09 juin 2013
RDC : Les exactions continuent contre les Congolais expulsés d'Angola
Depuis plusieurs années, l'Angola procède à des expulsions massives de Congolais installés illégalement sur son territoire. En trois semaines, 52.231 Congolais ont traversé la frontière à Kamonia en RDC. Des expulsions souvent violentes, que dénoncent Médecins du Monde, seule ONG présente sur place et l'ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.
L'Angola accentue la pression sur les Congolais en situation irrégulière. En avril, les autorités angolaises leur ont lancé un ultimatum pour quitter le territoire. Mais selon Médecins du Monde (MDM), présent à la frontière, ces "retours", volontaires ou non, se déroulent dans des conditions difficiles. 52.231 personnes ont en effet quitté l'Angola en seulement trois semaines. "Un afflux massif de réfugiés" qui s'effectue souvent dans la violence, selon l'ONG internationale. C'est désormais un scénario connu pour chaque expulsion massive : dépossessions de biens, fouilles poussées, arrestations arbitraires, violences sexuelles… Au banc des accusés : les forces de sécurité angolaises. Médecins du Monde demande d'ailleurs à l'Angola "de respecter ses engagements internationaux, à la communauté internationale de se pencher sur ces violences et aux acteurs humanitaires de se mobiliser".
L'eldorado angolais se termine souvent mal pour les Congolais qui tente l'aventure de l'autre côté de la frontière. Ils sont en effet nombreux à venir chercher "un avenir meilleur en allant travailler dans le secteur minier", explique Médecins du Monde (MDM). "Leur quête se termine souvent par leur exploitation, la violence et la peur. Des milliers d’entre eux sont arrêtés pour être déportés et atterrir dans les cachots situés à la frontière angolaise. Là, ils sont souvent violentés, avant d’être expulsés vers la RDC", s'inquiète l'ONG. Et la situation humanitaire devient critique à la frontière. "D’avril à mai, le nombre de patients a triplé dans nos centres de santé, deux-tiers sont des expulsés", explique Félicité Remadji, responsable du programme de MDM. "et nous avons besoin de renforcer nos capacités".
L'ACAT-France, l'Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, qui suit le dossier congolais, est également préoccupée par la recrudescence des violences chez les expulsés. L'ACAT relaie l'inquiétude de la coordination civile du territoire de Kasongo-Lunda qui affirme que sur 5.000 congolais expulsés, entre le 8 et le 16 mai 2013, "107 femmes et jeunes filles ont été victimes de violences sexuelles". Selon l'hôpital de Kapanga, 48 femmes violées se sont également présentées pour obtenir des soins depuis mai 2013. L'ACAT-France s'étonne de la persistance des exactions à l'encontre des expulsés congolais, alors que "les autorités angolaises s'étaient au contraire engagées auprès des instances des Nations-unies à améliorer les conditions d'expulsion des ressortissants congolais et à enquêter sur les allégations de violences". Ces événements interviennent dans un contexte particulier. Le Conseil des droits de l'homme des Nations-unies examinera prochainement lors de sa 23ième session", le dossier angolais. L'ACAT-France a par ailleurs tenu à alerter Catherine Ashton, la Haute représentante de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères, sur la situation des expulsés congolais.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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07 juin 2013
RDC : Le retour stratégique de Malu-Malu à la CENI
L'Abbé Apollinaire Malu-Malu revient aux affaires. Après avoir présidé l'ancienne CEI entre 2003 et 2011, l'ecclésiaste prend la tête de la nouvelle Commission électorale nationale et indépendante (CENI). En ligne de mire, la réforme d'une institution controversée, l'organisation des élections locales et la présidentielle de 2016 où l'on prête au président Joseph Kabila le souhait de se représenter.
Contre la volonté de l'église congolaise (CENCO)… et du Vatican, l'Abbé Malu-Malu rempile à la présidence de la Commission électorale (CENI). Une fonction qu'il connaît bien pour avoir organisé les premières élections "démocratiques" de 2006 à la tête de la défunte CEI. Qualifié "d'expert" par le clan gouvernemental pour avoir réussi la transition du "1+4" ainsi que le processus électoral de 2006, Apollinaire Malu-Malu revient avec plusieurs missions aux commandes d'une institution clé de la République démocratique du Congo. Fin 2007, il a également été chargé des travaux préparatoires de la Conférence de Goma en vue d'une issue à la guerre du Kivu. Une expérience intéressante pour Joseph Kabila, alors que la guerre a repris à l'Est entre les rebelles du M23 et le gouvernement.
Depuis le départ d'Apollinaire Malu-Malu de la CEI, en 2011, et la nomination du sulfureux Daniel Ngoy Mulunda, la Commission électorale n'a cessé d'être sous le feu des critiques. Du fichier électoral douteux, en passant par l'enrôlement chaotique des électeurs jusqu'au scrutin calamiteux de novembre 2011, la CENI a été tenue pour responsable des nombreux dysfonctionnements, irrégularités et soupçons de fraudes qui ont pesé sur la dernière présidentielle et législative de 2011. La Commission électorale a surtout souffert d'un manque cruel d'indépendance. L'opposition a accusé l'institution d'être au ordre du président Joseph Kabila et surtout de ne pas être en mesure d'organiser un scrutin impartial correspondant aux normes internationales. Au centre de la polémique : Daniel Ngoy Mulunda réputé très proche du chef de l'Etat. Il fallait donc changer la tête.
Les chantiers de la nouvelle CENI sont colossaux. Le fichier électoral est à revoir et les élections locales, sans cesse reportées, devront bien avoir lieu… un jour. Mais l'opposition prête au nouveau président une autre mission plus officieuse : préparer la prochaine présidentielle de 2016. Normalement le président Joseph Kabila ne devrait pas se représenter après 2 mandats, comme l'exige la Constitution. Mais à Kinshasa, de mauvaises langues affirment que le chef de l'Etat pourrait être tenté par un troisième mandat, après un "toilettage" constitutionnel comme ce fut déjà le cas début 2011 pour faire passer l'élection présidentielle de 2 tours à 1 seul tour… à quelques mois seulement du scrutin. L'ouverture prochaine d'un possible "dialogue national inter-congolais" pourrait d'ailleurs préparer le terrain au clan présidentiel pour trouver de nouveaux alliés pour 2016. La désignation de l'Abbé Malu-Malu à la présidence de la CENI constitue donc une nomination hautement stratégique… une question de survie politique pour le président Kabila.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Composition de la nouvelle CENI : Président: Abbé Apollinaire Malumalu, V/Prés.: André Mpungwe, Rapp.: Jean-Pierre Kalamba, Rapp/adjt.: Onésime Kukatula, Questeur: Chantal Ngoyi Quest/adjt.: Micheline Bie Bongenge, Membres: Keta Lokondjo, Bangala basila, Elodie Tamuzinda, Gustave Omba, Jean Baptiste Ndundu, ;aputu Ngombo, Augustin Ngangwele.
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06 juin 2013
RDC : Une Brigade "offensive"... mais pas trop
La Brigade d'intervention attaquera-t-elle le M23 ? Non "si les rebelles reprennent les négociations à Kampala", affirme le porte-parole de la Monusco, Penangini Touré. Hasard ou coïncidence, le M23 vient d'annoncer hier, le retour de sa délégation aux pourparlers de paix pour le dimanche 9 juin.
On pensait la nouvelle Brigade d'intervention de l'ONU prête à en découdre avec les groupes armés qui sévissent à l'Est de la République démocratique du Congo, mais un communiqué de la Monusco tempère les ardeurs guerrières de cette nouvelle Brigade. Selon Penangini Touré, porte- parole civile de la Mission de l'ONU pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO), "si les rebelles du M23 retournent effectivement à Kampala pour continuer les négociations, la Brigade d'intervention de l'ONU n'ira pas les attaquer là où ils sont". Une dépêche de l'agence de presse chinoise Xinha, rapporte même ces propos étonnants : "s'ils restent cantonnés là où ils se trouvent et ne dérangent personne, je ne vois pas pourquoi la Brigade d'intervention ou la force de la Monusco chercherait à les déloger". En clair, si les groupes armés restent sur leur zone, sans s'en prendre à la population civile, la Brigade n'aura aucune action offensive. L'arrivée de cette Brigade "gèlerait" donc la situation sécuritaire en l'état... sans chercher à "imposer la paix", comme le déclarait le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, lors de sa visite à Goma.
Opportunément, les rebelles du M23 ont annoncé quasiment au même moment, le retour de leur délégation aux négociations de paix de Kampala avec le gouvernement congolais. Une reprise des pourparlers qui empêcherait donc toute action armée de la fameuse Brigade, si 'on en croit Penangini Touré. Une déclaration qui peut étonner au moment où l'ONU annonce qu'un tiers de la Brigade est déjà positionné à Goma. Au total, elle comptera un peu plus de 3.000 soldats, venant d'Afrique du Sud, du Malawi et de Tanzanie. Certains casques bleus patrouillent déjà dans Goma avec des membres de la Monusco, pour reconnaître le terrain.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud
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05 juin 2013
RDC : Une leader femme pygmée ministre au Sud-Kivu
Remaniement au sein du gouvernement provincial du Sud-Kivu. Le gouverneur Marcellin Chisambo, vient de nommer 3 nouveaux ministres. Au poste de l'environnement et de l'agriculture vient d'être nommée Adolphine Byaywuwa Muley. A 42 ans, cette activiste engagée dirige depuis 13 ans une organisation pour l’émancipation des femmes pygmées et twa (UEFA) au Sud-Kivu. Kris Berwouts, analyste indépendant sur la région des Grands Lacs nous en dresse le portrait.
Le 5 juin 2013, le gouverneur, Marcellin Chisambo, a annoncé un remaniement du gouvernement de la province congolaise du Sud-Kivu. Il y a un peu plus d'un mois, trois ministres avaient perdu la confiance de l’Assemblée provinciale. Un des nouveaux ministres est Adolphine Byaywuwa Muley, 42 ans. Le gouverneur lui a confié le ministère de l’environnement et de l'agriculture. Adolphine Muley dirige depuis 2000 une organisation locale pour l’émancipation des femmes pygmées et twa : l’Union pour l’émancipation de la femme autochtone (UEFA). Particularité d'Adolphine Muley : elle est née à Bunyakiri, dans le nord de la province, et est originaire d’une famille dont les racines se trouvent partiellement dans la communauté twa.
Défendre les forêts congolaises
UEFA travaillait initialement dans les domaines humanitaires et dans le développement mais ’association a rapidement démarré des activités de plaidoyer. D’abord dans le cadre de la lutte contre des violences faites aux femmes, et plus tard aussi sur la problématique d’une exploitation équilibrée et transparente des forêts congolaises. La forêt joue un rôle décisif dans la survie quotidienne et dans le maintien de la culture pygmée.
En tant que secrétaire-générale d’UEFA, Adolphine Muley a occupé plusieurs mandats dans des plates-formes nationales d’organisations pygmées en RDC et dans des forums de consultations entre le gouvernement et la société civile sur les thèmes de l’environnement, des problématiques forestières et du climat. Au niveau international, elle a participé à des nombreuses rencontres des peuples autochtones aux quatre coins du globe. Ces dernières années, elle est également devenu de plus en plus active dans le plaidoyer international sur le changement climatique.
Le choix de la politique
En 2006, elle a décidé d’entrer dans l’arène politique. Elle a participé aux élections provinciales comme candidate indépendante. Malgré son score élevé (plus de 9.000 voix), elle n’était pas élu. Le système électoral favorisait essentiellement les candidats qui se présentaient sur les listes des partis politiques. Il était donc très difficile pour un candidat indépendant de se faire élire.
Pour augmenter ses possibilités à se faire entendre dans le débat politique, elle a décidé en 2009 de se préparer pour le scrutin de 2011 comme membre d’une famille politique. Après consultation avec la communauté de Bunyakiri et ses chefs coutumiers, elle a décidé de joindre le parti du président Joseph Kabila, le PPRD. Elle s’est présentée comme candidate aux élections chaotiques et contestées de novembre 2011, mais elle n’a pas été élue. Elle est aujourd'hui récompensée pour
son expertise et son engagement avec ces responsabilités ministérielles au Sud-Kivu
"Démocratie d’en bas"
Depuis plusieurs années, les organisations de la société civile congolaise plaident pour la consolidation de qu'elle appelle "la démocratie d’en bas", à travers la décentralisation et l’organisation des élections locales. Les élections locales, prévues dans le calendrier électorale de 2006, n’ont jamais été organisées, ce qui a réduit l’architecture institutionnelle de la démocratie au Congo à une infrastructure avec un toit.. mais sans mur. Ce qui, comme chaque architecte le confirmera, n’est pas une construction solide. Seules des élections libres et transparentes au niveau local peuvent fournir ces murs. La gouvernance participative peut restaurer la crédibilité de l’Etat et contribuer à un renouvèlement du paysage politique s’il s’agit d’un processus mené "du bas vers le haut".
Il est difficile de prédire de quelle espace Adolphine Muley bénéficiera pour établir sa propre politique et réaliser son propre impact. Coopter des militants de la base dans le gouvernement en soi ne réalise pas le rêve de la "démocratie d’en bas". Au point où nous sommes, c'est sans doute un bon début. Mais seulement si des élections locales crédibles suivront comme prévues.
Kris BERWOUTS
Kris Berwouts est analyste et spécialiste de la région des Grands Lacs. Il a travaillé pendant 25 ans pour des ONG belges et internationales œuvrant sur la construction de la paix, la réconciliation, la sécurité et les processus démocratiques. Jusqu’en 2012, il était directeur du réseau des ONG européennes pour le plaidoyer sur l’Afrique centrale, EurAc. Depuis un an, il travaille comme expert indépendant sur cette même région.
Photo © DR
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03 juin 2013
RDC : Une agence d'information contre la "désinformation"
La presse est-elle partiale dans le conflit qui oppose les rebelles du M23 au gouvernement congolais dans l'Est de la RDC ? Oui, selon Michel Sitbon qui vient de créer à Paris l'"Agence d'information" (AI), une agence de presse destinée à lutter contre "les fausses informations" qui circulent sur la guerre du Kivu.
Dans le conflit des Kivus, "la presse ne remplie pas ses fonctions". C'est le sentiment de Michel Sitbon, éditeur et auteur, notamment, de "Rwanda, 6 avril 1994, un attentat français ?". "Les problèmes de cette région sont souvent complexes et parfois mal expliqués", explique-t-il. Avec le journaliste spécialisé Luigi Elongui, Michel Sitbon a donc décidé de créer une agence de presse pour lutter contre ce qu'il considère comme de la désinformation.
Au point de départ de cette initiative : la création par les Nations-unies d'une Brigade d'intervention spéciale, avec un mandat offensif, pour lutter contre les groupes armés en RDC. Une résolution "historique", selon Michel Sitbon, dont les médias internationaux n'ont visiblement pas mesuré les conséquences. "La résolution 2098 créée un précédent unique dans l'histoire : l'ONU instaure désormais une sorte de gouvernement mondial en pouvant intervenir militairement n'importe où dans le monde", dénonce-t-il. Autre anomalie pour Michel Sitbon : "seul le M23 est nommément cité dans la résolution, alors qu'il y a une quarantaine de groupes armés à l'Est du Congo".
Le M23 est-il maltraité par les média occidentaux ? C'est en creux la seconde question que semble poser Michel Sitbon. Il y répond également par l'affirmative. Selon lui, on assiste à la "technique de l'accusation en miroir". "A chaque accusation de viols attribuée à l'armée régulière congolaise (FARDC)", explique-t-il, "on accuse immédiatement le M23 des mêmes crimes... en en rajoutant même un peu plus !". Autre exemple : le bombardement du camp de réfugiés de Mugunga, le 21 mai dernier. Rapidement, une journaliste allemande, Simone Schlindswein du Tageszeitung, relaie les propos d'un casque bleu qui lui explique que le tirs viennent des positions du M23. L'information fait le tour du monde. Pour Michel Sitbon, il s'agit de désinformation pure : "le M23 n'avait d'abord aucune raison de bombarder ce camp et en plus, les positions des rebelles se trouvaient à 50 km du camp... hors de portée des canons du M23". "Le pire", dénonce Michel Sitbon, "c'est que cette information a été reprise et validée par la Monusco". Ecoutez ses explications :
La mission de l'"Agence d'information" (AI), le nom de cette nouvelle structure sera de vérifier les informations en provenance de l'Est de la RDC en faisant du fact checking. Mais aussi en produisant des dépêches à destination des journalistes spécialisés. Autre fonction de l'Agence : reprendre les nombreux rapports internationaux (ONG, ONU... ) sur la région et y dénoncer "les informations mensongères". L'Agence sera basée à Paris, avec un correspondant dans la région des Grands Lacs à la mi-juillet (date de l'entrée en fonction opérationnelle de la Brigade) et un autre à New-York auprès des Nations-unies.
On l'aura compris, l'"Agence d'information" affiche clairement ses positions : contre l'intervention de la Brigade de l'ONU, contre la désignation du seul M23 et du Rwanda comme responsables de la guerre aux Kivus. Luigi Elongui assume pleinement l'engagement de l'Agence. "On n'y échappera pas, mais nous ferons un travail sérieux et professionnel", conclut-il. Nous suivrons avec attention les premiers pas de cette agence, espérant que cette structure ne tombe pas dans la dénonciation systématique et partisane, qui domine allègrement sur internet dans le conflit dans les Kivus et ne rajoute pas de la désinformation à la désinformation... ce serait un comble.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
MISE AU POINT : Après la publication de cet article nous avons reçu plusieurs précisions concernant le bombardement du camp de Mugunga. Tout d'abord venant de la journaliste Mélanie Gouby qui travaille depuis longtemps à Goma pour Reuters, AFP, AP ou Le Figaro. Mélanie Gouby note que les positions du M23 ne se trouvaient pas à 50 km du camp comme l'affirme Michel Sitbon, mais "à moins de 15 km" et donc "parfaitement atteignables avec le genre d'armes que possèdent les rebelles". Et de préciser : "Ndosho et Mugunga se trouvent juste derrière les positions des FARDC. Bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé". La journaliste affirme ensuite avoir vérifié l'information auprès du M23. Avant de conclure que "l'information ne se vérifie pas de Paris, mais sur place". Un autre internaute travaillant dans les camps de déplacés de Goma, nous a également fait part de ses doutes sur la version de Michel Sitbon. Selon lui, "les positions du M23 se trouvent à Kibati et Buvira", soit à 10 km des camps. Ce témoin confirme que "le M23 a répondu aux tirs des FARDC qui tiraient de derriere les camps vers la ligne de front". Dont acte.
Michel Sitbon nous a également adressé ce commentaire. Voici son texte : "Je découvre ces commentaires et dois d'abord m'excuser auprès des correspondantes sur place, Mélanie Gouby qui aura pris la peine de s'adresser à moi par l'entremise de ce site, et Simone Schlindwein, à qui j'avais pu faire allusion sans la nommer, puisqu'elle était, ainsi que c'est confirmé là, avec Mélanie Gouby donc, à la source de cette information diffusée mondialement suivant laquelle le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».
Rappelons que cette information s'est inscrite dans une séquence de temps où l'information précédente était qu’après six mois de trêve, les forces génocidaires (FDLR) et l'armée congolaise (FARDC) se confrontaient au M23, dans une bataille qui aura duré trois jours. Le fait que le M23, principale cible désignée de l’opération onusienne qui s’engage, soit attaqué, pour commencer, par un adversaire aussi clairement identifié comme criminel que les FDLR aurait mérité d’être relevé.
L’appui massif de l’armée « loyaliste » congolaise, dont ces FDLR bénéficient, pose également problème. On sait aussi que nombre de ces génocidaires se sont incorporés depuis longtemps dans les FARDC qui se trouvaient là, naturellement pourrait-on dire, en soutien des FDLR, leur parti. Or, ces FARDC bénéficient aussi du soutien de l’ONU, et la nouvelle brigade d’intervention entend bien agir en appui des FARDC, l’armée officielle de l’Etat congolais.
C’est au milieu de cette bataille, alors que ces divers sujets de préoccupation étaient escamotés, qu’on apprendra que le M23 « bombardait des camps de réfugiés ».
Cette information ne pouvait que surprendre tant ce n’est certainement pas l’objet du M23 que de bombarder des camps de réfugiés, une population, pour l’essentiel rwandophone, dont il se sent plutôt solidaire. Remercions Mélanie Gouby de reconnaître elle-même ici que « bien que ni Ndosho, ni Mugunga ne soient la cible des rebelles, ces zones ne sont pas à l'abris d'un tir mal calculé ».
Simone Schlindwein aussi confirme dans un tweet que si ces tirs provenaient du M23 cela serait « accidentellement » qu'ils auraient atteint les camps de réfugiés faisant un mort et seize blessés. Elle précise que le caractère accidentel de tels tirs est confirmé par l'ONU.
Entretemps était diffusée l'information suivant laquelle ces tirs ne pouvaient être attribués au M23, son artillerie se trouvant à 50km de là, et n'aurait d'aucune façon pu atteindre Goma ou le camp de réfugiés de Mugunga. Mélanie Gouby objecte ici que rien n’interdit que de tels tirs soient partis des lignes avancées du M23 à « moins de quinze kilomètres » de Goma.
On sait toutefois que l'hypothèse a été avancée que de tels tirs aient pu être effectués à partir d'hélicoptères des FARDC. En effet, tout le monde convient que cela ne correspondait pas à ce qu'on sait de l'action du M23, et que donc, même s'il en était à l'origine cela ne pourrait avoir été intentionnel. Les officiers de la Monusco qui imputent ces tirs au M23 confirment d'ailleurs que celui-ci ne visait pas les civils « délibérément ».
Sans être dans un salon, mais à distance en effet, on pourrait s'accorder sur le caractère crédible de cette assertion apparemment non partisane, puisqu’elle dédouane le M23 de toute intention criminelle. La question se pose néanmoins de savoir si la Monusco ne préfère pas attribuer ces tirs à une erreur du M23 – un tir intentionnel étant manifestement invraisemblable – plutôt qu'aux FARDC auxquelles elle est associée.
Nous n'avions évoqué cette question lors de la de présentation de notre agence d'information qu’en tant qu’exemple de comment l'information mondiale peut être biaisée dès lors qu'il est question du M23. Ainsi, nous aurons bien reçu le message que le M23 « bombardait les camps de réfugiés », répercuté par toutes les agences de presse et l'ensemble des médias qui l'auront repris. Or, tout le monde convient qu'au pire il se serait agi d'un « tir mal calculé », selon la formule de Mélanie Gouby.
A l'heure où l'ONU mobilise pour la première fois de son histoire une force militaire offensive dirigée explicitement contre ce M23, il serait bon que les informations le concernant gagnent en précision, et qu'on en finisse avec la propagande qui coule à robinet ouvert depuis des mois. On aimerait que les correspondants sur place, par exemple, ne diffusent pas des informations de façon systématiquement orientée, tendant à diaboliser le M23 au-delà de toute mesure.
Quant au rectificatif aussitôt publié par Christophe Rigaud d’Afrikarabia, il est à craindre qu’il ajoute à la confusion. D’une part, quoiqu’il en soit des faits, on ne peut que s’accorder à dénoncer l’affirmation reprise par l’ensemble des média, suivant laquelle le M23 « bombardait » aussi bien la ville de Goma qu’un camp de réfugiés, puisque toutes les sources de cette information admettent elles-mêmes que loin de l’action agressive que constitue un « bombardement », il se serait agi, selon elles, d’erreurs de tir.
Aussi superficielle qu’ait pu être notre intervention, elle était donc, en tout état de cause, largement fondée à critiquer un effet de diabolisation du M23, alors même que celui-ci était aux prises avec les forces génocidaires, un fait autrement plus signifiant qu’une « erreur de tir ».
De telles distorsions de l’information sont particulièrement pernicieuses au moment où se constitue une brigade offensive de l’ONU chargée d’intervenir sur le terrain a priori pour désarmer des « forces négatives ». Encore faudrait-il que celles-ci soient correctement identifiées.
Quant à l’affirmation de Mélanie Gouby selon laquelle le M23 aurait reconnu avoir commis ces tirs, on aimerait bien en connaître la source, car il se trouve qu’au contraire celui-ci l’a constamment démenti.
Cette polémique aura eu au moins la vertu de nous inciter à en savoir plus, et, de ce que l’on peut savoir des faits, il semblerait que nous ne nous soyons en fait pas tant égarés.
Selon nos sources sur le terrain, les troupes du M23 qui se sont battues à Mutaho et à Kibati contre les FARDC ne disposaient pas du genre de roquettes qui sont tombées à proximité du camp de Mugunga, qui se trouve à une douzaine de kilomètres du théâtre des affrontements. Ces armes se trouvaient dans le camp militaire du M23 de Rumangabo, situé, lui, à 50 kilomètres de Mugunga.
Les soldats du M23 qui ont été attaqués le 20 mai à Mutaho par les FDLR, puis par les FARDC, n'avaient aucune raison de se promener avec des armes de ce calibre en période de trêve de facto.
Par contre, les hélicoptères M25 des FARDC, qui ont essayé de contourner les positions du M23, se sont pour cela trouvés en face de Mugunga et auraient pu atteindre le camp.
Quant à Mélanie Gouby, si nous acceptons volontiers sa recommandation de prudence, qu’elle nous permette de lui en suggérer autant. Unique correspondante de la presse parisienne sur place, elle n’est pas pour rien dans le flux d’informations déversées depuis des mois au sujet du M23. Ce travail sera parvenu à provoquer rien de moins que l’engagement d’un certain nombre de personnalités, en tête desquelles Jacques Chirac et Valérie Trierwieler, dans une pétition dont les énoncés à l’emporte-pièce n’honoraient certes pas ses signataires.
C’est d’ailleurs ce qui aura suscité notre engagement personnel dans ce dossier : que d’aussi éminentes figures puissent ainsi s’égarer à dire n’importe quoi nous aura semblé particulièrement alarmant.
On peut même relever que c’est dans le mouvement de cette pétition, qui se plaignait de l’inefficacité des forces onusiennes, qu’aura été prise la résolution 2098, décidant de la création d’une brigade offensive pour la première fois dans l’histoire de cette organisation internationale.
C’est précisément pour éviter qu’un tel engagement se fasse en dépit du bon sens que nous aurons constitué l’Agence d’information, du fait du déficit d’informations sérieuses sur ce conflit, tel que même les habitants de la région sont souvent aussi désorientés que peuvent l’être les personnalités pétitionnaires ou le Conseil de sécurité lui-même".
Photo : Michel Sitbon et Luigi Elongui à Paris le 31 mai 2013 © Ch. Rigaud
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