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04 septembre 2011

RDC : L'appel de Tshisekedi aux Congolais

Lundi 5 septembre 2011, le président national de l' Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, déposera sa candidature à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), fixée le 28 novembre. Dans un long message adressé aux Congolais, Etienne Tshisekedi appelle de ses voeux "un temps nouveau pour le Congo" et définit son "action pour demain", "à la recherche de la paix et de la réconciliation". Voici l'intégralité de son texte :

Capture d’écran 2011-09-04 à 12.44.14.png"Mes très chers Compatriotes,

Dans peu de temps, notre pays connaîtra un grand moment de son histoire contemporaine. S'il plaît à Dieu, chacun d'entre vous sera amené à choisir celles et ceux qui présideront à la direction de cette grande Nation.

Comme vous le savez, j'ai décidé de me porter candidat à l'élection à la Présidence de la République; non pas pour accomplir une quelconque ambition personnelle, mais parce que j'estime que l'avenir de cette nation ne peut être indéfiniment laissé entre les mains de ceux qui, de façon notoire et répétée, se distinguent par la duplicité de leur langage politique, leur goût effréné pour le gain facile, leur mépris total de la vie humaine et de la souffrance de leurs semblables.

1° Une si longue lutte

La lutte pacifique que nous menons ensemble pour retrouver notre dignité d'êtres humains a pu paraître interminable, car elle nous a conduit sur un long chemin parsemé d'épines, d'embûches et de privations, ayant souvent causé l'amertume, la douleur et le deuil.

Au cours de ma longue route, j'ai perdu des amis, des partisans ou simples sympathisants, dont le seul tort avait été de partager cet idéal de liberté et de progrès humain.

J'ai également été profondément marqué par le départ de certains de mes amis, de mes intimes, avec qui je n'étais pas seulement lié politiquement mais aussi personnellement. Ils ont estimé que la voie de la rigueur morale à laquelle je m'étais astreint n'était peut-être
pas la bonne. Ils ont choisi des voies différentes en cédant à des compromis qui sont vite devenus des compromissions. D'autres, qui furent aussi de mes proches compagnons, animés par je ne sais quelle force des ténèbres, ont mis toute leur énergie à creuser la division et la haine entre différentes communautés de la nation, reniant aussi fortement cet idéal de changement que nous avions pourtant partagé.

D'autres encore, qui ne faisaient pas partie de ma famille politique, mais avec qui nous avions si vaillamment vaincu les forces avilissantes du statut quo au sein de la Conférence Nationale
Souveraine, sont très vite revenus à leur ancienne nature, dès qu'ils se sont aperçus qu'ils ne pourraient pas tous siéger au gouvernement qui m'avait été confié par le peuple réuni en conférence nationale souveraine.

Mais parce que nous savions que la voie de la justice et du progrès social était un chemin long et étroit, nous n'avons pas cédé aux sirènes de la facilité par lesquelles, fort malheureusement, notre pays en est arrivé à sa décadence actuelle.

J'ai certainement commis des erreurs, voire des fautes, pour lesquelles je demande votre pardon. Et je pense moi aussi avoir reçu ma part d'enseignements et de sagesse à la suite de ce douloureux parcours. Mais en dépit de l'extrême dureté des épreuves, mon ardeur à défendre, à temps et à contretemps, la justice et l'honnêteté politique, est demeurée ferme.

2° A la recherche de la paix et de la réconciliation

L'option de la non violence qui a toujours inspiré l'UDPS, se justifie par le fait que le raccourci de la guerre reproduit toujours des germes d'autodestruction et d'arbitraire. Vous avez tous vécu, hier et aujourd'hui encore, la rapidité avec laquelle, telle une métastase,
nos politiciens ont trouvé en la rébellion de 1996 un modèle d'accession facile au pouvoir et à l'enrichissement personnel illicite.

Cependant, il m'a souvent été reproché une intransigeance excessive qui ne permettrait ni la réconciliation politique, ni la reconstruction. J'ai toujours affirmé que mon combat n'a jamais visé un homme, quel qu'il soit, mais plutôt un système, où le mensonge est érigé en vérité, l'obscurité en lumière et la force en droit. Je vous dois ici quelques explications susceptibles de vous édifier quant à mon profond attachement à la réconciliation nationale et à l'ouverture.

Au plus fort de la guerre dite de libération, en novembre 1996, je me suis rendu à Cap Martin en France, pour y rencontrer le Président Mobutu malade, pour obtenir de sa part qu'il comprenne la réalité des enjeux de l'époque, qu'il organise son retrait de façon honorable et qu'il permette aux forces réelles de l'opposition politique que je représentais, d'organiser des négociations avec les rebelles afin d'éviter des morts inutiles et la fragilisation de notre souveraineté nationale. Ma démarche avait été incomprise, sinon méprisée ou vilipendée.

Rappelez-vous également de mes propositions faites en mars 1997, lorsque, face au désespoir du à l'avancée des rebelles, le Président Mobutu s'était résolu à me laisser diriger le gouvernement suivant la volonté du peuple. Tout en suggérant sa neutralisation à la tête de
l'Etat, j'avais proposé la mise sur pied d'un gouvernement d'union regroupant paritairement l'opposition politique et les rebelles.

J'avais également demandé que fût suspendu le Parlement de Transition qui n'avait manifestement plus de justification politique avec l'occupation aux ¾ du territoire par les rebelles et les forces étrangères. Là aussi, mes propositions ont été balayées par ceux-là même à qui nous voulions offrir une sortie acceptable et ordonnée, en prélude à la réconciliation à venir. Ils ont préféré être emportés quelques semaines plus tard par la force du fusil, dans l'humiliation la plus totale. Nombre d'entre eux se sont ensuite convertis à leur tour en pseudo libérateurs, entraînant dans leur élan d'avidité, l'érosion de la souveraineté nationale et les guerres à répétition, dont les victimes se comptent en millions de morts.

Souvenez-vous également de ma visite à notre frère Laurent Désiré Kabila, après sa prise de pouvoir par les armes en mai 1997. Il me paraissait urgent de discuter avec lui, en ma qualité de chef de file de l'opposition, des moyens et modalités à envisager en vue de légaliser et de légitimer son pouvoir qui était encore arbitraire.
J'ai reçu une fin de non recevoir et il a préféré m'assigner à résidence. La suite a été non seulement douloureuse pour lui, mais elle a surtout conduit à l'effondrement total des bases de notre société.

Enfin je voudrais vous rappeler Sun City, où tout a été mis en œuvre par les belligérants pour marginaliser et mépriser la vraie opposition politique dont nous étions sans nul doute les principaux représentants, au profit d'individualités peu représentatives ou issues en réalité des belligérants. Et pourtant l'implication de la vraie opposition politique a permis d'éviter la balkanisation du Congo, face aux tentatives de deux composantes belligérantes de vouloir à elles seules aboutir à un accord qui allait consacrer une partition de fait de notre pays.

L'expérience du gouvernement de transition issu de Sun City, et plus encore celle de la première législature de la troisième république, ont prouvé très clairement que nous ne pouvions y trouver notre place. Certes, cette période a aussi révélé de nombreuses individualités de talent au sein de ces institutions, y compris au sein de l'Alliance pour la Majorité Présidentielle de triste mémoire, des personnes qui seront appelées à jouer des rôles importants dans le Congo de demain. Mais globalement, les hommes et les institutions n'ont traduit ni une volonté réelle de paix et de réconciliation, ni une volonté de changement, mais une volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix par la ruse et le crime, pour poursuivre la rapine en toute impunité et perpétuer la perte de notre souveraineté.

En effet, en dépit de la propagande creuse sur les embellies économiques, la pauvreté continue de frapper près de 8 congolais sur 10 et la perception d'injustice sociale a atteint des niveaux jamais égalés dans l'histoire de ce pays. On nous annonce à longueur de journées que les soi-disant 5 chantiers sont la grande nouveauté du siècle qui apportera le salut au peuple Congolais. Que les choses soient claires : nous ne sommes pas contre les tentatives d'amélioration des infrastructures auxquelles nous assistons actuellement. Mais nous dénonçons l'opacité dans la réalisation, le coût et le financement des 5 chantiers ainsi que l'agencement des priorités. Les Congolais ne sont plus dupes. Les 5 chantiers sont devenus un écran de fumée, mieux, de la poudre jetée aux yeux des congolais pour cacher les monstrueux crimes économiques et de sang qui constituent le fondement même de ce régime. L'AMP, devenue MP depuis peu, oublie que le MPR, à qui elle aspire tant à ressembler, avait en son temps, dans des délais et conditions similaires, réalisé bien plus d'infrastructures. Ces deux formations politiques n'ont cependant jamais su donner aux congolais ce qui leur a le plus manqué depuis la disparition du Président Kasa-vubu, à savoir, une direction éthique et
morale fondée sur le respect du bien commun, la justice sociale et l'Etat de droit. En outre, manquant d'expérience et de perspective historique, l'AMP a renié ses propres engagements constitutionnels en matière de décentralisation, qui devrait être le moteur de la pérennisation des infrastructures, par une appropriation et une responsabilisation adéquate à la base.

Aujourd'hui, 14 ans après son avènement, le pouvoir AFDL-PPRD-AMP nous offre un tableau des plus désastreux en matière de droits de l'homme ; en plus de ses 5 millions de morts résultant de divers conflits, la RDC est devenue une triste référence en matière de violences faites aux femmes.

En définitive, le principal enjeu de ce processus électoral est de doter la République Démocratique du Congo d'un programme et d'hommes susceptibles : (i) d'affirmer l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue de la République et de garantir l'intégrité du territoire ; (ii) de
marquer une rupture avec les antivaleurs qui ont conduit le pays dans un cycle aggravé de dévoiement de la règle de droit, de conflits armés, de répression meurtrière, de prédation économique et de corruption généralisée, et, (iii) de renforcer l'élan de croissance économique et de coopération internationale sur une base plus responsable et plus équitable, en vue d'accélérer le développement humain et le bien être des populations.

3° Un temps nouveau pour le Congo

Si nous avons pu surmonter le poids de l'histoire en faisant des anciennes puissances colonisatrices nos principaux alliés d'aujourd'hui, pourquoi ne mettrions-nous pas notre énergie à forger cette alliance entre nous, filles et fils d'une même nation, pour que triomphent la liberté et la dignité, et que nos faiblesses ne conduisent plus à notre asservissement.

Aujourd'hui arrive un temps nouveau pour le Congo, un temps de grâce et de rafraîchissement. L'heure du pardon a sonné. La réconciliation nationale et la reconstruction que nous souhaitons exigent de tous les acteurs politiques et de l'ensemble de la nation un véritable dépassement de soi. Si nous ne reconnaissons pas nos fautes et n'accordons pas notre pardon à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont inutilement fait coulé le sang ou dépossédé le pauvre et l'indigent, nous ne serons pas meilleurs qu'eux. Pire, nous aurons failli à nos responsabilités devant l'histoire et serons coresponsables de la poursuite de la déchéance nationale.

Le pardon que nous nous devons mutuellement ne doit pas être un pardon naïf, sans contrepartie. Pour qu'il soit porteur d'espoir et de changement, il doit être assorti de l'expression d'un acte de repentance, individuelle ou collective, et de la mise en place d'un
système nouveau, où la toge remplace réellement le fusil, où l'arbitraire, le pillage et le crime n'ont plus droit de cité. Aussi, ce pardon ne doit pas se priver de justice, notamment pour les crimes les plus graves qui ont été commis au cours de ces dernières années, car bien que pardonné, le coupable ne peut être tenu pour innocent.

Si vous m'accordez votre confiance, je me consacrerai à concrétiser ce besoin de réconciliation en mettant ensemble toutes les parties prenantes, y compris les pays étrangers qui sont notoirement impliqués dans nos déboires et nos succès, afin qu'ensemble, dans un esprit constructif, nous mettions en place un code de conduite susceptible de permettre la préservation de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la dignité de la RDC, tout en assurant à tous la pleine participation à la vie de la nation sur des bases nouvelles.

Notre pays est assez grand et riche pour permettre à chaque congolais d'y trouver le bonheur, dans le respect du droit et de la dignité humaine. De même, s'agissant du développement économique, depuis sa création il y a plus d'un siècle, notre pays a toujours offert des possibilités de commerce aux nations. C'est à nous Congolais d'imposer aux nations notre dignité, et de leur offrir en retour toutes les possibilités d'échange économique dans nos intérêts réciproques.

4° Une indispensable vigilance électorale

Aujourd'hui plus qu'hier, au regard de l'élan de soutien que vous avez manifesté à l'endroit de ma candidature, je mesure que ces longues années de sacrifice collectif n'ont pas été vaines ; elles ont façonné la maturité et la culture politique du vaillant peuple congolais, plus que jamais déterminé à mettre un terme au mensonge, à la tricherie et aux falsifications de plus en plus élaborées, qui ont élu domicile au sommet de notre pays.

Je mesure également la portée du sacrifice consenti par les pays partenaires et l'ONU qui, depuis la mise en place de la Mission des Nations Unies au Congo, veulent contribuer à l'édification d'un pays plus stable et plus prospère. Au-delà de l'intérêt économique et
politique pour l'Afrique et le monde de voir la RDC rompre avec une gestion prédatrice et liberticide, nous voulons que l'effort de nos partenaires constitue un réel acte d'humanisme et de solidarité auxquels je crois, et que la crédibilité du scrutin à venir honore les sacrifices des contribuables occidentaux et la mémoire des martyrs congolais.

Cependant, bien que vous ayez été nombreux à manifester votre soutien à ma candidature, beaucoup de doutes ont été exprimés ici et là sur la transparence, la crédibilité et surtout l'équité du processus électoral. Comment ne pas douter lorsque l'on assiste à l'utilisation éhontée des deniers du peuple congolais par les acteurs et candidats du pouvoir PPRD/AMP, qui prétendent faire divers dons aux populations abusées et spoliées. Ils monopolisent les médias d'Etat et battent impunément campagne en déniant à l'opposition le libre accès aux moyens publics. Nous ne sommes pas à notre première expérience de déni de démocratie de la part du pouvoir PPRD/AMP. Les congolais ont encore en mémoire le traumatisme des élections de plusieurs gouvernements provinciaux, tronquées par la corruption et l'intimidation, et face auxquelles les contestations populaires légitimes ont été réprimées
dans une sanglante barbarie. N'ayant pas d'autre objectif que de se maintenir à tout prix au pouvoir, ils ont unilatéralement décidé de changer les règles du jeu démocratique qu'ils avaient eux-mêmes fixées, et ce à quelques mois de l'échéance électorale.

Enfin, je lance un appel pressant à toutes les forces démocratiques, de changement et de progrès social, nationales et internationales, au-delà des clivages politiques ou idéologiques, à unir leurs énergies et leurs moyens autour de ma candidature, pour barrer la route à l'imposture, par une grande mobilisation populaire et une vigilance tous azimuts sur le déroulement des prochains scrutins. C'est ici le lieu de renouveler mon appel à chaque congolais, de se sentir personnellement concerné, en s'assurant que son vote sera réellement comptabilisé, et de faire échec à toute tentative de tricherie, d'où qu'elle vienne, le jour du scrutin.

5° Notre action demain

Je vous ai demandé de m'accorder votre confiance. Je mesure l'ampleur des défis et de la tâche qui nous attendent sur les plans politique, sécuritaire, économique et social. Avec l'aide de Dieu qui m'a toujours fermement soutenu et préservé pendant ma longue lutte, je me consacrerai à restaurer l'espoir et la confiance entre nous et avec l'extérieur.

Au plan politique et de la gouvernance, j'ai pris le ferme engagement de gouverner avec l'ensemble des forces politiques qui ont fait le choix de l'alternance autour de ma candidature. Par ailleurs, j'ouvrirai un espace à toutes les forces politiques actuelles qui
renonceront à la ruse, à l'opportunisme et au crime, et adhéreront à notre projet de paix, de réconciliation, de consolidation de la démocratie et de lutte contre la corruption.

Je créerai un environnement où seules les personnes consacrées et réellement engagées trouveront plaisir à s'adonner à la gestion de la chose publique, où l'espace politique cessera d'être un repère d'opportunistes, de criminels et de vagabonds politiques en tout genre.

En matière économique et sociale, je favoriserai la création d'un climat nouveau, propice à la créativité et l'émulation, susceptible d'attirer et de retenir massivement de nouveaux investisseurs, et de remettre les Congolais au travail, grâce à un climat des affaires
nettement amélioré et une confiance durablement rétablie.

J'ouvrirai des perspectives nouvelles de coopération et d'échanges avec nos principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux, afin de permettre une croissance économique porteuse d'emplois et un développement humain accéléré en faveur de nos populations. J'approfondirai nos relations fraternelles et complémentaires avec nos pays voisins, avec lesquels nous sommes condamnés, par la géographie, l'histoire et la sociologie, à avoir des rapports réellement fraternels, pacifiques, responsables et constructifs. Ma vision en ce qui concerne nos relations avec ces pays est de substituer des rapports de méfiance et de conflits par des intérêts économiques partagés, profonds et durables, grâce notamment aux cadres d'intégration existants. Pour la paix et le développement humain de nos populations, l'Afrique a le devoir de se montrer à la hauteur des enjeux de l'histoire, comme ont su le faire avant nous l'Europe et d'autres parties du monde.

Mon programme pour le quinquennat, élaboré par l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social, ainsi que les autres membres de la plate forme qui soutient ma candidature, a été développé dans le document propositions pour changer le Congo. Je vous invite à vous en imprégner. C'est ensemble que nous le réaliserons, dans l'ouverture et le dialogue constructif.

Le Congo sera ce que les Congolais veulent qu'il soit. J'en appelle à la conscience et au sens des responsabilités de tous. Nous avons une communauté de destin. Le moment est venu de porter notre bien commun, la RDC, vers de nouveaux horizons ; des horizons de justice et de paix, de liberté et de prospérité. Nous le devons à la Providence, à nos enfants et aux générations futures.

Que chaque Congolais donne le maximum et le meilleur au Congo; devenu grand et fort, il nous le rendra plusieurs fois !

Mes chers amis,

Partagez mon message autour de vous, dans vos familles, vos cellules, vos quartiers ou villages' Soyez toujours en paix et ne cédez pas à la provocation. Je m'organise pour venir à la rencontre du plus grand nombre d'entre vous à travers tout le pays. Comme vous le savez, nos moyens sont limités. Mais grâce à chacun d'entre vous et à votre participation volontaire, notre force est la plus grande. Et je sais pouvoir compter sur votre volonté de changement et votre détermination à vaincre, pour faire la différence.

Que Dieu bénisse notre Nation.

Fait à Kinshasa, le 01 septembre 2011.

Etienne TSHISEKEDI"

03 septembre 2011

Visite du président Kagame en France : démêler le vrai du faux

La visite du président rwandais Paul Kagame en France les 12 et 13 septembre est une étape importante dans le rapprochement entre les deux pays. Pourtant en France , des militaires hauts gradés, anciens du Rwanda, proclament leur opposition à cette visite qui provoquerait selon eux  « l'humiliation de l'armée et à travers elle, celle de la France. ». Journaliste et écrivain, Jean-François Dupaquier, par ailleurs expert auprès du Tribunal Pénal  international pour le Rwanda (TPIR), poursuit le décryptage de ces oppositions avant d’évoquer la nature du régime rwandais dans le prochain et troisième volet de cette interview.

Afrikarabia logo.png- AFRIKARABIA : Avant d’aborder la situation au Rwanda aujourd’hui, pouvons-nous revenir sur les déclarations les plus polémiques du moment ? Dans une interview au quotidien Sud-Ouest, le général Tauzin déclare que si génocide des Tutsi a eu lieu en 1994, il fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’observe que la liberté d'expression est un droit fondamental dans notre société, et j’espère que personne ne conteste ce droit au général Tauzin, dans la mesure où il ne s’adonnerait pas à l’invective ou à l’injure. Néanmoins, les mots ne sont pas des jouets. Ils ont de l’importance. Ils peuvent notamment blesser la mémoire de rescapés ou inciter à la haine.

- AFRIKARABIA : Quel est le pouvoir des mots dans un génocide?

- Jean-François DUPAQUIER : Le professeur George P. Fletcher de l’Université Columbia (Etats-Unis), souligne qu’aussi bien sur la négation de l’Holocauste que sur le génocide arménien, « les mots sont devenus un champ de bataille ». Il ne connaissait pas le génocide contre les Tutsi qui pose les mêmes questions. A ce sujet il faut rappeler que la Radio des Mille collines (RTLM) qui a joué un rôle crucial dans la passage au crime massif se définissait comme « l’état-major des mots ». Les génocidaires rwandais, et tous les enragés ralliés à leur cause, ne cessent de jouer sur les mots, sans souci de blesser les rescapés et les autres victimes.

- AFRIKARABIA : En jouant comment sur les mots ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dans son livre « Je demande justice pour la France et ses soldats », le général Tauzin, je crois l’avoir déjà relevé, met généralement entre guillemets le mot génocide, lorsqu’il s’agit des Tutsi, pour montrer qu’il doute de la réalité de ce génocide. Dans son interview à Sud-Ouest voici quelques jours, il ajoute que ce génocide n’aurait fait que 200 000 victimes. C’est un des argument habituels des négationnistes que de minimiser le nombre des victimes, pour ensuite tenter de disqualifier l’événement lui-même. L’historien Pierre Vidal Naquet, qui avait en son temps dénoncé les crimes de l’armée française en Algérie, a suffisamment analysé les acrobaties intellectuelles des négationnistes pour qu’il soit nécessaire ici d’y revenir en détail. Que de hauts gradés français enfourchent aujourd’hui ce cheval de bataille fourbu n’apporte rien qui contribue à leur gloire ni à leur honneur. Et moins encore à l’œuvre de justice.

- AFRIKARABIA : Pourquoi des hauts gradés français sombreraient-ils dans le négationnisme ?

- Jean-François DUPAQUIER : On sait à présent par de nombreux Rwandais, mais aussi par des témoins directs belges, suisses ou français, que lors de l’opération Turquoise, des responsables militaires français sur le terrain ont  fait passer la consigne qu’ils venaient empêcher l’extermination des Hutu par les Tutsi. C’était déjà l’ordre de conduite secret de l’opération Noroit, entre 1990 et 1993. C’est là qu’il faut chercher l’origine de leur négationnisme actuel et les ambiguïtés, pour ne pas dire plus, de l’opération dite « militaro-humanitaire » Turquoise. C’est aussi pourquoi, pendant trois jours, en pleine opération Turquoise, les rescapés tutsi de Bisesero ont été abandonnés à leurs tueurs par les militaires français. Avec pour effet que la moitié d’entre eux ont été exterminés. On a vu à Bisesero comment des directives militaire fallacieuses aggravent le carnage.

- AFRIKARABIA : Et quand le général Tauzin dit que le génocide contre les Tutsi fut « spontané » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Dire que ce génocide fut « spontané » participe de la même imposture intellectuelle, car par principe un génocide est un crime d’Etat et n’a rien de « spontané ». Prétendre qu’il était spontané revient à dire que le mot génocide serait inapproprié. C’était déjà l’argument des négationnistes du génocide des Arméniens, puis de la Shoah. Le négationnisme de l’Holocauste tente de démontrer par la présentation d’arguments fallacieux et de falsifications historiques que l’Holocauste n’a pas eu lieu. Pour le Rwanda, c’est le refrain  des organisateurs du génocide contre les Tutsi, dans leurs divers écrits et lorsqu’ils comparaissent devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Un argument qui ne tient pas : beaucoup ont déjà été condamnés.

- AFRIKARABIA : Mais ce thème de la « colère populaire spontanée » en 1994 au Rwanda est repris par bien d’autres que le général Tauzin.

- Jean-François DUPAQUIER : Oui, car c’est un autre élément important de l’argumentaire négationniste. Il s’agit de faire croire que tout le monde tue tout le monde, qu’il n’y a pas de coupables, pas d’innocent, et donc pas de justice possible : « Tous des sauvages, pas d’autre issue que de passer l’éponge… ». En quelque sorte une « noire fureur ». Quel mépris pour la vérité des faits et plus encore pour les victimes ! Vidal Naquet a écrit que “les assassins de la mémoire ont bien choisi leur objectif : ils veulent frapper une communauté sur les mille fibres encore douloureuses qui la relient à son propre passé. Ils lancent contre elle une accusation globale de mensonge et d'escroquerie”. Rien de nouveau, hélas.

- AFRIKARABIA : Le général Tauzin, dans son interview à Sud-Ouest, affirme pourtant que le Tribunal pénal international pour le Rwanda n'a relevé à ce jour « aucune organisation, aucune préparation » des tueries de 1994.

- Jean-François DUPAQUIER : Personne pour ordonner les tueries de Tutsi ? On a entendu les mêmes sornettes concernant la Shoah. Le négationniste emblématique Faurisson s’était rendu célèbre par cette formule : « Jamais Hitler n'a ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion ».
Tauzin n’a évidemment pas la même pointure. Ses déclarations à l’emporte-pièce laissent penser qu’il n’a rien lu de sérieux sur le génocide contre les Tutsi du Rwanda, qu’il n’est pas bien informé. En tout cas, il ferait mieux de ne pas citer le Tribunal pénal international dont les jugements n’ont rien à voir avec ce qu’il affirme. Dans un  célèbre arrêt, le TPIR a déclaré le génocide des Tutsi « un  fait avéré ». Pour le TPIR, il y a eu un seul génocide, sans guillemets, celui des Tutsi du Rwanda, n’en  déplaise aux propagandistes de la thèse du « double génocide ».

- AFRIKARABIA : Vous n’avez pas complètement répondu à la question : quel a été le degré de préparation du génocide de 1994 contre les Tutsi ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il n’est pas possible dans le cadre d’une interview d’énumérer tous les témoignages, tous les document qui attestent de la préparation méticuleuse du génocide depuis fin-1992, début-1993. Lisez plutôt « Aucun Témoin ne doit survivre », résultat de la monumentale enquête de la FIDH et de Human Rights Watch, ou « Les Médias du génocide » ou encore mon livre, « L’Agenda du génocide », tous parus aux éditions Karthala. Le témoignage du général Dallaire, dans son autobiographie « J’ai serré la main du diable » (Ed. Libre Expression), est éclairant. Et bien d’autres. On ne peut pas faire le tour de cette question épineuse en quelques phrases. Rappelez-vous qu’on débat aujourd’hui encore des conditions dans lesquelles a été décidée par Hitler et sa clique l’extermination des Juifs d’Europe. Soixante-dix ans plus tard. Pour les Arméniens de Turquie, le débat fait rage depuis presque un siècle !

- AFRIKARABIA : Pourtant, l’historien français Bernard Lugan, qui a été témoin-expert de la défense dans le procès Bagosora, a déclaré dans la revue « Médias » de septembre 2009 à propos du procès Bagosora et du procès Zigiranyirazo : « Ces deux jugements bouleversent (…) la perspective historique de ce génocide. Ils établissent que celui-ci n’a pas été prémédité (…).  Aucun des quarante éléments présentés par l’accusation pour tenter de prouver la planification du génocide n’a en effet été considéré comme probant par les juges qui ont estimé que le procureur n’a pas établi le bien-fondé de sa thèse » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il est navrant  d’entendre ce genre d’argument  de la bouche d’un général en retraite, qui est tout sauf un intellectuel et qui, visiblement, répète ce qu’il a entendu ici ou là. Mais je pose à mon tour une question ; comment qualifier les contrevérités proférées par un historien, supposé plus rigoureux dans sa démonstration. ?

- AFRIKARABIA : En quoi s’agit-il de contre-vérités ?

- Jean-François DUPAQUIER : Excusez-moi  d’être un peu long, mais je vais citer quelques paragraphes ce fameux arrêt rendu par le TPIR en première instance le 18 décembre 2008 condamnant à la perpétuité le colonel Bagosora et consorts :
(...) La Chambre reconnaît sans conteste que certains faits peuvent être interprétés comme établissant l’existence d’un plan visant à commettre le génocide, en particulier lorsqu’on tient compte de la rapidité avec laquelle les meurtres ciblés ont été perpétrés immédiatement après que l’avion du Président eut été abattu. (...)  Cela étant, elle estime que le Procureur n’a pas établi au-delà de tout doute raisonnable que la seule conclusion raisonnable qui puisse être dégagée des éléments de preuve produits est que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres, pour commettre le génocide, avant le 7 avril, date à partir de laquelle il avait commencé à se perpétrer. La Chambre les a acquittés du chef d’entente [en vue de commettre le génocide].
(...) La Chambre considère qu’elle ne saurait exclure la possibilité qu’avant le 6 avril, il y ait eu en fait des plans visant à commettre le génocide au Rwanda. Elle relève que comme le fait valoir le Procureur, il ressort des éléments de preuve dont elle a été saisie certains signes propres à établir l’existence d’un plan ou d’une entente préétablie visant à perpétrer un génocide (...) Une campagne secrète visant à armer et à entraîner des miliciens civils avait également été lancée et des démarches avaient été entreprises à l’effet de mettre en place un système de « défense civile » fondé sur la mise sur pied de groupes de « résistants » (III.2.6.2). La Chambre a conclu que Bagosora, Nsengiyumva et Kabiligi ont participé, à divers degrés, à certaines de ces initiatives. Elle relève en particulier que dès le début de l’année 1993, dans le cadre de réunions tenues au Ministère de la défense après que le FPR eut repris les hostilités et commencé à progresser vers Kigali, Bagosora avait déjà consigné dans son agenda les grandes lignes des éléments fondamentaux du système de défense civile envisagé. Elle fait observer en outre que des listes principalement conçues pour identifier les complices présumés du FPR et les opposants au régime de Habyarimana ou au parti MRND avaient été confectionnées et tenues à jour par l’armée (III.2.5). Elle estime toutefois que dans le contexte de la guerre menée à l’époque contre le FPR, ces éléments de preuve ne démontrent pas invariablement que l’armement et l’entraînement de ces civils ou la confection de listes avaient forcément pour but de tuer des civils tutsis.

(...) La Chambre relève qu’à la suite de la mort du Président Habyarimana, les instruments sus-évoqués ont manifestement été utilisés pour faciliter la perpétration de tueries. Elle fait observer que lorsqu’on prend le soin de replacer ces éléments de preuve dans le contexte des meurtres ciblés et des massacres à grande échelle qui ont été perpétrés par des assaillants civils et militaires entre avril et juillet 1994, de même que dans celui des cycles de violence antérieurs, on comprend facilement qu’ils prennent un sens nouveau pour bon nombre de personnes, et qu’elles y voient la preuve de l’existence d’une entente préétablie visant à commettre le génocide. Elle considère qu’il est manifeste que ces préparatifs pouvaient clairement entrer dans le cadre d’un plan visant à commettre le génocide. [mais] lorsqu’une Chambre de première instance est saisie de preuves circonstancielles, elle n’est habilitée à rendre un verdict de culpabilité que pour autant que cette conclusion soit la seule qui puisse raisonnablement être dégagée.”

- AFRIKARABIA : D’où tirez-vous ces citations ?

- Jean-François DUPAQUIER : De le condamnation en première instance du colonel Bagosora et de deux de ses co-accusés. C’est un arrêt très long et très documenté, qui représente près de mille pages pour sa version en français, que l’historien Bernard Lugan n’a pas pu ne pas lire car n’importe qui peut le télécharger sur internet, même le général Tauzin. Ce que disent les juges, c’est que les enquêteurs du TPIR n’ont pas démontré de façon irréfutable “l’entente en vue de commettre le génocide”. Peut-être que les enquêteurs du TPIR n’ont pas fait preuve de suffisamment de compétence et d’opiniâtreté, ou que l’accusation n’a pas été conduite correctement.
A l’occasion de l’affaire DSK, le public français a pu se familiariser récemment avec le droit anglo-saxon et comprendre comment la présomption d’innocence bénéficie à l’accusé s’il subsiste une interrogation “au delà du doute raisonnable”. Ca n’a rien à voir avec l’intime conviction pratiquée en France. La question de la conspiration du génocide contre les Tutsi du Rwanda a été traitée dans le cadre de ce droit anglo-saxon, qui inspire le TPIR à Arusha, en Tanzanie, siège du Tribunal international.

- AFRIKARABIA : Est-ce à dire q’on ne pourra jamais prouver devant une cour de justice, que le génocide contre les Tutsi aurait été le résultat d’un complot ?

- Jean-François DUPAQUIER : Bien au contraire. Je vais vous citer un autre passage du même jugement “Bagosora” du 18 décembre 2008 :
“La Chambre fait observer qu’il est possible que l’accès à d’autres informations, la découverte de faits nouveaux, les procès à venir ou l’histoire permettent un jour de démontrer l’existence d’une entente en vue de commettre le génocide antérieure au 6 avril et à laquelle seraient parties les accusés. Elle souligne toutefois que son domaine d’intervention est limité par des normes de preuve et des règles de procédure strictes, ainsi que par les éléments de preuve versés au dossier dont elle est saisie et par les actes des quatre accusés sur lesquels elle se doit de centrer son attention. Elle signale que pour parvenir à sa conclusion sur l’entente, elle a pris en considération l’ensemble des éléments de preuve produits en l’espèce, tout en faisant observer qu’une fondation solide ne peut se bâtir sur la base de briques fracturées. En conséquence, la Chambre affirme qu’elle n’est pas convaincue que le Procureur a établi au-delà de tout doute raisonnable que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres en vue de commettre le génocide, préalablement à son déclenchement le 7 avril 1994.”
Vous voyez ainsi que sur cette question essentielle, l’historien Bernard Lugan ne dit pas la vérité en affirmant que le jugement Bagosora ETABLIRAIT que le génocide «  n’a pas été prémédité ». Il alimente lui aussi l’argumentaire négationniste.

- AFRIKARABIA : Le mot négationniste n’est-il pas « mis à toute les sauces », au Rwanda et ailleurs ?

- Jean-François DUPAQUIER : J’ai entendu au Rwanda certaines personnes qualifier de « négationnistes » tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame. Comme le mot génocide, celui de négationniste est trop précieux pour servir à des calculs politiciens et se retrouver vidé de sens pas sa banalisation ou son instrumentalisation politique. Il n’empêche que le négationnisme est la poursuite du génocide par les mots, une façon de tenter d’effacer la mémoire des victimes, après le martyr du groupe-cible. Ces « Eichmann de papier », pour reprendre l’expression de Pierre Vidal-Naquet, sont très dangereux.

- AFRIKARABIA : Tous ceux qui critiquent le régime de Paul Kagame ne sont donc pas des négationnistes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Evidemment. Et le régime de Paul Kagame n’est pas parfait, loin s’en faut.

A suivre...

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02 septembre 2011

RDC : L'opposition à l'heure des choix

Dans moins de 10 jours, les candidatures seront clauses pour se présenter à l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Si le Président sortant, Joseph Kabila, a décidé de se représenter, l'opposition apparaît plus divisée que jamais, avec au moins 3 candidats. Si Etienne Tshisekedi a réussi à fédérer derrière lui 80 partis d'opposition, Vital Kamerhe, Léon Kengo et Jean-Pierre Bemba hésitent encore.

élections RD.pngDepuis le début de cette pré-campagne électorale, Etienne Tshisekedi prend régulièrement de court l'ensemble de l'opposition. Le leader de l'UDPS a été le premier à se déclarer candidat, le premier tenir d'imposants meetings, le seul à manifester dans la rue contre les nombreuses irrégularités du processus électoral, le seul à rencontrer sereinement la diaspora à l'étranger... Avec en permanence une longueur d'avance sur les autres candidats de l'opposition, Tshisekedi continue de dérouler une stratégie offensive. Une stratégie simple. Sachant que pour gagner des élections à un seul tour, l'opposition doit s'avancer unie devant les Congolais, Tshisekedi n'avait que deux alternatives : négocier avec ses concurrents ou bien démontrer qu'il était le seul candidat légitime en mesure de battre Joseph Kabila et attendre leurs ralliements. C'est visiblement cette seconde stratégie qu'Etienne Tshisekedi a choisi, sans pour autant fermer la porte du dialogue avec le reste de l'opposition. Dernière preuve en date de la "stratégie Tshisekedi", la désignation le 23 août dernier du "Sphinx de Limete" par 80 partis d'opposition congolais comme candidat commun. Si Bemba, Kamerhe et Kengo manquent à l'appel de cet accord, une fois de plus Tshisekedi impose son tempo et oblige ses 3 autres concurrents à se positionner rapidement.

Pas de "1+4" à l'envers

En adoptant cette posture, le patron de l'UDPS tente d'échapper au principal écueil de cette élection : être obligé, une fois au pouvoir, de tout devoir à une multitude de personnalités hétéroclites (une dizaine de candidats se réclament de l'opposition). Il réitérerait ainsi une sorte de "1+4" à l'envers, avec un pouvoir trop morcelé pour être efficace. Car deux candidats sont fraîchement arrivés dans le cercle des opposants : Vital Kamrehe (ancien directeur de campagne du Président Kabila) et Léon Kengo wa Dondo (Président du Sénat), qui n'avait jamais indiqué jusque là faire partie de l'opposition à la Majorité présidentielle (MP).  Car qui y-a-t-il en commun entre "Tshisekedi-Kamerhe-Bemba-Kengo" si ce n'est la volonté de voir partir Joseph Kabila ? Même sur le plan idéologique on peut déceler de nombreuses divergences, avec une UDPS plutôt sociale-démocrate et un Bemba ou un Kamerhe plutôt ultra-libéraux.

10 jours pour choisir

"Laisser venir à lui ses concurrents, plutôt que d'aller les chercher", est un pari risqué pour Etienne Tshisekedi. Car en cas d'échec, la multitude de candidatures opposantes rend mathématiquement impossible toute victoire de l'opposition. Par contre, si cette stratégie se révèle gagnante, le bénéfice pour le nouveau Président de la république congolaise, Etienne Tshisekedi, sera de taille : partager "à minima" son pouvoir et gouverner ainsi les mains libres.

Il reste donc moins de 10 jours à l'opposition pour assumer ses choix. Du côté de la troïka "Kamerhe-Bemba-Kengo", deux candidats bataillent ferme pour s'imposer. José Makila (ex-gouverneur de l'Equateur) et Florentin Mokonda de l'ICN (Initiative pour un Congo Nouveau) tentent d'appuyer la candidature de Léon Kengo, le président du Sénat congolais. Alors que Clément Kanku, un proche de Bemba, penche plutôt pour Vital Kamerhe. Sans accord avec Tshisekedi, il pourrait donc y avoir 3 candidats de l'opposition... largement assez pour assurer la réélection de Joseph Kabila.

Christophe Rigaud

01 septembre 2011

RDC : La marche de l'UDPS violemment dispersée

Pour la troisième fois, l'UDPS a organisé une manifestation pour demander la transparence du processus électoral en République démocratique du Congo (RDC). Le parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi a déploré une fois de plus les violences policières qui ont émaillé cette marche. Une vingtaine de manifestants ont été blessés.

Afrikarabia logo.pngLa police congolaise a fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser la marche organisée par l'UDPS à Kinshasa le 1er septembre. Plusieurs centaines de manifestants de l'opposition souhaitaient se rendre devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour protester contre le manque de transparence du processus électoral en cours en RDC. Des élections présidentielle et législatives sont prévues le 28 novembre 2011 et l'opposition craint des "fraudes massives" lors de ce scrutin.

La marche a été stoppé avec de pouvoir arriver devant la Ceni par un important barrage policier. Selon Jacquemain Shabani, le secrétaire général de l'UDPS joint par l'agence chinoise Xinhua, "il est difficile pour l'instant d'établir un bilan de ces affrontements, la marche continue jusqu'à ce que nous allons déposer le mémorandum",  Un manifestant, sous couvert d'anonymat, a fait état de plus de 20 personnes blessées, alors que d'autres sources avaient donné le bilan d'une cinquantaine de blessés.

Christophe Rigaud

31 août 2011

Kagame à Paris : Une visite prétexte à "un flot d'inepties" selon Jean-François Dupaquier

Les 12 et 13 septembre, Paul Kagame, président de la République du Rwanda rend une “visite de courtoisie” à Nicolas Sarkozy après le passage de ce dernier à Kigali en février 2010. Les négationnistes du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 semblent s’être donné le mot pour troubler la visite. Dans une longue interview, le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier analyse l’événement. Un entretien en trois parties, dont voici le premier volet.

Capture d’écran 2011-08-31 à 23.03.12.png- AFRIKARABIA : Jean-François Dupaquier, vous donnez rarement votre opinion sur la situation actuelle au Rwanda. Pourquoi acceptez-vous aujourd’hui de répondre à nos questions à ce sujet ?

- Jean-François DUPAQUIER : Mes investigation portent sur le génocide contre les Tutsi en 1994, et j’estime qu’il faut éviter de sortir du domaine où l’on peut être reconnu pour son expertise. Ces recherches m’ont conduit au Rwanda ou au siège du Tribunal pénal international à Arusha à plus de vingt-cinq reprises depuis dix-sept ans. Mais comme journaliste je reste évidemment informé sur la réalité d’aujourd’hui. Ce qui m’amène à sortir de ma réserve, c’est le flot d’inepties qui se déverse sur internet, mais aussi dans des médias réputés sérieux, au sujet du Rwanda et du régime de Paul Kagame, en prenant pour prétexte la prochaine visite de celui-ci à Paris.

- AFRIKARABIA : Par exemple ?

- Jean-François DUPAQUIER :  Pour comprendre le caractère délirant de certains propos, notamment sur internet, rappelons tout d’abord que ce flot d’inepties n’est pas nouveau. Il est utile de mettre le prétendu «  tribalisme » au Rwanda en perspective. Après la traite négrière, depuis la première moitié du  XIXe siècle, l’Afrique noire occupe une place de choix dans les fantasmes des Occidentaux. L’épisode colonial a incarné puis cristallisé ces fantasmes au point qu’ils demeurent prégnants dans les opinions publiques européennes ou nord-américaines, servant aujourd’hui en Occident de fonds de commerce à toutes sortes d’escrocs, de manipulateurs, d’illuminés, de vendeurs de sornettes, etc., mais aussi à certains politiciens africains sans scrupules. Et il se trouve que le petit et « mystérieux » - entre guillemets - Rwanda semble focaliser ces fantasmes davantage qu’aucun autre pays d’Afrique noire.

- AFRIKARABIA : Pouvez-vous être plus précis ?

- Jean-François DUPAQUIER : Aux personnes prêtes à suivre une explication forcément longue sur l’origine de cette névrose collective, je renvoie au livre de Jean-Pierre Chrétien, « L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs » (Ed Karthala, Paris), et aux autres livres de cet éminent historien. On comprendra comment les catégories Hutu-Tutsi-Twa (Pygmées), qui existent depuis la nuit des temps au Rwanda, mais ne constituaient que des agrégations de groupes socio-professionnels fluctuants, ont été  passés à la moulinette des fantasmes raciaux européens pour être décrétés des « races » antagonistes, et à ce titre, constitutives du seul véritable enjeu politique méritant considération. Les massacres de Tutsi au Rwanda à partir de 1959, et l’extermination en 1994 d’environ 80% des Tutsi qui n’avaient pas fui leur pays (les rescapés ont été sauvés par l’avance du FPR), sont le résultat calamiteux de cette « machine à fantasmes ». Une sorte
de grenade dégoupillée par les explorateurs et missionnaires européens puis exploitée pas des politiciens rwandais prêts à tout pour s’emparer du pouvoir, puis le garder sans partage.

- AFRIKARABIA : En quoi cette histoire est-elle liée à ce que vous appelez « le flot d’inepties qui se déverse sur internet, mais aussi dans des médias réputés sérieux, au sujet du Rwanda et du régime de Paul Kagame » ?


- Jean-François DUPAQUIER : J’y viens. Le génocide contre les Tutsi en 1994 a révélé les responsabilités écrasantes de François Mitterrand et de sa camarilla – relayés sur place par les militaires français des opérations Noroit, Amarylis et Turquoise. Les uns et les autres ont réagi par des discours d’autojustification qui ont rapidement viré au réquisitoire antitutsi. Ce discours raciste « tourne en boucle », se nourrissant de lui-même par un singulier processus d’hyper radicalisation. Au point d’épouser la propagande qui a préparé puis « accompagné » le génocide au Rwanda. Nous avons mis en relief, dans le livre « Les médias du génocide » (Ed Karthala,  sous la direction de Jean-Pierre Chrétien) la propagande qui avait préparé l’extermination des Tutsi. Un génocide a besoin d’un fondement idéologique.

- AFRIKARABIA : Mais pourquoi le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994 suscite-t-il des polémiques aussi radicales en France ?

- Jean-François DUPAQUIER : Au Rwanda s’est noué l’ultime avatar de l’agitation coloniale française. Je devrais dire « l’ultime avatar du duo Mitterrand-Védrine ».

- AFRIKARABIA : Pour quelle raison parlez-vous d’Hubert Védrine ?

- Jean-François DUPAQUIER : Cet homme a été porte-parole de l’Elysée de 1988 à 1991, puis secrétaire général de l’Elysée entre 1991 à 1995, officiant donc pendant toute la période d’interventions militaires françaises au Rwanda. Et durant une période où François Mitterrand, de plus en plus malade, était sur la fin pratiquement incapable de présider. Il suffit de relire par exemple les mémoires de son médecin, le docteur Gubler, de son chauffeur Pierre Tourlier, ou encore les mémoires d’Edouard Balladur qui mentionne qu’en 1994 l’idée est apparue de faire constater l’empêchement de Mitterrand à accomplir ses fonctions. On sortait le président de son lit pour de brèves apparitions publiques.
Presque tous les Français l’ignorent, mais ils avaient pour président occulte Hubert Védrine, qui tirait toutes les ficelles du pouvoir. En particulier sur le dossier Rwanda, dont il avait fait une affaire personnelle. Aujourd’hui encore, derrière l’apparence policée du personnage, on devine une hargne hors du commun lorsque Védrine défend ce qu’il prétend devoir appeler « l’héritage de François Mitterrand » concernant le Rwanda, mais qui est avant tout son propre héritage. On pourrait employer le mot « fanatisme ». Je préfère le qualificatif d’hyper-radicalisation.

- AFRIKARABIA : Vous avez déjà parlé de « processus d’hyper radicalisation ». Est-ce que vous n’exagérez pas ?

- Jean-François DUPAQUIER : La haine des Tutsi sert à fédérer un  courant conspirationniste et négationniste inquiétant. Prenons un  seul exemple : les propos répandus par un certain Roland Hureaux sur le site de Marianne2.  Année après année, ce personnage évoque une « internationale tutsi » qui déploierait ses tentacules au service des intérêts américains et israéliens (accessoirement britanniques) afin de chasser la France d’Afrique noire.

- AFRIKARABIA : En quoi ce discours est-il négationniste ?


- Jean-François DUPAQUIER : Sans toujours nier le génocide des Tutsi de 1994, il s’agit de le minimiser ou de le banaliser en inversant la réalité : les Tutsi seraient les responsables de leurs propres malheurs, il y aurait un « double génocide », et l’Etat incarné par François Mitterrand serait une victime et non pas un coupable du génocide.

- AFRIKARABIA : François Mitterrand et ses proches, des victimes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Pour ces radicaux, le génocide de 1994 serait le produit d’un complot américain pour nuire à la France. Or le régime de Mitterrand n’a eu besoin de l’aide – ou de l’hostilité - de personne pour déshonorer la France et nuire à ses intérêts dans cette région du monde.
Le processus de radicalisation a commencé par le parapluie militaire français apporté au régime du président Habyarimana et de son épouse, qui a ainsi trouvé le temps et les ressources pour organiser méticuleusement le génocide des Tutsi. Les ultimes défenseurs de cette politique n’ont plus d’autre argument que dénoncer de prétendues tares ataviques des Tutsi. En 1994, les tueurs se justifiaient aussi en diabolisant les Tutsi. Tout ça nous renvoie à la littérature colonialiste la plus méprisable.

- AFRIKARABIA : Roland Hureaux que vous citez n’est pas le seul à propager ces thèses ?


- Jean-François DUPAQUIER : Effectivement, mais il a produit une sorte de condensé des délires sur un prétendu atavisme tutsi. Il écrit ainsi (http://roland.hureaux.over-blog.com/article-le-rwanda-les...) que « les Tutsis sont une élite africaine extrêmement douée, non seulement pour faire la guerre mais pour séduire et   pratiquer la désinformation ». Il répète sa vulgate conspirationniste le 4 août dernier sur le site de Marianne2 (http://www.marianne2.fr/Soudan-du-sud-une-independance-a-...). Sous prétexte de considération – très contestables – sur le Soudan, revoici son couplet d’un sinistre complot américain contre la France. Et l’inquisition raciale en cerise sur le gâteau : Joseph Kabila le président de RDC « est probablement tutsi ».  Selon Hureaux, qui voit des Tutsi partout.

- AFRIKARABIA : C’est une rumeur qui court depuis longtemps à Kinshasa…


- Jean-François DUPAQUIER : C’est Roland Hureaux  qui le dit. Et pourtant le père de Joseph Kabila, Laurent-Désiré Kabila, n’avait rien d’un Tutsi. Je pose à mon tour une question : est-il honorable de propager ce genre de rumeur qui semble inspiré par le fantasme ou la malveillance, et qui alimente des haines détestables en RDC ?

- AFRIKARABIA : Faut-il accorder de l’importance à de tels propos de ce Roland Hureaux, qui peuvent sembler simplement fantaisistes ?

- Jean-François DUPAQUIER : Cet individu a produit pire sur le site internet de l’hebdomadaire Marianne, très exactement le 13 février 2008. On peut y apprendre les turpitudes inouïes de « l’internationale tutsi » qui a réussi à propulser un Tutsi à la présidence des Etats-Unis. Je conseille de lire dans le texte en tapant http://m.marianne2.fr/index.php?action=article&numero...

Selon Hureaux, Obama est à la fois « un blanc déguisé en noir »  et par son père, un Kenyan de l’ethnie Luo, un « nilo-hamite ». Et il ajoute : « Eux ou leurs cousins sont au pouvoir au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en Ethiopie et au Soudan (quoique les Nilo-Hamitiques soudains se prétendent Arabes). De grands hommes politiques de la région comme Julius Nyerere, fondateur du socialisme ujamaa ou Yoweri Museveni, actuel président de l’Ouganda, en sont. …. Kabila, président du Congo est, dit-on, à moitié tutsi. »
Cet individu voit des Tutsi partout… Le ridicule ne tue pas, ou le délire obsessionnel se soigne, heureusement pour lui.

- AFRIKARABIA : On entend aussi beaucoup certains militaires français intervenus au Rwanda, comme le général Didier Tauzin, qui affirme « défendre l’honneur de l’armée française » ?

- Jean-François DUPAQUIER : Il y a en France une poignée de politiciens, certains romanciers, et divers régiments qui ont fondé leur identité et leurs réseaux sur une aventure coloniale mythique. Le Rwanda focalise d’autant plus leurs passions qu’ils sont conscients que leur identité ne repose sur rien de concret. Certains sont dans le registre d’une pensée délirante.

- AFRIKARABIA : Vous pensez à qui en particulier ?


- Jean-François DUPAQUIER : A cet égard, le récent livre du général Tauzin est un véritable monument dont je recommande la lecture. Par exemple lorsqu’il explique que les Hutu ont colonisé le Rwanda avant Jésus-Christ et les Tutsi, après (une affirmation lourde de sous-entendus) ! Lorsqu’un général Scrogneugneu se pique d’ethnologie et d’histoire des peuplements, c’est souvent amusant. Ce « pithécanthrope galonné » - pour reprendre une formule qui a été appliquée avec succès au général Bigeard –  pourrait lui-même faire l’objet d’une thèse d’ethnologie.

- AFRIKARABIA : Pour en revenir à Roland Hureaux, n’accordez-vous pas trop d’importance à un individu parmi tant d’autres qui se répandent sur certains sites ou dans les rayons des libraires ? La Toile n’est pas avare de propos sans fondement…


- Jean-François DUPAQUIER : Pas très connu en dehors de certains cercles d’excités, ce Roland Hureaux n’est pourtant pas échappé d’un asile. Il s’agit d’un  normalien et d’un énarque, professeur associé à l’Institut d’Etudes Politique de Toulouse, et qui a été membre du cabinet du Premier ministre Edouard Balladur en 1994. Son dernier article, déposé le 4 août dernier, montre que la venue du président Kagame à Paris a porté au paroxysme son excitation. Il n’est hélas pas le seul.

- AFRIKARABIA : Vous pensez à Pierre Péan ?

- Jean-François DUPAQUIER : D’une certaine façon, oui. Ses deux livres qui ont pour fil directeur les tragédies du Rwanda, « Noires fureurs, blancs menteurs » et « Carnages » sont dans la droite ligne du roman colonial populaire : le Blanc avisé – lui-même, évidemment – apporte la Vérité à d’obscurs africains. Il décrit sommairement (forcément, puisqu’il n’a même pas mis les pieds au Rwanda) deux pseudo tribus dont l’une, sous sa plume, suscite l’aversion et l’autre la compassion. Manichéisme et paternalisme sont les deux mamelles dont se nourrit Péan. Mais ceux qui suscitent surtout sa colère sont les Blancs anticoloniaux, qu’on appelle aujourd’hui tiers-mondistes. Tout dans ses livres nous ramène au complexe de Fachoda. Une vision primaire qu’Hubert Védrine, son ami, n’hésite pas à soutenir dans un récent article de la revue Le Débat, revue qu’on a connu mieux inspirée.
Concernant Péan, le primitif n’est pas celui qu’on pourrait imaginer… La visite du président Kagame en France s’inscrit dans ce contexte très particulier.

Lire le second volet de cette interview : Visite du Président Kagame en France : démêler le vrai du faux

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30 août 2011

RDC : Kabila candidat à sa succession

Une semaine après l'investiture de son propre parti, le président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila a été investi comme l'unique candidat de la Majorité présidentielle (MP) à l'élection présidentielle de novembre 2011. Pendant ce temps, l'opposition congolaise ne parvient toujours pas à se mettre d'accord sur le nom d'un candidat commun.

Capture d’écran 2011-08-30 à 22.03.23-tiltshift.jpgA 90 jours de la prochaine élection présidentielle, Joseph Kabila a donc été désigné et investi sans surprise par le bureau politique de la Majorité présidentielle (MP) qui s’était réuni à Kinshasa. Le président sortant sera donc l'unique candidat de sa famille politique pour cette élection à un seul tour, alors que  l’opposition congolaise n’est toujours pas encore parvenue à s’accorder sur une candidature unique.

Le 24 août dernier, plusieurs partis de l’opposition réunis à la paroisse Notre Dame de Fatima à Kinshasa avaient désigné Etienne Tshisekedi, le président de l’UDPS comme candidat unique de l’opposition. Mais le reste de l’opposition, notamment le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et l’Union des forces congolaises (UFC) de Léon Kengo wa Dondo, se sont désolidarisés de cette démarche, estimant que la priorité pour l'opposition est la mise sur pied préalable d’un programme commun et non le choix du candidat à la présidentielle.

L'épreuve de force continue donc entre Etienne Tshisekedi et les trois autres candidats de l'opposition (Kamrehe, Bemba et Kengo). Tshisekedi s'estime en effet le plus légitime à représenter l'opposition à Joseph Kabila, fort de son expérience et de son appui populaire. Candidat "coûte que coûte" et "jusqu'au boutiste" à la présidentielle, le patron de l'UDPS espère bien faire plier ses concurrents, quitte à leur faire porter la responsabilité d'un échec en cas de candidatures multiples dans un scrutin présidentiel à un seul tour.

En attendant, l'UNC, le MLC et l'UFC ont mis sur pied une commission mixte chargée d’élaborer un programme commun de l’opposition et qui aura aussi à négocier avec les autres partis, dont l’UDPS, sur la question de la candidature unique.

Christophe Rigaud

Photo : Portrait officiel de Joseph Kabila (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com