18 novembre 2012
RDC : Le M23 à 2 km de Goma
Dimanche matin, les rebelles du M23 affirment se tenir à 2 km de la ville de Goma. Après avoir repris la ville de Kibumba à l'armée congolaise (FARDC) dans la journée de samedi, la rébellion a continué sa route vers la capitale provinciale du Nord-Kivu et stationne maintenant près du camp de Munigi et de l'aéroport.
L'aéroport de Goma est actuellement désert, alors qu'il est censé être défendu par la Garde républicaine. Le M23 a déclaré ne pas souhaiter prendre Goma, mais seulement "éloigner" l'armée congolaise. Autorités provinciales et militaires se seraient déjà repliées vers Bukavu au Sud-Kivu. La situation est restée calme cette après-midi à Goma. Pas de coups de feu, ni d'incidents.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
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Matata Ponyo (RDC) : Opération séduction à Paris
En visite en France pendant 3 jours, le Premier ministre de République démocratique du Congo a dressé un premier bilan économique de son gouvernement et demande "un peu de temps" pour mesurer les effets de sa politique.Le président Joseph Kabila n'avait jamais connu un si bon VRP. Un curriculum vitae irréprochable, le ton calme, les propos mesurés, "l'économiste" Matata Ponyo a tout pour rassurer. Spécialiste de politique monétaire et budgétaire, le Premier ministre est venu pour vanter les "progrès" réalisés par la République démocratique du Congo, mais aussi pour faire oublier les tensions du Sommet de la Francophonie. Missions délicates.
Indicateurs économiques au beau fixe
Sur le plan macro-économique, Matata Ponyo affiche de bons résultats : un taux d'inflation "en dessous de 3%", un Franc congolais "stable" avec l'euro et un taux de croissance en progression pour l'année 2012 (7,2%)… Seul souci, ces bons chiffres ne semblent toujours pas bénéficier à la population congolaise dont presque 70% vit encore sous le seuil de pauvreté (- de 2$ par jour). Pour inverser la tendance, Matata Ponyo compte sur le secteur privé pour être "le moteur de l'économie" congolaise et sur les investisseurs étrangers pour venir faire des affaires en RDC. Là encore, il y a deux problèmes récurrents : la corruption quasi endémique, que l'opération "tolérance zéro" n'a pas endigué, et le retour de la guerre à l'Est du pays qui auraient plutôt tendance à faire fuir les projets d'investissement.
Un peu de patience...
Les bonnes intentions sont là, mais la route paraît bien tortueuse pour le Premier ministre congolais. L'année écoulée a vu reculer la RDC dans le classement Doing Business 2013. Le Congo se retrouve classé à la 181ème place sur… 185. Mais Matata Ponyo a rappelé qu'en avril dernier, la RDC avait adhéré à l'OHADA, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires et que des progrès étaient en cours, comme la mise en place (un peu chaotique) de la TVA, le nouveau code des douanes ou le renforcement de la sécurité juridique et judiciaire pour les entreprises. Le Premier ministre espère bien que ces réformes porteront leurs fruits dès 2013. Matata Ponyo demande donc un peu de temps et de patience pour mesurer les effets positif de sa politique. Son gouvernement est en effet au commande depuis depuis seulement 6 mois. Mais avec un budget lilliputien de 8 milliards de dollars, la marge de manoeuvre de Matata Ponyo apparaît très limitée.
Aucun contrat de signé
Au cours de sa visite de 3 jours en France, le Premier ministre conoglais a rencontré Jean-Marc Ayrault, son homologue français, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, Pierre Canfin et Yamina Benguigui chargés du Développement et de la Francophonie, mais aussi les patrons du MEDEF. Matata Ponyo a affirmé "qu'aucun contrat n'était en cours", mais a confirmé l'intérêt de la société Total dans le secteur des hydrocarbures à l'Est de la RDC. Un bémol cependant, la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour dans la région, avec la reprise des combats entre les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et l'armée régulière autour de la ville de Goma.
Clin d'oeil à la diaspora
Comme souvent dans ce genre de déplacement à l'étranger, le Premier ministre congolais a souhaité s'adresser à la diaspora congolaise, très présente en France. Matata Ponyo a donc insisté pour que ces Congolais investissent de nouveau au pays. Pour le Premier ministre, les Congolais de l'extérieur ne doivent plus hésiter à venir "faire des affaires en RDC". Pas sûr qu'un tel message soit complètement entendu par la diaspora congolaise de France, majoritairement hostile au régime de Joseph Kabila.
Droits de l'homme et démocratie
Les deux points noirs de la situation en République démocratique du Congo restent le conflit qui agite l'Est du pays depuis plus de 15 ans et la situation des droits de l'homme et de la démocratie. Sur ces sujets, le Premier ministre est moins convaincant (ou moins convaincu, lui-même par la politique qu'il doit défendre). Sur le processus de démocratisation, qui "doit se poursuivre", selon lui, le Premier ministre reconnaît "des erreurs" pendant les élections très controversées de 2011. Mais la Commission électorale (CENI) à la base des fraudes est toujours en place et peine à se réformer. Comme preuves des progrès démocratiques de la RDC, Matata Ponyo note la présence de "150 députés de l'opposition à l'Assemblée nationale"… un argument un peu faible pour justifier les nombreuses irrégularités des dernières élections. "Quelques soient les erreurs et les insuffisances, l'expression démocratique s'est affirmée", insiste le Premier ministre. Pas un mot sur les arrestations arbitraires d'opposants politiques ou sur l'affaire Chebeya, qui tourne à la parodie de justice, depuis que l'on sait que le principal suspect, John Numbi, ne sera pas jugé.
Concernant la situation sécuritaire au Nord-Kivu, le Premier ministre a confirmé que le rapport final des experts de l'ONU mettait en cause des "officiels rwandais" dans le soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Matata Ponyo a indiqué avoir reçu "une oreille attentive" des autorités françaises sur le sujet et souhaite voir renforcer le mandat des casques bleus de la Monusco (voir vidéo).
Conférence de presse d'Augustin Matata Ponyo à... par ChristopheRigaud
Si Matata Ponyo reste le meilleur atout de Joseph Kabila pour rassurer la communauté internationale et les nombreux bailleurs du Congo, sa seul présence ne suffit pas à faire oublier les nombreux errements du régime. Depuis les élections chaotiques de novembre 2011 qui ont fortement affaibli l'autorité de Joseph Kabila et le retour des combats au Nord-Kivu, la RDC entre de nouveau dans une zone de forte turbulence. Si Matata Ponyo demande un peu de patience aux Congolais pour voir la situation s'améliorer… le temps presse.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Matata Ponyo à Paris - Novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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17 novembre 2012
RDC : L'armée rwandaise impliquée au Nord-Kivu ?
Le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) dénonce ce samedi la participation de l'armée rwandaise (RDF) aux côtés des rebelles du M23. Kinshasa affirme que "3.500 éléments M23 et RDF" ont repris la ville de Kibumba "en passant par la frontière de Ruashi". Le M23 et le Rwanda démentent ces informations.Après 3 mois de statu quo, les armes ont de nouveau parlé au Nord-Kivu. Depuis le 15 novembre, les combats ont donc repris entre les rebelles du M23 et l'armée régulière congolaise (FARDC). Le Sommet de la Francophonie en octobre et les élections américaines début novembre avaient calmé les ardeurs guerrières. Mais les infructueuses palabres de Kampala ont eu raison de la patience des belligérants. Qui a déclenché les hostilités ? Impossible de le dire pour le moment tant la situation est confuse autour de Goma. Le M23 accuse l'armée régulière (FARDC) d'avoir attaqué les premiers, alors que Kinshasa affirme le contraire. Seule certitude, depuis environ deux semaines, les positions du M23 avaient été fortement renforcées.
Au centre des combats, la localité de Kibumba. Jeudi 15 novembre au matin, les autorités congolaises affirment qu'un millier de combattants du M23 attaquent la ville. Quelques heures plus tard, l'armée congolaise repousse le M23, causant la morts de 113 rebelles. Toujours selon le gouvernement, le 17 novembre à 4 heures du matin, "3.500 éléments M23 et RDF" (l'armée régulière rwandaise, ndlr) ont repris la Kibumba "en passant par la frontière de Ruashi".
Ce samedi, les autorités congolaises ont clairement accusé le Rwanda voisin d'être derrière la victoire militaire de Kibumba. Kinshasa affirme que les défaites successives de l'armée congolaise ne peuvent s'expliquer que par une implication "massive" d'une "armée étrangère". Ce que dément formellement Kigali et le M23.
Le Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, tout juste de retour de Paris, a tenu aujourd'hui une réunion extraordinaire du Conseil des ministres. Le gouvernement a apporté de nouveaux éléments de la présence de l'armée rwandaise dans les combats du Nord-Kivu. Selon Kinshasa, "3 bataillons" de l'armée rwandaise (RDF) commandés par le général Ruvusha, "2 unités spéciales" et "1 unité d'artillerie lourde commandé par le général Gatama Kasumba" auraient participé aux combats dans la bataille de Kibumba.
Le gouvernement congolais révèle ensuite qu'un sergent de l'armée rwandaise, Claude Rugamba, aurait été capturé par les FARDC. KInshasa indique également que "sur la dépouille mortelle du lieutenant-colonel Maombi, un officier des RDF, a été retrouvé un appareil de communication avec un SMS : " ce plan a échoué. Repliez-vous avec vos hommes. On va monter un autre plan".
Il est bien sûr impossible, pour l'instant, de vérifier ces informations. Le M23 affirme avoir été attaqué par les FARDC et Kigali dément catégoriquement la présence "d'un seule de ses hommes" au Nord-Kivu. La situation est encore très floue sur le terrain où il est très difficile de reconnaître un rebelle du M23 d'un soldat rwandais puisqu'ils portent le même uniforme. L'aveu provient d'un officier congolais.
Selon les dernières informations disponibles, la Monusco, la mission de l'ONU présente sur place, aurait lancé une attaque sur les positions du M23, au moyen d'hélicoptères (Mise à jour samedi 17 novembre à 22h10).
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
22:29 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (6)
14 novembre 2012
RDC : Les 4 vérités de Roger Lumbala
Dans une longue interview accordée à Afrikarabia, l'opposant Roger Lumbala dénonce la responsabilité de Joseph Kabila dans le retour de la guerre à l'Est de la République démocratique du Congo. Roger Lumbala l'accuse également de financer l'opposant rwandais Faustin Kayumba pour s'affranchir de la tutelle de Paul Kagame. Un jeu dangereux qui plonge, selon lui, la RDC dans un nouveau conflit.Roger Lumbala revient de loin. Début septembre, l'opposant congolais est brièvement arrêté par les services de renseignements burundais à Bujumbura. Soupçonné de conspiration contre le régime de Joseph Kabila et de collaboration avec la rébellion du M23, Roger Lumbala échappe aux officiers de renseignements congolais venus le chercher par avion et réussit à se réfugier dans l'ambassade d'Afrique du Sud. Comme aucune charge ne pèse sur lui au Burundi, Lumbala regagne finalement Paris le 16 septembre 2012, où il rejoint sa famille. Le député Lumbala est ensuite convoqué par l'Assemblée nationale congolaise pour venir s'expliquer. Il demande à Kinshasa de garantir sa sécurité… en vain. Persuadé d'avoir échappé au pire, Roger Lumbala vit maintenant en exil à Paris, où nous l'avons rencontré.
- Afrikarabia : Dans une lettre adressée à l'Assemblée nationale congolaise (consultable ici) vous tenez pour responsable Joseph Kabila de l'insécurité qui règne en République démocratique du Congo. Vous dites même, que selon vous, il a organiser l'instabilité du pays. De quels éléments disposez-vous pour dire cela ?
- Roger Lumbala : On dit que assumer des responsabilités dont on a pas la compétence est un crime. Aujourd'hui Joseph Kabila n'est pas en mesure d'imposer l'autorité de l'Etat et d'assumer ses responsabilités. Il a une responsabilité toute particulière dans ce qui se passe à l'Est de la République démocratique du Congo. Au mois d'avril, Bosco Ntaganda m'appelle pour me solliciter et me demande d'aller discuter avec lui à Goma. Il s'agit d'une vielle connaissance lorsque nous étions au RCD-N. Il y avait à l'époque Laurent Nkunda, Makenga et les autres… ils nous respectaient beaucoup. Il m'appelle et je réponds positivement, car à l'époque il se passait déjà des choses à l'Est. Etant républicain, j'ai tenté d'appeler le président de l'Assemblée nationale (Aubin Minaku, ndlr), qui n'a pas répondu. Le nouveau ministre de l'intérieur n'est pas mon ami (Richard Muyej, ndlr). Je ne peux donc pas aller vers lui pour lui raconter de telles confidences. J'ai donc appelé Adolphe Lumanu, l'ancien ministre de l'intérieur, en présence de Bosco Ntaganda par téléphone, pour qu'il écoute l'entretien. Lumanu m'a dit qu'il devait appeler le président de la République pour lui exposer le problème car il s'agissait d'une mission délicate. Le chef de l'Etat lui a déconseillé et a demandé à Lumanu de me dire de ne pas aller à Goma. J'ai trouvé cela un peu bizarre. C'est ensuite Ntaganda qui m'appelle pour me dire que Joseph Kabila l'a appelé pour lui demander de ne pas me recevoir. Etrange ? Si on revient un peu en arrière : Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Joseph Kabila déclare que pour des raisons de sécurité et de paix en RDC, il ne peut pas livrer Ntaganda. Et donc, il laisse Ntaganda dans le territoire de Rutshuru, là où celui-ci avait ses hommes. Voilà comme Joseph Kabila a renforcé Bosco Ntaganda. Ntaganda avait déjà prit de l'argent à la banque centrale de Goma. Il a ensuite arrêté un avion qui allait chercher de l'or avec de vrai-faux dollars… personne n'a rien dit… pas même le chef de l'Etat. Voilà comment Joseph Kabila alimente Bosco Ntaganda en argent, en armes et en munitions.
- Afrikarabia : Vous dites que Joseph Kabila joue double-jeu ?
- Roger Lumbala : Non, il est complice ! Sachant que Bosco Ntaganda est recherché par la CPI, Joseph Kabila refuse de le livrer, ne veut pas le déplacer, le maintient dans son fief avec ses soldats et l'alimente en argent ! Après sa réélection très controversée de novembre 2011, la pression internationale s'est accrue sur Joseph Kabila : "tu dois livrer Bosco Ntaganda", lui dit-on. Kabila prend contact et se retrouve avec Bosco Ntaganda et Paul Kagame (le président du Rwanda voisin, ndlr). Kabila expose son problème et explique qu'il a "une chape de plomb sur la tête". Il propose de ne pas arrêter Bosco Ntaganda pour le livrer à la Cour pénale internationale, mais de le garder pour le juger en République démocratique du Congo. Paul Kagame dit "non" et Bosco Ntaganda dit "non" en disant que "ce n'était pas cela le contrat". Et c'est donc à partir de ce moment là que débute les hostilités au Nord-Kivu. C'est pour cela que je dis que Joseph Kabila est responsable de ce qui se passe à l'Est de la République démocratique du Congo.
- Afrikarabia : Dans votre lettre à l'Assemblée nationale, vous dites aussi que Joseph Kabila financerait l'opposition rwandaise, en versant de l'argent au général rwandais Faustin Kayumba, actuellement en exil en Afrique du Sud ?
- Roger Lumbala : Joseph Kabila joue au jeu du chat et de la souris. Depuis 2003, Joseph Kabila verse une "prime de guerre" à Paul Kagame par l'intermédiaire de Katumba Mwamke (son plus proche conseiller, décédé le 12 février 2012, ndlr). C'est une prime pour l'aide de Kagame dans la résolution de la crise de 2003 : 25 millions de dollars chaque année. Aujourd'hui, Kabila cherche à se débarrasser de Kagame et surtout ne veut plus payer cette somme. Que fait-il ? Il décide de soutenir l'opposition rwandaise. C'est pour cela qu'Augustin Katumba Mwamke entre en contact avec le général Faustin Kayumba Nyamwasa, qui a d'ailleurs échappé à un attentat en Afrique du Sud (le 19 juin 2010, ndlr). Ils se sont rencontrés plus de 5 fois. Joseph Kabila veut donc rééquilibrer ses relations avec Kagame en soutenant l'opposition rwandaise. Joseph Kabila est aussi en "alliance" avec le pouvoir hutu du président burundais Nkurunziza. Dans cette région, on sait qu'il y a une animosité viscérale entre hutu et tutsi. C'est pour cette raison que Kayumba, qui est hutu, est soutenu pour Nkurunziza, qui est lui aussi hutu, contre Kagame le tutsi. Joseph Kabila est aussi en relation avec Agathon Rwasa (des FNL, en lutte contre le pouvoir burundais, ndlr) et Pascaline Kampayano… on n'y comprend plus rien, tout cela fait de la "bouillabaisse".
Cela explique tout de même la position du Rwanda qui pense que, lorsque vous êtes avec ses ennemis, vous devenez son ennemi. C'est ainsi que le Rwanda… (ça je ne sais pas si on peut le dire, car eux-mêmes ne le disent pas, c'est comme cela qu'ils)… tolère (voila l'expression que je peux utiliser), c'est pourquoi le Rwanda tolère le va et vient du groupe de Bosco Ntaganda (le M23, ndlr) à sa frontière.
- Afrikarabia : On peut dire que le président Joseph Kabila essaie aujourd'hui de s'affranchir de la tutelle rwandaise ?
- Roger Lumbala : C'est exactement cela. En faisant du Rwanda le diable agresseur, Kabila peut faire oublier au peuple congolais qu'il a été mal élu. Le peuple est tombé dans ce panneau là, avec la communauté internationale. Cette communauté internationale qui peut d'une certaine manière reconnaître le régime de Joseph Kabila, par le simple fait que son pays est agressé par le Rwanda. Alors que c'est Joseph Kabila qui est à l'origine de ces troubles.
- Afrikarabia : Le gouvernement vous a soupçonné de "haute trahison" et de travailler avec les rebelles de M23. Etes-vous proche de cette rébellion ?
- Roger Lumbala : Est-ce que le gouvernement m'accuse d'empêcher les FARDC de se battre ? Je ne suis ni chef d'Etat major des forces congolaises, ni ministre de l'Intérieur, ni celui des Renseignements. Dans le cas où j'aurais été en relation avec le M23, qui a empêché les FARDC de se battre ? Je ne suis qu'un élément de "distraction". Ma chaîne de télévision a été incendiée (RLTV, ndlr), le signal des deux chaînes a été coupé, on a tiré sur ma résidence à Mbuji Mayi… tout cela montre à quel point le régime de monsieur Kabila cherche à abattre Roger Lumbala. Toutes ces accusations qui sont portées contre moi… c'est parce que je suis de l'opposition.
Pour répondre à votre question, je n'ai pas aujourd'hui de relations directes ou indirectes avec le M23. Cela ne veut pas dire que je ne connais pas les acteurs du M23. Je connais beaucoup de monde, Joseph Kabila le sait très bien. Je connais Paul Kagame, James Kabarebe (ministre rwandais de la défense, ndlr)… j'ai travaillé avec eux de 1998 à 2003 (lors de la deuxième guerre congolaise, ndlr). Mais je ne me suis intéressé aux problèmes de l'Est qu'après l'appel téléphonique de Bosco Ntaganda (en avril 2012, ndlr).
- Afrikarabia : Le gouvernement congolais vous accuse également de soutenir la rébellion du colonel John Tshibangu au Kasaï-Oriental. Quelles sont vos relations avec John Tshibangu ?
- Roger Lumbala : Est-ce que John Tshibangu est en rébellion ou bien a fait défection ?
- Afrikarabia : Il a d'abord fait défection de l'armée régulière avec certains de ses hommes le 16 août 2012, puis a ensuite été accusé par Kinshasa d'être entré en rébellion…
- Roger Lumbala : … mais il n'a jamais fait la rébellion ! John Tshibangu n'a jamais pris un iota de territoire…
- Afrikarabia : A un moment donné, on a entendu dire qu'il avait pris la ville de Kabeya Kamwanga ?
- Roger Lumbala : Non, il n'a jamais rien pris. Rien n'a jamais été confirmé. Concernant John Tshibangu, il faut faire la différence entre la rébellion et la défection. Combien de militaire congolais font défection chaque jour en République démocratique du Congo ? Des milliers. Pourquoi la défection de Tshibangu intéresse beaucoup plus le pouvoir ? Parce que cela se passe dans le Kasaï… chez Etienne Tshisekedi… et chez Roger Lumbala (tous les deux sont originaires de cette province et dans l'opposition politique, ndlr). Une fois de plus, le pouvoir fait de la "distraction" pour masquer son incompétence sur le terrain.
- Afrikarabia : En cherchant sur internet, on trouve des personnes qui disent que vous étiez à Bujumbura pour chercher des armes pour John Tshibangu. Est-ce vrai ?
- Roger Lumbala : Il y a beaucoup d'extrapolation. Quand je suis allé à Bujumbura, je suis allé ensuite à Uvira et à Fizi (au Sud-Kivu, ndlr) puis je suis en revenu à Bujumbura. A aucun moment, les autorités burundaises n'ont déclaré que j'avais des armes. Sinon, j'aurais été arrêté par les autorités burundaises.
- Afrikarabia : Quelles sont vos relations avec John Tshibangu, que vous connaissez ?
- Roger Lumbala : John Tshibangu, je le connais effectivement très bien. Il était avec nous au RCD. Monsieur Tshibangu est le commandant en second de la 5ème région militaire au Kasaï. Il se trouve qu'il vient à Kinshasa avec sa femme qui avait une grossesse difficile. Personne n'a voulu l'aider à l'Etat major général. Tshibangu vient me voir et me dit : "grand frère, si tu ne m'aides pas mon épouse va mourir". Je lui ai donné 2000$ et lui m'a donné en gage un document d'une parcelle qui lui appartenait. Monsieur Tshibangu a donc pu soigner son épouse. A partir de ce moment là, il y a eu cassure avec l'autorité militaire et John Tshibangu. L'autorité qui n'arrive pas à lui donner de l'argent pour soigner sa femme lui demande d'aller se battre à l'Est ! Au Kasaï, Tshibangu rencontre un autre problème. Il s'agit du général Obed, un militaire d'expression rwandophone, comme on dit (tutsi, ndlr). Les hommes d'Obed sont les mieux équipés, les mieux nourris, les mieux payés par rapport aux FARDC (armée régulière, dont les hommes d'Obed, d'ex rebelles sont censés faire partie, ndlr). Les hommes d'Obed vivent en vase clos, sont bien nourris, font des fêtes et reçoivent les visites presque quotidiennes du général, alors que John Tshibangu, son second, n'a même pas accès au campement… Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Afrikarabia : Vous dites que c'est l'une des raisons de sa défection en août dernier ?
- Roger Lumbala : John Tshibangu a fait beaucoup de rapports là-dessus… et personne ne l'a jamais écouté ! Quand Obed apprend que Tshibangu fait des rapports, il fait lui aussi son propre rapport et Kinshasa exige alors qu'Obed ramène Tshibangu à Kinshasa, manu militari !
- Afrikarabia : Le M23, John Tshibangu et Roger Lumbala, s'ils ne collaborent pas ensemble, ont un objectif commun : pousser au départ le président Joseph Kabila. Vous pourriez vous retrouver tous les 3 si les événements venaient à mal tourner pour le président congolais ?
- Roger Lumbala : Non, pas du tout. Je suis dans une démarche démocratique. Je suis élu (Roger Lumbala est député national, ndlr), même réélu. Mais l'article 64 de notre constitution dit que le peuple congolais doit faire barrage à l'individu ou le groupe d'individus qui s'impose par la force...
- Afrikarabia : … c'est exactement ce que dit John Tshibangu pour justifier sa défection.
- Roger Lumbala : Si John Tshibangu, qui est militaire, veut utiliser l'armée pour faire barrage à Joseph Kabila… il est dans la constitution.
- Afrikarabia : On sait très bien qu'après les militaires, vient toujours le temps de la politique. Vous serez de ceux-là ?
- Roger Lumbala : Je suis un politique en vue... parmi les autres. Par mon travail, je me distingue. Je fais une politique active. On dit souvent que, quand l'arbre monte, il attrape beaucoup de vent…
- Afrikarabia : Aujourd'hui, vous êtes en exil à Paris car votre sécurité n'est pas assurée à Kinshasa. Comment envisagez-vous votre avenir politique ? Que comptez-vous faire ?
- Roger Lumbala : L'opposition. Je vais continuer dans l'opposition jusqu'à ce que le peuple congolais pousse Kabila à partir.
- Afrikarabia : Depuis Paris ?
- Roger Lumbala : Je suis à Paris, mais cela ne m'empêche pas d'aller dans d'autres pays pour aller solliciter des soutiens. Moi, je veux que le peuple congolais prenne ses responsabilités. Je ne veux pas que ce soit Roger Lumbala, le M23 ou John Tshibangu… je veux que le peuple congolais puisse faire comprendre à monsieur Joseph Kabila qu'il n'a pas été élu. D'ailleurs, nous sommes satisfait du comportement affiché par le président François Hollande, qui a bien montré à Joseph Kabila qu'il ne pouvait pas le considérer comme son homologue.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Roger Lumbala à Paris - Novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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12 novembre 2012
RDC : Une coordination pour soutenir John Tshibangu
A Bruxelles, le Front du peuple congolais pour le changement et la démocratie (FPCD) propose de trouver des "appuis financiers et diplomatiques" à la rébellion du colonel John Tshibangu. Ce haut gradé de l'armée congolaise a fait défection le 16 août dernier au Kasaï-Oriental avec plusieurs de ses hommes. Si le gouvernement congolais a lancé une importante traque dans la région pour arrêter Tshibangu, aucune information officielle n'a filtré sur l'état de cette rébellion. Afrikarabia a interrogé André Kadanda Kana, le responsable du FPCD.Alors que l'attention médiatique et diplomatique se focalise sur la rébellion du M23 qui sévit au Nord-Kivu, un colonel de l'armée congolaise (FARDC) a fait défection depuis le 16 août dernier, avec une partie de ses hommes. Retranché au Kasaï-Oriental, Tshibangu et sa troupe auraient mis en déroute, début octobre, l'armée régulière dans la localité de Kabeya Kamwanga. Le gouvernement congolais ne la jamais confirmé (voir l'article d'Afrikarabia) et la ville est aujourd'hui toujours sous le contrôle de l'armée régulière.
Depuis l'entrée en dissidence de John Tshibangu, l'armée congolaise (FARDC) s'est lancée dans une véritable traque au colonel dissident dans la région du Kasaï où il s'est retranché. Le 5 novembre, Tshibangu, qui se présente maintenant comme lieutenant général, a dénoncé les exactions de l'armée régulière dans le territoire de Dibaya où les FARDC le cherche.
Sur le plan politique, John Tshibangu revendique la victoire d'Etienne Tshisekedi (UDPS) aux dernières élections très contestées de novembre 2011 et souhaite le départ du président Joseph Kabila. Avec une rébellion à l'Est, menée par le M23, plutôt "pro-tutsi" et soutenue par le Rwanda, Tshibangu escompte créer un deuxième front "anti-Kabila" au Kasaï. Et à la différence du M23, la coordination politique du FPCD se revendique comme un mouvement "100% congolais", ne bénéficiant d'aucun soutien extérieur. André Kabanda Kana, responsable de la branche politique de John Tshibangu a répondu à nos questions depuis Bruxelles.
- Afrikarabia : Pourquoi avoir créé une coordiantion politique pour soutenir John Tshibangu ?
- André Kabanda Kana : John Tshibangu a décidé de mettre sur pied une "armée du peuple" dont la revendication est "la vérité des urnes". Il a estimé que pour mener correctement son action, il avait besoin de soutiens. Nous avons donc organisé ce front, qui est une coordination civile qui s'occupe de l'aspect politique et diplomatique du mouvement. Nous sommes aussi chargés de trouver les appuis financiers pour la réussite de son action.
- Afrikarabia : Les revendications de John Tshibangu sont politiques ?
- André Kabanda Kana : Les revendications militaires ne peuvent être soutenues que par des revendications politiques. John Tshibangu l'a dit dès le début, il revendique "la vérité des urnes". Il y a donc une vision politique derrière.
- Afrikarabia : "La vérité des urnes", cela signifie, selon vous, que c'est Etienne Tshisekedi qui a gagné les élections ?
- André Kabanda Kana : Ce n'est pas moi qui le dit. A l'issue des élections de novembre 2011 et après les fraudes, la plupart des observateurs ont dit qu'Etienne Tshisekedi était le gagnant des élections...
- Afrikarabia : ... ce n'est pas vraiment cela. Après les nombreuses irrégularités du scrutin, l'Union européenne et le Centre Carter ont plutôt dit que les résultats étaient jugés "non crédibles", sans déterminer de vainqueur ?
- André Kabanda Kana : Il doit tout de même y avoir un vainqueur de ces élections non ? Ce n'est donc pas celui qui dirige le pays qui peut prétendre avoir été élu. Nous savons qu'une grande partie des procès verbaux originaux issus des bureaux de vote montrait clairement qu'Etienne Tshisekedi était devant Joseph Kabila. Et ensuite, les fraudes et le désordre ont profité à celui qui a triché.
- Afrikarabia : John Tshibangu soutient donc clairement Etienne Tshisekedi ?
- André Kabanda Kana : Nous soutenons Etienne Tshisekedi de manière indirecte. Nous le soutenons parce que c'est lui qui a été élu par "la vérité des urnes". Si cela avait été quelqu'un d'autre, nous l'aurions également soutenu. Joseph Kabila dirige aujourd'hui par défi et a pris le pouvoir par la force. La constitution congolaise donne le droit de s'opposer à celui qui s'impose par la force. L'action de John Tshibangu est donc parfaitement justifiée.
- Afrikarabia : Quelle est la situation dans la province du Kasaï-Oriental ?
- André Kabanda Kana : Ce que je peux vous dire, c'est que certains villages sont envahis par les militaires du gouvernement de Kinshasa (FARDC, ndlr). Ces villages sont pillés et les femmes sont violées par les militaires de Joseph Kabila. On envoie l'armée congolaise pour soit disant traquer John Tshibangu et on constate que ces soldats sèment le trouble et la désolation au sein de la population civile.
- Afrikarabia : Sait-on de combien d'hommes dispose John Tshibangu ? Sur une radio congolaise, John Tshibangu parlait lui-même de 3 bataillons ?
- André Kabanda Kana : Je lui laisse la liberté de ses déclarations militaires. Je ne suis pas militaire. Moi ce qui m'intéresse c'est le résultat auquel il va arriver.
- Afrikarabia : Mi-septembre, l'Apareco, le mouvement d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller à la sécurité de Mobutu, affirmait que John Tshibangu se ralliait à lui (voir l'article d'Afrikarabia). Aujourd'hui John Tshibangu possède sa propre branche politique, qu'en est-il de vos relations avec l'Apareco ?
- André Kabanda Kana : John Tshibangu et Honoré Ngbanda ont eu à traiter ensemble. Mais ce n'est pas ma préoccupation. Aujourd'hui, il y a une coordination politique qui soutient John Tshibangu et notre préoccupation est de faire en sorte que tous les Congolais travaillent avec nous pour poursuivre notre objectif commun… Honoré Ngbanda et les autres.
- Afrikarabia : Que pensez-vous de la situation à l'Est du pays et de la rébellion du M23 ?
- André Kabanda Kana : Je n'appellerai pas le M23 une rébellion. Le M23 est constitué d'anciens membres du CNDP (une ancienne rébellion dirigée par Laurent Nkunda en 2008, ndlr). Ils sont soutenus par des forces étrangères, c'est ce que dit un rapport de l'ONU en citant le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi. Tout cela pour organiser la désolation et le pillage du Congo. Pour moi, le M23 n'est pas une rébellion.
- Afrikarabia : Pour simplifier, on peut dire que vous considérez votre mouvement comme beaucoup plus "congolais" que le M23 ?
- André Kabanda Kana : Ce mouvement est purement congolais. John Tshibangu est un Congolais 100% et tous ceux qui sont avec lui sont Congolais. La branche politique est composée exclusivement de Congolais et nous prétendons n'avoir le soutien d'aucun pays. C'est l'élan patriotique qui nous a poussé à faire cela.
- Afrikarabia : Votre mouvement est-il en contact avec Roger Lumbala, actuellement en exil à Paris et accusé par Kinshasa de vouloir aider la rébellion de John Tshibangu ?
- André Kabanda Kana : Je vous donnerais la même réponse que pour l'Apareco d'Honoré Ngbanda. Robert Lumbala est un patriote qui a fait beaucoup de chose pour ce pays. Pour cela, Roger Lumbala doit avoir été en contact avec John Tshibangu à un certain moment. Il a certainement travaillé avec lui. Roger Lumbala possède son propre parti politique, mais nous sommes avec ceux qui travaillent pour le même objectif et la recherche de la paix.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : André Kabanda Kana © DR
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