13 avril 2012
RDC : Aubin Minaku prend le perchoir
Sans surprise, Aubin Minaku, cadre du PPRD, a été élu nouveau président de l'Assemblée nationale en République démocratique du Congo (RDC). Il s'agit du premier changement institutionnel en RDC depuis les élections contestées de novembre 2011. L'opposition a boycotté le vote.Aubin Minaku était seul en lice pour représenter la Majorité présidentielle au perchoir de l'Assemblée nationale congolaise, il a donc été logiquement élu au perchoir. Responsable du PPRD, le parti du président Joseph Kabila, Aubin Minaku devra jongler avec les 340 députés de la Majorité présidentielle et la soixantaine de partis qui la compose. Il devra également faire face à quelques 120 députés de l'opposition, une première en RDC où l'opposition se limitait à la portion congrue. A 46 ans, ce député du Bandundu et juriste de formation est présenté comme un fin tacticien et un bon connaisseur de l'arène politique congolaise. Aubin Minaku avait piloté la campagne électorale de Joseph Kabila au sein de la Majorité présidentielle : un atout essentielle pour "tenir" une majorité très "éclatée".
Pour l'élection du bureau de l'Assemblée nationale, l'opposition a dénoncé "des tricheries" et accuse la majorité de s'être "ingérée dans les affaires de l'opposition" en imposant ses propres candidats d'opposition (très différents de ceux proposés par les partis). L'UDPS et le MLC avaient en effet désigné d'autres candidats que ceux proposé et élu au poste de 2e vice-président et de rapporteur adjoint (des postes réservés à l'opposition). Pour protester contre cette "sélection" des opposants par la majorité, les députés du MLC et de l'UDPS ont quitté la salle au moment du vote.
Après l'élection du président de l'Assemblée nationale, le président Kabila devrait prochainement nommer son prochain Premier ministre. Côté PPRD, Evariste Boshab tient toujours la corde, mais le président Kabila pourrait être tenté par une ouverture (timide) vers l'opposition où Léon Kengo et François Muamba (ex-MLC) essayent de se positionner.
Christophe RIGAUD
17:50 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (2)
RDC : 33 députés sont exclus de l'UPDS
Le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, avait promis de radier les députés de son parti qui siégeraient à l'Assemblée nationale... c'est chose faite depuis le 10 avril. Etienne Tshisekedi, qui ne reconnaît pas les résultats des dernières élections présidentielle et législatives, avait opté pour le boycott de l'Assemblée au risque d'isoler son parti de la scène politique congolaise. 33 députés de l'UDPS ont décidé de siéger et se retrouvent désormais sans étiquette politique.Etienne Tshisekedi a donc mis ses menaces à exécution : 33 députés du parti d'opposition ont été "auto-exclus" par les instances de l'UDPS. Les 33 fautifs n'avaient pas respecté la règle de boycott imposée par Etienne Tshisekedi. Candidat malheureux à l'élection présidentielle de République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2011, le patron de l'UDPS conteste la réélection de Joseph Kabila et les résultats des élections législatives. De nombreuses organisations internationales avaient pointé les irrégularités et les soupçons de fraudes massives, sans effets sur les résultats définitifs des élections.
Alors que les autres partis d'opposition ont tous décidé de siéger à l'Assemblée, Etienne Tshisekedi est resté campé sur sa position : le boycott de toutes les institutions issues des élections "frauduleuses". Cette décision passe mal auprès de nombreux cadres de l'UDPS qui craignent d'être marginalisés et inaudibles dans l'espace politique congolais. Selon eux, la stratégie du boycott (maintes fois utilisée par Tshisekedi) "n'a jamais payé par le passé". Divisée, l'UDPS risque l'éclatement, comme après chacune de ses défaites électorales. Lassés par l'irrédentisme d'Etienne Tshisekedi, certains cadres ont déjà rejoint d'autres formations politiques, comme l'UNC de Vital Kamerhe. Des départs pour l'instant marginaux.
Préférant parler "d'auto-exclusion constatée" plutôt que de radiation, l'UDPS a communiqué la liste des 33 radiés, le 10 avril dernier. Voici les personnalités concernées par ces exclusions : cliquez ici.
Christophe RIGAUD
12:31 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
12 avril 2012
18e commémoration en France du génocide contre les Tutsis
Plusieurs cérémonies ont été organisées en France dans le cadre de la commémoration du génocide contre les Tutsis au Rwanda. Mais les rescapés dénoncent une réunion provocatrice organisée le 7 avril à Rouen par le réseau négationniste en présence de suspects de génocide réfugiés en France.Comme chaque année, la commémoration du génocide contre les Tutsis du Rwanda fait l’objet d’une série de cérémonies en France, notamment à Paris. Du 7 avril au 4 juillet 1994, le génocide contre les Tutsis et le massacre politique des Hutus démocrates a fait plus d'un million de victimes dont, selon les autorités rwandaises 934 218 nommément identifiées. Plus de la moitié des victimes étaient des enfants et des jeunes, depuis les nouveaux-nés jusqu’à 24 ans. Entre 75 et 80% des Tutsis qui vivaient au Rwanda ont été exterminés. Parmi les survivants du génocide et massacre politique des Hutus démocrates, plus de 600 000 orphelins, 60 000 veuves, et des milliers de handicapés. En juillet 1994, lorsque la victoire du Front patriotique a fait cesser le carnage, les collines du Rwanda étaient jonchées de cadavres. Aujourd'hui encore, les restes d’un grand nombre de disparus n'ont pas été retrouvés.
La première commémoration organisée par la section française d’Ibuka (“Souviens-toi”) avait lieu samedi 7 avril devant le Mur de la Paix au Champ de Mars. A cette occasion le maire de Paris a fait lire un message où il s’engage à trouver un lieu pour recevoir un mémorial du génocide contre les Tutsis, une demande exprimée depuis longtemps par la communauté rwandaise de France. Un seul lieu de cette nature existe aujourd’hui en France : une Stèle commémorative à Cluny, inaugurée en 2011. C’est à Cluny que se tiendra d'ailleurs la cérémonie de clôture de la 18e commémoration, samedi 30 juin 2012.
Jacques Kabale, l'Ambassadeur de la République du Rwanda en France a organisé une cérémonie du souvenir le 11 avril à Paris en présence de représentants du gouvernement français, de la présidence de la République, des membres du corps diplomatique et des représentants de nombreuses associations, dont Ibuka France.
Tout en reconnaissant les avancées réalisées dans le cadre de la coopération judiciaire bilatérale entre la France et le Rwanda, Jacques Kabale, a déploré le fait qu’aucun génocidaire n’ait été, jusqu’à ce jour, jugé en France et que de ce fait la France devenait ainsi un havre de paix pour ceux-ci. Il a toutefois salué la création du « Pôle Génocide et Crime contre l’Humanité » qui permettra d’extrader des génocidaires présumés vers le Rwanda et le cas échéant de les traduire devant les juridictions françaises et de les juger.
Mme Elisabeth Barbier, représentante du ministère des Affaires étrangères et européennes, a au contraire proclamé la détermination du gouvernement français à poursuivre et à traduire devant la justice les coupables du génocide où qu’ils se trouvent et à lutter contre toute forme de négationnisme. « La France est engagée aux côtés des juridictions pénales internationales et le restera », a-t-elle souligné. Madame Barbier a terminé en précisant que la France souhaitait accompagner le Rwanda dans son développement et souhaitait aussi renforcer les liens d’amitié et de coopération avec le peuple rwandais.
Cependant un évènement est venu ternir le programme des cérémonies : une réunion négationniste a pu être organisée à Rouen (Seine Maritime) le 7 avril à l'initiative de Théogène Rudasingwa, un Rwandais actuellement sous le coup d'un mandat d'arrêt international en suite d'une condamnation par contumace pour atteinte à la sécurité de l'Etat rwandais
Selon l’ambassade du Rwanda à Paris, "cette réunion regroupait un certain nombre de personnes présumées avoir participé au génocide contre les Tutsis du Rwanda d'avril à juillet 1994, dont Charles Twagira et Claude Muhayimana contre lesquels des procédures sont actuellement en cours devant les juridictions françaises”.
La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Rouen avait émis le 29 mars dernier un avis favorable à l'extradition de Claude Muhayimana vers le Rwanda pour y être jugé, tout en assortissant sa liberté provisoire d’un contrôle judiciaire strict.
“La date symbolique retenue pour cette rencontre coïncide très exactement avec la commémoration du début du génocide des Tutsis perpétré au Rwanda et est de nature à porter le trouble parmi les nombreux rescapés résidant en France”, a indiqué l’ambassadeur du Rwanda dans un communiqué qui “ ne peut que constater avec regret ce sérieux incident qui n'aurait pas du échapper aux forces de l'ordre au regard des conventions internationales”.
Capitale du département de Seine Maritime, Rouen abrite le principal réseau de Rwandais négationnistes et de suspects de génocide en France.
10:07 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)
10 avril 2012
RDC : Pourquoi Kabila ne lâchera pas Ntaganda
Recherché par la Cour pénale internationale (CPI) et menacé d'être interpellé par Kinshasa, le général Bosco Ntaganda a démontré sur le terrain que ses hommes pouvaient relancer le conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans une entretien accordé à Afrikarabia, le représentant du CNDP en France, le Colonel Jean-Paul Epenge, affirme que Kinshasa n'a "ni intérêt, ni les moyens d'arrêter Bosco Ntaganda". Selon lui, le voisin Rwandais veille à garder son influence à l'Est et le rapport de force militaire reste favorable aux troupes fidèles à Ntaganda. Jusqu'à quand ?Depuis la condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), les rumeurs autour d'une possible arrestation de Bosco Ntaganda vont bon train à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Comme Lubanga, Ntaganda est accusé par la CPI d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans en Ituri et d'avoir participé au conflit à l'Est de la RDC. Mais contrairement à Thomas Lubanga, Bosco Ntaganda a rejoint une autre rébellion en 2000, le CNDP de Laurent Nkunda. Il devient alors le chef d'Etat-major du mouvement et participe à la guerre que lance Laurent Nkunda contre le régime de Joseph Kabila dans les Kivu. Mais en 2009, une renversement d'alliance surprise s'opère au sein du CNDP : Ntaganda rallie Joseph Kabila et Nkunda est arrêté par son ancien allié rwandais. Les ex-CNDP de Ntaganda conclu un accord de paix avec Kinshasa et s'intègre dans les rangs de l'armée régulière (FARDC). Un fragile équilibre entre Kabila et Ntaganda permet un retour au calme relatif dans les Kivu et les ex-CNDP soutiennent même le candidat Kabila aux dernières élections de novembre 2011 dans leur zone d'influence. Ce statu-quo arrange tout le monde : Kabila, qui a étouffer le conflit à l'Est, Ntaganda qui a évincé Laurent Nkunda et le Rwanda qui conserve la haute main sur l'Est du Congo-Kinshasa.
L'embarrassant général Ntaganda
Depuis son ralliement à Kinshasa, Ntaganda s'est vu nommer général et coordonne même les opérations militaires contre les rebelles FDLR avec les casques bleus de l'ONU. Kinshasa estime que l'intégration de l'ancien rebelle au sein de l'armée régulière constitue un gage de stabilité dans l'Est du pays, secoué depuis plus de 15 ans par une guerre sans fin. La condamnation de Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale a réactivé la machine judiciaire et remis Bosco Ntaganda sur le devant de la scène médiatique. Un coup de projecteur qui embarrasse Kinshasa, accusée de protéger Ntaganda.
Car l'affaire Ntaganda tombe au plus mal pour le président Kabila. Le président de la République démocratique du Congo cherche depuis plusieurs mois à retrouver sa légitimité auprès de la communauté internationale. Le pays a traversé une période électorale trouble, entachée de nombreuses irrégularités et de soupçons de fraudes massives. Kabila aimerait bien donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale et à ses bailleurs. Pendant ce temps, le procureur de la CPI pousse le régime de Kinshasa à arrêter Ntaganda. La rumeur enfle à l'Est et des soldats fidèles à Ntaganda désertent l'armée régulière pour rejoindre le maquis et en profitent pour effectuer une démonstration de force dans les rues de Goma. La population prend peur et craint le retour de la guerre dans la région.
"Que veut la communauté internationale ? Que l'Est s'embrase ?"
Afin de savoir si Kinshasa prendra le risque d'arrêter Ntaganda, nous avons interrogé le Colonel Jean-Paul Epenge, le représentant du CNDP en France. Pour ce légaliste pro-Nkunda, qui n'a donc jamais soutenu la scission provoquée par Bosco Ntaganda, Joseph Kabila n'a pour l'instant aucun intérêt à lâcher le responsable du CNDP et rallumer la guerre à l'Est. Jean-Paul Epenge "ne pense pas et ne souhaite pas" que Kinshasa arrête Bosco Ntganda. Pour ce responsable du CNDP, les défections des soldats de Ntaganda sont l'expression "d'un fort mécontentement" vis à vis du pouvoir central. Les officiers de l'ex-CNDP avaient en effet adressés un mémo au président Kabila le 23 septembre 2010 en dénonçant le manque de moyens mis à leur disposition pour traquer les rebelles FDLR, les détournements de salaires et le tribalisme qui régnait au sein des FARDC (l'armée régulière congolaise). Selon Jean-Paul Epenge, "nous n’avons rien obtenu, ne fusse qu’un simple regard de la part de Kinshasa" et de préciser : "tant que ces revendications fondées ne seront pas prises en compte, il y aura toujours quelques sursauts d’orgueil et des défections".
Concernant la possible arrestation de Bosco Ntaganda, Jean-Paul Epenge, rappelle l'accord passé entre Kabila et Ntaganda : la paix contre l'intégration des soldats du CNDP dans l'armée. Pour Jean-Paul Epenge : "il est temps que les fils du Congo soient jugés chez eux. Par exemple, les nouvelles autorités libyennes ont refusé de livrer Seïf al-Islam Kadhaffi à la CPI, bien que ce dernier soit leur pire ennemi. Bosco Ntaganda est un général des FARDC, coordonateur adjoint des opérations Amani-Leo qu’il assure avec brio, malgré le manque des moyens." Et de conclure : "il est abject que d’une part cette fameuse communauté internationale travaille en symbiose avec le général Bosco Ntaganda pour une paix définitive dans les Kivu et d’une autre, ils brandissent un mandat d’arrêt contre lui. C’est hypocrite et dangereux. Que veut la communauté internationale ? Que l’Est de la RDC s’embrase encore? Non, les Congolais doivent faire très attention à toutes ces manipulations. Le président Kabila veut la paix, les Congolais aussi, y compris le général Bosco Ntaganda".
"Le Rwanda ne l'acceptera pas"
Joseph Kabila n'a donc aucun intérêt à livrer Ntaganda à la CPI, au risque de rallumer la poudrière des Kivu. Bosco constitue une pièce maîtresse dans le fragile équilibre qui lie Kinshasa et son turbulent voisin rwandais. D'ailleurs, selon Jean-Paul Epenge, les FARDC rencontreraient de réelles difficultés si elles devaient procéder à l'arrestation de Bosco Ntaganda dans son fief de l'Est. Pour ce colonel du CNDP : "le rapport de force est en notre faveur". Avant de rajouter : "de toute façon, le Rwanda ne l'acceptera pas".
Pour l'instant, Kinshasa et Ntaganda se regardent en chien de faïence : chacun attendant un geste de l'autre. Sur le terrain, le gouvernement congolais se veut rassurant sur le retour à la normale dans les contingents de l'armée régulière et promet d'envoyer des renforts… au cas où. Selon nos informations, les défections des soldats ex-CNDP continueraient au sein des FARDC. Le gouvernement aurait donné jusqu'au 12 avril pour que la situation se régularise à l'Est.
Christophe RIGAUD
Photo : JP Epenge © DR www.afrikarabia.com
07:22 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)