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22 avril 2012

RDC : Elections provinciales reportées en janvier 2013

Après plusieurs reports, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) a annoncé la tenue des élections provinciales pour la fin janvier 2013. Ces élections doivent clorent un long cycle électoral entaché de graves irrégularités et de violences dénoncées par la communauté internationale. Les Congolais devront désigner 690 députés provinciaux.

Logo CENI.pngFixées au printemps 2012, les élections "provinciales, urbaines, municipales et locales" devraient se dérouler avec 9 mois de retard. En cause, la gestion "anarchique" et  "calamiteuse" des élections présidentielle et législatives de novembre 2011. Les multiples irrégularités du scrutin ont fait planer de sérieux doutes sur la crédibilité des résultats. Le régime de Joseph Kabila est sorti affaibli de ces élections, même si le président congolais possède encore une majorité confortable à l'Assemblée nationale.

Fortement remise en cause par les nombreux rapports internationaux sur ses dysfonctionnements, la CENI a été sommée de résoudre ses problèmes logistiques et d'afficher un minimum de transparence dans la publication de ses résultats. Un atelier d'évaluation a été créé afin de prendre en compte les fichiers électoraux, la cartographie et la gestion des résultats. Un "toilettage homéopathique" insuffisant par l'opposition et bons nombres d'organisations congolaises des Droits de l'homme.

En attendant le (probable) scrutin de janvier 2013, les institutions de RDC doivent composer avec ce décalage du calendrier électoral. Interrogé par Radio Okapi, le sénateur d'opposition, Moise Nyarugabo parle de "crise de légitimé". "Comment faire fonctionner une nouvelle Assemblée nationale avec un ancien Sénat ?" se demande Nyarugabo. Certaines situations sont en effet cocasses, comme celle de l’ancien gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, élu député national et qui continue d’être gouverneur "puisse qu’aucune élection n’a été organisée pour désigner son remplaçant".

Christophe RIGAUD

RDC : Débat à Paris sur le "Processus de démocratisation" le 24 avril

Une conférence sur la situation politique en République démocratique du Congo (RDC) est organisée par Avenir du Congo-Devoir de Mémoire. Ce débat se posera la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?". Le rôle et l'avenir de diaspora congolaise sera également évoquée, notamment autour de la problématique de la double-nationalité.

10x15_manif_verso.jpg24 avril 1990 - 24 avril 2012 : 22 ans après "l'ouverture de l'espace politique congolais " par le président Mobutu, le processus de démocratisation sera au centre d'une conférence organisée ce mardi 24 avril, à Saint-Denis, en banlieue parisienne. Plusieurs personnalités sont invitées à ce débat public :

- Professeur Julien CIAKUDIA, Panafricaniste et Lobbyste international, Théologien et Sociologue formé à l'Université de Montréal au Canada,
- Gaspard-Hubert LONSI KOKO, Essayiste, Ecrivain et Homme politique. Candidat député aux élections de 2011 à Madimba au Bas-Congo,
- BABI BALUKUNA, Journaliste, Homme politique, emprisonné par la police avant les élections pour ses idées. Candidat député aux élections de /2011 à Kinshasa.
- Yves MAKABI MUNGWAMA. Ambassadeur des jeunes et candidat aux élections législatives de 2011à Kinshasa,
- Pasteur Philippe KABONGO-MBAYA, Docteur en Théologie, Sociologue, Pasteur de l'Eglise reformée de France. Expert, il a été chargé de mission à l'Alliance réformée mondiale pour les Eglises de l'Afrique francophone en 1992 et il est le représentant de l’Alliance réformée mondiale pour la République démocratique du Congo.

Autour de la question : "Etat de droit au Congo : où en sommes nous ?", d'autres thématiques seront abordées :

-QUE FAUT-IL POUR REMETTRE LA DIASPORA DANS SES DROITS AU CONGO?
-LE DEGRE DE CULTURE POLITIQUE DE L'ELITE CONGOLAISE
-LA PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE. COMMENT LA RESOUDRE?

Le débat sera modéré par Christelle KAVOKA et Alain NDONGISILA.

Cette conférence se tiendra le mardi 24 avril 2012 de 17h45 à 21h30, 2 boulevard de la Libération, 93200 Saint-Denis. Contacts : rdc.devoirdememoire@gmail.com

20 avril 2012

RDC : Kivu, retour en zone grise

Les élections contestées de novembre 2011 ont masqué la dégradation de la situation sécuritaire à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). La tension dans les Kivu a redoublé d'intensité avec les défections de l'armée régulière d'ex-rebelles du CNDP de Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Le régime de Kinshasa se retrouve une nouvelle fois face à une situation qui lui échappe dans un territoire qu'il ne contrôle plus vraiment.

carte RDC Afrikarabia Nord Kivu.jpgZone grise : territoire géographique dont l'Etat a perdu le contrôle. Depuis plus de 15 ans, le Nord et le Sud Kivu répondent à ce concept décrit par Gaïdz Minassian dans un récent essai (1). Des guerres sans fin se sont succédées dans ces deux provinces de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). A l'origine des conflits : des tensions ethniques et foncières conjuguées aux soubressauts du génocide rwandais de 1994. Les milices des mouvements impliqués dans le génocide des tutsi traversent la frontière et s'installent dans les Kivu. Deux guerres plus tard et le régime Mobutu renversé, la situation sécuritaire s'améliore peu à l'Est. Un dizaine de milices, congolaises, rwandaises ou ougandaises continuent de semer la terreur au sein de la population civile. Le bilan de ces conflits à répétition est très controversé, mais on parle de 2 à 4 millions de morts. Actuellement, 1,7 millions de réfugiés errent dans l'Est de la RDC en attendant un hypothétique retour dans leurs villages. En toile de fond de ces 15 années de guerre, on trouve toujours cette constante : l'absence de l'Etat et l'incapacité de l'armée congolaise à rétablir la sécurité dans les Kivu.

En 2008, un mouvement politico-militaire, le CNDP de Laurent Nkunda, défendant les intérêts des Tutsi dans la région, lance une opération armée au Nord-Kivu et menace de prendre la ville Goma. Le régime de Joseph Kabila vacille pendant quelques jours. Pour ne pas avoir à partager le pouvoir avec ses opposants, Kabila cherche la victoire militaire, sans y parvenir. Finalement, la paix signée en 2009 ne sera qu'un compromis politique puisqu'elle prévoit l'intégration des rebelles dans l'armée régulière et la mue du CNDP en parti politique en vue de participer à la vie politique congolaise. Mais l'intégration des troupes du CNDP dans l'armée s'opère difficilement et les membres du CNDP sont toujours bloqués aux portes du gouvernement. Depuis Kinshasa, Kabila voit le contrôle des Kivu toujours lui échapper et veut donc à tout prix se débarrasser de Nkunda. Le président Congolais passe alors un accord avec son voisin rwandais. La RDC autorise l'armée de Paul Kagame à venir traquer les rebelles FDLR sur son territoire et en contre-partie le Rwanda "arrête" Laurent Nkunda. Joseph Kabila soutient le "putsch" de Bosco Ntaganda au sein du CNDP. Laurent Nkunda est effectivement interpellé par le Rwanda et Ntaganda est propulsé général dans l'armée régulière congolaise (FARDC). Désormais, le nouvel homme fort des Kivu ne s'appelle plus Laurent Nkunda, mais Bosco Ntaganda. Au cours de l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée, certains prétendent que c'est l’armée congolaise qui est intégrée au CNDP et non l'inverse… c'est tout dire.

A cette période (après l'arrestation de Nkunda en 2009), le tour de passe-passe réalisé par Joseph Kabila donne l'impression de porter ses fruits. La situation sécuritaire s'améliore (légèrement) dans l'Est de la RDC et les ex-CNDP de Ntaganda (maintenant intégrés dans l'armée régulière) se font discrets. Pourtant, la rébellion tutsi contrôle toujours la région et ses nombreuses zones minières. En 2011, Joseph Kabila croit même pouvoir se servir de l'ex-rébellion pour "sécuriser" et "pousser" sa réélection à la présidence en novembre. Et ça marche. Même si quelques éléments du CNDP grincent des dents à devoir "servir" Kabila, l'ennemi d'hier, il semble que contre monnaie sonnante et trébuchante, les ex-rebelles soutiennent la candidature du "raïs" dans l'Est (Kabila y réalisera d'ailleurs "d'excellents" score).

Enter 2009 et 2012, la carte Ntaganda s'avère payante pour le leader congolais. Kabila peut afficher une (toute) relative stabilité à l'Est et se targuer de ses bonnes relations avec son voisin rwandais. Un accord avec son encombrant voisin, qui cache mal la faiblesse politique et militaire de l'Etat congolais dirigé par Kabila. Mais le mariage de raison entre Kabila et Kagame passe par Ntaganda et Bosco va alors se révéler un allié très embarrassant.

Début 2012, la Cour pénale internationale (CPI) prononce la culpabilité du chef de guerre congolais Thomas Lubanga.  Cet ancien "collègue" de Bosco Ntaganda est accusé de crimes de guerre et d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans. Dans la foulée de la condamnation de Lubanga, la CPI demande l'arrestation immédiate de Ntaganda, accusé du même chef d'inculpation. Jusque là, Joseph Kabila avait toujours refusé de livrer Ntaganda à la CPI. Pour le chef de l'Etat congolais, Ntaganda a toujours garanti "la paix dans les Kivu" et son arrestation risquerait de relancer la guerre à l'Est. Mais après sa réélection douteuse, Joseph Kabila est impatient de donner des gages de bonnes volonté à la communauté internationale. L'arrestation de Ntaganda est donc devenu "chose possible" pour Joseph Kabila, même si le président congolais ne le livrera pas à la CPI, mais souhaite le juger au Congo (il faut dire que Ntaganda connaît de nombreux secrets sur les accords en la RDC le Rwanda).

Après ce retournement de situation de Joseph Kabila, Bosco Ntaganda décide de montrer ses muscles en demandant à ses soldats (environ 3.000 hommes) de quitter l'armée régulière et en menaçant de reprendre la rébellion. Au risque d'embraser de nouveau les Kivu. Pour Joseph Kabila, c'est "retour à la case départ", comme en 2008. L'Est rebascule en "zone grise" et le problème ne s'appelle plus Nkunda, mais Ntaganda.

Dans une analyse très complète sur la situation à l'Est, le chercheur Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group (ICG) relève les effets pervers des accords de 2009 et note que "l'intégration du CNDP dans l'armée a ouvert la voie à une prise de contrôle silencieuse d’une grande partie des Kivus, aussi bien militaire (commandement parallèle, refus d’être déployé en dehors des Kivus) qu’économique (prédation sur les populations, contrebande de matières premières et accaparement de terres)". Thierry Vircoulon remarque également que la disparition de l'éminence grise de Kabila, Katumba Mwanke, a profondément ébranlé le régime de Kinshasa, en créant "un vide du pouvoir". Pour ce chercheur, "au-delà du cas personnel de Ntaganda", c'est "la représentation politique du CNDP et des Tutsi congolais qui est en jeu". On notera l'absence de membres du CNDP dans les différents gouvernements, depuis l'accord de 2009, mais aussi lors des élections législatives de novembre 2011. Thierry Vircoulon souligne l'annulation des élections législatives dans le Masisi (le fief du CNDP) pour cause de fraude. Une annulation qui remet en cause le fragile équilibre des communautés au Nord-Kivu. Pour le chercheur d'ICG, "seules de nouvelles élections peuvent permettre de trancher la question du contrôle politique dans cette province."

La situation est donc extrêmement préoccupante dans l'Est de la RDC et le risque de voir ressurgir les vieux démons de la guerre sont bien réelles. Comme souvent, l'avenir de la région passe par Kigali. Pour le moment, rien ne filtre sur l'attitude que le président rwandais adoptera avec son voisin congolais. Ntaganda est une pièce importante pour Kagame sur l'échiquier congolais. Arrêter Ntaganda ferait ressurgir les anciens du "CNDP-Historique", fidèles à Laurent Nkunda… et pourquoi pas Laurent Nkunda lui-même Et cela, ni Kinshasa, ni Kigali ne le souhaite.

Christophe RIGAUD

(1) "Zone grise : quand les états perdent le contrôle" de Gaïdz Minassian. Ed. Autrement 2011.

(2) L'article de Thierry Vircoulon est accessible ICI.

19 avril 2012

RDC : Matata Ponyo, un techno à la primature

Joseph Kabila joue la normalisation avec la nomination d'Augustin Matata Ponyo comme nouveau Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC). 5 mois après des élections contestées, l'arrivée de Matata Ponyo à la primature vise avant tout à rassurer les bailleurs de la RDC. Ce technocrate de 47 ans constitue le nouvel atout économique de Joseph Kabila et disposera d'une importante marge de manoeuvre à la tête de son gouvernement.

Capture d’écran 2012-04-19 à 18.06.45.pngLe "survivant" Augustin Matata Ponyo revient de loin. Le 12 février 2012, Matata Ponyo était ministre des finances de RDCet se trouvait à bord de l'avion Katanga Express qui s'est brisé dans un ravin sur la piste de l'aéroport de Bukavu. L'accident fait 6 morts, dont l'éminence grise de Joseph Kabila, Augutin Katumba Mwanke. Depuis ce jour, son nom était de plus en plus souvent cité au Palais pour la primature. Car, au-delà de sa nouvel aura de "survivant", Matata Ponyo possède plusieurs atouts pour la président Kabila.

Après un cycle électorale calamiteux, entaché de nombreuses irrégularités, Joseph Kabila se devait de rassurer la communauté internationale et principalement les multiples bailleurs de la RDC. Le pays vit en effet depuis plus de 15 ans sous perfusion de l'aide internationale. Augustin Matata Ponyo a l'avantage de connaître parfaitement les grands équilibres macroéconomiques, ainsi que les principales institutions internationales. Formé en économie monétaire et internationale à l'Université de Kinshasa, où il a été professeur assistant, il a ensuite suivi une carrière au sein de la Banque Centrale du Congo (BCC) et a été plusieurs fois conseiller économique du ministère des finances.

Arrivé au poste de Ministre de finances en 2010, Matata Ponyo stabilise l'économie nationale et obtient une réduction de la dette de la RDC de 12,3 milliards de dollars. Un tour de force dont les Congolais ne verront pas vraiment les effets : les prix augmentent, les salaires stagnent et 80% de la population vit toujours avec moins de 2 dollars par jour.

Sur le plan politique, le choix d'Augustin Matata Ponyo à la primature constitue un compromis intéressant pour le président Kabila. Entre les "purs et durs" du PPRD (le parti présidentiel) et "l'ouverture" à l'opposition (dont Kabila ne voulait pas), le choix d'un "techno" s'imposait. Avec Matata Ponyo, Kabila joue l'apaisement avec la communauté internationale et pourra toujours "débaucher" quelques personnalités issues de l'opposition dans le nouveau gouvernement pour afficher une "ouverture" de façade. Dernier élément concernant le nouveau premier ministre congolais : Matata Ponyo sera sûrement le premier à ce poste à disposer d'une marge de manoeuvre aussi importante à la tête du gouvernement congolais (depuis Gizenga et Muzito)… encore faudra-il qu'il en fasse quelque chose ?

Christophe RIGAUD

16 avril 2012

RDC : L'urgence d'une réforme militaire

Un rapport mené par 13 ONG internationales et congolaises demandent de toute urgence "un nouvel accord sur la réforme du secteur militaire" en République démocratique du Congo 'RDC). Alors qu'à l'Est du pays, les bruits de bottes se font de nouveau entendre sous la menace des soldats de Bosco Ntaganda, l'absence d'une réforme du secteur de la sécurité "mettrait en péril non seulement l'impact des millions de dollars d’aide internationale accordée à la RDC, mais aussi la stabilité du pays".

Capture d’écran 2012-04-15 à 21.35.45.pngDans un rapport intitulé, "Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité", 13 organisations internationales, mais aussi congolaises, s'inquiètent de l'absence d'une armée et d'une police congolaises efficaces, qui "n'assurent plus la sécurité" et qui "s'en prend activement à la population". Selon Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ), "de nombreux problèmes liés au conflit en RDC, qui demeuraient apparemment insolubles, peuvent être imputés à des dysfonctionnements l’armée, de la police et des tribunaux. Le gouvernement congolais n’a toujours pas entrepris d’action concrète pour réformer ces institutions cruciales".

Le rapport dénonce également la passivité de la communauté internationale. Pour Emmanuel Kabengele, "la communauté internationale a continué de soutenir le gouvernement en investissant des montants et des efforts importants, sans pour autant obtenir de résultats. Il est grand temps que les donateurs exigent du gouvernement congolais qu’il lance une véritable réforme de l’armée". Les auteurs du rapports estiment que "la principale raison de l’échec de la réforme de l’armée en RDC est le manque de volonté politique de certains membres du gouvernement congolais – notamment ceux qui profitent de la corruption endémique".

Le rapport souligne enfin "le rôle essentiel que la communauté internationale doit jouer". "En cinq ans, les pays donateurs ont à eux seuls investi plus de 14 milliards de dollars US en RDC. Pourtant, seul un pour cent de cette somme, soit 140 millions de dollars US, a été consacré à la réforme du secteur de la sécurité. L’aide internationale représente désormais près de la moitié du budget annuel de l’Etat congolais. Les donateurs peuvent donc avoir une influence considérable sur le pays. Or, malgré cet investissement colossal, la RDC a régressé : le pays occupe actuellement la dernière place du classement de l’ONU en termes de développement humain". Aux premiers rangs des donateurs internationaux en RDC, on trouve les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni, la France et la Belgique, mais aussi la Chine, l’Afrique du Sud ou l’Angola.

"Le nouveau gouvernement doit saisir l'opportunité de recentrer son action sur la mise en œuvre d’une réforme de la sécurité effective et durable", note Pascal Kambale de l’Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA). "Il est temps pour la communauté internationale et le gouvernement congolais d’œuvrer à une réforme de la police et de l’armée qui permette au Congo de protéger ses propres civils".

 Le rapport propose un certain nombre de recommandations, comme :
- "exclure des postes à responsabilités les individus qui entravent cette réforme, et au besoin les traduire en justice",
- "instaurer un organe de coordination efficace dédié à la réforme de l’armée",
- "lancer un forum de haut niveau sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en RDC",
- "élargir l’actuel Groupe de contact pour les Grands Lacs afin qu’il intègre d’autres partenaires clés, tels que l’Angola, l’Afrique du Sud et la Chine",
- "élaborer des critères permettant de mesurer les progrès réalisés en matière de RSS, par exemple s’agissant du respect des droits humains par l’armée".
Et enfin le plus important : "faire du respect de ces critères l’une des conditions à l’octroi d’un soutien financier", ce qui n'a jamais été le cas en RDC.

RDC : "Ntaganda doit être arrêté"

L'ONG américaine Human Rights Watch (HWR) demande au président Joseph Kabila "d'ordonner immédiatement l'arrestation du général Bosco Ntaganda et de le transférer sans tarder à La Haye pour qu'il soit jugé". Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Allié au régime de Kinshasa, Ntaganda est désormais persona non grata pour le président Kabila, qui souhaite son arrestation, mais son jugement en RDC et non par la CPI.

Capture d’écran 2012-04-15 à 22.24.23.pngDans une déclaration publique prononcée dans l'Est de la RDC le 11 avril 2012, le président Kabila a indiqué qu'il envisageait de faire arrêter Ntaganda. La visite éclair de Joseph Kabila dans cette région survenait dans le contexte d'un retour de l'insécurité dans le Nord Kivu et le Sud Kivu, après que des soldats fidèles à Ntaganda eurent tenté de se mutiner. La déclaration du président a paru signaler un revirement important dans l'attitude du gouvernement congolais vis-à-vis du général Ntaganda, qu'il considérait auparavant comme indispensable à la poursuite du processus de paix dans le pays.

« Le président Kabila a mis clairement l'arrestation de Ntaganda à l'ordre du jour, ce qui constitue un pas très important vers la justice au Congo », selon Anneke Van Woudenberg, chercheuse de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les propos du président Kabila devraient être suivis rapidement d'une arrestation menée en bonne et due forme, d'une manière qui garantisse le transfert immédiat de Ntaganda à La Haye et qui soit sans danger pour les civils. »

La CPI a émis un mandat d'arrêt sous scellés contre Bosco Ntaganda en 2006, l'accusant de crimes de guerre pour avoir recruté des enfants soldats et les avoir fait participer à des combats en 2002-2003 dans le district de l'Ituri, dans le nord-est de la RDC. A l'époque, il était le chef des opérations militaires de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice armée congolaise. Les scellés du mandat d'arrêt ont été levés en avril 2008.

En dépit de ce mandat d'arrêt de la CPI, Bosco Ntaganda a été intégré dans l'armée gouvernementale congolaise et promu général en 2009. Il a pu se déplacer librement dans l'est du Congo sous les yeux de responsables du gouvernement congolais, de Casques bleus des Nations Unies et de diplomates étrangers. Le gouvernement congolais a affirmé que Ntaganda était un partenaire important pour la paix et que l'arrêter ne ferait que compromettre le processus de pacification. Les organisations de la société civile congolaises ont à plusieurs reprises dénoncé sa promotion et réclamé son arrestation.

Au cours de la dernière décennie, Human Rights Watch a fréquemment documenté le rôle qu'a continué à jouer Bosco Ntaganda dans d'atroces violations des droits humains, dont des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture, ainsi que le recrutement d'enfants soldats. La politique du gouvernement consistant à récompenser des commandants impliqués dans des violations, comme Ntaganda, en les nommant à des postes hiérarchiques dans l'armée, démontre un mépris cruel pour les victimes de leurs atrocités, a affirmé Human Rights Watch.

« Ntaganda s'est promené effrontément dans les restaurants et sur les terrains de tennis de Goma, arborant son impunité comme une médaille tout en se livrant à d'impitoyables violations des droits humains », a ajouté Anneke Van Woudenberg. « Les Nations Unies et d'autres devraient prêter leur concours à son arrestation en bonne et due forme, qui n'a que trop tardé, et ainsi apporter un peu de soulagement à ses nombreuses victimes. »

En mars, la CPI a déclaré Thomas Lubanga, le co-accusé de Ntaganda, coupable de crime de guerre pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats, dans un jugement qui constituait son premier verdict. A la suite de ce verdict, le procureur de la CPI a annoncé qu'il allait ajouter les chefs d'accusation de viol et de meurtre dans le dossier à charge ouvert à l'encontre de Ntaganda, en rapport avec ses activités en Ituri.

Le verdict de la CPI à l'encontre de Lubanga a mis en lumière l'impunité dont continuait à bénéficier Ntaganda et a accru les pressions en faveur de son arrestation, a souligné Human Rights Watch. Craignant l'imminence d'une action contre lui, Bosco Ntaganda a encouragé ses troupes à quitter les rangs de l'armée congolaise. Mais sa manœuvre s'est retournée contre lui car quelques centaines d'hommes seulement se sont ralliés à lui, dont beaucoup ont par la suite de nouveau rejoint l'armée régulière ou ont été arrêtés quelques jours plus tard.

Dans son discours de Goma, Joseph Kabila a dénoncé ces défections et l'indiscipline dans l'armée et a déclaré: « Cela nous donne des raisons d'arrêter n'importe quel officier, à commencer par Bosco Ntaganda. »

Joseph Kabila a également évoqué la possibilité que Ntaganda soit jugé en RD Congo, plutôt que transféré devant la CPI après son arrestation.

« Nous n'avons pas besoin d'arrêter Bosco pour le livrer à la CPI », a-t-il dit. « Nous pouvons l'arrêter nous-mêmes, et nous avons plus d'une centaine de raisons pour le faire, et le juger ici, et si ce n'est pas possible, ailleurs, par exemple à Kinshasa [la capitale], ou encore ailleurs. Nous ne manquons pas de raisons. »

Cependant, le gouvernement congolais a lui-même saisi la CPI de la situation dans le pays, en 2004. En tant qu'État partie au traité ayant constitué la CPI, la RD Congo est légalement tenue de coopérer avec la Cour et de suivre ses procédures, y compris d'exécuter le mandat d'arrêt lancé contre Ntaganda.

Si le gouvernement congolais souhaitait juger Ntaganda en RD Congo, il devrait déposer un recours devant les juges de la CPI, contestant l'admissibilité du dossier et démontrant que le système de justice congolais est réellement désireux et capable de poursuivre Ntaganda pour les mêmes crimes, dans le cadre d'une procédure équitable et crédible. Il reviendrait finalement aux juges de la CPI de décider si un procès national organisé en RD Congo pourrait s'imposer comme une meilleure solution que ses propres procédures.

Le système judiciaire en RD Congo a fait la preuve de ses faiblesses lorsqu'il s'est agi de faire rendre des comptes aux responsables de violences généralisées, a rappelé Human Rights Watch. Très peu d'officiers de haut rang ou de chefs de groupes armés ont été amenés à répondre de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, malgré le grand nombre de crimes graves commis au cours des récents conflits armés en RD Congo. Les tribunaux militaires souffrent d'un manque de moyens, sont souvent handicapés par des ingérences politiques et beaucoup de leurs procédures sont loin de respecter les critères internationaux en matière de procès équitable. Certaines des personnes qui ont été condamnées ont réussi à s'évader de prison.

« Ntaganda a à répondre de beaucoup de crimes mais ce n'est pas le moment pour la RD Congo de revenir sur ses obligations juridiques vis-à-vis de la CPI », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Sans d'importants investissements et des réformes, le système judiciaire de la RD Congo sera incapable de statuer de manière équitable sur les crimes internationaux dont Ntaganda est accusé. Quand il sera arrêté, il devrait être transféré dans les plus brefs délais à La Haye, afin que ses victimes puissent être enfin entendues par la justice. »