26 août 2012
RDC : "L'UE doit suspendre son appui budgétaire au Rwanda" selon l'EurAc
Le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc) demande à l'Union européenne (UE) et à ses états membres de geler "toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Un rapport de l'ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).L'Union européenne (UE) suivra-t-elle la décision de plusieurs Etats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas ou Suède) de suspendre son aide financière à Kigali pour son soutien à la rébellion du M23 ? C'est ce que demande, le réseau européen pour l'Afrique centrale (EurAc).
En juin 2012, un rapport du groupe d'experts de l'ONU avaient apporté "un nombre important de preuves convergentes" de l'aide logistique, en armes et en hommes, du Rwanda aux rebelles du M23 dans l'Est de la RDC. Ce groupe armé est en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa qu'il accuse de ne pas avoir respecté les accords de paix du 23 mars 2009. Le M23 contrôle la zone frontalière de Bunagana avec l'Ouganda, la ville de Ruthsuru et menace de faire tomber la ville de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu.
L'EurAc rappelle qu'il y a peu de doute, d'après le rapport de l'ONU, sur la véracité de l'aide rwandaise au M23. Les experts ont affirmé avoir interviewé "plus de 80 déserteurs issus de la mutinerie contre les FARDC et des groupes armés congolais, y compris du M23, parmi lesquels 31 étaient des ressortissants rwandais". Le rapport "présente des photos de caches d’armes, des documents officiels et des messages radio interceptés. Enfin, lorsque des personnes étaient nommées, le groupe d’experts a procédé à des vérifications auprès de 5 sources concordantes, considérées comme crédibles et indépendantes, au lieu des 3 sources exigées", explique l'EurAc.
Le Rwanda a toujours démenti son soutien au M23 et Kigali a même publié "une réponse officielle" au rapport des experts, dénonçant des données "biaisées" et "invérifiables", "ne tenant pas compte du point de vue rwandais". Dans son communiqué, l'EurAc conclut "qu’il est fort peu probable que le contenu de l’additif (du rapport de l'ONU, ndlr) soit erroné et/ou falsifié comme l’affirme le Rwanda. L’argument selon lequel le Rwanda n’a pas été entendu n’est pas convaincant dans la mesure où le gouvernement n’a pas répondu à l’invitation qui lui avait été faite de donner son point de vue. A la lecture de la contre-argumentation avancée par le gouvernement rwandais, EurAc ne voit pas de raisons de douter de l’analyse présentée par l’additif."
L'EurAc rappelle enfin que "ces dernières années, le rôle actif joué par le Rwanda dans les conflits armés en RDC a été largement documenté, notamment par l’ONU. Dans le rapport mapping de l’ONU publié en 2010, le Rwanda était accusé d’être impliqué dans les violences et atrocités commises en RDC entre mars 1993 et juin 2003. Aujourd’hui nous avons, comme en 2008, les preuves du soutien du Rwanda à des groupes rebelles opérant à l’Est de la RDC". Et de conclure "qu'en dépit de ces accusations, un certain nombre de pays avait, à l’époque, continué à considérer le Rwanda comme un partenaire privilégié".
Dernièrement, Washington, fidèle allié du Rwanda, a tout de même haussé le ton en décidant de suspendre son aide militaire à Kigali. Une sanction toutefois très limitée, puisqu'elle ne touche qu'une école de formation de sous-officiers, pour la somme assez modeste de 160.000 euros. Pas de quoi effrayer Kigali. Mais rapidement, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et Suède ont emboîté le pas. EurAc appelle donc l’Union Européenne et tous ses Etats membres à faire de même et de "suspendre définitivement toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes". Selon le réseau réseau européen pour l'Afrique centrale, "ces mesures constitueraient une première étape en vue d’une révision de la politique de coopération avec le Rwanda. L’Union Européenne et ses Etats membres devraient également prendre en compte la situation préoccupante en matière de démocratisation, de bonne gouvernance et de respect des droits humains".
Concernant le soutien de Kigali aux rebelles du M23, le groupe d'experts de l'ONU doit rendre son rapport final en octobre 2012. En attendant, la situation militaire s'est figée sur le terrain. Le M23 parle de "trêve". La rébellion se tient toujours à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma.
Christophe RIGAUD
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23 août 2012
RDC : Hollande et le piège de Kinshasa
Le XIVe Sommet de la Francophonie doit se tenir à Kinshasa en octobre prochain. Un bien mauvais endroit et un très mauvais moment pour le président François Hollande, qui hésite encore à se rendre en République démocratique du Congo (RDC). Paris a demandé des gages à Kinshasa sur le dossier des élections "frauduleuses" de 2011 et le procès Chebeya. Il semble peu probable que les autorités congolaises fassent la moindre concession. En se rendant à Kinshasa, François Hollande sera perdant sur tous les tableaux. Explications.A deux mois du Sommet de la Francophonie de Kinshasa, fixé en octobre prochain, la venue de François Hollande dans la capitale congolaise fait toujours débat. Depuis les "graves irrégularités" des élections de novembre 2011, dénoncées par la mission de l'Union européenne, le nouveau président français semblait hésiter à se rendre à Kinshasa. L'opposition congolaise, soutenue par de nombreuses ONG internationales étaient vent debout pour dénoncer le régime du président Joseph Kabila. Un régime, qui "n'est pas un Etat de droit, mais policier", selon le principal parti d'opposition, l'UDPS. Pour les opposants au président Kabila, le Sommet de la Francophonie "n'a rien à faire à Kinshasa, un pays où l'on truque les élections et où on assassine les militants des droits de l'homme".
Deux dossiers "chauds"
Le 9 juillet, après une rencontre entre François Hollande et Adbou Diouf, à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l'Elysée estimait que « les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) doivent démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit ». Deux dossiers sont particulièrement embarrassants pour le nouveau président français. Il y a tout d'abord les élections "frauduleuses" de novembre 2011, qui nécessitent une réforme complète de la CENI (la Commission électorale) et le départ de son président Daniel Ngoy Mulunda, jugé trop proche de Joseph Kabila. Le deuxième dossier concerne le procès de l'assassinat du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya, qui doit aller à son terme. Toutes les pistes convergent vers la mise en accusation de John Numbi, le chef de la police. Mais cet ancien bras droit du président Kabila chargé de la sécurité, n'est toujours pas arrêté.
"Kabila ne lâchera pas Mulunda"
Paris a donc souhaité que Kinshasa donne rapidement des gages de bonne volonté sur ces deux dossiers. Selon un spécialiste bien informé de la région, il semblerait que Kinshasa ne fera aucune concession sur ces deux sujets. Concernant la réforme de la CENI, toujours d'après ce spécialiste, "Kabila ne veut pas lâcher Mulunda", le très contesté président de la CENI et ce, "malgré les fortes pressions internationales". Un projet de loi serait pourtant à l'étude à l'Assemblée nationale pour le 15 septembre. Compte tenu de l'importance du sujet, il y a donc peu de chance que ce projet soit voté avant la tenue du Sommet, prévu le 12 octobre. Le "toilettage" de la CENI se fera donc "à minima", le projet de réforme proposé par l'opposition en juin 2012 étant déjà très timide. Du coup, le calendrier électoral reste toujours au point mort, avec un grand point d'interrogation concernant la tenue des élections provinciales, qui bloquent par conséquent, la bonne marche du Sénat. Côté financier, les bailleurs ne sont toujours pas au rendez-vous, devant le flou électoral maintenu par Kinshasa. Sur ce dossier, il y a donc peu de chance que Paris obtienne des actes forts de la part de Kinshasa. Et si concessions il y a, "elles seront cosmétiques" selon ce spécialiste.
Numbi arrêté et… relâché
Le deuxième dossier brûlant entre Paris et Kinshasa concerne le procès Chebeya qui passe actuellement en appel. L'assassinat de ce célèbre militant des droits de l'homme en juin 2010 avait profondément choqué l'opinion internationale. L'enjeu principal de l'appel consiste à remonter à John Numbi, le "commanditaire" présumé du meurtre. Chef de la police congolaise à l'époque, Numbi était aussi le monsieur sécurité du président Kabila. Mis "au vert" par Kabila lui-même, les parties civiles demandent sa comparution devant le tribunal… en vain. Paris souhaitait également dans ce dossier que la justice puisse faire son travail. Mais il y a peu de chance de retrouver John Numbi dans le box des prévenus. Il y a déjà eu une tentative d'arrestation (peu médiatisée) de Numbi à la mi-juillet 2012 à Lubumbashi, au Katanga. L'ancien chef de la Police a été brièvement interpelé pendant deux jours, puis relâché après "une longue discussion avec Joseph Kabila". Comme Mulunda, il semble donc peu probable que le président congolais laisse tomber Numbi après l'épisode de la tentative d'arrestation.
Le dossier rwandais s'invite à Kinshasa
Autre mauvais timing : la reprise de la guerre à l'Est de la RDC, où une rébellion, le M23, soutenue par le Rwanda, tient tête à l'armée congolaise au Nord-Kivu. La rébellion contrôle plusieurs localités, dont Bunagana et Rutshuru. Le Sommet de la Francophonie constituera la première sortie africaine de François Hollande. Le nouveau président français va donc se rendre dans un pays virtuellement en guerre contre son voisin rwandais, ce qui pose évidemment un sérieux problème pour la France, compte tenu des relations orageuses entre Paris et Kigali, depuis le génocide de 1994. La guerre à l'Est, met François Hollande dans un embarras politique certain, d'autant que la RDC a poussé Paris à prendre des positions publiques contre le Rwanda. Pour François Hollande, le Sommet de Kinshasa se déroule donc au mauvais moment, au mauvais endroit.
Selon des observateurs de la région, François Hollande sera "perdant-perdant" en rendant à Kinshasa. Selon un spécialiste, "le président français risque de perdre sur tous les tableaux : sur les concessions qu'il n'obtiendra pas, sur le dossier rwandais et enfin (peut-être le plus important) sur ses propres principes (démocratie, bonne gouvernance, droits de l'homme… )". Faire le Sommet de la Francophonie à Kinshasa, c'est "récompenser les mauvais élèves au détriment des bons". Toujours selon ce spécialiste, "d'autres pays auraient d'ailleurs pu accueillir le Sommet de la Francophonie : le Sénégal, où les élections se sont déroulées convenablement ou encore en Tunisie, où il faut au contraire appuyer une transition politique. La solution aurait pu être de délocaliser le Sommet comme pendant la crise de Madagascar en 2010" (le Sommet s'était tenu en Suisse, ndlr).
Décision "imminente"
La diplomatie ayant horreur de la "chaise vide", le boycott du Sommet de la Francophonie semble exclu par le président français, "personne ne comprendrait" aurait-on dit à l'Elysée. Reste la délocalisation ou le discours "musclé" sur la démocratie et les droits de l'homme. La première solution serait sûrement la bonne, mais un peu tardive, la seconde risque de placer François Hollande devant ses propres contradictions : vouloir donner une "leçon à l'Afrique", comme un certain Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007.
Christophe RIGAUD
Photo : Siège de l'OIF à Paris © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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20 août 2012
RDC : Le M23 se politise
La rébellion congolaise vient de se doter d'une nouvelle structure politique. Ces nominations ressemblent à la composition d'un "gouvernement fantôme", composé de 25 membres. Le M23 ouvre un second front, plus politique et affiche désormais des ambitions "nationales", autour du "départ" du président Joseph Kabila.Les rebelles congolais du M23 sont dotés depuis le 17 août d'un "cabinet politique", composé d'un président, Bishop Jean-Marie Runiga, d'un chef du haut commandement militaire, le colonel Sultani Makenga et de plusieurs autres "chefs de départements". Les 25 membres de la nouvelle direction du M23 ressemblent à la composition d'un gouvernement, avec ses différents ministères : relations extérieures, finances, budget, agriculture, justice… Les rebelles, en luttent contre l'armée régulières de Kinshasa depuis avril 2012, contrôlent désormais plusieurs localités du Nord-Kivu, dont les villes de Bunagana ou Rutshuru. Le M23 avait déjà installé dans ces zones ses propres "administrateurs" afin "d'assurer la sécurité des populations" et "d'expédier les affaires courantes". Avec ce nouveau cabinet politique, le mouvement rebelle fait un pas supplémentaire en créant un "gouvernement parallèle" capable de suppléer les autorités congolaises.
En créant son "shadow cabinet", le M23 politise son mouvement et en profite pour élargir ses revendications. Au départ de la mutinerie, le M23 demande le respect des accords du 23 mars 2009, signés autour de l'intégration des anciens rebelles du CNDP (dont est issu le M23) dans l'armée régulière. Avec le retour de la guerre dans les Kivus, le M23 prétendait ensuite protéger la communauté tutsie des tensions ethniques. Avec le temps, et ses rapides victoires militaires devant des soldats congolais en déroute, la rébellion a décidé de porter des revendications plus larges comme "la bonne gouvernance" ou "le respect du résultats des urnes", référence aux élections contestées de novembre 2011. En fin de course, le M23 a terminé par se faire le porte-voix de l'opposition politique congolaise en demandant, comme elle, le "départ" de Joseph Kabila.
En affichant des ambitions politiques nationales au-delà de leurs simples revendications régionales (autour d'une "autonomie" des Kivus), le M23 continue d'accentuer la pression sur le régime Kinshasa, qui peine à neutraliser les rebelles sur le terrain et à faire avancer l'idée d'une "force armée neutre" pour stabiliser la région. Avec un avantage militaire certain, le M23 a figé ses troupes aux portes de la ville Goma, qu'ils comptent toujours prendre si les négociations n'avancent pas. En ouvrant un second front politique, les rebelles tentent un dernier coup de pression pour faire plier Kinshasa et les pousser à la table des négociations. Il est donc fort à parier que si le gouvernement congolais refuse encore d'ouvrir le dialogue avec les rebelles, le M23 ne reprennent les armes et poussent leur offensive jusqu'à Goma. Les rebelles en ont visiblement les moyens humains.
Dernier élément, le glissement politique du M23 tend également à faire bouger les lignes du côté de l'opposition congolaise, globalement hostile au mouvement rebelle. En créant son "gouvernement fantôme", le M23 cherche à pousser certains partis politiques d'opposition à "choisir leur camp" et ce, dès maintenant. Une initiative qui risque de déstabiliser un peu plus l'opposition qui brille par son absence. Une opposition politique en panne, qui continue de faire le jeu du président Kabila et… du M23, en lui laissant la voie libre.
Christophe RIGAUD
Composition du cabinet politique du M23 :
Président : Bishop Jean-Marie RUNIGA LUGERERO
Chef du haut commandement militaire : Colonel SULTANI MAKENGA
Secrétaire exécutif : Mr François RUCOGOZA TUYIHIMBAZE
Département des affaires politiques et administration du territoire : Mr SENDUGU MUSEVENI
Département des relations extérieures et de la coopération régionale : Me René ABANDI MUNYARUGERERO
Département des affaires sociales et humanitaires : Dr Alexis KASANZU
Département des Finances, Budget et Ressources Naturelles : Mr Justin GASHEMA
Département de l'Agriculture, Pêche et Élevage : Mr Déogratias NZABIRINDA NTAMBARA
Département de la Justice et des droits humains : Me Antoine MAHAMBA KASIWA
Département de la Réconciliation et de l'Unité Nationale : Mr Jean serge KAMBASU NGEVE
Département de Rapatriement des refugies et réinsertion des déplacés internes : Ir. Benjamin MBONIMPA
Département du Tourisme, Environnement et Conservation de la Nature : Prof Stanislas BALEKE
Département de la Jeunesse, Sport et Loisirs : Mr. Ali MUSAGARA
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