06 février 2010
RDC-RWANDA : Un rapprochement pour rien ?
Après plus de 10 ans de conflits, la nouvelle alliance entre Kinshasa et Kigali pouvait laisser croire un retour à la paix au Kivu. En janvier 2009, un retournement d'alliance avait permis de neutraliser la rébellion de Laurent Nkunda, ancien allié du Rwanda et auourd'hui détenu par Kigali. Mais plus d'un an après, l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est toujours le théâtre de violents affrontements entre groupes armés. Pour le chercheur Thierry Vircoulon, ce rapprochement est un échec.
Dans un article publié par Alternatives Internationales (1), un chercheur de l'Institut français des relations internationales (Ifri) revient sur l'année écoulée au Kivu depuis l'arrestation du rebelle Laurent Nkunda. Un brusque renversement de situation, où les ennemis d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui... la RDC de Joseph Kabila s'est en effet rapprochée du Rwanda de Paul Kagame. Les deux pays se sont retrouvés sur des objectifs communs : la neutralisation de la rébellion de Nkunda et la traque aux rebelles hutus des FDLR au Kivu.
Thierry Vircoulon porte un jugement sévère sur le bilan de se rapprochement. Même si Laurent Nkunda a effectivement été arrêté et si des opérations conjointes de chasse aux FDLR ont été mis en place (Umoja Wetu et Kimia II), les résultats sont "loin d'être à la hauteur" pour le chercheur français. Selon Thierry Vircoulon, "la traque aux FDLR a tourné court (...) et cette échec militaire coïncide avec l'absence de progrès dans la très attendue normalisation politique". L'ancien mouvement de Laurent Nkunda, le CNDP, attend toujours son intégration dans l'appareil décisionnaire congolais et son entrée au gouvernement. L'incorporation des troupes rebelles au sein de l'armée congolaise (FARDC) est tout aussi virtuelle et le CNDP continue de faire la loi dans ses fiefs (Masisi et Rutshru).
Pour ce spécialiste de l'Afrique, "l'histoire bégaie dans les Kivus (...) le processus de paix s'apparente en définitive à une pièce de théâtre maintes fois rejouée dont ni l'intrigue ni les rôles n'ont changé".
Christophe Rigaud
(1) "RD Congo : l'histoire bégaie dans les Kivus". Thierry Vircoulon - Alternatives Internationales - Décembre 2009.
19:47 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rdc, rwanda, fdlr, ameni leo, république démocratique du congo, rd congo, kinshasa, kigali, kabila, kagame
Commentaires
Madame, Monsieur,
Je vous entends parler de paix au Kivu et initier des recherches à ce sujet d'actualité devenu presque banal. La stratégie du Rwanda, de ses supers puissances et des multinationales pour le pillage des richesses du Congo fonctionne parfaitement bien. Kabila le pantin de service n'as jamais été opposé ni à Kagame moins encore à Nkudatte Bastrwari son frère d'arme et de sang. Après avoir massacré des milliers de Congolais, ce dernier coule des jours meilleurs au Rwanda sa patrie. Alors, parlez vous de paix? ou de rumeurs de guerre. Antérieurement de même que présentement des milliers de Congolais ont été et sont exterminés chaque jour sans que personne ne prenne le courage de dénoncer cette barbarie et inculper les auteurs bien connus de tous. Les Congolais n'ont pas certes la culture de la violence mais, ce que le monde entier laisse faire, coutera bientôt très cher aux auteurs de crime contre notre peuple. Kagame ne cesse de parler de génocide chaque jour, cela est devenu une obsession machiavelique pour lui, afin de continuer à garder le pouvoir au lieu de travailler considérablement pour la réconciliation de son peuple.
En son temps, Nelson Mandela et l'ANC ont beaucoup travaillé pour la réconciliation nationale et pardonné les auteurs de crimes du régime d'apartheide en Afrique du sud. Face à l'ampleur des violences, cette sage demarche n'est pas facile à entreprendre mais, nous constatons que cette état d'esprit des hommes et femmes nobles a payé.
Meilleures salutations
Djapupu
Écrit par : Djapupu | 07 février 2010
Monsieur Thierry Vercoulon est sans doute un chercheur, mais sur le point précis du rapprochement Congo-Rwanda, je pense qu'il n'a pas trouvé l'essentiel. S'il croit vraiment que l'histoire bégaie dans le Kivu, c'est qu'il ne s’identifie guère au vécu des habitants de la ville de Goma dans le passé par exemple. Mais à vrai dire, nul ne saurait lui en tenir rigueur.
Des habitants de Goma qui, par deux fois en autant d'années, se sont trouvés assiégés par les troupes de Nkunda sans que l'armée gouvernementale puisse faire autre chose que déferler sur leur ville en fuyant, non sans les soumettre à toutes sortes d'exactions. Une menace et une humiliation qui ne pèsent plus sur le Congo à la satisfaction de ses citoyens normalement constitués je suppose, dans la mesure où la mise à nu des faiblesses existentielles d'un pays ne devrait réjouir aucun citoyen conséquent, fut-il de l’opposition politique au pouvoir en place.
Toujours est-il que le Rwanda a rempli la partie du contrat qui lui incombe: faire en sorte qu'une rebellion cesse sur le territoire du voisin, en attendant que ledit voisin arrive à neutraliser l'armée qui porte dans son acronyme (FDLR), sa volonté de "libérer" le Rwanda après y avoir perpétré un génocide. Le Rwanda n'aura pas extradé Laurent Nkunda c'est vrai. Mais même sans savoir si cette extradition figurait vraiment dans l'accord conclu entre les deux Etats à la surprise de tant d'observateurs, l'impact de la non-extradition de la personne de Nkunda est absolument nul sur les ENJEUX qui comptent, comme la pacification nationale et régionale.
Tant que l'armée de Nkunda ne menace plus l'intégrité du territoire sur lequel elle opérait, on ose croire que le défoulement cathartique attendu sous forme de procès public par tant d'agitateurs d'épouvantails n'aurait pas nécessairement de quoi réjouir le peuple, si à l'ouverture d'un éventuel procès Nkunda, était publié le compte du jour en nombre de morts dans les territoires abandonnés à la prédation des FDLR depuis des années. Festoyer sur fond de justice-spectacle ne devrait distraire quiconque du devoir de mobiliser son pays et même le monde, pour que cesse la persécution de milliers de concitoyens réduits en semi-esclavage par une armée étrangère d'occupation, comme tant d'informations le confirment encore et toujours.
Est-il nécessaire d’ajouter que l'extradition de Nkunda poserait problème au Rwanda lui-même? Pour un pays qui s’est parfois vu refuser l’extradition de ses propres citoyens accusés de génocide, au prétexte qu’ils ne bénéficieraient pas d’un procès équitable, (alors même que sa justice était jugée crédible par d’autres), le Rwanda aurait eu quelque difficulté devant l’opinion internationale, à justifier l’extradition d’un homme vers la RDC où la peine de mort a toujours cours, alors que lui-même l’a sorti de son arsenal juridique. La RDC où les cris de haine de ses ennemis, y compris sur la toile internet, démontrent à eux tout seuls que Nkunda n'y bénéficirait pas d’un procès normal. Devant un sytème judiciaire guidé par des enquêteurs apparemment myopes de surcroît, si l’on songe que neuf ans après les faits, le Président lui-même attend justice pour l’assassinat de son père devant témoins.
Il reste que dans la traque des FDLR, la RDC est sur la bonne voie, après avoir identifié le problème là où il se trouve. A savoir, dans l'existence de cette armée étrangère qui occupe dans la terreur des pans entiers du territoire national, tout en menaçant de “libérer” le pays voisin. La communauté internationale marque aussi un certain réveil face aux crimes des FDLR, comme le récent rapport des experts onusiens le montre. Celui-ci vient de démonter les implications nationales, régionales et internationales dans l’exploitation des ressources congolaises, via l’instrumentalisation de l’ex-armée génocidaire rwandaise, au profit de réseaux mafieux ayant pignon sur rue dans les pays développés dont les industries sont à la source de la demande en “minerais du sang”, alors que les FDLR sont à la source de la production dans les régions forestières congolaises soumises à leur loi d’airain. Il y a de quoi se demander si ce n’est pas à la lumière de ces intérêts mafieux qu’il conviendrait de comprendre les motivations de ces gens qui osent citer Mandela en exemple, pour demander au Rwanda d’amnistier les FDLR? Comme si le Rwanda était habilité à les amnistier des crimes commis en 15 ans contre les populations congolaises! Rêver à haute voix de solder le sang de leurs compatriotes à si bon compte, sans encourir la haute trahison, ces patriotes à l’envers ne manquent ni de pot ni de culot...
Etranges ces gens... Ils ont beau savoir que le Rwanda a réintégré depuis 15 ans des dizaines de milliers d'anciens soldats perdus des FDLR dans les forces de défense rwandaises ou dans la vie civile, et que c’est même l’ancien commandant en chef des FDLR qui préside la commission ad hoc. Ils ont beau lire partout que le Rwanda est le modèle mondial de réconciliation d'une société civile, l’exemple le mieux réussi de restauration d’institutitons étatiques ruinées par l’incurie politique ou guerrière, cela ne les empêche pas de plaider encore et toujours pour l’impunité des FDLR, ces tueurs qui depuis 15 ans martyrisent leur peuple. Sur son territoire national. Drôles de patriotes...
On a beau leur dire que contrairement à ce que des ONG avides de financements leur avaient dit, ils n’ont pas perdu - Dieu merci - cinq ou six millions de compatriotes dans des massacres dont “les auteurs sont connus” comme ils disent - formule qui dévoile leur embarras à mettre un nom sur ces auteurs de massacres jamais cités devant la moindre juridiction au monde - les voilà tout attristés de ces millions de deuils heureusement imaginaires. Etranges vraiment ces gens...
Et pourtant... N'en déplaise à ceux qui prétendent que l'amélioration du climat entre deux nations africaines n'a aucune importance, n'en déplaise à ceux qui se congratulent secrètement de la persistance du cancer FDLR sur le corps des populations congolaises et dans l’exacerbation des litiges entre deux pays voisins et frères, n’en déplaise à ceux qui jouent le jeu criminel de ces FDLR pour dire que plus on les traque, plus ils tueront du Congolais, n’en déplaise à ces faux nationalistes démissionnaires, qui préconisent l'abandon pur et simple de la traque des FDLR, et donc l'abandon pur et simple de la souveraineté de leur pays sur son territoire... n’en déplaise, disais-je, à la bizarrerie insondable de leurs motivations comme de leurs raisonnements, le renforcement de l'amitié entre les gouvernements et les peuples congolais et rwandais... telle est la seule voie de sortie pour nous tous. Et tel sera le visage de notre commune victoire.
Écrit par : seruvumba | 07 février 2010
Comment Thierry Vircoulon, le spécialiste de l'Afrique, se permet-il de dire que le rapprochement de deux nations ne sert à rien? Comment se permet-il de juger de la réussite d'un processus de paix qui à même pas un an alors qu'il porte sur guerre de plus de 10 ans?
Merci Monsieur Seruvumba pour votre commentaire, qui je trouve est vraiment excéptionnel et très bien rédigé.
Écrit par : T | 07 février 2010
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