07 juillet 2013
Centrafrique : "Il y a risque de somalisation" selon Thierry Vircoulon
La situation est toujours alarmante en Centrafrique, 4 mois après le renversement de François Bozizé par les rebelles de la Séléka. Le pays se retrouve plongé dans une crise sécuritaire, politique et humanitaire. International Crisis Group (ICG) vient de publier un rapport qui demande aux partenaires internationaux de s'engager davantage pour financer la transition. Pour Thierry Vircoulon, responsable pour l'Afrique centrale d'ICG, "l'existence de la Centrafrique en temps qu'Etat en remis en cause", si rien n'est fait.
- Afrikarabia : Près de 60 000 personnes ont fui la République centrafricaine depuis décembre 2012 et le pays compte actuellement 200 000 déplacés internes. Comment expliquer que la situation sécuritaire et humanitaire ne se soit pas améliorée depuis l'arrivée de la Séléka au pouvoir ?
- Thierry Vircoulon : La situation en Centrafrique ne s'est pas améliorée parce qu'en arrivant au pouvoir, la Séléka n'avait aucun plan. La Séléka reste une coalition extrêmement fragile. La Séléka n'est ni un parti politique, ni une structure de gouvernement. La grande différence entre le coup d'Etat de Bozizé et celui de la Séléka, c'est que Bozizé venait de l'Etat, toute sa carrière venait de là, alors que la Séléka n'est composée que de groupes armés, venant du Nord-Est du pays.
- Afrikarabia : Dans votre rapport (1) vous mettez la priorité sur l'amélioration de la sécurité dans le pays. Comment peut-on faire ?
- Thierry Vircoulon : La Séléka a fait rentrer plusieurs milliers de combattants dans Bangui et elle n'est pas en mesure de les contrôler. Essentiellement parce qu'elle n'a pas d'argent pour payer les soldes de ses soldats. La principale priorité est donc de faire en sorte que ces combattants sortent de Bangui. Deuxièmement, il faudrait lancer un processus de "désarmement, démobilisation et réinsertion" (DDR), suivi d'une "réforme des services de sécurité" (RSS). On voit bien qu'une stabilité à long terme de la Centrafrique dépend d'une réforme de l'armée. Il y a bien eu quelques initiatives, mais elles montrent surtout combien la Séléka a du mal à contrôler ses propres hommes. Les ex-rebelles ont créé une sorte de police de la Séléka. Cette police était censée notamment récupérer les voitures volées par les miliciens, mais elle se heurte au manque d'unité de commandement au sein de la coalition et elle a beaucoup de mal à s'imposer.
- Afrikarabia : La problématique budgétaire est également importante. Les caisses de l'Etat centrafricain sont vides, que préconisez-vous dans votre rapport ?
- Thierry Vircoulon : La situation budgétaire est assez critique, avec des fonctionnaires qui ne sont pas payés. Il faut donc une aide budgétaire d'urgence. Cette aide devrait être octroyée par le consortium de bailleurs : le FMI, l'Union européenne, la Banque mondiale et éventuellement la CEMAC. Mais ces 4 institutions devraient se mettre ensemble autour d'une table et se concerter plutôt que de prendre des initiatives séparées. La CEMAC avait validé une aide, mais elle a été refusée par le FMI. Il doit y avoir concertation.
- Afrikarabia : Certaines personnalités, comme l'archevêque de Bangui, demandent la mise sous tutelle de la Centrafrique. Est-ce une bonne idée ?
- Thierry Vircoulon : Cette prise de position est surtout l'expression de l'extrême désespoir dans lequel se trouvent les Centrafricains qui n'ont plus aucune confiance dans leurs propres capacités à surmonter la crise. Le pays se délite depuis fort longtemps et l'existence même de la Centrafrique comme Etat est en cause. Je ne suis pas d'accord pour qu'il y ait une mise sous tutelle, mais je suis pour une prise en charge internationale forte. Avec, d'une part, un appui sécuritaire important, d'autre part une aide financière à la relance de l'administration centrafricaine et enfin une aide humanitaire pour parer au plus pressé.
- Afrikarabia : Il y urgence selon vous ?
- Thierry Vircoulon : Oui, tout cela met trop de temps à se mettre en place. On a vu les incidents de sécurité se répéter à Bangui entre la population et les miliciens de la Séléka.
- Afrikarabia : Vous prévenez également dans votre rapport que l'échec de la transition ferait de la République centrafricaine une sorte de "ventre mou" de l'Afrique centrale et laisserait le champ libre aux différents groupes armés.
- Thierry Vircoulon : Oui, l'existence de la Centrafrique en temps qu'Etat en remis en cause : il n'y a plus de services de sécurité, il n'y a plus d'administration fonctionnelle… tous les attributs de l'Etat sont en train de disparaître. La Centrafrique risque de n'être plus qu'un territoire et plus un Etat. Et un territoire sera vite occupé par les groupes armés présents sur le terrain. Il y a un risque réel de scénario à la somalienne. Il n'est pas impossible que l'on voit arriver des éléments islamistes radicaux qui profitent de l'absence d'autorités en Centrafrique pour s'y implanter. On pense notamment à Boko Haram.
- Afrikarabia : Peut-on également craindre un retour par la force de François Bozizé que l'on dit réfugié au Sud-Soudan ?
- Thierry Vircoulon : François Bozizé semble effectivement avoir disparu et se cache. Cela est peut-être lié au mandat d'arrêt émis par Bangui. Mais pour relancer une offensive, il lui faudrait, comme en 2003, un parrain. Peut-être est-il en train d'essayer d'en trouver un. Une chose est sûre, ce ne sera plus Tchad.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) Le rapport complet d'International Crisis Group sur la Centrafrique est téléchargeable ici
Photo : Thierry Vircoulon © Ch. Rigaud
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05 juillet 2013
La Centrafrique en débat à Toulouse du 18 au 20 juillet
4 mois après la chute de François Bozizé, la situation sécuritaire est toujours critique en Centrafrique. Le nouvel homme fort de Bangui, Michel Djotodia, peine à s'imposer et le risque d'une crise humanitaire guette. A Toulouse, la Centrafrique sera au coeur des débats pendant 3 jours : rencontres, projections, débats, concerts... pour mieux comprendre ce pays, oublié des médias.
Du 18 au 20 juillet 2013, Toulouse se penchera au chevet de la Centrafrique au cours de 3 journées de réflexion sur la situation de ce petit pays d'Afrique centrale. Organisée par l’Association PASSES TRAD DANSE, "La Centrafrique au coeur des débats" permettra de réunir une centaine de participants et de faire le point 4 mois après le renversement du régime de François Bozizé. Ces rencontres rassembleront des spécialistes du monde politique, économique et culturel ou des représentants des collectivités territoriales et de la société civile.
Au cours de ces 3 jours, plusieurs aspects de la situation centrafricaine seront abordés : la sécurité nationale et les groupes rebelles, l'aide au développement, la culture, le "sentiment d'unité nationale", la lutte contre la corruption... Ces débats seront rythmés par des projections, des lectures et des concerts. Ces journées se tiendront du 18 au 20 juillet 2013 à l’Espace des diversités et de la laïcité, 38 rue D'Aubuisson à Toulouse. Pour toutes les infos pratiques et le programme complet, cliquez ici.
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27 juin 2013
Centrafrique : 9 ONG inquiètes de la gravité de la crise humanitaire
3 mois après le coup d'Etat des rebelles de la Séléka en Centrafrique, un groupe d'ONG s'alarment de l'instabilité politique et de la crise humanitaire qui frappe la population. Ces ONG demandent aux gouvernements internationaux de financer les 60 millions d'euros d'aide humanitaire manquants.
Oubliée des médias internationaux depuis le renversement de François Bozizé, la Centrafrique s'enfonce dans un chaos inquiétant. 9 ONG (1) se sont regroupées pour lancer un appel à l'aide commun. Selon ces organisations, il y a urgence à venir en aide à la Centrafrique à l'approche de la saison des pluies : "plus de 60 000 enfants et familles souffrent d’une grave pénurie alimentaire et plus de 200 000 enfants et familles ont été forcés de fuir leur domicile au cours des six derniers mois".
Le groupe d'ONG dresse un portrait particulièrement sévère de la Centrafrique du nouveau président Michel Djotodia, visiblement débordé par l'ampleur de la tâche et handicapé par son manque de leadership. Selon le communiqué, "la plupart des centres de santé du pays sont fermés depuis plus de 6 mois, près d’un million d’enfants n’iraient plus à l’école et la population est privée des services les plus élémentaires". "L’insécurité prévaut dans l’ensemble du pays", expliquent les humanitaires, "les enfants, et en particulier les filles, sont exposés à un grand nombre d’abus, notamment des violences sexuelles et des mariages précoces". Des milliers d’enfants font partie des groupes et forces armés. Sur place, la présence internationale est réduire à son strict minimum : "il n’existe aucune présence régulière de l’ONU en dehors de Bangui". Seul une quarantaine d'agents des Nations unies sont encore présents dans la capitale centrafricaine.
Selon l'Archevêque de Bangui, qui signe également ce communiqué, "la crise humanitaire actuelle est la pire qu’ait connue le pays". Dieudonné Nzapalainga demande que "la communauté internationale apporte des fonds pour accroître rapidement l’aide et ainsi sauver des vies". Les 9 ONG souhaitent que "les gouvernements internationaux interviennent sur-le-champ pour financer les 60 millions d’euros d’aide humanitaire manquants". Pour l'Archevêque de Bangui, il y a urgence, "ce pays est frontalier de six des nations les plus fragiles d’Afrique : il y a un risque fort de déstabilisation sur toute l’Afrique centrale".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) Les 9 ONG signataires sont les suivantes : Action contre la Faim (ACF), Cordaid, International Medical Corps, International Rescue Committee, Mercy Corps, Merlin, Save the Children, Secours Catholique - Caritas France, War Child, , l'Archevêque de Bangui Mgr. Dieudonné Nzapalainga.
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26 mars 2013
Une nouvelle rébellion menace le Tchad et la Centrafrique
Le rebelle tchadien Timan Erdimi a affirmé, depuis son exil de Doha, vouloir renverser le régime du président Idriss Déby. L'opposant souhaite rallier à sa cause l'ANCD de Mahamat Nouri, mais aussi les "déçus" de la Séléka centrafricaine, qui accusent leur mouvement d'être désormais "à la solde du Tchad".
L'opposant tchadien Timan Erdimi refait parler de lui. Depuis son refuge de Doha, le chef rebelle de l'Union des forces de résistance (UFR) a déclaré vouloir reprendre les hostilités contre le président tchadien Idriss Déby. Timan Erdimi avait déposé les armes en 2009 à la suite d'un accord de paix, mais le contexte tchadien et surtout régional, avec la chute du voisin centrafricain Bozizé, a fait changer d'avis le leader de l'UFR.
"Bête noire"
Selon Timan Erdimi, le dialogue national promis par Déby ne vient pas et "les Tchadiens ont perdu espoir". Faut-il prendre cette menace au sérieux ? Au regard du curriculum vitae du personnage, on peut au moins y apporter une attention toute particulière. Ce neveu d'Idriss Déby et longtemps proche du pouvoir est devenu la "bête noire" du président tchadien. Timan Erdimi a déjà failli renverser Déby en 2008. Aux portes du palais présidentiel de N'djamena, les rebelles ont été stoppés in extremis par l'armée français. En mai 2009, des accords de paix entre le Tchad et le Soudan ont alors forcé les rebelles d'Erdimi à déposer les armes.
Cause commune avec la Séléka
Depuis Doha, le chef rebelle s'organise. Il tend d'abord la main à son ancien allié, Mahamat Nouri, qui avait quitté l'UFR pour monter, en 2009, son propre mouvement, l'Alliance nationale pour le changement et la démocratie (ANCD). Puis il se rapproche d'autres mouvements rebelles. D'après des informations recueillies par Afrikarabia, plusieurs contacts ont été établis entre Timan Erdimi et des membres de la rébellion Séléka centrafricaine. Voisine du Tchad, la Centrafrique a vu dernièrement son président, François Bozizé, débarqué par une coalition rebelle. Depuis le renversement de Bozizé et la prise du pouvoir par Michel Djotodia, le leader de la rébellion, la Séléka est plus divisée que jamais. Un front anti-Djotodia est rapidement apparu, accusant le nouveau "président" auto-proclamé centrafricain, de n'être qu'une "marionnette" du Tchad et "sous influence" du président Déby.
Le Soudan comme "rendez-vous"
Ce courant des "mécontents" et des "déçus" de la Séléka, se serait rapproché de Timan Erdimi et de ses alliés soudanais. L'objectif est un coup de billard à deux bandes : renverser dans un premier temps Idriss Déby au Tchad, puis dans un deuxième temps son "vassal" centrafricain, Michel Djotodia. Le lieu de rendez-vous fixé par les rebelles est le Soudan. La "déclaration de guerre" de Timan Erdimi à Idriss Déby tombe également dans un contexte international particulier. Le Tchad est en effet fortement engagé au Mali, où plus de 2.000 soldats tchadiens viennent prêter main-forte aux troupes françaises. Les meilleurs éléments des troupes tchadiennes se trouvent donc bien loin de leur base… une opportunité que pourrait saisir Timan Erdimi et ses alliés. Une seule inconnue dans cette équation complexe : le rôle de la France. En 2008, les troupes françaises étaient venues sauver le "soldat" Idriss Déby à N'Djamena… le feront elles en 2013 ?
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Mise au point : Suite à cet article l'ANCD nous a fait parvenir un communiqué précisant n'avoir conclu aucun accord avec l'UFR de Timan Erdimi, ni rallié aucune autre structure. L'intégralité du communiqué de l'ANCD est consultable ici.
22:52 Publié dans Afrique, Centrafrique, Tchad | Lien permanent | Commentaires (5)
24 mars 2013
Centrafrique : Les défis de l'après-Bozizé
En quelques heures, la rébellion de la Séléka a renversé ce dimanche le régime de François Bozizé. Mais la coalition rebelle avance divisée et les lendemains de victoire pourraient se révélés difficiles pour la Séléka, toujours en quête d'union.
L'heure de vérité a sonné pour la Séléka. Après une offensive éclair dimanche matin, les rebelles se sont emparés sans difficulté de Bangui, la capitale centrafricaine. Le président François Bozizé a pris la fuite, certainement en République démocratique du Congo, après 10 ans de règne sans partage. Maintenant les choses sérieuses commencent. Que faire du pouvoir ? Et qui pour prendre la place de François Bozizé ?
Djotodia contesté
De nombreuses inquiétudes pèsent en effet sur la gestion que fera la Séléka de sa victoire. "La Centrafrique vient d’ouvrir une nouvelle page de son histoire, mais le plus dur est à venir" confiait ce dimanche à Afrikarabia un membre de la rébellion. Il ne croyait pas si bien dire. La bataille pour le pouvoir au sein de la Séléka a bel et bien commencé quelques heures après la chute de Bangui. Deux factions s'affrontent. A la manoeuvre, on trouve d'abord Michel Djotodia, le "patron" de la Séléka et ministre du gouvernement de transition, mis en place pendant les accords de paix de Libreville en janvier dernier. Son nom fait autorité, mais depuis la signature précipitée d'un plan de sortie de crise avec le président honni, François Bozizé, une partie de la Séléka ne lui fait plus confiance. Les accords de Libreville sont fortement contestés au sein de la Séléka.
Nourradine Adam et Firmin Findiro "incontournables" ?
Dans la fronde anti-Djotodia, on trouve un militaire : Nourradine Adam. L'homme est à la tête du CPJP, une des nombreuses composantes de la Séléka. Pour ce commandant, Djotodja a vendu l'âme de la coalition à Libreville, alors que les rebelles campaient à seulement 75 km de Bangui… si près de leur objectif : renverser Bozizé. Nourradine Adam n'est pas le seul à critiquer Djotodia. On trouve également le très discret Firmin Findiro, ancien ministre de la Justice, limogé par Bozizé. Mais aussi d'anciens officiers de l'armée régulière, regroupés dans l'A2R, puis le M2R. Ces militaires dénoncent ouvertement les accords de Libreville et repartent à l'offensive armée avec les hommes du CPJP de Nourradine Adam. Ils font tomber ensemble plusieurs localités, avant de fondre sur la capitale. Au final, dimanche, après la prise de Bangui, Nourradine Adam s'estime légitimement incontournable.
Djotodia succède à Bozizé
Mais en début de soirée, Michel Djotodia annonce dans un discours surprise sur les ondes nationales, être le nouveau président de la république centrafricaine. L'ancien rebelle décrète aussitôt un couvre-feu à Bangui et affirme souhaiter ne pas faire "de chasse aux sorcières". Michel Djotodia promet des élections dans 3 ans et souhaite conserver Nicolas Tiangaye à son poste de premier ministre de transition. Djotodia a pris tout le monde de vitesse.
La "main tchadienne"
Autant dire que certaines dents ont grincé au sein même de la Séléka. Un membre de la coalition nous a affirmé que le nom de Michel Djotodia à la présidence, était en fait soutenu par le président tchadien Idriss Déby. "C'est consternant", nous a-t-il déclaré. "Le Tchad continue de contrôler le pays, comme au temps de Bozizé. Déby veut une Centrafrique faible et y placer un président contrôlable", tempête ce membre de la Séléka, qui craint "dans ces conditions, une nouvelle rébellion dans moins de 6 mois". Un autre parti d'opposition, l'Alliance nationale pour le changement et la démocratie (ANCD), qui salue le départ de Bozizé, dénonce lui aussi l'ingérence tchadienne et "exhorte les frères centrafricains à récuser toute immixtion du despote Idriss Déby en Centrafrique". La "main tchadienne" est toujours présente.
Les trois défis de Djotodia
Plusieurs défis attendent donc le nouveau président Djotodia. Tout d'abord s'affranchir de son encombrant "parrain" tchadien, Idriss Déby. La tâche sera difficile dans le contexte actuel. Le président tchadien est en effet devenu le nouvel homme fort de la région et l'allié incontournable de François Hollande dans sa guerre au Mali… une position confortable pour le maître de N'djamena, qui en fait pour le moment un "intouchable". Michel Djotodia devra ensuite trouver rapidement le bon dosage d'une coalition politique solide, intégrant les multiples facettes de la rébellion. Là encore, la tâche est rude. Djotodia n'a pas la haute main sur le gros des troupes de la Séléka et il n'est pas à l'abri d'une nouvelle tentative de déstabilisation. Troisième et dernier défi et il est de taille : tout un pays, une armée, une administration, une économie… sont à reconstruire. La Centrafrique est à genou : un "Etat vide", grand comme la France, avec seulement 4 millions d'habitants et une population parmi les plus pauvres de la planète. La "page Bozizé" est tournée et tout est à réécrire.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:45 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (3)
Centrafrique : Bozizé réfugié en RDC
Les rebelles de la coalition Séléka, qui étaient entrés dans Bangui samedi soir, se sont emparés du palais présidentiel ce dimanche matin. François Bozizé reste introuvable. Selon plusieurs sources, il se serait enfui en République démocratique du Congo (RDC).
Les rebelles de la Séléka contrôlent depuis dimanche matin Bangui, la capitale centrafricaine. De nombreux tirs et détonations étaient entendus dans la matinée autour du palais présidentiel, que la Séléka a fini par investir. La rébellion a affirmé que le président François Bozizé ne s'y trouvait pas. Selon certains de ses proches, le président centrafricain aurait traversé le fleuve Oubangui pour trouver refuge en République démocratique du Congo, au niveau de Zongo.
Kinshasa a demandé dimanche l'aide du Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) pour transporter 25 membres de la famille de François Bozizé, de Zongo (à la frontière centrafricaine) à Gemena, dans la province de l'Equateur en RDC. Concernant le président centrafricain lui-même, le porte-parole de la République démocratique du Congo, Lambert Mende, a nié sa présence sur le sol congolais. Selon d'autres sources, Bozizé serait parti sur Mbandaka avec son hélicoptère.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
10:58 Publié dans Afrique, Centrafrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
23 mars 2013
Centrafrique : La Séléka entre dans Bangui
Des troupes de la rébellion Séléka sont entrées dans la capitale centrafricaine ce samedi. Des combats les opposent aux forces gouvernementales dans les faubourgs nord de Bangui. L'armée française "sécurise" l'aéroport de Bangui ce samedi soir.
Un responsable de la Séléka a confirmé à Afrikarabia ce samedi en fin d'après-midi, l'entrée des rebelles dans Bangui. Des combats les ont opposé aux forces centrafricaines au PK12, un secteur du quartier nord de la capitale. Selon ce membre de la Séléka, "les rebelles ont contourné les troupes sud africaines positionnées sur la Nationale 1 en passant par la Nationale 2". La rébellion négocierait la "non-intervention" des sud africains dans le conflit. Les autorités centrafricaines ont coupé l'électricité dans plusieurs quartiers de Bangui, craignant "les infiltrations rebelles".
Toujours d'après ce membre de la Séléka, les événements devraient rapidement tourner en faveur des rebelles, "dimanche, Bozizé sera tombé" , affirme-t-il, confiant. Pour preuve, il nous confie que les proches de François Bozizé, serait "à l'étranger" et sa femme "déjà à l'abri à Paris".
Sur le terrain militaire, les événements évoluent très rapidement. Les autorités françaises ont décidé d'envoyer des troupes dans l'aéroport de la capitale centrafricaine, Bangui. "L'aéroport est désormais sécurisé", selon Paris qui indique qu'"une compagnie est arrivée en renfort des 250 soldats déjà positionnés dans la capitale centrafricaine".
Vers 21h45, un membre de la Séléka a affirmé à Afrikarabia que la Radio-Télévision nationale centrafricaine serait sous contrôle de la rébellion.
Selon lemonde.fr, la famille de François Bozizé aurait quitté Bangui à bord d'un avion du président Obiang de Guinée Equatoriale. En fin de soirée samedi, la Fomac a démenti l'entrée effective de la Séléka dans la capitale. Selon la Force multinationale d'Afrique centrale, les rebelles n'ont pas dépassé le PK15, "bloqués par les troupes sud africaines". La Séléka ne serait donc pas entrée avec des véhicules dans Bangui, mais "à pieds".
MISE A JOUR : Samedi 23 mars 2013 à 22h45
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
20:04 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (2)
13 mars 2013
Centrafrique : Menaces sur les accords de Libreville
La Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), une des composantes de la rébellion Séléka, a relancé l'offensive militaire en s'emparant de trois villes à l'Est du pays. Son leader, Nourradine Adam, conteste fortement les accords de paix de Libreville dont il demande "la réévaluation". Des attaques qui relancent le débat sur la fragilité des accords de Libreville.
Coup de pression sur les accords de Libreville. Une des factions de la rébellion Séléka a repris le chemin des armes en faisant tomber trois nouvelles localités à l'Est de la Centrafrique : Gambo, Bangassou et Rafaï. L'armée régulière (FACA) n'a opposé aucune résistance et l'attaque de Bangassou de lundi aurait fait quatre morts dans les rangs des forces armées centrafricaines. Comment en est-on arrivé là ?
Factions rivales
La reprise des attaques armées par une des composantes de la Séléka lève le voile sur les profondes divisions qui règne au sein de la rébellion. Coalition "mosaïque" de 5 mouvements rebelles, la Séléka est désormais scindée en deux factions rivales bien distinctes. On trouve d'abord le camp de Michel Djtodja, le chef de la délégation rebelle à Libreville et signataire des accords de paix. Ministre au sein du gouvernement de transition de l'opposant Nicolas Tiangaye, Djotodja a été fortement critiqué par une partie de la coalition. Principal reproche : avoir signé trop vite et sans garantie avec le président François Bozizé. A la tête de la fronde : les militaires du mouvement. Les commandants de la Séléka n'ont pas accepté certains termes de l'accord et se montrent de plus en plus impatients sur son application. Mais c'est surtout le sentiment d'avoir échoué si près du but qui domine chez les militaires. Les troupes de la Séléka se trouvaient à seulement 75 km de la capitale Bangui lorsque les parrains régionaux, tchadiens et congolais, ont sifflé la fin de la récréation, en convoquant rebelles et gouvernement à la table des négociations. Pour bon nombre de rebelles, la chute du président François Bozizé était proche et Libreville a tout gâché. En moins de 4 jours (un record de rapidité pour des accords de paix), rebelles, opposants politiques et gouvernement centrafricains se sont mis d'accord sur un texte… sauvant ainsi la tête de François Bozizé, qui reste ainsi président jusqu'en 2016.
La rébellion se rebelle
Parmi les déçus de Libreville, on retrouve Nourradine Adam, de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP). Ce membre fondateur de la Séléka exige "une réévaluation de l'accord". Dans un communiqué, publié début mars, Nourradine Adam dresse la liste des points de l'accord qui restent encore en suspend : "intégration et reconnaissance des grades au sein des FACA, libération de tous les prisonniers politiques, départ des troupes étrangères autres que celles de la CEEAC ou tenue d'un forum social...". Pour expliquer les retards pris dans l'application des accords de Libreville, la CPJP accuse François Bozizé, de chercher à gagner du temps et de n'avoir jamais eu la volonté de respecter ses engagements. "Trop c'est trop" pour ces rebelles dissidents qui ont donc décidé de reprendre les armes.
Adam à la tête de la contestation
Pour le ministre centrafricain de la communication, Christophe Ghazam Betty, un proche de Michel Djotodja, qui défend bec et ongles l'accord de Libreville, "c'est un comportement de brigands". Selon lui, "ce n'est pas à cause de petites minorités qui s'excitent que le processus de normalisation de la République centrafricaine va s'arrêter. S'ils ne veulent pas arrêter, on va les contraindre à arrêter". Mais la contestation gronde dans les rangs de la Séléka. Nourradine Adam l'a bien compris et souhaite capitaliser le mécontentement autour de lui. Pour relancer la Séléka sur un mode plus "offensif", Nourradine Adam peut compter sur les anciens officiers FACA du mouvement A2R, un groupe de militaires qui s'est constitué seulement quelques semaines avant la création de la Séléka en décembre 2012. Le patron du CPJP, peut aussi s'appuyer sur "des éléments tchadiens". Au cours de l'attaque de Sido, "90 tchadiens" auraient appuyé les troupes du CPJP. On sait Nourradine Adam proche du Tchad et de certains hauts responsables du régime d'Idriss Déby.
Les accords de Libreville sont-ils menacés ?
Ils sont en tout cas extrêmement fragiles. Les combats peuvent reprendre à tous moments. Les dernières attaques du CPJP en sont la preuve. La Séléka tient toujours sept villes-clés en Centrafrique, comme Sibut, Bambari ou Bria et occupe une grande partie du territoire (plus de 70% selon les experts). L'armée régulière apparaît toujours aussi faible face aux rebelles : les troupes de Nourradine Adam se sont visiblement emparées de Bangassou sans grande résistance. Et le "parrain" tchadien, sans qui rien ne se décide dans la région, a visiblement laissé faire, comme un coup de semonce au président Bozizé qui semblait vouloir s'affranchir ces derniers temps de sa "protection". Les prochaines semaines seront décisives. François Bozizé accèdera-t-il aux revendications des rebelles ? Nourradine Adam continuera-t-il son avancée militaire vers Bangui ? Idriss Déby lâchera-t-il Bozizé ? Des questions pour le moment sans réponse.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Afrikarabia était interrogé mercredi 13 mars dans le journal de BBC Afrique. Ecoutez :
22:43 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (2)
14 février 2013
Centrafrique (RCA) : Les secrets de la Séléka
Dans un entretien exclusif accordé à Afrikarabia, un des anciens porte-parole de la rébellion a décidé de dévoiler les coulisses du mouvement rebelle qui a menacé de renverser le président François Bozizé. Une interview qui révèle le nom du président "caché" de la Séléka, le double jeu d'Idriss Déby et le soutien d'un ancien officier du Congo-Kinshasa.
Décembre 2012. En quelques jours, la Séléka, un mouvement rebelle centrafricain méconnu, a réussi à prendre le contrôle de 80% du pays, avant d'être stoppé par les forces tchadiennes de la CEEAC (Communauté économique des états d'Afrique centrale) à 75 km de la capitale, Bangui. Composée d'une mosaïque de 4 groupes rebelles (UFDR, CPJP, FDPC et CPSK), la coalition est toujours apparue comme un mouvement "sans tête", avec autant de porte parole que de commandants militaires. Après un mois de conflit, un accord a pourtant été signé à Libreville début janvier, entre le régime de François Bozizé, la Séléka et l'opposition politique. Le président centrafricain a sauvé sa tête, l'opposition politique a emporté la primature et la rébellion a obtenu le poste de vice-premier ministre et de ministre de la défense, en la personne de Michel Djotodia. Mais la paix reste fragile. L'opposition peine à s'imposer et le camp Bozizé reprend confiance. Beaucoup prédisent une reprise des hostilités, car une partie des rebelles ne se reconnait pas dans les accords de Libreville et pour cause… la rébellion reste plurielle. Pour mieux comprendre ce mouvement nous avons voulu connaître l'histoire de la Séléka.
Jean-Paul Bagaza, est l'un des anciens porte-parole de la coalition et a décidé de nous révéler les dessous du mouvement rebelle. Jean-Paul Bagaza ne fait partie d'aucun des 4 groupes constituant la Séléka, mais de la "coordination" qui a mis en place la coalition rebelle. Il nous livre les secrets du mouvement et les surprises sont de tailles. Voici son témoignage.
Acte I - Bozizé se fâche
"Tout commence au mois de décembre 2011. François Bozizé convoque Sylvain Ndoutingai, le ministre des mines et Firmin Findiro, le ministre de la justice et porte-parole du gouvernement. Francis Bozizé, le fils du président est aussi présent. Au cours d'une réunion familiale, le clan Bozizé avait décidé de présenter le fils, Francis, à la présidentielle, si François Bozizé n'arrivait pas à modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2016. Le président Bozizé avait donc pris la décision de convoquer ces deux proches du régime pour convaincre les membres du parti présidentiel (KNK) de modifier la constitution en faveur d'une nouvelle candidature. Au cours de cette réunion, Firmin Findiro a tenté de dissuader le président de modifier la constitution, compte tenu de l'instabilité politique ambiante et de l'activité de nombreux groupes rebelles. Sylvain Ndoutingai a lui aussi déconseillé au président Bozizé de modifier la constitution, pensant que cette décision créerait des tensions. Ces réponses n'ont visiblement pas plu au président. Il faut dire que François Bozizé suspectait déjà Sylvain Ndoutingai de préparer un coup d'Etat, ou de vouloir se présenter aux élections présidentielles de 2016. Sylvain Ndoutingai était ministre des mines et avait beaucoup d'influence et de moyens financiers. Firmin Findiro était considéré comme l'intellectuel qui pouvait aider Sylvain Ndoutingai à prendre le pouvoir. François Bozizé et son fils ont alors décidé de se séparer de ces deux ministres en fabriquant de fausses accusations pour les limoger. Le ministre, Firmin Findiro a alors décidé de s'enfuir par la RDC, puis par le Congo-Brazzaville et enfin vers la France avec un passeport d'emprunt. Je suis allé l'accueillir à l'aéroport".
Acte II - Les tchadiens entrent en piste
"En France, nous avons décidé de réagir et de prendre les choses en main. C'est là qu'est née l'idée de la Séléka, c'est à dire de créer une coalition avec tous les mouvements rebelles centrafricains. Pour atteindre cet objectif, nous avons d'abord décidé d'enclencher notre stratégie avec un seul mouvement. En septembre 2012, nous sommes entrés en contact avec Nourradine Adam du CPJP (Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix), qui était alors au Tchad, à N'Djamena. Nourradine Adam avait de très bons contacts avec Idriss Déby, le président tchadien. En discutant avec Déby, Nourradine constate que les relations entre le Tchad et la Centrafrique se sont fortement détériorées. Selon Déby, Bozizé ne tient plus parole. Beaucoup d'accords commerciaux et militaires n'ont jamais vu le jour. Notamment sur la création d'une force militaire mixte pour contrôler la frontière entre les deux pays. Idriss Déby souhaitait également la construction d'un pipeline pour alimenter en eau le Tchad depuis la rivière Oubangui. Tous ces projets traînaient. L'autre contentieux entre les deux pays concernait le colonel Charles Massi que le Tchad a livré au régime centrafricain. L'opposant a ensuite été assassiné dans les prisons de Bozizé, contrairement aux engagement pris. François Bozizé avait en effet clairement promis à Idriss Déby de ne pas éliminer Charles Massi. Il n'a pas tenu parole. Idriss Déby a été très en colère."
Acte III - Firmin Findiro, président "officieux"
"Le président tchadien et ses proches ont décidé d'écarter Bozizé du pouvoir. Les tchadiens se sont alors appuyés sur Nourradine Adam, qui avait déjà des soldats. Mais pour éviter que cette rébellion ne soit uniquement "musulmane" et taxée d'extrémisme religieux, les tchadiens voulaient trouver "un intellectuel" pour mettre à la tête du mouvement. Début octobre 2012, Nourradine Adam nous a appelé pour nous dire que c'était Firmin Findiro qui allait occuper la direction politique du mouvement et que nous allions rencontrer le général Mahamat Ali Abdallah Nassour à Paris. Ce général tchadien est un proche de Déby, qui avait d'ailleurs aidé François Bozizé à renverser l'ancien président Patassé en 2003. Il connaissait donc très bien Bozizé. Lors de notre rencontre à Paris, le général nous a dit la même chose que Nourradine : "nous ne voulons plus de Bozizé, il ne tient pas parole, il faut qu'il parte…". Il nous a aussi dit que pour la stabilité de la région et des frontières, il fallait se débarrasser du président centrafricain. Mahamat Ali Abdallah nous a mis en contact avec le fils d'Idriss Déby, Zakaria, avant de pouvoir rencontrer le président tchadien à Paris, lors d'une visite prévue en octobre 2012 avec François Hollande. Zakaria Déby nous a ensuite appelé pour nous dire que nous pourrions rencontrer le président tchadien à Paris avant le Sommet de la francophonie d'octobre. Mais le président Déby n'a pas voulu d'une rencontre "officielle", pour éviter d'apparaître dans cette histoire. En fait, le président français a décalé sa rencontre avec Idriss Déby pour la reporter début décembre 2012, ce qui changeait évidemment tous nos plans. Pour déclencher la rébellion, il nous fallait une autorisation au moins "officieuse" de l'opération. On voulait une "bénédiction" avant de déclencher toute attaque. Mais entre temps nous avions déjà fédéré tous les autres groupes rebelles depuis le mois de septembre 2012 et on ne pouvait plus reculer. Dans un premier temps, notre stratégie était que chacune des rébellions mènent ses attaques dans son coin, pour faire croire à des mouvements isolés. Et une semaine après nous devions annoncer la création d'une coalition : la Séléka. Ce qui s'est effectivement passé."
Acte IV - Un conseiller militaire congolais
"En France, nous sommes entrés en contact avec un ancien officier de l'armée congolaise, de l'AFDL (le mouvement de Laurent-Désiré Kabila), qui a fait partie des troupes qui ont renversé Mobutu en 1997. Cet officier s'appelle Gabriel Maindo et a fait office de conseiller militaire du mouvement de la Séléka. Il a élaboré tous les plans militaires pour renverser le plus vite possible le président Bozizé. Mais en contre-partie, la Séléka devait lui laisser une base arrière en Centrafrique pour qu'il prépare une rébellion contre le président Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC). Il devait ensuite se rapprocher de l'opposition rwandaise pour renverser Paul Kagame. Gabriel Maindo voulait, à partir de la Centrafrique, ouvrir un front contre la RDC et un autre contre le Rwanda. C'est pour cette raison que, lorsque le M23 nous avait proposé leurs services pour affronter les troupes tchadiennes qui nous bloquaient à Damara, nous avons refusé cette aide. Gabriel Maindo a même mis son veto à tout soutien du M23. Il a même menacé de tout faire capoter si la Séléka s'alliait au M23. Aujourd'hui, il fait partie de ceux qui s'opposent farouchement aux accords de Libreville."
Acte V - Double jeu
"Gabriel Maindo nous a aussi mis en contact avec le directeur des services de renseignement soudanais. Le Soudan était prêt à nous donner des moyens humains et financiers pour renverser François Bozizé et par la suite renverser aussi Idriss Déby. Avec la chute de Bozizé, la sous-région centrale serait devenue une véritable poudrière. Cet ancien officier congolais (Gabriel Maindo, Ndlr) avait pour objectif d'en finir avec tous ces dictateurs d'Afrique centrale. Il a pointé : le Rwanda, l'Ouganda, le Gabon, la RDC, le Tchad et puis l'Angola. Il fallait profiter, dans un premier temps, du soutien d'Idriss Déby pour renverser Bozizé et lui montrer que la Séléka était à ses côtés. Et dans un deuxième temps, après la chute de Bozizé, nous aurions renversé Déby. A propos de l'échec militaire de la Séléka, nous avons été naïfs. Le président Idriss Déby a joué double jeu avec nous. C'est lui qui a fixé la fameuse "ligne rouge" au niveau de la ville de Damara que nous ne devions pas dépasser. Idriss Déby a menacé Michel Djotodia et Nourradine Adam de vouloir les remplacer à la tête du mouvement s'ils franchissaient Damara. Ce que nous avons compris aujourd'hui, c'est que le président Déby a voulu utiliser la Séléka comme un moyen de pression sur François Bozizé. Le président tchadien a obtenu ce qu'il voulait : il y a maintenant la mise en place d'une brigade mixte et le projet de pipeline avance de nouveau. Aujourd'hui Idriss Déby continue donc de contrôler la République centrafricaine, avec ces 3 enfants. Nous avons tout simplement été instrumentalisés par le Tchad."
Propos recueillis par Christophe RIGAUD © Afrikarabia
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13 janvier 2013
Centrafrique : Accord précipité à Libreville
L'accord qui fâche tout le monde… ou presque. Si l'on en croit certaines voix au sein du Séléka, Michel Djotodia, le chef de la délégation rebelle, aurait signé "un peu vite" avec François Bozizé et surtout sans l'accord des chefs militaires. Sur le terrain, les commandants de la rébellion jugeraient le texte "inapplicable", donnant la part belle à l'opposition politique.
Après un mois de conflit armé et trois jours de difficiles négociations, un accord a finalement été signé entre François Bozizé, la rébellion Séléka et l'opposition politique. Le texte prévoit l'organisation d'élections législatives dans 12 mois et la nomination d'un nouveau Premier ministre "issu de l'opposition politique". Le président centrafricain, François Bozizé sauve donc son fauteuil jusqu'au 2016 et ne pourra pas de représenter, tout comme il lui sera interdit de révoquer son Premier ministre pendant la période de transition. L'accord prévoit également "le retrait de toutes les forces militaires étrangères du pays" (on pense bien sûr aux mercenaires sud-africains), à l'exception des Forces africaines de la FOMAC. Le nouveau Premier ministre devrait être désigné très rapidement, puisque l'opposition politique a déjà désigné l'avocat Nicolas Tiangaye comme son candidat.
Une opposition politique archi-gagnante
Côté rebelle, l'ambiance est nettement moins euphorique. Très rapidement après la signature de l'accord, des voix dissonantes se sont faites entendre. La Séléka est en effet la grande perdante du texte de Libreville. La rébellion espérait au moins la primature, qui revient en fait à l'opposition politique, et une reconnaissance des grades militaires pour les rebelles. Au final : rien de tout cela ne figure dans l'accord de Libreville. Un membre du Séléka, très remonté, se demande quelle mouche a piqué son chef de délégation, Michel Djotodia, de signer aussi rapidement avec François Bozizé un tel texte. Quelque peu déboussolé, il nous affirme que "ces accords n'engagent pas les chefs militaires du mouvement… Ils sont tout simplement inapplicables !". Ce membre du Séléka trouve également que l'opposition politique sort archi-gagnante de Libreville, alors "qu'elle n'a rien fait". "C'est un peu comme si elle avait gagné au Loto !" conclut-il.
Un accord "mort né"
Depuis vendredi, jour de la signature de l'accord, ça tangue sévèrement au sein de la rébellion. Certains craignent même l'implosion du mouvement. Une autre composante du Séléka a ouvertement critiqué l'accord de Libreville ce dimanche sur internet. Il s'agit de l'Alliance pour la renaissance et la refondation (A2R). Cette faction, très nouvelle dans la "galaxie Séléka", est principalement constituée d'officiers des FACA, l'armée régulière centrafricaine, hostiles au régime Bozizé. L'A2R n'a rejoint la coalition Séléka que fin décembre 2012. Dans un communiqué rédigé à Bimbo, le 12 janvier dernier, l'A2R estime que "le rendez-vous de Libreville n’aura été qu’un bal macabre de fossoyeurs car les questions de fonds n’auront pas été abordées et tranchées". Et de conclure : "l’accord politique de Libreville est mort né".
Bozizé seul...mais toujours président
A Bangui, dans l'entourage de François Bozizé, l'accord de Libreville fait grincer quelques dents. On accuse en effet le président centrafricain d'avoir sauvé son poste, au détriment de son gouvernement et d'avoir "tout donné". Seul François Bozizé peut savourer les bénéfices de l'accord de Libreville : une présidence assurée jusqu'en 2016, une rébellion stoppée militairement, désorganisée politiquement et une opposition moribonde qui se querellera sans doute autour des postes gouvernementaux à se partager. Une seule interrogation ? Qu'a gagné Michel Djotodia a signer dans la précipitation cet accord ? On peut supposer avoir la réponse dans quelques jours, une fois le gouvernement de transition composé.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Conférence de Libreville © DR
22:23 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (0)
07 janvier 2013
Centrafrique : Bozizé joue la carte sud-africaine
Le renfort de près de 400 soldats sud-africains à Bangui peut-il sauver le régime de François Bozizé ? Le président centrafricain semble le croire et pourrait miser sur un règlement militaire du conflit. Pour preuve : sa possible absence aux négociations prévues mardi à Libreville. Sur le terrain militaire, la rébellion accentue sa pression autour de Damara, dernier verrou avant Bangui.
Jacob Zuma sauvera-t-il François Bozizé ? L'Afrique du sud vient d'autoriser le déploiement providentiel de 400 soldats sur le sol centrafricain avec pour mission de "sécuriser la capitale", autant dire… le régime en place à Bangui. Si à Prétoria, la nouvelle a quelque peu fait tousser l'opposition au parlement sud-africain, à Bangui, le président Bozizé reprend confiance. Après la débandade de l'armée régulière face aux rebelles du Séléka, le président centrafricain ne devait son salut qu'au bon vouloir des troupes tchadiennes de la Fomac, basées à Damara, la porte d'entrée pour Bangui. Avec l'arrivée des sud-africains, François Bozizé change de mains protectrices et passe du Tchad (plutôt versatile c'est dernier temps) à l'Afrique du sud et peut de nouveau croire à un règlement militaire du conflit. Du coup, François Bozizé n'est plus vraiment disposé à se rendre à Libreville pour négocier avec des rebelles, qu'il pense désormais pouvoir dominer sur le terrain militaire. Le nom du président centrafricain, ne figure toujours pas dans la composition de la délégation de Bangui.
Les rebelles remettent la pression
Les rebelles ont rapidement compris le changement de stratégie de François Bozizé. Depuis l'arrivée en catimini, le 31 janvier dernier, de 3 gros porteurs sud-africains (voir Afrikarabia), le Séléka sentait bien que le vent avait tourné et qu'une contre-offensive gouvernementale se préparait, appuyée par les soldats sud-africains. Samedi 5 janvier, la rébellion a donc décidé de remettre la pression sur Bangui en prenant deux nouvelles villes autour de Bambari, Alindao et Kouango. Ce dimanche, de sources gouvernementales, on apprenait que les rebelles se tenaient à seulement 12 km de Damara, la fameuse "ligne rouge" et surtout, dernier verrou avant la capitale centrafricaine.
Bozizé absent à Libreville ?
Côté rebelle, on affirme être sûr que "Bozizé veut maintenant aller à la guerre". On regrette également "le temps perdu" par la CEEAC, l'instance régionale en charge du dossier, "qui nous a fait croire que François Bozizé voulait négocier, ce qui n'était visiblement pas le cas". Les négociations prévues à Libreville ce mardi sont donc bien mal engagées. L'absence possible de François Bozizé risque d'être très remarquée à la table des négociations, alors que les rebelles estiment que son départ du pouvoir "n'est pas négociable". Pour la coalition Séléka, la composition de sa délégation n'est pas encore effective et doit faire consensus entre toutes les composantes de l'alliance. La présence d'Eric Massi, notamment, n'était pas encore acquise.
Enfants-soldats ?
Une polémique est venue s'immiscer dans le conflit centrafricain : la présence d'enfants-soldats dans les rangs de la rébellion, mais aussi des milices pro-gouvernementales. Selon l'UNICEF, environ 2 500 enfants se trouveraient enrôlés dans différents groupes armés en Centrafrique. Des garçons et des filles séparés de leurs familles, qui peuvent être obligés de combattre, de transporter des fournitures ou risquent d'être abusés sexuellement, selon le représentant de l'UNICEF en Centrafrique, Souleymane Diabate. Seule la coalition Séléka a, pour le moment, démentie formellement avoir des enfants-soldats dans ses troupes. Les rebelles affirment même être disposés à recevoir les responsables de l'UNICEF dans les régions qu'ils contrôlent. Le Séléka se déclare également prêt à ouvrir un corridor humanitaire aux ONG pour venir en aide à la population.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
00:07 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (1)
06 janvier 2013
RDC-Centrafrique : Conflits jumeaux ?
La République démocratique du Congo (RDC) et la Centrafrique font face à des rébellions capables de faire tomber les régimes en place. Le M23 s'est emparé pendant quelques jours de la ville de Goma et les rebelles du Séléka se trouvent aujourd'hui à une centaine de kilomètres de Bangui. Thierry Vicoulon, directeur du programme Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG) analyse pour Afrikarabia les similitudes, mais aussi les différences entre ces deux conflits.
- Afrikarabia : Quels sont les points communs entre la crise Centrafricaine et ce qui se passe actuellement en République démocratique du Congo ?
- Thierry Vircoulon : Dans les deux cas, nous avons une rébellion qui est plus forte que l'armée nationale et qui force le gouvernement à négocier, ce qu'il n'a évidemment pas envie de faire. Tout cela se passe sous l'égide d'une organisation régionale africaine, la CEEAC (1) dans le cas centrafricain et la CIRGL (2), pour la République démocratique du Congo. Dans ces deux conflits, nous voyons qu'il y a une demande d'intervention militaire extérieure. La CEEAC avait déjà une mission en Centrafrique qu'elle est en train de transformer en mission d'interposition et qui constitue le dernier rempart entre le pouvoir et les rebelles. En République démocratique du Congo, c'est la SADC (3) qui a été appelée à l'aide et est censée déployer des troupes dans les Kivus. Ces deux pouvoirs, Bangui et Kinshasa, se retrouvent donc dans une sorte de dépendance sécuritaire, faute d'avoir construit une armée suffisamment robuste pour résister à leurs rébellions.
- Afrikarabia : Dans ces deux pays, le point de départ de ces rébellions repose également sur un processus électoral raté et contesté ?
- Thierry Vircoulon : Les deux élections présidentielles, en RDC et en Centrafrique, ont eu lieu en même temps, en 2011 et ont montré aux forces politiques de ces pays que le pouvoir se resserrait. Les gouvernements congolais et centrafricains signifiaient alors qu'ils sortaient des logiques de partage des pouvoirs, négociées après les conflits et qu'ils souhaitaient monopoliser un peu plus le pouvoir pour leur deuxième mandat. Un monopole qui laissait penser aux oppositions congolaises et centrafricaines que ces pouvoirs comptaient effectuer une réforme constitutionnelle pour se représenter une troisième fois, ce qui est impossible dans les deux pays.
- Afrikarabia : Ce sont aussi des régimes qui ne peuvent plus compter sur leurs armées ?
- Thierry Vircoulon : Dans ces deux pays, il n'y a pas eu de réformes de l'armée, malgré les appels répétés de la communauté internationale, mais aussi des voix nationales. Ces appels n'ont pas été écoutés par ces deux régimes et ils se retrouvent aujourd'hui avec des forces armées qui sont, in fine, en situation d'infériorité par rapport aux rébellions.
- Afrikarabia : Est-ce que l'épilogue de ces deux "aventures rebelles" pourrait être le même à Bangui et à Kinshasa ?
- Thierry Vircoulon : La différence fondamentale entre les deux scénarios est d'ordre géographique. On voit que les rebelles centrafricains sont arrivés en 3 semaines aux portes de Bangui, alors que le M23 se trouve à quelques milliers de kilomètres de Kinshasa, sans aucune route. C'est la raison pour laquelle la configuration est différente. Mais la logique est la même. S'il y avait des routes qui traversaient la RDC et si le pays était moins grand, le M23, comme il le disait à une époque, aurait pu arriver aux portes de Kinshasa.
- Afrikarabia : N'est-ce pas dans ces conflits, la faillite de ce que nous appelons la communauté internationale ?
- Thierry Vircoulon : Il y a un désengagement politico-militaire très clair des européens et de Paris en Afrique, qui a comme contre-partie de soutenir des solutions africaines au crises africaines. C'est la CEEAC qui, dans le cadre d'une architecture de paix et de sécurité, doit gérer la crise centrafricaine et c'est la CIRGL qui est censée gérer les problèmes de paix et de sécurité dans les Grands Lacs. Dans la mesure où les européens sont maintenant en retraits, nous sommes là dans un système qui est logique. Ce sont désormais les instances africaines qui doivent gérer les problèmes de sécurité. Les Nations-unies, se retrouvent dans une situation un peu intermédiaire, où, elles sont là, mais n'ont plus une grande capacité d'initiative dans ces conflits et ont l'air de piétiner.
- Afrikarabia : Ce désengagement de la communauté internationale vous semble un phénomène durable ?
- Thierry Vircoulon : C'est le scénario qui a été mis en place il y a 10 ans lorsque l'Organisation de l'union africaine est devenue l'Union africaine (UA). Les crises africaines doivent être gérées par les africains et cette politique ne va pas changer. A moins d'une grande catastrophe, je ne vois pas cette politique changer. Au contraire, on va aller de plus en plus dans ce schéma. On le voit d'ailleurs dans le cas du Mali, où il faut des troupes de la CEDEAO pour intervenir, les occidentaux restants en deuxième ligne.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
(1) CEEAC : Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale.
(2) CIRGL : Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
(3) SADC : Communauté de développement d'Afrique australe
Photo : Thierry Vircoulon à Paris © Ch; Rigaud www.afrikarabia.com
17:16 Publié dans Afrique, Centrafrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
01 janvier 2013
Centrafrique (RCA) : L'agenda secret de la rébellion
En moins de 20 jours, une rébellion inconnue il y a encore quelques semaines, contrôle 85% de la Centrafrique et menace de renverser le président François Bozizé. Dans un entretien exclusif à Afrikarabia, un responsable du mouvement a accepté de lever le voile sur une partie des dessous de la coalition Séléka : le "réel" président du mouvement, leurs soutiens politiques, leur financement, mais aussi les premières mesures qu'ils prendront une fois au pouvoir.
Depuis le 10 décembre 2012, une coalition de plusieurs mouvements rebelles (UFDR, CPJP, FDPC, CPSK et A2R) mène une offensive éclair sur la capitale centrafricaine. Objectif : faire tomber le régime du président François Bozizé. Face à une armée régulière qui fuit les combats et une force d'interposition tchadienne passive, la rébellion du Séléka se retrouve en mesure de prendre le pouvoir à Bangui. De ces rebelles, venus de plusieurs formations hétéroclites, on connait peu de chose. Un membre important de la coalition a accepté de nous dévoiler quelques secrets du mouvement. Il n'a pas souhaité divulguer son identité.
- Afrikarabia : A quand remonte l'idée de la coalition du Séléka ?
- La coalition de tous ces mouvements rebelles date de moins de 4 mois. Tout a commencé à partir de fin octobre 2012. Nous étions conscients que pour renverser le président Bozizé, il fallait passer par le Tchad et d'autres pays de la sous-région. Nous avons constaté que les relations s'étaient fortement dégradées entre la Centrafrique (RCA) et le Tchad. Nous avons réussi à convaincre de notre démarche certains proches du président Idriss Déby, que nous avons rencontré à Paris… des officiels de hauts rangs et des membres de son cabinet. Ils nous ont expliqué qu'ils étaient déçus de l'attitude et de l'incompétence du président François Bozizé. Plusieurs accords avaient d'ailleurs été signés entre le Tchad et la RCA et les choses traînaient.
- Afrikarabia : Quel était votre projet ?
- En 2003, c'est nous (certains membres de la rébellion, ndlr), qui avons aidé Bozizé à prendre le pouvoir. Malheureusement, Bozizé est devenu fou avec le pouvoir. Il n'était donc plus un interlocuteur valable pour les intérêts de la Centrafrique mais aussi du Tchad. Nous voulions quelqu'un de responsable pour prendre la tête du pays. Pour réussir notre objectif, nous étions convaincus qu'il fallait une coordination entre tous ces chefs rebelles. Au début cela a été difficile à mettre en place.
- Afrikarabia : Qui dirige ce mouvement ?
- Nous avons une stratégie au niveau de notre président. Pour l'instant, nous ne voulons pas que son nom soit connu. Nous n'avons pas voulu qu'il s'affiche tout de suite comme le porte-parole ou le coordinateur du mouvement. C'est donc pour cela que nous avons choisi, en accord avec le commandement militaire sur place, Eric Massi comme porte-parole de la coalition. Notre président sera connu une fois que le pouvoir sera tombé à Bangui. Je peux juste vous dire qu'il est très réservé et c'est un sage. La discipline, le respect des droits de l'homme et des populations civiles dans les rangs de nos militaires sont, par exemple, une stratégie mise en place par lui. Nous devons éviter toutes les erreurs commises par les autres mouvements rebelles en Afrique.
- Afrikarabia : Avez-vous le soutien d'autres pays ? On parle duTchad évidemment, mais aussi du Congo Brazzaville et du Soudan ?
- Nous avons le soutien politique de proches d'Idriss Déby, mais cela ne veut pas dire qu'on a le soutien personnel du président Déby. Concernant Sassou Nguesso, cela fait longtemps qu'il ne s'entendait plus avec Bozizé. Il a joué un rôle important, notamment pour demander au président Déby de ne pas intervenir militairement contre la rébellion. Quant au Soudan, c'est très clair, il n'y a aucun élément soudanais dans notre mouvement. D'ailleurs vous savez très bien que les relations ne sont pas bonnes entre le Tchad et le Soudan, ce serait donc contradictoire.
- Afrikarabia : Comment êtes-vous financé ?
- Le financement repose uniquement sur des petites cotisations entre nous.
La rébellion vit très difficilement. Les hommes font des sacrifices énormes. C'est le patriotisme qui anime nos soldats. Nous avons des problèmes pour acheter des crédits de télécommunication. On se cotise ici en Europe pour envoyer des crédits téléphoniques sur place par exemple...
- Afrikarabia : …il y a pourtant des uniformes neufs, des armes… cela ne peut pas être financé par de simples cotisations ?
- Croyez-moi, nous avons commencé cette rébellion sans aucun moyen. Le matériel et la logistique viennent uniquement de ce que nous avons récupéré aux forces armées centrafricaines (FACA). Nous n'avons pas un centimes et aucun soutien extérieur. Si nous avions de réels moyens financiers, François Bozizé serait tombé depuis longtemps.
- Afrikarabia : Quelles seront les premières mesures que vous prendrez si vous arrivez au pouvoir ?
- Si le régime de François Bozizé tombe, je peux vous annoncer que allons organiser une période de transition de 2 ans. Et ce délai ne sera pas dépassé. A la suite de cette transition, les responsables de la rébellion devront signer un amendement et s'engager à ne pas se représenter. Avant d'organiser les élections présidentielles, les élections municipales devront être organisées. Sur le plan politique, nous allons suspendre l'actuelle constitution, mais aussi le parlement, dans lequel règne en maître le clan Bozizé. Une Assemblée constituante sera nommée. Elle devra être représentative de toutes les forces vives de la RCA. Puis, nous allons mettre en place une commission des droits de l'homme, une commission de lutte contre la corruption, une commission des biens mal acquis et une commission vérité et réconciliation. François Bozizé a déchiré ce pays. Il est actuellement en train de monter des Centrafricains contre d'autres Centrafricains. Pour terminer, nous souhaitons également garantir la sécurité de tous nos voisins.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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31 décembre 2012
Centrafrique : Des mercenaires sud-africains à Bangui
Alors que la rébellion progresse vers Damara, le dernier verrou avant la capitale centrafricaine, un porte-parole rebelle indiquait à Afrikarabia que 3 gros porteurs sud-africains s'étaient posés sur l'aéroport de Bangui ce lundi. Selon Jean-Paul Bagaza, il s'agirait "de mercenaires venus défendre le président François Bozizé".
Lundi 31 décembre, la situation était toujours extrêmement tendue en Centrafrique, où les rebelles du Séléka menacent toujours de s'emparer de Bangui. En fin de journée, la rébellion dénonçait l'arrivée de "3 avions gros porteurs en provenance d'Afrique du Sud" sur l'aéroport de Bangui. Selon le Séléka, "un groupe de mercenaires sud-africains ainsi que du matériel ont débarqué vers 17h à la demande du gouvernement centrafricain". Les rebelles croient savoir que le fils du président Bozizé, Francis, par ailleurs ministre de la défense, "s'était rendu dernièrement en Afrique du Sud". Pour l'instant, ni à Bangui, ni à Prétoria, n'ont confirmé cette information.
Selon Jean-Paul Bagaza, un porte-parole de la rébellion, ces mercenaires sud-africains viendraient prêter main-forte à l'armée régulière centrafricaine (FACA) qui a tenté, ce lundi, une contre-offensive sur la ville de Sibut, toujours contrôlée par le Séléka. La rébellion aurait repoussé l'attaque des FACA et ferait désormais route vers Bangui, la capitale.
Sur le plan diplomatique, la situation est toujours au point mort. Dimanche, le béninois Thomas Boni Yayi, président de l'Union Africaine, est parvenu à obtenir de François Bozizé, la proposition d’un gouvernement d’union nationale avec la promesse de ne pas se représenter à la présidentielle de 2016. La rébellion a sèchement rejeté ces propositions estimant qu'il était désormais "trop tard". Pour la coalition, le président Bozizé "n'est plus crédible" et "doit partir". Lundi 31 décembre, le président français François Hollande s’est entretenu au téléphone avec le président centrafricain et il a appelé toutes les parties au dialogue, sans répondre aux demandes d'aide de François Bozizé. Les premiers jours de l'année 2013 risquent d'être décisifs pour l'avenir de la Centrafrique.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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30 décembre 2012
Centrafrique (RCA) : Les rebelles "en mesure de prendre Bangui"
Désormais aux portes de Bangui, plus rien ne semble pouvoir arrêter les rebelles du Séléka. Le président centrafricain, François Bozizé, abat ses dernières cartes en proposant la nomination d'un gouvernement d'union nationale… ce que refusent la rébellion. Selon le Séléka, la chute de Bangui serait une question d'heures.
La rébellion centrafricaine du Séléka estime dimanche soir pouvoir faire tomber Bangui "à tout moment" et "au plus tard mardi". Certains éléments de la coalition du Séléka se trouveraient "à moins de 10 km" de la capitale centrafricaine, selon un porte-parole contacté ce dimanche par Afrikarabia. L'étau se resserre donc autour du président François Bozizé, qui vient de faire plusieurs gestes envers la rébellion : il propose des négociations sans délai, de former un gouvernement d'union nationale et promet de ne pas se représenter en 2016. "Trop tard" répondent les rebelles, pour qui, François Bozizé "avait cette possibilité depuis 2007". Dans un dernier sursaut, François Bozizé demande une rencontre avec François Hollande, celui-là même qu'il accusait il y a encore quelques jours de vouloir le renverser. Le président français a appelé, dimanche soir, toutes les parties au calme, sans faire mention de la demande de rencontre.
En position de force, la rébellion rejette en bloc toutes les propositions de négociations de François Bozizé et demande à l'Union africaine (UA) de "faire comprendre" au président centrafricain "qu'il doit accepter de partir". "François Bozizé n'est plus légitime, ni crédible pour dialoguer", nous explique un porte-parole de la coalition. "Nous ne voyons aucune objection à la formation d'un gouvernement d'union nationale… mais sans Bozizé ! On pourra peut-être lui proposer l'amnistie, mais c'est tout !". Au sein du mouvement rebelle, la page Bozizé semble déjà tournée. "On croit même savoir", me confie un membre du Séléka, "que François Bozizé se réfugiera au Bénin si les choses tournent mal". "C'est aussi pour cela que le président béninois Yayi Boni était ce dimanche à Bangui", conclut mon interlocuteur. Selon Eric Massi, un porte-parole du Séléka à Paris, la rébellion contrôlerait 85% du territoire.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:56 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (5)
29 décembre 2012
Centrafrique : Sibut tombée aux mains des rebelles
La rébellion centrafricaine du Séléka affirme ce samedi avoir pris la ville de Sibut et contrôler celle de Bambari. C'est au cours d'une contre-offensive, lancée vendredi par le président François Bozizé pour reprendre Bambari, que les rebelles se sont emparés de Sibut, à 180 km de la capitale Bangui.
Les événements se sont accélérés, vendredi, en Centrafrique. Alors que la rébellion du Séléka marche depuis le 10 décembre sur la capitale centrafricaine et s'est emparée de plusieurs villes du pays, le président François Bozizé a lancé une importante contre-offensive sur la ville stratégique de Bambari qu'il souhaitait reprendre. Les combats ont duré plusieurs heures sans qu'aucun bilan officiel ne soit donné. La rébellion affirme qu'il y aurait "au moins 10 morts et 20 blessés côté gouvernemental".
Samedi matin, la coalition du Séléka nous a affirmé avoir le contrôle total de Bambari et s'être emparée de la ville de Sibut, à 180 km de Bangui. C'est dans cette ville qu'étaient stationnés les forces armées centrafricaines (FACA) qui ont mené la contre-offensive sur Bambari.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
13:39 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (1)
28 décembre 2012
RDC-RCA : La rébellion confirme les renforts congolais à Bangui
Afrikarabia rapportait jeudi 27 décembre la présence de 300 membres de la garde présidentielle de RDC pour soutenir le président Bozizé à Bangui. Les autorités congolaises ont démenti cette information, affirmant que ces éléments étaient à Bangui "depuis 3 ans dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC)". La rébellion centrafricaine déclare aujourd'hui que ces renforts "ne font pas partie de la FOMAC" et ont même été aperçus ce matin "à 22 km de Bangui". La Séléka donne 48 heures aux troupes congolaises "pour se replier".
La polémique continue sur la présence de soldats congolais de la garde présidentielle à Bangui. Jeudi, les rebelles de la coalition Séléka affirmaient sur Afrikarabia, que "300 éléments de la garde présidentielle de République démocratique du Congo (RDC) ont été dépêchés à Bangui, mercredi 26 décembre, via Zongo". Les soldats congolais auraient été accueillis par un bataillon d'infanterie amphibie et installés au camp Beya, le quartier général de l'armée centrafricaine. Les rebelles demandaient alors à la garde présidentielle congolaise de "rester neutre, de ne pas rentrer dans le conflit" et de "protéger la population des exactions de Bozizé".
Vendredi, le gouvernement congolais a démenti cette information. "Les troupes congolaises sont à Bangui depuis près de trois ans dans le cadre de la Force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC)" a affirmé le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. La FOMAC compte en effet 500 hommes en Centrafrique, essentiellement pour sécuriser Bangui. Ces troupes sont composées de militaires venant du Tchad, du Gabon et de République démocratique du Congo (RDC).
Pour la coalition rebelle, il s'agit pourtant de renforts, envoyés mercredi par Kinshasa et non de troupes de la FOMAC, déjà présentes en Centrafrique. Les rebelles révèlent également que ses équipes de renseignements ont vu les éléments de la garde présidentielle congolaise, stationnés à 22 km de Bangui. La coalition demande donc à ces troupes congolaises de "se replier vers Bangui" et de "rester neutre dans le conflit". Les rebelles donnent 48 heures à la garde présidentielle de RDC "pour obtempérer", sinon "nous les attaquerons" affirme un porte-parole de la Séléka.
Sur le terrain militaire, la située est restée figée ce vendredi. Ce matin, les troupes gouvernementales ont affronté la rébellion à Sibut, dans l'espoir de reprendre Bambari, aux mains de la coalition. La rébellion affirme avoir repoussé l'attaque des FACA (Forces armées centrafricaines) et avoir fait 13 prisonniers. 8 pick-up ont également été récupérés par la rébellion. Plus loin, les rebelles affirment avoir stoppé leur avancée "à moins de 30 km de la capitale". Un porte-parole de la Séléka nous confiait cependant que ses hommes ne resteraient pas indéfiniment aux portes de Bangui "sans bouger". Un bref instant, une rumeur faisait état, à Bangui, de la fuite de François Bozizé à Kigali. Le Rwanda a aussitôt démenti l'information.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
16:30 Publié dans Centrafrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (1)
27 décembre 2012
RDC-RCA : La garde présidentielle congolaise à Bangui ?
La rébellion Séléka qui menace de renverser le régime du président François Bozizé en Centrafrique, affirme que la RDC aurait envoyé 300 soldats de la garde présidentielle à Bangui. La rébellion centrafricaine demande aux troupes congolaises de "ne pas rentrer dans le conflit". Ces troupes interviendraient dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC) et seraient stationnées au camp Beya de Bangui.
Le président Joseph Kabila va-t-il prêter main forte à François Bozizé, menacé par une rébellion en Centrafrique ? C'est ce que croit savoir la coalition Séléka qui a repris les armes depuis le 10 décembre et progresse dangereusement vers Bangui. La rébellion affirme à Afrikarabia que "300 éléments de la garde présidentielle de République démocratique du Congo (RDC) ont été dépêchés à Bangui, via Zongo". Les soldats congolais auraient été accueillis par un bataillon d'infanterie amphibie et installés au camp Beya, le quartier général de l'armée centrafricaine. Selon la Séléka, ces militaires interviendraient dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC) et pourraient être rejoints par d'autres pays, comme le Gabon. Les rebelles demandent aux troupes de la FOMAC de "rester neutre, de ne pas rentrer dans le conflit" et de "protéger la population des exactions de Bozizé".
A l'heure où les rebelles de la Séléka affirment se tenir "à moins de 30 km" de la capitale centrafricaine, l'envoi des troupes congolaises, si minces soient-elles, confirme l'isolement diplomatique du président Bozizé. Le Tchad, son plus fidèle allié, semble faire "le service minimum". Les troupes d'Idriss Déby, se sont prépositionnées dans le Nord et le Centre du pays, mais n'ont jamais constitué un obstacle pour l'avancée des rebelles. La coalition affirme "contourner" les forces tchadiennes, sans affrontement. La France et les Etats-unis, n'ont pas donné suite aux demandes d'assistance du président Bozizé, se contentant d'évacuer ou de protéger leurs ressortissants.
Côté congolais, rien n'a filtré sur la présence de troupes congolaises à Bangui. Deux questions restent pour le moment sans réponse : le parlement congolais est-il au courant de l'envoi de ces soldats ? et pourquoi le président Kabila dépêche-t-il des troupes en Centrafrique alors que sa propre armée peine à venir à bout des rebelles du M23 à l'Est de la RDC ?
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
MISE A JOUR Jeudi 27 décembre à 22h00 : Les troupes de la garde présidentielle de RDC ont été vues par les rebelles de la coalition Séléka aux environs de Liton, à 22 km de Bangui. La rébellion affirme que ces éléments n'intervenaient visiblement pas dans le cadre de la FOMAC comme nous le disons dans l'article ci-dessus.
14:46 Publié dans Centrafrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
23 décembre 2012
Centrafrique : Une compagnie rebelle à 85 km de Bangui
Les rebelles continuent leur progression vers la capitale centrafricaine. La coalition Séléka s'est emparée ce dimanche de Bambari, une des principales localités du pays. La rébellion a indiqué à Afrikarabia qu'une compagnie de leur mouvement serait à "seulement 85 km de Bangui". Selon eux, François Bozizé "ne peut plus tenir militairement".
Qui peut arrêter l'avancée des rebelles ? Depuis trois semaines, la coalition du Séléka, un mouvement regroupant 3 rébellions centrafricaines, fait route vers Bangui, avec la ferme intention de "faire appliquer pleinement" les accords de paix de 2007. Les rebelles accusent le président centrafricain, François Bozizé, de ne pas avoir respecté ses engagements.
Après une première percée au Nord du pays, les rebelles se sont emparés de la ville minière de Bria et samedi des villes d'Ippy et Ndassima, situées dans le centre. Dimanche, dans la matinée, l'importante localité de Bambari est tombée aux mains des rebelles, après d'intenses combats. La prise de Bambari est symbolique pour la coalition. Cette grosse localité de 50.000 habitants constituait une zone de garnison importante pour l'armée régulière (FACA).
La chute de Bambari intervient alors que François Bozizé, peu enclin aux négociations jusqu'à maintenant, s'estimait prêt à dialoguer à Libreville à condition que la coalition se retire de ses positions. Inacceptable pour la Séléka, qui dit continuer son avancée pour "contrer" les attaques de l'armée régulière. Ce dimanche, un porte-parole de la rébellion a indiqué à Afrikarabia, que son mouvement ne pouvait plus se rendre à Libreville pour négocier, depuis la condamnation des rebelles par le Gabon. La Séléka demande une délocalisation des négociations et souhaite un réel "dialogue inclusif" pour régler la crise.
Sur le plan militaire, les rebelles sont toujours à l'avantage malgré l'intervention des troupes tchadiennes, en renfort de l'armée gouvernementale. Un responsable de la Séléka a confié à Afrikarabia que les troupes tchadiennes n'avaient "toujours pas affronté la rébellion" et "ne bougeaient pas". Un signe, selon les rebelles, de l'hésitation d'Idriss Déby, à soutenir jusqu'au bout, son allié Bozizé... pour ne pas dire "un lâchage". La Séléka affirme également avoir récupéré "huit jeeps" aux FACA ce dimanche. Toujours, selon un porte-parole de la coalition, "une compagnie rebelle se trouverait dimanche soir à 85 km de Bangui" et nous adéclaré que "François Bozizé ne pouvait plus tenir militairement". Pour l'instant, les autorités centrafricaines n'ont pas réagi à la progression des rebelles vers Bangui.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
20:13 Publié dans Afrique, Centrafrique | Lien permanent | Commentaires (1)
19 décembre 2012
Centrafrique (RCA) : Les rebelles peuvent-ils renverser Bozizé ?
Les rebelles de la coalition Séléka menacent de renverser le président François Bozizé, en exigeant le respect des accords de paix signés en 2007. Après avoir fait tombé les villes de Ndélé, Bria et Kabo, les rebelles sont maintenant à 450 km de la capitale. La rébellion affirme être en mesure de prendre Bangui et demande au président tchadien, venu à la rescousse de François Bozizé, de "revenir à la raison" et de servir de médiateur. Afrikarabia a interviewé Jean-Paul Bagaza, porte-parole de la coalition en France.
- Afrikarabia : Quelles sont les revendications de votre coalition ?
- Jean-Paul Bagaza : Nous souhaitons simplement que le président Bozizé respecte les accords signés à Libreville en 2007. Il y avait deux points essentiels : le désarmement et l'insertion dans l'armée centrafricaine de tous les anciens belligérants. Nous souhaitons maintenant insérer dans cette négociation de nouveaux éléments, comme l'instauration de la démocratie, le respect des droits de l'homme ainsi que le respect de notre constitution. Le président Bozizé a l'intention de modifier la constitution afin de pouvoir se représenter en 2016.
- Afrikarabia : Est-ce que vous demandez le départ de François Bozizé du pouvoir ?
- Jean-Paul Bagaza : Pour le moment nous ne demandons pas son départ. Ce n'est pas l'objectif de la rébellion. L'objectif de notre rébellion est le respect des accords de 2007. Il y a un mois, le président Idriss Déby du Tchad avait lui-même appelé François Bozizé à rassembler toutes les forces politiques du pays, mais il n'en a rien fait. Au lieu de tenir ses engagements, le président Bozizé a simplement procédé au débauchage de certains leaders rebelles. Il les a payé en oubliant les troupes… Et ce que nous vivons aujourd'hui, ce sont les conséquences de cette non-application des accords de 2007. François Bozizé ne tient pas parole.
- Afrikarabia : Le président Bozizé a demandé l'aide militaire du Tchad. Pour quelles raisons ?
- Jean-Paul Bagaza : Le président Idriss Déby a été mal informé par le président Bozizé. François Bozizé lui a menti en expliquant que la rébellion, qui sévit en Centrafrique, est une rébellion "de la France" et "de François Hollande". Bozizé a dit à Déby que la France voulait le renverser et que le régime tchadien serait ensuite le prochain sur la liste à tomber. C'est ce qui a précipité la décision d'Idriss Déby à dépêcher une centaine de chars afin de nous empêcher d'avancer vers Bangui. Nous avons donc demandé au président Déby de revenir à la raison et nous l'avons même sollicité pour devenir médiateur dans cette affaire. Nous lui avons expliqué que la France ne nous soutient pas et que nous sommes une rébellion interne à la Centrafrique. Comme en 2010, Bozizé essaie de sauver son régime avec une intervention tchadienne, mais aujourd'hui, la donne a changé.
- Afrikarabia : La population soutient-elle votre rébellion ?
- Jean-Paul Bagaza : La population centrafricaine ne veut plus de Bozizé. C'est quelqu'un qui ne voit que son intérêt personnel et celui de son camp. Aujourd'hui, notre rébellion est soutenue par la population centrafricaine.
- Afrikarabia : A combien de kilomètres de la capitale se trouve votre rébellion et quelles sont vos chances d'arriver jusqu'à Bangui ?
- Jean-Paul Bagaza : Nos hommes sont à environ 450 km de Bangui. Mais à l'heure où je vous parle (20h mercredi 19 décembre, ndlr), nos hommes ont déjà infiltré la capitale. Il y a eu des tirs d'armes automatiques au niveau de l'aéroport. Il faut bien constater que l'armée centrafricaine (FACA, ndlr) n'existe pas. Il faut savoir aussi que depuis 2003, ce sont les forces tchadiennes qui constituent la garde rapprochée du président Bozizé.
- Afrikarabia : Est-ce que selon vous, François Bozizé contrôle toujours la situation dans la capitale ?
- Jean-Paul Bagaza : Bozizé n'a plus le contrôle de la capitale. Son propre chef d'Etat major a fui. Bozizé avait fait ses valises et voulait se réfugier à Ndjamena, avant l'intervention de l'armée tchadienne. A Bangui, c'est la panique totale. Tout le monde sait que Bozizé va tomber. Même les FACA disent qu'ils ne mourront pas pour quelqu'un qui ne tient pas compte de leur situation sociale. Certaines villes sont tombées sans résistance. Pour preuve, la rébellion n'a perdu aucun homme sur le terrain. Côté gouvernemental, il y a eu 14 morts et nous avons fait une centaine de prisonniers.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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