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19 août 2012

RDC : François Muamba propose de recourir à l'AFRICOM

Le président de l'ADR (Alliance pour le développement et la République), François Muamba souhaite faire appel aux troupes de l'AFRICOM, comme "force neutre de sécurité" pour lutter contre les différentes rébellions à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Une prise de position qui intervient un an après la création de l'ADR, un parti qui cherche encore sa place sur l'échiquier politique congolais.

François Muamba 2.jpgUn peu plus d'un an après son éviction du secrétariat général du MLC, en avril 2011 et la création de son propre mouvement, l'ADR (Alliance pour le développement et la République), en juillet 2011, François Muamba entre dans le débat qui agite la RDC sur la reprise de la guerre à l'Est du pays. Alors que le Nord-Kivu est de nouveau le théâtre d'affrontements entre les rebelles du M23 et l'armée régulière, le projet d'une "force neutre" africaine fait polémique à Kinshasa.

Dans un discours face à ses militants, François Muamba, a tout d'abord fustigé "l’agresseur extérieur, ici le Rwanda, et l’imposture intérieure, nommée M23" avant d'appeler les Congolais à "se prendre en charge et à recourir à tous les moyens légitimes et nécessaires pour refuser l’ignominie, sécuriser son Territoire et en défendre la souveraineté ainsi que ses richesses naturelles, tant convoitées qu’exploitées par le biais de cette guerre".

Concernant la fameuse "force neutre" proposée au Sommet de l'Union africaine, François Muamba estime tout d'abord que "par souci d'impartialité, le Rwanda (accusée de soutenir les rebelles du M23, ndlr) ne doit pas en faire partie". L'ancien ministre du Budget propose ensuite de s'appuyer sur les Etats-unis pour sécuriser la frontière, un pays ayant "l'avantage d’être autant ami de la RDC que du Rwanda." François Muamba rappelle enfin que les Etats-unis disposent déjà en Afrique d’un "mécanisme neutre de sécurité, nommé AFRICOM, qui semble être la réponse “neutre“ parfaite, précisément adaptée à la situation d’insécurité qui prévaut dans les deux Provinces du Kivu".

Cette force intervient déjà en Afrique, notamment dans la traque contre la rébellion de la LRA (Lord résistance army) de Joseph Kony, aux frontières de l'Ouganda, de la République centrafricaine et de la République démocratique du Congo. "AFRICOM contre Koni ? Alors pourquoi pas recourir à AFRICOM contre les FDLR ou encore contre le M23 ?" s'interroge François Muamba. Si l'idée est intéressante, notons également qu'une autre "force neutre", nommée Monusco et forte de 18.000 casques bleus, stationne déjà en RDC depuis plus de 10 ans !

Sur le plan politique, si l'ADR se situe dans de camp de l'opposition, le parti de François Muamba tente de tracer une "troisième voie" entre l'UDPS d'Etienne Tshisekedi et l'UNC de Vital Kamehre. Loin du "jusqu'au boutisme" de l'UDPS, qui boycott les travaux de l'Assemblée nationale après les élections contestée de novembre 2011, l'ADR de Muamba prône notamment le "dialogue républicain" avec le président de la République. L'ADR a en effet participé aux travaux du "Groupe Consultatif National Permanent", à l'appel de Joseph Kabila au sujet de la guerre au Nord-Kivu.

La marge de manoeuvre est pourtant limitée dans le camp de l'opposition congolaise pour faire entendre sa voix. Il y a embouteillage du côté des partis d'opposition. Par manque de leadership, l'opposition apparaît toujours très divisée, avec un patron de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, plus isolé que jamais. François Muamba arrivera-t-il à sortir son épingle du jeu ? Difficile dans ce contexte de reprise de la guerre à l'Est et où Joseph Kabila apparaît encore comme le seul capitaine à bord (certes dans la tempête) du navire Congo. Pour l'instant, le président congolais reste encore fort… des faiblesses de l'opposition.

Christophe RIGAUD

RDC : Maudit pétrole !

Dans un monde où les ressources se font rares, le continent africain est plus que jamais sollicité par les compagnies pétrolières. Dans un récent rapport, International Crisis Group (ICG) met en garde la République démocratique du Congo (RDC) contre la prospection pétrolière, qui pourrait "aggraver les conflits" et "réveiller les velléités séparatistes" de certaines régions. Un rapport qui fait débat au Congo.

Capture d’écran 2012-08-19 à 22.22.27.pngLes spécialistes appellent cela « la malédiction des ressources » : plus un pays possède de richesses naturelles, plus il souffre de prédation et moins sa population profite de cette manne financière. Et côté richesses naturelles, la RDC est particulièrement bien lotie : cuivre, cobalt, or, diamant, coltan, cassitérite… Le Congo se situe dans le top 10 des principaux exportateurs mondiaux de ces matières rares. Une secteur d'activité très rénumérateur, mais qui ne bénéficie pas au plus grand  nombre. Le pillage permanent des ressources naturelles maintient la majorité des Congolais en dessous du seuil de pauvreté et interdit tout effort de développement. Le trafic de minerais alimente également les achats d'armes, finance les nombreuses milices qui sévissent à l'Est de la République démocratique du Congo et nourrit un conflit qui s'éternise depuis 17 ans. Ne manquait plus que le pétrole, dont l'exploitation est encore embryonnaire.

Début juillet 2012, International Crisis Group (ICG) a publié un rapport sur le sujet et pose une question pertinente : « l’or noir au Congo, risque d’instabilité ou opportunité de développement ? » Le rapport recense trois grandes zones concernées par des projets de prospection pétrolière : la côte Atlantique où des blocs pétroliers sont contestés par la RDC à l'Angola ; dans la « cuvette centrale et à l'Est du Congo » et dans le parc des Virunga, à cheval sur la frontière ougandaise. Des réserves qui aiguisent les appétits des nombreuses multinationales pétrolières.

Nouvelle donne régionale

« Dans le contexte d’une course à l’or noir en Afrique de l’Est et centrale, le flou autour des frontières, notamment dans la région des Grands Lacs, constitue une menace considérable pour la stabilité », explique Marc-André Lagrange, analyste principal de Crisis Group pour l’Afrique centrale. « Les réserves pétrolières situées aux frontières du Congo avec l’Ouganda et l’Angola sont déjà sources de tensions ». Une zone retient particulièrement l'attention de ces spécialistes de la région : l'Est de la République démocratique du Congo. En effet, depuis maintenant plus de 4 mois, le Nord-Kivu est en proie à une nouvelle rébellion, le M23, qui tient tête à l'armée régulière. Pour ICG, la prospection pétrolière à l’Est « pourrait aggraver le conflit dans les zones à haut risque des Kivus, et réveiller des velléités séparatistes, entretenues par l’échec de la décentralisation et le différend financier entre l’Etat central et les provinces. » Cette nouvelle donne pourrait aussi bouleverser les rapports de forces régionaux en RDC et « remettre en cause la prépondérance politique de la riche province minière du Katanga. »

Mauvaise gouvernance

International Crisis Group note ensuite que « la mauvaise gouvernance caractérise le secteur pétrolier depuis la reprise des prospections. » Le groupe de recherche dénonce le retard pris dans la réforme du secteur pétrolier en RDC, ainsi que le manque d'un cadre légal réellement transparent. « Les précédents gouvernements ont agi comme des spéculateurs », fustige ICG.

Réguler la prospection pétrolière

« Dans un contexte de pauvreté extrême, d’Etat faible, de mauvaise gouvernance et d’insécurité régionale, la ruée vers l’or noir peut avoir un effet déstabilisateur important », craint Thierry Vircoulon, le directeur du projet Afrique centrale de Crisis Group. « Pour éviter ce scénario catastrophe, le gouvernement doit, au niveau régional, favoriser le dialogue avec ses voisins, et au niveau national, réguler la prospection pétrolière pour améliorer la gouvernance et la responsabilité ». Dans ses recommandations, le think tank, préconise la « création d’un cadre de gestion des réserves transfrontalières et au lancement d’un programme de délimitation de ses frontières. »

« Partage des richesses ? »

Il n'en fallait pas moins pour faire bondir le journal Kinois, Le Potentiel. Un article dénonce « une analyse qui favorise la balkanisation » et une  « négation de la souveraineté des Etats. » Dans le contexte bouillant de la reprise de la guerre à l'Est et de l'implication du Rwanda voisin dans le soutien à la rébellion du M23, le sujet des frontières est hautement sensible, vu de Kinshasa. Le journal congolais explique qu'International Crisis Group serait arrivé à la conclusion selon laquelle  « la résolution de la crise dans l’Est passe par la gestion commune des ressources transfrontalières », entendez par là : partager ses richesses avec le Rwanda ! L'idée n'est certes pas nouvelle, d'Herman Cohen à Nicolas Sarkzy en passant par Aldo Ajello, ancien représentant de l'Union européenne, le partage des richesses de l'Est congolais a été maintes fois évoqué. A propos d'International Crisis Group, je pense que Le Potentiel se trompe de cible et cède une fois de plus, un peu trop facilement, à la "théorie du complot" contre la République démocratique du Congo. ICG ne parle pas de partage de richesses, mais de régulation de la prospection pétrolière et de la création d'un « cadre de gestion des réserves transfrontalières », ce qui est bien différent. Dans le contexte de tensions permanentes entre voisins (Rwanda, Ouganda, Burundi, Angola… ), la RDC se doit en effet d'ouvrir le dialogue avec ces pays frontaliers, au risque de créer de nouveaux conflits. Là où Le Potentiel a en partie raison, c'est que la situation de la RDC pour négocier avec ses voisins n'est actuellement pas "optimale". Kinshasa est en effet fortement fragilisée aux yeux de ses voisins, depuis les élections contestées de novembre 2011 et la reprise de la guerre à l'Est en avril 2012. En cas de négociations, le Congo risquerait donc d'y laisser quelques plumes. Il n'empêche qu'il serait dommage de ne pas tenir compte des erreurs du passé au sujet des futures ressources pétrolière, notamment au regard de la gestion calamiteuse des ressources minières.

Christophe RIGAUD

Carte : "blocs" pétroliers dans la cuvette centrale et l'Est de la République démocratique du Congo (à partir de carte ONU et ministère des hydrocarbures - Kinshasa (2010)