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17 février 2012

RDC : L'opposition rate son rendez-vous avec la rue

La marche des chrétiens organisée en République démocratique du Congo (RCD) par l'Eglise catholique et soutenue par l'opposition n'a pas réussi à mobiliser la population. L'opposition misait beaucoup sur cette marche pour contester la réélection de Joseph Kabila, mais les manifestants ont été dispersés par un impressionnant dispositif policier. L'échec de cette manifestation renforce la légitimité du pouvoir en place. Signe des temps : les Etats-unis, très critiques sur le mauvais déroulement du processus électoral, viennent de reconnaître la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle.

logo afkrb.pngRendez-vous manqué entre l'opposition et les Congolais. L'opposition espérait créer une vague de contestation populaire dans les rues de Kinshasa pour dénoncer "le hold-up électoral" que constitue à leurs yeux la réélection de Joseph Kabila. Le16 février est une date de commémoration importante pour les catholiques congolais puisqu'ils rendent chaque année hommage "aux martyrs de la démocratie congolaise, tombés sous les balles des soldats de Mobutu". Cette année la coloration de cette manifestation était clairement "anti-Kabila" et dénonçait le manque de transparence des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Kinshasa avait interdit la manifestation, mais la marche a tout de même eu lieu dans différents points de la capitale. Très rapidement, la police, mais aussi les militants pro-Kabila sont intervenus à coup de gaz lacrymogènes et de machettes, selon les agences de presse présentes sur place. Les heurts ont été particulièrement violents et les ONG locales ont dénombrées 6 arrestations (4 prêtres et 2 religieuses).

Malgré ces affrontements sporadiques, Kinshasa est restée globalement calme ce jeudi. La foule attendue par l'opposition n'est pas venue et a été vite dissuadée par l'important dispositif policier déployé dans la capitale congolaise. L'opposition n'a donc pas réussi son pari "de faire parler la rue" le 16 février comme elle l'espérait.

Un échec qui s'explique par les hésitations de l'opposition sur la stratégie à suivre face à des élections qu'elle conteste. L'opposition est toujours divisée et le leadership naturel qu'Etienne Tshisekedi a su créer lors de la présidentielle s'essouffle un peu, faute de positions claires du "Sphinx de Limete" (qui se tait plus qu'il ne parle). L'UDPS hésite en effet sur la marche à suivre pour "déligitimer" le président Kabila. Tshisekedi prône la politique de la chaise vide à l'Assemblée nationale (boycott des députés UDPS) alors qu'une majeur partie des nouveaux élus à la chambre souhaitent y siéger. Les députés UDPS pensent qu'ils seront "plus utiles et audibles" à l'intérieur de l'Assemblée qu'à l'extérieur. Quant aux autres "ténors" de l'opposition (Kengo, Kamerhe), ils ont complètement disparus de la circulation. La population se demande à juste titre quelle opposition elle soutiendrait, si elle descendait dans la rue : Tshisekedi ? l'armée ? le général Munene ? On l'absence de réponse... elle semble s'abstenir.

L'opposition a donc raté une bonne occasion de se compter dans les rues ce 16 février. Une occasion manquée, qui pourra peut-être se représenter.. mais pas de sitôt. Pendant ce temps le pouvoir en place se normalise. Les Etats-unis, pourtant très critiques sur le manque de crédibilité du scrutin, viennent par la voix de leur ambassadeur à Kinshasa, de reconnaître "la victoire du président Joseph Kabila" à l'élection présidentielle "pour les cinq années à venir". Une reconnaissance qui pèsera lourd dans le camp occidental.

Christophe RIGAUD

16 février 2012

RDC : Un nouveau responsable de l'UDPS arrêté à Kinshasa

Une semaine après la brève interpellation du numéro 2 de l'UDPS, Jacquemain Shabani, c'est au tour du secrétaire général adjoint du parti d'Etienne Tshisekedi, Raymond Kahungu d'être arrêté ce mercredi à Kinshasa.

Capture d’écran 2012-02-15 à 21.23.40.pngLa répression s'accroît sur l'opposition congolaise depuis la réélection contestée de Joseph Kabila. Après Jacquemain Shabani, brièvement interpellé et empêché depuis, de quitter la République démocratique du Congo, l'UDPS dénonce aujourd'hui l'arrestation du secrétaire général adjoint du parti d'opposition, Raymond Kahungu. Ce responsable a été interpellé dans l'après-midi à l'une des nombreuses barrières dressées devant la résidence d'Etienne Tshisekedi dans le quartier de Limete à Kinshasa. Selon l'UDPS, Raymond Kahungu a été emmené par la police congolaise vers "une destination inconnue". Contacté mercredi soir par Afrikarabia, Raphaël Kapambu, chargé de la communication de l'UDPS affirme ne pas avoir de nouvelle de Raymond Kahungu depuis la fin de la journée.

Cette arrestation intervient dans un contexte particulièrement tendu entre majorité et opposition en République démocratique du Congo (RDC). Jeudi 16 février, l'Eglise catholique a en effet appelé à une grande manifestation pour contester la réélection de Joseph Kabila. La manifestation a d'ailleurs été interdite par les autorités congolaises.

Christophe RIGAUD

15 février 2012

RDC : La marche interdite "aura bien lieu" selon l'UDPS

Journée sous haute tension ce jeudi 16 février à Kinshasa et dans toutes les grandes villes de République démocratique du Congo (RDC). L'Eglise catholique a appelé à une grande marche pacifique pour dénoncer le manque de transparence des dernières élections présidentielle et législatives. Les autorités congolaises ont interdit la manifestation, mais l'opposition et l'Eglise maintiennent la marche, qui "aura bien lieu", selon l'UDPS.

L'opposition met beaucoup d'espoir dans la marche organisée par l'Eglise catholique congolaise. Car, si cette manifestation est organisée en mémoire des martyrs du 16 février 1992, le message de l'Eglise catholique est clair : " réclamer la légitimité et la légalité du pouvoir". Mi-décembre, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, avait sévèrement critiqué les résultats de la présidentielle du 28 novembre, jugés "conformes ni à la vérité ni à la justice". L’Eglise catholique a également demandé l’annulation des scrutins (présidentielle et législatives) et la démission de la Commission électorale (CENI) qu'elle juge partiale. Pour l'opposition, et particulièrement l'UDPS, cette marche constitue donc une occasion unique d'organiser une démonstration de force dans la rue.

Les autorités congolaises ont décidé ce mercredi d'interdire "la marche des chrétiens", qui risquait de se transformer en manifestation anti-Kabila. Le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, a indiqué que le Conseil de l'apostolat des laïcs catholiques du Congo (CALCC), organisateur de la marche, n'avait pas respecté la procédure légale. En Belgique, le député Georges Dallemagne a dénoncé "un nouveau déni de justice".

Contacté par Afrikarabia, l'UDPS, maintient sa participation à la manifestation, "qui aura bien lieu".

Christophe RIGAUD

14 février 2012

RDC : L'affaire Shabani vire au règlement de compte politique

La brève arrestation de Jacquemain Shabani, numéro deux du principal parti d'opposition en République démocratique du Congo (RDC) prend une tournure politique. Les autorités congolaises reprochent au secrétaire général de l'UDPS de "porter atteinte à la sûreté de l'Etat" en détenant des documents "compromettants". L'opposition dénonce une manipulation politique et accuse les renseignements congolais de mauvais traitements.

logo afkrb.pngL'affaire Shabani prend de l'envergure. Ce qui aurait pu être une banale affaire de passeport tourne à l'affaire d'Etat. Depuis sa courte interpellation à l'aéroport de Kinshasa, en partance pour l'Allemagne, Jacquemain Shabani essuie les foudres du régime de Kinshasa et a toujours l'interdiction de quitter le territoire congolais. Dans la soirée du 7 février, le numéro deux de l'UDPS, le principal parti d'opposition au président congolais, est empêché d'embarquer à l'aéroport de Ndjili. Motif : détention "d'un autre passeport que le sien". Jacquemain Shabani est alors remis entre les mains de l'ANR, le service de renseignement intérieur congolais. Selon Kinshasa, l'ANR découvre toute une série de documents "compromettants" dans les affaires du secrétaire général de l'UDPS : des photos censées illustrées la répression policière après les élections contestées de novembre, mais aussi des tracts destinés aux militaires afin de leur faire rallier l'opposition. Ce document constitue vraisemblablement la pièce la plus "grave" pour le pouvoir en place. Ce tract circule en effet depuis plusieurs jours dans les différentes casernes de la capitale.

Les autorités congolaises ont donc décidé de porter plainte pour "atteinte à la sûreté intérieur de l'Etat" et de demander à Shabani de venir s'expliquer devant la justice congolaise "avant d'aller à l'extérieur". En clair, Kinshasa ne laissera pas sortir du territoire Jacquemain Shabani sans "explication" sur ses activités d'opposant.

De son côté, l'UDPS réfute toutes ces accusations et accuse à son tour l'ANR d'avoir "torturé" son secrétaire général et souhaite porter plainte. A l'Agence de renseignement, on reconnaît une "bagarre" entre Shabani et ses agents, mais on réfute tout acte de "torture".

L'affaire Shabani est symptomatique de l'ambiance "à couteaux tirés"qui règne à Kinshasa actuellement. Après des élections présidentielle et législatives très contestées par l'opposition, la majorité peine à sortir d'une crise politique post-électorale profonde. L'affaire Shabani et la "mise en résidence surveillée" du candidat de l'UDPS à la présidentielle, Etienne Tshisekedi, qui ne peut plus sortir librement de son QG de Limete, ressemblent à des règlements de comptes politiques et des opérations d'intimidation de l'opposition. Dans un récent communiqué, l'UDPS dénonce "la stratégie de la dictature" dans laquelle s'est enfermé le président Kabila. Une tentation autoritaire dont le régime de Kinshasa est coutumier.

Christophe RIGAUD

13 février 2012

RDC : Les "étranges" résultats des législatives

Deux semaines après la publication des résultats provisoires des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), International Crisis Group (ICG) dresse une carte des irrégularités du scrutin et dénonce un "processus caractérisé par de multiples violations du code électoral". L'ONG relève de nombreuses "anomalies" dans ces résultats.

Centre compilation Katanga 2011 bis.jpgDepuis la publication des résultats des législatives le 2 février, les recours se multiplient devant la Cour suprême de justice de Kinshasa. 340 sièges sont contestés dans 168 des 169 provinces. Dans un rapport, International Crisis Group (ICG)  revient sur les "enseignements" des élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG dénonce les "multiples violations du code électoral, la perte de plusieurs millions de voix et les opérations de comptage opaques pour rendre toute vérification impossible... ".

Plusieurs missions d'observations internationales ont déjà pointé les nombreuses irrégularités du processus électoral et les soupçons de fraudes massives qui ont pesé sur le dépouillement. Pour le Centre Carter, l'Union européenne ou l'Eglise catholique, les élections congolaises ont souffert d'un manque cruel de transparence et de crédibilité. Mais l'attention s'est particulièrement focalisée sur l'élection présidentielle, délaissant par la même occasion les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Les missions internationales ont en effet quitté la RDC, juste après l'annonce de la réélection de Joseph Kabila par la Commission électorale (CENI). Le groupe d'experts internationaux (NDI et IFES) dépêché sur les lieux pour superviser et crédibiliser les résultats de la CENI sur les législatives a très vite jeté l'éponge faute de pouvoir contrôler quoi que ce soit.

International Crisis Group revient donc sur les législatives, un scrutin un peu délaissé par les observateurs internationaux, dans un rapport et note de nombreuses "anomalies" dans les résultats publiés par la CENI. Une carte des irrégularités est par ailleurs consultable sur son site internet.

ICG relève notamment des écarts de voix importants dans certaines circonscriptions entre le nombre de votants pour la présidentielle et les législatives, qui avaient pour lieu le même jour. Des écarts de voix qui ont principalement bénéficié aux candidats PPRD ou proche de la Majorité présidentielle :
- c'est le cas de Jaynet Kabila, la soeur du président, dans la circonscription de Kalemie au Katanga, élue avec 34 958 voix. Le jour du vote, 3254 de plus ont été comptabilisées  sur les législatives par rapport à la présidentielle. Plus de 3000 personnes se sont donc déplacées uniquement pour voter élire son député sans voter pour la présidentielle. Un chiffre "étonnant" pour Thierry Vircoulon d'International Crisis Group.
- même cas dans la circonscription de Pweto (fief de feu Katumba Mwanke) avec un différentiel de 6579 voix entre la présidentielle et les législatives,
- ou au Kasaï-Oriental, la circonscription de Lambert Mende, avec un différentiel de 4411 voix.

Autres phénomène surprenant pour l'International Crisis Group : la cartographie des irrégularités, le jour du scrutin. Selon la carte publiée sur son site, la majorité des incidents et des dysfonctionnements se sont produits dans les régions connues pour être plutôt favorables à l'opposition : Kasaï, Bas-Congo, Equateur ou Kinshasa...

Capture d’écran 2012-02-13 à 20.59.39.pngLes autres résultats inattendus concernent les "poussées" très importantes du PPRD (le parti du président Joseph Kabila) et de ses alliés dans les provinces de l'Ouest du pays réputées pourtant hostiles au pouvoir en place. L'étrange progression du PPRD est particulièrement sensible dans la province de l'Equateur, où le parti présidentiel passerait de 3 à 11 députés ou au Bandundu, où il passerait de 4 à 10 députés entre 2006 et 2011. Là encore, l'International Crisis Group s'interroge.

Afin de "tirer tous les enseignements" de ce scrutin, pour le moins chaotique, Crisis Group se pose plusieurs questions  :

- afin de comprendre pourquoi la cartographie des bureaux de vote et le fichier électoral qui ont coûté plusieurs millions de dollars étaient à ce point lacunaires et inexacts et comment plusieurs millions de voix ont-elles pu être perdues et pourquoi la CENI a accepté l’expertise du NDI et d’IFES avant de se rétracter ?

- afin de comprendre selon quelle procédure et avec quelles garanties d’indépendance des magistrats supplémentaires de la Cour suprême de justice ont été nommés en pleine campagne électorale ?

- afin de comprendre pourquoi les experts électoraux du PNUD n’ont pas alerté sur les problèmes de préparation des scrutins et la nécessité de décaler le vote d’une semaine ou deux, dans quelle mesure ils ont participé à la commission de consolidation des résultats, dans quelle mesure la MONUSCO s’est assurée de l’intégrité des caisses de bulletins qu’elle transportait, dans quelle mesure la mission de bons offices de la MONUSCO a été menée à bien et pourquoi des groupes armés annoncés comme défaits en 2011 font-ils de nouveau parler d’eux en 2012 ?

- afin de savoir pourquoi les missions d’observation de la SADC, de l’UA, de la CEEAC, de la CIRGL, la COMESA se sont contentées d’une observation de court, voire de très court terme ?

- afin de comprendre quel raisonnement a conduits les bailleurs à investir plus de 100 millions de dollars dans un processus électoral biaisé dès le départ, pourquoi la contribution de l’Union européenne a été prélevée sur le budget consacré aux infrastructures indispensables à la RDC, dans quelle mesure l’UE va payer sa dernière contribution pour des élections qualifiées de non crédibles par sa mission d’observation et dans quelle mesure les bailleurs sont prêts à financer le scrutin provincial dans un contexte de domination du parti au pouvoir et avec une CENI décrédibilisée ?

- afin de comprendre si l'UDPS va mener la politique de la chaise vide ou s’il est capable d’utiliser le forum parlementaire et d’être le moteur d’une alliance de l’opposition ?

En posant cette série de questions, l'International Crisis Group vient tout simplement de lister les différents dysfonctionnements qui ont conduit la République démocratique du Congo dans un fiasco électoral. Il serait grand temps que les responsables congolais prennent la mesure de leurs erreurs et que la communauté internationale trouve le courage de faire respecter les engagements pris par les autorités congolaises pour rendre transparent leur processus électoral. Dans quelques mois, des élections provinciales doivent être organisées et 7 circonscriptions doivent à nouveau voter après annulation pour les législatives. Ces scrutins se doivent d'être enfin digne, la RDC n'est plus en mesure d'accepter un nouveau simulacre d'élection.

Christophe RIGAUD

Photo : Centre de compilation des élections au Katanga (déc 2011)