07 octobre 2012
Kivu (RDC) : Kamerhe a-t-il la solution ?
Le président de l'UNC, Vital Kamerhe, a présenté le 5 octobre son "plan de sortie de crise" du conflit qui secoue l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ancien président de l'Assemblée nationale révèle que Kinshasa et le M23 négocient déjà "sous l'égide du président ougandais Museveni" et appelle au dialogue avec le Rwanda. Kamerhe demande également au président Kabila d'ouvrir un débat national avec l'ensemble des partis politiques, de la société civile et de la diaspora congolaise. Si le "plan Kamerhe" semble avancer des évidences, il a au moins le mérite de briser un tabou : la nécessité de réunir tous les protagonistes autour d'une table."La nation est en danger". Pour Vital Kamerhe, l'ancien bras droit de Joseph Kabila, passé à l'opposition depuis 2010, "le péril, ce sont ces guerres récurrentes qui déstabilisent notre pays depuis bientôt deux décennies". Depuis avril 2012, un nouveau conflit agite le Nord-Kivu et oppose la rébellion du M23 aux forces gouvernementales. Le M23, n'est que le "copier-coller" d'un autre mouvement rebelle, le CNDP, qui avait lui aussi affronté Kinshasa dans la même région, en 2008.
Comment "arrêter la guerre" ?
Selon Kamerhe, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), ce conflit a de sérieux risques de s'étendre "vers le Sud (Sud-Kivu et Nord-Katanga) et vers le Nord (Ituri), au vu de la multiplicité des acteurs impliqués et des groupes armés". Le "plan Kamerhe" propose "d'arrêter la guerre". Pour cela, "Kigali et Kinshasa doivent se parler sincèrement et conclure une vraie paix des braves autour de (…) la sécurité commune des frontières, des groupes armés, du trafic illicite des minerais du Congo". Dans son "plan de sortie de crise", Kamerhe révèle un "secret de polichinelle" en affirmant que "le gouvernement de la RDC est déjà en discussion avec le M23, sous l’égide du Président Yoweri Museveni qui préside la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs".
Pour l'ancien président de l'Assemblée nationale congolaise, Joseph Kabila doit ouvrir un grand débat avec les acteurs de la société congolaise et "associer tous les leaders politiques et de la Société civile de tous bords, ainsi que la diaspora congolaise, à la recherche d’une solution durable à ce problème". Le président de l'UNC, veut récréer "la cohésion nationale" indispensable au retour de la sécurité en RDC. Selon lui, "aucune opération militaire, y compris les opérations conjointes avec l’Ouganda et le Rwanda sur le territoire congolais, n’a apporté la solution escomptée, à savoir l’anéantissement des rebellions et des groupes armés". A son "humble avis", toutes ces solutions "se sont plus attaquées aux effets qu’aux causes réelles de l’insécurité dans la sous-région des grands lacs".
Un geste vers Tshisekedi et Bemba
Sur le plan national, Vital Kamerhe demande à Joseph Kabila de tendre la main à l'opposition et recommande "une visite surprise à Monsieur Etienne Tshisekedi, l’écouter le rassurer et lever le cordon sécuritaire qui entoure sa résidence. Il ne mérite pas le traitement humiliant qu’il subit actuellement". Le président de l'UNC souhaite également que la Cour pénale internationale (CPI) clôture officiellement le dossier concernant Jean-Pierre Bemba (en prison depuis 5 ans, après sa défaite face à Joseph Kabila, lors de l'élection présidentielle de 2007). Kamerhe demande aussi un geste d'apaisement concernant les "détenus d'opinions" comme Chalupa, Kuthino ou Mokia, mais veut aussi rassurer d'autres opposants comme Mbusa Nyamuisi, Diomi Ndongala (dont la famille dénonce sa détention par le régime) et Roger Lumbala.
Crédible ?
Si le "plan Kamerhe" énonce un certain nombre d'évidences pas vraiment originales, il recèle quelques qualités. La première : briser le tabou autour du terme de "négociation", que Kinshasa ne veut prononcer sous aucun prétexte. Il semble en effet évident qu'à un moment ou un autre, les autorités congolaises et le M23 se mettront autour d'un table… alors pourquoi attendre ? (surtout que d'après Kamerhe, c'est déjà fait). Deuxième qualité : "le plan Kamerhe" est la seule sortie de crise proposée par l'opposition qui ne met pas comme préalable le départ du pouvoir du président Joseph Kabila. Pour la grande majorité des autres partis d'opposition (comme l'UDPS) : le principale problème étant Joseph Kabila lui-même, rien ne doit être fait, avant son départ, et surtout pas de négocier avec le M23. Cette position se discute, mais elle possède un important désavantage : le temps file et rien ne se passe (et déjà plus de 6 mois de crise).
Comme pour la campagne présidentielle de 2011, pendant laquelle Vital Kamerhe avait publié un livre programme : "Les fondements de la politique transatlantique de la RDC", son "plan de sortie de crise" a le mérite de coucher sur le papier son projet "noir sur blanc". Il est vrai que l'on attend toujours le programme électoral d'Etienne Tshisekedi ou de Joseph Kabila pendant la dernière présidentielle… et encore plus leurs stratégies pour ramener la paix à l'Est. Mais pour être crédible, le "plan Kamerhe" devra franchir de nombreux obstacles et tout d'abord celui de la légitimité. L'ancien directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006 a toujours du mal à se faire accepter dans "le camp de l'opposition". Avant, pendant et après les élections de 2011, nombreux sont ceux qui doutaient de sa franchise. Beaucoup pensent encore que Vital Kamerhe doit faire ses preuves d'opposant au régime, lui qui a servi pendant si longtemps l'actuel président Kabila. Pendant la campagne électoral, certains l'on accusé de "taupe" du régime chargé de faire perdre Thsisekedi (Kamerhe est arrivé en troisième place à la dernière présidentielle). Un câble diplomatique secret, révélé par Wikileaks, donnait un portrait "nuancé" du patron de l'UNC : "Kamerhe recourt fréquemment au mensonge pour s'assurer un gain politique. (…) Nos informateurs nous rapportent que son ambition aveugle de devenir un jour président a compromis son jugement"… des propos qui ne rassurent personne à Kinshasa sur les intentions réelles de l'ancien président de l'Assemblée nationale. Dernier obstacle : Vital Kamerhe vient de l'Est, de Bukavu au Sud-Kivu. Ce qui pourrait apparaître comme un atout, car il connaît bien la région et les causes du conflit, devient un handicap pour convaincre, conquérir et s'imposer politiquement dans le reste des provinces congolaises. Une chose est sûre : avec son "plan de sortie de crise", Vital Kamerhe entend s'imposer sur l'échiquier politique congolais et rester un interlocuteur de premier ordre dans le conflit du Kivu, aux yeux de la communauté internationale. Pour cela au moins, le "plan Kamerhe" a déjà réussi.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe le 5 oct 2012 © UNC
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04 octobre 2012
RDC : Thierry Michel gagne en justice face à John Numbi
La justice belge a autorisé mercredi 3 octobre l'affiche du film de Thierry Michel sur l'affaire Chebeya. L'ancien chef de la police congolaise demandait son interdiction pour l'utilisation de sa photo qui le présente comme le commanditaire de l'assassinat de ce militant des droits de l'homme. Thierry Michel estime qu'il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse".
Un cas d'école. L'affaire de l'affiche du documentaire de Thierry Michel sur l'assassinat du défenseur de droits de l'homme congolais, Floribert Chebeya, fera date dans l'histoire du droit à l'image et à l'information. Le général John Numbi avait en effet intenté un procès en référé au cinéaste Thierry Michel afin d'interdire la diffusion de l'affiche du documentaire sur laquelle figure sa photo à côté de celle de Floribert Chebeya. Selon John Numbi, cette image le présente comme le commanditaire de l'assassinat, alors qu'il n'est toujours pas poursuivi par la justice congolaise. Tout le travail de Thierry Michel, dans son film "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?" consiste justement à démontrer que toutes les pistes convergent vers John Numbi,qui serait le probable "donneur d'ordre" de l'assassinat du célèbre militant des droits de l'homme. Dans le film, le cinéaste a recueilli le témoignage d'un policier, jugé par contumace, qui met en cause directement Numbi. Très proche de l'actuel président Joseph Kabila, John Numbi a été suspendu de ses fonctions en attendant son éventuelle comparution devant les tribunaux congolais. Visiblement, le film de Thierry Michel dérange au plus haut point le pouvoir en place à Kinshasa, qui a toujours cherché à éviter un procès à son ancien chef de la police. L'affaire de l'interdiction de l'affiche a sonné comme une ultime pression de Numbi sur le cinéaste.
Mercredi à Liège, bien loin de Kinshasa, la justice belge a tranché et a débouté John Numbi. Le tribunal a estimé que l'affiche constituait bien une information sur l'affaire Chebeya et ne visait pas à exploiter commercialement l'image de John Numbi. La photo incriminée avait d'ailleurs été reprise par les principales agences de presse, ainsi que la plupart des médias internationaux. La justice a ensuite fait remarqué que le titre du documentaire, "L'affaire Chebeya, un crime d'Etat ?", avec son point d'interrogation, présentait "un équilibre acceptable". Le juge belge a donc déclaré la demande d'interdiction de l'affiche "non fondée" et condamné John Numbi verser la somme de 1.320 euros à Thierry Michel et à la société de production "Films de la Passerelle".
Pour le cinéaste, il s'agit d'une "belle victoire de la liberté de la presse et de la liberté d'expression sur le droit à l'image d'un personnage public (John Numbi, ndlr) dans l'exercice de ses fonctions". Thierry Michel s'inquiète tout de même de "l'intimidation", qui "est bien là vis-à-vis de la presse congolaise" et notamment "avec la déclaration du conseiller juridique de John Numbi qui annonce qu'il poursuivra en diffamation toute personne de la presse nationale ou internationale qui associera l'image du Général à l'Affaire Chebeya !"
Quant à l'affaire sur l'assassinat de Floribert Chebeya, jugée en ce moment à Kinshasa, la prochaine audience du procès en appel des policiers accusés, a été reportée au 23 octobre, quelques jours après le Sommet de la Francophonie qui se déroulera en République démocratique du Congo (RDC). La Haute cour militaire devra notamment se prononcer sur la comparution du général Numbi... peut-être la prochaine victoire pour Thierry Michel.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
01:10 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
02 octobre 2012
RDC : John Tshibangu tente une offensive au Kasaï
L'Apareco, le mouvement de l'opposant Honoré Ngbanda a annoncé depuis Paris, que le colonel John Tshibangu venait de lancer une offensive militaire au Kasaï-Oriental. Les troupes de ce colonel dissident se seraient emparées dimanche 30 septembre de la ville de Kabeya Kamwanga. Le bilan serait de 3 morts parmi les soldats de l'armée régulière (FARDC). Pour l'instant, les autorités congolaises n'ont pas confirmé l'information.Dans un communiqué publié à Paris, l'Apareco, un mouvement d'opposition au régime de Joseph Kabila, a annoncé la prise de la ville de Kabeya Kamwanga par les hommes du colonel John Tshibangu. Ce colonel de l'armée congolaise avait fait défection et pris le maquis en août 2012 avec une partie de ses hommes. Soupçonné d'abord par Kinshasa d'être proche des rebelles du M23, les autorités congolaises l'accusent maintenant de soutenir Etienne Tshisekedi, candidat malheureux aux dernières élections de novembre 2011. John Tshibangu n'a en effet jamais caché son objectif : chasser le président Joseph Kabila du pouvoir pour y placer Etienne Tshisekedi, "le seul vainqueur du scrutin" et faire ainsi respecter "la vérité des urnes". La réélection de Jopseph Kabla avait été fortement contestée par l'opposition congolaise.
Depuis l'entrée en dissidence de Tshibangu, Kinshasa s'était lancé dans une véritable traque dans la région du Kasaï, où ses troupes s'étaient regroupés. Le 29 août dernier, "des hommes en uniformes lourdement armés" avait investi le village d'Etienne Tshisekedi, Kabeya Kamwanga. Selon l'UDPS : "ces soldats avaient procédé à la fouille systématique de toutes les maisons dont la résidence privée du président au motif qu'ils étaient à la recherche d'armes ainsi que du Colonel dissident John Tshibangu".
Ce serait donc dans cette même ville, Kabeya Kamwanga, que les soldats de Tshibangu auraient lancé une attaque dimanche 30 septembre, dans la matinée et auraient pris le contrôle de la localité. Selon le communiqué de l'Apareco, qui annonce le début d'une "marche pour la libération totale de la République Démocratique du Congo". "Beaucoup d’armes et de munitions appartenant aux forces ennemies ont été saisies et plusieurs officiers et soldats congolais des FARDC ont rejoint les forces patriotiques", précise de mouvement d'Honoré Ngbanda. Un premier bilan ferait état de 3 morts du côté de l'armée congolaise, qui aurait ensuite quitté la ville. Pour l'instant ces informations sont à prendre au conditionnel, Kinshasa n'ayant pas encore confirmé l'attaque de la ville de Kabeya Kamwanga.
Début septembre, le Colonel Tshibangu avait rejoint l'Apareco, le mouvement d'opposition dirigé par Honoré Ngbanda, l'ex "monsieur sécurité" du maréchal Mobutu. Selon l'Apareco, le Colonel dissident s'était placé "sous l'autorité" d'Honoré Ngbanda, avec pour objectif, le "départ du président Kabila". Depuis l'attaque de Kabeya Kamwanga, l'Apareco estime que "la tenue du Sommet de la Francophonie dans un tel contexte nuirait gravement aux intérêts du peuple congolais puisqu’elle vise clairement à renforcer le régime criminel et d’imposture" du président Joseph Kabila. L'Apareco demande donc "aux pays membres de l’OIF et à la France en particulier pour qu’ils renoncent tous à la tenue de ce Sommet indécent".
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
00:25 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (13)