27 mars 2011
Rwanda : Le général Didier Tauzin défend le rôle de l'armée française pendant le génocide
« Rwanda : je demande justice pour la France et ses soldats » est le dernier ouvrage du Général Didier Tauzin aux éditions Jacob-Duvernet. Chef du 1er RPIMA de 1994 à 1996 et patron de l'opération Chimère et Turquoise au Rwanda, Didier Tauzin s'explique sur les accusations de complicité de génocide qui planent autour de l'armée française. Le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier, spécialiste du Rwanda, décrypte cet ouvrage pour AFRIKARABIA.
L’ouvrage du général Didier Tauzin est un plaidoyer pour le rôle de la France – et surtout de l’armée française - au Rwanda entre 1990 et 1994, rôle qu’il estime incompris, voire outrageusement stigmatisé. Didier Tauzin, alors colonel, était intervenu à deux reprises au Rwanda : quelques semaines en février-mars 1993 pour contrer l’offensive du FPR, dans le cadre de l’opération secrète Chimère (dite aussi « Birunga ») en marge du dispositif « Noroît », et encore quelques semaines (entre juin et juillet 1994) lors de l’opération Turquoise pour « sécuriser » la frange sud-ouest du Rwanda.
Le récit qu’apporte Didier Tauzin sur les événements qu’il a vécus, surtout en 1993, est précis et intéressant sur les faits, toujours exalté et souvent incohérent sur les analyses. Nous faisons référence aux pages 61 à 88 du manuscrit pour l’opération Chimère de 1993, et 105 à 148 pour Turquoise. Soit au total quelque 70 pages sur un court ouvrage de 196 pages sans compter les annexes. Les informations avancées renouvellent et approfondissent la connaissance des deux épisodes, vus du côté des militaires français. Ce ne sont malheureusement que des brèves parties d’un projet qui vise à répondre aux critiques sur le rôle de la diplomatie et de l’armée française au Rwanda. Dans cette perspective, l’ouvrage de Didier Tauzin devient lui-même essentiellement polémique. N’ayant pas l’art du pamphlétaire, il laisse apparaître de nombreuses faiblesses, comme la volonté d’en découdre avec le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et son livre « Complices de l’inavouable », où Didier Tauzin est épinglé. Si le militaire a été blessé par les critiques, il en fait une véritable obsession et s’affaiblit d’autant.
Nourrir la polémique sur le rôle de la France de François Mitterrand au Rwanda n’était pas en soi un mauvais projet. Mais d’autres militaires ont déjà pris la plume pour défendre la même cause que Didier Tauzin et dans un format similaire : le colonel Jacques Hoggard avec « Les Larmes de l’honneur », un petit livre bien écrit publié en 2005 (Ed. Poche), et le général Lafourcade avec « Opération Turquoise » en 2010 (Ed. Perrin), beaucoup plus primaire.
La version du général Tauzin du génocide des Tutsi de 1994 (qu’il écrit généralement « génocide » entre guillemets) ne peut qu’embarrasser les défenseurs du rôle de l’armée française au Rwanda, notamment en raison de considérations plutôt approximatives, voire naïves, sur un prétendu atavisme tutsi, sur les colonisations successives du Rwanda, etc., qui échappent visiblement à son entendement. Son préfacier Jean-Dominique Merchet, par ailleurs journaliste à Marianne, en est bien conscient qui prévient : « A la fois témoignage et coup de gueule, il faut le lire pour ce qu’il est.
Les spécialistes de l’histoire et de l’anthropologie du Rwanda trouveront sans doute à y redire, ici ou là. Qu’importe ! Didier Tauzin n’a pas écrit un livre savant, désincarné. C’est d’un homme dont il s’agit, pur produit de l’armée française telle qu’elle est, avec ses grandeurs et ses naïvetés ». Ce « déminage » préliminaire ne suffira pas à légitimer l’ouvrage. L’armée française dont se réclame Didier Tauzin, et avant lui l’ensemble des protagonistes de l’association « France Turquoise », n’a aujourd’hui que faire de ces vieilles badernes qui ressassent un cuisant échec, militaire mais surtout politique, au Rwanda. Dans un éclair de lucidité, le général Didier Tauzin observe que les dégâts provoqués par l’équipée française au Pays des Mille Collines ont été immenses : « Elle a depuis lors perdu la confiance des Africains et perdu sa confiance en elle-même en politique africaine. Elle n’est plus qu’un acteur marginal de la scène africaine, un second rôle, souvent un figurant… quand elle est présente. »
Dommage qu’il faille attendre les dernières pages pour trouver une observation sensée, qui contredit l’essai hagiographique qu’on aura lu précédemment. A l’exception de ces quelques lignes qui lui auront échappé, le général Didier Tauzin apparaît comme un va-t-en-guerre aux idées courtes, ce qui a limité la fin de sa carrière à une pénible ascension au grade de général dans les soupentes du ministère de la Défense. Loin du Rwanda et de ses mirages…
Jean-François DUPAQUIER
Didier Tauzin, Rwanda l'honneur bafoué de la France, Paris, Editions
Jacob-Duvernet ISBN : 978-2-84724-335-2 ; EAN : 9782847243352 . Dimensions :
15,5cm x 24,2cm x 2,1cm. 19,90 euros.
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26 mars 2011
RDC : Crise diplomatique avec Brazzaville
L'attaque de la résidence du président Joseph Kabila le 27 février dernier vient de faire une victime collatérale : Brazzaville. Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) vient en effet de rappeler son ambassadrice en République du Congo. Kinshasa soupçonne Brazzaville d'avoir facilité le passage du commando venu de l'autre rive du fleuve Congo, qui sépare les deux capitales.
L'ambassadrice de République démocratique du Congo (RDC) à Brazzaville, Esther Kirongozi, doit rejoindre Kinshasa ce week-end selon son ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba. Une brouille diplomatique liée "aux évènements du 27 février". Ce jour, plusieurs dizaines d'hommes lourdement armés ont attaqué la résidence du président Joseph Kabila. Bilan au moins sept morts. Des centaines de personnes ont été arrêtées à la suite de ce que les autorités de la RDC ont présenté comme une tentative de coup d'Etat. Pour les autorités de Kinshasa, il y a un lien entre les assaillants et le général Faustin Munene et Ondjani Mangbana, deux congolais de RDC détenus au Congo-Brazzaville, qui refuse de les extrader.
Le général rebelle Faustin Munene est également accusé par la RDC de "tentative de coup d'Etat" en novembre 2010 dans la province du Bandundu, à l' Ouest du pays. Il a été arrêté mi-janvier au Congo, à Pointe-Noire, deuxième ville du Congo-Brazzaville et condamné par contumace à la prison à perpétuité début mars par un tribunal militaire de RDC. Kinshasa demande l'extradition des deux rebelles… en vain. Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso s’est toujours opposé à livrer des prisonniers "politique" à son voisin de Kinshasa… pliera-t-il sous la pression diplomatique ? Rien n'est moins sûr.
Christophe Rigaud
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Rwanda : 2 présumés génocidaires, protégés du régime rwandais, arrêtés en Belgique
Ernest Gakwaya, alias "Camarade" et Emmanuel Nkunzuwimye, dit "Bomboko", ont été arrêtés le 23 mars 2011 à Bruxelles. Les deux hommes ont été inculpés pour leur rôle présumé dans le génocide de 1994 au Rwanda. Ils avaient pourtant été les invités officiels de Paul Kagame en décembre dernier dans le cadre du programme "Comme and see", un dispositif de réconciliation lancé en 2010 par le gouvernement rwandais.
Deux Rwandais, présumés génocidaires, membres éminents de la diaspora rwandaise en Belgique, Ernest Gakwaya, dit « Camarade » et Emmanuel Nkunzuwimye, dit « Bomboko », ont été arrêtés le 23 mars au matin à Bruxelles. Malgré son appartenance supposée aux Interahamwe pendant le génocide de 1994, Gakwaya était retourné sans encombres au Rwanda dans le cadre du programme « Come and see » en décembre dernier. Ce programme, initié par le gouvernement rwandais, consiste à inviter des membres de la diaspora rwandaise au Rwanda, afin de les réconcilier avec le pouvoir en place et les pousser à un retour définitif. Le 21 décembre dernier, pour la fin de la conférence sur le Dialogue National, Ernest Gakwaya était intervenu pour remercier le président du Rwanda Paul Kagame de sa générosité à l’égard des Rwandais vivant à l’étranger.
Selon l’Office rwandais d’information (ORINFOR), un service officiel chargé de relayer les vues des autorités nationales, Ernest Gakwaya avait déclaré à la suite de son voyage au Rwanda: "le constat sur le terrain diffère des informations diffusées dans son pays hôte sur la situation au Rwanda. Je ne savais pas que les Rwandais pouvaient s’asseoir et discuter ensemble. L’on est comme des naufragés qui viennent d’être sauvés par la police. Je m’engage à sensibiliser les autres réfugiés à contribuer au développement du pays pour l’accélérer." ajoutait Ernest Gakwaya, selon l’ORINFOR.
Les rescapés ont été ulcérés par ce programme et notamment de l’invitation d’Ernest Gakwaya. Celui-ci a quitté le Rwanda en 1994 en plein génocide. Selon diverses sources, il avait auparavant participé aux massacres dans le quartier de Nyamirambo, bastion des miliciens interahamwe, avant de comprendre que la guerre était perdue et d’en tirer des conséquences pour sa sécurité personnelle en trouvant asile en Belgique où il avait cherché à se faire oublier.
Selon les rescapés, Gakwaya était l'un des interahamwe les plus actifs pendant le génocide. Quant à Nkunzuwimye, il est considéré comme un proche de Jean-Marie Vianney Mudahinyuka, condamné par contumace à 19 ans de prison au Rwanda. Résident aux Etats-Unis, Mudahinyuka a été remis au Rwanda, en janvier dernier par la section Interpol des Etats-Unis.
Paradoxalement, Gakwaya et Nkunzuwimye auraient peut-être continué à couler des jours paisibles s’ils n’avaient pas fait parler d’eux dans le cadre de l’opération « Come and See » de décembre dernier. Ou s’ils étaient restés au Rwanda !
De son côté le site officiel rwandais « New Times » rend compte de l’arrestation des deux hommes en oubliant de préciser qu’ils étaient voici trois mois des invités officiels du gouvernement.
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RDC : Une femme aux commandes de la "Dynamique Tshisekedi Président"
Thérèse Pakassa, une dissidente du PALU, vient de prendre les rênes de la "Dynamique Tshsekedi Président" (DTP). Dans la perspective des prochaines élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC) à l'automne 2011, ce mouvement vise à fédérer les partis d'opposition autour de la candidature d'Etienne Tshisekedi.
Lancée le 16 février 2011, la "Dynamique Tshisekedi Président" (DTP) enregistre de nouvelles adhésions. L'UREC, l'ULPT, le Parti chrétien démocrate et l'Association des familles des chefs coutumiers du Congo belge ont rejoint récemment la DTP. Thérèse Pakassa, une ex-PALU, assurera la coordination du mouvement. L'objectif de la DTP est d'assurer la victoire du candidat de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, à la prochaine élection présidentielle de 2011 en RD Congo, d'adopter un programme commun avec les autres candidats d'opposition afin de barrer la route à la réélection programmée du président Joseph Kabila.
Depuis la récente modification constitutionnelle de janvier dernier, le scrutin présidentielle a été ramené à un seul tour. Les différents candidats d'opposition se voient donc dans l'obligation de se mettre d'accord autour d'une candidature unique pour avoir une chance de battre le président sortant Joseph Kabila. Trois candidats se détachent dans l'opposition congolaise : Etienne Tshisekedi de l'UDPS, opposant historique, Vital Kamerhe, l'ancien président de l'assemblée nationale récemment passé dans l'opposition et Jean-Pierre Bemba (actuellement en prison) ou François Mwamba pour le MLC, l'opposition institutionnelle.
La "Dynamique Tshisekedi Président" tente donc de convaincre le reste de ses partenaires de l'opposition de la nécessité de se rassembler autour d'Etienne Tshisekedi. Même si le candidat de l'UDPS tient la corde en cas de candidature unique de l'opposition, le rassemblement est loin d'être acquis pour le moment. La DTP fédère actuellement l'ANALCO de Fortunat Kandanda, le RADER d'Auguste Mampuya, l'ECiDé de Martin Fayulu, le MLP de Franck Diongo et le PT de Steve Mbikay.
Christophe Rigaud
10:08 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
24 mars 2011
RDC : Elections ou prolongation ?
Le 6 décembre 2011, au plus tard, un nouveau président devra entrer en fonction en République démocratique du Congo (RDC). Mais de nombreux observateurs doutent de la tenue des élections avant cette date. Les retards dans la révision du fichier électoral et le déploiement des kits électoraux ainsi que le manque de moyens financiers laissent penser qu'un délai sera accordé au régime de Joseph Kabila. Certains parlent même d'une nouvelle transition.
Le 3 mars dernier, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), annonce la publication prochaine d’un nouveau calendrier électoral. Les élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC) prévues le 27 novembre 2011sont contraires à la Constitution congolaise, qui prévoit la tenue du scrutin 90 jours avant l’expiration du mandat du sortant, soit en septembre 2011. La date du vote doit être avancée. Seul problème, la RDC est loin d'être prête dans l'organisation du scrutin. Les fichiers électoraux ne sont effectifs que dans 3 des 11 provinces du pays… le retard accumulé est considérable. Paradoxe : comment avancer le calendrier des élections… alors que l'organisation du scrutin accuse un important retard.
Autre obstacle : les moyens financiers. Le pays manque d'argent pour organiser les prochaines élections générales, même si la communauté internationale accepte de mettre la main à la poche. Pour remédier au problème, Joseph Kabila a demandé la révision de la constitution pour ramener à un seul tour l'élection présidentielle de 2011. Objectif : faire des économies. Faux répond l'opposition congolaise : il s'agirait d'un subterfuge du président Kabila pour s'assurer sa propre réélection. Seulement depuis quelques jours, le même Joseph Kabila évoque la possibilité de "découpler" les élections présidentielles et législatives et donc d'organiser un second scrutin… alors qu'il a supprimé le second tour de la présidentielle pour faire des économies !
Devant tant de messages contradictoires, de nombreux observateurs doutent de la tenue même des élections en 2011. Le site AfricaNews, sous la plume d'Alain Nkoy Nsasies, estime que devant l'impossibilité d'organiser les élections, le régime Kabila serait prolongé au-delà du délai constitutionnel. "La RD Congo court le risque d’un vide juridique", note le journaliste et le spectre d'une nouvelle phase de transition se profile à l'horizon. Pourtant la RDC a besoin de ces élections. Et le site KongoTimes de prévenir : "sans élections en 2011… le chaos".
Christophe Rigaud
22:36 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (12)
RDC : 51 millions de Congolais sans eau potable
Voici un nouveau paradoxe congolais : la République démocratique du Congo (RDC) détient plus de la moitié des réserves d’eau d’Afrique alors que les 3/4 de sa population n’ont pas accès à l’eau potable. Une récente étude du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estime que 51 millions de Congolais manquent d'eau potable.
La journée mondiale de l'eau à Kinshasa a été l'occasion de dévoiler une étude sur la situation inquiétante du pays en matière d'accès à l'eau potable... et le constat est rude. Les conflits, la dégradation de l’environnement, l’urbanisation et le manque d’investissements dans les infrastructures ont "gravement affecté la disponibilité en eau potable" en RD Congo.
Au cours d'un forum sur l'accès à l'eau des Congolais, Hassan Partow, du programme du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en RDC, estime que "malgré les progrès récents, y compris les réformes du secteur de l’eau, l’ampleur des défis signifie que le pays ne sera pas en mesure d’atteindre l’Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) qui vise à réduire de moitié la proportion de personnes sans accès à l’eau potable d’ici à 2015 à travers le monde".
Pour cet expert : "depuis que la paix a été négociée en 2003, le gouvernement a progressivement réussi à inverser la tendance négative dans l’accès à l’eau que connaît la RDC depuis sa période de conflit et de crise. Cependant, la dure réalité est que la RDC a un des taux de croissance urbaine les plus rapides dans le monde et cela ne s’accompagne pas de services en eau et en assainissement adéquats". En effet, en 2015, la République démocratique du Congo devra fournir de l’eau potable à 20,3 millions de personnes supplémentaires pour atteindre ses objectifs... et pour l'heure, le pays a pris du retard. Pour l'UNICEF : "un enfant vivant dans un village congolais a quatre fois plus de chances de boire de l’eau contaminée que quelqu’un vivant en zone urbaine".
D'après l'étude des Nations-Unies, un investissement de 70 millions de dollars sur une période de cinq ans serait nécessaire pour aider le secteur de l’eau. Le PNUE recommande également des stratégies novatrices comme les systèmes de gestion communautaire d’approvisionnement en eau dans les zones périurbaines et des solutions techniques à faible coût, tels que des robinets communaux et la collecte des eaux de pluie.
Photo : Christophe Rigaud (c) www.afrikarabia.com
09:15 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)