientation, il suggère également que "l’accord sera vain sans des mesures spécifiques supplémentaires". Ces ONG souhaitent notamment "la nomination d’un ancien chef d’État en qualité d’Envoyé spécial des Nations Unies habilité à servir de médiateur au niveau national et régional ; l’intégration de la société civile congolaise et des principaux partenaires donateurs bilatéraux et multilatéraux de Kinshasa dans le mécanisme de surveillance national ; l’introduction d’une politique de conditionnalité basée sur des critères clairs et convenus et sur une collaboration véritable entre le gouvernement, les donateurs et la société civile".
"S'attaquer aux problèmes profond du Congo"
Le collectif met également l'accent sur les besoins de justice en RDC. "Les accords de paix précédents ont souvent fermé les yeux sur l’impunité, permettant aux criminels de guerre d’être intégrés dans les services de l’armée, la police et la sécurité", souligne le texte. Selon Federico Borello, directeur pour la région des Grands Lacs chez Humanity United, "il est impératif de s’attaquer une bonne fois pour toutes aux problèmes profonds du Congo que sont l’impunité, l’interférence régionale et la faiblesse de l’État. Sans cela, nous passerons à côté de notre meilleure chance de paix."
"Un espoir... mais"
Les 46 ONG souhaitent également que l’Union africaine, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) continuent "d’apporter leur soutien au processus". Une conférence de donateurs pour engager les ressources nécessaires doit être aussi organisé "afin de promouvoir la collaboration économique transfrontalière et la réforme en profondeur des institutions congolaises". Selon Jason Stearns, directeur du projet Usalama pour le Rift Valley Institute, "l’accord-cadre apporte de l’espoir, mais il exige un capital politique et financier considérable pour surmonter les intérêts bien enracinés".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
15:01 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
23 février 2013
RDC : Une ONG confirme la détention au secret d'un officier
Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO) dénonce une vague de répression politique à Kinshasa. L'ONG assure avoir les preuves de la détention illégale du capitaine Désiré Kobo Lisambo par les services de renseignements congolais.
Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO) se dit préoccupé par ce qu'il considère comme "une vague de détentions illégales" dans la capitale de la République démocratique du Congo. L'ONG dénonce une "répression politique" qui toucherait actuellement les membres de l'ethnie Ngbandi de la province congolaise de l'Equateur.
Selon le CODHO, le capitaine Désiré Kobo Lisambo (47 ans) a été enlevé le 11 février vers 14h par des militaires de la Prévôté militaire (PM) et des personnes en civils. Le capitaine Kobo Lisambo a été arrêté avec un cousin, Jean Kongbu, un civil. Les deux hommes ont été menottés avant d'être amenés à l'Etat-major de la 11e région militaire de Kinshasa.
Jeudi 14 février, une délégation de CODHO est allée rencontrer les autorités militaires de Kinshasa "pour s’enquérir des conditions et la légalité de la détention Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu". Selon l'ONG, "rien n’a encore transpiré au sujet du motif de cet enlèvement, en violation de la Constitution". Le délai de garde à vue "se prolonge illégalement" et le CODHO s'inquiète "de la santé physique et psychologique de ces détenus dans cette détention au secret".
Sur les raisons de cette arrestation, le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme signale que Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu "sont des ressortissants de la province de l’Equateur". Le capitaine Lisambo est soupçonné d'être un partisan mobutiste. Ce militaire fait en effet partie des anciens officiers qui n'ont pas quitté la RDC (Zaïre à l'époque) après la chute du régime de Mobutu en 1997. L'Equateur a toujours été considéré par le pouvoir central comme une "province rebelle". En 2010, la rébellion de la tribu Enyele a fait douter Kinshasa, après la courte attaque de la vile de Mbandaka, la capitale provinciale de l'Equateur.
Le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme demande "de mettre un terme aux actes de répression à caractères politiques et ethniques, notamment contre les ressortissants, civils et militaires de la province de l’Equateur". Mais aussi "de veiller à l’intégrité physique et la santé physique et psychologique des Désiré Kobo Lisambo et Jean Kongbu dans leur lieu de détention".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
16:50 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
19 février 2013
Crise en RDC : La carte Sassou Nguesso
A Kinshasa, des voix s"élèvent pour demander une médiation internationale dans la crise politique congolaise et entamer enfin le dialogue national annoncé par Joseph Kabila. Denis Sassou Nguesso pourrait bien faire l'affaire.
Un dialogue national pour débloquer l'impasse politique en République démocratique du Congo ? L'idée vient du président Joseph Kabila lui-même, lors de ses voeux à la nation. Mal réélu et affaibli après un cycle électoral calamiteux et le retour de la guerre à l'Est, Joseph Kabila a proposé un dialogue inter-congolais avec l'opposition et la société civile pour "recréer la cohésion nationale" ou … "pour gagner du temps" dit-on chez ses détracteurs. Prévu avant la fin janvier, le dialogue annoncé par Joseph Kabila peine à se mettre en place. "C'est mal parti !" titrait il y a quelques jours la presse kinoise.
Un dialogue national mort-né ?
Pour faire simple ans cette histoire de dialogue national, tout le monde y va à reculons. A commencer par les proches du président, comme Pierre Lumbi. Le leader du MSR ne souhaite effectivement pas que ce débat tourne à la cacophonie et remette en cause la légitimité de Joseph Kabila. Du côté de l'UDPS, le premier parti d'opposition congolais, on refuse carrément de prendre part à la concertation nationale. Le parti d'Etienne Tshisekedi ne reconnaît tout simplement pas la légitimité du président Kabila. Pour l'UNC de Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle, ce sont les deux initiateurs du dialogue qui posent problème. Evariste Boshab et Aubin Minaku font en effet partie du premier cercle de la majorité présidentielle. Ils seraient juges et parties.
Un médiateur international
Devant autant de "bonnes" volonté, certains politiques proposent alors la désignation d'un médiateur international, comme Jean-Lucien Busa du MLC, le parti de l'opposant Jean-Pierre Bemba. Selon lui, "le chef de l’Etat et sa famille politique sont une partie du problème et ne peuvent pas, par conséquent, être les impulseurs de ce dialogue". Une ONG congolaise des droits de l'homme va même plus loin. Le Renadhoc se dit favorable à un dialogue national organisé "par une personnalité neutre qui encouragerait la participation des toutes les sensibilités politiques congolaises". Sur le site de Radio Okapi, Fernandez Murhola, le secrétaire exécutif de l'ONG, estime que "cela ne servirait à rien de faire un dialogue où il n’y aura pas Tshisekedi, Kamerhe ou Mosengwo. Si nous allons aujourd’hui au dialogue et que les trois premières forces de l’opposition ne participent pas, cela n’aura pas un impact". Selon lui, Denis Sassou Nguessou, le président du Congo voisin, ferait "un bon facilitateur" de par "sa maîtrise parfaite des tous les acteurs politiques de la RDC".
Le "joker" Sassou
Le nom de Denis Sassou Nguesso dans la crise congolaise n'est pas un hasard. Depuis plusieurs mois, le président du Congo-Brazzaville s'est mué en médiateur "tout-terrain" des causes perdues. Sur la crise centrafricaine de décembre 2012, Sassou est intervenu auprès du président Bozizé pour qu'il accepte de négocier avec les rebelles de la Séléka à Libreville. La rébellion était aux portes de Bangui, la capitale, proche de faire sauter le verrou de Damara. Si beaucoup doute de la pérennité des accords de Libreville, les discussions ont tout de même mis fin à l'offensive rebelle et ont permis au président Bozizé de sauver son fauteuil. Sur le dossier congolais, la situation est assez similaire. Joseph Kabila fait face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et peine à trouver une sortie de crise. Les négociations de Kampala piétinent et les rebelles menacent de reprendre la ville de Goma. Dans l'affaire congolaise, Sassou Nguesso a déjà avancé ses pièces depuis plusieurs mois : un rapprochement avec le rwandais Paul Kagame pendant l'été 2012, assorti d'échanges commerciaux, une rencontre avec Kabila en tête à tête et enfin une rencontre avec Kagame le 17 février 2013. Lorsque l'on sait que le Rwanda est accusé, notamment par les experts de l'ONU, de soutenir les rebelles du M23, on imagine que la situation au Nord-Kivu était au menu de la visite du président rwandais dans le village natal de Sassou Nguesso. Selon la formule consacrée, les deux présidents ont "réaffirmé leur volonté de contribuer positivement au retour de la paix dans le Nord-Kivu et la région des Grands Lacs". Paul Kagame a même estimé que "la paix dans la sous-région" était "indispensable". Cela ne veut évidemment pas dire que la Rwanda va brutalement changer sa politique régionale, mais cela donne surtout du crédit à l'hôte de la rencontre, Denis Sassou Nguesso.
Le rôle de Sassou dans le conflit au Nord-Kivu n'est évidemment pas dénué d'arrières pensées. En froid, depuis très longtemps avec Kabila, son rapprochement avec Kagame lui assure un certain leadership régional. Enfin, son rôle de médiateur, fait de lui un élément incontournable aux yeux des institutions régionales (CEEAC, CIRGL, UA… ) et de la communauté internationale... une sorte d'assurance-vie pour ce président qui n'échappe pas aux critiques (régime autoritaire, affaire de biens mal acquis… ). Un rôle de médiateur dans le cadre d'un dialogue politique en République démocratique du Congo ne déplairait certainement pas à Sassou Nguesso. Reste à savoir si Joseph Kabila acceptera de lui ouvrir les portes de son débat national.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo Maison blanche Laurence Jackson © Libre de droits
22:55 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (11)