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29 juin 2012

RDC : Mystérieuse disparition d'un opposant congolais

Depuis mercredi 27 juin, l'opposant Eugène Diomi Ndongala, président de la Démocratie chrétienne est introuvable. Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Capture d’écran 2012-06-29 à 09.47.53.pngL'affaire fait grand bruit à Kinshasa. Mardi 26 juin dans la soirée, la police a investi massivement le siège du parti de la Démocratie chrétienne (DC). Une quarantaine "d'éléments armés" sont venus surprendre Eugène Diomi Ndongala, accusé d'avoir violé deux filles mineures sur dénonciation du père des enfants. Le président de la DC n'est pas sur place.

La nouvelle se retrouve immédiatement en "une" du site internet Direct.cd, "présent sur les lieux au moment de l'événement" (hasard ou coïncidence ? l'article ne le dit pas). Le papier de Direct.cd est très circonstancié et le journaliste, vraisemblablement prévenu par les autorités congolaises, affirme que le président de la Démocratie chrétienne "a été surpris par les éléments de la police avec deux jeunes filles âgées à peine de 14 ans dans sa domicile de la Gombe".

Le lendemain, mercredi 27 juin, la Démocratie chrétienne affirme que son président se rend à la cathédrale Notre dame du Congo où il doit tenir un meeting en faveur d'Etienne Tshisekedi avec plus de 40 partis politiques d'opposition. Le parti d'Eugène Diomi explique ensuite qu'après la perquisition du siège de la Démocratie chrétienne par la police, les forces de sécurité investissent la cathédrale Notre Dame du Congo. Les policiers auraient "menacé" les curés du lieux, leur "intimant l'ordre de ne pas permettre la tenue de la manifestation de l'opposition". C'est pendant le trajet pour se rendre à la cathédrale Notre Dame, que les proches d'Eugène Diomi affirment avoir perdu sa trace.

Selon la Démocratie chrétienne : "tout est faux". Son communiqué dénonce une "cabale" politique et un "lynchage médiatique (…) pour salir l'honorabilité du président Diomi Ndongala". Les membres du parti réfutent en bloc les accusations divulguées dans la presse et affirment "qu'il est complètement faux que le Président Diomi ait été appréhendé avec des filles, car il n’était même pas présent au siège du parti au moment de la descente massive des policiers aux ordres du Colonel Kanyama". Pour la Démocratie chrétienne, le régime veut tout simplement faire payer le soutien d'Eugène Diomi à Etienne Tshisekedi, l'opposant au président Kabila et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle.

Du côté du Procureur général de la République, la version est tout autre. L'accusation de "relations sexuelles avec deux filles mineures de 15 et 16 ans" est maintenue et la justice affirme que "les victimes ont avoué les faits". Le Procureur considère donc Eugène Diomi "en cavale" et rappelle qu'il encourt une peine de 7 à 20 ans de prison et d'une amende de 800.000 à 1 million de Francs congolais.

Pour l'instant, difficile d'y voir clair dans cette disparition. Mais l'affaire Diomi intervient dans une ambiance particulièrement tendue en République démocratique du Congo (RDC). La reprise de la guerre à l'Est du pays a fragilisé un peu plus le pouvoir du président Joseph Kabila qui peine à asseoir son autorité depuis les élections. Les résultats très contestées de la présidentielle et des législatives de novembre 2011 ont laissé place à un climat politique exécrable à Kinshasa. L'Asadho, une ONG congolaise des droits de l'homme avait dénoncé (la veille de l'affaire Diomi Ndongala !) les arrestations des membres de l'opposition, proches de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. L'Asadho s'inquiétait des arrestations multiples d'opposants politiques et des détentions illégales c'est derniers mois. Les services de renseignements congolais (ANR) sont souvent cités comme les principaux responsables de ces actes. Ce sont ces mêmes services qu'accuse la Démocratie chrétienne, de détenir Eugène Diomi Ndongala. Une plainte a été déposée à l'encontre du colonel Kanyama.

Christophe RIGAUD

27 juin 2012

RDC: Kabila dans le piège rwandais

Depuis deux mois, l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de violents affrontements entre rébellions et armée régulière. Un nouveau conflit qui révèle les multiples contradictions entre les différents protagonistes. Le Rwanda, allié de Kinshasa, est accusé de soutenir la rébellion du M23, alors que Joseph Kabila a utilisé les services des actuels rebelles (qu'il combat aujourd'hui) pendant les élections de novembre. Un jeu de dupe entre la RDC et le Rwanda qui dure depuis plus de 15 ans.

IMG_3592filtre.jpgLa guerre qui secoue une nouvelle fois la région du Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), constitue un énième soubresaut des relations tumultueuses qui agitent la RDC et le Rwanda depuis le génocide de 1994. La polémique actuelle sur un possible soutien de Kigali aux rebelles du M23 n'étonne personne à Kinshasa. Pour de nombreux observateurs de l'arène politique congolaise, "le problème n'est pas tant de savoir si le Rwanda aide en sous-main les rébellions de l'Est, mais d'en connaître l'importance".

16 ans de relations tumultueuses

De 1996 à 2012, le Rwanda est intervenu plusieurs fois en RDC, à des degrés plus ou moins élevés. Entre 1996 et 1997, le Rwanda franchit une première fois la frontière, pour traquer les génocidaires hutus, renverser le maréchal Mobutu et mettre au pouvoir son allié congolais de l'AFDL, Laurent-Désiré Kabila. En 1997, une fois aux commandes, Kabila nomme un rwandais, James Kabarebe, comme chef d'état-major de l'armée congolaise. En 1998, Kabila se brouille avec son protecteur rwandais, devenu "trop encombrant". Le Rwanda tente de le déloger par les armes, sans succès, le "Mzee" ayant trouvé d'autres protecteurs comme le Zimbabwe et l'Angola. En 2001, Laurent-Désiré Kabila est finalement assassiné. Le Rwanda sera accusé en 2001 et 2002 par l'ONU de "pillage des ressources naturelles" en RDC. L'armée rwandaise quittera enfin le pays en 2003, mais Kigali se fera fort de soutenir les rébellions censées protéger la communauté tutsi congolaise des attaques des hutus rwandais des FDLR. Le Rwanda soutiendra d'abord le général dissident Laurent Nkunda, avant de le laisser tomber et d'aider Bosco Ntaganda, fraîchement allié avec Kinshasa. Lâché par Kabila, Ntaganda prendra le maquis avec un autre groupe, le M23, qui défie aujourd'hui l'armée congolaise dans l'Est du pays, à quelques encablures… du Rwanda. Depuis 16 ans, de près ou de loin, le Rwanda gardera toujours "une main" sur les Kivu.

Rien d'étonnant donc, lorsque Human Rights Watch (HRW), l'ONU ou le gouvernement congolais dénoncent ensemble l'aide de Kigali à la nouvelle rébellion née il y a deux mois dans les Kivu, le fameux M23. Selon Reuters, qui a pu se procurer un rapport de l'ONU (qui ne sera pas publié), James Kabarebe, maintenant ministre de la défense du Rwanda serait personnellement impliqué dans le soutien aux rebelles du M23. Kigali a bien sûr fermement démenti ces allégations.

A quoi joue le Rwanda ?

Officiellement, le Rwanda cherche à venir à bout des rebelles hutus des FDLR, réfugiés en RDC depuis la fin du génocide de 1994. Les FDLR ont toujours constitué une menace aux yeux de Kigali. A Kinshasa, certains relativisent le danger que représente réellement, en 2012, cette rébellion qui n'a pas lancé d'attaques d'envergures contre le territoire rwandais depuis plusieurs années. Car officieusement, les Congolais affirment que les opérations anti-FDLR ne sont qu'un prétexte du Rwanda pour contrôler la région, très riche en minerais divers (cassitérite, or, coltan…). A Kinshasa, ce qui est appelée "l'occupation rwandaise" de l'Est du pays possède également des vertus démographiques pour le petit Rwanda voisin et surpeuplé. Comme le dit dans son éditorial, le magazine Congo Actualités du mois de juin. : "Kigali crée des groupes armées pour fomenter des guerres qui obligent la population autochtone à abandonner ses villages et ses terres, pour les remplacer avec d’autres populations provenant d’autres pays et du Rwanda, en particulier".

Liaisons dangereuses

En conflit ouvert avec le Rwanda depuis 1998, le Congo de Joseph Kabila s'est subitement rapproché de son encombrant voisin en 2009. Il faut dire que la rébellion de Laurent Nkunda (soutenu par Kigali) a fait vacillé Kinshasa pendant plusieurs semaines. Les troupes de Nkunda étaient en effet aux portes de Goma, la capitale de l'Est congolais et menaçaient de faire tomber le régime de Joseph Kabila. Le président congolais décide donc de s'allier à Kigali (contre la majorité de son opinion publique) pour se débarrasser de Laurent Nkunda. Le général rebelle est en effet arrêté par Kigali et placé en résidence surveillée au Rwanda en attendant une hypothétique extradition vers la RDC. Aujourd'hui, le "nouveau Nkunda" s'appelle Bosco Ntaganda. Soutenu également par Kigali, le général ex-bras droit de Nkunda a fait allégeance à Joseph Kabila jusqu'au mois d'avril 2012. A ce moment, Kinshasa, poussée par la communauté internationale après des élections très contestées, prend la décision de capturer Ntaganda, recherché depuis plusieurs années par la Cour pénale internationale (CPI). Kinshasa souhaite donner des gages à la communauté internationale en cessant de protéger Ntaganda. Le général, sentant son arrestation proche, fait défection avec quelques centaines d'hommes et prend le maquis dans les montagnes du Kivu. En parallèle, une nouvelle rébellion voit le jour : le M23, issu de la mouvance Nkunda.

Kabila prisonnier de Kigali ?

Rapidement, tout le monde se rend compte que les mutins bénéficient du soutien du Rwanda voisin. Human Rights Watch estime que le M23 est alimenté en armes et en vivres depuis les montagnes rwandaises. L'ONU affirme que les rebelles ont été formés au Rwanda et Reuters dévoile un document de l'ONU révélant que des personnalités rwandaises de premiers plans, dont le ministre James Kabarebe, aident le M23. Kinshasa se contente de dénoncer la "passivité" de Kigali. Mais face à son "allié" de circonstance, Joseph Kabila n'est pas le mieux placé pour lui donner des leçons. Le président congolais est en effet redevable de nombreux "services" à la communauté rwandophone des Kivu. Aux élections de 2006 tout d'abord, le candidat Kabila a réalisé d'excellents scores dans la région (jusqu'à 90% des voix dans le Masisi). Un vote qui ne sera d'ailleurs pas récompensé puisque les tutsis ne seront pas représentés à l'assemblée provinciale (d'où les frustrations et l'émergence de Laurent Nkunda). Aux élections de 2011 ensuite, pendant lesquelles Joseph Kabila a demandé au CNDP de Ntaganda de "sécuriser" le scrutin dans l'Est. Le candidat y réalisera de très bons scores (dès fois plus de 100% des voix !). Ntaganda n'en sera pas gratifié puisqu'il sera très vite transformé en "ennemi public numéro 1" par l'armée congolaise pour être livré à la CPI. Dernier point à mettre dans la balance des relations entre le Rwanda et la RDC : le lien très fort du président Kabila avec le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe. Le militaire rwandais a en effet formé le jeune Joseph Kabila "aux arts de la guerre" pendant la chute du régime Mobutu en 1997. Kabila doit tout à Kabarebe... et Kabarebe connaît tout de Kabila.

Sortie de crise ?

Dans cet imbroglio où tout le monde ment à tout le monde, difficile de savoir comment Joseph Kabila pourra s'affranchir de son "allié" rwandais. Pour l'heure, le président congolais n'a pas les moyens de tenir tête à Kigali. L'armée congolaise est en pleine reconstruction et n'a pas la possibilité de s'imposer sur le terrain. Deux solutions s'offrent pourtant à Joseph Kabila : compter sur la communauté internationale pour faire plier Kigali et retrouver un peu de souveraineté à l'Est ou négocier avec les rebelles et Ntaganda pour trouver ensemble une porte de sortie acceptable pour tous. Un seul atout pour Joseph Kabila : les dissensions très fortes entre le M23 et Bosco Ntaganda… le premier étant prêt à lâcher le second pour voir aboutir ses revendications : l'application des accords de Goma de 2009. Jusqu'à ce jour le gourvernement congolais n'était pas disposé à nouer des négociations avec les rebelles.

Christophe RIGAUD

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

21 juin 2012

Corruption : La RDC toujours dans le rouge

Rien n'y fait. Malgré les différents dispositifs de lutte, la corruption s'est aggravée en République démocratique du Congo (RDC), selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Le conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, pointe "le manque de volonté politique (…) au plus haut niveau de l'Etat". Difficile à chiffrer, la corruption coûterait entre 400 et 800 millions de dollars à la RDC.

DSC03927filtre.jpgAvec un score de 2 sur 10 sur l'échelle de perception de la corruption, l'ONG Transparency international place la République démocratique du Congo (RDC) au 168ème rang sur 182, des pays les plus corrompus de la planète. La corruption y est même qualifiée "d'endémique". En RDC, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique (1). Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.

Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. L'économiste s'est penché sur le phénomène, en analysant l'impact de la corruption sur les transports en RDC. Les chauffeurs de taxi payent régulièrement différentes "taxes", "droits de passages" ou "pourboires" aux forces de sécurité congolaises. Ces pertes peuvent aller jusqu'à 60% des revenus moyens des chauffeurs de taxi.

Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.

La corruption fait aussi des ravages au plus haut sommet de l'Etat. En 2009, un rapport de l'Assemblée nationale congolaise avait épinglé le gouvernement d'Adolphe Muzito en dénonçant la "dilapidation des finances publiques". 23, 7 millions de dollars s'étaient évaporés lors de la signature d'un contrat avec un consortium chinois pour avoir accès aux gisements de cuivre et de cobalt appartenant à l'entreprise d'Etat, la Gécamines. La commission demandait aussi le remboursement de 68 millions de dollars de créances douteuses à une banque privée et 25 autres millions à une société qui avait livré du matériel "inadéquat" à la MIBA, pour l'extraction du diamant.

En 2010, le gouvernement congolais a décidé de mettre en oeuvre pas moins de 45 mesures pour lutter contre la corruption (codes miniers et forestiers, processus de Kimberley… ). La "tolérance zéro" est ensuite proclamée par le président Joseph Kabila pour lutter contre l'impunité… visiblement sans effet.

Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. « Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat », a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.

Le fonctionnaire onusien dénonce également « le dysfonctionnement du secteur judiciaire qui a fait que même les gens qui sont attrapés la main dans le sac peuvent s’en tirer à très peu de frais ». Le dernier rapport "Doing Business" 2012 sur le climat des affaires dans le monde, place la RDC 181ème sur 183. Le pays a perdu 2 places cette année.

Christophe RIGAUD

Photo : Entrée d'une administration à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

18 juin 2012

RDC : Une loi pour réformer la CENI ?

Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous pression internationale. L'Union européenne (UE) vient de conditionner son aide financière aux réformes pour rendre cette institution plus indépendante, crédible et transparente. Un député de l'opposition vient de déposer une proposition de loi en ce sens. "Des améliorations bienvenues" estime International Crisis Group, mais il faut aller plus loin.

ceni filtre.jpgDepuis le 5 juin, l'Assemblée nationale congolaise dispose d'une proposition de loi visant à modifier la Commission électorale (CENI). Très décriée pendant l'épisode électoral de novembre 2011, la CENI se trouve dans l'obligation d'évoluer. Après les nombreux dysfonctionnements, les irrégularités et les soupçons de fraudes massives qui pèsent sur les élections présidentielle et législatives, la Commission électorale souffre surtout d'un manque cruel d'indépendance. L'opposition accuse l'institution d'être au ordre du président (réélu) Joseph Kabila et surtout de ne pas être en mesure d'organiser un scrutin impartial correspondant aux normes internationales.

Depuis les élections contestées, la pression de la communauté internationale se fait de plus en plus appuyée. L'Union européenne (UE) vient dernièrement de conditionner son aide au processus électoral (49,5 millions d'euros pour les élections de novembre) à un renforcement des institutions et de l'état de droit en RDC. L'UE demande des réformes de fond concernant la CENI et le CSAC, ainsi que la création d'une Cour constitutionnelle.

Dans ce contexte, la proposition de loi d'Emery Okundji Ndjovu, député de l'opposition (indépendant) du Kasai Oriental tombe à point nommé. Emery Okundji propose tout d'abord une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres, avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.

La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).

Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.

Pour l'ONG, International Crisis Group (ICG), "cette proposition de loi comporte plusieurs améliorations bienvenues par rapport à la CENI en vigueur, notamment en termes de représentativité et d’équilibre politique, mais plusieurs faiblesses demeurent". ICG regrette que "les innovations en matière de contrôle financier semblent faibles (le délai de l'audit devrait être plus court)". "La proposition de loi ne devrait pas faire référence à une institution judiciaire qui n’existe pas en RDC, en l’occurrence la cour de cassation" rélève ICG et "la représentativité des femmes n’est pas précisée". Si "cette proposition de loi constitue une base de discussion intéressante, elle devrait être complétée par une réforme de la cour suprême de justice qui a joué un rôle majeur dans le processus électoral en démontrant ses lacunes et sa partialité ainsi que des garanties d’impartialité et d’incorruptibilité pour les cours d’appel qui gèreront le contentieux électoral provincial" estime International Crisis Group

Enfin, le nouveau calendrier électoral est "trop irréaliste, trop tardif et vague en ce qui concerne les scrutins locaux" selon l'ONG. En effet, "les résultats définitifs des provinciales sont prévus pour fin juin 2013, les gouverneurs pour début 2013 et les sénatoriales pour mi-août 2013. A cette date, aussi bien les assemblées provinciales que le Sénat seront inconstitutionnelles et certaines provinces s’agitent déjà (le gouverneur du Kasaï occidental vient d’être déchu par l’assemblée provinciale)".

Dernier élément, sans doute le plus important : cette proposition de loi émane de l'opposition, minoritaire à l'Assemblée. On voit donc mal comme ce projet pourrait aboutir. Pendant ce temps, la CENI, qui a promis de tenir compte des "erreurs" du scrutin de novembre, a présenté "trois nouveaux outils de gestion interne : l’organigramme, le règlement administratif et financier et le manuel de procédure de gestion du patrimoine et des ressources humaines et financières de cette institution". Des "outils" qui figuraient dans les recommandations formulées à la CENI… une goutte d'eau tant la réforme doit être profonde.

Christophe RIGAUD

RDC : Confusion à l'UDPS après l'accord avec l'APARECO et l'ARP

Nouvelle cacophonie à l'UDPS. Après la signature d'une déclaration commune à Paris entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP, le secrétaire général du parti d'Etienne Tshisekedi, Jacquemain Shabani, "dément toute autorisation" de son mouvement "à une telle initiative". Félix Tshisekedi a pourtant certifié sur RFI que son père "a bien donné son quitus" à cet accord, tout comme Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi, qui a confirmé sur France24 le rapprochement UDPS-APARECO-ARP. Qui croire ?

Edo Olito filtre.jpgTout semblait pourtant bien parti ce jeudi 14 juin. Dans un grand hôtel parisien, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’Etienne Tshisekedi, l’Alliance des patriotes pour la refondation du Congo (Apareco) de l'ancien mobutiste Honoré Ngbanda et l'Armée de résistance populaire (ARP) du général Faustin Munéné, ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune. L'appel des trois mouvements d'opposition visait à mobiliser les Congolais contre le régime de Joseph Kabila. "Ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo" déclarait Candide Okéké, représentante de l'APARECO.

Pourtant, plusieurs signaux laissaient entrevoir un flottement dans la position de l'UDPS. Tout d'abord l'absence de Félix Tshisekedi, un temps annoncé à la conférence de presse et remplacé par Edo Olito, le représentant de l'UDPS en France. Ensuite, la gêne à peine dissimulée d'Edo Olito sur les divergences entre les différents mouvements et notamment le recours à la force prônée par l'ARP qui ne se présentait d'ailleurs pas comme mouvement politique, mais comme un groupe militaire (dixit son secrétaire général Fanfan Longa Fuamba). Enfin, le premier document remis aux journalistes présents était signé Etienne Tshisekidi, alors que la déclaration commune diffusée ensuite sur internet était signée pour l'UDPS par Félix Tshisekedi.

Ensuite tout s'emballe. Un communiqué de l'UDPS en provenance de Kinshasa désapprouve le lendemain l'initiative. Le communiqué de presse, signé du secrétaire général du parti, Jacquemain Shabani, explique que "le président de l’UDPS (Etienne Tshisekedi, ndlr) n’a ni négocié ni signé et encore moins délégué cette prérogative à quiconque et le protocole d’alliance signé à Paris n’engage donc pas le Parti". Et de conclure : "le représentant de l’UDPS dans la fédération de France (Edo Olito, ndlr) est rappelé d’urgence en consultation à Kinshasa".

Pendant ce temps sur France24, Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi (et présent à la conférence commune de Paris) confirme l'accord signé entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP. Et Félix Tshisekedi, contacté par RFI, assure que "son père a bien donné son quitus pour cette initiative qui émane de l'extérieur" et qu'il s'agit "d'un problème communication". Qui dit vrai ?

Cela devient une habitude à l'UPDS. Le cafouillage médiatique est presque devenu la marque de fabrique du parti d'opposition congolais. On se souvient de l'épisode rocambolesque de l'avion affrété en Afrique du sud pendant la campagne électorale qui s'était vu refuser ou  non (on ne saura jamais), l'autorisation d'atterrir à Kisangani. Etienne Tshisekedi réagit de manière confuse… et tardivement. Rapidement, plus personne ne comprend rien. La même confusion interviendra lors de l'exclusion des députés UDPS qui souhaitaient siéger à l'Assemblée nationale malgré le boycott décidé par Etienne Tshisekedi.

Avec la déclaration commune de Paris, on se retrouve un peu dans la même configuration. Plusieurs membres de l'UDPS donnent des versions divergentes… Etienne Tshisekedi ne dit rien et donne l'impression de ne pas trancher. Alors qu'une simple déclaration du président de l'UDPS  suffirait à clarifier la situation.

Dernière élément qui pourrait expliquer le flottement qui règne à la tête de l'UDPS : la rumeur persistante de tensions entre Thsisekedi et Shabani au sujet d'un éventuel détournement d'argent sur la vente de cartes de membres du parti. Pour l'heure, tout le monde un signe du "patron"… qui se fait attendre.

Christophe RIGAUD

Photo : Edo Olito de l'UDPS France, Candide Okéké de l'Apareco et Fanfan Longa Fuamba de l'ARP le 14 juin 2012 à Paris (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

14 juin 2012

RDC : L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris

Le front anti-Kabila s'organise depuis la capitale parisienne. L'UDPS d'Etienne Tshisekedi, l'APARECO d'Honoré Nbganda et l'ARP du général Faustin Munene ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune jeudi 14 juin 2012. Ces mouvements d'opposition, politiques et militaires, ont lancé un appel à la "libération du pays de l'occupation étrangère" et à "l'instauration d'une véritable démocratie" en RDC. Objectif annoncé : mobiliser les Congolais de l'intérieur.

Conf de presse udps apareco arp filtre.jpgCandide Okeke, la représentante de l'APARECO, prévient : "l'heure est grave". Après le "fiasco électoral" et "les fraudes massives" de novembre 2011, le constat est sans appel : "ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo". Autour de l'APARECO, on trouve un représentant de l'UDPS France, le premier parti politique d'opposition en RDC et l'ARP, un mouvement armé insurrectionnel, dirigé par le général Faustin Munene qui a pris le maquis depuis 2010. A première vue, cette coalition peut paraître hétéroclite. Entre l'UDPS, le parti politique historique de l'opposition congolaise, plutôt "pacifique" et "fédéraliste" et l'APARECO tenu par l'ancien "monsieur sécurité" du Maréchal Mobutu (Honoré Nbganda), qui prône un Congo "fort et unitaire" et un général rebelle, ancien allié de Kabila père et de l'Angola… l'attelage peut surprendre.

Très rapidement, Candide Okeke met les choses au clair : "nous ne représentons pas l'opposition, nous représentons la Résistance. Nous sommes en dehors du système. Nous menons un combat de libération". Et de préciser : "nous avons des différences entre nous, mais nous n'avons qu'un seul pays !". Selon le secrétaire Général de l’ARP, Fanfan Longa Fuamba, "cette déclaration commune est un signal fort pour harmoniser nos différences". Les divergences balayées, la nouvelle coalition se focalise ensuite sur les convergences, avec un seul mot d'ordre : haro sur Joseph Kabila.

En trois points, la déclaration conjointe de l'UDPS, de l'APARECO et de l'ARP dénonce le "holdup électoral" de novembre 2011 et les élections "entachées de fraudes massives", de nombreuses irrégularités et "de multiples violation des droits de l'homme". L'alliance pointe ensuite l'insécurité à l'Est et les guerres à répétition au Nord et Sud Kivu et accuse l'ingérence rwandaise et "le projet secret de balkanisation et d'annexion" de la région. Troisième sujet de préoccupation : la tenue du Sommet de la Francophonie en RDC du 12 au 14 octobre 2012. Dans leur déclaration commune, l'UDPS l'APARECO et l'ARP demandent "l'annulation ou la délocalisation du Sommet" comme cela a été le cas en 1994 avec le Sommet de la Baule. Si le Sommet de tenait tout de même, le "groupe des trois" appellera "les forces vives de la RDC à se mobiliser pour empêcher par tous les moyens le déroulement paisible" du Sommet à Kinshasa. Candide Okeke espère que François Hollande ne se rendra pas à Kinshasa en octobre. Le président français vient d'ailleurs d'annuler sa présence en Ukraine lors de l'Euro de football pour dénoncer les violations des droits de l'homme dans le pays.


Conférence de presse commune UDPS-APARECO-ARP... par ChristopheRigaud

Les participants la conférence de presse commune UDPS, APARECO, ARP, ont tout fait pour axer leur discours sur les atouts de l'alliance : à l'UDPS le rôle politique et la mobilisation populaire, à l'APARECO la résistance, le renseignement et la diaspora, à l'ARP le rôle militaire… ils seraient donc complémentaires. Si la coalition APARECO/ARP semble naturelle, la présence de l'UDPS l'est moins. L'absence du propre fils d'Etienne Tshisekedi, Félix, pourtant annoncé à la conférence de presse, et l'embarras du représentant de l'UDPS aux questions liées à la l'utilisation de la force par l'ARP laissaient une drôle d'impression. Nouveau grand écart politique de l'UDPS ? Stratégie de la dernière chance ? Seule une prise de position d'Etienne Tshisekedi lui-même pourra dissiper tout ambiguité.

Christophe RIGAUD

Regardez les interviews de Candide Okeke de l'APARECO, Fanfan Longa Fuamba de l'ARP et d'Edouard Olito Maludji de l'UDPS France.


L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris 14... par ChristopheRigaud

13 juin 2012

RDC : Kivu, une guerre qui va durer

Depuis plus de deux mois, de violents combats opposent l'armée congolaise aux mutins du général Bosco Ntaganda et au groupe rebelle du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ONU, Human Rights Watch et les autorités congolaises accusent le Rwanda de venir en aide aux rebelles. Alphonse Maindo, professeur en Sciences politiques à l'université de Kisangani, revient d'une mission de recherche à Bukavu et Goma. Pour ce spécialiste de la région, "le Rwanda est en quête d'un nouvel homme fort dans les Kivu" et ni l'armée congolaise, ni la mission des Nations unies n'arrivent à ramener la paix, "le conflit dans les Kivu va durer encore longtemps". Explications.

Alphonse Maindo filtre1.jpg- Afrikarabia : Avez-vous été surpris par les rapports de la Monusco et de Human Rights Watch qui accusent le Rwanda de soutenir les rebelles congolais de Bosco Ntaganda et du M23 ?

- Alphonse Maindo : Je n'ai pas de tout été étonné par ces rapports. Cela ne fait que confirmer tout ce qui se dit déjà au Nord et au Sud-Kivu.

- Afrikarabia : Quel est l'objectif du Rwanda en aidant les mutins ?

- Alphonse Maindo : On peut trouver derrière ce soutien du Rwanda aux rebelles du M23 la quête d'un nouvel homme fort, comme cela a été le cas avec Laurent Nkunda (hors-jeu depuis son arrestation en 2009 par le Rwanda, ndlr) et maintenant Bosco Ntaganda. Aujourd'hui Bosco Ntaganda est devenu infréquentable (il est recherché par la Cour pénale internationale, ndlr). Il a perdu la protection du gouvernement congolais, sous la pression internationale à la suite de la contestation des élections, et maintenant Kinshasa est obligé de faire un geste envers la communauté internationale. Le Rwanda doit maintenant trouver un autre homme fort pour remplacer Bosco Ntaganda. C'est la raison de l'émergence de la rébellion du M23, avec à sa tête le colonel Makenga, qui devrait prendre la place de Ntaganda. Le Rwanda se doit de garder des alliés dans la région (pour des raison sécuritaire mais aussi économique, ndlr), alors d'un côté il allume le feu et en même temps il se présente comme le pompier qui va tout arranger. Ce n'est malheureusement pas le premier à le faire dans la région, Mobutu l'a déjà fait par le passé.

- Afrikarabia : Pourquoi l'armée régulière congolaise (FARDC) n'arrive pas à venir à bout de ces quelques centaines hommes (on parle de 500 mutins) retranchés dans les collines du Nord-Kivu ?

- Alphonse Maindo : Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord des raisons techniques. Nous avons au Nord-Kivu, des soldats congolais qui ne maîtrisent pas bien le terrain qui est très difficile d'accès. Face aux FARDC, on trouve des mutins qui connaissent très bien la région, ce sont des enfants du coin, ils sont nés ici. En plus, ils ont eu le temps de se préparer au conflit. Les mutins occupent des collines et il est très difficile de les déloger. Ils bénéficient également des soutiens de leurs proches qui sont dans la région. Le M23 a également trouvé réfuge "à cheval" sur les frontières entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda, ce qui lui permet de trouver facilement de l'aide, des armes et des vivres.
Du côté de l'armée régulière congolaise, les troupes proviennent de Kindu, dans la province du Maniema (à plusieurs centaines de kilomètres des zones de combats, ndlr). Ils ne connaissent donc pas le terrain. Lors de ma mission à Goma le mois dernier, j'ai appris que les soldats congolais auraient refusé d'aller se battre sur le front. Une des raisons serait la suivante : il y a plusieurs semaines, ces soldats avaient encerclé la ferme de Bosco Ntaganda dans le Masisi et attendaient l'ordre de leur hiérarchie pour lancer l'assaut final et capturer le général rebelle. Et visiblement, on leur a demandé de stopper l'offensive, ce qui expliquerait leur mécontentement. Selon ces soldats, ce n'est pas la première fois que ce genre de contre-ordre est donné, y compris au moment de la rébellion de Laurent Nkunda (en 2008, ndlr).

- Afrikarabia : Pourquoi les casques bleus de la Monusco, pourtant très présents dans la région, n'arrivent pas à ramener la paix ?

- Alphonse Maindo : Pour la Monusco, les raisons sont différentes. Contrairement aux FARDC, les casques bleus ont les moyens de combattre. Les soldats de la Monusco sont bien équipés, bien payés, ce qui n'est pas le cas de l'armée congolaise. La Monusco devrait faire la différence sur le terrain. Pourquoi n'y arrivent-ils pas ? Tout d'abord, les règles d'engagement sont trop complexes à appliquer. Comme toutes les opérations de maintien de la paix, il faut de nombreuses autorisations pour ouvrir le feu. Ces autorisations viennent de New-York, puis des commandements des pays qui sont engagés sur le terrain... c'est trop complexe. Ensuite, il ne faut pas oublier que ce sont des troupes qui viennent de pays en voie de développement. Les soldats de ces pays viennent là pour gagner un peu d'argent et pour en profiter, il vaut mieux revenir de sa mission vivant plutôt que mort... ce qui est normal ! Cette notion joue sur l'engagement des troupes sur le terrain. Les Etats-majors veulent également minimiser les pertes humaines dans leurs rangs et cela explique que la Monusco s'engage le moins possible face aux groupes armés. Alors évidemment on peut changer le mandat de la Monusco, mais je ne vois pas ce que l'on pourrait donner de plus à ce mandat. Ils ont déjà tout. Les brigades de la Monusco qui sont au Kivu et en Ituri ont les outils juridiques qui permettent un réel engagement militaire pour imposer la paix.

- Afrikarabia : Est-ce que ce conflit peut durer longtemps ?

- Alphonse Maindo : Je crains que cela dure très longtemps. Il sera difficile de déloger ces rebelles des collines du Nord-Kivu. La stratégie du M23 et de Bosco Ntaganda est de tenir le plus longtemps possible. Je pense également qu'il sont en train de s'organiser aujourd'hui pour passer à l'offensive pour récupérer du matériel et des armes. Et comme ils sont adosser à la frontière rwandaise, où il y a du trafic d'armes de toutes sortes... ils tiendront longtemps.

- Afrikarabia : Qu'est-ce-qui peut faire évoluer la situation et apaiser les tensions à l'Est de la RDC ?

- Alphonse Maindo : Deux éléments pourraient faire évoluer la situation. Tout d'abord une forte pression de la communauté internationale. Et il faut frapper là où ça fait mal. Les deux principaux acteurs de ce conflit, le Rwanda et la RDC, vivent pour plus de 50% de l'aide internationale. Si on donne un signal clair pour dire : "stop ! sinon on coupe les vivres", je crois que les gouvernements vont y réfléchir à deux fois avant de laisser pourrir la situation. Deuxième élément : il faut susciter l'intérêt de cette communauté internationale et seuls les Congolais eux-mêmes peuvent le faire. Ils doivent se mobiliser massivement pour dire : "on veut la paix !". Je pense que cela peut éveiller la conscience de la communauté internationale.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Alphonse Maindo à Paris en juin 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

Alphonse Maindo est l'auteur de :
"L"état à l'épreuve de la guerre en Afrique centrale"
Ed. Universitaire européennes
Avril 2012 - 580 pages - 98 euros

12 juin 2012

RDC : "La Monusco a perdu sa crédibilité" selon Louise Arbour

Alors que l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est toujours en proie à de violents combats entre rebelles et forces gouvernementales, le mandat de la Monusco arrive à son terme le 30 juin 2012. Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité, la présidente d'International Crisis Group (ICG), Louise Arbour, dénonce les échecs de la mission des casques bleus en RDC et demande de "réorienter les efforts de la Monusco" sur le terrain.

Capture d’écran 2012-06-12 à 12.33.06.pngLa région des Kivus, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est à nouveau le théâtre de violents affrontements depuis la défection, début avril, de centaines de soldats qui ont rejoint le général mutin en fuite Bosco Ntaganda, recherché depuis 2006 par la Cour pénale internationale (CPI). Selon Louise Arbour, la présidente d'International Crisis Group (ICG), l'histoire à tendance "à se répéter" dans cette zone. En 2008, déjà, un autre général rebelle, Laurent Nkunda (dont Ntaganda était l'adjoint) défiait par les armes Kinshasa, au Nord-Kivu. En 2012, les combats entre les mutins de Ntaganda et du M23, un mouvement rebelle associé, ont provoqué la fuite de plus de 200.00 Congolais au cours des deux derniers mois. Le plus étonnant, c'est que ce drame se déroule devant la plus importante mission de casques bleus dans le monde, la Monusco, qui semble assister impuissante à la lente descente aux enfers des populations civiles.

Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité des Nations-Unies, Louise Arbour tire la sonnette d'alarme : "la Monusco a perdu sa crédibilité et a un besoin urgent de réorienter ses efforts". "Sans approche nouvelle, la Monuco risque de devenir une coquille vide… à 1,5 milliard de dollars" explique la présidente d'ICG. Si Louise Arbour reconnait des progrès, notamment, dans la lutte contre la milice d'origine rwandaise des FDLR, la stratégie de la Monusco n'est pas la bonne. Selon elle, la Monusco a surestimé "le rapprochement entre la RDC et le Rwanda de 2009 pour contenir le conflit dans les Kivus". La mutinerie en cours est la preuve pour Louise Arbour, que "peu de progrès ont été accompli dans la stabilisation" de la région.

La présidente d'International Crisis Group (ICG) dénonce également "le soutien technique et logistique" de la Monusco dans l'organisation des "élections truquées en 2011 et l'incapacité à promouvoir avec succès le dialogue entre les parties". ICG demande des améliorations importante à la Commission électorale congolaise (CENI) et notamment la transparence dans la logistique du processus électoral.

Côté sécuritaire, Louise Arbour pointe "le manque de clarté quant à la stratégie militaire globale" de la mission de la Monusco. La réforme du secteur de la sécurité (RSS) est "vitale pour la stabilité de la RDC" et "sans engagement clair du président Kabila et de son gouvernement", cette réforme continuera à rester au point mort, estime Louise Arbour. Afin, la présidente d'ICG,  demande "l'arrestation de Bosco Ntaganda et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI)" et souhaite que le gouvernement remette en chantier "la décentralisation et la lutte contre la corruption".

Louise Arbour compte donc sur le prochain renouvellement du mandat de la mission des Nations unies, qui arrive à son terme le 30 juin 2012, pour forcer le Conseil de sécurité à repenser complètement sa stratégie en RDC. Nous l'avons vu récemment avec les dernières élections contestées de novembre ou le conflit à l'Est, la Monusco n'a jamais été mesure de peser sur le cours des événements au Congo, simplement cantonnée à un simple rôle d'observateur. Rappelons que 20.000 casques bleus sont stationnés en RDC.

Christophe RIGAUD

Photo : Casque bleu en patrouille à Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

08 juin 2012

Rwanda : Décision le 4 juillet sur la demande d'extradition de Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris se prononcera dans un mois sur la demande d'extradition présentée par les autorités du Rwanda contre un de eurs  ressortissants, Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki, accusé de génocide, complicité de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité.

logo afkrb.pngHyacinthe Nsengiyumva Rafiki est un homme imposant, presque un colosse sanglé dans un beau costume bleu-nuit légèrement cintré, une chemise impeccable et une cravate à damier bleu clair visiblement neuve. Le visage graisseux encadré de lunettes à fine montures façon écaille, il se tient bien droit, les jambes légèrement écartées sur ses mocassins noirs, devant la présidente Édith Boizette. On comprend que cet homme politique s'est longuement préparé à cette épreuve et qu'il veut faire bonne impression. Il n’en a pas moins été ministre du gouvernement intérimaire qui, en 1994, a organisé le génocide des Tutsi du Rwanda.

Cet après-midi du mercredi 6 juin 2012, le tribunal a éclusé toutes sortes d'affaires de demande d'extradition assez banales pour pouvoir réserver la fin de l'audience au cas de Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki. Présidente, assesseurs, greffière, avocat général, avocats, tous savent que l'affaire va prendre du temps. Édith Boizette saisit, d’un geste un peu las, une liasse de papiers : la demande d'extradition.

« Je n'ai pas eu le temps de lire très en détail le mémoire de la défense déposé ce matin, néanmoins la cour considère ce mémoire comme valable », commence-t-elle.

Une singularité du droit français

C'est une singularité du droit français et même un anachronisme que la procédure de recours contre un mandat d'arrêt international avec demande d'extradition. Le gouvernement étranger qui est à l'origine de la demande n'est pas légalement représenté à l'audience. Une anomalie que ne manque pas de relever Me Gilles Paruelle, représentant du gouvernement rwandais en la cause. Il ne peut s’exprimer que par la mansuétude de la présidente et de l'avocat général. Du coup, son confrère, l'avocat de Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki ne s'est pas donné la peine de lui adresser ses conclusions. « Madame la présidente, je vais donc devoir plaider à l'aveugle, sans connaître les arguments de mon confrère et sans connaître le point de vue du parquet », regrettera Me Gilles Paruelle. « Il s'agit d'une procédure qui ne respecte pas le principe du contradictoire. La partie demanderesse n'est pas partie au procès. Il s'agit d'un défaut de notre procédure dont je n'ai pas trouvé d'explication dans les débats parlementaires qui avaient précédé le vote de cet article 696-16 du code de procédure pénale. Je ne puis même pas saisir la Cour de Cassation. »
La présidente : - Vous avez pensé à une question préalable de constitutionnalité ? Me Paruelle : - J'y ai songé. Ce serait très intéressant. encore que je ne suis pas partie au procès...

Question préalable de constitutionnalité ?

Mais nous n'en sommes pas encore là. Edith Boizette lit la demande d'extradition et explique les pièces jointes. La présidente de la chambre de l'instruction est une femme élégante, distinguée, courtoise, expérimentée. Elle-même ancienne juge d'instruction, elle connaît sur le bout des doigts la procédure et ne cache pas un léger agacement devant la montagne de documents fournis par le gouvernement rwandais. Ils ont dû transiter, comme c'est la règle, par l'ambassade de France, puis le Quai d'Orsay, puis le ministère de la Justice et enfin le tribunal de Grande instance de Paris. Ces documents se sont accumulés car l'ancien ministre du gouvernement du génocide n'a pas été facile à localiser.

Le premier dossier avait été destiné à la République Démocratique du Congo (RDC) où l'on croyait Nsengiyumva Rafiki caché. Lorsqu'il a été identifié à Paris en 2008, son avocat a multiplié les demandes de références juridiques et alourdi d’autant les éditions successives du dossier d'extradition. Le Rwanda a ainsi fourni toute une série de copies d'articles du Code pénal, de lois organiques modifiant le Code, la Constitution, la loi abolissant la peine de mort en 2007, l'acte d'accusation à l'appui du mandat d'arrêt international, etc. Il y a eu un ratage dans lequel la défense de Nsengiyumva Rafiki s'est engouffrée : un acte d'accusation postérieur à la demande d'extradition.

«  Je sais qu'on va me reprocher encore une pièce qui manque : la preuve que les juridictions Gaçaça ont terminé leurs travaux, puisqu'on agite régulièrement la menace que le suspect serait soumis au Rwanda à une juridiction populaire, explique Me Gilles Paruelle. Il suffit au tribunal d'aller sur Internet pour constater que le 16 juin prochain a lieu une cérémonie marquant la fin de cette juridiction, je n'ai rien d'autre à offrir au tribunal que cette évidence. »

« On va me reprocher encore une pièce qui manque ! »

Ce n'est pas la première fois que l'avocat français qui représente le Rwanda dans les procédures d'extradition s’exprime devant la chambre de l'Instruction de la cour d'appel de Paris. Il en connaît les exigences et les chausse-trapes. « Le tribunal peut s'étonner que les autorités rwandaises aient adressé certains document en double exemplaire. Il ne faut cependant pas oublier que le dossier contre M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki a été égaré durant plusieurs mois ici, au greffe du tribunal de grande instance, ce qui n'a pas manqué d'inquiéter au Rwanda. » Sourires entendus. On ne va pas chagriner le greffier en allant plus loin dans les remarques.

Me Paruelle revient sur les faits qui sont reprochés à Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki : sa contribution à la formation d'une milice armée de jeunes gens du Parti social démocrate (PSD) ; la fourniture de munitions et d'armes à ces jeunes, appelés abakumbozi ; l'incitation à installer des barrières sur les routes où les Tutsi était abattus ; le transport de miliciens notamment vers le camp de Gisenyi.

Fin avril 1994, Nsengiyumva Rafiki aurait aussi visité des Tutsi réfugiés à la paroisse de Nyundo, au nord-ouest du Rwanda, pour les rassurer alors que, peu après, ils ont été massacrés. À plusieurs reprises il aurait procédé de même : endormir la méfiance des Tutsi pour les inciter à rester rassemblés dans des endroits où les miliciens et militaires avaient moins de mal à les exterminer. On lui reproche aussi une réunion publique à Gisenyi le 8 mai 1994 où il aurait incité la foule à traquer les Tutsi qui se cachaient encore et aurait incité les miliciens à coordonner leurs efforts avec le groupe des miliciens interahamwe de Bernard Munyagishari, le principal chef milicien de Gisenyi, connu pour sa férocité. Une partie de ces faits est mentionnée dans le livre d’Alison DesForges, historienne du Rwanda et activiste des droit de l’Homme, « Aucun témoin ne doit survivre » (Ed. Karthala).

Endormir la méfiance des Tutsi pour faciliter leur massacre ?

Après avoir cité un passage du livre, l'avocat du gouvernement rwandais souligne la responsabilité des ministres qui, à partir du 9 avril 1994 et jusqu'à leur fuite au Zaïre, ont agi sous l'autorité du premier ministre Jean Kambanda pour exterminer les Tutsi du Rwanda. Me Gilles Paruelle rappelle que Kambanda a plaidé coupable devant le Tribunal pénal international qui l’a néanmoins condamné à la réclusion à perpétuité. A cette occasion, l'accusé a signé une longue confession où il reconnaissait son écrasante responsabilité dans le génocide. « M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki faisait partie des vingt ministres de ce gouvernement qui n'a rien fait d'autre qu'exterminer les Tutsi », accuse l'avocat. L'homme qui comparaît devant vous ne fait pas partie de ce qu'on pourrait appeler le menu fretin des acteurs du génocide. C'est un homme politique qui avait de l'autorité, une capacité de contrôle et d'organisation. Il a mis cette capacité au service du génocide, des tueries. »

« Il a mis son autorité de ministre au service du génocide »

Me Gilles Paruelle revient sur le génocide contre les Tutsis du Rwanda en 1994. Il raconte le mémorial de Murambi, ou environ 40 000 tutsi avaient été assassinés. « Nous sommes dans le cadre de faits particulièrement grave : environ un million de personnes ont été massacrées en 100 jours, c'est-à-dire 10 000 personnes par jour, hommes, femmes, enfants, bébé, vieillards. Lors d'une précédente audience je vous avais dit que cela représentait environ 20 morts par minute, les tueurs ne « travaillant » que durant la journée. Depuis tout à l’heure que nous examinons  cette affaire devant votre cour, le temps écoulé aurait représenté presque 1000 morts, assassiné à coups de fusil-mitrailleurss, de grenades, de machettes, de gourdins, de lances et d'arcs, dans des conditions que vous pouvez imaginer. »

L’avocat élève à peine la voix : « Dans des nations civilisées, nul ne peut accepter que des personnes soupçonnées d'avoir organisé de tels massacres ne puissent être déférées devant un tribunal. Je sais bien que l'on va m'objecter tel ou tel problème de la justice au Rwanda. Mais j'ai vu comment ce pays a été ravagé, avec des survivants apeurés, un administration anéantie, des magistrats assassinés ou en fuite, des tribunaux dévastés dont les dossiers servaient de combustible aux rescapé pour cuire leurs aliments. Quand on a vu comment, à partir de presque rien, a été reconstruit le Rwanda d'aujourd'hui, il serait plus pertinent d'admirer les efforts accomplis y compris en matière de Droit.

Je sais qu'on va critiquer des lois successives sur la procédure pénale, sur la sanction du génocide et des crimes contre l'humanité. Mais cette succession de textes montre au contraire les efforts réalisés au Rwanda pour améliorer constamment l’arsenal répressif. »

« Que la France ne soit pas une terre d'impunité »

Me Paruelle poursuit : Je vous demande de faire en sorte que la France ne soit pas une terre d'impunité en faisant droit à la demande d'extradition contre M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki qui bénéficiera au Rwanda des garanties de la défense qui doivent vous rassurer. Il a été a déjà assez difficile de le retrouver alors qu'il a multiplié les fausses identités lors de sa fuite en République démocratique du Congo et au Kenya notamment. Vous ne devez pas laisser se soustraire à ses obligations. »
La présidente : - il y a un point important, c'est celui de la non rétroactivité de la loi pénale, vous le savez…
Me Paruelle : il existe à ce sujet des principes de droit international qui s'imposent en France comme ailleurs. L’avocat les cite longuement.

La parole est à l'avocat général. Il explique qu'il a procédé à un réexamen de l'affaire et qu'il « a relevé des documents successifs dans trois enveloppes, contenant un certain nombre d'informations, de textes. » Il relève qu'un document d'extradition avec mandat d'arrêt était postérieur à la date d'interpellation de Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki. Il se plaint que certains documents ne soient que des copié-collé et fait la leçon au Rwanda : « Rien ne justifie cette substitution de pièces. Ces faits de génocide sont malheureusement classiques. On reproche à M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki des généralités, des faits pas suffisamment précis. » L'avocat général parle d'une voix faible et presque confuse. On entendra à la fin de ses réquisitions seulement des bribes de phrases : « je me rendrai à votre avis (...) Avis conforme. » On croit comprendre que l'avocat général est finalement plutôt favorable à la demande d'extradition sans l'exprimer aussi clairement.

L’avocat général plutôt favorable à la demande d'extradition ?

Me Courcelle-Labrousse, avocat de M. Nsengiyumva Rafiki, se lève : « La personne qui vous demande d'extradition de M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki, c'est Martin Ngoga, procureur général du Rwanda. Il a fait une conférence de presse à Arusha en Tanzanie contre les enquêteurs français au Rwanda dont vous pourrez apprécier la nature de pression politique : « La dernière équipe, nous les avons chassés, nous leur avons dit " retournez chez vous". Si vous n’êtes pas prêts pour ces affaires, nous pourrions suspendre vos enquêtes, ne continuez pas à nous faire perdre notre temps, ne continuez pas à effectuer des visites innombrables au Rwanda sans résultats”

Me Courcelle-Labrousse lit la suite de la dépêche d’agence relatant les propos de Martin Ngoga : “La France nous a très déçus  avec la façon dont elle traite les affaires liées au génocide. Selon nos statistiques, la France a envoyé plus de missions rogatoires au Rwanda que tout autre pays européen. Pourtant en France, on accorde plus d’importance à un délit routier qu’à un dossier de génocide ». L’avocat poursuit : “ La cible de M. Ngoga ce jour là, c'étaient les gendarmes français qui essayaient d'exécuter au Rwanda des commissions rogatoires dans des conditions difficiles. Car chaque fois, il y a une sorte de commissaire politique qui vient contrôler que les témoins entendus par les gendarmes français disent ..."

« Mon client a été arrêté en vertu de documents inacceptables »

Me Courcelle Labrousse assène : «  M. Ngoga, qui est un homme politique, nous a présenté des éléments qui ne constituent pas une demande d'extradition. Mon confrère nous a parlé de l'école de Murambi. Murambi, ce n'est pas du droit. Le premier acte d'accusation qui vous a été présenté contre mon client est postérieur de plusieurs années au mandat d'arrêt. En vertu de ces documents inacceptables mon client a été arrêté en août 2011 et remis en liberté le 28 septembre 2011. M. Ngoga n'est pas une autorité judiciaire indépendante.  En outre, les documents fournis sont extrêmement confus. Si M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki était extradé, pour quel acte d'accusation et devant quelle justice comparaîtrait-il ? Rien ne nous garantit que les juridictions gaçaça ne seraient pas recréées spécialement pour lui. Mais la question principale c'est la fiabilité des documents présentés. Le mandat d'arrêt du 24 juin 2008 était rédigé en anglais et la traduction a été tardive.  Par ailleurs sur le mandat d'arrêt rédigé en anglais du 24 juin 2008, on accuse M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki d'avoir participé à une réunion sans dire où, alors que dans la traduction en français on précise " à l'Hôtel des Diplomates". Pour résumer, je vais être "cash" : il n'y a pas d'acte d'accusation valable dans la précipitation, et la procédure est définitivement viciée lorsqu'on vous communique un acte d'accusation postéreiur à une arrestation puis un acte d'accusation du 14 juillet 2008 qui n'existait pas à l'époque. En outre, le procureur Ngoga ne peut pas délivrer de mandat d'arrêt. Bien plus qu'un procureur général, c'est un homme du pouvoir en place comme en témoignent ses déclarations publiques contre les enquêteurs français. »

« M. Ngoga, c'est un homme du pouvoir en place »

Me Courcelle-Labrousse évoque ensuite la personnalité de son client : « C'est un personnage politique important, un homme connu. S'il avait commis les actes qu'on lui reproche, on n'aurait pas attendu 15 ans pour le rechercher.
La présidente : - Faisons du droit…_

Me Courcelle Labrousse: - Justement. Mon client a écrit au procureur du Tribunal international pour savoir s'il faisait l'objet de poursuites. Le procureur lui a répondu que non. Mon confrère a accusé l'ensemble des ministres du gouvernement intérimaire d'être coresponsables du génocide dont le Premier ministre s'est accusé. Mais ce n'est pas exact.Quatre ministres du gouvernement intérimaire ont été acquittés par le Tribunal pénal international.

Concernant les faits qui se sont produits à la paroisse de Nyundo, à aucun moment mon client M. Nsengiyumva Rafiki n'a été mis en cause par des témoins. Il ne faut pas faire appel à l'émotion en évoquant le génocide comme l'a fait l'avocat du gouvernement rwandais. Nous sommes sur le terrain de l'enquête et les attestations jointes au dossier n'ont aucune valeur devant le TPIR. Quant aux témoignages produits par le procureur général du Rwanda, ils sont postérieurs à l'accusation de mon client puisqu'ils datent des 18 et 20 août 2011. »

« Les attestations jointes au dossier n'ont aucune valeur »

Me Courcelle Labrousse développe enfin la thèse d’une machination politique : «  Cette procédure de demande d'extradition n'a qu'un but : détruire Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki qui est un acteur politique de haut niveau, aujourd'hui encore membres du Parti social-démocrate dont certains membres participent actuellement au gouvernement au Rwanda. La violence politique n'a pas cessé avec le génocide. Après la victoire du Front patriotique, les anciennes forces armées se sont réfugiées au Zaïre avec armes et bagages. La guerre a continué entre le gouvernement rwandais et les ex-FAR soutenues par grande majorité des Hutu exilés. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki fait partie d'un processus qui vise aujourd'hui à rapatrier des militaires rwandais encore présents en Ituri et au Kivu. Il joue un rôle important dans ce processus de démilitarisation des anciens militaires pour qu'ils puissent être rapatriés au Rwanda, et ceci ne plaît pas au gouvernement de Kigali. Il participe à la conférence de San Elgidio financée par la Norvège. Mon client redevient gênant politiquement à partir de 2008, provoquant cette persécution. Comment imaginer qu'un homme de cette ampleur ait distribué des armes à des barrages, et que personne ne s'en soit aperçu avant 2008 ? »

L'avocat ajoute que l'État rwandais vient d'être condamné par la Cour des états d'Afrique de l'Est le 11 décembre dernier pour enlèvement, et séquestration d'un membre important de l'armée rwandaise. Enfin, il fait circuler auprès des magistrats une grande photographie prise, dit-il,  à la prison de Gitarama pour dénoncer les conditions de détention au Rwanda.

Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki : « au Rwanda, la justice, c'est n'importe quoi !

La présidente invite alors M. Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki à s'exprimer. Il semble avoir été ulcéré de l'accusation de fausses identités pendant sa fuite : « J'ai une pièce d'identité et une seule. J'ai remis mon ancien passeport rwandais, vous pouvez vérifier que le nom elle-même. J'ai un titre de séjour en France à mon nom, après avoir obtenu un visa sous mon nom. Mais évidemment, si les Rwandais mettent une barrière, comme je sais qu'ils me recherchent, si je révèle mon identité, ils vont attaquer. Le reste, les accusations contre moi, ce sont des mensonges, des généralités. Je suis très content de me trouver devant une justice en qui j'aurai confiance. Si je suis jugé ici, je serai soulagé, mais au Rwanda, la justice, c'est n'importe quoi ! »
La présidente : - Vous n'avez pas demandé le statut de réfugié en France ?
Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki : - Non.

Me Courcelle Labrousse : - Mon client n'est pas mis en examen même s'il y a une commission rogatoire et que des gendarmes français enquêtent au Rwanda sur son cas. Mais vous le savez, madame la présidente, c'est chaque fois la même chose : dès qu'une extradition est refusée, il y a une plainte du Collectif des parties civiles en France.

La présidente Édith Boizette Boizette fait un petit geste de lassitude. Il est plus de 19 heures. Mais malgré ses déclarations, Hyacinthe Nsengiyumva Rafiki ne semble pas plus pressé de rendre des comptes devant la justice française que devant celle du Rwanda.

La chambre de l'instruction a mis sa décision en délibéré au 4 juillet prochain.

Jean-François DUPAQUIER

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06 juin 2012

RDC : Provinciales et Sénatoriales fixées en février et juin 2013

Les dates des prochaines élections locales sont désormais fixées en République démocratique du Congo (RDC). Les élections provinciales se dérouleront le 25 février 2013, alors que les Congolais éliront leurs sénateurs le 5 juin 2013. Prévues en 2012, ces élections ont été reportées à la suite des nombreuses irrégularités des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Logo CENI.pngLe long cycle électoral entamé fin 2011 par les élections présidentielles et législatives, prendra fin en juin 2013, avec une année de retard sur le calendrier fixé par la Commission électorale (CENI).

Les députés des onze provinces de République démocratique du Congo se feront élire le 25 février 2013, les résultats provisoires seront publiés le 12 avril et les définitifs le 20 juin. Les élections sénatoriales se dérouleront le 5 juin 2013, les résultats provisoires seront donnés le jour même et les définitifs le 13 août. L'élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces, prévue le 22 juin 2013, se fera avant les scrutins locaux pour les conseillers urbains (5 février 2014), les chefs de secteurs et bourgmestres (30 mars) et les maires (31 mars 2014).

Après les nombreux dysfonctionnements et les irrégularités des élections présidentielle et législatives de novembre 2011, la Commission électorale (CENI) avait décidé, sous la pression internationale, de reporter les autres scrutins. Les missions d'observations de l'Union européenne et du Centre Carter avaient sévèrement critiqué l'organisation des élections de novembre, remettant en cause la crédibilité du scrutin. L'opposition congolaise, qui conteste  a réélection du président Joseph Kabila demande la démission de la CENI qu'elle juge partiale.

05 juin 2012

RDC : La veuve de Fidèle Bazana toujours en quête de justice

Deux ans après l'assassinat du militant des droits de l’homme, Floribert Chebeya, et de son assistant Fidèle Bazana, sa veuve peine à faire son deuil. Après un premier procès qui n'avait satisfait personne, des ONG réclament un nouveau procès en appel afin de faire comparaître John Numbi, le chef de la police avec lequel Chebeya et Bazana avaient rendez-vous le jour des faits.

filtre IMG_7390.jpgLe 2 juin 2010, le corps de Floribert Chebeya, directeur de la Voix des sans voix, une ONG des Droits de l'homme, a été découvert dans sa voiture à la périphérie de Kinshasa. Son assistant et chauffeur, Fidèle Bazana, est porté disparu. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Deux ans après les faits, l'émotion et l'indignation sont encore intacts à Kinshasa. Ce double assassinat avait suscité les vives protestations de la communauté internationale et avait fortement embarrassé le président Joseph Kabila. Quatre personnes ont été condamnées à la peine capitale au terme d'un procès et trois des huit policiers poursuivis dans cette affaire ont été acquittés. Mais ce verdict n'a pas contenté les partie civiles, persuadées que les vrais commanditaires n'étaient pas dans le box des accusés.

Les avocats des familles Chebeya et Bazana avait notamment regretté que celui qu’ils considèrent comme le "suspect numéro un", le général John Numbi, le chef de la police, n’ait pas été inculpé mais seulement entendu comme témoin. Chebeya et Bazana avait en effet rendez-vous chez John Numbi le soir des faits.

Pour continuer à mettre la pression sur Kinshasa, des organisations des Droits de l'homme réclament un procès en appel. Pour les parties civiles, ce nouveau procès devant une juridiction militaire permettrait de faire comparaître le Général John Numbi, le chef de la police à l’époque et personnage-clé de l'affaire.

Pour Marie-Josée Bazana, la veuve de l'assistant de Floribert Chebeya, le deuil est impossible à faire. Le corps de son mari n'a toujours pas été restitué et le premier procès résonne comme "une mascarade". Marie-Josée Bazana estime que le premier procès s'était tenu "grâce à la pression internationale" et souhaite donc à nouveau une pression maximale de la communauté internationale sur Kinshasa pour un procès en appel. Nous avons rencontré Marie-Josée Bazana devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie lors de la manifestation contre la tenue du 14ème Sommet à Kinshasa en octobre 2012... une bonne occasion pour la veuve de Fidèle Bazana de demander que justice soit enfin rendue. Regardez son interview.


La veuve de Fidèle Bazana toujours en quête de... par ChristopheRigaud

Christophe RIGAUD

Photo : Marie-Josée Bazana à Paris le 2 juin 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

03 juin 2012

RDC : "Hollande ne doit pas aller à Kinshasa" selon l'opposition à Paris

Une centaine d'opposants congolais ont manifesté samedi 2 juin devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Paris contre la tenue du 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa. L'Apareco qui organisait le sit-in, a demandé à François Hollande "de ne pas se rendre à Kinshasa" et promet des manifestions dans la capitale congolaise pendant le Sommet.

filtre IMG_7302.jpg"Kabila dégage ! Ingeta (c'est d'accord)", "Hollande tiens tes promesses !" tels étaient les slogans scandés ce samedi devant le siège parisien de l'Organisation Internationale de la Francophonie. La manifestation était organisée par l'Apareco, d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller sécurité de Mobutu et par le Mouvement des Patriotes Résistants Combattants de la diaspora congolaise. Dans la foule, des sympathisants de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, du MLC de Jean-PIerre Bemba ou du RCK.

A moins de 5 mois du 14ème Sommet de la Francophonie de Kinshasa, les manifestants souhaitaient se rappeler au bon souvenir du nouveau président français, François Hollande. Pendant la campagne, le député de Corrèze avait suscité un réel espoir chez les opposants au président congolais Joseph Kabila. François Hollande avait annoncé "une rupture (…) nécessaire par rapport à des usages qui n'ont rien d'acceptable ni de légaux" et estimait que "sur les régimes eux-mêmes, les règles doivent être celles de la démocratie". Et pour l'opposition congolaise, "la démocratie n'est pas respectée en RDC".

filtre IMG_7227.jpgAprès un épisode électoral entaché de nombreuses irrégularités et "peu crédible, suite à des fraudes massives et des cas de violences et d'assassinats", l'Apareco estime "ne pas comprendre que les mêmes chefs d’États et de gouvernement qui avaient tous boycotter la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila le 20 décembre 2011", participent à ce sommet. Les manifestants ont donc clairement demandé à François Hollande de renoncer à se rendre à Kinshasa afin de ne pas "cautionner" le pouvoir en place qu'ils jugent "illégitime". Pour l'opposition, c'est en effet le leader de l'UDPS Etienne Tshisekedi (dont le portrait était largement brandi à Paris), qui aurait remporté les élections.

Pour l'instant, Paris et Kinshasa maintiennent les préparatifs du Sommet, prévu en octobre prochain dans la capitale congolaise. L'ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, a même estimé sur RFI "qu'il n'y a pas de mise en cause à ce stade, de quelque participation que ce soit"… d'où la colère des manifestants congolais. "Hollande nous a trahi, nous avons voté pour lui et il va serré la main de Kabila, c'est une honte !" nous explique un manifestant désabusé, qui ne croit guère au boycott de Hollande.

La conseillère spéciale de président de l'Apareco, Candide Okeke, s'est longuement entretenue avec les conseillers d'Abdou Diouf, le patron de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Et elle prévient : "si rien n'est fait, les 12, 13 et 14 octobre, nous manifesteront dans les rues de Kinshasa. La dernière fois que la population est sortie dans la rue, elle a été accueillie par des chars. On verra bien ce que fera Kabila". Reste à savoir si l'UDPS, le principal parti d'opposition à Kinshasa, appellera les Kinois à descendre dans la rue.

Christophe RIGAUD

Regardez les interviews accordées à Afrikarabia par Rolain Ména, président Europe de l'Apareco et Candide Okeke, directrice de cabinet du président de l'Apareco.


RDC : Manifestation contre le Sommet de la... par ChristopheRigaud

01 juin 2012

Rwanda : Des missiles français auraient pu abattre l’avion du président Habyarimana

Selon un document de l’ONU de 1994 révélé par le quotidien français Libération, les Forces armées rwandaises disposaient de quinze missiles Mistral, une arme récente et de haute technologie alors interdite d’exportation.

Capture d’écran 2012-06-01 à 09.04.17.pngLe 6 avril 1994, le Falcon 50 du président du Rwanda Juvénal Habyarimana était abattu par deux missiles alors qu’il venait de se résigner à partager le pouvoir avec la rébellion majoritairement tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) et l’opposition hutue démocratique. L’attentat devait donner le signal du génocide, les extrémistes hutus pointant du doigt successivement les Casques bleus belges de la Mission des Nations unies pour le Rwanda (MINUAR), qui gardaient l’aéroport, puis les Hutus de l’opposition et les Tutsis dans leur ensemble. Le génocide des Tutsis et le massacre politique des hutus démocrates allaient faire en cent jours environ un million de morts, jusqu’à la prise du pouvoir par le FPR.

 Avant même l’attentat, une série de manipulations visaient à en attribuer la paternité au Front patriotique rwandais, comme relaté dans l’ouvrage « L’Agenda du génocide »*. Par la suite, un certain nombre de militaires et de politiciens français ont tenté d’accréditer les thèses répétées par les extrémistes hutus poursuivis devant le tribunal pénal international d’Arusha : pour les uns et les autres, le Front patriotique était forcément l’auteur de l’attentat, car il aurait introduit un commando derrière les lignes des FAR sur la colline de Masaka, à 3 km environ de l’aéroport. D’ailleurs deux lance-missiles de type soviétique SAM 16 avaient été mystérieusement « retrouvés » par des « paysans » deux semaines après l’attentat. Et justement  sur cette colline qui aurait pu constituer, il est vrai, le meilleur emplacement de tir.

 Les Services spéciaux français se sont adjoint un nombre impressionnant de faux témoins rwandais, de journalistes « africanistes » français et d’universitaires de renom (Français ou Belge), pour accréditer cette thèse et manipuler l’enquête confiée au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Non sans avoir convaincu ce dernier que sa vie serait en danger s’il lui prenait la mauvaise idée d’aller enquêter sur le terrain.

 L’enquête reprise par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux  a conduit précisément à faire effectuer cette enquête balistique et technique sur le terrain. En janvier 2012, les conclusions des experts ont éclaté comme un coup de tonnerre : les missiles ont été tirés depuis le camp Kanombe, tenu par les éléments les plus durs des FAR : le bataillon anti-aérien, la Garde Présidentielle, les para-commandos. La thèse défendue par les détenus d’Arusha (la prison des Nations Unies) et leurs amis français s’effondrait.

 Le Services spéciaux ont aussitôt mobilisé leurs « idiots utiles » pour répéter dans les médias français que le FPR avait « forcément » introduit un commando de tireurs de missiles au cœur du camp militaire de ses adversaires, avant de s’éclipser aussi discrètement. Le ridicule le disputant au deshonneur, la désinformation a fait long feu.

 Le quotidien français Libération révèle aujourd’hui 1er juin un document troublant des Nations unies :  les Casques bleus de la MINUAR, qui avaient fait consigner les armes lourdes dans les camps militaires du Rwanda en 1994, effectuaient des inspections régulières. L’une de leurs sections aurait ainsi identifié le 6 avril au matin dans le stock du camp militaire Kanombe un nombre indéterminé de missiles soviétiques SAM 7 et surtout 15 missiles Mistral, un bijou de technologie française que l’armée française venait tout juste de recevoir en dotation et qui a été interdit d’exportation jusqu’en 1996.

 Rien ne permet de dire que ce sont des missiles Mistral qui ont abattu l’avion d’Habyarimana, mais cette possibilité ne peut plus être exclue. Dans ce cas, il est utile de noter que seuls les militaires français savaient s’en servir.

 En toute hypothèse, ce document, retrouvé par hasard (?) est déjà remis au  juge Trévidic qui devra l’authentifier. Il ne peut qui ruiner plus encore la thèse de ceux qui affirment que les FAR ne disposaient pas de missiles et ne pouvaient donc aucunement avoir commis l’attentat, prétexte au génocide des Tutsi.

 Jean-François DUPAQUIER

* L’Agenda du génocide, le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Ed. Karthala, Paris.

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