16 juin 2013
RDC : L'accord ou la guerre
La reprise du conflit est-elle inévitable entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise à l'Est de la RDC ? Les négociations de paix de Kampala devraient reprendre ce mardi sans réel espoir de compromis. Alors que le M23 cherche à affirmer ses revendications politiques, le gouvernement souhaite en éviter le piège et compte sur l'entrée en action de la brigade d'intervention de l'ONU pour clôturer les pourparlers.
Peut-on encore attendre un dernier miracle des négociations de Kampala entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais ? Après 7 mois de discussions stériles sans avancée aucune, on en doute. Pourtant la donne a changé dans les Kivus depuis l'annonce de l'arrivée de la brigade d'intervention de l'ONU, chargée de "neutraliser et désarmer les groupes armés", avec un mandat plus "offensif". Dans cette perspective, les rebelles du M23 ont changé leur fusil d'épaule. Après un coup de pression militaire avant la venue de Ban Ki-moon à Goma (que le M23 attribue aux FARDC et aux FDLR) la rébellion joue désormais l'apaisement et la carte politique. Objectif des rebelles : démontrer leur bonne volonté de voir se régler le conflit pacifiquement alors que la communauté internationale est prête à montrer ses muscles dans la région. Le M23, n'a en effet intérêt, ni à la confrontation armée, ni à être désigné comme le seul fauteur de trouble dans l'Est de la RDC.
Devant la volonté "offensive" de l'ONU d'"imposer la paix", le M23 a décidé de reprendre l'offensive diplomatique en retournant aux pourparlers de Kampala avec le gouvernement congolais le 9 juin dernier. Un retour stratégique, validé par cette étonnante déclaration de la Monusco qui affirmait que "si les rebelles du M23 retournaient effectivement à Kampala pour continuer les négociations, la brigade d'intervention de l'ONU n'irait pas les attaquer là où ils sont". Une bonne nouvelle pour le M23 qui reste à l'abri de la brigade tant que les négociations sont en cours.
"Des progrès au niveau politique"
Le retour des revendications politiques du M23 se trouve validé par la récente déclaration de Mary Robinson, l'envoyée spéciale et l'ONU dans la région, qui affirme que la fameuse brigade sera "une force de dissuasion" (et non plus "offensive" ?) et souhaite "que l’on fasse plutôt des progrès au niveau politique". Le M23 avait déjà cherché par le passé à élargir ses revendications, qui n'étaient, dans un premier temps que catégorielles (intégration des rebelles au sein de l'armée, respect des grades… ). La rébellion avait alors affiché des revendications plus générales, destinées à séduire l'opposition congolaise : annulation des élections contestées de 2011, remise en cause des institutions, bonne gouvernance... sans succès auprès d'une opposition divisée et hostile aux rébellions venus de l'Est.
Le M23 parle maintenant d'une seule voix
Après son retour annoncé aux négociations de Kampala, le M23 a continué de jouer la carte politique. Sur internet, on évoque "la mue du M23 en parti politique" et la volonté d'évoquer de nouveaux les problèmes de bonne gouvernance du président Joseph Kabila. Dans ce sens, les sorties tonitruantes de Roger Lumbala, un soutien politique du M23, se font de plus en plus fréquentes. Lumbala affiche clairement sa volonté de "chasser Joseph Kabila du pouvoir", car "il n'a jamais été élu". Enfin, au sein même du M23, la ligne politique est plus cohérente. Depuis l'implosion du mouvement en mars 2013, la victoire de Makenga et la défaite de Ntaganda et Runiga, la rébellion semble désormais parler d'une seule voix. Avec l'arrivée de Bertrand Bisimwa à la tête de M23, la cohérence paraît totale entre le militaire et le politique. Jusque là, le M23 était séparé en deux clans : les pro-Ntangada et les pro-Nkunda, l'ancien patron du CNDP, ancêtre du M23. Désormais, seuls les pro-Nkunda sont aux manettes de la rébellion : Sultani Makenga, est l'ancien bras droit militaire de Nkunda et Bertrand Bisimwa, l'ancien porte-parole du CNDP.
Joseph Kabila compte sur la brigade
En allant sur le terrain de la politique intérieure congolaise, le M23 tente de brouiller les pistes et de placer le gouvernement devant ses responsabilités. Autant sur le terrain militaire, Kinshasa, n'a pas vraiment son mot à dire au vu de l'inefficacité de l'armée congolaise, autant sur le terrain politique, le gouvernement serait en mesure de faire quelques concessions. Pour ne pas tomber dans le piège des revendications politiques du M23, le président Joseph Kabila s'accroche à l'arrivée de la brigade de l'ONU annoncée pour mi-juillet. Une défaite militaire de la rébellion sonnerait la fin des ennuis pour le chef de l'Etat et lui éviterait toute remise en cause de sa légitimité. Si le M23 résiste à la brigade, Joseph Kabila peut aussi compte sur la mise en place prochaine du "dialogue national inter-congolais". Objectif : se renforcer politiquement, faire de nouvelles alliances et contre-balancer la pression du M23. Joseph Kabila espère créer autour de lui l'union nationale capable d'isoler le M23. Seule condition : que l'opposition accepte de créer l'union sacrée autour du président congolais… ce qui est peu probable.
"Je ne vois pas comment le M23 peut réintégrer l'armée congolaise"
En attendant, le M23 affiche un certain optimisme. Selon Stanislas Baleke, l'un des responsables politiques de la rébellion, "un accord est possible à Kampala, seulement si le gouvernement de Kinshasa est un peu plus responsable". "Le gouvernement doit nous écouter nos revendications légitimes, comme cela a été demandé par les chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la région de Grands lacs (CIRGL)", explique ce membre du M23. Mais pour le moment, le facilitateur ougandais a proposer un texte qui ne semble pas répondre aux exigences de la rébellion. "Ce texte nous demande de mettre à disposition nos troupes et de nous cantonner", note Stanislas Baleke, "et je ne vois pas comment le M23 peut réintégrer l'armée congolaise (FARDC), qui travaille sur le terrain avec les FDLR, qui sont des forces négatives, c'est impossible". Sur le plan militaire, ce responsable politique du M23 estime que les attaques des FARDC de fin mai ne sont qu'un trompe l'oeil. "Ces attaques sont présentées par Kinshasa comme des victoires, mais c'est le M23 qui a gagné en reprenant 3 positions aux FARDC, notamment Mutaho et une partie de Muja".
Clôturer Kampala
Côté gouvernemental, on attend avec impatience l'agenda de la suite des travaux. Le porte-parole, Lambert Mende, campe sur ses positions et souhaite avant tout que le M23 dépose les armes. Sur les revendications politiques du mouvement, il estime que ces points ont déjà été discutés lors du précédent dialogue et que c'est une tactique "pour gagner du temps". Pour François Muamba, le coordonnateur du mécanisme de suivi de l’accord d’Addis-Abeba, "il ne s’agit pas de retourner à Kampala pour faire des discussions interminables. Il serait bon que la médiation nous propose une bonne formule pour clôturer cette affaire". La ligne est donc claire pour Kinshasa : clore les discussions... au plus vite.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo © centre des négociations de Kampala
23:47 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
13 juin 2013
RDC : Des militaires impliqués dans le commerce de minerais
Global Witness révèle dans un récent rapport l'implication de militaires de haut rang dans le commerce de minerais dans l'Est de la République démocratique du Congo. Selon l'ONG, les minerais seraient "blanchis" en transitant par le Rwanda et le Burundi, avant d'être exportés vers Dubaï.
Du Congo à Dubaï, en passant par... le Burundi. Global Witness a pu remonter la filière du commerce de l'or en République démocratique du Congo (RDC). L'ONG affirme que "les tonnes d’or produites dans l’Est du Congo profitent aux rebelles et à des officiers hauts gradés des armées gouvernementales congolaise et burundaise". L'enquête explique que l’or est blanchi en passant par le secteur aurifère national burundais pour être ensuite exporté vers Dubaï. Aucun contrôle sérieux ne semble être effectué par les acheteurs locaux ou par les négociants internationaux. D'importantes quantités d'or sont donc vendues sur le circuit international, alors qu'elles financent la guerre à l'Est de la RDC.
Pour d'autres minerais, Global Witness affirme que "la plus grande partie de l’étain, du tantale et du tungstène produits dans le Nord et le Sud-Kivu profite aux rebelles et à des membres de l’armée gouvernementale (FARDC)". Là encore, les minerais transitent via le Burundi, mais aussi le Rwanda avant d'être exportés. Au Rwanda, l'ONG explique que "l’étain et le tantale introduits clandestinement sont blanchis à travers le système d’étiquetage national rwandais et exportés en tant que produits rwandais propres". Global Witness rappelle enfin que les populations locales du Nord et du Sud-Kivu sont les premières "à faire les frais d’un long conflit marqué par les meurtres, les pillages, les viols massifs et les déplacements de population".
Global Witness estime que le moment est "crucial" pour le commerce des minerais en République démocratique du Congo. La pression doit donc s'accentuer sur les entreprises internationales du secteur. L'ONG affirme que les sociétés "visées par la Section 1502 de la Loi Dodd Frank (une loi américaine qui cherche à empêcher que le commerce des minerais de la région ne finance le conflit), sont dans leur première année de présentation de rapports et qu'elles sont tenues de publier pour mai 2014 des informations détaillées sur les efforts qu’elles déploient pour contrôler leurs chaînes d’approvisionnement". Et de rappeler aussi que l'Union européenne (UE) doit jouer un rôle majeur dans la réglementation du commerce des minerais. En mars 2013, une concertation publique sur les minerais du conflit, pourrait déboucher sur l’introduction d’une réglementation européenne. Mais le temps presse..
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : A L'Est de la RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
12:06 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)