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01 janvier 2012

AFRIKARABIA vous souhaite une bonne année 2012

Nous profitons de cette occasion pour vous souhaiter une excellente année et vous remercier de votre fidélité. 2011 a été une année riche en événements en République démocratique du Congo (RDC) et l'intérêt pour les élections de novembre ont fortement accru notre audience. Le site afrikarabia.com, présent également sur la plateforme du magazine Courrier International a enregistré un peu plus de 2 millions de pages vues pendant l'année 2011. Une fréquentation qui nous encourage à faire plus et mieux pour vous informer. Encore merci d'être aussi nombreux à nous lire chaque jour. Espérant que cette nouvelle année puisse voir s'améliorer le quotidien des Congolais… ils le méritent tous.

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RDC : RFI punie par Kinshasa

Les mauvaises habitudes ont la vie dure en République démocratique du Congo (RDC). Les autorités congolaises ont décidé de couper le signal de Radio France Internationale (RFI) en RDC jusqu'au mardi 3 janvier 2012. En cause, le traitement des dernières élections très contestées et un article présentant les "deux discours de nouvel an" des "deux leaders" congolais. Pour le pouvoir en place à Kinshasa, il y a visiblement un leader de trop dans l'article. Rappelons qu'en 2009, RFI avait déjà été forcée de couper ses émetteurs pendant 9 mois, accusée de "démoraliser les forces armées congolaises".

Capture d’écran 2012-01-01 à 23.00.38.pngUn mois seulement après des élections contestées, le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) décide de couper le signal de RFI sur l'ensemble du territoire. Les autorités souhaitent ainsi "protester contre une couverture jugée partiale de la situation post-électorale en RDC par RFI". Pour le ministre congolais de l'information, "il y a comme une volonté délibérée de créer une situation confuse qui peut nous entraîner dans des affrontements entre Congolais, et ça nous n’apprécions pas". En lisant entre les lignes… et en allant sur le site de la radio mondiale, un article est peut-être à l'origine du coup de sang de Kinshasa. L'article s'intitule "deux discours de nouvel an, deux leaders". Le journaliste relate la présentation des voeux du président officiellement élu, Joseph Kabila, puis ceux de l'opposant Etienne Tshisekedi, auto-proclamé "président élu" devant l'ampleur des irrégularités du scrutin. Et de conclure l'article ainsi : "deux discours, deux leaders : le bras de fer politique est loin d’être réglé en RDC". Pour Kinshasa, il y a apparemment un leader de trop dans le papier de notre confrère… et on devine lequel. Résultat : plus de son sur les fréquences de RFI au Congo.

Les autorités congolaises sont coutumières du fait dans ce pays. En juillet 2009, la diffusion de "la radio mondiale" avait déjà été interrompue. Les autorités congolaises accusaient RFI de développer une campagne systématique de "démoralisation des forces armées de la RDC (FARDC)". Il a fallu attendre 9 mois… et l'expulsion de la correspondante de la radio, Ghislaine Dupont, avant la reprise des émissions. Espérons que cette fois-ci le signal sera bien rétabli mardi prochain… la RDC et les Congolais ont tous besoin des informations de RFI dans cette période très incertaine.

Christophe RIGAUD

RDC : Kengo victime des "combattants" à Paris

Il ne fait pas bon transiter par la gare du nord pour les hauts dignitaires de la République démocratique du Congo (RDC). Dernière victime en date, le président du sénat, Léon Kengo wa Dondo, agressé samedi 31 décembre à sa sortie du train en provenance de Bruxelles. Les agresseurs portent un nom : "les patriotes-résistants-combattants", opposés au président Joseph Kabila. Depuis bientôt deux ans, ces Congolais mènent la vie dure aux personnalités proches du régime. Parmi leurs derniers faits d'armes : l'agression du général Didier Etumba gare du nord, l'interdiction des concerts de Werrasson et Papa Wemba ou encore l'incendie et l'occupation de l'ambassade de RDC à Paris.

Capture d’écran 2012-01-01 à 22.55.56.pngLa nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre sur la toile. Des sites congolais très engagés dans l'opposition, comme Réveil-FM, Afrique rédaction ou Congomikili, ont tout de suite relayé l'information : le président du sénat, Léon Kengo, deuxième personnage de l'Etat, a été agressé samedi 31 décembre à la gare du nord de Paris. En provenance de Bruxelles, le candidat à la présidentielle de novembre (4,45% des voix) a été pris à partie par un groupe de "patriotes-résistants-combattants"  alors qu’il tentait de monter dans sa voiture. L'agression a été particulièrement violent puisque, selon les autorités congolaises, le président du sénat "aurait eu des dents arrachées et a été piétiné et roulé à terre". Léon Kengo, 76 ans, a été conduit à l'hôpital Lariboisière.

Léon Kengo n'est pas la première victime des "combattants" congolais, très actifs à Paris, mais aussi Londres ou Bruxelles. Ces groupes, profondément anti-Kabila, ont été à l'origine de plusieurs manifestations "Kabila dégage" dans la capitale française. Ils ont ensuite empêché plusieurs artistes congolais de se produire en concert à Paris, comme la star Werrasson ou Papa Wemba. Les "combattants" reprochent à ces chanteurs de "rouler" pour Kabila et de faire de la propagande pour le candidat-président (à l'époque en campagne pour sa réélection). Gare du nord, les "combattants" ont ensuite perturbé l'arrivée en Thalys d'Olive Lembe Kabila, la femme du chef de l'Etat. En juin 2010, toujours gare du nord, les "combattants" ont agressé violemment le général Didier Etumba, à l'époque chef d'Etat-major de l'armée congolaise, en visite à Paris pour assister au concert "la nuit africaine". Derniers faits d'armes : l'incendie de l'ambassade de RDC à Paris en septembre 2011 et l'occupation de la même ambassade en décembre dernier.

La dernière cible, Léon Kengo, n'est pas le fruit du hasard. Après la réélection contestée de Joseph Kabila, la crise politique couve à Kinshasa. L'opposant Etienne Tshisekedi (en général très soutenu par les "combattants" de la diaspora) s'est auto-proclamé président du pays, s'estimant victime d'une fraude massive lors du vote. Léon Kengo, candidat à la présidentielle, s'affichait pourtant dans le camp de l'opposition (avec également Vital Kamerhe). Mais pour les "combattants", cet "opposant de la 25ième heure" ralliera Joseph Kabila au dernier moment. De nombreuses rumeurs donnent en effet le nom de Léon Kengo comme prochain Premier ministre de Joseph Kabila. Une manière pour le président réélu de faire "un geste" à moindre frais envers  l'opposition.

Les autorités congolaises ont bien sûr vivement réagi à l'agression de Léon Kengo. Kinshasa accuse même les partisans d'Etienne Tshisekedi d'être les auteurs de cette "attaque inacceptable". Le ministre des Affaires étrangères de RDC, Alexis Tambwe Mwamba a convoqué l'ambassadeur de France ce dimanche à Kinshasa. Paris affirme ne pas avoir été informée de la visite (privée) de Léon Kengo en France.

Christophe RIGAUD

Photo : manifestation à Paris, février 2011 (c) Ch. Rigaud www.afrikararabia.com

29 décembre 2011

RDC : Les leçons du scrutin présidentiel

Trois semaines après la réélection contestée de Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC), Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group dresse un premier bilan des élections congolaises. Voici son analyse.

Capture d’écran 2011-12-28 à 22.41.28.pngLa recette de la réélection de Joseph Kabila est le même cocktail anti-démocratique qu’on observe dans d’autres pays de la région (Ouganda, Rwanda, Centrafrique, Cameroun, etc.) : le contrôle de la machine électorale, le contrôle des institutions sécuritaires, la complaisance des Nations unies pour le pouvoir en place, le double langage des puissances extérieures et le manque de stratégie de l’opposition.

Le contrôle de la machine électorale incluait, dans ce cas, à la fois la CENI dirigée par le « conseiller spirituel » du président mais aussi la Cour suprême qui a reçu un renfort d’effectifs très opportun au début du mois de novembre, c’est-à-dire en pleine campagne électorale. Ces magistrats additionnels ont bénéficié d’une promotion de carrière accélérée pour aider à traiter le contentieux électoral sans d’ailleurs être formés pour cela compte-tenu du caractère très tardif de leur nomination. Mais ce contrôle de la machine électorale s’étend aussi à ce qui constitue la machine électorale informelle : les administrateurs territoriaux à tous les niveaux et les forces de sécurité. Les uns contribuent à la mobilisation populaire et mettent à disposition les moyens de l’Etat pour la campagne du parti au pouvoir tandis que les seconds exercent des pressions et quadrillent les quartiers d’opposition, comme on a pu le voir à Kinshasa. L’aviation civile a même été, à un moment, appelé à la rescousse pour retarder le retour de Tshisekedi au pays. Dans un pays où les forces de sécurité sont chroniquement sous-payées, le pouvoir a pris soin de les rémunérer avant le scrutin et, pour plus de sûreté, il a aussi procédé à quelques changements de commandement, notamment dans cette province d’opposition qu’est l’Equateur. Cette mainmise sur l’appareil électoral et les forces de sécurité déséquilibre obligatoirement la campagne électorale qui a fini par ressembler au combat de David contre Goliath.

Les ambiguïtés de la communauté internationale

Les Nations unies avaient, selon leur mandat, un triple rôle de logisticien, conseiller technique et médiateur mais, après la malheureuse expérience ivoirienne, elles avaient pris soin de ne pas être l’arbitre des élections congolaises en ne les certifiant pas. De fait, les Nations unies et leur mission sur place, la MONUSCO, ont opté pour une posture ambiguë en étant « in » pour l’ensemble du processus mais en se mettant « out » pour son point final. Cette « implication sans risque » était, en fait, risquée à la fois pour les élections et pour la MONUSCO car celle-ci s’est trouvée impliquée là où elle ne voulait pas l’être et désimpliquée là où elle aurait dû l’être : en étant « embedded » avec la CENI, elle a été le témoin de sa mauvaise organisation, de la confection très approximative de la liste des électeurs, des décisions biaisées de son président et des contrats de plusieurs millions passés de gré à gré ; en étant chargée de l’acheminement des bulletins de vote, elle a transporté des tonnes de bulletins après le 28 novembre sans s’assurer qu’ils n’étaient pas cochés ; en étant un chaînon actif de la compilation des résultats au sein de la commission ad hoc, elle a vu passer les résultats impossibles de certaines circonscriptions du Katanga sans dire un mot ; et malgré sa mission de bons offices, elle n’a pas cherché à prendre contact avec les oppositions, et notamment l’UDPS. En revanche, elle est restée silencieuse sur le retard organisationnel qui compromettait la bonne tenue du scrutin du 28 novembre, silencieuse sur les multiples violations du code électoral, silencieuse sur le faux nettoyage de la liste électorale et silencieuse sur les millions de votes qui ont disparu – elle n’a appelé que mollement à la prise en compte des observations des missions du Carter Center et de l’Union européenne. Néanmoins, la MONUSCO ne s’est pas contentée d’être un témoin silencieux, elle a été un acteur de la compilation des résultats présidentiels puisque le président de la CENI affirme que c’est un expert des Nations unies qui réceptionnait et traitait les chiffres en provenance des provinces…Tout en voulant échapper au cauchemar de la validation officielle des résultats, la MONUSCO semble avoir été un tout petit peu trop loin dans son « assistance technique » et avoir dépassé les limites fixées par sa stratégie « d’implication sans risque » en œuvrant à la compilation des résultats présidentiels.

Les puissances extérieures ont développé un double langage : au nom de la démocratie, les Occidentaux ont financé pour un peu plus de 100 millions de dollars un processus électoral qu’ils savaient biaisé dès le départ et qu’ils auraient reconnu du bout des lèvres si ce n’était l’évidence de la fraude, tandis que les Africains qui n’ont rien financé et rien observé (leurs missions s’apparentant davantage à du tourisme électoral qu’à de l’observation électorale) ont salué la bonne tenue du scrutin vue du Grand Hôtel et du Memling mais ont oublié de venir à l’inauguration d’un président laissé en bien mauvaise compagnie puisque le seul chef d’Etat africain présent était Robert Mugabe. Finalement, les bailleurs ont payé sans pouvoir dire qu’ils ont réalisé un investissement pour la démocratie et les présidents de la région ont soutenu par solidarité anti-démocratique mais sans aller jusqu’à s’afficher en public avec le vainqueur.

Une opposition divisée

Mais la réélection de Joseph Kabila n’aurait pas été possible sans la désunion de l’opposition. Celle-ci a été confrontée à l’exigence d’unité par la révision constitutionnelle de janvier qui a supprimé le second tour de l’élection présidentielle. Dès lors, l’élection présidentielle devait prendre l’aspect d’un duel entre deux hommes. Au lieu de cela elle est devenue une course inégale à 11 partants : le président sortant face à deux challengers crédibles, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, et à 8 autres candidats sans stature nationale et sans moyens. Pendant les mois qui ont précédé le scrutin, la vie de l’opposition a été dominée par des discussions sans fin entre les camps de Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, des batailles d’egos, des postures inutiles et des rendez-vous manqués, les uns et les autres étant plus soucieux des apparences politiciennes que des réalités stratégiques. Finalement, ce qui aurait pu être le duo gagnant (le score officiel combiné de Vital Kamerhe et d’Etienne Tshisekedi, 40%, laisse entendre qu’ils ont certainement fait plus) ne s’est pas matérialisé et, au lieu de courir ensemble, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe ont couru chacun dans leur couloir, en parallèle, vers une défaite annoncée en dépit d’un rejet populaire du statu quo.

Si le chapitre de l’élection présidentielle est clos juridiquement, il ne l’est pas politiquement  (mais ce n’est pas certain car les conséquences de cette élection bâclée débutent tout juste). On peut désormais conclure que le soutien des Occidentaux mais aussi des Africains s’effrite et que l’inauguration solitaire en compagnie de Robert Mugabe est probablement la pire communication politique qu’on pouvait imaginer pour débuter ce nouveau mandat. Il ne suffit pas d’être élu, encore faut-il être bien élu, c’est-à-dire ajouter à la légalité formelle des institutions d’Etat la légitimité nationale et internationale.

Thierry VIRCOULON
Responsable de l'Afrique centrale
International Crisis Group

Photo : Centre de compilation au Katanga (c) DR

RDC : La répression s'accentue sur les médias

Triste bilan pour la liberté de la presse en République démocratique du Congo (RDC) pour l'année 2011. Journaliste en danger (JED) dénonce une répression accrue sur les médias et les journalistes congolais depuis l'élection présidentielle du 28 novembre dernier. L'ONG recense au moins 160 cas d'atteintes à la liberté de la presse en 2011, dont près de la moitié pendant la période électorale.

 

Capture d’écran 2011-12-29 à 17.48.54.png2011 sera une année noire pour la liberté de la presse en RDC. Journaliste en danger (JED) note avec inquiétude que "l’étau se resserre chaque jour un peu plus autour des médias à Kinshasa et en provinces". Pour l'ONG congolaise, la répression se traduit par des menaces et des arrestations de journalistes, des attaques armées contre des maisons de presse (journaux, radios et télévisions), l’interdiction d'émissions et la fermeture de médias proches de l’opposition". 

 

Sur l'année écoulée, JED recense : 1 journaliste tué à Kirumba dans le Nord-Kivu en juin 2011, 42 arrestations des journalistes, 57 cas de menaces et d’agressions contre des journalistes, 43 cas de censure et d’entraves à la circulation de l’information et 17 cas de pressions sur les médias… un record depuis l'année 2007.

 

Dans son rapport, Journaliste en danger regrette que "les médias congolais, dans leur ensemble, se sont engagés, et en toute connaissance de cause, dans une frénésie propagandiste qui a occulté les vrais débats démocratiques sur les candidats et leur programmes". Selon l'ONG, la campagne électorale pour les présidentielles et les législatives a été "un véritable fiasco dans les médias". Le rapport dénonce les nombreux dérapages sur les ondes des médias congolais, "dans un climat de tension et d’intolérance politique" et "pose désormais une question de crédibilité et de professionnalisme de la presse congolaise". 

 

JED en appelle à la dissolution du CSAC (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication) qui aurait dû garantir "le droit à l’information et le professionnalisme des médias". L'ONG attend la mise en place d'un organe "plus crédible" et "plus compétent".

 

Christophe RIGAUD

 

Vous pouvez consulter la liste des principales atteintes à la liberté de la presse en RDC en cliquant ICI.

27 décembre 2011

RDC : Peut-on encore sauver les législatives ?

Après les critiques et les contestations autour de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), voici le tour des élections législatives. Organisées le même jour que la présidentielle, les législatives suscitent les mêmes polémiques :  organisation anarchique, irrégularités et soupçons de fraude massive. Sous la pression de la communauté internationale, les opérations de comptage ont été suspendues en attendant l'arrivée d'experts internationaux, mais le manque de transparence du scrutin inquiète toujours les ONG.

Capture d’écran 2011-12-27 à 01.14.59.pngLes résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC) prennent le même chemin que ceux de la présidentielle : celui de la contestation. Les élections législatives et présidentielle ont été organisées en même temps, le 28 novembre 2011. Les résultats ont donné la victoire à Joseph Kabila, devant l'opposant Etienne Tshisekedi. Mais le scrutin est très controversé, entaché d'irrégularités et d'accusations de fraudes. L'Union européenne, les Etats-Unis ou l'église congolaise ont tous reconnu le manque de transparence de ces élections. Le président Joseph Kabila reconnaît "des erreurs", juge le scrutin "crédible".

La bataille pour la présidentielle et la prestation de serment des deux "présidents" (Kabila officiellement investi mardi 20 décembre et Etienne Tshisekedi "auto-investi" par son parti) ont occulté une autre bataille électorale : celle des législatives. Selon Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group, le scrutin législatif reproduit les mêmes travers que la présidentielle, avec quelques particularités. "Les législatives me paraissent plus complexes et plus problématiques parce qu'en plus des enjeux nationaux, il y a des enjeux locaux. On est sur les mêmes modèles de fraudes massives que sur la présidentielle, mais avec des gouverneurs provinciaux qui "prennent les choses en main" et qui décident de la liste des vainqueurs", explique Thierry Vircoulon. Pour ce spécialiste de la région, les facteurs ethniques ont également  joué un rôle important. "A Kisangani, en province orientale", note Thierry Vircoulon, "une tribu "adversaire" au ministre national de l'Economie, Jean-Pierre Darwezi, est venu en pirogue pour voter… mais n'a jamais trouvé son bureau de vote !". Les observateurs internationaux ne comptent plus les irrégularités dans ce scrutin : bureaux de vote fictifs, électeurs inscrits plusieurs fois, bulletins de vote perdus, procès-verbaux de dépouillements égarés…sans compter les nombreuses pression sur le personnel de la Commission électorale (CENI). "On assiste à une série d'arrestations du personnel de la CENI, accusé d'aider l'un ou l'autre camp" précise Thierry Vircoulon à Afrikarabia

Pour sauver les législatives, de nombreuses ONG ont réclamé l'arrêt du comptage et de la "compilation" des résultats dans les Centres locaux (CLCR). Devant le flot de critiques de la communauté internationale et l'absence très remarquée de chefs d'Etats à l'investiture de Joseph Kabila, la CENI calme le jeu et accepte une mission d'experts américains et anglais pour "superviser" la compilation des résultats.

L'arrivée de cet "appui technique international" est plutôt vécu comme une bonne nouvelle par les nombreux observateurs du scrutin. A l'image de la mission AETA-EurAc, qui a envoyé 90 observateurs internationaux et 3.000 observateurs congolais sur place et qu'Afrikarabia a contacté . Cette mission a été le témoin "de la mauvaise préparation des élections" et des irrégularités qui ont "fort entaché tout le processus électoral et ont contribué à diminuer la confiance et la crédibilité" du scrutin. Pour Donatella Rostagno, du Réseau Europe - Afrique centrale (EurAc), "l'approche de l'appui technique de la Monusco (mission de l'ONU en RDC) et de la supervision internationale nous parait une solution réaliste qui pourra consolider et assurer une crédibilité relative à la phase de compilation des résultats". L'autre atout de l'expertise internationale, pour Donatella Rostagno, sera "d'assurer des effets rétroactifs sur les résultats déjà publiés en cas de contestation"… et elles sont nombreuses. Donatella Rostagno souhaite enfin que l'arrivée de ces experts soit l'occasion à la société civile congolaise (tenue à l'écart du processus électorale par la CENI), de jouer un rôle dans ce scrutin, en déployant notamment des observateurs dans les centres de compilation (CLCR).

Cet appui technique sera-t-il suffisant à redonner une crédibilité aux résultats de la Commission électorale congolaise ? Difficile de le penser. D'abord, parce qu'en remettant en cause la régularité des élections législatives, on remet en cause la présidentielle, qui a eu lieu le même jour. Et le pouvoir en place à Kinshasa ne semble pas disposé à mettre en danger la réélection de Joseph Kabila. Deuxième difficulté : l'étendu du nombre d'irrégularités. Thierry Vircoulon, d'International Crisis Group confiait à Afrikarabia, avant l'annonce de l'arrivée d'une mission internationale, que "le niveau de désorganisation était tel, qu'il rendait toute tentative de vérification problématique.. voir impossible".

En attendant, l'annonce des résultats des législatives, prévue le 13 janvier 2012, a été reportée à une date ultérieure.

Christophe RIGAUD